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RAYMOND BOUDON EL]~MENTS POUR UNE TH~O,RIE FORMELLE DE LA MOBILITE SOCIALE Dans un pr6c6dent article, nous avons essay6 de montrer que les recherches relatives ?~ la mobilit4 sodale gagneraient sans doute ,beau- coup s'il &ait possible de consfituer une th4orie formelle de la mobilit6 1. Cette thdorie serait, toutes proportions gard6es, de m4me type ~logique que la th4orie des cycles 6conomiques ou ~la th4orie des jeux par exem- ple. Elle consisterait en une analyse a priori de si.tuations id6alisdes re- pr6sentant des processus ,de mobilit6 simpHfi4s. Elle pourrait a.insi jouer dans la dialectique du progr6s scientifique un r61e analogue ~ celui qu'o,nt pu jouer tes modh{es math4matiques dans {e domaine de l'4co- nomie. Dans ce qui suit, nous tenterons de pr4senter ?~ titre indicatif quel- ques 614ments de cette th6or.ie. Ajoutons encore que -- pour des ra}sons de place -- nous n'avons nullement cherchd 7t montrer au niveau de cette article d'ordre purement th6orique, l'int4r& pratique et les applications possibles de cette th~orie for,melle en ce qui concerne notamment ]'analyse des donn~es empiri- ques ,de mobi, lit6. I. Quelques d4finitions 1. Instances d' orientation. I1 est connu depuis Sorokin (Social Mobility, 1927) que la mobi- lits ou comme on peut encore dire la circulation sociale est le r6sultat du passage des individus appartenant ~ un syst~me social fi t,ravers un x Essai sur la mobiIitd sociaIe en Utopie, << Quality and Quantity )>, IV ,(19.70), pp. 213-241.

Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

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RAYMOND BOUDON

EL]~MENTS POUR UNE TH~O,RIE FORMELLE DE LA MOBILITE SOCIALE

Dans un pr6c6dent article, nous avons essay6 de montrer que les recherches relatives ?~ la mobilit4 sodale gagneraient sans doute ,beau- coup s'il &ait possible de consfituer une th4orie formelle de la mobilit6 1. Cette thdorie serait, toutes proportions gard6es, de m4me type ~logique que la th4orie des cycles 6conomiques ou ~la th4orie des jeux par exem- ple. Elle consisterait en une analyse a priori de si.tuations id6alisdes re- pr6sentant des processus ,de mobilit6 simpHfi4s. Elle pourrait a.insi jouer dans la dialectique du progr6s scientifique un r61e analogue ~ celui qu'o,nt pu jouer tes modh{es math4matiques dans {e domaine de l'4co- nomie.

Dans ce qui suit, nous tenterons de pr4senter ?~ titre indicatif quel- ques 614ments de cette th6or.ie.

Ajoutons encore que - - pour des ra}sons de place - - nous n'avons nullement cherchd 7t montrer au niveau de cette article d'ordre purement th6orique, l'int4r& pratique et les applications possibles de cette th~orie for, melle en ce qui concerne notamment ]'analyse des donn~es empiri- ques ,de mobi, lit6.

I. Quelques d4finitions

1. Instances d' orientation.

I1 est connu depuis Sorokin (Social Mobi l i ty , 1927) que la mobi- lits ou comme on peut encore dire la circulation sociale est le r6sultat du passage des individus appartenant ~ un syst~me social fi t,ravers un

x Essai sur la mobiIitd sociaIe en Utopie, << Quality and Quantity )>, IV ,(19.70), pp. 213-241.

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certain nombre d'instances d'orientation: la famille, l'~cole constituent les exemples les plus fr~quemment cites de telles instances.

FormeIIement, une ir~stance d'orientarion (IO) peut .toujours &re reprrsen,tre par une matrice.

Considrrons en effet un syst~me social comprenant 1.00.0 indi- vidus. A un instant donnr, ces .i_ndividus .sont r@artis en trois classes C1, C2 et C3 avec les ef.fectifs suivants: 400, 400, 200. II s'agit ensuite de les distribuer dans trois nouvel'les classes St, tS2 et $3, classes dont les effectifs son t ]es suivants: 300, 500, 200. Cette xrpartition nouvelle peut s'effectuer d'un tr&s grand hombre de manibres diffrrentes. Mais dans tous 'les cas elXe pourra ~tre repr~sentre pa,r une matrice. Cette ma- trice aura 3 lignes et 3 colonnes. La premiere ligne indiquera la pro- portion des C1 classrs respec.tivement en $1, .$2 et $3. ,Les secondes et troisibme h'gnes donneront respectivemem la mrme information pour les C_e et ,les C3.

Considdrons par exemple la matrice suivante:

St $2 $3 Total

C~ 0,4 0,5 0,1 1,0 Ca 0,3 0,5 0,2 1,0 C3 0,i 0,5 0,4 1,0

Elle constitue une r6ponse au probl~me de r6partition posC En effet sont class6s S~: 0 ,4X400=160 C1, 0 ,3X400=120 C: et 0 , 1 • C3, soit au total, 300 ~ndividus. Son t dass6s $2 : 0,5• • C~, 0 ,5 • C2 et 0 ,5X200=100 C3, soit au ,to- tal, 500 individus. Sont dass6s $ 3 : 0 , 1 X 4 0 0 = 4 0 C1, 0 ,2 • C2, 0 ,4 • C3, soi.t effectivement 200 personnes au total.

Mais on v6rifiemit que de nombreuses autres .matrices ~:6pondent au probl~me pos6, comme par exemple la suivante:

81 $2 S3 Total

Cx 0,6 0,2 0,2 1,0 C2 0,1 0,8 0,1 1,0 C3 0,1 0,5 0,4 1,0

Nous appellerons matrices d'orientation (MO) ,/es matrices associ~es une hastance d'orien,tation (IO).

Supposons une matrice d'orientation (,MO). Elle peut :avoir des significations sociologiques tr~s diverses. F_Ale peut par exemple ddsigner:

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Pour une tbdorie /ormelle de la mobilit~ sociale 41

a) La mani~re dont des indi.'vidus das sbs dans un ensemble de catdgories de s tatut social sont ensuite dassds dans tm ensemble de ca- tdgories de ~:dussite scolaire, ou de niveaux de scolaritd,

b) La rnani~re dont le statut social dont u,n indiv.idu h~rite de par sa ramble est ensuite modi.fid quand il devient aduke (ce cas cor- respond aux cdlbbres tables de rnobilitd intergdndrationnelle),

c) La mani~re dont des individus de statut familial et de niveau de scolaritd donnds sont rdpartis dans un ensemble de catdgories de statut social. Une telle matrice indiquera la ,proportion des C1 St, des C1 $2, des C1 Ss, ..., des C3 $3 qui deviennent ~respectivement C~, C2 et C3.

Cette matrice se distingue des pr6cddentes en ce qu'elle utilise des catdgories d'en~r6e ddfinies non h partir de un, mais ~ partir de deux crit~res de classification.

d) La mani~re dont des individus classds dans un ensemble de catdgories socio,professionnetles sont ensuite classds dans un ensemble de "classes sociales',

e) La mani~re dont des individus dassds dans un ensemble de catdgories socio-professionneltes sont ensuite reclassds dans un second ensemble de c~tdgories socio.,pr~essionnolles h une ~tape ultdrieure de leur existence (mobilitd intragdn6rationnelle), etc.

Dmas ce qui suit, nous ne considdrerons que des matrices h un crit~re d'entr~e.

2. Systbme de circulation.

Nous appel.lerons syst~me de circulation (SC) une suite ordonn& d'IO.

Pour il]ustrer la signification de cette notion, supposons qu'une socidtd comporte 3 classes socinles hi6rarcki.'s6es C1, C2 et G , C3 dtant la plus dev6e. Une premiere IO peut d&rire la classification des indi- vidus appartenant de par leur famille ~ Ct, C2 ou C_e dans trois cat6go- ties dgalement hidra.rchis6es de nivea,u scolaire $1, $2 et $3. Une ~%'onde IO .pourrait alors d&rire ,la mani&re dont les ~dividus parvenus en $1, $2 ou $3 sont ensuite dassds en C,, C_,2 ou Cs. Appellant A1 la ma- trice correspondan.t A Ja premiere IO et A2 la matt'ice corr~pondant 1a deuxi~me IO, on a donc d6fini le syst~me de c~rculntion (A1 , A2).

Ce SC suppose dvidemment que le statut social d'origine intervient pour ddterminer le .niveau scolaire ma~s ne joue aucun ~ l e clans ,la dd- termination du statut social d6finitif, .lequel est exclusivement d6termind par 'le niveau scolaire.

Dans le langage de l'ana'lyse causale, ce SC correspond au schdma st~ivant:

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42 Raymond Boudon

Statut Niveau Stamt social familial scol~ire ddqinitif

) .. )

Si le statut social d'origine continue de jouer un r61e apr~s l'at- t.ribution du niveau scolaire i.1 faudra modifier la d~finifion du SC et introduire une matrice ~ deux crit~res d'entr6e.

Dans le langage de l'analyse causale, le nouveau SC correspondrait au schdma suivant:

Starer familial ) Statut social d~fini,ti~ N / '

rri~eau scolaire

3. Tableaux d'orientation.

Dans la suite, nous utitiserons, non pas les matrices d'orientation elles-mSmes, mais les tableaux d'orientation correspondan.ts (TO). Alors qu'une MO donne par exemple darts Ie cas de trois cat6gories d'entr6e C1, C2 et C3 et de trois cat6gories de sortie $1, $2 et $3 ta ,proportion des C1 qui deviennent respectivement S~, $2 et Sa, la proportion des C2 qui deviennent $1, $2 et $3, la proportion des C3 qui deviennent S,, $2 et $3, Je TO correspondant d~crit la proportion (par rapport l'ensemble) des individus class6s Ct $1, C, $2, C1 $3 (l~re tigne); C2 S~, C2 $2, C, $3 (2~me ligne); C3 St, C3 $2, Ca $3 (3~me ligne).

Ainsi le TO correspondant ~ la premi6re MO de la page 3 est le suivant:

C1 C2 Cs Total

SI 0,16 0,20 0,04 0,40 $2 0,12 0,20 0,08 0,40 $3 0,02 0,10 0,08 0,20

Total 0,30 0,50 0,20 1,00

Alors que ,le total des 616ments de ehaque ligne d'une MO est ~gal ~ 1, dans le cas d'un TO, c'est 1'ensemble des ~16ments dont le total est 6gal ~ 1.

Les totaux par ligne d'un TO correspondent h la rdpa, rtition des incfi.'vidus d~ns les catdgories d'entrde; les totaux p~r colonne ~ la ~:d- partition des ir clans les cat6gories de sortie.

l)~ns la suite nous multiplierons tous les ~l~ments des TO par

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Pour une thdorie /ormelle de la mobilitd sociale 43

1000. Avec cette convention, le tableau pr~c&tent devient:

C, C~ C3 Total

$1 160 200 40 400 Sa 120 200 80 400 8a 20 100 80 200

Total 300 500 200 1000

De fa~on g6n6rale, nous utiliserons, pour d6crire un TO, ,los nota- tions r6sum6es ci-dessous:

St $2 . . . S~ Total

C, p*1 px2 . . . p,n pl. Ca pal paa . . . pa= p=.

C= p=l p~a �9 �9 pm. pro.

Total p. 1 p.2 . . . p.n 1000

L'ensemble C1, (22 . . . . reprdser~te des cat6gories d'entr6e hi'drar- chisdes L'ensemble $1, $2, $3, des categories de sortie hi6rarchis6es. La hidrarchisation se traduit par:

G<G<. , .<c~

S l < S z < . . . < S ~ .

Dans la suite, nous consid~rerons exclusivement des TO de dimen- sion 3 • 3 cemportant 3 categories d'entr~e et 3 categories de sortie.

4. Indgalitd stricte.

Nous dirons qu'un TO de dimension 3 • 3 est ca ractgris~ par une structure d'indgalitd stricte Iorsque

p33=min (p3., p.3)

pz3=min (p2., p.3--p33)

p32=min (p.2, 'D.--Pu)

1322 "-mirl (l~:--i:~ , P.2--1:~)

[ l a ]

[ l b ]

[ l c ]

[ l d ]

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44 Raymond Boudon

Intuitivement, cette structure correspond ~ une situation o~a les places disponibles en $3, la cat~gorie de sortie la plus d&irable, seraient attribu&s en priorit~ aux individus appartenant ~ la classe d'entr~e la plus 61&&, C3, puis 6ventueHement et dans l'ordre aux C2 et aux C1, la m~me proc6dure &ant suivie pour les autres cases du TO. Un TO dot~ d'une structure d'in~galit~ stricte correspond en d'autres termes une situation ota les positions de sortie relativement les plus d&irables sont attribu&s en priorit~ aux individus relativement les mieux .plat& sous le rapport des cat6gories d'entr6e.

On peut v6rifier que le tableau suivant correspond ~ la d~finition de l'in~galit~ stri0te.

$1 $2 $3

C1 300 100 0 400 C2 0 400 0 400 C3 0 0 200 200

300 500 200 1000

5. In3galit3 relative.

La d~finition de l'in~galit~ stricte sugg~re une d6finition at t~nu& de la notion d'in6galitS. Nous dirons qu'un TO est dot~ d'une structure d'in6gal_it6 relative ,lorsqu'on a:

aVCC

pss=min (p3., p.s).a

p~=min (p~ , p.3--.p~).a

Pa2=min (p.2, ps.--l~3)'a

p==m'm (p.2--~2, l~.--1:m)" a

[2a]

[2b]

[2c] [2d]

s<a<1 D]

Dans 'le cas particulier oh a= 1, on retrouve le situation d'in~alit6 stricte pr&~demmen.t d&rite.

Supposons a=0,8 et appliquons ,la d6finition de l'in6galit~ ~rela- five ~ une siuaation analogue ~ celle du tableau pr&&lent (m~me distri- bution des effectifs dans les cat6gories C et S). On obtient le TO

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suivant:

Pour une th3orie [ormelle de la mobillt3 sociale 45

$1 S~ $3

C1 218 174 8 400 C2 74 294 32 400 C3 8 32 160 200

300 500 200 1000

Ce tableau iltustre, corn.me le prdcddent, une structure in~galitaire: les meilleures positions de sortie sont attributes en prioritd aux indi- vidus dont ta position d 'entr& est la plus ~levde. Mais l'in~galit6 est moins prononcde que dans le cas prdcddent.

6. Propridtds de a.

Les consid6rations pr~c6dentes montrent que, lorsque a = l , on a une situation d'in~gMit6 maximum: les meilleures ,positions de sortie sont toujours accord6es en priorit6 aux individus les mieux places l'entr~e. Lorsque la valeur de a d6croit, cette 'situation d'in~galitd de- vient ,moins s~v~re: ta proposition a = 0,8 signi.fie que les mei'lleurs posi- tions de sortie soit 8 fois sur 10 accord6es en priorit6 aux individus les mieux places ~i 'l'entr6e.

De faqon g6n6rale, a = 0 , 8 signifie que lorsque nl places d~sira- bles sont dispombles et que n2 candidats privil6gi~s s'y pr6sentent, 0,8.nt de ces places ,leur reviendront si nl<n2 et 0,8.n2 si n~>n2.

Plus concr~tement: si les candidats sont morns nombreux que les places, 80% d'entre eux seront places; si les can~dats sont plus nom- breux clue tes places, ils obtiendront 80% de ces places.

L'indice a repr~sente done un indice d'in6galitr I1 sou~ve cepen- dam cert~ines difficult6s logiques qui m6ritent d'&.re soulign6es.

1 ) Lorsque a est in.f6rieur ~ un certain scull s, seuil d6pendant des quanfit6s marginales du TO consid6r6, certaines des quantit6s in- ternes du TO peuvent 6tre n6gatives, ce qui est absurde. Reprenons par exemple des marges du tableau pr&6dent et posons a=0 ,2 . On obtient:

$1 $2 S~

Ct --122 394 128 400 C2 294 74 32 400 C3 128 32 40 200

300 500 200 1000

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46 Raymond Boudon

Comme on lo voi.t, les cont,raintes impos6es par les marges combin6es la valeur de a (0,20) condu}sent ?~ admettre que ~a proportion des Ct $1 est ndgative, ce qui est contradictoire avec la notion de proportion.

En d'autres termes, .i'indice d'indgalitd a est limit6 stlpdrieurement par 1. Le seuil ir~drieur s est g~n6ralement sup~rieur ~ 0. I1 d6pend des marges du TO.

Ces propositions impliquent qu'il faudrait en toute rigueur, pour comparer les valeurs al et a2 associ6es ~ deux TO, 01 et 02, normaliser l'indi'ce a, en la rapportant ~ sa valeur minimum.

Dans ce qui suit, nous consid~rerons des situations o?a a est sv0ffi- samment 61evd pour ne pas engendrer des quantitds ndgafives dans .les TO consid6r6s. D'au~e part, nous admettons quand nous comparerons deux TO, soit: 01 et 02, que leurs marges sont su~ffisamment semblables pour qu'on puisse condure de al > a2 ~ une plus grande indga]kt6 en 01.

2) Lorsque a = 1, on 9eut donner une d6finition de 'l'indgalit6 stricte sym&rique de celle qui a &d donnde plus haut. Cette d6~inition sym&rique consi.sterait ?t att.ribuer {toujours) en prioritd les #aces disponibles en $3 aux (23, puis aux Ca et aux C1, dans For&e, et ~ pro- c6der de ~a m6me fagon pour les catdgories suivantes.

En d'autres refines, 'lorsque a = 1, la d6fiuition de l'in6galit6 est insensible ~t .l'orientation de Ia hidrarcbi.sation. On aboutit au m~me TO, qu'on pose

C1 <(22< C3 [4a]

OU S1<S2<S3 [4b]

C1>C2>C3 [5a]

S1 > $2> S3 [5b]

,La difficult6 r6side dans le fait que cette propri&6 de sym&rie est limit6e au cas off a = 1 et disparait dbs que a est strictement inf6rieur ~ 1 .

D'un point de vue soeiologique, cette difficult6 ne saurait cependant nous # n e t . En effet, autant il est ra~sonnable d'admettre une concur- rence pour les .positions de sortie 61ev6es, autant il est absurde de sup- poser que les C3 entrent en concurrence avec les individus mieux plac6s pour leur disputer les positions ,de sortie les plus basses.

3) 1,1 peut se produire, lorsque a = a0 < so est suf.fisamment faible, qu'on obtienne une inversion du sens de l'indga14'td et que les classes inf&ieures soient favoris4es par rapport aux classes sup4rieures.

Cette remarque soul~ve en th~orie des diffieult~s considdrables.

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Pour une thdorie [ormelIe de la mobilitd sociale 47

Mais une situation d'inversion des in~galit~s apparait comme si absurde d'un point de vue sociologique que nous pouvons la ndgliger.

De faqon g~n~rale, nous consid~rons ici des va.leurs de a suffisam- ment ~lev~es pour que les di~fficult~s qui viennent d'Stre d~crites puis- sent ~tre consid~r6es comme neutra~lis6es ~

7. Non conformisme de l'indice a.

Les indices utilis4s dans les recherches sur .la mobil[td soeiale re- posent g4n~ralement sur une logique toute diffdrente de celle que nous proposons ici.

En gdn6ral, les auteurs partent plut6t de la .remarque selon laquelle la mobilit6 est d'autant plus faible que les corr61ations caractdristiques d'un TO sont plus dlev~es.

Consid6rons en effet un TO ddcrivant une observation de mobilit6 interg6n~rationnelle. Les catdgories d'entr~e correspondent au statut d'origine (stamt ,familial). Les categories de sortie au statut acqu.is. Plus la co~r61ation entre les deux "variables" est 6lev6e, plus la mobilit6 est fai.ble.

C'est pourquoi des auteurs comme Svalastoga ou Carlsson utilisent pour caract4riser les tables de mobilit6 ,interg~n~rationnelle un indice d'association qui cons.iste dans son principe ~t mesurer le degr4 auquel elles s'dloignent d'une situation d'ind6pendance stat[stique 3. Dans notre syst6me de notation, l'ind~pendance statisfique dans un TO se ,traduit par:

pii = pi.p.i/N [6]

D'autres auteurs, comme Yasuda, ont cfitiqu~ l'indice d'association de Svalastoga et propos4 de recourir soit au Q de Yule, soit de pr6f~rence ~i un indice in6dit, Y, qui 61imine certaines dffficult~s de Hndice d'as- sociation 4. Mais dans tousles cas, qu'il s'agisse de Hndice d'association de Svalastoga, ou du Y de Yasuda, le noyau du coefficient est const,itu4 par l'ensemble des diff4rences entre les plj effectivement observes et ceux qu'on dSduit de la notion d'ind~pendance statistique.

2 Ces remarques laissent naturellernent entier le probl~me de la construction d'ma indite normalis6 qui pourra.it prendre la valeur -- 1 pottr a:= 1, la valeur 0 pour a =so et la vateur ,1 pour a = 1. Cet indice devrait de plus 4tre rendu ind6pend~.nt des marges d~a TO.

Nous laissons ici de c6t6 ce ,probl~me ddlicat qui n'a aucune incidence sur les cons.id4rations thdoriques qui suivent et qui, dims de nombreuses situations d'analyse empi.rique de TO, n'a probablemen~ qu'une pottle restreinte.

3 K. SVALASTOCA, Prestige, Class and Mobility, Copenhagen, Gyldendal, 1959. G. CARLSSON, Social Mobility and Class Structure, Lurid, Gleerup, 1969.

4 S. YASUDA, A Methodological Inquiry into Social Mobility, ~, American Sociological Review )), XXIX (1964), pp. 16-23.

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48 Raymond Boudon

Chez Goodman, un effort est f a r pour dissocier la notion d'im- mobilitd de celle d'indgalit& Mais les mdthodes d'analyse des tables par 1'ensemble des diffdrences entre tes p~i effectivement observds et ddpendance statistique s.

Dans le schdma d'analyse utilisd ici, la notion d'ind6pendance statisfique ne tient aucune place. Comme on l'a compris, le concept fondamentai qui nous permet de caraetdriser les TO de divers types est celle, non de l'immobilitd, mais de l'indgalitd. La diffdrence con- ceptuelle 6vidente entre ces deux notions se traduit formellement de la mani~re suivante:

a) immobilitd: c'est la mesure dans laquelle un individu appar- tenant ~ une catdgorie d'entr6e de niveau donnd est classd dans une cat6gorie de .sortie de niveau semblable ou diffdrent,

b) indgalitd: c'est .la mesure clans laquelle un individu appar- tenant ~ une catdgorie d'entrde de niveau donnd est privildgid par rapport aux individus de cat~gorie iafdrieure clans son classement de sortie.

La ddmarche prdsentde ici consistera ~ analyser l'immobilitd (et son contraire la mobili,td) en fonction de - - et comme une consdquence de - - la structure des systbmes de circular.ion (SC) sous le rapport de l'indgalit3 ~

II nous semble en effet scientifiquement strat6gique de fake ddriver la mobilitd des processus plus dldmentaires qui la composent, plut6t clue de se contenter de ddcrire des tables de mobilit6 A pal, fir d'indices

propos desquels l'expdrience prouve qu'il est difficile d'aboutir ~ un accord. A quoi il faut ajouter qu'une analyse directe de ce type ne saurait aboutir qu'~ des r6sultats de type descripti[ et n'a gu~re de chances d'approfondir la th~orie de la mobilitd.

Les processus 616men, taires qui composent la mobilitd peuvent, rappelons-le, 6tre formellement d6crits par .Ia notion de syst~me de circulation (SC), c'est-A-dire par un ensemble ordonnd d'IO. Quant aux IO, eltes sont elles-m~mes caractdris6es par un param~tre, le para- m~tre d'in6galitd a et par les contraintes stmcturelles reprdsentdes par les entrdes et les sorties.

I1 est possible clue les difficult~s de ddfinition d'un i.ndice d'ind- galitd explique pour une part que la phpar t des chercheurs se soient rdsignds ~i construire des ,indices d'immobilitd, ~ partir de .la notion d'inddpendance statisfique.

s L. A. GOODMAN, On the F,atistical Analysis o[ Mobility Tables, << American 3ournal of Sociology ,>, LXX (196~, pp. 564-585.

e Nous repre~drons dans tm ?rochain atedole le probl~me de la reladon entre les indices de mobih'td chssiques et le prdsen~ indite d'immobilitd.

Page 11: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th&rie [ormelle de ga mobiliM socide 49

Nous verrons cependant que, du point de vue du d6vdoppement d'une thdorie de la mobilit6, les difficuh6s ,logiques soutev6es par ~la notion d'in6galit6 et par la traduction formelle que nous lui donnons ici sont sans doute tr~s inf6rieures ~ ses avantages.

8. Classification des I 0 par rapport aux param~tres d'indgalit~.

Un tableau de contingence de dimension m • m don.t les marges sont donn6es a (~n -1 ) (m-1 ) degr~s de ~ibert6. Un TO de dimension 3 X 3, qui n'est 6videmment pas autre chose qu'un tableau de con- tingence a en cons6quence 4 degr6s de libert6. I1 est donc clair qu'une IO em~pirique de marges donn6es ,ne pourra g~n&alement pas &re exprim6e ?t 1'aide du param~tre unique ,repr6sent6 par ~e coefficient d'in6galit6 a.

Voici, ~ ~itre d'exempte, .un tableau de mobilit6 interg6n&ation- nel de dimension 3 X 3 correspondant ~ une enqu&e &noise 7:

Statut du sujet Totd

CI C~ Ca

stamtdu1~re C1 246 201 83 530 C2 198 348 232 778 Ca 118 280 685 1083

562 829 1000 2391

Si on essaye de reproduire ce ,tableau ~ l'aide du seul param~tre a qu'on ,posera par exemple 4gal ~ 0,7, en supposant ,les ma,rges don- n~es, on obtient:

Statut du sujet Total

C, C~ Cs

statut du p~re Ct 272 168 90 530 C2 175 393 210 778 Ca 115 268 700 1083

562 829 1000 2391

Ce tableau :se distingue 6videmment du tableau empirique corres- pondant: i l sous-estime la mobi~td des trois cat6gories.

N6anmoi.ns, on peut consid6rer que sa structure est assez voisine de celle du tableau primitif.

7 Tableau tir6 de GOODMAN, Op. "cit.

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50 Raymond Boudort

Cette illustration vise seulement ~ montrer qu'iI peut ne pas &re d&aisonnable de chercher ~t exprimer un TO A marges donn&s, partir d'un degrd de ~bertd unique.

Dans ce qui suit, nous nous bornerons exclusivement ~ 1'analyse de ce type de tableaux, ~t savoir les tableaux ~t marges contraintes dot&s d'u,n degr6 de libevt~ unique exprimd A ']'aide du param&re a. Ces tableaux &ant de dimension 3 X 3, nous pouvons 'les r~sumer par l'expression: TO, 3 X 3, 1.

Rien n'mterdi.t naturellement d'&endre la Iogique de la mesure d'in6galit6 propos6e id de mani~re ~ augmenter ,le hombre de degrds de l.ibert6 consenfis ~ u~n TO.

Ainsi, on peut supposer que la dominance de C3 sur C2 est plus forte que la dominance de C2 sur C1. Cela conduirait ~ Caract6riser une structure in6ga'litaire ~ 1'aide de detix param&res, qu'on peut appeler a e t b, le premier indiquant la proportion de cas off les C1 sont favoris& par rapport aux cat6gories plus basses, le second indi- qua, nt la proportion des cas o~ les (22 sont {avoris& par rapport aux Ca. On a donc ddfini ce qu'on peut appeler une in~galit~ diff&en- tielle par rapport aux classes d'entr&.

Mais on peut 6galement d6finir une in4galit6 diff&entiel'le par rapport aux classes de .sortie: on aura alors deux param&res a' et b' indiquant par leur difference u.ne diffdrence d'in4galitd en fonction de la dasse de sortie.

Voici ~t titre d'iUustration un TO caract6risd par une indgalit6 dfff~rentie~e par rapport aux classes de sortie, avec a '=0,8 , b '=0 ,6 (eomparer avec le TO, 3 X 3, 1 off a=0,8 de .lap. 11).

Sl $2 S3

CI 137 255 8 400 C~ 147 221 32 400 C3 16 24 160 200

300 5OO 200 1000

Lorsqu'on a un TO caract&is~ par une in6g~ir di~ff&entielle par rapport aux classes d'entr6e, cela signifie que les distances sociales entre les cat6gories Ct et C~ d'une part, C2 et Ca, d'autre part, sont in6gales. Lorsqu'~n TO est caract6ris6 par une in6galit6 diff6rentieHe par rapport aux dasses de sortie, cela indique que les distances socides entre les cat6godes $1 et $2 d'une part, S, et $3 d'autre part, sont in,gales.

Page 13: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th3orie [ormetle de ta mobilit3 socide 51

Les TO dont il vient d'4tre question peuvent 4tre d&rits comme appartenant ~ la cat6gorie TO, 3 X 3,2 (deux degr~s de libert4).

Naturellement, il est ~galement possible de former des tableaux de type TO, 3 X 3,3 et de type TO, 3 X 3,4. Da.ns ce dernier cas, il sera 6videmmen,t toujours possible de reproduire exactement un t~bleau empirique donn~, puisque les quatre degr4s de 'libert~ corres- pondent a'lors a quatre :paramhtres. Mais ce qu'on gagne alors du point de -cue de l'approximafion est perdu du point de vue de la parcimonie de ]'explication et de l'int~r& th~orique.

Encore une ~ois, dans l'ensemble des TO, m X m, q, nous ne consid4rerons ici que le sous-ensemble TO, 3 X 3,1.

D'autre part, nous concentrerons *l'exploration qui ,suit essentiel- lement sur des syst6mes de circulation (SC) ne comportant qu'une IO et secondairement ~ des SG comporta,nt deux IO.

9. La notion de th3orie ]ormelle de la mobilitY.

Le problbme fondamental d'une th~ofie formelle de la mobilit6 est celui de la raise en rapport des caract6ristiques structurelles d'une SC avec 'les ,ph6nom~nes de mobilit6 qu'il engendre.

Dans ce qui suit, nous consid6rons quelques SC particuli~rement simples. Nous proc6derons ~ ~leur ~gard ~ ce qu'on peut appeler des 6tudes formelles de cas. Cela nous ~ourrfira ]'occasion de constater que la constitution d'une th~orie ,formelle syst~matique coneernant des enti- t6s m4me aussi simples que des SC compos6es d'une ou deux IO de structure 3 • 3,1 est loin d'4tre simple.

Ce ne sont donc bien comme l'indique le ~itre de cet article que des 313ments d'une th6orie formelle de la mobilit~ que nous pr6sen- terons ici.

Rappelons encore que nous supposerons dans tous tes cas qu'un TO est un tableau dont les marges sont donn6es A l'avance. Un TO repr~sentera donc ,toujours une IO dont on supposera par principe que la structure des entr~es et des :sorties qui lui correspond lui est impos6e.

Cette propri~t6 formelle pose quelques probl6mes du point de vue d e son ,interpretation sociologique. Lorsqu'une IO repr4sen.te une table de mobilit~ interg6n&ationnelte, on peut supposer effectivement que les individus viennent occuper des places dont la r~partition est connue a l'avance. Lorsqu'elle repr6sente au contraire d'attribution du niveau scolaire en fonc~ion du statut sodal d'origine, l'interpr4tation est plus douteuse. Darts ce cas, ]e simple d6sir de l'individu peut en th~orie crier des positions de sortie suppl6mentaires. Ainsi supposons qu'un ills d'ouvrier d~dde du jour au lendemain de prolonger ses

Page 14: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

52 Raymond Boudort

&udes: il modifiera par la m4me Ia distri,bution des positions de sortie. Ainsi dans 'le second cas, l'individu aurait dans ~ne certaine me-

sure prise sur les structures; dans 'le premier cas, il y serait soumis. Dans ee qui suit, nous donnerons a l ' id& selon laquelle des

marges d'un TO repr&en, tent des contraintes donn&s a .l'avance ~e statut d 'un axiome, par d~finition ind6montrable. Le fait que, selon les cas, fl puisse &re interpr&6 d'une mani6re ou d'~ane autre, n'a aucune importance pour ce qui :suit.

II. SC ~ I 0 unique

Nous pr&enterons d'abord un petit hombre d'&udes de cas cor- respondant fi des syst6mes de circulation ,(SC) ne comportant qu'une senle ~nstance d'orien.tation (IO).

Nous supposerons pour ,fixer les ~d&s que ~l'IO consid6r& a pour effet de ,redasser en foncfion de 3 eat4gories de niveaux scolaires dont nous pr6oiserons pas davantage la nature des ,individus class& en fonction du statut sodal de leur famille ~. Les categories C correspon- dent, en d'autres refines, a trois niveaux ,hi6rarel~.s& de statut social (statut social de la ~ami~e); les ea~t~gories S fi trois niveaux de scolarit~ 'bA'&archis&.

10. Etude de cas n. 1.

Dans cette premiere &ude de cas, nous nous interrogerons sur l 'effet d'un accroissement des taux de scolarisafion au niveau moyen ($2) ,de l'enseignement sur les processus de mobitit& Nous ,imaginerons done qu'~ la p~riode t~, pa personnes ~ppartiennent au niveau $2, t~d i s qa>p.2 personnes appartiennent ~ ce niveau en t2.

De ~ar g~n~rale, nous u.tiliserons h lettre p pour caract&iser les ~16ments du TO co,rrespondant ~ tl et la lettre q ,pour d&igner les 61~ments du TO correspondant ~ t~ 9.

8 Le lecteur verra qaae, selor~ les hypoth&es fares ~t propos de la distribution da.ns les categories S, S~ pourra &re grossi~rement interpr&~ comme d&-rivant un systbme d'enseignement s~p&ieur soit non s~leeti~, ~ la franeaise, ou s61ectif,

l'am&icaine. Mais $2 peut Sgatemer~t dans cermins cas &re i.nterpr&~ comme co~,tenant non seulement le << secondaire >>, mais aussi la pattie non s6lective du sup~rieu~. De sorte que les trois categories ne correspondent pas n~essairemen~, du point de mae de 'l'interpr&ation, aux niveaux dassiques de l'enseignemertt.

9 Da~as tout ce qui suit, les deux symboles p e t q seron, de faqon g~n~rale suppos6s correspondre h deux p~riodes successives. Nous maintiendrons ce symbo- 1,isme, qui a Favamage d'&-onomiser les indices clans tousles cas off it suffira pour l'analyse d'un processus de consid6rer deux p~riodes suceessives.

Page 15: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th3orie [ormelle de la mobilit3 sociale 5~

Quant fi la di',ff6rence .q.2-p.2, nous la d6signerons .par A.2. Nous supposerons 6galement que l'augmentation du taux de sco-

larisation $2 entre tx et t2 correspond fi une baisse du nombre des indi- vidus class6s vidus class6s S1 entre .les deux p~riodes. On aura donc

a v e c

Ce qui implique:

q . l -p . l " - A.1 [7]

A.2+A.I=0. [8]

A.3 ~..-m- 0.

Nous admettrons encore que les deux 96riodes t~ et t2 sont s6par~es par un intervalle suffisnmment bref ,pour que la .structure socia,le puisse 6tre consid~r~e comme stable. Formellement, on a donc:

q l . - p x . = ~i1.=0 [Pa]

q2.--p2. = ~2. = 0 [ 9 b ]

q3.--p3.=A3.-- 0. [9c]

E~in , nous :supposerons a ~nva, rinble dans ,le temps et ,suffisam- ment fort pour que:

rain (p3.-p33, p.2)=p3.-p33 [10a]

rain (p2. , p.s--p33)=p.s--p33 [ 10b]

Le module correspondant fi cette :situation, qui sch~matise des situations qu'on peut rencontrer dans la r~alit6, est donc le suivant:

p33= min(pa. , p.3).a [ l l a ]

P~-- (p.3 -- Ps3) �9 a [ 1 lb ]

pa2 = (p3.- p33)" a [ 1 lc]

p22= min,(p.2--p32, p2.--p23).a. [ l l d ]

Cela conduit a quatre cas de ~igure qui aboufissent en fait, comme on le verra, ~l deux situations distinctes.

Page 16: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

54 Raymond Boudon

Cas n. 1. Ce eas correspond aux hypotheses:

p~=~.a, 9==(p2.-p~. '[12] Dans ce cas, on a:

q33--p'2 =(q3. --p3.)a = A3.a = 0 [13a]

q32--,p3a = (q3.- q33)" a-- (p3.--'[o33). a = 0. [13b]

~En cons&luence, la mcybiI,it6 de 'Ia dasse C3 reste dans ce cas non a~fect6e par le d~veloppement du ,taux de scolarisation corres- pondant ~ $2. En outre:

q23--~p23 = (q .3 - - q33)a-- (p.3--q33)a

= (q .3 - - p .3 )a - - (q.u - - ~ 3 ) a

: A . s a = 0 [13c]

q , , - ~ = ( q 2 . - q 2 3 ) a - ( p 2 . - ~ ) a

=(q~.- p2.)a-(q2~- ~ ) a = 0. [13d]

Ainsi, la mobi.lir caract6ristique de ,la dasse (:2 est, elle aussi, .inchang6e: .sur p2. personnes appartenant ~ cette cl~sse une proportion idenvique (qz3=p23) connait ,/a mobilit6 "ascendante" (C2.--->$3) en tl et en t2. De m~me la proportion des individus "stables" (C2---~$2) est ,la m6me aux deux instar~ts (q,,=p-a). D'o~ ~il r6sulte que q2t---'l~l et que le .taux de mobiti.t~ "descendan,te" des Cz(C2--+ $I) xeste stable.

Une cons6quence de ces x6sultats est clue, dans ce cas de figure, le d6veloppement des .taux de ,scolarisation du niveau 2 profite excha- sivement aux individus de classe i.nf6rieure (C0. En effet:

el:

q t2 - - p12 - - q.2 - - p.2 "- A.2

qn--pl l =(ql.-- qt3-- qu)--(pl.--p13--P12)

=('qt.--pl.)--(q13--p13)--(qn--Pt2)

= - -A~=A. t .

[14a]

[14b]

En t~sum6, routes les places nouvelles dispon~bles en $2 sont

Page 17: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie ]ormelle de la mobilitd sociale 55

occup6es par des C1, tandis que les places en nombre 6gal qui dispa- raissent en $1 sont toutes "abandonn~es" par des CI.

Casn. 2. Ce cas correspond aux hypotheses:

Pa3=p.3a, p-a= (p2.-- p23)a. [15]

Ces hypotheses conduisent, comme on peut ,le v6rifier ais6ment, aux m6mes cons6quences que celles du c a s n . 1. Que le 3e rtiveau d'enseignement soit "surd6velopp6" '(p3. > p.3) ou "sous-d6velopp6" (p3.>p.3) par rapport ~ l'importance des ~lites (C3), ne modifie pas le fait que le d~veloppement de 2e niveau d'enseignement profite exdu- sivement aux individus de classe in f6rieure (C:).

Casn. 3. Ce cas correspond aux hypotheses:

p33=pa.a, I ~ = (p.2- p32). a. [16]

De nouveau, comme on peut le vdri.fier, la r@artition correspon- dant au niveau $3 reste inchang6e entre ,tx et t2 :

q33-- p33 = qs.a--pa.a ='(q3.-- p3.)a = 0 [17a]

D'oh:

Par ailleurs:

qu--.l:~ = (q.3-- q33)a-- (p.3-- pa3)a= 0. [17b]

q13-- p13 = O. [ 17C]

q32 -- p32 = (q3. -- q33)a -- (p3. -- p33)a = 0. [17d]

Ce qui indique que, de nouveau, les taux de mobilit~ caract6risti- ques des C3 (~lite) restent inchang~s.

En revanche, 'la mobilit6 des C2 est affect6e dans ce cas de ,figure par le d~veloppement du niveau 2 d'enseignement. En effet:

q22-- p'z2 = (q.2-- q32)a--(p,-- p~)a

= (q=- p.2)a = A.2a. [17c]

Ici, les C, recueillent doric une proportion a des A2 nouvelles places cr6~es en $2 entre tl et t2. Par vole de cons6quence, les (22 qui

Page 18: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

56 Raymond Boudon

n'atteignent que le niveau S, deviennent moi,ns nombreux dans la proportion:

q21--~l=(qz.--q2a--qa)--(pz--1:m-- Pa)

=pro--q-

= -- A.za. [ 17~]

On d&luit de ces r&ultats que le ~aombre des A2 nouvelles places crd&s en $2 qui revient aux C1 est 6gal ~:

~.~(1 --a).

Cas n. 4. Ce cas correspond aux hypoth&es:

1~=P.3a, 1~= (pa--paz)a. [18]

I1 est facile de v~rifier que ces hypoth&es conduizent, au point de vue de 'l'&olution des taux de mobi'lit6 caract&istiques des .trois classes C,, Ca et Ca aux m4mes conclusions que celles du cas pr&~den~:.

11. Conclusion de cette 3tude.

Etant donn~ les hypoth&es de ce mo&le (stabilitd des ef&ctifs en Ss, .stabilit~ de ~a structure sociale, augmentation des effectifs du niveau $2, ;taux d'in~galit~ important), on constate que deux cas peuvent se pr&enter:

1) tant que le niveau $2 est peu d&elopp~, on a p a - p = < l~ . -p 'a . En cons&tuence, te systbme est caract6ris~ par les ,hypo- th&es soit du casn. 3, soit du casn. 4. L'augmentation 4.2 est alors r@artie entre les C2 qui se taillent 'h part du lion et r&ut~rent une pattie A.2 a de cette augmentation, tandis que ,les C~ en r&up~rent le compldment Aa (1 -- a).

2) Lorsque l'augmentation du taux de scolarisation au niveau $2 est su,ffisante, c'est-~-dire pr&is&nent lorsque p.,>1:u., on a p.2-p32> p2.-p23. Ii en r&udlte que le syst~me ob~it alors aux hypoth&es caractdristiques des casn. 1 et 2 et que 'la totalit~ des places nouvelles cr~&s en $2 reviennent ~ la dasse irffdrieure C1.

3) D'apr~s ce qui vient d'&re dit, si le syst~me pr&&lent &ai.t caract~ris~ non par a mais par a ' < a (,mesure d'in6ga'lit~ plus ~aible), cela aurait la consdquence qu'une proportion plus 61ev6e des places nouvelles de Sz serait attribu6e aux Ca. Du mains rant que les ,places

Page 19: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie Jormelle de la mobilitd sociale 57

disponibles en ,$2 seraient en nombre inf~rieur aux places occup~s par des C2. I~s que los premieres dev,iennent plus nombreuses que les secondes, ,toutes les places nouvelles sont attributes aux C1 et la mesure d'indgalit~ cesse d'avoir une influence sur ce .point.

12. Illustration.

Nous pr6sentons ci-dessous quavre TO fictifs correspondant .aux hypotheses du module pr&&lent. On notera qu'entre t2 et t3 on passe d'une situation oh p.2<92, h la si, tuation inverse. On constate qu'fi partir de ce moment, la ~totalit~ des nouvelles places disponibles en $2 reviennent aux C1. Le param&re a a ~t~ suppos~ 6gal ~ 0,80.

t l t2

334 58 8 400 326 66 8 400 13'8 230 32 400 106 262 32 400

8 32 160 200 8 32 160 200

480 320 200 1000 440 360 200 1000

t3 t4

318 74 8 400 278 114 8 400 74 294 32 400 74 294 32 400

8 32 160 200 8 32 160 200

400 400 200 1000 360 440 200 1000

13. Etude de c a s n . 2.

Imaginons anaintenant une situation diff6rente: le syst~me d'en- seignement est ,beaucoup moins d6velopp~ dans le cas pr6c&Ient. Cola se traduit d'une part par le ~ait que p.s est sens~blement moins 61ev6 que p3., d'autre part ,par le fait que p.2 est sensiblemen~t moins 61ev6 que ~ . . D'un point de vue concret, ces ,hypotheses caract6risent un syst~me ,social o~a l'enseignement est peu d~velopl~: une ,proportion importa~te des 61ires n'atteignent pas le ~veau Ss; une proportion importante des C2 n'atteignent p a s t e niveau $2. ,Seul le sysc~me d'en- seignement de premier niveau est v6rit~blement d6velopp~.

Page 20: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

58 Raymond Boudon

Nous supposerons que le "sous-d6veloppement" du syst~me d'en- seignement est tel qu'on pu.isse adrnettre:

p.2 <p3.--p33 [19]

(en ~fet, s~ p.3 est slfffisamment faible par ~pport ~ p3. et si p.2 est faible, on aura l"m6galit~ pr~c6dente).

Des 6quations raisonnables pour ce type de situation sont donc les suivantes:

p33"- p.3a [20a]

(6quation r6sultant de l'hypoth~se selon ,laqueUe seule une faible pattie des 61ites (C3)atteint le niveau de scolarit6 $3).

p23 =(p.s--13a3). a. [20b]

(Cette 6quation r6sulte de ce que p.3 6tant inf~rieur ~ p3., il est socio- logiquement raisonna, ble de supposer p2. < lO3. et par cons&luent p.3 < p.2. A/ortiori on supposera donc p.3-p,2<92.).

p32=p.2" a

(en vertu de [19]). Nous supposerons enfin:

p.2-p32 < p 2 . - ~

[20c]

pzz=(p.2--,p32).a. [20d]

Nous supposerons ensuite que nous assistons ~ un processus de d~veloppement de l'enseignm-nent de structure analogue ~ celui du cas pr6c6dent. Entre ti et ti+x, la proportion des inclividus $2 croit de

q.2--P.2= A.2. [21a]

Comme prdcddcmment, nous supposerons:

q . l - p . t= Aa-- --A.2. [21b]

(cela r6sultant encore de ce clue lO2. est suppos~ sensiblement plus grand que pa). On a donc:

Page 21: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une tb~orie formelle de la mobilit~ sociale 59

Ce qui imp~que:

A.3=0 [21c]

Enfin, nous supposerons comme dans le cas pr&4dent que ta struc- ture sodale peut-&re consid4r6e comme stable darts ,la p6riode consid4-

lkre phase. Dans 'la premiere phase, on a:

AL= A2.= A3. = 0 [2 ld]

Nous pouvons alors analyser le module [20].

Ikre phase. Dans la premiere phase, on a:

(:/33 -- p33 = q.3a-- 9.3a = A.sa = 0 [22a]

q23 --1323 = (q.3 - - q 3 3 ) a - - ( p . 3 - - p33)a

= (q.3 - - p . 3 ) a - - (q33 - - ps3)a

= A . 3 a = 0 [22b]

q~-- p32 = q.m-- p.2a = A.2a [22c]

q---'p22 = (q.2--qs2)a--(p.2--p32)" a

= (q .2 , p.2)a-- (qs2-- p~)a

= A.2a-- A.2a 2 = A.2a(1 -- a) [22d]

Une premiere cons&luence 4vidente est que dans ce cas, contraire- ment ~t ce que nous avons observ4 pr&6demment, une mobil'it4 scolaire ascendante se produit chez ]es Ca. Cela a pour effet de r6duire la mobilh4 ascendante des Ca : alors que pr&6demment, ils recue'dlent une proportion a des A2 nouvelles places cr4&s en $2, ils n'en recueillent plus dans la pr4sente situation qu'une proportion a ( 1 - a ) .

Consid4rons mair~.tenant 1a situation des classes mf6rieures (C1). O n a :

qi3-- p13 = 0

q12-- p12 - " (q.2-- qs2-- q- )

- ( p . 2 - p ~ - ~ )

= A .2-- A.2a - - ~ .2a( 1 - - a)

[21e]

= A 2 ( 1 - - a ) 2 [ 2 1 ~ ]

Page 22: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

60 Raymond Boudon

Au lieu de recueillir, comme pr&~demment, une part A.2(1-a) des places cr66es en $2, les C1 recueillent doric dans le cas pr&ent &.2(l-a) 2 de ces p~aces.

2&he phase. A mesure que le processus de d6veloppement de l'enseignement ,au .niveau .$2 se prolonge, la proportion des $2 augmente. Comme par ailleurs, les proportions des C3 et des $3 ,ont ~suppos6s ,ta- bles, la proportion des C3 $3 res.te .stable. I I e n .r&ulte que la quantit6 9.2 augmente, ta,ndis que la quantitd 93.-p33 reste stable. A partir d'un certain moment, on aura donc:

p.2>p3.--p33 [22]

Ace moment, ~mais ~ ce moment seu~lement, 'la proportion des C3S2 cessera d'augmenter. IX en r&ulte que la proportion des $2 croissant, la quantit~ pa-ps2 accdl&er a sa croissance. Jus,que I~, cette croissance &ait 6gale ~ A2 (1--a) entre ti et t i+ l . Elle est d6sormais 6gale ~ A.2. Cela conduit tt admettre que le syst~me connaltra une phase transitoire oh l'6quation d6fin~'ssant p32 sera reformul6e, mais oil on continuera d'avoi~r la m6me d6finition pour pzz en vertu de l'in6galit&

p.2-p32 <p2.-p2z �9 [23]

En r6sum6, cette deuxi~me phase est caract&is6e par des 6quations semblables aux 6qamtions [20] qui d6finissent la prerni~re phase. En particulier, l'6quation [20d] qui d~fi,mt ,pzz reste, en vertu de ,l'.in~galit~ [23 ], inchang6e. La :seu/e 6quation modifi6e est, d'apr~s lqn6g~it6 [22 ], celle qui d6finit ps2. Le syst~me correspondant tt cette deuxitmae phase est donc le s.uivan,t:

p33=p.3a [24a]

p23 = (p.3 -- 933)" a [ 24b]

(cette &luation ne peut, en vertu des hypotheses, se modifier au cours du processus: en effet, on a toujours p.3-p3s<p2, puisque routes ces quantit& sont stables)

p32 = (p3 . - p33)" a [24c]

lYa= (pa--p3z)" a [24d]

Reportonsmous d'~ane part, aux dquations [ 1 lb] et [ 1 lc] d'autre part, aux 6quations P[18]. Ces 6quations, qui d~fin.issem le casn. 4 de

Page 23: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie formeIle de la mobilitd socide 6I

I'exemple pr&6dent sont, terme pour terme, identiques aux dqua- tions [24].

L'~volution de notre syst~me au cours .de la deuxi~me phase nous ram~ne ainsi ~l u.n cas de figure connu. Nous pouvons donc reprendre les conclusions d6j~i &ablies.

Les principales conclusions &aien,t les suivantes: 1) La mobilit~ scolaire ascendante des C3 est nu.lle. 2) Les C2 re~oivent une part 6gale fi A.2 a des nouvelles places

cr6&s en Sz. 3) Les Ct re~oivent une part A.2(1-a) des nouveltes ,places

cr~6es en $2. Ces conclusions pouvant &re appliqu&s ~t .,la seconde phase du

cas pr&ent, nous pouvons les comparer aux conclusions obtenues dans l'analyse de la premiere phase. On peut alors 8noncer que, .de la premi& re fi la seconde phase du processus correspondant au cas pr&ent:

1) L'accroissement du nombre des places en $2 cesse de provo.- quer une mobilit6 scolaire ascendante chez les C3 ,(61ire). En effet, alors que dans la premiere phase, les C3 occupent une part ~gale ~l A.2a .des nouveltes places cr~&s en $2, cette proportion tombe ?~ z&o au cours de la 2~me phase.

2) Ators que ,les C2 s'attribuaient au cours de la premi&e phase du processus une part 6gale ~ A.2a(1-a) des no.uvelles places crd&s en $2, ils pr61&ent maintenant une proportion plus forte de ces places: comme les Ca ~ la phase pr&~dente, ils en occupent maintenant une part ~gale ~ A.2a.

3) Dans la premiere phase, les C1 (classe inf~rieure) occupaient une part 6gale fi A.2(1-a) 2 des nouvelles places crddes en $2. Dans la seconde phase, ils en occupent une .proportion A2(1-a ) .

3~me phase. Si on laisse le syst6me correspondant fi la deux.i6me ,phase. se d6velopper dans le temps pendant une durde suffisante, on observera une nouvelle modification du systhme d'dquations ddfinissant te module.

Eli effet, ,d~s le d6but de la 2~me phase, la quantit4 p32 devient, comme nous l'avons vu, constante. Comme ,p2. et p23 sont 6galement invariables et que p.2 croit, ou aura au ,bout d'un certain temps:

p22=(.pz--p23)a [25]

Les ~quations d~fi.nissant les autres quantit&, fi savoir p33, p32 et ~ restent semblables ~l ce qu'elles &aient au cours de la seconde phase.

Page 24: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

62 Raymond Boudon

La troisi~me .phase est doric caract~risde par Ies 4quations [24a], [24b], [24c], et [25]. Ces 6quations sont semblables, terme pour terme, aux dquations [ l l b ] , [ l l c ] et [15] qui caractdrisent le cas de figure n. 2 de l'exemple pr6c6dent.

On se souvient que la conclusion majeure qu'on ava.it tird de l'ana- tyse de ce cas 4tait que:

Les C1 6talent les seu.ts .b6ndf, iciai, res du d4veloppement de S2 et s'attribuaient en cons4quence une proportion dgale ~t 1 des nouvelles places crddes en $2.

On peut rdsumer l'dvolution du processus qui vient d'6tre d4c~it par le tableau suivant, qui donne ]a proportion des #aces nouvelles de $2 qu{ reviennent respectivement aux C1, a~x C2 et aux C3 au cours des trois phases successives du processus.

l~re phase 2~me phase 3~me phase

Ct (1 - - a) 2 (1 - - a) 1 C2 ~(1 - - a ) a 0

Ca a 0 0

Total 1 .1 1

14. Illustration num~rique.

Af. in de concrdtiser 1'analyse de cas pr4c6dente, nous donnerons ci-dessous une sdrie de TO numdriques illustrant un processus dont la structure est cel]e qui vien, t d'6tre ddcrite (a a 6td supposd ici dgal 0,6 et A2 ~ 30).

tl (phase 1) t2 (phase 1)

$1 82 $3 $1 S: $3

C1 368 16 16 400 C1 363 21 16 400 C~ 352 24 24 400 C2 345 31 24 400 C3 80 60 60 200 C3 62 78 60 200

800 100 100 1000 770 130 100 1000

On notera que mes Ct s'attribuent effectivement au cours de cette premiere phase 5 ,-30( 1 - 0,6) 2 places nouvelles; les C2 ,7 ~, 3 0 - a ( 1 - a) places nouvelles et les C1 18=30-a places nouveUes.

Page 25: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th3orie [ormeIle de la mobilit~ sociale 63

t3 (phase 2) t4 (phase 2)

$1 $2 $3 Sx S~ $3

C1 354 30 16 400 C1 342 42 16 400 C2 330 46 24 400 C~ 312 64 24 400 C3 56 84 60 200 C3 56 84 60 200

740 160 100 1000 710 190 100 1000

On constate effectivement qu'au corers de cette seconde phase, les C1 occupent 1 2 - 3 0 . ( 1 - a ) places nouvelles, tandis que les C2 occupent 1 8 = 3 0 . a places nouvelles et que les Cs cessent de recueillir le moindre b~n6fice du d&eloppemen,t de $2.

tla (phase 3) t14 (phase 3)

51 S~ Sa $I $2 Ss

C1 234 150 16 400 C1 204 180 16 400 C2 150 226 24 400 C2 150 226 24 400

C3 56 84 60 200 C3 56 84 60 200

440 460 100 1000 410 490 100 1000

On constate que dans la troisi~me phase qui intervient en t13, la to- talit~ des places nouvelles en $2 reviennent aux C1.

15. Analyse de l'~volution des taux de mobilit~ des C1.

I1 peut &re 'int6ressant d'&udier l '&olution des taux de ~nobilit~ scolaire des C1 (classes d6favoris&s) en ~onction des deux param&res du module corresgondant ~i cette deux~me &ude de cas, ~ savoir Ll2 et a.

Cette &ude, en dehors de son inter& propre, nous fournira ~gale- ment l'occasion de montrer que les mod61es du type de celui que nous venons d'analyser peuvent ~tre retranserits sous une forme plus safisfai- sante et plus g~n&ale que celle que, .pour des raisons de simplicit~ dans l'e~position, nous avons utilis~e jusqu'ici.

Cette nouvelle forme consistera ~l exprimer les variables ddpen- dantes auxqueHes nous nous .'mt6ressons, comme par exemple le taux de mobilit~ des C1, comme une fonction de t.

Page 26: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Raymond Boudon

16. L'influence de A.2 (rapiditd du ddvetoppement du systkme d'en- seignement au niveau $2).

Interrogeons-nous d'abord sur la relation entre ,les ~param~tres A.2 et a d'une part, la dur~e relative des trois phases du processus d'autre part.

Rappelons que la premiere phase est caract6ris6e ,par l'indgalit6

p.2 < p3.--p~ �9 ~[26]

En d'autres termes: la premi6re phase du processus dure aussi longtemps que cette in6galitd res,te v6rifi4e.

Supposons qu'au moment ,initial (~instant z6ro) du d~veloppement du processus, on ait:

p.2=p.~ p3.=p~ .p~=,p~_

et d6finissons la quantit4 R0 par:

0 0 , 0 > 0 Ro = P3. --P33 -- P.2 (Ro ).

[27]

[28a]

Cette relation peut 6galement s'6crire:

P,o=m.-p~-p~ [28b]

puisque, en vertu des hypothSses du mod$1e, les deux premiSres quan- ti,t6s ~ droite ne varient pas au cours du temps.

A l'instant suivant (instant 1), on aura:

, R l = , ~ . - p ~ - p ~ [29a]

et, comme par d6finition p.2 s'accroit d'une p6riode A la suivante d'une quanti.t6 A.2 :

R1 = p3. -- p~-- (~,.~ + A.2) = ~ - - A . 2 . [ 29b]

De la .m4me fa~on, on aurait:

Ra= R1-- A.2-- R0-- 2A.2. ,[3o]

En continuant d'appliquer la .m~me proc6dure, on obtient aux p~fiodes 3, 4 . . . . . t . . . .

R 3 = R o - 3 A a [31a]

Page 27: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie [ormelle de la mobilit~ socide 65

~=Ro--4A.2 [31b]

�9 . . . �9 . . .

Rt=R0--tA.z [31c]

Par [26] et par [28a], on volt donc que la premiere phase du processus durera aussi longtemps que la quantit6 R restera positive, aussi longtemps par cons6quent que Rt restera positive. Par [3 lc], cette condition se traduit par l'indgalit6:

Ro-tA.2>0 [32a]

qu'on peut encore exprimer sous la ~orme:

t<A~--~.~ [32b]

Cette derni~re in6galitd nous indique la dur6e de la premiere phase du processus: elte s'6tendra de l'instant initial (0) jusqu'~ 1'instant off t cessera d'&re in~rieur ~ R0/A.2.

Examinons mai,ntenant la dur~e de la seconde phase. Comme on s'en souvient, la seconde phase est caract6ris6e par les

in6galit6s:

p.2> p3.-- p33 [33a]

p.2- - p32 < p2.- - p23 �9 [33b]

Admettons par definition qu'au moment oh le processus rentre dans sa seconde phase, l"in6galit6 [33a] est r6alis6e. La seconde in6galit6 va alors nous permettre de d6terminer la dur6e de ,la seconde phase.

Posons en el.let:

S O 0 O 0 0 =(P2. - P23)-- (P.2 -- P32). [34a]

, p �9

Cette relation peut encore s ecr~re:

SO=p2.-p23-p.~ [34b]

puisque '~es deux premibres quantit6s h droite sont invariables au cours du temps, en vertu des hypothbses, et que pu devient invariable h partir du moment off l'in6galit6 [33a] est r6alis6e.

Page 28: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

66 - Raymond Boudon

On aura ensu~i.te:

S1 = p2 . - p.23--pl.2 + p32

= p2.-- pza-- (p~ + A.2)+ p32

= S 0 - - A 2

82=S1 - - A.2= SO-- 2A.2

$3= $ 2 - A.2=SO-- 3A.2

[35a]

D5b]

[35c]

. . . . . . . . . . . . 0

S, = SO- tA.2 [ 35d]

La seconde phase du processus durera aussi 1ongtemps que la quan- tit6 St restera positive. II passera, en d'autres termes, ~ sa troisi~me phase d~s que ]'inOgalitC

So [36] t < &.---~

cessera d'etre r~alis~e. En r~sum~, .la premiere phase s'~tendra entre l'instant t = 0 et

'/'instant t tel que t soit aussi grand que possible tout en 6tant in~rieur Ro/A.2. La ,seconde phase commence fi ce moment et durera jusqu'fi

'/'instant t tel que t soit aussi grand que possible et .in~Orieur ~ S0/&.2. Cela [mpl.ique ~videmment qu'on air

c'est-~t-di, re:

~ > R o [37a]

~ - p g 3 - ~ , ~ +p~ >v~-ph-~p~ [37b]

Les hypotheses du module satisfont cette in~galitC En effet l'in~- galit~ 4137b] est a/ortiori satisfaite si l'in~galitC

p2.--p3. > p23--p33 [37c]

est de son c6t6 satisfake. En vert.u de l'.hypoth~se selon laquelle ]es classes moyennes sont

plus nombreuses que les dikes, on a:

p2.--p3.>0 [38a]

Page 29: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th/orie [ormelle de la mobilitd sociale 67

D'autre part, par les hypoth&es du module, on a, au d6but du processus:

p23 -- pss = (p3. --p3.a)a -- 'p3.a

= --p3.a 2

) x D OU:

I ~ - p 3 3 < 0 . ~[38b]

De [38a] et [38b], on d6duit [37c]. De [37c], on d6duit [37b]. En cons6que<nce, un module r6pondant aux hy.poth&es de 1'&ude

du cas n. 2 do .nnera toujours naissance au processus/t trois phases qui vient d'&re d&rit.

Nous pouvons maintenant nous interroger su,r 1'6volufion des taux de mobili.'t6 caract6ristiques des C1.

Nous noterons T t l e taux de mobilit~ des Ct au ,temps t. Cette quantit6 est d6finie par:

A 1'instant 0, on a:

A l'instant suivant:

t t Tt= PI2+Pt3

Pl.

__~2"-["~13 [39] pt.

To - - 1302 + p13 pl.

131 + p13 T , : r'2 pl.

p~ + A.:,(1 - - a)'2+p13

Pl.

= T O + A:2(1 -- a)2/pl. . [40]

En effet, on se souvient qu'au cours de la ,premiere phase du pro- cessus, les Cx re~oivent une proportion (1-,a)~ des A2 nouveUes places cr&'~es d'une p~riode ~ la suivante en $2.

Page 30: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

68 Raymond Boudon

De m~me,

T: = T1 + A.2( 1 -- a)2/pL

= T o + 2 A . ~ ( 1 - - a )2 /p l .

Ts = T2 + A.2( 1 -- a)2/pl.

=To+3Aa(1 -- a)Z/pL

[41a]

[41b]

Tt = To + tA.z( 1 - a)2/p,. [41c]

I1 est facile de montrer de la m~me faqon que les &tua'fions cor- respondant .respectivement h la deuxi~me et ~ .la troisi&ne phase de processus s'obtierment ~ ,partir de ',[41c] en rempla~anr le coefficient ( 1 - a )2 de ce tte 6qu ation par ( 1 - a ) ( 2~me phase) et par 1 ( 3~me phase ).

En r&um6, les hypoth&es de l'&lade de casn. 2 conduisent au module suivant:

Tt= To+ tA.z(1- a)2/pL (0 <.t <,Ro/A.2) [42a]

Tt=T0+tA.~(1-a)/pL (R0/A.:<t<S0/Aa) :[42b]

"It = To + tA.ffpL (So/A..2 < t <'r [42c]

(La quant,gt6 x qui appaxak darts l'6nonc6 des .conditions de [42c] indique simplement qu'on ne peut consid6rer que le processus se pro- longe "md6Fmimen.t, pour des ,raisons 1ogiques et sociologiques &,identes).

Lorsqu'it est mis sous la forme [42], le module fait imm6diatement ~pparaltre ,le rdde jou6 par A.2 dan.s ,le d6roulement du ,processus: Tt est, dams .les trois "phases, une :fonction croissante de Aa. Lorsque A.2 augmente, "It augmente.

Mais les conditions qui sont ,pr&eBt&s entre parenth&es ~ droite des &luations {42] montrent 6gatement que lorsque Aa augmente, les phases 1 et 2 se rrouvent fortement raccourdes. Or, on s'en souvienr la phase 1 correspond ~ la situation ta plus d6favor~ble aux C1 puisqu'ils ne recueillent au cours de cette phase qu'une proportion ( l - a ) ~ des A.2 nouvenes ~aces er~6es en .$2. La phase 2 ,leur est plus favorable puisqu'ils recueil~ent ~lors une proportion ( 1 - a) des nouvelles places. Mais la phase qui leur est ,le .plus favorable est la troisitme, puisqu'~s recuei.,l.lent alors la totalit6 des noBvelles places.

Page 31: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th~orie ]ormelle de la mobilit~ sociale 69

Rernarquons en ou.tre que, puisque

S0>R0,

une augmentation de A.2 raccourcit &vantage la dur6e de la 2hme phase que celle de la premihre.

Le graph~que de 'l'6volution des taux de mobilit4 Tt caract&isant les C1 en ,fonction de ~t pour des valeurs croissantes de A2 a donc clans le cadre des hypotheses d6fi,nies par l'6tude de casn. 2, l'a.llure illustr& par le graphique suivant:

T~

To

a fixe" ']

A.~ ~ z > y

/ A.2 = y>x

t

17. Influence de a.

Les hypotheses du module ,mon.trent, comme il est ladle de le v6rifier, que To est une .fonction d&roissante de a: ]orsque a d&rolt, To croit. D'autre part, comme on le volt en ,se reportant ~ [42], une diminution de a a pour effet d'augmenter ~la pente de Tt--f(t). Cet effet est maximum au cours de la premiere phase, diminue au cours de la deuxi6me phase et devient nul au cours de la ,troisi~me.

L'i .nff.uence de a .peut donc ~tre r6sum6e par ~le graphique suivant:

Page 32: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

70 Raymond Boudon

T~ A.2 fixe [

To

0 ~- t

18. 3~me ~tude de cas.

Nous esquisserons .bri~vement ma'mtenant une troisi~me ~tude de cas, correspondant ~ une situation un peu 91us complexe que les deux pr&~dentes.

De nouveau, ,il s'agira d'un SC ~ IO *~m~que. De nouveau, l 'IO consid~r~e corresponcka ~ la transition d'une classification en termes de statut social (~amilial) ~ une classification en termes de niveau de sco- larit~.

La complication consistera dans le fait que ~'~volution de la struc- ture scolaire au cours du temps sera caract6ris~e non plus par un pa- ram~tre (A.~ dans le cas pr~c&lent), mais ~par deux param~tres.

Pour fixer les idles, imaginons que nous nous situ,ions cette ,fois dans le cadre d'un syst~me d'enseignement d6j~ rel~tiveanent d~velopp& la proportion des ,individtts n'atteignant que le n,iveau S, d&ro~t au profi.t des deux autres categories. D'autre part, une forte proportion des individus ayant atteint te niveau S: ,passe ,au aa, iveau Ss.

Cette situation peut correspondre par exemple aux syst~mes d'hy- poth~ses smvants:

A~>0, A.a>0 } A.a-- A.2 > 0 [43a]

~.2<0, A.s>0 ) I<1 a31 [43b]

A2<0, lx.3>0 } [43c] ~ a - - A j = 0

Page 33: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th~orie [ormeIIe de la mobilitd sociale 71

Les hypoth6ses [43c] nous ram~nent ~ une situation de m4me na- ture que celle que nous venons d'6tudier: en effet, elles caract4risent le changement de la structure scolai.re ~ partir d 'un seul param&re ~0

Au contraire, les hypotheses i[43a] et [43b] imroduisent deux pa- ram~tres.

Nous examinerons brihvement les consequences des hypothhses [43b] en utilisant les deux param~tres

A.2<0 et A.3>0.

Comme dans le cas pr4c&lent, nous admettrons que la mesure d'in~- galit6 a est suffisamment forte et que le niveau de d6veloppement du syst~me d'enseignement est tel par rapport au systhme social fi l'instant initial que le mod6le puisse &re d~fini par:

p33-- p.3a [44a]

p23 = (p.3-- P33)a [44b]

~p32 = (~p3. -- p33)a [44c]

pzz=(p.2- p32)a [44d]

Une deuxi6me phase pourrai~t se distinguer de la premihre ,par une r6ddfini60n de 933, ave, c:

1o33 = p3.a. [ 45 ]

Cette nouvelle d6fin~ition entrainera, d'un instant au suivant, une baisse de p2 . -p~ ~gale ~ -A.3a et une baisse de ~p.2-p32 ~gale/t A.2. Si A.3a>--A.2, on aura donc au bout d 'un certain temps une redefi- nition de [44d] avec:

p22--(p2.- p23)a. [46]

En revanche, s i A.3a<--A.2, le syst~me restera stable.

10 Remarquons que tomes ]es hypothtses [43] relat/,ces a~ changement ren- derer celui-ci ind6pendant du temps (identique de ~l ~ ti,1, quelque soi~ i) II peut &re naturel, dans certains cas, de rendre ,le changement d6pendant du temps. Supposons par exemple que l'aceroissement des effev.tifs de $3 d'une p~riode t /l une 9~riode t + 1 soit proporrionnel /i .l'eff~if des $3 en t. Dans ce cas, A.3 cesse d'&re .une constante. Nous nous contentons ici d'~mtiquer cette complication possible des mod~r esquiss6s id, nous en tenant dans les pages qui suivent aux cas oh le changement 9eut 6tre exprimd par un ensemble de constan.tes~

Page 34: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

72 Raymond Boudon

1~re phase. Etudions d ' abord la mobilit~ caract6ristique des quatre ca.t6gories d4finies par [ 4 4 ] . I1 vient:

q3s - 1~3 = q . 3 a - p.3a = A.3a [ 47a]

q23-- pz~ = (q.3-- q ~ ) a - - (p.s-- pu)a

- - di.3a - - A .3a 2 - - A.3a( 1 -- a) [ 47b]

q32- pal = ( q 3 . - - q ~ ) a --(p3.--p33)a

= - - A.3a 2 [47c ]

qa2 --,paz = (q.2 - - qs2 )a - - (p.2 -- paz)a

= A.2a+ A.3a 3 [47d]

Q u ' e n rdsulte-t-il err ce qui concerne ia mobil~t6 ,des classes irff6- rieures? O n a:

q13 - p13 = (q.3 - qs3 - qz3 ) - - (p.3 - ps3 - p2s)

= A.3 - - A . 3 a - - A .3a( 1 - - a )

= A.3(1--a) 2 [47e]

q12-- p12 = (q.2--q32-- q , , ) - - (.P.2-- p32--.I:~2)

= A.2+ A.3a 2 - A.2a-- A.3a ~

= A.~(1 - - a ) + A.3a2(1-- a)

= ( A . 2 + &.~a2)( 1 - - a). [47~]

La mobilff6 Ct ~ $3 sera touiours croissante. Quan t A la mob'Rit6 Ct - ~ $2, elle est croissante sous la condition:

~.2+ A.3a2> 0. [48]

Demandons nous maintena, nt s',il est compat ible avec ,les hypotheses du ,modUle que ,les Ct connaissent au cours de cette premiere l~hase du processus une ,mobilit~ globale d~croissantr

Pour que la propor t ion des Ct qui ne .restent pas en St augmence d 'une p6riode ~ t 'autre , il ~aut q u ' o n a, it:

Aa(1 - - a)2 + (A.2 + A.3a2X 1 - - a ) > 0 [ 4 9 ]

Page 35: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie [ormelle de la mobilitd sociale 73

Cette iMgalit6 implique:

A.3(1 - - a--l- a2)d- A.2 > 0 [49b]

Oil:

A 3(1--a+a2)> --A.2. [49c]

Pour que les hypotheses du module ne conduisem pas ~ une di- minution de la mobilit~ globale des C, , il faut en d'autres termes qu'on ait:

I ~.2___!1 < I-- a+a 2. [50] A.3

Cela ,signifie que, torsque l'augmentation relative des effectKs qui at~eignent le rdveau $3 d~passe un certain ,seuil (lorsque l'augmentavion A.3 des effecti.fs au niveau S3 correspond ~t une importa.nte diminution - h . z des effectifs au niveau $2) on assiste h une diminution progressive de la mobilit6 scolai.re globale des classes iaf&ieures. L'.in~galit~ [50] indique d'~autre part que ce seuil est d'autant plus has clue le degr~ d'in~- galit6 est plus faible.

Supposons par exemple qu'~ u.ne certaine p6riode appartenant la premiere phase du processus on sit la distribution suivante par rapport

S:

$I $2 $3

400 400 200

Admettoas en outre que:

~ i . 2 = - - 40

DallS ~e cas~

A.3=50.

I A _I =0,8.

Si le taux d'ha6gali.td a est dgal ,par exemple ~ 0,8, on aura ( 1 - a + a 2 ) = 1 - 0 , 8 + 0 , 6 4 = 0 , 8 4 . Dans ce cas, l'in6galit6 [50] est sa- tisfake. En cons&tuence, tes C1 connaissent une mobilit6 scolaire glo- bale croissante d'une tx$riode ~ l'autre. La proportion pu des C1 $1 (in-

Page 36: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

74 Raymond Boudon

dividus de classe i~f6rieure n'atteignant que le niveau S~) ddcro2tra au cours de la premiere phase.

Supposons en revanche que l'in6galit6 caract6ristique du systbme consid6r6 soit plus faible et que a soit par exemple 6gal ~ 0,6. Dans c e cas :

1 -a+aZ=O,76.

Ii en r6sulte que l'in6galit6 [50] n'est pas satisfaite et que ,la pro- portion des individus de classe C1 qui n'atteindront que le niveau sco- hire le plus d~mentaire $1 va croitre au cours de la premiere phase du processus, matgrd le d~veloppement du syst~me d'enseignement et malgr6 la ~aiblesse relative de la mesure d'in~galitC

I1 est facile de montrer que ce r6sultat paradoxal, valable au cours de la premiere phase du processus, n'est pas valable au cours de la se- conde: la mobilit~ scolaire globale des C1 est n&essairement r au cours de cette phase.

En revanche, durant la troisibme ,phase ~a mobil,it6 scolaire globale des C1 peut d&rottre, comme dans la premiere phase. Cela se produira, de nouveau, lorsque I A.~I sera trop proche de A.3.

Ces cons&tuences sont obtenues en d'autres ~termes lorsque le d~- veloppement de ,la structure de l'enseignement aboutit /t un systSme d'&hange entre $2 et $3. C'est&-dire, lorsque le ddveloppement du rfiveau $3 ,n'est pas compens~ par un d6veloppemen,t du niveau S~ par rapport/t S1.

Peut4tre ~n m6canisme de ee genre explique-t~il en partie les dig- ficult6s qui s'opposent/l la d6mocratisation des niveaux 61evds de t'en- seignement darts les soci6tds industriellement et scolairement d6ve- lopp6es.

Nous ne tenterons pas de pousser ,plus loin cette troisi~me &ude de cas. Le r6sultat que nous venons d'obtenir illustre suffisamment l'in- t6r~t d'une s des processus de mobilitY, m~me dans le cas oh ils ne correspondent qu'h une seule IO.

Darts les deux premibres analyses, ,les processus ~tudi6s concer- naient une seule IO, et d6pendaient de deux param&res (a et A.2). Nous avorts vu que, m~me dans cette situation logiquement 616mentaire, la d&ermination de l'atl.ure du processus dans l'espace a• A.2 &ait rela- tivement complexe.

Dans ~la ,~roisi~me &ude de cas, le processus d6fini sur I'IO initiale comporte trois param&res, /t savoir a, A.2 et A.3. On constate qu'on aboutit dans ce cas ~ des r6sultats relativement dn~ttendus et qui, en tout cas, peuvent di~fici.lement ~tre 6tablis/l l'Idde de ta seule intuition.

Page 37: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie [ormelle de la mobilit~ socide 75

19. Niveaux de complex#~ des processus de mobil i tL

Les trois &udes pr6c6dentes permettent de concr6tiser les di~f&ents niveaux de complexit6 que peuvent atteindre ~es processus de mobilit6 sociale.

D'une part, le ,hombre des IO appartenant ~ un SC peut varlet. Nous avons consid6r6 jusqu'ici exclusivement des probl~mes concernant des SC ~t IO unique. Nous examinerons succinctement plus bas quelques probl~mes relatifs ~ des SC comportant deux IO.

D'autre part, le nombre des param&res associ6s ~ un processus peut varier. Dans les exemples precedents, nous avons toujours suppos6 la structure sociale comme stable (pl., pz., p3. invariables). Dans le cas de I'IO utilis~e dans ces exemples, cette hypoth6se peut apparattre corn- me raisonnable quoique simp~ificatrice, les structures de l'enseignement dvoluant certainement beaucoup plus vite que les structures sociales. Dans d'autres cas, on devra introduire des param&res caract~ristiques de l'6volution non seulement d'tme des deux structures d'entr6e ou de sortie associ~es h une IO, mais des deux simultan6ment.

C'est &re clue nous n'avons consider6 dans les exemples precedents que des cas particuli~remen~t simples.

III. Syst~mes de circulation (SC) ~ dcux I 0

Dans ,]es derni~res pages de cet article, nous aborderons tr~s ra- pidement te cas des SC h deux IO, de mani~re h ,illustrer le type de probl~mes qui peuvent se poser ~ propos de ces entit~s.

,Prolongeant ~es exemples pr~c6dents en m~me temps qu'.un certain nombre d'analyses intuitives pr6sent6es darts un autre article 11, nous consid6rerons le cas d'un syst~me de circulation compos6 des deux IO suivan,tes:

1) IO attribuant un niveau de scolarit6 ~ des individus classes par rapport ~ ~eur statut social famih,'at (IO identique h celle qui a ~t6 consid6r~e dans les exemples pr~c6dents). Nous d~signerons la MO as- soci6e h cette premiere IO par A1.

2) IO attribuant Ula statut social ~ des individus classes par rap- port ~ leur niveau de scolarit~. Nous d~signerons par Az ,la ma~rice (MO) correspondant ~ cette IO.

On note alors que le produ.it

AiAz

it Essai sur la mobilitd sociale en Utopie, ol). ciL

Page 38: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

76 Raymond Boudon

n'est autre qu'une matrice de mobilitd interg6n&'afionneUe 12. En effet, A1 permet de passer de ,la r@artkion ,(CI, C2, Ca) ~ ta ,r6partition ($1, $2, $3), tandis clue A2 d&rk le passage de la r@artifion (S, , $2, Ss) ~ ta r~parti~ion (C~, C~, C3).des individus en fo,nction des classes sociales

la g6n6ration suivante. Line classe de proeessus int6ressante est d6finie par l '&olution de

ia mobi~lit6 interg6n6rationnelle sur quelques g6n6rations successives en s d'hypoth&es alternatives portant sur .l'&olu,tion de la structure de S ou de C. Cette classe de processus correspond au systbme de circu- lation:

(AI, A, A, etc.)

On peut &udier ce type de SC en analysant l'influence de diff6rents sous-ensembles de p aram&res pr~lev& clans ~les ensembles suivants:

a) Param&res caract~risant les A: param&res d'in6galit~. b) Param&res caract6risant les S. c) Param&res caract~risant les C.

Notons que dans le cas de ,matrices A2 d&rivant 'les transitions des niveaux de scolarit~ aux statuts sociaux, 'les param&res d'in~galit~ gar- dent leur signification primitive mais sont conceptueUement mieux d& cfits comme des mesures d'efficacitd de l'enseignement ,par rapport au classement social.

20. L'effet de la /dco,nditd diffdrentielle sur la mobilitY.

Supposons que nous voulions &udier l'effet de la f&ondit~ diff& rentielle sur les processus de mobi, lk~ (on sait en effet que la ~&ondit~ a tendance ~ &re plus ~lev& dans les classes in,f~rieures et ce ~ait n'est pas sans influence sur la mobilit~ des classes sociales).

Intuitivement on pourrait penser que ta f&onditfi plus grande des classes inf~rieures a pour effet de r~duire leu, r mobilit~ et d'aggraver les difficult& dues ~ 'la si, tuat,ion d'in~ga~it~ caract~ristique de la structure sociale.

Voyons eependant ce qu'il en es.t. A un instant donn~ les individus sont rang& dans les categories

C1, C2 et C3 de la structure sociale dans les proportions pl., p2., p3.. Supposons que cette .structure soit stable, mais qu'il existe une

f&ondit6 diff6rentielle des classes sociales. Darts ce cas, ]a proportion

12 Ce mod~e suppose &idemment que Ie statut social d&qni.tif d6pend du stamt social familial non pas dh'ectemem, mais seulemenr dans la mesure oh ce demier affeete le niveau de scolarit6. I1 s'agit 1A aussi dkme hypoth&e simpli- ficatrice.

Page 39: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une tbdorie [ormelle de la mobilit3 sociale 77

des enfants issus de mih'eux C, qui sont candid~ts a l'attribution d'un niveau .scolaire sera ,plus importante que ta proportion des places dispo- nines en G . De m4me, ta proportion des erdants issus du niveau C3 sera moins importante que la proportion ,des places disporti.bles en C3.

Reproduisons les deux TO associ6s au systhme de drculation con- sid6r&

S1 S2 S3 C1 C2 C3

C1 Ph Plz P]3 Pl. S1 P~I P122 P~3 P~.

C3 P]! p312 p313 P31. $3 P~I Ph ~3 io2.

p!, G G looo pfi p5 G looo

Le premier tableau d&ri, t l'attribufion des niveaux de scohrit~ en fonction du statut social familial. Le second d&,rit la transition du ni- veau scola~re au statut social d6finitif.

Comme on vient de le voir, l'hypoth&e de l'existence d'une ,f&on- dit~ diff6rentielle peut alors se traduire par:

p.~,-'pl.<o [51a]

,p.23-p~. > 0 , [51b]

in4galit& qu'on peut opdrarionnaliser fi l'aide soit d'un param&re dans le cas le plus simple, soit de deux.

On volt donc que, formellement, l'hypoth6se d'une f&onditd plus importante des classes inf&ieures conduit fi une ,situation absolument sembla,ble fi celle qui consisterait fi supgoser entre .les deux g~nSra, tions, une libdralisation de ta structure sociale (les dasses ird&ieures devenant moi, ns nombreuses, les classes supdrieures devenant plus nombreuses).

Cette assimilation logique n'est cependant valable que sur te court terme (deux gdn4rations successives). En effet, dans le cas d'une r~dle aib~ralisation .de la structure soeiale, 1'ouverture traduite par [51] ,se main.tient ,lorsqu'on consid~re ]e tableau C-+ S qui :suit dans ,le temps le second tableau ei-dessus. Bref, lorsque [51] traduit une lib~ralisation de la structure sociale:

p~.=p.~l, pi .=p.~1, 3 2 ps. = p.1 [ 5 2 ]

Page 40: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

78 Raymond Boudon

Lorsque [51] traduit eta revanche I'effet de la f6condit6 diff6ren- t, ieUe alors:

, V2. P . l , P33. >P.23

in~galit6s qu'on peut encore traduire par:

p~.-p.~, > 0 [54a]

p].-p.~3<0 [54b]

La comparmson entre [51] et [54] montre que t'hypoth~se d'une f6condit6 plus grande des classes inf6rieures conduit :si on consid~re une l~riode de temps suffisamment ,lon.gue, ~ une ,situation exactement sem- blable ~ ceUe qu'on obtiendrait en su,pposant des dilatations et contrac- tions altern6es de ta structure sociale.

Ces remarques ~aites, on pourrait e~primer [51] et [54] ~ l'aide d'un ou deux ,param~tres, introduire l'hypoth~se d'une 6volution de S qui serait e]le aussi r6sum~e par un oll deux param~tres dans le cas le plus simple, et ~nlyser les cons6quences de ce syst~me sur le d6ve- loppement des ph6nom~nes de mobilit6.

Par rapport aux 6tudes de cas pr6sent6es dans la pattie pr~c&lente de cet article, cette &ude serait caract6ris6e par deux complications:

1) On a ici deux IO au lieu d'une. 2) Le hombre des param~tres est plus 61ev6 puisque l'hypoth~se

de la ~&ondit6 diff6remielle des classes sociables introduit une ins tabilit6 apparente de la structure sociate, que nous avions suppos6e pr6c&lem- ment .invariable dans le temps.

Malgr6 oes complications, le formalisme serait en tout point sem- blable ~ celui des mod~les plus .simples pr~c6demment 6tudi6s.

Nous abandonnerons ~t ce point te ,prob1~me des effets de la f6con- dit6 diff6remielle pour ~ustrer l'.int6r& de l'analyse de SC ~ deux IO

l'~ide d'un probl~'ne simple.

21. In~galit~ sociale, e[ficacit~ de l'enseignement et mobilit~ sociale.

Supposons, comme dans le cas precedent, un SC ~ deux I0 . I01: C--> S (statut social familial--> niveau de scolarit~) I02 : S --> C (niveau de scolarit~ --> statut social). Les notations seront exactement celles des deux tableaux de ,la

page 77. Nous supposerons que ]e ,tableau correspondant ~ I01, peut, les

maeges &ant dorm.s, ~tre caract~ris~ par un seu,l param&re que nous

Page 41: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une th&rie [ormelle de ta mobiIitd socide 79

noterons al. C'est le 9arambtre d'in~galit~ que nous avons introduit dans tous les cas pr&~dem.ment analys~s. Comme toujours, nous le suppo- serons relativement 41ev~.

Quant au tableau correspondant ~ IO2, il sera ~galement caract~ris6 par un param~tre unique, que nous noterons a2. Ce param~t.re est d~ffni de .la m~me fa~on que a~ par les ~quations [2]. I1 prend le sens d'une mesure d'efficacitd du niveau scolaire ,par rapport ~ la classification so- ciale: plus a2 est 41evd, plus le niveau scolaire atteint prefigure le niveau social.

Nous introduirons ~es hypothbses suivantes: H~ : la :structure sociale est stable H2 : fl n'existe pas de f~condit~ di~,f&entielle des classes sociales. En consequence de H~ et H2, on a donc dans les notations de la

9. 77:

p!l=p2., p2 ~. =p22, p~. =p.2 [55]

Cela signifie que le total de la premiere h'gne du premier tableau (C-~ S) est 6gal au total de .la premiere colonne du second (S-+ C); que 'le total de la deuxi~me ligne du premier tableau (C -+ S) est ~gal au total de la deuxi~me colo .rme du second (S-+ C), etc.

Naturellement, on a aussi:

P:,-----P:., P!2----P2., p!3---~P:., [56]

puisque les deux premitres quantit6s repr~sentent toutes deux la pro- portion des individus qui atteignen~t le niveau de scolarit~ $I ~ la deuxit- me des g6n6rations consid6r6es; que les deux secondes repr~sentent la proportion des $2 et les deux ,troisitmes la proportion des $3.

H3: le systtme ,scolaire est en expansion H4: cette expansion se caract~rise par une augmentation des ef-

fecti.fs situ~s en $2 et en $3 dans le temps Hs : l'augmentation au niveau $3 est plus ~orte que l'augmentation

au niveau $2. Comme on le volt, ces hyporhtses sont caract6ristiques d'un syst6-

me d'enseignement "d6velopp6". Supposons maintenant que nous ~aissions te systtme d6fini par

H1 ~ Hs se d&elopper stfffisamment darts le .temps. Des consid6rations analogues ~ ceUes que nous avons introduites

propos des exemples pr~c6den.ts montrent que te tableau C---> S (du statut social fam~al au niveau de scotarit~) pourra alors 4tre consid~rd comme soumis aux relations suivantes:

Page 42: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

80 Raymond Boudon

p~=p~.at [57a]

(En effet, l'hypoth~se du d~veloppement des effectifs, au niveau $3 entraine qu'apr~s un certain ,temps, on aura):

min (p~., 1 1 P.3)=P3. 1 1 923 = (P.3 -- pl)at [57b]

(Cela r6sulte de ce que at est suppos6 ,suffisamment 61ev6, et de ce que p~., la ,proportion des classes moyennes, est 61ev6e)

1 _ _ I 1 P~ -- (P3. -- P 33)at [ 5 7c ]

(Cela r6sulte 6galement du niveau 61ev6 de at)

1 1 P-=(P2 . - -ph)a t [57d]

Cela r6sulte de ce qu'~ chaque p~riode pl.2 et par cons6quent P!2--Ph croissent, tan~s que p~.--Ph d6croit).

La question que nous nous proposerons ~lors d'explorer est la suivante:

Etant donn6 un niveau d'in6galit6 at caract6risant ,le passage entre statut social d'origine et niveau scolai're (C---~ S), dans quel..le mesure une variation de a2 modifie-t-eUe la mobilit6 des di.ff6rentes classes sociales?

Le param&re at a, comme on :s'en souvient, 'la signification d'une mesure de l'efficacAt~ du niveau de scolarit6 pa~: rapport au dassement social.

Voyons d'abord les ~quations qui r~gissent ,le deuxi~me tableau, celui qui correspond ~ IO2 (passage du niveau de scolarit~ au classement social). Elles s'obtiennent dir6ctement ~ partir de [57] en remarquant que TCh est le transpos~ de TOt . On a d'abord:

2 _ 2 [58a] i~3 - P .3 a2

Cette proposition ,r~suke de:

:Par ai.lleurs,

2 ~ 1 1 2 P.3--P3., P.3=Pa.

2 ~ 2 2 p ~ - ( p ~ -p33)a2 [58b]

Page 43: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie [ormelle de la mobgitd sociale 8l

CeIa r&uke de ce qu'on a suppos6 une valeur 61evge de a2. En ce qui concerne P]2, on a:

G=(?].-p~)a~ [58c]

pour les m4mes raisons que prdc~demment. Enfin, il est facile de montrer que les hypotheses de ~onctionne-

ment du mo&le .font de p22.-p~ une fonction croissante du temps, 2 tandis que P:2-P32 est une fonction d&roissante du temps. Dans la

deuxi~me phase, clue nous consid6rons seule id, on aura donc:

2 2 2 Pz2----- (P.= --'paE)a2 [58d]

Par voie de cons&tuence, les au,tres quantitds correspondant au ta- bleau TO2 peuvent 4tre exprim6es en .fonction de a2 de la faqo.n suivante:

2 _ _ 2 "~ 2 P]* --9* --P~3 --P~z =('P]. 1 -p.3a=X - a 2 ) [58e]

p ] 3 - = = 2 - - P.~ - - P ~ - - 923 = P . d 1 - - az)2 [ 5 8 f ]

etc .. . . Demandons-nous maintenant par exemple quel serait l'effet, ,toutes

choses dgales d'ailleurs, d'une ldghre chute de a2 (importance du niveau d'instmction pour le classement :social) sur la structure de la mobilit&

Ddsignons cette chute par Aa2 avec:

Aa2<O [59]

En vertu ,de [58a], la diminution de a2 correspond ~ u,ne dimi- nution de p~ ~gale ~:

Ag~a=p.=aAa2. [60]

De son c6t{, Ia ,proportion p~ est mo&'fi6e:

2 2 Ap23 = A [ ( p.3 --P~3)a2 ]

= p!a[Aa2-- A(a 2 , )] * [61]

Comme on a toujours:

I a(a])1>[ Aa2 [ [62]

�9 Namrellement a~ = aa. aa L'indice st~p&ieur n'indique pas ici la iMriode eomme darts le cas de 9.23 par exemple

8

Page 44: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

82 Raymond Boudon

I1 en r4suke qu'une diminution de a2 entratne une augmentation de p~ .

Quelle est maintenant l'influence d'un changement de a2 sur p~ ?

O n a."

si

D'ofi i.1 ~:6suke que:

2 2 2 Ap~3= A(p.3 -- p33-- Pz~)

= - i t . 3 1 2 a a . - a ( a ~ )].

Ap~3 ~> 0

[63]

I a(a ~, ) I<l 2aa, I. [643

I1 est facile de v~ri, fier que cette in4galit~ est toujours v4rifi~e ~tant donn4es les limites de variation imposdes au param6tre a2. En cons6- quence, une diminution de la valeur de a2 favorisera dans tous les cas la mobili.t~ des 81 vers la classe sociale Ca.

Le changement de a2 provoque d'autre part un changement au ni- veau de ,la seconde colonne du tableau TO, . En ce qui concerne p 3z2, on a :

Apl, = a(p~.- pI0a,

----- p~. Aa2-- p!3 A(a~ ). [65]

Quant au changement de p~, .il est 6gal h:

A ' A' ' ' "az PZ2 = t P . 2 - - P 3 2 ?

= G a a . - Ap~.

---p!2 ha2-- p~.Aa2+p2.3 h(a22 ) [66]

Reste finalement le changement de p~2. I1 est nat urellement 6gal a:

2 2 _ -p :~ 2aa . [67] - - A p 3 2 - - A p ~ __ .

On volt donc, par [631 et q[67], qu'une d4va,lorisation de a2 con- duit, toutes choses 4gales d'ailleurs, ~ am41iorer la situation de la classe la plus d4favorisde C1. En effet, 4tant donn4 que le paramhtre al (in4-

Page 45: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie [ormd[e de ta mobi[itd sociale 83

galit~s devant t'ensei.gnement) a 4t4 st~ppos~ 61ev~, on aura:

ph >plz >p]3.

I I e n r&ulte que, sous des conditions tr~s g6n6r~des, la quantitd

I 2 1 2 1 2 QI=p.pl l "Jr- P13P31 +PlzP=I

qui mesure l'immobilit6 de la dasse C~ est d6croissante pour une di- minution de a2, puisque p121 est alors d&roissant.

It n'est 6videmment pas question ,ici de ,traiter de faqon g~n6rale du probl~me soulev6 par les remarques pr~c6dentes. Une vue d'ensemble des effets des d@lacements des param&res a~ et a2 sur les taux de mo- bilit6 des diff6rentes classes supposerait une analyse beaucoup plus 4labor~e que nous ne pouvons entreprendre. I1 nous importait seule- ment de montrer la complexit6 d'un probl~me, celui du rapport entre in6galit~s devant l'enseignement, in~galit& sociales et efficacit6 sociale de l'enseignement qu'il paralt impossible de soumettre ?tun traitement purement verbal.

Nous n'avons tentG clans les pages qui pr~c&lent, que de donner une image concr&e de ce que pourrait &re une t Morie s de la mobilit6 sociale. Les cas que nous avons envisag4s sont pris parmi beau- coup d'autres possibles. La formalisation pourrai,t certainement, d'autre part, atteindre h un langage beaucou,p plus g6n6ral et rigoureux que ce- lui que nous avons ufilis6 ici. Erffin, nous nous sommes content6 d'ana- lyser des processus qui, en termes du nombre des IO et du nombre de param&res introduits, sont particu~i~rement simples.

C'est h dire que, si l'id& m~me d'une tMorie formelle de la mobilit6 a un int6rSt, il sera n6cessaire de d@asser largement les quelques 616- ments pr~sent6s ,ici h titre indicatif.

Sur l'utilit~ d'une rhdvrie formelle de la mobititG it ne nous pa- rak pas qu'il puisse y avoir en v&it6 le moindre doute. I1 est 6vident, pour ne prendre que ce cas le plus simple, celui des tables de mobifi.t6 interg~n~rationnelle, que la classification des ,individus d'une g6n6ration ?~ 1'au.tre refl~te certains processus ~16mentaires qui d6pendent h leur tour d'un certain nombre de param&res caract6ristiques de l'6volution des structures sociales, des structures scolaires, des in6galit6s sociales, de l'efficacit~ du niveau de scolaritG etc.

Malheureusement, ces processus .restent encore, dans une large me- sure, hors de la port6e du sociologue. Nous rappelions par exemple, dans un pr6c6dent article 13, l'incertitude off se trouvait encore la ,socio-

13 Op. cit.

Page 46: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

84 Raymond Boudon

logie devant un probl&ne pourtant a Ia foi:s crucial et apparemment 4Itmentaire: ceM de la relation entre rnob~it~ sociale et niveau de scolarit&

Les causes de notre ignorance en matitre de mobilit6 sociale sont multiples. De faqon curieuse, une grande partie des efforts dtployts depu~s la seconde guerre mondiale par la sociologie empirique s'est surtout o,rient~e vers la comparaison internationale des taux de mobilit& Cette orientation, de nature descriptive pluttt qu'explicative, devait engendrer u.ne concentration des efforts m&hodologiq.ues sur des pro. blhmes d'ordre ,ta:~inomique ou mttrologique (traduotion des indicateu.rs de statut social en classifications pertinentes d'un point de rue socio- logique, construction de mesures glob~es de mobiJit6 ~ partir des ma- trices de mobilit~ intergdn&ationnelle, etc.).

I1 n'est pas stir que cette orientation, dont la popu.larit~ mtriterait d'&re analysde du ,point de rue de la sociologie de la connaissance 14 ~ t &4 ta plus propice au ,ddveloppement d'une macroth~orie de la mo- bitit4 sociale.

Darts le domaine .de ce qu'on peut appeler la mierosodologie de la mobilit6 sodate, l'&at de d&eloppemen.t de notre discipline est plus satisfaisant. La multiplication des enqu&es, souvent excellentes, sur les m&anismes de l'orientation individueUe ~ l'int~rieur des s~ructures sociales, fair que nous disposons aujourd'hui ,au moins d'une 4bauche de th6orie microsociologique de la mobilit4 sociale.

I1 n'en va pas .de mdme en ce qui concerne la macrosociologie de la mob}lit6, c'est-a-di're l'dmde des relations entre les caract4ristiques soci&ales (structure du sys~me d'enseignement, degr6 d'in~galit6) et celles des processus .de mobilitd. Nous ne disposons gu&e ici que de pro- 9ositions descriptives mal assur&s ou de systhmes d'explication d'ordre philosophique plut& que sdentif:ique, et dont n i l e langage ni les po.s- sibili't6s de vdrification .he paraissent avoir fait de grands progr&.

,Notre sentiment est que pour tirer la thdorie macrosociologique de la ,mobilit6 de son incertitude actuelte, nne bonne stratdgie consiste ~t d&elopper, a c<3t6 des enqu&es empiriq~es, une analyse formeHe des processus de mobilit& 'Les enqu&es empiriques apportent une informa- tion 6videmment irrempla~able, mais elles sont muettes du point de rue de l'explication en l'absence d'une th~orie r4dig~e en un langage tel que les don,n&s puissent .dfectivement &re raises en relation avec les propositions ,thdoriques. A d6faut de cette relation, les donn&s ont

14 C,e n'est sans dou, te pas un has~rd, pour ne consid&er que cet aspect &ident, clue ,Ies pays scandirmves aient 6t~ (avec la Grande Bretagne) tes ,pre- miers pays europ~ens ~ s'int&esser ~ 1'~volution et ~ la comparaison des taux nationaux de mobili, td.

Page 47: Elément pour une théorie formelle de la mobileté sociale

Pour une thdorie /ormelle de la mobilitd sociaIe 85

seulement valeur d'in,formntion et tes propositions seulement valeur sp&'ulative.

Ces .remarques ne font au reste que rdaffirmer deux proposi, tions banales de la philosophie des sciences. La premiere 6nonce clue le pro- gr~s soientifique r~side darts un mouvement qu'on peut qualifier de dialectique entre la r~alit6 (.donn~es) et la tMorie; la seconde pose que ce .mouvement ne ,peut apparaltre que si la th6orie est r6dig~e en un langage qui ait prise sur cette r6atit6. Or on ne voi.t 9as, bien souvent, que Ies "theories" les plus .populaires dans le domaine de ta mobili.t6 sociale .rdpondent effectivement ~ cette seconde condition.

I1 .suffit d'ailleurs peut:~tre pour se convaincre de l'utih't6 d'une tMorie formelle de la mobilitd, de consid~rer les "&udes de cas" pr~- c~dent.es. Bien qu'elles correspondent ~ des ,situations ?i l'~vidence con- sid6rablement si,mplifides par rapport ~ la rdalit~, elles sont difficilement analysnbles de ma, ni~re intuitive et impliquent un d6tour par le symbo- lisme et l'analyse d&tuct.ive, c'est-h-dire ,par ta formalisation.

I.l serait ?i la v~rit6 bien 6trange que les processus r~els, qui so.nt irrfirtiment plus complexes, .puissent, eux, ~tre analys~s de mani~re intuitive.