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Élevage et céréaliculture en Châtillonnais L'exemple d'ÉtormayAuthor(s): Claude RoyerSource: Études rurales, No. 40 (Oct. - Dec., 1970), pp. 101-122Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20120045 .
Accessed: 28/06/2014 15:14
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CLAUDE ROYER
?levage et e?r?aliculture en Ch?tillonnais
L'exemple d'?tormay
L'?tude du village d'?tormay a ?t? men?e dans le cadre de la
recherche coop?rative sur
programme du C.N.R.S. consacr?e au Ch?
tillonnais1. Limit?e non seulement dans l'espace, mais aussi dans ses
objectifs, elle ne constitue en rien une monographie compl?te : il s'agis sait simplement d'analyser, dans le cadre d'une commune, les rapports entre e?r?aliculture et ?levage, et plus pr?cis?ment la place et le r?le de
l'?levage dans l'?volution et le fonctionnement des exploitations. Si nous
avons ?t? amen? ? examiner les probl?mes de la communaut? villageoise, ce ne fut que de fa?on annexe, ces probl?mes n'?tant pas, dans ce cas
pr?cis, au centre de nos
pr?occupations2.
?tormay, commune du canton de Baigneux-les-Juifs, au sud du
Ch?tillonnais, dans la ce Montagne ?, nous est apparue comme l'une des
plus repr?sentatives de l'?volution g?n?rale du canton. Elle compte
aujourd'hui sept exploitations, effectif qui repr?sente l'aboutissement
d'un long processus de concentration des terres affectant toutes les communes du canton et peut-?tre m?me du Ch?tillonnais ; elle semble
offrir une image
assez exacte de ce crue seront demain les communes de
cette petite r?gion, du moins en ce qui concerne la vie ?conomique.
Les bases de la production
La commune d'?tormay, ? la limite du Ch?tillonnais et de l'Auxois, est situ?e un peu ? l'?cart de la route qui va de Baigneux-les-Juifs aux
Laumes, ? 5 km du chef-lieu ; elle occupe avec les communes voisines de
Lucenay-le-Duc et La Villeneuve-les-Convers le rebord m?ridional du
1. Cf. ?tudes rurales, 1969, 35, juil.-sept., p. 7, n. 1.
2. Nous tenons ? remercier ici tous ceux qui nous ont aid? dans cette ?tude : H. Raulin, chef de mission, C. Jest, les conseillers agricoles des F.P.A. de Ch?tillon et d'Aignay-le-Duc, et, bien s?r, tous les agriculteurs du village d'?tormay, en particulier son maire, M. Saussier.
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plateau1. Le climat y est assez rude ; les s?cheresses d'?t?, fr?cjuentes, menacent particuli?rement des sols superficiels et relativement pauvres.
Le relev? de la matrice cadastrale permet de dresser le tableau de la
nature des cultures et des superficies qu'elles occupent :
Terres. 691 ha 17 a 02 ca
Pr?s. 252 ha 60 a 09 ca
Bois. 264 ha 57 a 02 ca
dont : en taillis sous futaie.. 218 ha en taillis . 17 ha
en r?sineux. 29 ha
Landes . 14 ha 36 a 23 ca
Jardins. 1 ha 31 a 68 ca
Sols. 3 ha 40 a 64 ca
Domaine public. 32 ha
soit une superficie totale de 1 259 ha 94 a 99 ca.
Sur les 1 260 ha du territoire communal, on compte pr?s de 1 000 ha
de terres cultivables.
Les structures fonci?res.
Si l'on excepte les quelcrues possesseurs de maisons, ce sont 29 pro
pri?taires qui se partagent le territoire communal. La commune poss?de une centaine d'hectares de bois exploit?s en affouages. Le p?turage communal consiste en une
unique parcelle d'un hectare, situ?e dans une
zone mar?cageuse et lou?e ? un exploitant du village. Quelques petits
pr?s de quelques ares chacun, situ?s aux abords imm?diats du village,
compl?tent le tableau des propri?t?s agricoles communales ; ces pr?s sont
lou?s ? des habitants du village contre une redevance en bl? (un sac et
demi ou deux sacs ? l'hectare) ? en bl? et en lait pour l'un des int?ress?s.
Parmi les 28 propri?taires restants, 6 ne poss?dent que des bois. Sur
les 22 propri?taires de terres, p?tures et pr?s, 4 sont des exploitants habitant la commune et 18 sont des propri?taires forains ; 7 parmi ces
derniers, agriculteurs r?sidant dans des communes voisines, exploitent en faire-valoir direct les terres qu'ils poss?dent sur le territoire d'Etor
may. A l'inverse, 4 exploitants d'?tormay poss?dent et exploitent des
terres situ?es dans les communes voisines : c'est le cas, par exemple,
de S. qui, en plus des 123 ha dont il est propri?taire ? ?tormay, poss?de et exploite 40 ha ? Bussy-le-Grand, 5 ha ? La Villeneuve-les-Convers, et 1 ha ? Chaume-l?s-Baigneux.
Les terres des propri?taires absent?istes sont exploit?es en fermage
par les agriculteurs du village, s'il s'agit de grands domaines ; il y a trois
1. Pour la situation g?ographique, cf. F. Loux et M. de Virville, ? Le syst?me social
d'une r?gion rurale : le Ch?tillonnais ?, ?tudes rurales, 1969, 35, juil.-sept., p. 9, Fig. 1 : ? Divi
sion administrative du Ch?tillonnais ?.
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?LEVAGE ET CEREALICULTURE EN CHATILLONNAIS 103
cas de ce genre. Les terres de moindre importance sont lou?es par
parcelles. Le Tableau 1 montre quelle est, pour chacune des exploitations, la
part de terres exploit?es en faire-valoir direct et en fermage.
Tableau 1
Modes de faire-valoir.
Surface en
faire-valoir fermage Surface totale de
Exploitants direct (en ha) (en ha) l'exploitation (en ha)
D. 138 0 138 E. 0 120 120 L. 0 142 + 53* 195 M. 0 97 + 28 125
P. 96 16 112 S. 166 3 169
T. 77 31 108
* Les 142 ha correspondent au domaine dont L. est fermier, les 53 ha restants ?tant des
parcelles lou?es ? divers propri?taires. Il en est de m?me pour M.
Ce tableau appelle deux remarques. Tout d'abord le nombre r?duit et la grande taille des exploitations ; toutes ont plus de 100 ha, cepen dant aucune ne d?passe 200 ha. Les agriculteurs d'?tormay font
d'ailleurs remarquer que 100 ha repr?sentent la superficie minima pour
qu'une exploitation soit rentable.
En second lieu, l'homog?n?it? relative des dimensions des exploita tions s'accompagne d'une grande vari?t? dans le mode de faire-valoir, au point que chaque exploitant repr?sente presque un cas particulier.
Si l'on s'en tient aux renseignements fournis par la matrice cadastrale,
on d?couvre un morcellement important. En fait, en se reportant
aux
plans cadastraux, on s'aper?oit que, parfois, certaines parcelles d'une
m?me exploitation sont juxtapos?es et forment des blocs de plusieurs dizaines d'hectares, comme le montre le Tableau 2 (cf. p. 104).
Ce tableau ne donne qu'une id?e approximative de la concentration
des terres de chaque exploitation ; en effet, il ne s'agit ici que des terres
situ?es sur le territoire d'?tormay : celles qui sont exploit?es dans les communes voisines ne sont pas prises
en compte. Par ailleurs, il y a
quelques ann?es, un remembrement spontan? a ?t? effectu? ? l'amiable
par les sept exploitants1, ce qui explique pourcruoi ?tormay est la seule
commune du canton ? n'avoir pas fait l'objet d'un remembrement, le
besoin s'y faisant moins sentir qu'ailleurs. La structure fonci?re actuelle repr?sente l'aboutissement d'une ?vo
lution commenc?e il y a une cinquantaine d'ann?es. A la fin du si?cle
1. Cet ?change de terres s'est fait entre exploitants et non entre propri?taires, certains
exploitants ignorant m?me ? qui appartiennent certaines des terres qu'ils travaillent.
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104 CL. ROYER
Tableau 2
Dimensions et parcellaire des exploitations.
Nombre
de parcelles Nombre de blocs Surface du bloc
sur la matrice parcellaires de Nombre r?el le plus important
Exploitants cadastrale + de 10 ha de parcelles (en ha)
D. 76 4 32 36 E. 63 4 25 28
L. 37 1 10 127 M. 53 3 31 23
P. 155 3 69 17 S. 48 4 27 22
T. 127 1 63 11
dernier, le village ?tait domin? par un gros propri?taire qui poss?dait la
ferme du Moustier aujourd'hui exploit?e par L., seul ?cart de la com
mune, et la ferme actuellement exploit?e par E. ; ce vaste domaine, qui
repr?sentait plus de 250 ha, a ?t? partag? au d?but du si?cle. ?tormay ?tait habit? alors par de nombreux petits propri?taires poss?dant chacun un cheval, quelques vaches et
quelques moutons.
Au lendemain de la guerre de 1914-1918, la terre avait perdu toute
valeur, nous a-t-on dit, et nombreux furent les petits exploitants ?
quitter le village. Parall?lement ? ces d?parts, les moyennes et grosses
exploitations s'?tendirent. Le beau-p?re de S. joua un r?le de leader :
il acheta quatre fermes qu'il regroupa en une seule exploitation, tr?s dynamique, crai servit de mod?le ; de sorte que, d?s 1938, taille
et nombre des exploitations ?taient tr?s semblables ? ce cpi'ils sont
aujourd'hui. Dans deux communes voisines, La Villeneuve-les-Convers
et Chaume-l?s-Baigneux, la situation est pratiquement la m?me qu'?
?tormay, mais l'?volution y est plus r?cente.
La population.
Neuf familles d'agriculteurs composent l'essentiel de la population active du village1. En dehors de ces 9 familles, la population active ne
compte que 4 ce feux ? : un contr?leur laitier, un transporteur (beau fr?re de l'un des agriculteurs), un cantonnier communal et un cantonnier
des Ponts-et-Chauss?es. On compte encore quelques personnes ?g?es, veuves et retrait?s, soit au total moins de 200 habitants en 1962, tout
comme 11 des 15 communes du canton. Mais ?tormay est la seule
commune du canton o?, entre 1954 et 1962, les d?c?s ont exc?d? les
naissances, et l'une des 8 communes dont la perte de population a
d?pass? 10 % ; enfin c'est l'une des 5 communes du canton o? la densit?
1. Deux des exploitations, celles de D. et E., sont exploit?es en association chacune par deux fr?res.
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est la plus faible : moins de 10 hab./km2. Le village comptait, lors du recensement de 1962, plus du tiers de population active, dont plus de
70 % ?taient employ?s dans l'agriculture ; les pourcentages ?taient les
m?mes pour 13 communes du canton de Baigneux. La disparition d'un certain nombre de personnes ?g?es entre 1962 et 1968 a sans doute
augment? ces
pourcentages1.
Cependant, malgr? la faiblesse de l'effectif d?mographique et sa
diminution constante, ?tormay n'est pas un village qui meurt ; il suffit
pour s'en convaincre de consid?rer l'?ge des chefs d'exploitation en 1968 :
P. et S. ont respectivement 63 et 62 ans, mais tous deux ont remis leur
exploitation ? leurs fils ?g?s de 32 et 40 ans. Les fr?res E. ont 47 et
38 ans ; T. a 40 ans ; L., 37 ans ; M., 30 ans ; les fr?res D. ont 27 et 25 ans ; leur moyenne d'?ge est de 35 ans. La classe d'?ges 25-34 ans regroupe 4
des 9 chefs d'exploitation, contre 43 % pour le Ch?tillonnais et 29,4 % pour la France enti?re2.
Les neuf exploitants du village ont suffisamment de terre pour ?tre
? l'abri de l'exode et tous ont une descendance qui permet de penser que la rel?ve est assur?e. En fait, le village est parvenu ? un minimum de
population qui ne saurait gu?re ?tre abaiss?, mais l'?tat des structures
fonci?res, la taille des exploitations et la jeunesse des exploitants peuvent, semble-t-il, lui assurer la p?rennit?.
La e?r?aliculture.
A ?tormay, l'on cultive essentiellement du bl? et de l'orge, un peu d'avoine, mais seulement m?lang?e ? l'orge, pour servir d'alimentation
au b?tail. Tous les exploitants cultivent plus d'orge que de bl?, dans des
proportions variables (entre deux et cinq fois plus d'orge que de bl? selon
les exploitations). Cette pr?pond?rance de l'orge correspond ? un mou
vement g?n?ral de la e?r?aliculture ch?tillonnaise au cours des quinze derni?res ann?es3.
Les surfaces consacr?es aux c?r?ales sont plus importantes que celles
destin?es ? l'?levage : sur les 968 ha que totalisent les 7 exploitations du
village, 575 ha sont couverts de bl?, d'orge et d'avoine. Toutefois il
convient de remarquer qu'une partie de la r?colte de c?r?ales est destin?e ? l'alimentation du b?tail ; la surface totale en c?r?ales commercialis?es est de 510 ha environ.
Dans l'ensemble, pour chaque exploitation, la surface en c?r?ales
1. Tous les chiffres cit?s dans ce paragraphe sont extraits de ? Le Ch?tillonnais : mat?riaux et hypoth?ses pour une recherche ethnologique, sociologique et ?conomique ? (Documents de la R.C.P. Ch?tillonnais, Paris, d?c. 1966).
2. Cf. P. Mathal et P. Evrard, ? L'?volution en longue p?riode de l'agriculture d'une
petite r?gion : le Ch?tillonnais ?, I.N.R.A., 1967, p. 58, ron?o. 3. Cf. ibid., p. 75. Par ailleurs, le colza commence ? ?tre cultiv? ? ?tormay ; en 1968, L. et
P. en cultivaient chacun respectivement 15 et 10 ha. Les fr?res D. projetaient d'en cultiver en 1969.
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commercialis?es repr?sente approximativement la moiti? de la superficie totale de l'exploitation. Seules 2 exploitations font exception ? cette
r?gle, comme le montre le Tableau 3.
Tableau 3
Surfaces destin?es aux c?r?ales commercialis?es
(en ha).
Surface
en c?r?ales totale de
Exploitants commercialis?es l'exploitation
D. 70 138
E. 40 120
L. 100 ? 150 195 M. 61 125
P. 57 112 S. 100 168
T. 33 108
E. et T. consacrent aux c?r?ales respectivement un tiers et moins
d'un tiers de la superficie totale. Cela proc?de moins d'un choix d?lib?r?
que de la n?cessit? due ? la m?diocre qualit? de leurs terres. La qualit? des sols d?termine en effet fortement leur utilisation : les meilleures terres sont r?serv?es aux c?r?ales, celles de moins bonne qualit?
sont
consacr?es aux prairies permanentes. Dans l'ensemble, surface en c?r?ales
et surface en herbe sont ? peu pr?s ?quivalentes ; quand ce n'est pas le
cas, la faible proportion de c?r?ales n'est imputable ni ? la dimension
de l'exploitation ni au choix de l'exploitant, mais ? la qualit? des terres.
Les surfaces emblav?es n'ont pas toujours ?t? aussi importantes. Avant 1914, la commune ?tait caract?ris?e par de nombreuses petites
exploitations de polyculture-?levage : c?r?ales, pommes de terre, ovins,
bovins, porcs. Apr?s 1918, beaucoup de terres rest?es incultes servirent
? la vaine p?ture ; il s'agissait de friches et de landes o? les moutons
allaient pacager en libre parcours. On ne cultivait alors que les meilleures
terres. C'est ? cette ?poque que les petits agriculteurs quitt?rent le village et que se constitu?rent ce qui allait devenir les grandes exploitations
d'aujourd'hui. A ce double mouvement d'exode rural et de transformation des
structures fonci?res, correspond, vers 1925, l'abandon de la vaine p?ture. On voit s'acc?l?rer alors le mouvement qui fera d'une communaut? rurale
traditionnelle un village de gros agriculteurs. Toutefois, l'agriculture, ?
?tormay, conservera encore
quelque temps un certain nombre de
traits archa?ques : jusqu'en 1945, la jach?re (ce sombre ?) est pratiqu?e en assolement triennal. Ce n'est donc qu'au lendemain de la Seconde
Guerre Mondiale que l'on assiste ? la suppression des sombres au b?n?
fice des c?r?ales. Un peu plus tard, en 1950, 1958 et 1966, disparaissent
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?LEVAGE ET CEREALICULTURE EN CHATILLONNAIS 107
les trois derniers troupeaux de moutons du village ; dans chacune des
trois exploitations concern?es, l'abandon des ovins se fait en partie au
b?n?fice de la e?r?aliculture, en permettant ? l'exploitant, d'une part, de consacrer le produit de la vente des moutons ? l'achat de mat?riel, d'autre part, de transformer des terres ? moutons en terres ? bl? lorsque cela s'av?re possible. Ainsi, depuis quarante ans, la suppression de la
vaine p?ture, puis de la jach?re et enfin l'abandon de l'?levage ovin ont
permis de consacrer de plus en plus de terres aux c?r?ales ; il semble
qu'aujourd'hui l'on soit arriv? ? un seuil au-del? duquel on se heurte ?
des obstacles d'ordre agronomique.
La modernisation de la e?r?aliculture.
Ce n'est que r?cemment, par le d?veloppement de la motorisation,
que les agriculteurs sont parvenus ? la rentabilit? maxima de surfaces
emblav?es de plus en plus grandes. La motorisation, ? ?tormay, pr?sente un caract?re spectaculaire, ainsi que le d?notent ses progr?s dans chaque
exploitation. Chez D., le premier tracteur (32 ch) est achet? en 1955 ; il est revendu
en 1968 et remplac? par un tracteur de 55 ch ; un second tracteur, de 52 ch, a ?t? acquis en 1961. La premi?re moissonneuse-batteuse tract?e (1,40 m de barre de coupe) est achet?e en 1954 ; elle est remplac?e en 1963 par une automotrice de 2,55 m, elle-m?me remplac?e par l'auto
motrice Diesel (3 m de barre de coupe) utilis?e aujourd'hui. Chez E., le premier tracteur (28 ch) est achet? en 1952 ou 1953. Un
second (32 ch), achet? vers 1956-57, a ?t? remplac? en 1966 par un trac
teur plus puissant de 55 ch ; on utilise aussi aujourd'hui un tracteur
de 35 ch achet? en 1960. Vers 1960-62 est achet?e la premi?re moisson
neuse-batteuse (automotrice, 1,80 m de barre de coupe) ; elle est rem
plac?e en 1965 par une automotrice de 2,55 m.
L. acquiert son premier tracteur en 1948. Il utilise aujourd'hui trois tracteurs d'une puissance respective de 70 ch, 42 ch et 20 ch. La pre
mi?re moissonneuse-batteuse tract?e, de 1,60 m de barre de coupe, est
achet?e vers 1955 ; trois autres, dont une automotrice, lui succ?deront.
Aujourd'hui, L. moissonne avec une automotrice de 3,60 m, achet?e
en 1965. M. utilise trois tracteurs : un de 60 ch, achet? en 1965, un de 15 ch,
achet? en 1958, et un de 45 ch, achet? en 1966. Quand M. est venu
s'installer chez ses beaux-parents en 1961, ceux-ci poss?daient d?j? deux
tracteurs, un de 32 ch et un de 15 ch qui est encore utilis? aujourd'hui. Son beau-p?re
avait eu successivement trois moissonneuses-batteuses :
une tract?e (utilis?e pendant un an seulement), puis deux automotrices, la seconde ayant
une plus grande de barre coupe que la premi?re. M., en
arrivant au village en 1961, a d'abord utilis? une automotrice de 3,60 m
appartenant ? la C.U.M.A. ; en 1968, il en a achet? une de m?me dimension.
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P. poss?dait d?j? un tracteur avant 1939. Il en a trois aujourd'hui, deux de 50 ch et un de 35 ch. C'est lui qui a achet? la premi?re moisson neuse-batteuse du village, vers 1952 ; il l'utilisait comme entrepreneur ? ?tormay et dans les villages voisins ; c'?tait une automotrice de 2,85 m
de barre de coupe (le plus grand mod?le ? l'?poque, para?t-il). Elle a ?t?
chang?e en 1965 contre une automotrice de m?me dimension.
S. ach?te un premier tracteur (22 ch) en 1946, un second en 1956, un
troisi?me en 1961. Il poss?de aujourd'hui trois tracteurs : l'un de 55 ch
depuis 1961, un autre de 45 ch depuis 1966, et le dernier de 15 ch
depuis 1956. La premi?re moissonneuse-batteuse (automotrice, 2,55 m
de barre de coupe) a ?t? achet?e en 1956 ; celle qui est utilis?e aujourd'hui
(3 m de barre de coupe), en 1965. T. n'a achet? qu'un seul tracteur en 1960 (45 ch) qu'il utilise encore
aujourd'hui. Il s'est procur? successivement deux moissonneuses
batteuses qu'il a achet?es en association avec un de ses fr?res : l'une
en 1962 (2,40 m) et l'autre, qui a remplac? la premi?re, en 1967 (3,60 m). Si l'on regroupe ces donn?es pour l'ensemble du village, on obtient
quelques tableaux qui illustrent le processus d'industrialisation de la
e?r?aliculture.
Le nombre de tracteurs disponibles n'a cess? de s'accro?tre depuis
pr?s de vingt, ans comme le montre le Tableau 4 :
Tableau 4
Nombre de tracteurs disponibles dans le village.
Avant 1939 . 1
Avant 1950 . 2
1950-1959. 8
1960-1964. 12
1965-1968. 17
Le mouvement de modernisation du mat?riel a donc pris r?cemment une grande ampleur puisque de 1959 ? 1968, c'est-?-dire en moins de
dix ans, le nombre de tracteurs a plus que doubl?. Actuellement, si un
exploitant ne poss?de qu'un tracteur (T., qui a la plus petite superficie en
c?r?ales), deux en poss?dent chacun deux et quatre en ont trois. La
situation est comparable ? celle de l'ensemble du Ch?tillonnais : alors
que pour la r?gion, le nombre moyen de tracteurs disponibles par exploi tation ?tait, en 1965, de 2,58 pour les exploitations de 100 ? 200 ha1, il
?tait ? ?tormay de 2,42. Par ailleurs, on constate ? ?tormay, comme dans le Ch?tillonnais,
non seulement un accroissement du nombre de tracteurs et de moisson
neuses-batteuses, mais aussi un accroissement de la puissance du mat?riel
utilis? (cf. Tabl. 5).
1. Cf. ibid., p. 28.
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?LEVAGE ET C?R?ALICULTURE EN CHATILLONNAIS 109
Tableau 5
Nombre de tracteurs disponibles par cat?gorie de puissance (en ch).
< 20 20-29 30-39 40-49 ^ 50
Avant 1939 .... 1
Avant 1950 .... 1
1950-1959. 2 1 2 1960-1964. 2 4 1 2 1965-1968. 2 1 2 4 8
Pour 11 tracteurs utilis?s aujourd'hui dont nous connaissons l'ann?e
d'achat, la r?partition par cat?gorie de puissance est figur?e au Tableau 6.
Tableau 6
Puissance des tracteurs achet?s (en ch).
1956 . 15 1958 . 15 1960 . 35 et 45 1961 . 52 et 55 1965 . 60 1966 . 45, 45 et 55 1968 . 55
De m?me en ce qui
concerne les moissonneuses-batteuses, on constate
un accroissement de la ce puissance ? qui appara?t ? travers l'?volution
de la largeur de coupe (cf. Tabl. 7).
Tableau 7
Nombre de moissonneuses-batteuses.
Largeur de coupe
Total Tract?es Automotrices ? 2m 2 ? 3 m 3 m et +
Avant 1950 . 0 0 0 0 0 0 1950-1959. 4 2 2 2 2 0 1960-1964. 6 0 6 1 3 1 1965-1968. 7 0 7 0 2 5
Si la motorisation est r?cente ? ?tormay, son essor a ?t? rapide : c'est
dans les premi?res ann?es de la d?cennie 1950-1959 qu'apparaissent les
premiers tracteurs et les premi?res moissonneuses-batteuses, dont le
nombre va augmenter sans cesse ; enfin, depuis cinq
ans on remarque
une orientation tr?s nette vers les techniques les plus m?canis?es (trac teurs plus puissants, moissonneuses automotrices de largeur de coupe
croissante).
Ce haut niveau de m?canisation, joint aux progr?s r?alis?s par les
proc?d?s de fertilisation, a permis aux exploitants d'?tormay de mettre
en uvre une e?r?aliculture tr?s moderne.
Il n'en a pas ?t? de m?me, on va le voir, pour l'?levage.
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110 CL. ROYER
U?levage.
Ovins et bovins.
Si ? ?tormay aujourd'hui, l'?levage est exclusivement bovin et, pour l'essentiel, orient? vers la production de lait, il n'en a pas toujours ?t?
ainsi. L'?levage du mouton ?tait tr?s vivant autrefois dans le village ; au d?but du si?cle, il comptait encore 2 500 moutons. Leur disparition est all?e de pair avec la d?population du village. En effet, les troupeaux
appartenaient pour une bonne part ? de petits et moyens exploitants qui les envoyaient pacager sur les terres incultes. La suppression de la vaine
p?ture, la d?population du village vers les ann?es 1925-1930 et la chute
des cours de la laine ne laiss?rent gu?re subsister que trois troupeaux rela
tivement importants, qui n'ont disparu que vers 1950 chez les fr?res E., entre 1956 et 1958 chez L. et en 1966 chez S.1. Parmi les sept exploitants actuels du village, ce sont les seuls ? avoir poss?d? des moutons. Aujour d'hui, l'?levage ovin a donc compl?tement disparu et rien ne laisse
pr?sager qu'il puisse rena?tre.
Le village n'a connu qu'un seul ?levage de porcs de quelque impor tance, celui que le p?re des fr?res D. a pratiqu? jusqu'? sa mort en 1963.
Sans doute, tous les exploitants du village ?l?vent-ils quelques porcs, mais ceux-ci sont destin?s ? la consommation familiale.
Quant au cheptel bovin, il a toujours ?t? orient? vers la production laiti?re. Autrefois partie int?grante d'un syst?me de polyculture-?levage, il occupe aujourd'hui une place ambigu? dans la r?alit? ?conomique et
dans les pr?occupations des agriculteurs. Il appara?t ? la fois comme une
survivance de l'ancien syst?me et comme une sp?culation ? laquelle s'attachent les exploitants. Il serait sans doute exag?r? de parler d'une
crise de l'?levage, mais on peut d?tecter, chez quelques exploitants du
moins, un certain malaise.
L9augmentation du troupeau.
Le trait le plus saillant dans l'?volution du cheptel bovin du village
depuis vingt ans est l'augmentation du nombre de t?tes de b?tail. Cette
augmentation g?n?rale est particuli?rement sensible dans trois exploita tions : chez S., le troupeau a doubl? en vingt ans. Le nombre de vaches
laiti?res est pass? de 15 en 1948 ? 22 en 1968, date ? laquelle S. poss?de au total 60 ? 65 b?tes. Depuis qu'il a commenc? ? vendre ses moutons, un peu avant 1966, il a augment? l'effectif de ses bovins, afin de r?aliser un plan d'ensemble qui consiste ? donner ? son exploitation une triple vocation : c?r?ales, lait, viande.
M., en 1961, exploitait 32 ha et poss?dait 5 vaches. En 1965, quand il est venu s'installer chez ses beaux-parents ? ?tormay, il a port? son
exploitation ? 120 ha et son troupeau ? 17 t?tes. Depuis, le nombre de
1. S. a conserv? 17 brebis, pour des raisons plus sentimentales qu'?conomiques. En effet, la seule fonction ?conomique de ce maigre troupeau est de procurer de ? l'argent de poche ?.
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?LEVAGE ET C?R?ALICULTURE EN CHATILLONNAIS 111
ses vaches laiti?res n'a cess? de cro?tre ; aujourd'hui, il en a 20. Il s'agit pour lui d'augmenter ? la fois les effectifs et la capacit? productive de son troupeau laitier, parall?lement ? la e?r?aliculture, pour pouvoir acheter la ferme qu'il exploite
en fermage. Son but avou? est d'arriver
? un maximum de 25 vaches laiti?res et de pratiquer un ?levage intensif.
Les fr?res D. poss?daient 15 ? 20 vaches laiti?res avant 1950, ?
l'?poque o? leur p?re exploitait encore la ferme. Le troupeau s'?l?ve
aujourd'hui ? 35 t?tes. Contrairement ? ce qui se passe chez M., l'on a affaire ici ? un ?levage extensif. Les deux fr?res ont une vocation
de c?r?aliculteurs et ne pratiquent l'?levage que parce qu'ils y sont
contraints. Il y a chez eux une volont? d?lib?r?e de ne pas moderniser leur ?levage, les investissements dans ce domaine n'?tant, selon eux, pas
rentables : ce Le lait n'a pas augment?, la viande ne se vend pas ; on se
rattrape sur le nombre. ?
L'augmentation du nombre de bovins a com
menc? vers 1950, lors de l'introduction de la m?canisation, quand les 6 chevaux de la ferme ont ?t? vendus. L'abandon de l'?levage des porcs, ? la succession de leur p?re, a permis aux deux fr?res de loger un nombre accru de bovins et de mettre en pratique la politique d'?levage extensif
qu'ils poursuivent aujourd'hui. Si l'effectif du troupeau a augment? dans toutes les exploitations, ce
ph?nom?ne n'en recouvre pas moins des attitudes fort diff?rentes, voire
m?me oppos?es, de la part de chacun des exploitants.
Les surfaces fourrag?res.
L'augmentation du nombre de t?tes du troupeau ne s'appuie pas sur
un accroissement des surfaces en herbe. Au contraire, l'attitude des
exploitants du village a toujours ?t? de consacrer le maximum de surface
possible ? la e?r?aliculture. C'est ainsi qu'en 1968, une prairie de 15 ha a ?t? ensemenc?e en c?r?ales chez les fr?res D. En fait, les surfaces four
rag?res n'ont pratiquement pas chang? depuis une
vingtaine d'ann?es.
Elles occupent, selon la qualit? des terres, une place variable dans la
superficie totale de l'exploitation, mais en r?gle g?n?rale elles corres
pondent ? la moiti? environ de la surface totale exploit?e, qu'il s'agisse de prairies naturelles permanentes, de prairies artificielles temporaires fauch?es puis p?tur?es, ou de fourrages cultiv?s non p?tur?s comme la
luzerne1. La situation de chacune des exploitations ressort du Tableau 8.
On constate que pour un nombre de vaches laiti?res sensiblement
?quivalent dans toutes les exploitations, la surface en c?r?ales (destin?es au b?tail) et en luzerne est ? peu pr?s partout la m?me, quelle que soit
la taille de l'exploitation. Les ?conomistes de l'I.N.R.A. ont montr? pour le Ch?tillonnais les relations entre le pourcentage de fourrages cultiv?s et la taille de l'exploitation2.
1. Il y a une vingtaine d'ann?es, chacun cultivait quelques hectares de betteraves fourra
g?res. Cette production a ?t? peu ? peu abandonn?e ; les derniers ? la pratiquer, les fr?res D., l'ont abandonn?e en 1967.
2. Cf. P. Mathal et P. Evrard, op. cit., p. 19.
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CL. ROYER
Tableau 8
L'?levage.
Exploitant
D.
E.
L.
M.
P.
S.
T.
Nombre
de
vaches*
27-35
25
20
20
25-30
22
22
Surface
totale
(en ha)
140 120 195 125 112 168 108
Surface
consacr?e
? r?levage
(en ha)
70 80 79 ? 57 55 71 74
C?r?ales
destin?es
? r?levage
(en ha)**
10
10
10
9
5
10
10
Prairies
perma nentes
(en ha)
25? 30 30? 3
30 35 30
Prairies
tempo raires
(en ha)
25 ? 30 30? 35 12 15 24
Luzerne
(en ha)
10 10 8
10 8
11 10
Les chiffres, parfois impr?cis, ne sont que des estimations des agriculteurs eux-m?mes ; ils donnent cependant un ordre de grandeur. * Le nombre de vaches correspond au nombre de m?res laiti?res.
** Les c?r?ales pour l'?levage correspondent ? ce qui est ensemenc? en orge et en avoine et dont le produit, non commercialis?, est destin? ? l'alimentation du b?tail.
L'observation de l'utilisation du sol ? Etormay permet de mettre au
jour les variations ? l'int?rieur d'une m?me cat?gorie de surfaces. Ainsi, la surface des prairies naturelles permanentes varie de fa?on assez consi
d?rable d'une exploitation ? l'autre. Par exemple, E. et M. consacrent aux prairies naturelles, le premier 25 %, le second 2,5 % d'une superficie totale ? peu pr?s identique : respectivement 120 et 125 ha. Il est vrai
que le cas de M. est exceptionnel,
tous les autres exploitants
consacrant
la m?me surface aux prairies naturelles. Cependant,
comme les prairies
naturelles occupent des sols de mauvaise qualit?, leur proportion peut varier d'une exploitation ? l'autre sans rien r?v?ler de l'attitude de l'ex
ploitant vis-?-vis de l'?levage. Il n'en va pas de m?me pour les prairies artificielles temporaires, fauch?es, puis p?tur?es ; ici les diff?rences sont
significatives. La surface consacr?e aux prairies artificielles varie du
simple au double, selon les exploitations, non seulement en valeur absolue
mais aussi en pourcentage. Par exemple, P. consacre aux prairies artifi
cielles temporaires environ 11 % de son exploitation, et S., 9 %, alors
que chez E. la proportion passe ? 25 % et chez M. ? 28 %, et cela pour un nombre identique de vaches laiti?res. A premi?re vue, de tels chiffres
semblent montrer un plus grand int?r?t pour l'?levage chez E. et chez
M. que chez P. et chez S. En fait, c'est presque l'inverse qui se produit. S. et surtout P. exploitent leurs terres ? fourrage de fa?on intensive alors
que chez les fr?res E., la proportion importante de prairies artificielles va de pair
avec un ?levage de caract?re extensif. Pour M., la situation est
particuli?re : l'importance des prairies artificielles dans son exploitation
para?t ?tre fonction de la quasi-absence de prairies naturelles.
Pour comprendre le r?le jou? par l'?levage dans le fonctionnement de
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?LEVAGE ET CER?ALICULTURE EN CHATILLONNAIS 113
l'exploitation, on ne peut
se contenter de relever la part des cultures
fourrag?res ; il faut aussi, comme pour la e?r?aliculture, savoir de quelle fa?on ces cultures sont exploit?es. En r?gle g?n?rale,
on note une am?lio
ration sensible de la qualit? des surfaces en herbe depuis 1945. Si les four
rages cultiv?s (luzerne et tr?fle) sont pratiqu?s ? ?tormay depuis plus de cinquante ans, les prairies naturelles permanentes ont ?t? longtemps d?laiss?es. Jusqu'en 1958 environ, on comptait, dans les p?turages, 2 ha
pour une b?te ; leur am?lioration permet de compter aujourd'hui 2 b?tes
? l'hectare. Autrement dit, la productivit? des p?tures a quadrupl?, du
moins chez les exploitants les plus dynamiques, car chez les autres, qui
n?gligent encore les p?tures et m?me les pr?s, les progr?s ont ?t? beau
coup moins spectaculaires. L'emploi des engrais s'est g?n?ralis? et accru.
Vers 1930, S. mettait des scories sur les prairies permanentes ? raison
de 300 kg /ha ; aujourd'hui la quantit? est pass?e ? 900 kg /ha (tous les
deux ou trois ans). P., quant ? lui, r?pand des scories chaque ann?e. Les
engrais, dont l'emploi a commenc? ? se r?pandre vers 1950, puis les
engrais liquides, depuis quelques ann?es, sont ?pandus par les exploi tants les plus dynamiques aussi bien sur les cultures fourrag?res que sur
les terres ? c?r?ales. En fait, depuis 1960, la majorit? des exploitants
soignent leurs prairies aussi bien que leurs terres. Les progr?s dans la
fertilisation des superficies en herbe se sont donc diffus?s une dizaine
d'ann?es apr?s ceux r?alis?s pour la e?r?aliculture.
En ce qui concerne la m?canisation, en revanche, aucun retard signi
ficatif n'appara?t ; les premi?res presses sont achet?es ? peu pr?s en
m?me temps que les premi?res moissonneuses-batteuses, comme le
montre le Tableau 9. Tableau 9
Progr?s de la m?canisation.
MD = moyenne densit? BD = basse densit?
Exploitant
D.
E.
L.
M.
P.
S.
T.
Date d'achat
1er tracteur
1955 1952 1948
? avant 1939
1946 1960
lre moissonneuse lre presse
1954 1960 1956
? 1952 1956 1962
1953-MD
1962-BD
1953-MD
1956-BD
1952-BD
1954-BD
1963-MD
presse actuelle
1968-MD
1967-MD
1965-MD
1968-MD
1963-MD
1962-MD
la m?me
L'?quipement en presses se situe donc ? l'?poque des grands inves
tissements en mat?riel. Depuis 1962, on n'ach?te plus que des presses de
moyenne densit?, ce qui confirme l'orientation r?cente vers les tech
niques les plus m?canis?es.
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114 CL. ROYER
Les races et la s?lection.
L'?levage bovin dans le village se caract?rise par une certaine diver sit? des races, la race brune des Alpes, la plus r?pandue autrefois, n'?tant destin?e ? se maintenir que dans une seule exploitation, ainsi qu'il appa ra?t dans le Tableau 10.
Tableau 10
?volution des races bovines.
Exploitant Race Ins?mination Race des vaches avant 1960
D.
E.
L.
M.
Pie-rouge
Fribourgeoise
Pie-rouge Brune (50 %) Frisonne (50 %) Pie-rouge
(+3 frisonnes) Croisement
fribourgeois/ frisonne6
Brune des Alpes
Artificielle
Taureau hollandais2
Artificielle
Artificielle
Taureau pie-rouge5
Taureau
fribourgeois
Artificielle7
Brune des Alpes1 Brune des Alpes
Pie-rouge3 Brune des Alpes4
Brune des Alpes
Brune des Alpes
Brunes des Alpes
1. Le changement de race s'est effectu? il y a quelques ann?es ? la suite de l'?pid?mie qui a d?vast? le troupeau de brunes des Alpes.
2. On a tent? aussi dans cette exploitation des croisements avec des pies-rouges de l'Est, mais ils ont ?t? abandonn?s ? la suite d'un ?chec.
3. L. avait compl?tement abandonn? l'?levage bovin il y a quelques ann?es, quand sa
femme attendait un enfant et ne pouvait assurer la traite quotidienne ; il poss?de aujourd'hui quelques frisonnes et quelques brunes des Alpes, mais son effort vise ? la reconstitution d'un
troupeau pie-rouge. 4. Le beau-p?re de M. avait un ?levage de brunes des Alpes. Quand M. a repris la ferme,
en 1965, il a apport? 5 frisonnes et a commenc? ? ?hminer les vaches de race brune pour les
remplacer par des frisonnes. Ainsi, dans l'hiver 1967-68, il a vendu 4 vaches brunes (non pleines) et a achet? 4 frisonnes (venues de Moselle). L'ins?mination artificielle ne lui donnant pas satisfaction, il pr?voit l'achat d'un taureau.
5. Taureau achet? en Haute-Sa?ne ; le pr?c?dent venait de Haute-Marne. 6. Ce choix r?pond au souci de S. de produire ? la fois du lait et de la viande. 7. M. a pass? avec le centre d'ins?mination un contrat de testage (10 vaches sont ins?min?es
chaque ann?e).
La race pie-rouge domine nettement, mais pratiquement chaque
exploitant fait des choix particuliers et m?ne une politique personnelle.
La production laiti?re.
Toutes les exploitations pratiquent l'?levage laitier. Certes, chaque
exploitant vend chaque ann?e un certain nombre de vaches de r?forme, les veaux m?les, ainsi que les veaux femelles qui ne sont pas conserv?s
pour le renouvellement du troupeau1 mais sont vendus comme veaux de
1. Seul T. garde toutes les femelles et ne les s?lectionne qu'apr?s qu'elles aient fait deux ou trois veaux.
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?LEVAGE ET CEREALICULTURE EN CHATILLONNAIS 115
boucherie ? 6 ou 8 semaines1. Cette production de viande appara?t comme un simple sous-produit de l'?levage laitier. L. a tent? il y a
quelques ann?es de constituer un ?levage de baby-b uf, mais l'exp? rience s'est sold?e par un ?chec. S. est le seul qui manifeste un int?r?t
particulier pour la production de viande : cet int?r?t se traduit par le
choix d'un croisement fribourgeois/frisonne et par le grand nombre
d'?l?ves : une quarantaine pour 22 m?res. Mais il ne s'agit l? encore que d'accro?tre et d'am?liorer la sous-production de viande d'un ?levage laitier2.
Pour trois exploitations
nous avons pu conna?tre la production
annuelle moyenne par vache : elle est de 2 300 1 chez S., mais ses efforts
visent autant ? produire de la viande que du lait ; de 3 000 1 chez T., ce mais ?, remarque-t-il,
ce les veaux t?tent ? et la production est en
r?alit? plus ?lev?e ; elle est enfin de 4 100 1 chez M.3.
Il s'agit l?, il est vrai, des trois meilleurs ?leveurs d'Etormay (sans compter P. pour lequel nous n'avons pu obtenir de chiffres). M. et T. sont
par ailleurs les seuls ? se soumettre au contr?le laitier (M., depuis avril 1968). La r?ussite de M. est assez remarquable puisqu'il se place, au point de vue de la production de lait, parmi les meilleurs ?leveurs de
la r?gion, y inclus le canton d'Aignay-le-Duc o? les conditions de la pro duction laiti?re sont plus favorables qu'? ?tormay.
Les attitudes vis-?-vis de V?levage.
Si l'on d?couvre ? Etormay une e?r?aliculture moderne qui soutient la comparaison avec celle des r?gions o? le capitalisme agraire est le plus
d?velopp?, il en va diff?remment de l'?levage qui, malgr? les progr?s
accomplis (augmentation des productions fourrag?re et laiti?re), est loin
d'appara?tre comme ce moderne ?.
Certes, toutes les ?tables sont ?quip?es d'abreuvoirs automatiques
(depuis 1966 seulement chez les fr?res D.) et tous les exploitants poss? dent des machines ? traire. Mais on ne trouve dans le village aucune
?table moderne avec salle de traite, alors que les sp?cialistes estiment
que ce type d'installation est rentable pour les troupeaux de plus de
quinze vaches4. C'est dire que l'?quipement des exploitations d'?tormay dans le secteur de l'?levage n'est pas ? la mesure de leurs possibilit?s.
Toutefois, on ne peut pas pr?tendre que l'?levage ait ?t? d?laiss?. Si les investissements n'ont pas ?t? aussi importants que pour la c?r?ali
1. Seuls les fr?res D. et L. vendent leurs b?tes ? la S.I.C.A. Tous les autres vendent aux
bouchers. 2. Toutefois, le fils S., qui vient de prendre la direction de l'exploitation, pense d?velopper
un ?levage orient? vers la production de viande ; mais ce n'est qu'un projet vague. 3. Pour l'ensemble des trois cantons de Baigneux, d'Aignay-le-Duc et de Recey-sur-Ource,
la production moyenne annuelle a ?t? en 1967 de 3 586 1 pour les pies-noires, 3 686 1 pour les
brunes des Alpes, et 3 509 1 pour les pies-rouges (renseignements communiqu?s par le conseiller
technique agricole du F.P.A. d'Aignay-le-Duc). 4. L. Perceval et R. Chatelard, ? La situation de la production laiti?re en France ?,
suppl. au n? 121 d'?conomie et Politique, 1964, p. 47.
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116 CL. ROYER
culture, ils n'en existent pas moins. En fait, l'adoption, vers 1950, de plu sieurs innovations techniques (fertilisation, s?lection des vari?t?s, m?ca
nisation), imm?diatement rentabilis?es gr?ce ? la situation fonci?re et au
prix int?rieur des c?r?ales, a incit? les agriculteurs d'?tormay, comme ceux du Ch?tillonnais, ? d?velopper la e?r?aliculture. Leur r?ussite a
d'ailleurs montr? la justesse de leur calcul. L'?levage est alors pass? au
second plan ; mais son d?veloppement a commenc? une dizaine d'ann?es
plus tard, vers 1960. Il convient d'apporter ici quelques pr?cisions et d'examiner chaque
exploitation individuellement. Les agriculteurs du village se divisent en deux groupes quant ? leur attitude vis-?-vis de l'?levage. Trois d'entre eux, les fr?res D., les fr?res E. et L., se disent ? et sont ?
plus
agriculteurs qu'?leveurs. L'?levage n'est pour eux qu'un pis-aller,
ce une
roue de secours ?, comme dit L., et ils ne le pratiquent que parce qu'ils
y sont oblig?s, moins par n?cessit? ?conomique peut-?tre qu'en raison de contraintes agronomiques. S'ils le pouvaient, ils seraient uniquement c?r?aliculteurs. Que reprochent-ils ? l'?levage ? La traite quotidienne est
consid?r?e comme trop contraignante ; mais c'est l? un grief secondaire, car aucun n'a tent?, sauf L., de s'orienter vers la production de viande
et aucun ne pr?voit de le faire. Le reproche le plus s?rieux fait ? l'?levage est qu'il ne ce paye pas ?. Il est certain que les agriculteurs du Ch?tillon nais n'ont pas r?ussi ? rendre l'?levage aussi rentable que les c?r?ales ; le co?t de production du lait reste tr?s ?lev?1. Enfin, intervient un facteur
humain : ces exploitants n'ont aucun
go?t pour l'?levage ; autant ils
aiment leur m?tier d'agriculteur, autant ils subissent leurs fonctions d'?leveur comme une corv?e. Les fr?res D. avouent d'ailleurs leur
manque de connaissances en la mati?re, cons?quence du peu d'int?r?t
qu'ils ?prouvent pour ce type de production et pour le travail qu'il implique. Un agriculteur d'une commune voisine disait : ce L'?levage, il faut que ?a paye et que ?a plaise. ? Il est ?vident que chez D., E. et L.,
l'?levage est peu appr?ci? et par cons?quent peu rentable ; ces trois
exploitants sont en quelque
sorte prisonniers d'un cercle vicieux : n'ai
mant pas l'?levage, ils ont tendance ? le n?gliger et ? ne pas le rentabi
liser ; la faible rentabilit? justifie leur manque d'int?r?t, et ainsi de suite.
N'est pas ?leveur qui veut. Il faut pour cela une mentalit? particuli?re et
des connaissances qui ne
s'improvisent pas.
Chez les quatre autres exploitants du village, l'attitude ? l'?gard de
l'?levage est tr?s diff?rente. Bien que celui-ci ne soit pas, chez eux non
plus, aussi modernis? que la e?r?aliculture, ils n'en ont pas moins en ce
domaine des attitudes dynamiques. M. et T. pratiquent le contr?le laitier.
Tous montrent un souci particulier de s?lection, ce qui n'est pas le cas
de D., E. et L. ; P. et S. choisissent soigneusement leurs taureaux, M. va
abandonner l'ins?mination artificielle qui ne le satisfait pas et T. a pass?
1. Du moins si on envisage l'?levage ind?pendamment des autres productions ; il faudrait voir comment les co?ts de production du lait s'?talent dans les co?ts g?n?raux.
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?LEVAGE ET CEREALICULTURE EN CHATILLONNAIS 117
avec le centre d'ins?mination un contrat de testage. Tous s'int?ressent ?
l'?levage et aux
progr?s possibles dans ce secteur1. S'ils ne sont pas encore tr?s bien ?quip?s, c'est moins par manque de volont? qu'en raison de probl?mes financiers, l'essentiel de l'effort de modernisation ayant ?t?
affect? jusqu'? pr?sent ? la e?r?aliculture avec l'ampleur que l'on sait.
Mais ils ont des projets ? plus ou moins long terme ; ainsi le fils S. pense ? la stabulation libre.
On trouve donc chez les exploitants d'?tormay deux types d'atti tude tr?s diff?rents vis-?-vis de l'?levage, les uns le consid?rant comme
un mal n?cessaire, les autres comme une sp?culation possible
et souhai
table. Les premiers r?vent d'une exploitation enti?rement consacr?e ? la
culture des c?r?ales, les seconds veulent d?velopper de grandes exploita tions fond?es ? la fois sur la e?r?aliculture et sur l'?levage. Ce sont les
rapports entre ces deux types de production, tels qu'ils existent aujour d'hui au sein des exploitations et tels qu'ils sont envisag?s dans les pro
jets des agriculteurs, que nous allons examiner maintenant.
Une production mixte : c?r?aliculture-?levage.
Tous les exploitants du village pratiquent l'?levage, m?me ceux qui
pr?f?reraient l'abandonner mais ne peuvent s'y r?soudre car les terres
n'ont ce pas assez de fond ? et ne peuvent supporter des c?r?ales pendant
plus de dix ans, sinon on aboutit ? une baisse du poids sp?cifique. Cette
particularit? propre ? ?tormay et aux communes voisines, particuli?re ment sensibles ? la s?cheresse, implique une rotation des cultures et un
syst?me d'assolement c?r?ales/cultures fourrag?res qui a remplac? l'as
solement triennal traditionnel avec jach?re. T., par exemple, pratique la
rotation suivante : 10 ha de prairie sont labour?s et ensemenc?s en bl?
chaque ann?e, et 10 ha cultiv?s en bl? l'ann?e pr?c?dente sont emblav?s sous couvert (orge) et produisent pendant trois ans du fourrage ; la qua tri?me ann?e, ils sont ? nouveau ensemenc?s en bl?.
C'est donc avant tout la nature du sol qui impose le maintien des cultures
fourrag?res dans l'assolement et par cons?quent la pratique de
l'?levage. Que cette contrainte agronomique soit r?elle ou suppos?e
ne
nous int?resse pas ici ; ce qui importe, c'est que les agriculteurs la per ?oivent comme telle et agissent en cons?quence. Toutefois, le maintien de l'?levage ne peut s'expliquer m?caniquement ? partir de cette
contrainte. Les rapports e?r?aliculture /?levage sont beaucoup plus
complexes ; en r?alit?, on ne se trouve pas devant deux types de pro duction nettement s?par?s, mais compl?mentaires. Cette compl?menta rit? se situe aux niveaux tant
technique qu'?conomique. Sur le plan technique, d'une part, la t?te d'assolement fourrag?re per
met d'obtenir une bonne rentabilit? des terres ? c?r?ales en ?vitant leur
1. T., par exemple, conna?t tous les ?leveurs ? de pointe ? de la r?gion (cantons de Baigneux les-Juifs, d'Aignay-le-Duc et de Laignes).
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d?gradation ; d'autre part, la fumure joue un r?le important dans la
fertilisation en donnant du liant ? la terre, facteur important dans les zones qui craignent la s?cheresse, ce qui est le cas d'?tormay1. Ainsi
l'?levage permet-il dans une certaine mesure d'assurer, et m?me d'aug
menter, le rendement en c?r?ales. En contrepartie, la e?r?aliculture four
nit ? l'?levage de la paille et une part non n?gligeable de l'alimentation des animaux. A ce niveau, on ne sort gu?re de l'agriculture polyculturale traditionnelle.
Sur le plan ?conomique, les revenus de l'?levage laitier repr?sentent le salaire de l'exploitant. Le produit de la vente du lait assure un revenu
relativement r?mun?rateur et r?gulier2, et permet ainsi de r?investir
totalement dans l'exploitation les recettes imputables aux c?r?ales. Par
ailleurs, le revenu assur? par la production laiti?re a permis, vers les
ann?es 50, d'assurer en partie le financement de la motorisation3. Aujour d'hui, c'est le mouvement inverse qui semble se produire : les rentr?es
financi?res dues aux c?r?ales vont ?tre investies dans la modernisation de l'?levage.
Il semble donc que e?r?aliculture et ?levage se f?condent mutuelle ment et qu'un ?quilibre tende ? s'?tablir entre eux au sein d'un syst?me de production mixte de caract?re moderne. C'est l? du moins ce que veulent b?tir les agriculteurs les plus dynamiques. Ce souci r?pond, en
outre, ? un besoin de s?curit? : il s'agit de se pr?munir contre tout acci
dent ? naturel ou ?conomique ? en gardant ce plusieurs fl?ches ? son
arc ?. Peut-?tre faut-il y voir une survivance de la vieille mentalit?
autarcique, ou le reflet des inqui?tudes de producteurs dans l'impossibi lit? de ma?triser les facteurs nationaux et europ?ens dont d?pend leur
situation.
L'attitude des agriculteurs d'?tormay (ceux du moins qui sont le plus int?ress?s par l'?levage) correspond ? une volont? dynamique d'exploiter au mieux les contraintes et les possibilit?s de leur terroir. On voit na?tre
ainsi un nouveau type d'homme : le c?r?aliculteur-?leveur, dont P. offre
un bon exemple. Les autres exploitants du village ne tarissent pas
d'?loges ? son ?gard. Excellent agriculteur, sachant organiser son travail, utiliser son mat?riel de la fa?on la plus rationnelle, soigner ses terres, il
est aussi un ?leveur comp?tent et r?put? ; faisant preuve depuis fort
longtemps de dynamisme4, il a su faire de son exploitation, pourtant l'une des plus ce petites ? du village, un mod?le du genre. Il est difficile
de savoir s'il joue le r?le de leader ; cependant, comme ? ?tormay les
?changes d'informations sont continuels, on peut supposer que son
1. Renseignement recueilli aupr?s du conseiller technique agricole du F.P.A. d'Aignay le-Duc.
2. Tout le monde, sauf L., vend son lait ? la fromagerie de Chaume-l?s-Baigneux o? il est
transform? en gruy?re. 3. Cf. P. Mathal et P. Evrard, op. cit., p. 75. 4. Il a ?t? le premier dans le village ? poss?der un tracteur, d?s avant 1939 ; c'est lui aussi
qui a achet? la premi?re moissonneuse-batteuse et la premi?re presse ; il a encore ?t? le premier, et pratiquement le seul, ? moderniser son ?table.
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?LEVAGE ET C?R?ALICULTURE EN CHATILLONNAIS 119
influence n'est pas n?gligeable. Au demeurant, il n'est pas le seul ; d'autres c?r?aliculteurs-?leveurs dans les communes voisines
d'?tormay
dirigent des exploitations consid?r?es comme des mod?les1.
Parmi les trois voies qui s'offrent aux productions animales dans le
Ch?tillonnais2 ? accro?tre la production ovine, intensifier le secteur
laitier, passer ? la production de viande par croisement industriel ?, les
agriculteurs d'Etormay ont choisi la seconde, sans toutefois ?liminer a priori les possibilit?s offertes par la troisi?me. Certains agriculteurs
?g?s, d'?tormay et des environs, disent que les jeunes se d?sint?ressent de l'?levage : ce Autrefois, les gens ?taient fiers de leur troupeau, ils par
ticipaient aux comices... On trouvait de bons ?leveurs. ? Ce serait une
erreur de ne voir dans ces propos que le reflet de la nostalgie du ce bon vieux temps ?. Toutes ces r?flexions sont justes, mais il ne faut pas oublier que si chez certains ?leveurs l'attachement au troupeau li? au
prestige a disparu, c'est au profit d'une attitude plus rationnelle ; ils
appliquent aujourd'hui ? l'?levage la mentalit? qu'ils se sont forg?e dans la pratique de la grande e?r?aliculture de type capitaliste. Les tenants de la polyculture traditionnelle ont fait place ? des chefs d'entre
prise pour lesquels le troupeau est devenu un moyen de production qui doit ?tre rentable.
Disparition de la communaut? villageoise
Ce village, dont nous venons de d?crire l'?volution et la situation
?conomique, est-il encore une communaut? ou n'est-il plus qu'une collec
tivit? locale, une entit? administrative? Des ?l?ments de r?ponse ont
d?j? ?t? apport?s ; nous allons les compl?ter par une br?ve description du
syst?me d'entraide et de la vie culturelle.
Les relations d'entraide.
La plus grande partie des relations d'entraide sont ?tablies avec des
parents habitant hors du village : M. pr?te son mat?riel ? son p?re (habi tant ? ?talante), ? un fr?re (de Poiseul-la-Ville) et ? un beau-fr?re (de
Bligny ?) qui, en ?change, viennent l'aider ; la moisson et la fenaison se
font en commun. Pendant l'hiver 1967-68, M. est all? labourer chez un
fr?re qui venait d'acheter une ferme en Haute-Marne. Jusqu'en 1967, M. n'ayant pas de presse, la fenaison se faisait en commun avec la presse
amen?e par ses fr?res. Chez S., depuis 1966, le beau-fr?re de S. fils vient
du village voisin, La Villeneuve-les-Convers, pour aider ? l'?pandage du
fumier en apportant sa fourche ? fumier. En 1966, S. ayant fini la
1. Par exemple, dans la commune voisine de Jours-l?s-Baigneux, on trouve une exploi tation de 270 ha ? triple production : c?r?ales, lait, viande (140 ha en c?r?ales, 20 ha en colza, 110 ha en cultures fourrag?res). Le troupeau de 160 b?tes au total, compte 20 vaches pies rouges, 20 vaches charollaises, 2 reproducteurs (1 de chaque race) ; les bovins charollais ont
remplac?, il y a quelques ann?es, le troupeau ovin. 2. Cf. P. Mathal et P. Evrard, op. cit., p. 80.
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moisson relativement t?t est all? pendant deux jours faire la moisson ? La Villeneuve, une journ?e chez son neveu et une journ?e chez le beau
fr?re de son fils. L'ann?e suivante, son fils ?tant tomb? gravement malade pendant les semailles, les prestataires de l'ann?e pr?c?dente sont venus l'aider. L. re?oit l'aide d'un cousin de M?n?treux pour la moisson et la fenaison et la lui rend pour l'ensilage du ma?s dans le cadre de
la C.U.M.A. de M?n?treux dont il fait partie, afin de profiter de la gra nuleuse. L'un des fr?res E., ?tant tomb? malade pendant les moissons, il y a quelques ann?es, a fait appel ? un beau-fr?re d'un village voisin
pour venir le remplacer. Les fr?res E. pratiquent une entraide r?guli?re pour l'?pandage du fumier avec un beau-fr?re de M?n?treux, cousin de L., et un beau-fr?re de Chaume-l?s-Baigneux ; mais ils font seuls moisson et
fenaison. Ils font aussi partie, selon des modalit?s mal d?finies, de
la C.U.M.A.-ma?s de M?n?treux, comme L. et pour les m?mes raisons
que lui. T. est co-propri?taire avec son fr?re de Poiseul-la-Ville, d'une
moissonneuse-batteuse qui est utilis?e en commun, deux ou trois jours
chez l'un, puis deux ou trois jours chez l'autre. T. coop?re pour l'?pan
dage du fumier avec son neveu de Chaume-l?s-Baigneux qui poss?de une fourche.
A l'int?rieur du village, les relations d'entraide sont beaucoup moins
d?velopp?es ; et elles se font, ici aussi, principalement entre parents par alliance : P., S. et T. ont achet? un hache-paille en commun. Pendant
quelques ann?es, D., M. et S. ont poss?d? en commun un
pulv?risateur ? d?sherber, mais les surfaces ? d?sherber ?taient trop importantes pour permettre une utilisation rationnelle par trois propri?taires ; aussi
l'association a-t-elle ?t? rompue en 1968, les fr?res D. s'?tant charg?s de
revendre l'appareil et de partager le produit de la vente. Par ailleurs, des ?changes de mat?riel sont pratiqu?s entre M. et S.
Les relations d'entraide co?ncident donc avec les relations de parent? et s'exercent en dehors du village. Dans le village m?me, l'entraide de
voisinage existe, mais elle n'est qu'occasionnelle. Ainsi, lorsque l'un des
exploitants a fini la fenaison plus t?t que les autres, il va aider un voisin ; de m?me en cas d'accident ou de maladie
? encore fait-on souvent appel
dans ce cas ? des parents de l'ext?rieur.
L'id?al est de pouvoir faire son travail tout seul, ce qui est devenu en
grande partie possible avec les progr?s de la m?canisation. Il semble donc
que le progr?s technique ait h?t? la disparition des relations d'entraide
traditionnelles. Pas totalement toutefois : ainsi, dans le village voisin, La Villeneuve-les-Convers, qui compte ? peu pr?s le m?me nombre d'ex
ploitants qu'?tormay et o? le niveau technique est sensiblement le
m?me, les jeunes exploitants forment une v?ritable ?quipe d'entraide1.
A ?tormay, si l'on travaille volontiers avec des parents des villages voisins, les relations de voisinage ne vont gu?re au-del? de la bonne
entente.
1. C'est ainsi que les d?crit un des exploitants d'?tormay qui regrette que la m?me ? am
biance ? ne r?gne pas dans son village.
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Les traditions villageoises.
Certaines traditions sont rest?es bien vivantes. Ainsi, le vendredi et
le samedi saints, les enfants (au nombre de trois en 1968) parcourent les rues du village en agitant des cr?celles pour annoncer les offices. La tra
dition du ce mai ? aux jeunes filles est encore respect?e. Apr?s une inter
ruption de quelques ann?es, la pose des ce mais ? sur les maisons des
jeunes filles a repris en 1968, et dans la nuit du 30 avril au 1er mai de cette ann?e, neuf ce mais ? ont ?t? pos?s.
D'autres coutumes, en revanche, ont disparu; ainsi celle qui consistait
pour les jeunes gens ? ramasser le mat?riel des avares et ? l'entasser sur
la place du village. Autrefois, lors des mariages, la mari?e ?tait salu?e ? la mairie et ? l'?glise par une salve d'honneur. Jusque vers 1960, les
jeunes gens offraient un bal ? la Saint-Nicolas et ? la Sainte-Catherine. Pour la Saint-Nicolas, ils se r?unissaient au caf? et faisaient un repas en commun ; pour la Sainte-Catherine, les jeunes filles se recevaient
chacune ? son tour.
Une seule f?te s'est maintenue, la f?te patronale, qui avait lieu autre
fois le jour de la Saint-Martin, le 10 novembre ; elle a ensuite ?t? report?e, selon les d?sirs des forains, au premier dimanche d'octobre ; depuis 1965, elle a lieu le dimanche des Rameaux. Un concours de quilles est organis? pour le 14 Juillet (il y a quelques ann?es, quand le caf? ?tait encore ouvert, on
jouait aux
quilles de temps en temps ; maintenant, le
14 Juillet est la seule occasion). Les coutumes li?es au
cycle agraire ont toutes disparu. Pendant les
moissons, le premier qui avait fini mettait un bouquet sur sa derni?re voiture ; quant
au dernier, il ce mettait la cl? ?. Cette coutume s'est per
p?tu?e jusqu'? l'apparition des moissonneuses, vers 1955, ainsi que celle
qui consistait ? r?unir en un repas, la ce pell?e ?, le soir du premier dimanche qui suivait la fin des moissons, tous ceux qui avaient particip? aux travaux. Une coutume similaire avait lieu lors du battage du grain ? la fin de f?vrier ; il s'agissait d'un repas en commun pris le soir ; on
appelait cela ce faire le g?teau de la rate ?. Quand aux veill?es, elles avaient disparu d?s avant 1914. De m?me ont disparu les coutumes qui
marquaient le calendrier religieux. Jusqu'en 1962 environ, quelques pro
pri?taires allaient placer un rameau de buis b?nit ? l'extr?mit? de leurs
parcelles les plus importantes. Cette pratique n'a plus cours, mais on
voit encore chez certains exploitants des rameaux de buis b?nit dans les ?tables.
*
En l'espace d'une g?n?ration, le village a perdu son caract?re de
communaut?. Jusqu'en 1914, et m?me un peu plus tard, ?tormay est
rest? une v?ritable communaut? villageoise. Elle en avait conserv? cer
tains des fondements ?conomiques, en particulier les bois communaux
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et, surtout, la vaine p?ture1. La pratique de l'entraide, bien que plus
d?velopp?e qu'aujourd'hui, n'a jamais atteint l'importance qu'elle a pu avoir dans les r?gions de bocage ? habitat dispers? o? elle semble avoir
suppl?? la faiblesse des contraintes collectives dans le maintien de la
coh?sion de la communaut?. A ?tormay,
c'est sur ces contraintes collec
tives que se fondait la coh?sion. Apr?s 1918, les membres les plus pauvres de la communaut? ? ceux qui avaient le plus int?r?t ? voir se maintenir les contraintes collectives ? ont ?t? oblig?s de quitter le village et la
vaine p?ture, priv?e de ses d?fenseurs, n'ayant d'ailleurs plus de raison
d'?tre, a ?t? supprim?e. L'exode rural a donc permis ? cette ?poque non
seulement la formation de grandes exploitations, mais aussi leur lib?ra
tion juridique. Le village a vu ainsi s'?tablir les conditions du passage de la polyculture traditionnelle de subsistance ? la grande agriculture
capitaliste ; la constitution de grandes propri?t?s et la suppression de
toute servitude collective ont constitu? les bases indispensables de l'essor
du capitalisme agraire en offrant un terrain favorable ? l'implantation des techniques nouvelles (fertilisation, motorisation, s?lection) et au
d?veloppement des forces productives et plus sp?cialement des moyens de production. La m?canisation a eu elle-m?me pour effet de faire dispa ra?tre les relations d'entraide de voisinage. La coh?sion de la commu
naut? s'en est trouv?e amoindrie d'autant ; cependant qu'avec l'expan sion de la e?r?aliculture, le village s'ouvrait largement ? l'ext?rieur sur
le plan ?conomique, l'?tablissement de relations d'entraide avec les
parents des villages voisins ?largissait l'aire g?ographique des relations
sociales.
La d?sagr?gation de la vie culturelle traduit sur un autre plan la mort
de la communaut? : disparition des coutumes dont la fonction latente
?tait de maintenir la coh?sion de la communaut? en p?nalisant les indi
vidus marginaux (dernier moissonneur2, avare), et abandon des traditions
li?es ? la pratique du travail de groupe (repas de moisson, de battage) ou
aux loisirs collectifs (bals, r?unions des jeunes gens). La communaut? villageoise, referm?e sur elle-m?me ? la fois ?cono
miquement et socialement, a fait place ? une collectivit? locale dont les
productions (c?r?ali?res et laiti?res) sont totalement ins?r?es dans le
circuit ?conomique national, et dont les relations sociales s'inscrivent
dans une aire beaucoup plus vaste que le cadre villageois dans lequel elles s'exer?aient nagu?re.
La mort de la communaut? est la ran?on du d?veloppement de la
e?r?aliculture et de la modernisation pr?visible de l'?levage, c'est-?-dire
du passage ? la grande agriculture moderne de type capitaliste.
1. Des renseignements contradictoires ont ?t? recueillis sur la persistance jusqu'? une
date r?cente de l'assolement obligatoire sur le territoire d'?tormay. Dans la commune voisine
de Jours, cet assolement s'est maintenu jusqu'en 1930 en extr?mit? de finage. 2. Le dernier moissonneur retardait le moment o? la communaut? pouvait profiter du
droit de vaine p?ture.
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