ELLIPSES TEMPORELLES ET SÉQUENTIALITÉ

80 ■ Manuel du mangaka

ELLIPSES TEMPORELLES ET SÉQUENTIALITÉ Mettre une histoire en cases, ce n’est pas juste assembler au hasard des cases les unes après les

autres. Il faut que les cases aient des liens entre elles pour que l’histoire soit compréhensible.

Pour cela, il faut vous familiariser avec le concept d’ellipse entre les cases. C’est-à-dire ce qui se

passe entre les cases, que l’on ne voit pas, mais que le lecteur imagine.

Dans ce strip en deux cases, on

comprend que le personnage

est tombé. Toutefois, il s’est

« virtuellement » écoulé du

temps entre les deux cases. Ce

temps virtuel constitue l’ellipse.

Le lecteur a imaginé le person-

nage en train de chuter, il a fait

le lien entre les deux images.

On aurait aussi pu montrer

la chute. L’action décrite est la

même que précédemment. La sé-

quence est plus longue, les ellip-

ses entre les cases plus courtes.

chap 3 story cs.indd 80chap 3 story cs.indd 80 15/01/10 10:01:3915/01/10 10:01:39Noir quadriNoir quadri

© 2010 Pearson Education France – Manuel du mangaka : Story-board & composition de planches – Eurasiam

La narration et l’enchaînement des cases ■ 81

Rassurez-vous tout de suite, il n’y a pas de bon ni de mauvais choix

entre les deux précédents strips. Les deux fonctionnent et décrivent

la même action. L’effet n’est pas le même, c’est tout. C’est à vous

de choisir ce que vous voulez montrer au lecteur, ou ce qu’il peut

s’imaginer, et qui selon vous ne nécessite pas de case.

Une des particularités du manga est de décrire une action en dé-

taillant le mouvement (comme au strip 2). C’est l’une des raisons

pour lesquelles un volume de manga dépasse souvent les 150 pa-

ges, pour une histoire qui n’est pas forcément plus longue que celle

d’une bande dessinée franco-belge. Détailler le mouvement néces-

site plus de cases, donc plus de pages. Toutefois on peut allonger

une séquence sans détailler le mouvement. Il peut également s’agir

de montrer les expressions du personnage. C’est un aspect très im-

portant du manga : mettre en avant les personnages.

Ce strip décrit la même action que précédemment. On a ajouté une

case avec un gros plan du visage du personnage. Ce gros plan, qui

se situe temporellement pendant la chute, vient renforcer l’effet de

l’action. Le fait de montrer ce que le personnage ressent intensifie

les sentiments du lecteur.




Guider le lecteur en raccourcissant les ellipses

L’une des erreurs les plus fréquentes constatées sur les travaux des

débutants, c’est l’incompréhension de l’action ou de la scène d’une

case à l’autre. C’est-à-dire lorsqu’on ne fait pas le lien entre les images

et que l’on ne parvient pas à se représenter le mouvement continu.

Cela est dû à une mauvaise maîtrise du concept d’ellipse entre les

cases. Il faut alors ajouter des cases qui vont détailler l’action pour

la rendre compréhensible. C’est l’auteur qui décide ce que le lecteur

s’imagine entre les cases !

Ici, l’enchaînement est trop rapide. Le lecteur ne fait pas le pont

entre les deux images car l’ellipse dans le temps est trop grande. Il

manque un élément pour permettre au lecteur de se représenter la

totalité de l’action.




Ajouter une case résout le problème. On a guidé le lecteur en lui

montrant l’étape manquante à la bonne compréhension de l’action.



ErreursDans l’erreur ci-dessous, on ne comprend pas bien ce qui se

passe. Il manque une case pour guider le lecteur dans la com-

préhension de l’action. Référez-vous à la correction sur la page

de droite.

Le passage à cette case est

trop rapide. On ne comprend

pas si les nuages apparaissent

tout seuls ou si le héros uti-

lise un pouvoir.





Corrections




Ellipses temporelles : saut dans le temps

C’est vous qui choisissez le temps qui s’écoule entre les cases. Parfois vous aurez à mettre des ellipses tem-

porelles très longues entre deux cases. Cela arrive très souvent lors d’un changement de scène : on décrit un

autre lieu à un autre moment qu’aux cases précédentes.

Dans cet exemple, l’ellipse tem-

porelle entre la deuxième case et

la troisième case est très longue.

Il s’est virtuellement écoulé une

nuit. Peut-être même plusieurs

jours.

Le bâtiment, puis la salle de

classe, permettent aussi de si-

tuer le lieu de l’action qui suit.

Dans l’exemple de la page de

gauche, on comprend claire-

ment qu’il s’est passé une nuit

(ou plusieurs jours) entre le

premier bandeau et le reste de

la planche. Il n’a pas été néces-

saire de guider le lecteur avec

plusieurs cases comme : le per-

sonnage qui dort dans son lit,

le personnage qui se réveille, le

personnage qui mange son pe-

tit déjeuner, le personnage qui

est sur le chemin de l’école, etc.

ÇA Y EST JE SUIS

PRÊT POUR

L’EXAMEN.




Si l’on comprend directement l’ellipse, c’est parce que la troisième

case (la vue du bâtiment de l’école) vient rompre visuellement avec

les cases précédentes. On passe de cases sombres et contrastées (la

nuit) à une case lumineuse avec le ciel de jour.

Ci-contre, l’ellipse se comprend

moins bien car la troisième

case ressemble trop aux pré-

cédentes cases (le personnage

qui travaille à une table). Un

lecteur non attentif aux détails

des décors pourra penser que le

personnage n’a pas changé de

place depuis la nuit précédente

jusqu’au jour suivant.

ÇA Y EST JE SUIS

PRÊT POUR

L’EXAMEN.



Attention toutefois, il ne suffit pas de mettre une case visuellement

en rupture pour créer une bonne ellipse. Ici, on comprend que l’on

a changé de scène entre les cases deux et trois, mais on ne com-

prend pas forcément que la scène se passe dans une école. Mettre

n’importe quel décor dans la case trois pourrait créer de la confu-

sion pour le lecteur.


ÇA Y EST JE SUIS

PRÊT POUR L’EXAMEN.




Ellipses temporelles : fl ash-back

Pour un flash-back, la tâche est plus compliquée. Si on met une

case en rupture visuelle avec la précédente, on croit à un change-

ment de scène mais dans la suite de l’histoire. On peut alors jouer

sur les contours des cases ou mettre des gouttières noires pour faire

comprendre qu’il s’agit d’une action antérieure.

Ici, le texte, la rupture visuelle

du personnage et la gouttière

qui devient noire permettent de

faire comprendre le flash-back

sans avoir besoin de rajouter

un médaillon avec inscrit « cin-

quante ans plus tôt ».

JE ME SOUVIENS

...

J’ÉTAISJEUNE À

L’ÉPOQUE.

JE VENAIS D’AVOIR 10 ANS...




Erreurs

La confrontation erreur/correction suivante démontre le concept

de saut dans le temps et de flash-back. Passer trop rapidement

d’une temporalité à une autre diminue l’efficacité de l’histoire.

Le passage entre les deux pre-

mières cases est beaucoup

trop rapide ! On a du mal à

comprendre que la deuxième

case est le lendemain. Préférez

une case de décor en rupture

visuelle pour montrer qu’il

s’est écoulé du temps.

De même, en case quatre, on

visualise mal le flash-back.

Changer la couleur de la

gouttière (l’espace entre les

cases) suffirait à le faire com-

prendre.

ALLEZ,IL EST TARD. IL FAUT QUEJE DORME.

OUAAH ! J’AI BIEN DORMI !

QUOI?!J’AI DORMI

18 HEURES !!

C’EST VRAI QUE PETIT DÉJÀ, JE POUVAIS

DORMIR UNE JOURNÉE ENTIÈRE...




Petite astuce !

Pour bien mon-

trer qu’il s’est

écoulé beaucoup

de temps, on peut

ajouter une case

noire en plus de

la case de décor

(comme un effet

cinématographi-

que de transition,

le fondu).

Corrections

ALLEZ,IL EST TARD. IL FAUT QUEJE DORME.

OUAAH ! J’AI BIEN DORMI !

QUOI?!J’AI DORMI

18 HEURES !!

C’EST VRAI QUE PETIT DÉJÀ, JE POUVAIS

DORMIR UNE JOURNÉE ENTIÈRE...



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