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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 92—98 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Embolie pulmonaire et grossesse Florence Parent Service de pneumologie et réanimation respiratoire, hôpital Antoine-Béclère, AP—HP, 157, rue de la porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France Disponible sur Internet le 18 mars 2008 MOTS CLÉS Embolie pulmonaire ; Grossesse KEYWORDS Pulmonary embolism; Pregnancy Introduction L’embolie pulmonaire (EP) est fréquente pendant la grossesse et le post-partum et repré- sente une cause des premières causes de mortalité maternelle (près de 11 % des décès maternels). Mieux connaître les facteurs de risque et les recommandations de prophylaxie devrait permettre de diminuer cette complication potentiellement grave. Il est aussi très important de faire le diagnostic avec précision, tous les examens à visée diagnostique étant réalisables chez la femme enceinte ; cependant, la stratégie diagnostique doit privilégier les examens les moins invasifs pour le fœtus. Le traitement de l’EP durant la grossesse repose le plus souvent sur les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) pour lesquelles les données sont les plus nombreuses. Épidémiologie et physiopathologie En France, l’EP est la cause d’un peu plus de 10% des décès maternels. L’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) et des EP non fatales au cours de la grossesse et du post-partum est plus mal connue ; on considère qu’elle est de l’ordre de 0,5 à 1/1000 grossesses, soit trois à quatre fois plus que dans une population féminine de même tranche d’âge [1]. Alors que classiquement la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) était surtout décrite en post-partum, les études plus récentes rapportent une fréquence de MTEV au moins aussi importante pendant la période antepartum que post-partum [2]. Cela pourrait s’expliquer par les mesures de prévention utilisées maintenant en post-partum : lever précoce, utilisation plus fréquente d’un traitement anticoagulant prophylactique, en particulier après césarienne. Pendant la grossesse les TVP surviennent plus souvent au membre inférieur gauche, du fait de la compression de la veine iliaque gauche par l’artère iliaque et par l’utérus gravide. Il est important de savoir que TVP et EP surviennent tout au long de la grossesse : près de 30 % des TVP et/ou EP surviennent dès le premier trimestre dans le registre italien RIETE [1,2]. Adresse e-mail : [email protected]. 1279-7960/$ — see front matter © 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2008.01.009

Embolie pulmonaire et grossesse

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e Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 92—98

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

ISE AU POINT

mbolie pulmonaire et grossesse

Florence Parent

Service de pneumologie et réanimation respiratoire, hôpital Antoine-Béclère, AP—HP, 157,rue de la porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France

Disponible sur Internet le 18 mars 2008

MOTS CLÉSEmbolie pulmonaire ;Grossesse

KEYWORDSPulmonary embolism;Pregnancy

Introduction

L’embolie pulmonaire (EP) est fréquente pendant la grossesse et le post-partum et repré-sente une cause des premières causes de mortalité maternelle (près de 11 % des décèsmaternels). Mieux connaître les facteurs de risque et les recommandations de prophylaxiedevrait permettre de diminuer cette complication potentiellement grave. Il est aussi trèsimportant de faire le diagnostic avec précision, tous les examens à visée diagnostique étantréalisables chez la femme enceinte ; cependant, la stratégie diagnostique doit privilégierles examens les moins invasifs pour le fœtus. Le traitement de l’EP durant la grossesserepose le plus souvent sur les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) pour lesquellesles données sont les plus nombreuses.

Épidémiologie et physiopathologie

En France, l’EP est la cause d’un peu plus de 10 % des décès maternels. L’incidence desthromboses veineuses profondes (TVP) et des EP non fatales au cours de la grossesse etdu post-partum est plus mal connue ; on considère qu’elle est de l’ordre de 0,5 à 1/1000grossesses, soit trois à quatre fois plus que dans une population féminine de même tranched’âge [1]. Alors que classiquement la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) étaitsurtout décrite en post-partum, les études plus récentes rapportent une fréquence deMTEV au moins aussi importante pendant la période antepartum que post-partum [2]. Celapourrait s’expliquer par les mesures de prévention utilisées maintenant en post-partum :lever précoce, utilisation plus fréquente d’un traitement anticoagulant prophylactique,

en particulier après césarienne. Pendant la grossesse les TVP surviennent plus souvent aumembre inférieur gauche, du fait de la compression de la veine iliaque gauche par l’artèreiliaque et par l’utérus gravide. Il est important de savoir que TVP et EP surviennent tout aulong de la grossesse : près de 30 % des TVP et/ou EP surviennent dès le premier trimestredans le registre italien RIETE [1,2].

Adresse e-mail : [email protected].

279-7960/$ — see front matter © 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.pratan.2008.01.009

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Embolie pulmonaire et grossesse

Points essentiels

L’embolie pulmonaire est fréquente pendant lagrossesse et le post-partum et représente une despremières causes de mortalité maternelle pendantcette période.

Le risque de maladie thromboembolique veineuse(MTEV) a augmenté pendant la grossesse, estimé à1/1000 à 1/2000 grossesses.

Le diagnostic doit être confirmé avec la mêmerigueur qu’en dehors de la grossesse.

Aucun examen à visée diagnostique n’est contre-indiqué chez la parturiente, mais la stratégiediagnostique doit privilégier les examens non invasifs.

Le traitement repose sur l’héparine, et enparticulier les héparines de bas poids moléculaire(HBPM), les antivitamines K (AVK) étant formellementcontre-indiqués du fait du risque de malformationsfœtales.

Physiopathologie

Pendant la grossesse et l’accouchement, de nombreux fac-teurs favorisent la thrombose veineuse tels que stase etdistension veineuse, compression des veines iliaques parl’utérus gravide et lésions vasculaires à l’accouchement.Un certain nombre d’anomalies biologiques (augmentationde plusieurs facteurs de la coagulation comme le fibri-nogène et le facteur VIII, diminution de la protéine S,inhibiteur physiologique de la coagulation tandis que laprotéine C et l’antithrombine restent en général inchan-gés, diminution de l’activité fibrinolytique, apparition d’unerésistance à la protéine C activée sans mutation du facteurV) produisent dès le début de la grossesse un état prothrom-botique qui se poursuit en général jusqu’à six semaines aprèsl’accouchement.

Facteurs de risque de la MTEV pendant lagrossesse

Certains facteurs de risque de la MTEV pendant la grossessesont bien démontrés : un âge supérieur à 35 ans double lerisque de MTEV,

un accouchement par césarienne multiplie par trois lerisque de phlébite en post-partum par rapport à unaccouchement par voie basse,

surtout s’il s’agit d’une césarienne en urgence [3] ;d’autres facteurs de risque, connus dans la populationgénérale, comme l’alitement, l’obésité, l’existence d’uneinsuffisance veineuse augmentent probablement le risque.

Le risque de récidive de MTEV à l’occasion d’une gros-sesse chez une femme qui a déjà présenté une MTEV estdifficile à évaluer avec certitude : alors qu’il était évalué

entre 12 à 15 % à partir d’études rétrospectives, une étudeprospective récente retrouve un risque bien moindre entre0 et 6 % selon le caractère provoqué ou non de l’antécédentet l’existence d’une thrombophilie [4]. Le risque de throm-

idlb

93

ose veineuse pendant la grossesse est également difficile àvaluer en cas de thrombophilie, et varie selon son type : leisque est probablement élevé, variant de 30 à 40 % en case déficit en antithrombine, probablement faible dans lesutres cas [4,5]. En revanche, la présence d’anticorps anti-hospholipides est un risque reconnu de thrombose veineuseais aussi artérielle ainsi que de pertes fœtales récidi-

antes. Lorsqu’il existe des antécédents de thrombose, lesemmes sont habituellement sous traitement anticoagulantu long cours, puisque le risque de récidive est élevé,upérieur à 20 %, même en l’absence de grossesse ; sansntécédent de thrombose ni de perte fœtale, le risque deTEV pendant la grossesse et le post-partum est difficile àvaluer, probablement très bas.

iagnostic

ace à une suspicion d’EP chez une femme enceinte, lesédecins ont, encore à l’heure actuelle, peur de réaliser les

xamens nécessaires (du fait de la crainte de risque poten-iel pour le fœtus) et il n’est pas rare de voir un diagnostic’EP posé ou éliminé chez une femme enceinte sans quees examens recommandés n’aient été réalisés. En fait, lesonnées sont suffisamment solides pour affirmer que touses examens à visée diagnostique sont réalisables chez laemme enceinte tout en choisissant au mieux les examenses moins invasifs pour le fœtus.

Chez la femme enceinte, nous ne disposons pratique-ent d’aucune étude spécifique sur le diagnostic de l’EP,ais les stratégies diagnostiques peuvent être extrapo-

ées à partir des recommandations habituelles en tenantompte des risques éventuels des différents examens pour leœtus. En dehors de la grossesse, la démarche diagnostiquen cas de suspicion d’EP non grave repose sur la suc-ession d’examens associant : évaluation de la probabilitélinique, dosage plasmatique des d-dimères, échographieeineuse des membres inférieurs, scintigraphie pulmonairee ventilation—perfusion ou angioscanner spiralé, voirengiographie pulmonaire. Comment appliquer ces recom-andations pendant la grossesse ?

ignes cliniques et évaluation de la probabilitélinique

omme chez tout patient suspect de MTEV, les signes cli-iques ne sont pas spécifiques. La difficulté est encoreajorée par la présence de certains signes pouvant faire

voquer une MTEV, présents de facon physiologique chez laarturiente (dyspnée, œdème des membres inférieurs).

L’évaluation de la probabilité clinique (PC) vis-à-vis duiagnostic d’EP doit être la première étape de la straté-ie diagnostique : les scores publiés n’ont pas été validésendant la grossesse et ne peuvent donc pas être utili-és ; une évaluation empirique est recommandée se basantur les signes cliniques (complétés par un ECG et une

ndispensable, car elle peut permettre d’éliminer d’autresiagnostics), l’existence de facteurs de risque de MTEV,’existence d’un diagnostic alternatif. En pratique, la pro-abilité est en général intermédiaire ou forte puisque la

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L’échographie veineuse des membres inférieursCet examen non invasif doit être au premier plan pendant

4

eule présence de la grossesse est déjà un facteur deisque.

lace du dosage plasmatique des d-dimères

omme en dehors de la grossesse, on considère qu’unosage plasmatique de d-dimères normal (< 500 ng/ml) per-et d’éliminer une EP quand la PC n’est pas forte ; en

evanche un résultat supérieur ou égal à 500 ng/ml n’aucune spécificité quant au diagnostic de MTEV. Pendanta grossesse et le post-partum, il existe une augmentationhysiologique des d-dimères, le plus souvent à partir dueuxième trimestre qui limite beaucoup leur intérêt cheza parturiente [6]. La possibilité d’utiliser pendant la gros-esse une valeur seuil plus élevée pour éliminer une embolieulmonaire n’a pas été évaluée.

isques potentiels des examens à viséeiagnostique

es risques potentiels d’une irradiation du fœtus in uteroont doubles : oncogénicité (augmentation de fréquence deeucémie et de cancer induit chez l’enfant), et tératogéni-ité (malformations fœtales pouvant survenir quel que soite terme : microcéphalie, retard psychomoteur). De nom-reuses études rétrospectives et des études cas-témoin,ortant sur plusieurs milliers de cas permettent d’affirmerue le risque de leucémie et de cancer induits par une irra-iation in utero ne sont pas significativement augmentés enas d’irradiation inférieure à 10 mGy et que le risque de mal-ormation fœtale ne l’est pas non plus en cas d’irradiationbsorbée par le fœtus inférieure à 50 mGy. Il est admisu plan international, en prenant une marge de sécuritéotable, qu’une dose délivrée au fœtus inférieure à 100 mGye justifie pas d’interrompre une grossesse. L’augmentationes cancers serait de 0,7 % par grays pour des doses recuesar le fœtus d’au moins 300 mGy en moyenne.

Le Tableau 1 rappelle l’estimation des doses de radiationbsorbées par le fœtus lors des examens pouvant être indi-ués en cas de suspicion d’EP [1,7,8]. Ainsi la plupart du

emps le diagnostic d’EP peut-il être réalisé sans dépasserne irradiation absorbée par le fœtus de 5 mGy.

Qu’en est-il du risque d’hypothyroïdie fœtale et/ouéonatale après injection d’iode à la parturiente ? Théori-uement ce risque n’est possible qu’à partir de la dixième au

Tableau 1 Irradiation induite par les examens radiolo-giques : estimation de la dose absorbée par le fœtus.

Examen Dose estimée (mGy)

Radiographie thoracique < 0,01

Angiographie pulmonairePar incidence, par voiebrachiale

0,02

Scintigraphie pulmonaire deperfusion

< 0,1

Scintigraphie pulmonaireventilation

< 0,1

Angioscanner spiraléthoracique

< 0,1 [0,01 à 0,03]

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igure 1. Arbre diagnostique en utilisant une scintigraphie pul-onaire. D’après Perrier A. Lancet 1999;353(9148):190—5. TVProx : thrombose veineuse proximale ; EP : embolie pulmonaire.

ouzième semaine de grossesse, date où la thyroïde fœtaleevient fonctionnelle. Les substances radio-opaques hydro-olubles actuellement utilisées traversent le placenta maise contiennent que peu d’iode libre, l’élément qui pourraitntraîner une hypothyroïdie ; de plus l’exposition fœtale este courte durée, après une injection, puisqu’il a été montréue cet iode est excrété par la mère. Cet effet secondaireemble rare, au vu de la littérature qui est très pauvre sure sujet, mais doit être recherché par un dosage de TSHhez tous les nouveau-nés dont la mère a bénéficié d’unxamen avec injection de produit de contraste iodé, ce quist d’ailleurs fait systématiquement chez tout nouveau-né.

Au vu de ces données, il est démontré que tous les exa-ens pouvant être nécessaires pour le diagnostic de l’EP

ont réalisables chez les femmes enceintes [9,10].Les stratégies diagnostiques recommandées sont résu-

ées sur les Figs. 1 et 2.

a grossesse : s’il montre une TVP proximale, le diagnostic

igure 2. Arbre diagnostique en utilisant un angioscanner pul-onaire. D’après Musset D. Lancet 2002;360:1914—20 ; Perrier. Ann Intern Med 2001;135(2):88—97 ; Perrier A. N Engl J Med005;352(17):1760—8. TVP prox : thrombose veineuse proximale ;P : embolie pulmonaire.

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Embolie pulmonaire et grossesse

d’EP est posé sans nécessité de réaliser d’autres examens ;dans les autres cas, la stratégie doit être poursuivie.

L’angioscanner spiraléFace à une suspicion d’EP en dehors d’une grossesse,l’angioscanner spiralé est maintenant au tout premier plan :il permet d’affirmer le diagnostic d’EP s’il visualise desthrombi dans les artères tronculaires, lobaires ou segmen-taires ; normal et associé à une échographie veineuse desmembres inférieurs normale, il permet d’éliminer une EP.Avec les nouveaux scanners multibarrettes, il semblerait quele scanner seul suffise à éliminer une EP, sans échographieveineuse mais cela nécessite une confirmation par les étudesen cours.

Chez une femme enceinte, il doit être réalisé sil’échographie veineuse ne montre pas de TVP. Il al’inconvénient par rapport à la scintigraphie pulmonaire denécessiter une injection d’iode.

La scintigraphie pulmonaireLes critères de diagnostic de la scintigraphie pulmonairesont maintenant bien connus, depuis l’étude Pioped : lediagnostic d’embolie pulmonaire est retenu en cas de scin-tigraphie de haute probabilité (au moins deux défectssegmentaires de perfusion avec une ventilation normale :aspect mis-match) ; l’embolie pulmonaire est éliminée encas de scintigraphie de perfusion normale, dans les autrescas (scintigraphie de niveau intermédiaire), d’autres exa-mens sont nécessaires. La limitation majeure pour utilisercet examen face à une suspicion d’EP est que près de la moi-tié des patients sont dans la catégorie « intermédiaire » quine permet pas de poser ou d’éliminer le diagnostic d’EP. Enrevanche, en cas de grossesse, la scintigraphie permet deconclure dans 75 % des cas [11]. C’est pourquoi la scintigra-phie, quand elle est accessible, garde une place intéressantedans la stratégie diagnostique de l’EP de la femme enceinte.

Suspicion d’EP grave

En cas de suspicion d’EP grave (syncope, hypotension, insuf-fisance cardiaque droite), l’échographie cardiaque apprécieau mieux le retentissement cardiaque en montrant unedilatation des cavités cardiaques droites ; cependant, pen-dant la grossesse, il peut exister de facon physiologiqueune augmentation du diamètre télédiastolique biventricu-laire et une insuffisance tricuspidienne due probablementà la dilatation de l’anneau tricuspidien. C’est pourquoi,après l’échocardiographie, la confirmation du diagnosticest toujours indispensable, en urgence ; le plus souvent unangioscanner, facilement disponible, est réalisé et montredes thrombi proximaux.

Suspicion d’EP pendant le post-partum

Dans le post-partum les différentes contraintes dues aurisque potentiel de l’irradiation pour le fœtus n’existent

plus, la stratégie diagnostique rejoint alors la stratégie diag-nostique en dehors de la grossesse.

Signalons la fréquence des thromboses veineuses pel-viennes en post-partum, pouvant être à l’origine d’EP,responsables en général d’un tableau clinique très différent

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95

vec un syndrome septique au premier plan, accompagné deouleurs pelviennes.

raitement curatif

l n’y a pas d’études spécifiques sur l’efficacité des anticoa-ulants chez la femme enceinte, mais il est admis que leurfficacité est comparable à celle obtenue dans la populationénérale. L’utilisation de certains anticoagulants est limitéeendant la grossesse du fait d’effets secondaires potentielshez la mère et chez le fœtus. Un certain nombre de don-ées dans la MTEV a permis de montrer que les héparineshéparine non fractionnée [HNF] et HBPM) sont utilisablesendant la grossesse et sont les anticoagulants de choixontrairement aux antivitamines K (AVK). Les nouveaux anti-oagulants n’ont pour l’instant aucune place pendant larossesse.

ntivitamine K : contre-indiqués pendant larossesse pour la MTEV

ontrairement à l’héparine, les AVK franchissent la bar-ière placentaire et peuvent être responsables d’effetsecondaires fœtaux, saignement et tératogénicité. En cas’exposition fœtale aux AVK pendant le premier trimestre, ilxiste un risque d’embryopathie associant hypoplasie nasalet/ou anomalies épiphysaires, des anomalies du systèmeerveux central pouvant survenir quelle que soit la datee l’exposition pendant la grossesse ; pour certains auteurs,’administration d’AVK serait sans risque pendant les sixremières semaines de grossesse avec risque maximum’embryopathie pour une exposition entre la sixième et laouzième semaine ; cependant il existe toujours un risquear l’effet anticoagulant au niveau du fœtus. C’est pour-uoi, les AVK doivent être proscrits tout au long de la gros-esse pour traiter une MTEV, d’autant plus qu’il existe unelternative efficace et sûre, le traitement héparinique [12].

éparine non fractionnée et héparines de basoids moléculaire

L’héparine non fractionnée et les héparines de bas poidsmoléculaire ne traversent pas la barrière placentaire

et ne devraient pas provoquer d’effets secondaires cheze fœtus. Après une étude ancienne qui avait rapporté uneorbidité fœtale accrue par un traitement par HNF pendant

a grossesse avec en particulier une augmentation du taux derématurité, les études plus récentes montrent qu’un traite-ent par héparine n’entraîne pas de risque de morbidité oue mortalité supplémentaire pendant la grossesse : en effet,es études rapportent un taux de complications fœtalesprématurité, avortements spontanés, mortalité néonatale,alformations congénitales) identique chez 100 femmes

raitées par héparine pendant leur grossesse par rapport àelui de grossesses sans traitement anticoagulant [12].

En dehors de la grossesse, les héparines de bas poidsoléculaire sont actuellement le traitement initial de réfé-

ence de la MTEV. Elles ont de nombreux avantages :

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fficacité et sûreté au moins équivalentes à l’HNF et plusrande facilité d’utilisation avec une ou deux injectionsous-cutanées par jour selon les molécules, sans surveillanceiologique en dehors des plaquettes.

Les HBPM sont donc particulièrement intéressantes cheza femme enceinte, du fait de la contre-indication à un relaisar les AVK, permettant un traitement simple et efficace.es résultats de plusieurs études permettent de proposer’utilisation des HBPM sans risque pendant la grossesse :out comme l’HNF, elles ne traversent pas le placenta et’entraînent pas plus d’hémorragies que l’HNF [13]. Delus, les HBPM entraîneraient moins de thrombopénie etoins d’ostéoporose que l’HNF. C’est pourquoi, les HBPM

ont maintenant recommandées par les sociétés savantes auême plan que l’HNF [12]. Cependant les HBPM à dose cura-

ive n’ont pas à l’heure actuelle d’extension d’AMM pendanta grossesse.

raitement anticoagulant et allaitement

’héparine n’est pas secrétée dans le lait maternel et peuttre administrée sans restriction pendant l’allaitement. Ene qui concerne les AVK, deux rapports convaincants ontontré l’absence d’effet anticoagulant chez l’enfant nourri

u sein pendant que sa mère qui l’allaite est traitée pararfarine [14,15] ; ce traitement par warfarine est doncutorisé pendant l’allaitement ; en revanche, les autresVK ne sont pas conseillés du fait de l’absence de donnéesans la littérature en ce qui les concerne.

ecommandations pratiques pour leraitement curatif de la MTEV pendant larossesse

es recommandations proposent deux schémas thérapeu-iques [12] :

soit HBPM, à dose fixe adaptée au poids ;soit HNF : HNF intraveineuse pendant environ cinq jours(en adaptant le TCA dans la zone thérapeutique habi-tuelle), suivi par HNF sous-cutanée (en adaptant le TCAdans la zone thérapeutique habituelle).

urée de traitementl doit être poursuivi pendant toute la grossesse, et quatre àix semaines après l’accouchement, pour une durée totale’au moins trois à six mois.

a surveillancea surveillance du taux de plaquettes est toujours néces-aire. Les recommandations pour cette surveillance ne sontas très précises : bien sûr la surveillance est indiquéeomme chez tout patient au début du traitement (deux foisar semaine les trois premières semaines), puis certains pro-osent une surveillance mensuelle.

n post-partumn post-partum, un relais par AVK peut être proposé, mêmen cas d’allaitement maternel (en utilisant alors la warfa-ine.

Pias

F. Parent

Quel poids doit on prendre en compte pour l’utilisationes HBPM : poids avant la grossesse ou poids actuel ? En’absence de données précises dans la littérature, il estecommandé de tenir compte du poids actuel et de réali-er un contrôle d’anti-Xa (après deux ou trois injections) :elui-ci devant être dans la fourchette des valeurs recom-andées par le laboratoire pour chaque HBPM utilisée. De laême facon, en cas de prise de poids importante pendant la

rossesse, il peut être discuté de refaire un contrôle anti-Xa.appelons que ce dosage doit être réalisé trois heures (ouuatre heures pour la tinzaparine) après l’injection d’HBPM12].

uelle HBPM utiliser ?l n’y a pas d’argument pour préférer une HBPM à uneutre du fait de la grossesse. Cependant, rappelons queoutes les HBPM n’ont pas d’AMM dans l’EP ; par ailleurs,ertains auteurs préfèrent les HBPM données en une seulenjection par jour (tinzaparine), beaucoup plus pratiqueour ces femmes souvent traitées plusieurs mois ; d’autresréfèrent utiliser une HBPM en deux injections par jour,rguant du fait que la demi-vie des HBPM pourrait être rac-ourci pendant la grossesse. Dans la dernière conférencee consensus, aucune HBPM en particulier n’est recomman-ée sous réserve de plutôt préférer une HBPM en deuxnjections par jour à la phase toute initiale du traitement12].

omment gérer l’accouchement ?’idéal serait au mieux de pouvoir réaliser une « fenêtre »hérapeutique sans anticoagulant quelques heures avanta délivrance, l’arrêt temporaire des anticoagulants étantndispensable en cas d’anesthésie péridurale. Pour les HBPMtilisée à dose curative, un arrêt de 24 heures est recom-andé avant la mise en place du cathéter de péridural,

elui-ci devant être enlevé avant la reprise des anticoa-ulants, ce qui prolonge le temps de la « fenêtre » sansnticoagulation [12]. Pour l’HNF, le délai est plus court (six12 heures selon la voie d’administration) et peut être

acilement monitoré grâce au temps de thrombine, facileobtenir en urgence. C’est pourquoi l’attitude vis-à-vis

’un arrêt temporaire pour permettre une péridurale doittre discutée pour chaque cas : une femme à faible risquee récidive (par exemple une EP en début de grossesseeut bénéficier d’une fenêtre de 24 à 36 heures sans anti-oagulants, tandis que pour une femme dont la MTEV esturvenue en fin de grossesse, on discutera une fenêtre lalus courte possible en utilisant un relais par HNF, en se pas-ant éventuellement d’anesthésie péridurale. L’utilisationes filtres-cave doit rester exceptionnelle, en dehors desndications classiquement reconnues chez tout patientrécidive documentée d’EP malgré un traitement anti-oagulant bien conduit ou contre-indication formelle auxnticoagulants).

as particulier : EP grave

endant la grossesse, le traitement thrombolytique n’estndiqué qu’en cas d’EP massive objectivement confirméevec un retentissement hémodynamique clinique, qui est laeule indication de la thrombolyse reconnue par tous. Dans

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ces cas d’EP massive, les thrombolytiques permettent unmeilleur taux de survie à la fois de la mère et du fœtus,que l’embolectomie chirurgicale grevée d’un fort taux dedécès. On peut proposer le r-tPA (Actilyse®) comme throm-bolytique, qui est la molécule pour laquelle les données chezla femme enceinte sont les plus nombreuses [16].

Les autres anticoagulants

L’hirudine traverse le placenta et est donc contre-indiquépendant la grossesse. Le danaparoïde ne passe pas la bar-rière et peut donc être utilisé en cas de thrombopénieinduite par l’héparine [12]. Quant au fondaparinux, les don-nées pendant la grossesse sont encore très préliminaires.

Traitement préventif

Les indications du traitement anticoagulant préventif chezune parturiente jugée à risque de MTEV sont encore malcodifiées. En effet il n’existe pas d’études randomiséesévaluant l’intérêt d’une prophylaxie antithrombotique pen-dant la grossesse chez des groupes de femmes jugées àrisque, comme cela a été fait pour la plupart des situa-tions chirurgicales. Cependant nous disposons de certainesétudes, rétrospectives ou de cohorte qui permettent dedéfinir certains groupes de grossesse à risque accru deMTEV pouvant justifier une prophylaxie. Il faut savoirque les résultats de certaines études, du fait probable-ment de leur caractère rétrospectif, sont contradictoires(cf. § « Facteurs de risque de la MTEV pendant lagrossesse »).

Des recommandations sur la thromboprophylaxie pen-dant la grossesse et le post-partum ont été publiées,notamment par la septième conférence de consensus del’ACCP [12], par la SFAR qui a publié des RPC en 2005, etl’Anaes en 2003 : ces recommandations sont toutes de degréfaible et parfois différent sur certains points. Cependant,il est toujours indispensable d’évaluer le risque potentielpour une femme donnée : ATCD personnels de MTEV (idiopa-thique ou provoqué par un facteur de risque transitoire, àcaractère hormonal ou non, exemple : lors d’une grossesseou lors d’une contraception estroprogestative [COP]), pré-sence de facteurs de risque associés (obésité, alitement,âge supérieur à 35 ans), thrombophilie biologique connueet/ou d’ATCD familiaux. Lorsqu’un traitement anticoagu-lant préventif est indiqué, on recommande une HBPM à doseprophylactique « forte », type énoxaparine (une injectionsous-cutanée de 4000 UI/j) ou daltéparine (une injectionsous-cutanée de 5000 UI/j) ; une autre alternative, de moinsen moins utilisée, est la calciparine (5000 UI × 2 injectionssous-cutanées par 24 heures). Les complications throm-botiques veineuses survenant dès le premier trimestre degrossesse, l’ACCP recommande de débuter la prophylaxie,quand elle est indiquée, dès le début de la grossesse etjusqu’à six semaines post-partum [12] ; alors que la SFAR nela recommande qu’à partir du troisième trimestre. Les diffé-rentes sociétés recommandent toutes les trois un traitement

anticoagulant prophylactique en cas de femme enceinteayant des antécédents de MTEV survenue sans facteur favo-risant (« idiopathique ») ou en rapport avec une situation decontexte hormonal (COP, grossesse antérieure) ; en géné-ral on recommande également une contention élastique

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97

es membres inférieurs. Par ailleurs, lorsqu’une femme estraitée par AVK au long cours pour une MTEV, on rem-lace le traitement AVK par un traitement par HBPM à doseurative.

onclusion

’EP est une complication fréquente et grave de la gros-esse. Une meilleure connaissance des facteurs de risqueevrait permettre d’en diminuer l’incidence. Pour confir-er le diagnostic, tous les examens nécessaires peuvent

tre réalisés sans risque pendant la grossesse, tout enrivilégiant les examens les moins invasifs. Le traitementnticoagulant repose maintenant sur les HBPM. Les indica-ions du traitement prophylactique nécessitent des étudesulticentriques prospectives afin de mieux préciser ses

ndications.

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Le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) sur leite www.lecrat.org.