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EMO-WHEEL
Création d’un outil numérique d’aide
à l’expression des émotions
Travail de fin d’études présenté
en vue de l’obtention du grade de
Bachelier-Agrégée de
l’Enseignement secondaire
inférieur, sous-section français-
religion
Travail de fin d’études réalisé par Alice NOËL
Promoteur
Astrid ROEGIERS
Année académique 2017-2018
Avant tout, je tenais à remercier ma promotrice, Astrid
Roegiers, d’avoir accepté son rôle au pied levé, et de
m’avoir guidée et rassurée dans l’écriture de ce travail
de fin d’études.
Un grand merci également à Alison Scarsé et à Virginie
Arnould qui m’ont permis de tester Emo-Wheel dans
leurs classes en dégageant de leur horaire chargé
quelques heures pour moi.
Merci à Sylvie Dée pour l’enthousiasme dont elle a fait
preuve à l’égard de ce projet naissant, et ce, même si
les évènements l’ont empêchée de rester ma
promotrice.
Du fond du cœur, merci à Eric Maes, un professeur en
or qui, avec humour, m’a donné la confiance et le
courage nécessaire à l’aboutissement de ce travail.
Et enfin, merci à Michaël, à ma Maman, à Élodie et à
Nassima qui ont su me soutenir moralement dans les
moments les plus durs.
4
Table des matières Introduction ............................................................................................................... 5
PARTIE I : Aspects théoriques .................................................................................... 7
I.1 Problématiques de départ ................................................................................ 7
I.1.1 L’adolescent face à la violence des émotions ............................................ 7
I.1.2 Le manque de vocabulaire émotionnel ..................................................... 9
I.1.3 Les émotions comme un apprentissage à part entière ............................. 10
I.2 Définitions des concepts-clé ............................................................................. 11
I.2.1 Les états affectifs ....................................................................................... 11
I.2.2 Les émotions .............................................................................................. 13
I.2.3 Pédagogie institutionnelle ......................................................................... 16
PARTIE II : Aspects pratiques ..................................................................................... 20
II.1 Présentation d’Emo-Wheel .............................................................................. 20
II.1.1 La navigation dans Emo-Wheel ................................................................. 21
II.1.2 Conception ................................................................................................ 22
II.3 Pistes méthodologiques ................................................................................... 26
II.3.1 Pistes testées............................................................................................. 26
II.3.2 Pistes non testées ..................................................................................... 31
II.3.3 Résultats des pistes testées ...................................................................... 35
Conclusion .................................................................................................................. 42
Bibliographie .............................................................................................................. 44
Annexes ...................................................................................................................... 50
5
Introduction
« Notre intelligence est inutile quand nous sommes sous l’emprise des émotions. »
Daniel Goleman
J’ai parfois eu le sentiment, en tant qu’élève, que l’émotion était prohibée à l’école. Les
pleurs sont à garder à la maison, la colère ne doit pas exister, le rire est impertinent...
Pourtant, en grandissant, je me suis rendu compte que l’émotion pouvait être cachée,
mais pas disparaitre totalement. Pire, plus je tentais de la cacher, plus mon travail s’en
trouvait affecté. Et puis l’émotion finissait tout de même par resurgir au moment le
moins opportun. Et si, au lieu de bannir les émotions des murs des écoles, on tentait de
les transformer en richesses, en un savoir à part entière ?
L’idée de la création de cet outil est née autour d’une conversation de retour de stage
avec une autre étudiante. Celle-ci se plaignait des « crises » de ses élèves en stage, et
aurait apprécié qu’il existe une télécommande avec un bouton « stop » pour les arrêter
et pouvoir repartir sur de bonnes bases. Bien sûr, l’outil que je propose dans ce TFE n’est
pas une télécommande magique. J’espère néanmoins qu’il présente certaines qualités
permettant à un enseignant de gérer ces « crises » émotionnelles de ses élèves.
Je précise bien qu’Emo-Wheel, puisque c’est le nom de cet outil, est destiné aux
enseignants et non aux psychologues. Bien que diplômée d’un bachelier en Sciences
psychologiques et de l’Éducation, je me destine au travail d’enseignante et non de
thérapeute. L’outil présenté dans les prochaines pages ne doit pas permettre et ne
permet en aucun cas un suivi psychologique de l’élève. Il a été créé pour un usage en
classe, ponctuel ou ritualisé, d’ordre pédagogique ou didactique mais non
thérapeutique. Son usage s’arrête là où l’élève accepte de partager. Si quelque chose
qui n’est pas du ressort de l’enseignant vient à être partagé, il est de son devoir de passer
le relai au PMS ou à l’autorité concernée.
En créant cet outil, je me suis progressivement aperçu qu’il était plus riche que ce que
je visais à l’origine. J’ai eu l’occasion de parler d’Emo-Wheel avec de nombreux
enseignants et j’ai été étonnée de constater que mon projet les intéressait beaucoup,
qu’ils souhaitaient que je leur en reparle voire que je leur envoie l’état d’avancement de
mon projet pour utiliser Emo-Wheel avec leurs classes.
6
Ainsi, alors que je créais au départ un outil pédagogique, il s’est avéré qu’il était
parfaitement utilisable dans beaucoup de didactiques, comme le Français, la Religion,
les Arts, l’Expression corporelle ou encore les Sciences sociales. En outre, je pensais au
départ créer un outil destiné au deuxième degré qualifiant, mais Emo-Wheel fonctionne
aussi très bien avec le premier degré, et je suppose qu’il en serait de même avec des
classes de fin du primaire – bien qu’un test avec ce public n’ait, à ce jour, pas été
effectué.
Ce travail de fin d’étude s’articulera en deux parties. La première partie sera constituée
des concepts théoriques, c’est-à-dire de trois problématiques de départ étayées de la
littérature scientifique qui m’ont permis d’imaginer Emo-Wheel. La seconde partie
reprendra tous les aspects pratiques, de la conception de l’outil aux tests menés dans
différentes classes du secondaire. Des pistes méthodologiques inédites seront aussi
proposées dans différentes branches.
J’ose espérer que la lecture de ce travail de fin d’études satisfera la curiosité de
mes lecteurs.
7
PARTIE I : Aspects théoriques
I.1 Problématiques de départ
L’objectif de ce travail de fin d’études est de répondre à trois problématiques, basées
sur des constats simples :
1. L’adolescent vit avec une certaine violence émotionnelle au quotidien, parfois
décuplée lors d’incidents critiques et le cadre scolaire n’est pas toujours pensé pour faire
face à ces émotions à l’origine de divers problèmes. Comment mettre en place un
meilleur cadre d’apprentissage en tenant compte des émotions des élèves ?
2. Beaucoup d’adolescents manquent de vocabulaire lié aux émotions. Comment
améliorer le lexique émotionnel des élèves ?
3. L’émotion peut constituer un apprentissage à part entière. Comment développer
l’intelligence émotionnelle des élèves ?
Ces trois constats seront développés dans les points suivants. La réponse que je tente
d’apporter aux questions y afférentes sera présentée dans la partie II de ce TFE.
I.1.1 L’adolescent face à la violence des émotions
À l’occasion de mes stages, j’ai pu observer des incidents critiques forts. En effet, durant
mon dernier stage, par exemple, une enseignante est décédée. Les professeurs se sont
retrouvés démunis, dépassés par leurs propres émotions et incapables, pour certains,
de faire face à celles de leurs élèves. Ainsi, par manque d’outils, la réaction de certains
était de ne pas en parler du tout, d’ignorer et de poursuivre leurs cours habituels ce qui
pouvait générer des tensions encore plus fortes dans les classes, comme en attestaient
leurs témoignages au retour en salle des professeurs.
Pourtant, les situations où les émotions sont trop fortes pour enseigner sont
nombreuses et courantes : que l’émotion soit issue d’une actualité tendue (attentats,
meurtre, enlèvement, licenciements massifs...) ou tout simplement du cadre scolaire lui-
même (interrogation difficile à l’heure précédente, conflit à la récréation, punition vécue
comme injuste, stress des examens...), les émotions existent et on ne peut postuler
qu’elles n’influenceront pas les apprentissages (Debos, 1993).
8
En outre, certaines émotions sont systématiquement cataloguées comme négatives,
voire violentes, par la société. C’est typiquement le cas de la colère (Debos, 1993).
L’adolescent a, par nature, de grandes difficultés à exprimer ses émotions sans
contradictions et en a pourtant besoin pour avancer dans la vie et apprendre (Lafortune,
2004). Si la violence est parfois nécessaire, elle n’est jamais « légitime, à cause des
conséquences destructrices qu’elle entraine » (Tozzi, 2017). Dès lors, comment parvenir
à apaiser les tensions dues à cet excès d’émotion – liées notamment au passage à
l’adolescence, à son développement psychologique (Gutton, 2005) – afin de remettre
en place un cadre d’apprentissage « sain » ?
Une piste de solution, proposée par Michel Tozzi (2017) est la discussion, la parole,
notamment à visée philosophique. De nombreuses situations peuvent causer un
sentiment d’injustice (racisme, inégalités...) qui doit être conservé afin de former des
élèves citoyens. L’idée n’est pas de briser ce sentiment mais de permettre au jeune de
l’exprimer avec une émotion moins forte afin d’en limiter la violence. En replaçant les
émotions au centre de la discussion, il est possible de les mettre à distance et donc de
réagir plus pacifiquement lors d’incidents critiques.
Une autre piste a été mise en avant par la pédagogie institutionnelle : les « lieux de
parole », qui seraient une « solution pour traiter les problèmes de violence et pour aider
les élèves dans leur apprentissage de la citoyenneté » (Héveline et Robbes, 2000). Les
lieux de parole sont des dispositifs rituels permettant à l’élève de différer sa parole pour
la poser au moment opportun et non dans l’urgence. Je reviendrai sur ce type de
dispositifs dans le point I.2.3.
De nombreuses mallettes pédagogiques et outils existent déjà (par exemple la Valise
pleine d’émotions de Kog, Moons & Depondt, 2008), mais la plupart sont destinées à des
élèves du maternel au primaire. Qu’en-est-il des élèves du secondaire ? La « Roue des
Émotions », proposée par une ASBL belge (L’Autrement dit, 2017) est destinée à la fois
aux enfants pour l’une de ses versions, mais aussi aux adultes (en grand et petit format).
En revanche, le rôle de cet outil-objet n’est pas d’exprimer ses émotions, mais plutôt de
les reconnaitre grâce aux sensations corporelles. La personne amenée à manipuler cette
roue va déplacer les différents disques jusqu’à faire correspondre ses sensations à un
9
nom d’émotion. Mais comment peut-elle réagir ensuite, une fois l’émotion reconnue ?
La piste semble inachevée, mais l’idée est intéressante.
I.1.2 Le manque de vocabulaire émotionnel
Dans les pistes de solution évoquées plus haut, un problème persiste : il faut des mots
pour exprimer. Comme le souligne Dolto (2002), nous sommes des êtres de langage. Un
langage qui passe notamment par son aspect verbal, qui permet de penser et de se
construire.
Or, j’ai pu constater en observant les élèves que, pour certains d’entre eux – souvent les
plus « marginaux », leur vocabulaire est pauvre. Ils ont par ailleurs développé leur
propre langage, qui n’est pas toujours compris par les adultes de leur entourage : « Avoir
le seum » correspond à une émotion négative modérée, « c’est hot » peut signifier à la
fois qu’il s’agit d’une émotion forte indifférenciée ou que la tâche est difficile, « avoir la
haine » peut désigner une forte colère et pas nécessairement le sentiment opposé à
l’amour, « être badant » peut signifier soit le dégout (littéralement « donner envie de
vomir »), soit la tristesse selon le contexte (exemples récoltés lors des tests en 4e P).
Bien entendu, les adolescents du secondaire connaissent des mots plus soutenus pour
désigner leurs émotions, mais ne les sélectionnent pas toujours en adéquation avec leur
ressenti ou ne connaissent pas de gradation de cette émotion. Par exemple, la colère se
dit « être en colère » ou « être énervé ». Dans le cas d’une colère bien plus forte, le mot
« rage » a beau exister dans leur esprit, il n’est pas relié à l’émotion « colère forte » qu’ils
peuvent ressentir (c’est du moins ce que certains ont pu me dire lors des tests).
Or, Larivey (2003) nous apprend que le manque de mots pour désigner la colère peut
justement la décupler par un phénomène simple : si je ne peux exprimer ma colère par
des mots, je peux soit la garder en moi, soit la laisser exploser par des gestes violents ou
des cris. Dans le premier cas, la colère finira par ressortir d’une manière ou d’une autre
quand le sujet l’aura trop contenue ce qui mène inévitablement au second cas de figure
qui est justement la situation à éviter, idéalement. Ce phénomène – existant aussi pour
d’autres émotions perçues comme négatives – augmenterait la violence et donc les
émotions... C’est un cercle vicieux.
10
Dès lors, pour solutionner ce problème de tension émotionnelle par la parole (comme
le suggèrent Michel Tozzi ou la pédagogie institutionnelle), il est nécessaire, avant tout,
de donner des mots aux adolescents.
I.1.3 Les émotions comme un apprentissage à part entière
Une impression répandue chez les enseignants et les élèves est que l’émotion doit rester
hors des murs d’enceinte de l’école. Que cette impression soit avérée ou non, elle limite
quoi qu’il en soit l’expression des émotions en classe. Nous avons vu plus haut que les
émotions étaient pourtant inévitables.
Daniel Goleman (2014), nous apprend que les émotions sont une source d’apprentissage
importante à tel point qu’il parle d’ « intelligence émotionnelle ». En quelques mots,
cette théorie de l’intelligence émotionnelle serait la capacité à gérer « ses sentiments
de manière à les exprimer de façon appropriée et efficace afin de permettre aux autres
de collaborer harmonieusement aux objectifs communs. ». Les compétences au cœur
cette intelligence émotionnelle sont, selon Goleman (2014) :
- La conscience de soi : savoir reconnaitre ses émotions, savoir quelles sont les
émotions qui nous influencent habituellement dans notre vie et avoir confiance en soi.
- La maitrise de soi : savoir faire en sorte que nos émotions soient un moteur dans
notre travail et non un frein, savoir différer une récompense, lorsqu’une émotion forte
survient, s’en remettre rapidement.
- La motivation : utiliser le désir pour avancer et persévérer vers nos objectifs
malgré les frustrations et les obstacles.
- L’empathie : « être à l’unisson des sentiments d’autrui, être capable d’adopter son
point de vue et entretenir des rapports harmonieux avec lui [et] une grande variété de
gens ».
- Les aptitudes humaines : maitriser ses émotions dans les relations et comprendre
les situations relationnelles d’autrui, les réseaux humains, faire preuve de tact, savoir
persuader, régler des conflits, coopérer...
Ainsi, une meilleure compréhension de nos émotions et de celles des autres permettrait
avant tout de développer toute une panoplie de stratégies facilitant les apprentissages
et rendant les élèves plus performants voire heureux.
11
En effet, se familiariser avec les émotions serait extrêmement bénéfique : une bonne
connaissance et une bonne compréhension de celles-ci est indispensable dans de
nombreuses professions où le contact humain est central comme dans le qualifiant, où
de nombreuses options destinent l’adulte en devenir à des professions en contact avec
l’Autre (vente, puériculture, commerce, tourisme...).
En outre, Goleman observe dans diverses études longitudinales menées aux États-Unis
(Schaps et Battistich, 1992 ; Greenberg, 1995 ; Elias, 1992...) que les enfants éduqués à
l’intelligence émotionnelle font de nombreux progrès de type interdisciplinaire :
responsabilisation, assurance, sociabilité, habiletés dans la gestion de conflit, capacité
de résolution de problème accrue, réflexion avant l’action, diminution de l’anxiété, des
risques de dépression et du repli sur soi, tolérance à la frustration et amélioration des
aptitudes cognitives... parmi tant d’autres effets positifs !
Pourquoi alors tenter de bannir les émotions des institutions et plus particulièrement
de l’école ? D’après Goleman, la raison de cette mise à l’écart serait avant tout
évolutionniste : nos émotions auraient toujours été efficaces pour notre survie
jusqu’aux 500 dernières années durant lesquelles une masse de contraintes sociales est
venue empêcher l’expression naturelle de nos « passions ». Cette compétence serait
alors à réapprendre en tenant compte des contraintes sociales actuelles.
I.2 Définitions des concepts-clé
I.2.1 Les états affectifs
Afin de mieux comprendre le point qui nous intéresse particulièrement, il importe de
définir les concepts que la plupart des gens a tendance à confondre avec les émotions.
Si les termes de « sentiment », « affect », « sensation » ou encore « humeur » sont
souvent confondus avec les émotions dans le langage populaire, c’est que tous ces
termes sont en fait des états affectifs, c’est-à-dire des ressentis humains ayant une
valence positive ou négative, qui peuvent provoquer plaisir ou déplaisir et que l’humain
peut qualifier d’agréable ou de désagréable (Godefroid, 2011).
Le concept central de ce travail de fin d’études est l’émotion. Dès lors qu’on la
différencie du sentiment, l’émotion n’est plus un concept très clair dans la plupart des
esprits. Ci-après figurent deux propositions de définitions de ce concept complexe :
12
Une émotion est une réaction soudaine de tout notre organisme, basée sur des
composants physiologiques (en rapport avec notre corps), spirituels (lié à notre ressenti
métaphysique) et comportementaux (nos actions). (Pomer, 2014)
C’est une réaction survenant le plus souvent brusquement et pour une durée relativement
brève, suite à l’apparition soudaine d’une situation significative pour la personne, comme
une menace ou l’annonce d’un événement heureux, par exemple. (Godefroid, 2011)
En d’autres termes, l’émotion ne dure qu’un instant et est, avant tout, une réaction
brusque du corps à une situation. Deux éléments centraux pour la distinguer des autres
états affectifs : sa durée brève et son apparition à la suite d’un stimulus externe.
L’émotion est donc différente du sentiment qui est « la perception subjective d’un
individu de son émotion » (Pommer, 2014), comprenez l’interprétation qu’en fait
l’individu qui la ressent, consciemment ou non. Selon Godefroid (2011), le sentiment est
un état plutôt permanent car il est lié à une représentation mentale que le sujet se fait
de l’émotion ou d’un ensemble d’éléments externes. Cette première distinction est
nécessaire car l’élève confronté à une émotion doit avant tout passer par la
transformation de son émotion en sentiment s’il veut pouvoir mettre des mots dessus.
Cette étape est généralement « automatique », sauf dans le cas de l’alexithymie1 ; dans
le cadre de ce TFE, je n’approfondirai pas les troubles liés à l’émotion, qui sont du
domaine de la psychologie et non de l’enseignement.
La sensation quant à elle est une « prise de conscience par le cerveau d’une modification
des conditions externes ou internes, suite à l’excitation d’un récepteur par un stimulus »
(Godefroid, 2011). Elle s’apparente donc plus à l’étonnement qui résulte d’un
changement perçu.
L’humeur se différencie également de l’émotion par sa durée. En effet, selon Godefroid
(2011), l’humeur est plutôt de longue durée. Mais elle est également diffuse alors que
l’émotion est plus ponctuelle, mieux définie à la fois dans le temps et dans la puissance
du ressenti.
1 Dans le cas d’alexithymie, l’émotion reste « pure » et est donc une source de tension pour l’individu (Jouanne, 2006). L’alexithymie est l’« incapacité d’associer des images visuelles, des fantasmes, des pensées à un état émotionnel spécifique ». (Sifneos, 1988, cité par Godefroid, 2011).
13
Enfin, d’après Godefroid (2011), l’affect est ce qui se rapproche le plus de l’émotion.
Toute comme celle-ci, il se ressent au niveau interne avec puissance et peut avoir une
valence positive ou négative. Il est ponctuel, limité dans le temps. Pour certains auteurs,
ce terme est un synonyme d’émotion, mais d’autres le nuancent toutefois : il serait bien
plus circonscrit que l’émotion et ne permettrait pas d’interprétation.
I.2.2 Les émotions
La plupart des modèles reprennent quatre critères, établis par Ekman et Davidson (1994,
cité dans Godefroid, 2011) :
1. L’émotion est innée et non acquise.
2. L’émotion est déclenchée par le même type de circonstances pour tous les êtres
humains.
3. L’expression qui en résulte est semblable pour tous les êtres humains (expression
faciale, cris, larmes...).
4. L’émotion provoque des réactions physiologiques internes semblables pour tous
les êtres humains (respiration, rythme cardiaque, tension artérielle...).
Malgré l’établissement de ces quatre critères acceptés par l’ensemble de la
communauté scientifique, il ne semble pas exister de consensus universel autour du
nombre d’émotions de base. En effet, il existe une littérature très riche autour des
émotions, proposant des modèles allant de quatre à neuf émotions de base.
Le modèle le plus courant est le modèle d’Izard (1991), d’Ekman (1994) ou encore de
Berthoz (2002,2009 ; cités dans Godefroid, 2011). Pour tous ces chercheurs, il y aurait
cinq émotions de base : la colère, la peur, la tristesse, le dégout et la joie.
Ces cinq émotions, prenant chacune en compte les quatre critères d’Ekman, ont donc
un retentissement biologique caractérisé par une certaine universalité dans leur
expression. Pour chaque émotion, un code comportemental sera donc adopté
involontairement par le sujet (Dubos, 1993) : certains muscles vont se contracter
comme ceux du front ou des sourcils, la respiration et le rythme cardiaque vont varier,
la posture va se modifier (tension dans les jambes, raideur du buste...). Ainsi, selon
Atkinson (1990, cité par Godefroid, 2011), trois composantes définissent l’émotion :
14
1. L’évaluation cognitive d’un stimulus, qui est la façon dont un sujet perçoit une
situation, positivement ou non.
2. Le déclenchement de la réponse émotionnelle comprenant à la fois la réaction
physiologique (transpiration, modification du rythme cardiaque, de la tension
artérielle...), la réaction comportementale (expression faciale, modification de la
posture...) et l’expérience subjective (positive ou négative).
3. La réponse effective à la situation (fuir ou se battre par exemple).
C’est en fonction de l’ensemble de ces trois composantes que le sujet pourra donner un
nom à l’émotion : colère, peur, joie, tristesse ou dégout. L’analyse de ces composantes
est en général automatique et rapide sauf en cas d’alexithymie.
Pour Plutchik (1980), en revanche, ce modèle à cinq émotions ne conviendrait pas
puisque cet auteur compte huit émotions dites « fondamentales » (joie, anticipation,
peur, surprise, tristesse, dégout, colère et anticipation) avec une gradation de chacune
(allant de faible à forte) et de huit émotions « combinées » par le croisement de deux
émotions fondamentales (par exemple, un mélange de joie et d’acceptation donne
l’amour, voir fig. 1).
Fig. 1 : roue des émotions simplifiée, d’après Plutchik (1980), cité dans Godefroid (2011)
Ci-dessous figure une version plus complète de cette roue, qui est en fait le sommet
plane d’un objet en forme de toupie (modèle de circumplex en trois dimensions) et se
dépliant en soleil (modèle de circumplex en deux dimensions). Ce « soleil » met en avant
15
la gradation de chaque émotion : la colère, par exemple, peut être plus ou moins
puissante, allant de l’agacement (colère faible) à la rage (colère forte).
Fig. 2 : modèle du circumplex en deux et trois dimensions, d’après Plutchik (1980) traduit par scriptol.fr (2014)
Notons que le modèle de Plutchik a été établi avant l’établissement des quatre critères
d’Ekman. Sa méthodologie de recherche était donc nécessairement différente pour
l’établissement de ses émotions fondamentales. Au lieu de se baser sur quatre critères,
il est parti du ressenti des sujets participant à une expérience : Chaque sujet était amené
à choisir parmi une liste exhaustive de vocabulaire émotionnel les mots qui
correspondaient au mieux à son expérience pour des situations standardisées. C’est
ainsi que le modèle à huit émotions a été créé et c’est pourquoi certains critères
d’Ekman ne sont pas pris en compte dans ce modèle. Par exemple, l’anticipation ou
l’acceptation ne suscitent pas de réaction physiologique identique, prévisible et
universelle.
16
Bien que le modèle de Plutchik ne respecte pas les critères d’Ekman, il reste très utilisé
dans divers domaines (enseignement, groupes de parole, sociocratie2...) pour plusieurs
raisons expliquées par Emmanuel Gouvernaire (2015) : D’abord, Plutchik propose cette
gradation qui est inédite et qui permet de nuancer l’émotion ressentie réellement.
Ainsi, si je ressens une colère très ténue, il sera plus facile pour moi d’admettre que c’est
de la contrariété car le terme « colère » me parait exagérément fort. Ensuite, il met en
avant les liens entre les différentes émotions. Or, dans la nature, une émotion n’est que
rarement présente à l’état pur mais se présente plutôt comme un mélange parfois
difficile à définir.
I.2.3 Pédagogie institutionnelle
Comme je l’ai précisé plus haut, la pédagogie institutionnelle, par ses lieux de parole,
peut constituer une partie de la solution aux problématiques posées au point I.1. La
pédagogie institutionnelle a été fondée par Fernand Oury vers la fin des années ’60.
Dans son ouvrage Vers une pédagogie institutionnelle, il la définit comme telle :
[...] Un ensemble de techniques, d’organisations, de méthodes de travail, d’institutions
internes, nées de la praxis de classes actives [qui] place enfants et adultes dans des
situations nouvelles et variées qui requièrent de chacun engagement personnel, initiative,
action, continuité.
Ces situations souvent anxiogènes – travail réel, limitation de temps et de pouvoir –
débouchent naturellement sur des conflits qui, non résolus, interdisent à la fois l’activité
commune et le développement affectif et intellectuel des participants.
De là cette nécessité d’utiliser des outils matériels et des techniques pédagogiques, des
outils conceptuels et des institutions sociales internes capables de résoudre ces conflits par
la participation permanente des échanges matériels, affectifs et verbaux. (Oury et
Vasquez, 1967)
Pour Héveline et Robbes (2000), l’idée est donc de lier trois fondements : techniques,
groupe et inconscient. En liant ces fondements, la pédagogie institutionnelle permet
aussi d’articuler désir et loi : désir de faire et loi nécessaire à toute vie en groupe. Si la
créativité est libérée, la structure reste pourtant clairement définie. En d’autres termes,
2 La sociocratie est un mode de gouvernance participative incluant chaque membre sur un pied d’égalité (Buck, 2004).
17
la pédagogie institutionnelle consiste en la libération de la créativité de l’élève, de son
« faire » tout en gardant un cadre, des limites absolument nécessaires. Afin que ce
fonctionnement ne s’écroule pas, des lieux de parole – qui sont des outils – sont
instaurés, permettant à chaque membre de l’institution (enfant ou adulte) d’exprimer
de façon juste et au moment opportun son désir ou ses frustrations éventuelles.
Pour rappel, un lieu de parole est « un espace symbolique défini quant à sa durée, son
objet, sa périodicité et sa place dans l’emploi du temps » (Héveline et Robbes, 2000).
C’est donc en quelque sorte un rituel, parfaitement défini et circonscrit. Ci-après, le
lecteur intéressé trouvera trois exemples de lieux de parole couramment utilisés en
pédagogie institutionnelle, mais également dans l’enseignement « classique ». L’outil
que je propose dans ce TFE peut parfaitement être utilisé dans le cas, notamment de
l’installation de ces lieux de parole ; j’y reviendrai dans la partie II.
A. Le « quoi de neuf »
Fiche récapitulative de l’activité (d’après la méthodologie enseignée par M. Brunelli à
l’ENCBW en 3NSFR, 2018) :
Durée : 15 à 30 minutes
Fréquence : Tous les jours, au début de chaque cours...
Méthodologie : L’ouverture est ritualisée (inscrite au tableau, annoncée...). Un élève est
nommé « président » et va inscrire les élèves qui désirent s’exprimer dans l’ordre. Il est
ensuite chargé de distribuer la parole aux élèves inscrits. L’élève qui reçoit la parole peut
s’exprimer librement, personnellement, sur le sujet de son choix. Il peut, entre autres
exemples, s’exprimer sur une information nécessaire au groupe, sur son état d’esprit ou
encore sur des événements vécus qu’il juge important de partager. La fermeture du
« quoi de neuf » est également ritualisée, clôturée (effacer le tableau, l’annoncer...).
Règles à instaurer :
- Écouter celui qui parle.
- Garder ce qui est dit dans la classe.
D’après Totté et Mbaye (2017), l’intérêt de ce type de rituel serait notamment
d’instaurer un lien, une transition entre ce qui se passe hors de l’école et ce qui se passe
18
dans l’école. Le « quoi de neuf » permettrait aussi d’apprendre aux élèves à
communiquer et à décharger les pensées ou émotions « parasites » pour
l’apprentissage. Ces objectifs rencontrent parfaitement la première problématique
posée dans ce travail de fin d’études (voir point I.1.1).
B. Le « ça va, ça va pas »
Fiche récapitulative de l’activité (d’après la méthodologie enseignée par M. Brunelli à
l’ENCBW, en 3NSFR 2018) :
Durée : 5 minutes
Fréquence : à la fin ou au début de la journée, du cours, d’une activité
Méthodologie : Un élève est nommé « président » et se charge de demander à chaque
élève si « ça va » ou si « ça va pas ». Chaque élève ne peut répondre que par ces deux
formules. S’il donne la première, son tour de parole s’arrête là. S’il choisit la seconde
formule, il sera invité à expliquer pourquoi. Il se peut tout à fait qu’il exprime ensuite
quelque chose de très positif. Quand tous les élèves ont eu l’occasion de participer, le
président clôture le lieu de parole.
Règle à instaurer :
- Ne pas intervenir sur la parole de l’autre.
- Ne parler que pour soi-même.
C. Le conseil
Fiche récapitulative de l’activité (d’après Héveline et Robbes, 2000) :
Durée : 15 à 30 minutes
Fréquence : une fois par semaine (de préférence à un moment fixe)
Méthodologie : Un élève est nommé « président ». Celui-ci animera le conseil. Le
président ritualise l’ouverture du conseil (au moyen d’une annonce par exemple) et note
les absents du jour. Il relit pour tous les décisions du dernier conseil puis établit l’ordre
du jour : chaque participant peut demander d’inscrire son sujet à l’ordre du jour. Il est
tout à fait possible d’établir un minutage ou un ordre de passage en fonction de chaque
question soulevée. Le président donne ensuite la parole à celui qui s’est inscrit. Quand
19
il a fini de s’exprimer, il demande « Qui veut prendre la parole à ce sujet ? ». Le président
est chargé de faire reformuler les différentes propositions et de faire voter les décisions
prises. Seules les décisions prises sont notées par le secrétaire en vue d’être relues au
prochain conseil. Pour chaque décision, il s’agit de choisir qui est chargé de quoi. À la fin
du temps imparti, les points inscrits qui n’ont pu être traités sont reportés au prochain
conseil où ils seront traités en priorité.
Règle à instaurer : variables en fonction des besoins des groupes.
Selon Héveline et Robbes (2000), le conseil est le lieu de la parole efficace, de la prise de
décision. Il laisse néanmoins la place à l’aspect émotionnel puisqu’il permet notamment
la régulation des conflits, source de tension et donc d’émotion par excellence. Il permet
en outre de féliciter, de reconnaitre les progrès d’un individu ou du groupe, de
superviser les projets collectifs, de responsabiliser les élèves et de les éduquer à la
citoyenneté. Bien que difficile à mettre en place – il ne faut pas, par exemple, qu’un
élève prenne le dessus sur les autres ou que les décisions prises entrent en contradiction
avec le « loi » –, il est en revanche très efficace dans l’éducation à l’intelligence
émotionnelle de Goleman (2014).
20
PARTIE II : Aspects pratiques
II.1 Présentation d’Emo-Wheel
Emo-Wheel est un outil numérique, à la fois utilisable en didactique (Religion ou Français
entre autres) ou de façon pédagogique. Il se compose de six émotions : joie, peur,
surprise, tristesse, colère et dégout. Pour chaque émotion, des photographies de
personnes vivant ces émotions ainsi qu’une liste de vocabulaire est disponible. En outre,
la « graduation » imaginée par Plutchik (1980) a été reprise sous forme de
thermomètres (un par émotion fondamentale). Afin de faciliter l’usage du vocabulaire,
celui-ci a été mis en page de manière à correspondre aux valeurs de ces thermomètres.
Bien qu’Emo-Wheel soit prévu pour une utilisation numérique, il est tout à fait possible
de l’imprimer et de l’utiliser en version « papier » lorsque le matériel de l’école ne
permet pas de l’utiliser sur tablette ou ordinateur. Il faut alors y ajouter un système de
signets pour en faciliter l’usage. Toutefois, les avantages de sa version numérique sont
nombreux :
- Facilité, fluidité d’utilisation : les difficultés liées à la manipulation des signets, du
nombre de pages, etc. n’apparaissent pas. La lecture de l’outil est non linéaire et permet
un usage plus immédiat – l’étape de « recherche » de l’émotion est pratiquement
supprimée.
- Attrait : il y a un effet de nouveauté sur les élèves, « cet effet fait en sorte que
lorsque l’on expérimente une nouvelle méthode ou un nouvel outil dans une classe, on
voit la motivation des élèves augmenter rapidement. » (Viau, 2007). En effet, lors des
tests avec la version numérique d’Emo-Wheel, les élèves sont réellement enthousiastes
à la simple vue des tablettes et ils cherchent donc à utiliser l’outil au maximum de ses
possibilités, bien plus qu’avec les tests en version imprimée. Toutefois, si cet effet
s’estompe, il est permis d’espérer que le rituel engagé autour de l’outil, le besoin des
élèves de s’exprimer et d’être entendus ou d’autres facteurs engendreront la motivation
nécessaire à l’activité.
- Praticité : l’outil est compact et disponible à tout moment dans l’école (voire dans
le téléphone des élèves) une fois qu’il a été installé.
21
- Possibilité d’utiliser les autres fonctionnalités de la tablette : coupler l’utilisation
de l’outil à une recherche Internet, prendre des notes sur la tablette pour pouvoir les
envoyer à chaque membre d’un groupe de travail ou à l’enseignant, possibilité de
zoomer sur les photos...
- Possibilité d’utiliser l’outil de recherche numérique (CTRL+F sous Windows par
exemple) afin de vérifier si un mot en particulier figure dans l’outil et savoir directement
dans quelle émotion il se situe.
- Possibilité de mettre à jour facilement l’outil, de le modifier en fonction des idées,
des commentaires des élèves, de son besoin d’utilisation.
Emo-Wheel est disponible en format PDF ou PPS/TX (Power Point) en me contactant par
email à l’adresse [email protected]. Le lecteur intéressé trouvera la version
imprimée et photocopiable de l’outil en annexe 1.
Pour les élèves qui présenteraient des difficultés à reconnaitre leurs émotions, il est tout
à fait possible de coupler l’utilisation d’Emo-Wheel à celle de la Roue des émotions de
l’Autrement dit (2017), disponible sur commande en ligne (voir site web en
bibliographie).
II.1.1 La navigation dans Emo-Wheel
L’entrée dans Emo-Wheel se fait via une roue des émotions sur laquelle les six émotions
sont représentées par des « emoji’s ». La navigation s’effectue par la sélection
successive des termes soulignés ce qui permet une lecture non linéaire de l’outil.
Lorsqu’une émotion est sélectionnée, la slide qui apparait comporte des photos
représentatives de l’émotion. Sur cette slide, il est également possible d’avoir accès au
vocabulaire, soit en faisant glisser l’écran vers la gauche, soit en sélectionnant « J’ai
besoin de mots. ». Sur la slide des mots, du vocabulaire est disponible : des noms
communs, des adjectifs et des verbes et expressions liés à l’émotion sélectionnée. Tout
le vocabulaire est étalonné par rapport à un thermomètre gradué de la valence
émotionnelle la moins forte à la plus forte en fonction des termes établis par Plutchik
(1980). Il est toujours possible de revenir à la slide d’images en sélectionnant « J’ai
besoin d’images » ou en faisant glisser l’écran vers la droite. Enfin, le retour à la roue
des émotions est possible à tout moment en sélectionnant le lien en bas à droite de
chaque slide.
22
II.1.2 Conception
A. Choix des émotions de l’outil
L’idée était de partir de la roue des émotions de Robert Plutchik (1980) qui comprenait
donc huit émotions de base (voir point I.2.2) et qui avait l’avantage de proposer cette
« graduation » que les autres modèles émotionnels ne comprenaient pas.
Après avoir créé un premier outil reprenant les huit émotions de Plutchik, j’ai décidé de
tester l’outil auprès d’une dizaine de proches volontaires (manipulation intuitive libre).
Je leur ai d’abord présenté mon projet puis expliqué le fonctionnement de l’outil.
Neuf participants m’ont dit que deux émotions définies par Plutchik n’étaient pas
« parlantes » pour eux : l’anticipation et l’admiration. Il était difficile pour les
participants de comprendre ce qu’étaient ces deux émotions étant donné leur niveau
de connaissance sur les émotions : pour eux, soit il manquait beaucoup d’émotions3,
soit ces deux-là n’étaient pas pertinentes. En outre, la littérature scientifique ne facilitait
pas la définition d’ « anticipation » et d’ « admiration ». Après la lecture des critères
d’Ekman (1994), ces deux émotions semblaient en effet ne pas convenir à ce consensus
scientifique autour des émotions. En outre, l’outil devait être utile pour les élèves : s’ils
ne se reconnaissent pas dans deux émotions, c’est qu’elles ne seront pas utiles pour eux.
Enfin, la présence de huit émotions semblait surcharger l’outil qui devait avant tout être,
à mon sens, facile d’utilisation. J’ai donc décidé de ne pas conserver ces deux émotions
dans l’outil, leur préférant les six autres qui correspondent bien aux critères d’Ekman.
En ce qui concerne les émotions dites combinées, aucune ne correspondait à la
définition d’Ekman de ce qu’est une émotion. De plus, ces émotions combinées faisaient
penser à la majorité des participants du premier test (huit sur dix) à des sentiments
plutôt qu’à des émotions (une fois que les termes « émotion » et « sentiment » leur
avait été définis). Enfin, les émotions combinées de Plutchik devenaient difficiles à
mettre en relation avec le reste de l’outil d’un point de vue pratique. Les insérer reste
en revanche une piste de prolongement envisageable pour améliorer Emo-Wheel.
3 Dans ce cas, ils confondaient émotion et sentiment.
23
B. Création de l’aspect linguistique
Afin de répondre à la deuxième problématique de ce TFE (le manque de vocabulaire
émotionnel), il a été nécessaire de constituer une base lexicale importante.
De prime abord, j’ai choisi de reprendre les trois termes proposés par Plutchik (1980)
pour chaque émotion et de replacer leur valence, à l’origine sur le « soleil » ou la
« toupie » (voir figures 1 et 2, point I.2.2) sur un thermomètre afin d’en faciliter
l’utilisation.
Ensuite, il m’a semblé important d’ajouter des adjectifs, car ils permettent de désigner
l’état affectif dans lequel l’élève se trouve ou dans lequel son camarade de classe se
trouve. Ces adjectifs étaient au départ tous accordés au masculin singulier. Avant les
tests réalisés en 3eTQ et en 4eP, Mme Alison Scarsé – qui a accepté de m’accueillir dans
ces classes pour les tests – m’a suggéré d’utiliser l’écriture inclusive4. En effet, dans une
activité touchant à l’expression des émotions, les élèves de sexe féminin ont aussi besoin
de se reconnaitre et il n’est pas forcément judicieux de leur compliquer la tâche en
passant par l’accord d’adjectifs, surtout si ces élèves ont déjà certaines difficultés en
français. Supprimer cette étape « grammaticale » permet l’utilisation du vocabulaire
immédiatement et donc facilite l’utilisation de l’outil.
Fournir des adjectifs était déjà une étape importante, mais force est de constater que,
lorsque quelqu’un s’exprime au sujet des émotions, il passe souvent par de nombreuses
expressions imagées qui ne sont pas nécessairement littérales (« être vert de rage »,
« avoir le cafard », « à couper le souffle », « rester bouche bée » ...). J’ai décidé d’ajouter
de telles expressions à l’outil car non seulement elles permettent de mieux comprendre
un interlocuteur qui les utilise déjà, mais elles fournissent en plus des formules toutes
faites qui peuvent aider l’élève à élever son niveau de vocabulaire de façon subtile, à la
fois à utiliser de telles expressions et à les comprendre dans la bouche d’un autre.
Enfin, outre les noms déjà proposés par Plutchik dans son modèle de base, j’ai décidé
de reprendre des synonymes de ces mots – au moyen du dictionnaire de synonymes en
ligne « Reverso » (dictionnaire.reverso.net) – afin de permettre aux élèves d’affiner
4 « L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. » (Agence Mots-Clés, 2017).
24
l’émotion dont ils veulent parler. Ainsi, entre la rage et la colère, se trouvent la hargne
ou l’exaspération.
Tout le vocabulaire a été mis en page de façon à correspondre avec le thermomètre à
gauche de la slide. L’élève qui ne maitrise donc pas bien les termes qu’il lit peut dès lors
comprendre non seulement de quelle émotion il s’agit, mais aussi avec quelle force elle
s’exprime dans l’expression visée.
Concrètement et en résumé, pour établir cette liste de vocabulaire, je suis donc d’abord
partie des émotions de Plutchik. J’ai ensuite établi, à partir de mes connaissances
personnelles, une liste d’expressions communes autour de ces émotions que j’ai
complétée par une recherche sur le web. J’ai ensuite recherché des synonymies sur des
dictionnaires en ligne et me suis basée sur divers ouvrages de littérature scientifique
pour compléter cette liste au fur et à mesure5.
Enfin, en ce qui concerne le choix du nom de l’outil, il n’a pas été immédiatement défini.
J’ai préféré dans un premier temps utiliser les termes de « Roue des émotions » avant
de changer pour « Emo-Wheel ». En effet, il existe déjà de nombreux outils nommés
« Roue des émotions » (et notamment celui de l’Autrement dit ou de Robert Plutchik,
comme je l’ai précisé plus haut). Je tenais donc à pouvoir distinguer mon outil des autres,
d’autant plus qu’il est possible de coupler l’utilisation d’autres outils avec le mien. Le
choix d’une consonnance anglophone me paraissait intéressante puisque de nombreux
adolescents sont assez familiarisés avec l’anglais ou ont généralement une bonne
opinion de cette langue. La traduction littérale en anglais aurait donné « Emotions
wheel ». Le titre final est donc une très légère simplification de cette traduction qui
garde néanmoins la racine du nom d’origine de l’outil.
C. Création de l’aspect visuel
Divers points sont à aborder dans la conception de l’aspect visuel d’Emo-Wheel. Chacun
a été pensé dans le but d’enrichir l’outil sans le surcharger et pour faciliter son utilisation
par des adolescents.
5 Toutes les références nécessaire à la conception du vocabulaire sont disponibles en bibliographie dans la section 3.1.
25
Tout d’abord, des photographies ont été sélectionnées pour chaque émotion afin d’en
faciliter la reconnaissance notamment, soit en les identifiant sur le visage des personnes,
soit en les comparant avec son propre visage (au moyen d’un miroir) ou sur le visage
d’un autre. Il est également possible de comparer ces images à d’autres supports visuels
dans le but de reconnaitre l’émotion de ces autres supports (par exemple des œuvres
d’art, des vidéos, d’autres photos...). Elles permettent aussi de s’imprégner
éventuellement de l’émotion : en les observant simplement, par empathie, l’élève peut
reconnaitre en lui la même émotion. Enfin, ces photos permettent de travailler la
rétroaction émotionnelle : en imitant les expressions des visages, elles peuvent
influencer l’émotion de celui qui imite (Philippot, 2011).
La sélection des photos a été effectuée au moyen d’une recherche sur Internet, en
choisissant des personnes d’âges et d’ethnies différents si possible, mais dont
l’expression restait représentative. Les images ont ensuite été montrées, via un test
avant la conception de l’outil, à dix personnes qui ont tenté de classer les photos dans
les huit émotions possibles (bien qu’anticipation et acceptation aient ensuite été
supprimées, voir point A). Seules les photos qui faisaient consensus auprès des dix
personnes ont été conservées puis mise en page dans Emo-Wheel.
À l’origine, il était question de sélectionner des œuvres d’art pictural et non des
photographies. Toutefois, l’ensemble s’en trouvait fort chargé et peu parlant pour des
adolescents. En outre, la plupart des œuvres mêlaient plusieurs émotions et n’étaient
donc pas prototypiques de la joie, de la colère, de la peur, de la surprise, de la tristesse
ou du dégout. Cependant, il n’est pas impossible d’utiliser des œuvres d’art pour
approcher les émotions avec des élèves, comme nous le verrons dans le point II.3.1.
Ensuite, des emoji’s6 ont été ajoutés à la fois à la roue initiale, mais également en haut
à gauche de chaque slide-émotion. En effet, les emoji’s constituent un langage très prisé
des adolescents : ils leur permettent de communiquer leurs émotions à leurs proches
sur les réseaux sociaux et par SMS. C’est un langage qui leur parle et qui donc leur
permet de mieux comprendre chaque émotion.
6 Petits symboles utilisés dans le langage multimédia représentant des visages synthétisés prototypiques, notamment, de diverses émotions.
26
Enfin, dernier élément visuel à mettre en place, un code couleur a été choisi pour rendre
l’outil attrayant avant tout. Ces couleurs n’ont toutefois pas été choisies par hasard.
Ainsi, le jaune suggère généralement l’optimisme, la joie (Nicolas, 2017). Le vert a été
choisi pour la peur à cause de l’expression « être vert de peur », de même pour le rouge
et la colère. Le bleu peut avoir une certaine tendance mélancolique et c’est pourquoi il
est parfois associé à la tristesse (Nicolas, 2017). Le dégout et la surprise ne semblent pas
porteurs d’une couleur particulière ; c’est donc mon ressenti personnel qui a porté mon
choix sur le violet (pour le dégout – le violet est une couleur qui n’est pas très
« appétissante » ; peu d’aliments sont violets) et l’orange (pour la surprise – c’est une
couleur plus festive et la fête m’évoque la surprise).
II.3 Pistes méthodologiques
Une fois l’outil créé, il s’agit de l’utiliser.
J’ai ainsi eu l’occasion de tester Emo-Wheel dans trois classes différentes : avec des
élèves de première année commune, de troisième technique de qualification et de
quatrième professionnelle. Dans les trois cas, les tests ont été effectués durant le cours
de Religion mais n’ont pas été insérés dans un parcours. L’outil a été utilisé sous forme
numérique dans les deux classes du deuxième degré. Malheureusement, les élèves de
1re année commune n’ont pas pu bénéficier de l’outil numérique, faute de moyens
numériques disponibles dans l’école.
Bien que ces trois pistes méthodologiques aient été testées, elles ne sont pas les seules
envisageables. Comme je l’ai écrit plus haut, l’outil se veut à la fois didactique et
pédagogique. Il peut être utilisé dans de nombreuses branches ou de façon périodique,
ritualisée, dans la lignée de la pédagogie institutionnelle ou comme solution à un
incident critique.
Dans un premier temps, je décrirai les méthodologies détaillées des activités testées
puis proposerai des activités envisageables et intéressantes mais non testées. Enfin, je
présenterai les résultats observés lors des activités testées.
II.3.1 Pistes testées
Les objectifs visés par ces trois activités sont avant tout d’accroitre le stock lexical
émotionnel des élèves et de développer des compétences liées à l’intelligence
27
émotionnelle, principalement la conscience de soi et les aptitudes humaines (voir I.1.3).
Elles n’ont pas été mise en place dans une fonction rituelle ou lors de la résolution d’un
incident critique, ce qui ne permet d’évaluer la première problématique de ce TFE (voir
point I.1.1).
A. Des photographies pour support émotionnel
L’activité proposée avec cette classe s’est déroulée au milieu de mon stage 3.2. Il
s’agissait donc d’une classe qui avait déjà eu l’occasion de faire connaissance avec moi,
bien que nous ne nous connaissions pas « en détail ». J’ai profité du fait qu’une classe
de 1re année commune ne soit présente qu’en demi-groupe (une particularité de l’école
faisait que la moitié du groupe était en excursion) : onze élèves ont donc participé. Je
tiens à préciser que cette activité à été quelque peu improvisée. J’ai été avertie trois
jours avant le cours que seule la moitié du groupe serait présente et ait donc profité de
l’occasion pour effectuer le premier test avec Emo-Wheel.
Une consigne avait donnée en amont aux élèves : apporter une photographie porteuse
d’émotion. Ils pouvaient amener la photo d’un ami, de la famille, d’un paysage, d’une
œuvre qu’ils apprécient, d’un animal... pourvu que cette photo provoque en eux une
certaine émotion, agréable ou pas, et qu’ils soient prêts à en parler avec le reste du
demi-groupe.
Avant de commencer l’activité à proprement parler, il est important de présenter l’outil
Emo-Wheel – ici en version papier avec des signets – en le manipulant devant les élèves,
puis de leur permettre de le découvrir également en le manipulant librement à leur tour,
en l’explorant. Un temps est ensuite laissé aux élèves pour poser des questions relatives
à l’outil si le besoin s’en fait ressentir.
Durant toute l’activité, le respect, la bienveillance et la confidentialité7 sont de mises :
ce qui se passera en classe restera en classe. Les jugements, insultes ou autres seront
interdits. En outre, l’écoute de l’autre est exigée. Il est important de rappeler ces règles
dès le départ et éventuellement par la suite si elles ne sont pas respectées car ce qui
touche aux émotions reste sensible.
7 C’est pourquoi les noms d’élèves seront cachés dans le cadre de ce TFE.
28
Il est important de mettre les élèves en confiance en faisant soi-même l’exercice devant
eux avant qu’ils ne soient amenés à le réaliser8. À partir de photos amenées par les
élèves, chacun à son tour va avoir l’occasion de s’exprimer. La consigne est la suivante :
raconter l’histoire de la photo, ce qu’elle représente puis donner la ou les émotions
qu’elle éveille en soi ainsi que la force de ces émotions. Pour cette deuxième étape,
l’élève peut rechercher dans Emo-Wheel les mots qui conviennent pour l’exprimer ou
consulter les thermomètres ; les autres élèves sont invités à suivre dans leur outil afin
de comprendre la ou les émotions présentées.
Le tour de parole ne change que lorsque l’élève exprime qu’il a terminé de parler et
qu’aucun élève ne souhaite réagir à ce qu’il a partagé avec la classe. Après chaque
partage, l’ensemble de la classe remercie l’élève de sa participation. Aucun élève ne doit
être forcé à aller plus loin qu’il ne le désire dans l’expression de son émotion. Si un autre
élève insiste en posant des questions supplémentaires, il est important de recadrer
l’activité en lui expliquant que l’élève qui s’exprime n’est pas obligé d’en dire plus s’il n’y
est pas prêt, s’il n’en a pas envie.
À la fin de l’activité, les élèves sont amenés à conclure en répondant à quelques
questions : Qu’ont-ils appris ? Quels nouveaux mots sont venus enrichir leur
vocabulaire ? Quelles sont les émotions qui les ont marqués ? Était-ce une activité plutôt
facile ou difficile ? Pour quelles raisons ? L’activité leur a-t-elle apporté quelque chose ?
B. Des œuvres d’art pour support émotionnel
Cette activité a été réalisée avec dix-huit élèves durant deux périodes de cours, en 3e
technique de qualification, orientation « tourisme » et « gestion ». Ces deux séances de
cours constituent les seuls moments de rencontre que j’aie pu avoir avec ces élèves (de
même qu’en 4e P.).
Avant de commencer l’activité, comme c’était le cas avec les élèves de 1re commune,
des règles d’écoute, de respect, de bienveillance et de confidentialité sont rappelées.
8 La photo choisir pour cette activité était celle d’un ours perdu sur un pan de banquise fondant (Goldstein, 2015). L’émotion évoquée a été une certaine tristesse (affliction) teintée de colère (exaspération) face à l’impuissance ou le manque de volonté des hommes à réagir à la situation des animaux aujourd’hui.
29
Emo-Wheel – en version numérique cette fois – est également présenté aux élèves avant
qu’un temps de manipulation libre ne leur soit octroyé.
Des reproductions en couleur de six œuvres d’art pictural sont disponibles en classe en
format A4 (ces reproductions sont visibles en annexe 2). Il s’agit de six œuvres suggérant
potentiellement certaines émotions9 :
- Guernica, de Pablo Picasso, peut suggérer tristesse ou peur.
- Le promeneur, de Caspar Friedrich, peut suggérer joie ou tristesse.
- La jeune fille à la perle, de Jan Vermeer, peut suggérer tristesse, surprise ou peur.
- Le désespéré ou Autoportrait, de Gustave Courbet, peut suggérer peur ou surprise.
- Le cri, de Edvard Munch, peut suggérer peur, colère, joie ou dégout.
- La colère gronde, de Egon Schiele, peut suggérer dégout ou colère.
Plusieurs élèves auront donc les mêmes œuvres d’art à observer ; il est important qu’au
moins deux élèves aient choisi la même œuvre. Ils observeront ensuite leur tableau
individuellement et en silence avant de compléter une fiche relative à cette observation
(version non complétée disponible en annexe 3).
Durant l’observation silencieuse de l’œuvre, l’enseignant va guider les élèves par des
interventions favorisant la rétroaction émotionnelle (Philippot, 2011) et la réflexion de
l’élève par rapport à l’œuvre qu’il a devant lui. L’idée est de parler doucement, à voix
posée et calme et de laisser du temps après chaque intervention. Il s’agit de demander
aux élèves de mimer certaines expressions faciales (froncer les sourcils, ouvrir de grands
yeux, ouvrir la bouche en O, sourire, plisser les yeux...) et d’imiter l’expression des
personnages présents sur leurs œuvres ; les mimiques devraient suggérer certaines
émotions chez les élèves. L’enseignant peut également leur demander ce qu’ils voient,
ce qu’ils ressentent, quelle est l’histoire du personnage ou des personnages qu’ils ont
devant eux mais surtout quelle est l’émotion qui leur vient à l’esprit.
Une fois l’observation terminée, les élèves sont invités à compléter leur feuille (voir
annexe 3). Ils effectuent cette étape seuls avec l’outil Emo-Wheel, que ce soit pour
9 Les émotions proposées ici ne sont qu’une interprétation personnelle et sont susceptibles d’être porteuses d’une toute autre interprétation par un tiers.
30
trouver des mots pour exprimer leur ressenti, celui du ou des personnages de l’œuvre,
ou pour comparer les expressions faciales de ces personnages.
Quand tous les élèves ont terminé de remplir leurs feuilles, ils peuvent se rassembler
par groupes d’œuvres. Ils seront amenés, en groupe, à réalisé une présentation de leur
œuvre au reste de la classe. Pour ce faire, ils vont dans un premier temps comparer leurs
réponses. Ont-ils ressenti la même chose ? Ont-ils interprété l’histoire du ou des
personnages de la même façon ? Sont-ils d’accord sur l’émotion que ressentent ces
personnages ? Ils peuvent bien entendu s’appuyer sur Emo-Wheel et même appuyer
leur présentation sur une recherche Internet. Ils compléteront ensemble une nouvelle
feuille (voir annexe 4) qui leur permettra de préparer leur présentation orale. Pour
chaque point, ils devront se mettre d’accord et parvenir à se partager la parole
équitablement.
Du temps est laissé en classe pour préparer ces présentations. Elles s’effectueront au
prochain cours afin que chaque groupe puisse terminer sa présentation. Lors des oraux,
les règles d’écoute et de respect sont rappelées. À la fin de chaque présentation, les
autres élèves peuvent réagir aux œuvres, donner leur avis, poser des questions. Les
œuvres peuvent ensuite être affichées en classe ou constituer un livre, accompagnées
de leurs histoires.
C. Des vidéos pour support émotionnel
Cette activité a été réalisée avec onze élèves durant deux périodes de cours, en 4e
professionnelle, orientation « travaux de bureau ».
Comme pour les activités précédentes (voir points A. et B.), la présentation ainsi que la
manipulation libre d’Emo-Wheel ont lieu avant le début de l’activité et des règles de
bienveillance, de respect, de confidentialité et d’écoute sont rappelées.
Les élèves sont prévenus qu’ils vont voir ensemble six vidéos issues du site web Youtube
(www.youtube.com). Chaque vidéo est susceptible de provoquer en eux des émotions.
Ils reçoivent pour chaque vidéo une fiche à remplir, permettant de guider le visionnage
(fiches disponibles en annexe 5). Ils peuvent bien entendu utiliser Emo-Wheel durant la
vidéo. Toutefois, ils ne sont pas obligés d’écrire ou de manipuler l’outil durant la
31
projection de la vidéo et peuvent se contenter de compléter leur fiche après ; un temps
leur sera accordé pour ce faire.
Après ce temps de réflexion, les élèves sont amenés à dire au reste du groupe ce qu’ils
ont pu écrire, dans les limites de leur volonté de partager. La discussion peut se lancer :
les élèves sont libres de rebondir sur ce qui a été dit, de réagir.
La vidéo suivante n’est diffusée que lorsque les élèves ont dit tout ce qu’ils avaient
à dire.
Aucune production finale n’est attendue, le but étant avant tout d’avoir l’occasion de
s’exprimer, de partager, de découvrir l’aspect émotionnel de ces vidéos, comparables
aux vidéos qu’ils regardent régulièrement en ligne. Toutefois, une synthèse des
discussions, réalisée à partir de la prise de notes de l’enseignant durant celles-ci, sera
remise aux élèves.
Lorsque toutes les vidéos ont été visionnées, l’enseignant peut demander aux élèves de
conclure : Qu’ont-ils appris ? Quels nouveaux mots sont venus enrichir leur
vocabulaire ? Quelles sont les émotions qui les ont marqués ? Ont-ils toujours été
d’accord ? Pourquoi ?
II.3.2 Pistes non testées
A. En complément pédagogique
La pédagogie institutionnelle institue notamment des rituels dans la classe et il est donc
tout à fait possible de coupler ces diverses activités avec Emo-Wheel afin d’améliorer le
climat émotionnel de la classe, de permettre aux élèves de progresser dans les
compétences de savoir-être, d’enrichir leur vocabulaire.
Par exemple, je songe à coupler l’utilisation de l’outil au « quoi de neuf » (voir aussi point
I.2.3.A). Ainsi, avant de prendre la parole, les élèves pourraient donner leur état d’esprit
en s’appuyant sur Emo-Wheel. Une meilleure compréhension de l’état d’esprit de
l’autre pourrait améliorer la communication entre élèves et donc rendre le « quoi de
neuf » plus efficace.
De même, Emo-Wheel fonctionnerait sans doute très bien avec le « ça va, ça va pas »
(voir aussi point I.2.3.B). Au lieu de seulement énoncer la formule, l’élève serait amené
32
à donner en un mot son émotion du moment. Par exemple, il dirait « Ça va, serein. » ou
« Ça va pas, furieux. ». Le fonctionnement resterait identique pour le reste : la formule
« ça va pas » entrainerait une prise de parole de la part de l’élève.
Lors d’un conseil (voir point I.2.3.C), Emo-Wheel pourrait aider à la résolution de conflit
en communication non-violente (en utilisant le « je » et en s’appuyant sur un
vocabulaire propre à l’émotion personnelle de l’élève pris dans le conflit).
Mais plus simplement, l’usage d’Emo-Wheel pourrait devenir un rituel en soi, utilisé en
début ou en fin de cours, en fin de trimestre ou après une activité forte. La ritualisation
permettrait aux élèves de connaitre le « lieu de parole » adapté lorsqu’une émotion se
présente.
Enfin, et c’est l’un des objectifs principaux de cet outil, il pourrait servir aux enseignants
lorsqu’un incident critique se présente (voir point I.1.1), pour apaiser les tensions et
entrer en communication avec les élèves dans un cadre moins tendu. L’enseignant ne
serait donc pas démuni et l’émotion, médiée par l’outil, serait sans doute plus facile à
sortir pour l’élève et plus facile à comprendre pour l’enseignant, sans pour autant
rentrer dans un rôle de psychologue qui n’est pas le sien.
B. En didactique
Emo-Wheel est utilisable dans diverses disciplines et même en interdisciplinaire, bien
qu’il ait été pensé avant tout pour les cours de Français et de Religion – puisque qu’il
s’agit là de mon orientation d’AESI.
En cours de Religion
En cours de Religion, Emo-Wheel permettrait d’aborder des thèmes émotionnellement
lourds, comme le cyberharcèlement, l’homophobie, l’euthanasie ou encore
l’avortement. En effet, l’idée principale du programme de Religion est de s’adapter aux
besoins de croissance des élèves, à ce dont ils ont besoin de parler, à ce qu’ils ont besoin
d’apprendre ou d’aborder pour grandir. J’ai pu observer dans mes diverses expériences
en stage que les sujets les plus durs, qui font le plus débat moralement, sont aussi ceux
que les élèves veulent aborder car ils n’ont pas toujours l’occasion d’en parler
sérieusement autour d’eux, que ce soit dans le cercle familial ou dans d’autres cours.
33
Une autre piste pour le cours de Religion serait d’utiliser Emo-Wheel en début de
parcours en tant qu’étape « Se questionner » ou « s’ouvrir » de la méthode
d’intégration QUIOTO10, soit en début ou en fin de parcours. En effet, questionner ses
émotions permet de s’étonner, de se poser des questions sur des faits, mais aussi
d’ouvrir à d’autres possibles, à d’autres connaissances, à d’autres idées. Par exemple,
les élèves pourraient réagir à une vidéo sur le cyberharcèlement (pourquoi pas celle
proposée dans l’activité du point II.3.1.C, voir références en bibliographie) pour ouvrir
un parcours sur le harcèlement.
Enfin, Emo-Wheel est évidemment un outil idéal pour travailler un parcours sur les
émotions. L’expression du visage, la couleur des émotions, les expressions imagées
autour des émotions, le fait qu’elles ont une valence plus ou moins forte et le fait
qu’elles fonctionnent en liaison, les unes avec les autres sont en soi des concepts autour
du thème des émotions qui pourraient constituer différentes étapes « s’informer » d’un
parcours sur les émotions.
Je noterai également que de nombreuses compétences du programme d’EPC11 peuvent
être abordées grâce à Emo-Wheel.
En cours de Français
L’aspect linguistique de l’outil se prête bien au cours de Français. Enrichir le vocabulaire
des élèves est en effet nécessaire à cette branche. Ainsi, diverses activités pourraient
être imaginées avec des classes de différents niveaux.
Il est envisageable, par exemple, de travailler le texte narratif, descriptif et créatif, écrit
ou oral, en utilisant Emo-Wheel et deux enveloppes contenant des petits papiers : une
enveloppe contiendrait des lieux (école, usine, parc d’attraction, rue, jardin...) et l’autre
contiendrait des émotions (joie, peur, colère, tristesse, dégout et surprise). L’élève, en
piochant un lieu et une émotion, serait amené à rédiger une courte description du lieu
ou d’un personnage visitant ce lieu en tenant compte de l’émotion et en utilisant un
certain nombre de mots issus d’Emo-Wheel.
10 QUIOTO : Se questionner – s’informer – s’outiller – transférer – s’ouvrir à l’analyse réflexive : méthodologie pédagogique enseignée à l’ENCBW dans la section Religion par Messieurs Palsterman et Brunelli 11 Éducation à la Philosophie et à la Citoyenneté
34
Une autre piste imaginable serait l’analyse de la dimension émotionnelle de textes
poétiques ou théâtraux. Pour la poésie, il s’agirait de découvrir l’état d’esprit de
l’auteur : Quelle émotion vit-il au moment où il écrit le poème ? Peut-on retrouver dans
ses mots du vocabulaire présent dans Emo-Wheel ? Le code couleur se retrouve-t-il dans
son texte (allusions au vert, au bleu, au rouge...) ? De même, pour le théâtre, les élèves
pourraient être amenés à retrouver le ressenti des personnages à travers leurs mots, en
effectuant une recherche numérique.
En parlant de théâtre, utiliser Emo-Wheel dans l’autre sens serait également un bon
moyen de se lancer dans le jeu théâtral : sélectionner au hasard un émotion et tenter
de la jouer, en se basant sur le vocabulaire y afférent, voire mimer les émotions. Les
autres devraient retrouver dans leur outil l’émotion précisément jouée, en se servant
du thermomètre. Cette activité forcerait la subtilité du jeu d’acteur : jouer la sérénité
n’est pas jouer l’euphorie.
Afin d’aborder différents courants littéraires, et notamment les plus porteurs d’émotion
(romantisme, symbolisme, absurde...), Emo-Wheel pourrait également être utilisé,
notamment en analysant les symboles liés aux couleurs, aux expressions.
Enfin, il serait envisageable d’étudier les figures de style et leurs effets au regard des
expressions imagées touchant aux émotions (hyperbole, euphémisme, oxymore et bien
d’autres).
Autres disciplines
En cours d’Histoire de l’Art, il est possible d’aborder l’étude d’œuvres pour les
comprendre dans leur globalité en passant par l’aspect émotionnel, et donc pas
uniquement de façon théorique et symbolique. Comme proposé dans l’activité
présentée au point II.3.1.B, les élèves pourraient ainsi observer les expressions des
personnages afin de chercher à comprendre leur histoire, quitte à vérifier leurs
hypothèses avec d’autres ressources par la suite. Ce qui permettrait aussi de se rendre
compte de l’émotion que provoque une œuvre d’art sur celui qui l’observe.
Emo-Wheel est également un bon tremplin pour les cours d’Expression corporelle, pour
briser la glace ou adapter sa façon de s’exprimer à une situation.
35
En Sciences sociales et plus particulièrement en Psychologie, l’outil constitue également
une bonne entrée en matière pour étudier la psychologie des émotions (quitte à coupler
Emo-Wheel à d’autres modèles émotionnels tels qu’évoqués au point I.2.2).
II.3.3 Résultats des pistes testées
Dans ce point, je vais tenter de mettre en parallèle mes trois problématiques de départ
avec ce que j’ai pu observer lors des activités testées effectivement avec les élèves. Pour
rappel, ces trois problématiques étaient les suivantes :
1. Comment mettre en place un meilleur cadre d’apprentissage en tenant compte des
émotions des élèves ?12
2. Comment améliorer le lexique émotionnel des élèves ?
3. Comment développer l’intelligence émotionnelle des élèves ?
A. Des photographies pour support émotionnel
Pour rappel, cette activité utilisant Emo-Wheel a été menée en première année
commune pendant la durée de mon stage. Pour plus de détails, le lecteur intéressé se
référera au point II.3.1 pour tous les descriptifs des activités testées.
Les émotions principalement amenées par les élèves étaient la joie et la tristesse.
Concernant la première problématique, j’ai pu observer dans cette classe une réelle
différence entre le groupe avant l’activité, et le groupe après, mais pas nécessairement
sur l’aspect « tension émotionnelle ». En effet, avant le stage, le groupe d’élèves
concernés était « dans la retenue » lors du cours de Religion. Concrètement, leur
participation au cours était faible (peu de doigts levés, peu de réponses à mes questions,
beaucoup de silences ou de murmures non liés au contenu du cours). En revanche, après
l’activité, ce groupe participait beaucoup plus : non seulement ils répondaient à mes
questions mais ils m’en posaient aussi. Ce phénomène ne s’est pas produit dans les deux
autres classes où je donnais pourtant exactement le même cours. Je ne peux affirmer
12 Pour cette problématique en particulier, le cadre « artificiel » mis en place lors des activités de test ne permettait pas réellement une observation fiable d’une certaine diminution des tensions. La réponse à cette problématique s’observerait plutôt lors d’un incident critique ou alors, sur un plus long terme, à force d’utilisation plus ou moins ritualisée de l’outil avec les élèves).
36
que c’est un effet direct de l’activité car beaucoup de facteurs influencent la motivation
des élèves en classe, mais l’émotion reste, selon Viau (2012) un facteur central.
Toutefois, les tensions au sein de cette classe n’étaient pas très présentes et je ne peux
dès lors vraiment me prononcer quant à la première problématique, même si je note
une certaine amélioration.
La deuxième problématique a été plus facile à observer. D’une part, les élèves, étant
inscrits en première année, étaient les plus jeunes des trois activités testées ; leur base
lexicale était donc nécessairement moins importante que celle des autres élèves
rencontrés pour les deux autres tests. J’ai dès lors pu constater que les élèves
cherchaient du vocabulaire dans les listes et utilisaient des mots nouveaux pour eux.
D’autre part, il est facile d’évaluer l’évolution de cet apprentissage. À la question « quels
nouveaux mots avez-vous appris ? », neuf d’entre eux m’ont proposé plus de trois mots
nouveaux. Mais ce point particulier est à mettre en lien avec le thermomètre : les mots
« nouveaux » étaient souvent déjà connus, mais ils les considéraient comme nouveaux
car la définition qu’ils en avaient fait avait évolué. Ils avaient introduit la dimension de
la force émotionnelle dans la définition de chaque mot.
Enfin, concernant la dernière problématique, liée à l’intelligence émotionnelle, de
nombreuses observations sont à remarquer.
Tout d’abord, le groupe a découvert l’empathie : en entendant certaines histoires
poignantes des autres élèves (un élève a amené la photo d’un proche récemment
décédé), la plupart vivaient « aussi de la tristesse, mais moins forte ; plutôt de la peine ».
J’ai proposé aux élèves d’appeler cela de l’empathie. Après une consultation du
dictionnaire, l’ensemble du groupe a considéré que c’était effectivement de l’empathie
qu’il ressentait.
En revanche, l’ « antipathie » a aussi été découverte, ce qui a créé une tension. La
découverte de ce phénomène, bien qu’il s’oppose à l’empathie, reste néanmoins une
richesse : pour moi, s’en rendre compte, c’est déjà apprendre et évoluer vers une autre
attitude émotionnelle. Une élève (appelons-là Sophie) a évoqué la mort de son âne,
survenue l’année passée. Alors qu’elle exprimait ressentir encore une forte tristesse
(chagrin), deux autres élèves (appelons-les Julien et Guillaume) ont ri discrètement, et
37
ont été repérés par Sophie. En leur rappelant les règles de bienveillance et de respect,
je les ai questionnés sur ce rire. D’après Julien et Guillaume, Sophie en avait déjà
beaucoup parlé depuis un an et ça devenait ridicule à leurs yeux : « On ne peut pas
toujours être tristes pour elle, même si on l’a été avant. » m’ont-ils répondu. Leur
rappelant que ce n’était pas une raison de rire, qu’ils pouvaient le garder pour eux, par
respect pour la peine de Sophie, une autre élève est intervenue « Oui, mais ils sont gênés
en fait, ils veulent pas avoir l’air tristes alors ils préfèrent rigoler ». Julien m’a
effectivement confirmé qu’il y avait une part de tristesse au fond. Guillaume s’est
simplement tu en rougissant13. À la fin de l’activité, en découvrant l’empathie, Julien est
intervenu pour expliquer que, pour lui, c’était exactement l’inverse qui s’était produit
lorsqu’il avait ri à l’histoire de Sophie : il ne rejoignait pas son émotion, préférait s’en
distancier.
Un troisième élément lié à l’intelligence émotionnelle est le suivant : les élèves se sont
rendu compte que les émotions sont liées entre elles ce qui permet d’aborder la
compétence émotionnelle liée à la conscience de soi (Goleman, 2014 ; voir aussi point
I.1.3). En effet, lorsqu’ils décrivaient leurs photos, plusieurs d’entre eux ont évoqué
ressentir plusieurs émotions voire un mélange entre plusieurs émotions. Cette
observation est intéressante car elle montre que le modèle initial de Plutchik, avec des
émotions combinées, était judicieux et représentatif de la réalité. Pour autant, Emo-
Wheel restait intéressant pour les élèves. En piochant suffisamment de vocabulaire sur
les slides, chaque élève est parvenu à transmettre au reste du groupe son ressenti précis,
son émotion « mélangée » quant à la photo qu’il avait amenée.
Le quatrième point que je voudrais soulever dans cette classe et concernant toujours
l’intelligence émotionnelle est le fait qu’ils aient compris que l’émotion évoluait dans le
temps – ce qui est encore une fois lié à la conscience de soi : très forte au départ (après
la mort d’un proche, la victoire à un match de football, la naissance d’un petit frère...)
l’émotion semble s’atténuer avec le temps, sans nécessairement disparaitre. En
revanche, la photo ravive le souvenir et donc l’émotion.
13 Je tiens à préciser que j’ai eu l’occasion d’en reparler avec Guillaume et Julien à la fin du cours afin d’apaiser la tension survenue et de déculpabiliser les deux élèves. Aucune tension ne semble être restée entre Sophie et eux.
38
Enfin, le respect de la parole de l’autre, en écoutant son ressenti a soi, fait aussi partie
de l’intelligence émotionnelle telle que définie par Goleman (2014) puisqu’il correspond
aux aptitudes humaines.
B. Des œuvres d’art pour support émotionnel
Pour rappel, cette activité a été menée en 3e TQ (pour le détail de la méthodologie, voir
point II.3.1.B). Dans cette classe, j’ai eu l’occasion d’effectuer de nombreuses
observations liées à mes trois problématiques de départ, notamment grâce aux feuilles
qu’ils ont complétées. Quelques extraits représentatifs sont par ailleurs disponibles en
annexe 6.
La première problématique, relative au cadre apaisé des tensions émotionnelles, était
la moins observable puisque l’activité n’a duré que deux périodes horaires, dans une
situation non critique, mise en place artificiellement, avec des élèves que je n’avais
jamais rencontrés et avec qui je n’allais plus travailler ensuite. Je pense que c’est en
entrainant les élèves à l’expression de leurs émotions que les tensions émotionnelles
deviennent plus faciles à gérer.
La deuxième problématique, relative au stock de vocabulaire propre aux émotions, a été
plus observable. Aucun « nouveau mot » n’a été découvert, même si des mots variés
ont été utilisés (toutes les émotions fondamentales ont été abordées par l’activité). À la
question « quels nouveaux mots avez-vous appris ? », il n’y a pas eu de réponse. En
revanche, un élève est intervenu pour dire qu’il n’utilisait pas habituellement les mots
qu’il avait donné pour décrire son œuvre d’art. Ce à quoi un autre membre de son
groupe a ajouté que ces mots étaient pratiques puisqu’ils avaient permis de mieux se
comprendre lors de la préparation du travail de groupe. Le fait que ces élèves n’aient
pas découvert de nouveaux mots est peut-être dû à leur âge. En effet, des élèves de
3e TQ ont deux ou trois ans de plus que des élèves de 1re commune. Leur lexique est
donc logiquement plus développé. Mais ce qui est intéressant ici, c’est qu’ils aient
découvert une fonction du lexique : celui-ci doit être compris par tout le monde de la
même façon pour être efficace. Si le stock de vocabulaire n’a pas augmenté, il a en
revanche été précisé pour mener à un « consensus », notamment grâce aux
thermomètres qui ont été utilisés pour désigner avec précision l’émotion ressentie par
le groupe ou, selon eux, par le personnage représenté.
39
La troisième problématique, relative à l’intelligence émotionnelle est plus vaste à
détailler. L’empathie, la conscience de soi et les aptitudes humaines ont pu être
travaillées :
- L’empathie, en tentant de ressentir l’émotion du personnage présent sur l’œuvre
d’art et en cherchant à comprendre l’émotion des autres membres du groupe.
- La conscience de soi, en tentant d’écouter le ressenti éprouvé au fond de soi, en
cherchant à mettre des mots dessus, à l’interpréter.
- Les aptitudes humaines, en coopérant, en écoutant les présentations des autres,
en présentant ses observations et en les justifiant (« Nous pensons qu’il est en colère
parce qu’il a les sourcils froncés, que l’œuvre est plus sombre, qu’il a le regard noir. Et si
on le compare aux photos, on reconnait la même émotion sur son visage. »).
Finalement, concernant l’utilisation même d’Emo-Wheel, les élèves ont découvert des
pistes que je n’avais, au départ, pas envisagées. Ils ont ainsi utilisé les expressions des
visages photographiés sur les slides pour les comparer aux visages présents sur leurs
œuvres d’art, ce que je ne leur avais pas suggéré. Plusieurs ont également utilisé la
fonction de recherche dans l’outil pour trouver le ressenti précis qui venait à eux (à
savoir l’ennui, présent dans le dégout avec une force faible).
C. Des vidéos pour support émotionnel
Pour rappel, cette activité a été menée en 4e P auprès de onze élèves (voir aussi la
méthodologie de l’activité au point II.3.1.C). Dans cette classe, l’observation a été
particulièrement riche. En effet, les élèves ont beaucoup réagi aux vidéos et participé
avec enthousiasme. Cette activité est restée la plus riche des trois à mon sens.
Avant tout, notons que des extraits choisis et représentatifs des fiches que ces élèves
ont complétées sont disponibles en annexe 7 – de nombreuses expressions propres au
langage « jeune » en sont issues (voir point I.1.2). Les discussions menées à l’oral lors de
cette activité ont été synthétisées à l’écrit (synthèses sont disponibles en annexe 8).
Concernant la première problématique, à nouveau, il est difficile de se rendre compte
de tensions apaisées dans ce type de situation artificiellement mise en place et dans une
classe qu’on ne rencontre que pour une activité. Mais un indice d’une évolution dans
cette problématique sera décrit dans le paragraphe suivant, relatif au vocabulaire.
40
En effet, bien que l’âge moyen soit plus élevé qu’en 3e TQ, le lexique émotionnel semble
avoir évolué dans cette classe. À la question « quels nouveaux mots avez-vous
appris ? », plusieurs élèves ont pu citer deux à trois mots. De même, la précision
apportée sur de nombreuses émotions par le biais des thermomètres a été éclairante
pour eux. Un propos d’élève à ce sujet, que j’ai pu recueillir lors de la fin de l’activité, est
éclairant :
« Ce qui est bien, c’est qu’on peut voir qu’on peut être en colère sans que ce soit
grave, parce que si on est là [désigne le bas du thermomètre], c’est quand même
mieux que si on est là [désigne le haut du thermomètre]. Et puis si c’est le cas, on
peut le dire avec le bon mot, au moins on nous comprendra. ».
Cette élève a également expliqué à quel point il était frustrant de ne pas être compris
dans sa colère quand le mot n’existe pas pour être compris : « Ça met encore plus la
haine ! ». Ce point précisément rejoint alors la première problématique : le manque de
mot peut provoquer des tensions. Donner des mots pourrait donc diminuer les tensions.
C’est donc aussi la compétence de maitrise de soi, issue de la théorie de l’intelligence
émotionnelle, qui est touchée de prêt.
Une autre évolution notable concerne le développement de l’intelligence émotionnelle.
Diverses compétences semblent ainsi avoir été touchées par l’activité.
Tout d’abord, les aptitudes humaines ont été largement abordées. Ainsi, spontanément,
les élèves communiquaient sur le contenu des vidéos pendant ou après la diffusion de
celles-ci. Cette classe a également fait preuve d’un grand respect des règles de
bienveillance, de respect et d’écoute, les rappelant parfois d’eux-mêmes. Leur
compréhension des relations entre les personnages des vidéos était en général très fine
(« Il est triste et il a peur parce qu’il est perdu, parce qu’il ne se souvient de rien. Sa fille
est triste pour lui parce qu’elle sait qu’il souffre de cette situation. » pour le film MEMO,
Gobelins, 2017).
41
La conscience de soi a pu également être touchée de prêt : les élèves ont eu l’occasion
de réfléchir à des situations similaires14 qu’ils avaient pu vivre et donc à écouter leur
ressenti profond, pour parvenir à reconnaitre l’émotion en eux, mais également par
rapport aux émotions des personnages à l’écran. C’est donc aussi l’empathie qui a été
travaillée.
Pour poursuivre dans la conscience de soi, c’est aussi la compréhension de la définition
de l’émotion qui a été affinée : « On change très vite d’émotion en fait, parce qu’à
chaque vidéo, on ressent des choses très différentes. ». C’est donc bien l’influence des
situations, du stimulus perçu qui est mise en exergue par cette élève, ainsi que la
brièveté de l’état affectif.
14 Pour la plupart, les élèves n’ont pas écrit ces situations sur leurs fiches, jugeant cela trop personnel, bien qu’ils les aient partagées oralement. Par respect pour eux, j’ai décidé de ne pas les retranscrire dans la synthèse des discussions (annexe 8).
42
Conclusion
Au terme de ce travail de fin d’études, la conception d’Emo-Wheel a nécessité de
nombreux ajustements, depuis l’idée d’origine jusqu’à sa version finale. Le vocabulaire,
le nombre d’émotions, le public visé ou encore le type d’activités possibles ont été
repensés tout au long de cette année scolaire pour aboutir à quelque chose de mieux
construit, de plus cohérent. Le résultat est à mon sens un outil facile d’utilisation,
pratique, et permettant effectivement aux élèves d’exprimer leurs émotions en
enrichissant leur vocabulaire émotionnel. Je pense toutefois qu’il ne doit être utilisé que
par des professeurs prêts à écouter leurs élèves.
À mon sens, Emo-Wheel permet le développement de diverses compétences fortement
entrecroisées : la tension émotionnelle, le vocabulaire et l’intelligence émotionnelle –
mes trois problématiques de départ – sont nécessairement liés (notamment par la
maitrise et la conscience de soi). Au centre de ce nœud, un élément central et inattendu
dans cet outil : le thermomètre. En effet, si au départ il n’est qu’une mise en page
adaptée du modèle originel de Plutchik, il a été l’élément le plus utilisé par les élèves
durant les tests et a constitué, selon leurs dires, un outil de meilleure compréhension –
à la fois intrapersonnelle et interpersonnelle – de chaque émotion.
Concernant le vocabulaire apporté, ce n’est pas tellement le stock de mots qui a évolué
pour les élèves, mais plutôt les définitions, la précision de ces mots qui sont maintenant
porteurs d’un sens commun. Je note toutefois qu’il serait intéressant d’améliorer le
lexique d’Emo-Wheel, de fournir plus de mots et d’y apporter des définitions en utilisant
un système de liens hypertextes. De cette façon, non seulement le mot aurait une
graduation de sa force, mais également une coloration particulière, qui pourrait être
disponible au moyen du code couleur déjà utilisé. C’est le cas notamment de la nostalgie
qui est actuellement classée comme une tristesse légère (bleu) alors qu’elle est en fait
une tristesse teintée d’une joie lointaine et ténue (jaune).
Il serait également intéressant de constituer autour d’Emo-Wheel une mallette
pédagogique contenant des supports émotionnels (photos, œuvres d’art, musiques,
jeux ou vidéos), la roue des émotions de l’Autrement dit (si possible), mais également
un livret d’activités en lien avec la théorie de l’intelligence émotionnelle de Daniel
43
Goleman, chaque fiche d’activité précisant quelles compétences sont visées ou
sollicitées. Une telle ressource pédagogique pourrait être, je pense, une véritable
richesse pour un enseignant, quel que soit le niveau des élèves.
Un regret que j’ai est que j’aurais aimé tester Emo-Wheel dans un rituel pédagogique
hebdomadaire – dans un « quoi de neuf » ou un conseil, ou lors d’un incident critique.
Pour des raisons pratiques (longueur réduite des stages, disponibilité des classes,
matériel absent au moment où se présentait un incident critique), ces tests n’ont
malheureusement pas été possibles. Certaines observations n’ont donc pas pu être
faites : Emo-Wheel fonctionne-t-il dans la résolution de conflit en communication non-
violente ? Fonctionne-t-il pour apaiser des tensions lors d’un incident critique ? J’ai
envie de croire au vu de mes diverses observations et expérience avec lui, qu’Emo-
Wheel serait efficace dans de telles situations ; cette hypothèse – partiale – reste
néanmoins à vérifier.
Enfin, l’utilisation de ce type d’outil pourrait être l’objet d’une étude sur le long terme,
durant une année scolaire entière par exemple, au moyen d’évaluations précises
initiales, intermédiaires et finales du niveau des élèves à la fois au niveau lexical, mais
aussi de chaque compétence d’intelligence émotionnelle.
Quelles que soient les observations faites dans le futur par rapport à cet outil, son plus
grand avantage est qu’il est numérique et donc modulable à souhait : ajouter des
définitions, des colorations émotionnelles, des émotions combinées, des vidéos ou des
musiques... sont des actions parfaitement envisageables.
En conclusion, je pense qu’Emo-Wheel est un bon outil pédagogique, qui gagnerait à
être encore amélioré et testé dans de nouvelles conditions.
44
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la-tele-de-a-z-va-vous-faire-rire-de-peur-video?id=7849278&emissionId=121
Surprise
Abiem.lv (2016) 7 GALVENĀS LIETAS, KAS UZBUDINA VISAS SIEVIETES; UN TĀS VARI
APGŪT ARĪ TU! [image en ligne] Repéré à https://abiem.lv/7-galvenas-lietas-kas-
uzbudina-visas-sievietes-un-tas-vari-apgut-ari-tu/33085
SOS Nancy (2014). 15 façons de nourrir l’estime de soi de nos enfants. [image en ligne]
Repéré à http://www.sosnancy.com/mots-clefs/amour/
Weknowyourdreams.com (s.d.). Photo Gallery of Dream – Surprise. [image en ligne]
Repéré à http://weknowyourdreams.com/surprise.html
Tristesse
Bagoe, F. (2014). « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » [Image en ligne] Repéré
à http://www.ds2c.fr/blog/la-melancolie-c-est-le-bonheur-d-etre-triste.html
Jacquotte33 (s.d.). Tristesse. [image en ligne] Repéré à
http://www.fotocommunity.fr/photo/tristesse-jacquotte33/22789628
Thukral, R. (2016). Are some people « happy » about being sad? [image en ligne] Repéré
à https://www.quora.com/Are-some-people-happy-about-being-sad
48
Dégout
Anhoury, G. (2015). La Nuit du Vivant #15 – L’émotion du dégoût. [image en ligne]
Repéré à http://www.universcience.tv/video-la-nuit-du-vivant-15-l-emotion-du-
degout-6735.html
Je suis né avec un rire de merde. (2016). (s.d). [image en ligne] Repéré à
http://lelombrik.net/85520
O’zen photos (2017). Comment te sens-tu aujourd’hui? [image en ligne] Repéré à
http://www.o-zen-photo.co/sentiments
Colère
Feelgood. G. (2016). D’où vient la colère? [image en ligne] Repéré à
https://mrbienetre.fr/dou-vient-colere-a-quoi-sert-elle/
Mutsuddi, R. (s.d.). 6 Ways to help your impatient child calm down. [image en ligne]
Repéré à https://zenparent.in/parenting/6-ways-to-help-your-impatient-child-
calm-down?language=Hindi
RedDenimBellBottoms. (2016). There's no reason for me to spend this much time
searching for pictures of clever people's comments and naked women! [image en
ligne] Repéré à https://imgur.com/gallery/C4SpT
4. Supports liés aux pistes méthodologiques testées
Activité « photos » (1C)
Goldstein, P. (2015). L’ours polaire, roi de la banquise. [image en ligne] Repéré à
https://www.ladepeche.fr/diaporama/le-monde-de-l-ours-polaire/1747517-sipa-
rex40357973-000029.html
Activité « œuvres d’art » (3TQ)
Schiele, E. (1912). La colère gronde. Vienne : Leopold Museum.
Friedrich, C. (1818). Le promeneur. Hambourg : Kunsthalle.
Picasso, P. (1937). Guernica. Madrid : Musée Reine Sofia.
Munch, E. (1893). Le cri. Oslo : Nasjonalgalleriet.
Courbet, G. (1849). Le Désespéré (autoportrait). Collection privée.
49
Vermeer, J. (1665). Jeune fille à la perle. La Haye : Mauritshuis.
Activité « vidéos » (4P)
Boyle, D. (réalisateur). (1996). Trainspotting [film cinématographique].[s.l] : Channel
four films
Gobelins (2017, 14 septembre). MEMO – Animation Short Film 2017 – Gobelins. [Vidéo
en ligne] Repéré à https://www.youtube.com/watch?v=CyGGpsbN55A
Odzierejko, N. (2018, 26 février). La Love army en action [vidéo en ligne] Repéré à
https://www.youtube.com/watch?v=HlI1YmjnyWE
Rose Carpet (2015, 5 novembre). On (nous) lit nos méchants commentaires – Rose
Carpet contre le cyber-harcèlement. [vidéo en ligne] Repéré à
https://www.youtube.com/watch?v=_9G-TY5rAq0
Tresanini, J. (2015, 4 aout). Comme une grande. [vidéo en ligne] Repéré à
https://www.youtube.com/watch?v=d7yUtnylfl4
Tresanini, J. (2017, 27 octobre). Polaroïd [vidéo en ligne] Repéré à
https://www.youtube.com/watch?v=3vbPD_UFN0M
50
Annexes
Annexe 1 : Emo-Wheel, version « papier »
51
52
53
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56
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Annexe 2 : Œuvres d’art nécessaires à l’activité réalisée en 3eTQ
Friedrich, C. (1818). Le promeneur. Hambourg : Kunsthalle.
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Munch, E. (1893). Le cri. Oslo : Nasjonalgalleriet.
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Vermeer, J. (1665). Jeune fille à la perle. La Haye : Mauritshuis.
63
Annexe 3 : Fiche vierge individuelle nécessaire à l’activité réalisée en 3eTQ
1. Explique ce qui semble se passer sur ton tableau : quelle histoire raconte-t-il ?
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2. Que ressens-tu en regardant ton tableau ?
A. De quelle émotion as-tu envie de parler ?
Joie – Peur – Surprise – Tristesse – Dégout – Colère
B. À quel point cette émotion est-elle présente ? (Utilise le thermomètre pour répondre.) .......................................................
C. Exprime-toi sur ton émotion en utilisant les mots à ta disposition.
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D. Est-ce que le(s) personnage(s) sur le tableau ressent(ent) la même émotion que toi ? Oui – Non
E. Si ce n’est pas le cas, explique ce qu’il ressent, selon toi.
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Annexe 4 : Fiche vierge collective nécessaire à l’activité réalisée en 3eTQ
Consigne écrite pour la présentation orale de votre œuvre.
Auteur de l’œuvre : .............................................................................
1. Racontez-nous l’histoire de votre tableau. Mettez-vous d’accord sur ce qu’il raconte en vous appuyant sur des éléments visuels, mais aussi en émettant des suppositions, des hypothèses. Écrivez-la en quelques lignes ci-dessous.
Ex : Que ressent votre/vos personnage(s) ? Comment sont-ils arrivés là ? Que s’est-il passé avant ? Que va-t-il se passer ? Pourquoi ressentent-ils ce qu’ils ressentent ?
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2. Dites-nous quelles émotions ont été ressenties dans le groupe et pourquoi. Ces émotions étaient-elles très différentes ? Étaient-elles toutes les mêmes ? Qu’est-ce qui a donné cette/ces émotion/s au groupe ?
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Mettez-vous d’accord pour partager oralement la parole lors de la présentation.
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Annexe 5 : Fiche vierge individuelle nécessaire à l’activité réalisée en 4eP
Titre de la vidéo :
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Émotion(s) ressentie(s) :
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Des mots pour le dire :
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Ce que ça évoque en moi (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) :
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Annexe 6 : Extraits choisis des fiches complétées en 3eTQ
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Annexe 7 : Extraits choisis des fiches complétées en 4eP
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Annexe 8 : Synthèse des discussions autour de chaque vidéo en 4eP
Titre de la vidéo : Polaroïd
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- de la peur (crainte, effrayé), - de la surprise (inattendu, stupeur), - de la joie
Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
Certains avaient envie de fuir ou de casser l’appareil photo et avaient vraiment très peur. Ça fait peur parce que c’est anormal, bizarre, que ça évoque la mort.
Mais d’autres trouveraient ça marrant que ça leur arrive, même si ça fait un peu « flipper ». Il y a pour certains une forme de « fascination » pour les films d’horreur, on peut même rire des réactions des personnages.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) : des films d’horreur, comme Vendredi 13, puisqu’on voit les morts
Titre de la vidéo : On (nous) lit nos méchants commentaires
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- de la tristesse (abattement, chagrin) - de la colère - du dégout (répugnance) Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
Plusieurs élèves sont en colère car il est incompréhensible que des gens soient méchants comme ça, juste pour le plaisir. C’est sans doute parce que c’est sur Internet et que le face à face est impossible.
Lorsqu’on est triste, c’est surtout par empathie pour les personnes insultées : on a du chagrin pour elles.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) :
Certains ont vécu ce genre de situation et la vidéo faisait resurgir des souvenirs douloureux.
D’autres ont aussi pensé à d’autres vidéos sur le même thème qu’ils avaient déjà vues.
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Titre de la vidéo : La Love Army en action
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- de la tristesse (chagrin et peine) - de la joie - de la surprise (consternation) - (du « soulagement » → « émotion qui suit la peur ») Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
En regardant la vidéo, les élèves se sont « sentis sourire » au fur et à mesure. C’était une situation révoltante mais c’est génial de voir comment les gens s’en sortent, se serrent les coudes. On a beaucoup de peine pour ces gens mais on est contents de les voir rire malgré tout.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) :
Angelina Jolie et son investissement dans des actions humanitaires.
L’Action Iles de Paix auxquels certains ont participé l’an dernier.
Titre de la vidéo : Une envie pressante (> Trainspotting)
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- du dégout (répulsion)
Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
La classe est unanime : c’est « dégueu ». Certains évoquent l’envie de vomir, la nausée, au point de ne jamais vouloir voir le film en entier.
Durant la vidéo, plusieurs élèves font des grimaces, ont une position de recul. Mais à un moment donné, quand le personnage se retrouve à nager, certains élèves rient : c’est tellement « dégueu » qu’au final c’est drôle.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) :
Un élève évoque un épisode de la série Family guy, d’autres se souviennent de moments où ils étaient malades (vomissements).
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Titre de la vidéo : Comme une grande
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- de la peur - de la surprise - de la joie Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
Une voix de petite fille dans un corps de femme, ça fait peur (c’est creepy), mais c’est aussi étonnant. C’est bizarre, anormal.
D’autres élèves sont consternés par l’attitude de cette femme qui se comporte comme une petite fille : elle est ridicule. On peut même éprouvé du mépris (> dégout) à son égard.
Mais pour d’autre, c’est plutôt une vidéo qui évoque la joie à cause des souvenirs d’enfance.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) : les souvenirs d’enfance, les souvenirs des petits frères-sœurs.
Titre de la vidéo : Memo
Émotion(s) ressentie(s) par la classe :
- de la tristesse (peine) - de la joie (gaieté)
Mots utilisés par les élèves pour décrire ces émotions :
Plusieurs élèves ont eu de la peine pour le monsieur, meurtri par sa maladie. Ils ont souffert avec lui.
C’est au moment où il se perd, où tout devient tout blanc autour de lui qu’on est le plus triste. Mais quand sa fille arrive et que la couleur réapparait, on ressent de la joie, on sait qu’il va se retrouver.
Ce que ça évoque pour la classe (événements, situations, musiques, œuvres d’art ...) :
Certains élèves ont des (arrières-)grands-parents qui souffrent ou ont souffert de la maladie d’Alzheimer et cette vidéo leur rappelait cela. Les élèves concernés éprouvent de la peine pour ces personnes, ils ont de l’empathie pour elles.