Empowerment et santé mentale

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413Mai-Juin 2011

numro

Enqute : les jeunes Polynsiens et les addictions

Lducation la sant dans la formation des enseignants

La revue de la prvention et de lducation pour la santnumro

412Mars-Avril 2011

Tous les deux mois lactualit lexpertise les pratiques les mthodes dintervention dans les domaines de la prvention et de lducation pour la sant

est dite par : LInstitut national de prvention et dducation pour la sant (Inpes) 42, boulevard de la Libration 93203 Saint-Denis Cedex Tl. : 01 49 33 22 22 Fax : 01 49 33 23 90 http://www.inpes.sante.fr Directrice de la publication : Thanh Le Luong RDACTION Rdacteur en chef : Yves Gry Secrtaire de rdaction : Marie-Frdrique Cormand Assistante de rdaction : Danielle Belpaume RESPONSABLES DES RUBRIQUES : Qualit de vie : Christine Ferron La sant lcole : Sandrine Broussouloux et Nathalie Houzelle Dbats : ric Le Grand Aide laction : Florence Rostan tudes/Enqutes : Franois Beck < [email protected]> International : Jennifer Davies ducation du patient : Isabelle Vincent Cinsant : Michel Cond et Alain Douiller Lectures Outils : Centre de documentation COMIT DE RDACTION : lodie Ana (Inpes), Jean-Christophe Azorin (pidaure, CRLC, Centre de ressources prvention sant), Dr Zinna Bessa (direction gnrale de la Sant), Mohammed Boussouar (Codes de la Loire), Dr Michel Dpinoy (InVS), Alain Douiller (Codes de Vaucluse), Annick Fayard (Inpes), Christine Ferron (Cres de Bretagne), Laurence Fond-Harmant (CRP-Sant, Luxembourg), Jacques Fortin (professeur), Christel Fouache (Codes de la Mayenne), Philippe Guilbert (Inpes), Zo Hritage (Rseau franais des villes-sant de lOMS), Jolle Kivits (SFSP), Laurence Kotobi (MCU-Universit Bordeaux-2), ric Le Grand (conseiller), Claire Mheust (Inpes), Colette Menard (Inpes), Flicia Narboni (ministre de lducation nationale), Jean-Marc Piton (Inpes), Dr Stphane Tessier (Regards). Fondateur : Pr Pierre Delore FABRICATION Ralisation : ditions de lAnalogie Impression : Groupe Morault ADMINISTRATION Dpartement logistique (Gestion des abonnements) : Manuela Teixeira (01 49 33 23 52) Commission paritaire : 0711B06495 N ISSN : 0151 1998 Dpt lgal : 2e trimestre 2011 Tirage : 5 000 exemplaires Les titres, intertitres et chap sont de la responsabilit de la rdaction

Une revue de rfrence et un outil documentaire pour : les professionnels de la sant,du social et de lducationMarketing social : utile pour la sant publique ? Alcool : une campagne de prvention Lintrt de distribuer des fruits et lgumes

les relais dinformation les dcideurs09/05/11 12:14

SH412.indd 1

Rdige par des professionnels experts et praticiens acteurs de terrain responsables dassociations et de rseaux journalistes

52 pages danalyses et de tmoignages

La Sant de lhommeintgralement accessible sur InternetRetrouvez La Sant de lhomme sur InternetDepuis janvier 2010, tous les numros publis sont intgralement accessibles sur le site internet de lInpes : www.inpes.sante.fr Vous y trouverez galement : La revue : prsentation et contacts Les sommaires des numros parus et index depuis 1999 Les articles en ligne : depuis 2003, 3 10 articles par numro Et prochainement, lintgralit des articles publis depuis 2000.

noter : si vous souhaitez effectuer une recherche sur un thme prcis, utilisez le moteur de recherche du site de lInpes qui permet de trouver instantanment tous les articles de La Sant de lhomme ainsi que dautres documents de lInpes traitant cette thmatique.

Institut national de prvention et dducation pour la sant 42, bd de la Libration 93203 Saint-Denis Cedex France

numro

sommaire ENQUTELes jeunes Polynsiens consomment plus de substances addictives quil y a dix ansFranois Beck, Marie-Franoise Brugiroux, Nicole Cerf, Romain Guignard, Jean-Baptiste Richard, Laurence Renou, Stanislas Spilka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

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Le groupe dentraide mutuelle : un lieu dchanges de pratiques et de penses Entretien avec Marie-France Casellas-Mnire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Programme transfrontalier de promotion de la sant mentale : des actions-pilotes dempowermentLaurence Fond-Harmant, Stphane Voinson . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

La Bibliothque vivante : un outil de lutte contre la stigmatisation en sant mentaleCline Loubires, Aude Caria . . . . . . . . . 23

Pour en savoir plusOlivier Delmer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Dossier

Empowerment et sant mentaleIntroductionAnnick Fayard, Aude Caria, Cline Loubires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Bibliothque vivante en Lorraine : des personnes concernes par des troubles psychiques tmoignent de leur vcuMarie-Claude Barroche, Aude Angster, Alexandre Henry, Amandine Lab, Pauline Simon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

LA SANT LCOLEPlace et rle de lducation la sant dans la formation des enseignantsDominique Berger, Crane Rogers, Carine Simar, Nathalie Houzelle, Sandrine Broussouloux . . . . . . . . . . . . . 45

Emilia : un programme dempowerment en sant mentaleEmmanuelle Jouet, Sbastien Favriel, Tim Greacen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

LECTURESCline Deroche, Sandra Kerzanet, Laetitia Haroutunian . . . . . . . . . . . . . . 48

Dfinitions et conceptsLempowerment en sant mentale : recommandations, dfinitions, indicateurs et exemples de bonnes pratiquesNicolas Daumerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Ateliers dentraide Prospect-famille/ Unafam : lempowerment des aidants, par les aidants Marie-Franoise Debourdeau. . . . . . . . . . 29

Centre collaborateur de lOMS de Lille : un interlocuteur pour les professionnels et les usagers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Empowerment et sant mentale : le contexte et la situation en FranceEmmanuelle Jouet, Luigi Flora . . . . . . . . 12

Intgrer danciens usagers aux quipes soignantes en sant mentale : une exprience piloteStphanie Dupont, Patrick Le Cardinal, Massimo Marsili, Guillaume Franois, Aude Caria, Jean-Luc Roelandt . . . . . . . . 32

Le conseil local de sant mentale : nouvel outil au service de lempowerment des usagers ?Pauline Rhenter . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Lvolution de la psychiatrie en France : novatrice, mais contraste et inacheveMagali Coldefy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Vues dailleursQubec : les associations de dfense des droits veulent un plan sant mentale centr sur lmancipation des usagersDoris Provencher. . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Aperu des pratiquesLa Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne : un dispositif dinformation et dentraide en sant mentaleAude Caria, Cline Loubires . . . . . . . . . 18

Illustrations : Clotilde Martin-Lemerle

Destigmatiser les maladies mentales : une exprience dans les lyces en SuisseAnne Leroy, Laurence Pralong, Catherine Reymond Wolfer . . . . . . . . . . 38

Crer du lien social Entretien avec Patrick Boulein . . . . . . . . 20

enqute

Les jeunes Polynsiens consomment plus de substances addictives quil y a dix ansUne enqute publie rcemment par lInpes montre que la consommation de substances addictives alcool, tabac, cannabis et autres drogues est la hausse chez les jeunes en Polynsie franaise. En dressant un tat des lieux des pratiques addictives de la jeunesse polynsienne, cette tude permet didentifier des liens entre la consommation de substances psychoactives et le manque de confiance en soi et/ou la difficult grer le stress. Elle conclut la ncessit pour les professionnels de la sant et de lducation de mettre en place, dans le cadre de leurs actions de prvention, un programme de dveloppement des comptences personnelles et sociales ddi aux jeunes.

Sous la direction de

Franois Beck Marie-Franoise Brugiroux Nicole Cerf

Les conduites addictives des adolescents polynsiensEnqute Ecaap 2009

s.san www.inpe

te.fr

ditions

polynsiens (Ecaap). Mene en milieu scolaire, celle-ci permet de dresser un bilan pidmiologique et sociologique de la situation. Elle value la prvalence de la consommation des substances psychoactives (licites et illicites) et les ges de dbut de consommation, et permet galement de mesurer lvolution de ces indicateurs depuis la prcdente enqute mene en 1999 (1) et de les comparer avec la situation observe en France mtropolitaine chez les 15-16 ans1. Par ailleurs, lenqute identifie certaines caractristiques lies aux pratiques addictives et value les connaissances et les perceptions que les jeunes ont des diffrentes substances psychoactives et de leurs propres habitudes de consommation ; elle permet aussi de tirer des conclusions en termes dactions de prvention entreprendre. Lenqute Ecaap, ralise auprs de 4 100 lves reprsentatifs de la population scolarise dans le second degr (des classes de 6e la terminale) sur les cinq archipels de la Polynsie franaise, a t coordonne par la direction de la Sant avec laide des infirmiers scolaires, et sest droule davril juin 2009. Elle a fait lobjet dune publication par lInpes (2). Nous en prsentons cidessous les principaux rsultats.

Boissons alcoolises : des usages risque frquentsLa consommation rgulire dalcool (au moins dix fois au cours des trente derniers jours) concerne 7 % des jeunes Polynsiens. Elle est quasi-inexistante avant lge de 13 ans, mais lenqute rvle que 4 % des 13-14 ans, 7 % des 15-16 ans et plus dun jeune sur dix parmi les 17-18 ans sont des buveurs rguliers. Lexprimentation de livresse augmente galement avec lge : elle concerne 8 % des 10-12 ans, pour atteindre plus des trois quarts des jeunes au-del de 19 ans. Par rapport 1999, le taux dexprimentation dalcool et de livresse savre plus lev, quelle que soit la classe dge, avec en particulier une hausse assez nette de lexprimentation de boissons alcoolises parmi les plus jeunes (en particulier chez les 10-11 ans). Au total, 44 % des lves dclarent ainsi avoir dj t ivres en 2009 contre 32 % en 1999. Les prfrences des jeunes Polynsiens en matire de boissons alcoolises se portent sur les alcools forts, la bire et les cocktails (y compris les punchs), chacune de ces boissons ayant t consomme par presque

La consommation de substances psychoactives par les jeunes est en progression, elle est devenue lune des proccupations majeures de sant publique en Polynsie franaise. Pour comprendre et endiguer ce phnomne, le ministre et la direction de la Sant polynsiens et lInpes ont labor, dans le cadre dune convention de partenariat, lEnqute sur les conduites addictives des adolescents

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enqute

quatre adolescents sur dix au cours du dernier mois. La comparaison avec la mtropole tend montrer pour la jeunesse polynsienne une consommation plutt moins frquente mais davantage excessive et avec une distinction peu importante entre les sexes. Par ailleurs, selon ltude, lexprimentation de livresse apparat plutt plus frquente en Polynsie, essentiellement parmi les filles (57 % contre 45 % en mtropole). Il en va de mme pour les pisodes dalcoolisation importante (consommation importante sur une courte dure) : 47 % en Polynsie contre 34 % en mtropole pour les filles. Globalement, lusage rgulier dalcool apparat li lintensit dpressive ainsi qu labsentisme et une scolarit marque par des difficults.

15-16 ans contre 15 % en Polynsie. Quant lusage occasionnel (moins dune cigarette par jour), il concerne 6 % des garons et 11 % des filles. Comme pour lalcool, le niveau de tabagisme apparat en hausse par rapport 1999. Comme cela a pu tre observ en France, la prsence dun tat dpressif ainsi que de mauvais rsultats scolaires semblent galement trs lis lexprimentation de tabac. Lusage quotidien, tudi partir de 15 ans, apparat toujours fortement li au sexe et labsentisme, et savre plus lev dans la filire technologique que gnrale. Compars au tabagisme des territoires amricains du Pacifique, lexprimentation et lusage rcent de tabac se situent un niveau intermdiaire en Polynsie, mais la trs forte diffrenciation de consommation selon le sexe, mise en vidence par lenqute, ne sobserve pas ailleurs.

tiers des garons (33 %) et un peu plus dun quart des filles (26 %). Il existe un cart significatif entre garons et filles pour lensemble des indicateurs de consommation observs : usage actuel (22,5 % des garons et 18 % des filles), usage rcent (respectivement 16 % et 10 %), usage rgulier (6 % et 2 %). Par ailleurs, selon le Cannabis abuse screening test (CAST), chelle de reprage et de catgorisation de lusage de cannabis, 13 % des garons et 9 % des filles prsenteraient un usage risque de paka, tandis que respectivement 4 % et 2 % seraient dj dans un usage problmatique de ce produit. Globalement, la consommation de cannabis apparat en hausse par rapport 1999, puisque lexprimentation de paka est passe de 24 % 29 % en dix ans. 15-16 ans, un tiers des adolescents polynsiens (34 %) dclare avoir dj fum du paka et pour un quart dentre eux au cours de lanne coule (26 %). Ces niveaux apparaissent lgrement suprieurs ceux observs en France mtropolitaine (respectivement 31 % et 24 %), tout comme lusage problmatique (3,6 % versus 2,8 %). Compare aux territoires amricains du Pacifique, la Polynsie franaise se situe un niveau proche de celui de lle de Guam, infrieur celui des les de Palau et des Mariannes du nord o le cannabis savre trs diffus mais nettement au-dessus de la Rpublique des les Marshall et des Samoa occidentales, qui apparaissent trs peu concernes. Comme cela est galement observ en France mtropolitaine, lusage occasionnel du paka se rvle particulirement li aux opportunits de contact avec ce produit. En revanche, le basculement vers un usage problmatique apparat plus li la condition sociale.

Un tabagisme trs prsent, en particulier chez les fillesEn 2009, lusage quotidien de tabac concerne 14 % des jeunes Polynsiens (18 % chez les filles, 10 % chez les garons), les filles sont donc une cible privilgier en matire de prvention primaire. Ce niveau de tabagisme des jeunes est lgrement infrieur la mtropole o il atteint 17 %

Le cannabis (paka) dans le quotidien des jeunesAu total, lexprimentation de paka (abrviation de pakalolo , appellation locale du cannabis) concerne 29 % des jeunes Polynsiens, soit un

Les autres drogues rarement exprimentesLexprimentation en Polynsie franaise des drogues illicites autres que le cannabis ou paka est peu frquente. Mis part le kava (racine dun poivrier sauvage) consomm sous forme de boisson par 3 % des jeunes Polynsiens, aucun autre produit na t essay par plus de 2 % dentre eux. Les plus expriments sont ensuite les produits inhaler type colles ou solvants (1,9 %), les amphtamines (1,7 %) et la cocane (1,6 %). La consommation dautres drogues illicites est encore plus rare et concerne moins de 1 % des jeunes Polynsiens. la diffrence de ce qui est observ en France mtropolitaine, les carts entre garons et filles apparaissent souvent inexistants. La seule exception est le kava, substance dont lexprimentation semble tre une pratique particulirement masculine. Lorsquelle a lieu, la rencontre avec ces drogues se fait majoritairement aprs 16 ans. Elles apparaissent nettement moins exprimentes en Polynsie franaise quen France ou dans les territoires amricains du Pacifique. Leur exprimentation est associe labsentisme scolaire et au niveau de dpression, et concerne de manire plus importante les jeunes habitant dans les zones urbaines des Iles du Vent. La consommation de kava semble quant elle trs peu lie lenvironnement social et aux facteurs scolaires, la diffrence des autres produits. Quel que soit le produit illicite consomm (autre que le paka), la grande majorit des lves dclare soit quil lui serait impossible de sen procurer, soit ne pas le connatre. Laccs ces drogues ne concerne quune faible proportion de lchantillon, au maximum 11 % dentre eux pour ce qui concerne le produit peru comme le plus accessible, savoir les produits inhaler type colles ou solvants. Les moins accessibles sont le LSD et lecstasy, peine 2 % des lves disent quil leur serait facile de sen procurer. Laccessibilit aux drogues illicites autres que le paka apparat de fait beaucoup plus faible quen France mtropolitaine.

Des consommations de substances la hausseLes rsultats de lenqute Ecaap rejoignent pour beaucoup les constats des professionnels de terrain ctoyant les adolescents polynsiens. Ils montrent que lusage de produits psychotropes a augment en dix ans. Cette volution est marque par une hausse

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enqute COMMUNIQU plus forte chez les filles, en particulier pour la consommation dalcool. Une certaine baisse de lge dentre dans les consommations 2 fait galement cho aux observations de terrain, laissant supposer une banalisation de ces pratiques malgr une bonne connaissance des risques encourus. Ce point est important car la prcocit du premier usage dun produit est un facteur favorisant la poursuite de la consommation et linstallation dun usage problmatique. Face la constatation de laugmentation de la consommation de tabac, dalcool et de paka par les adolescentes polynsiennes en dix ans, il apparat que le niveau de connaissances sur les risques ne fait pas dfaut et que les messages de prvention vhiculs depuis plusieurs annes ont t entendus. Mais ils se heurtent, dans cette socit aux pratiques bien ancres de consommation associe la fte, la disponibilit des produits et au fait que lalcool et le cannabis apparaissent souvent comme le seul moyen de supporter les difficults de la vie. Il est important, avant de se lancer dans des actions ciblant les filles, de mieux comprendre ce qui les pousse vouloir consommer comme les garons : place dans la socit mal dfinie, moyen de simposer ou de se faire respecter, stress plus important ? Ces pistes restent creuser. sens ont dailleurs t inscrites dans le programme de lutte contre lalcool et la toxicomanie 2009-2013.Franois BeckChef du dpartement Enqutes et analyses statistiques, Inpes,

Marie-Franoise BrugirouxResponsable du Centre de consultations spcialises en alcoologie et toxicomanie (CCSAT), Papeete,

Nicole CerfResponsable du dpartement des Programmes de prvention (DPP), direction de la Sant de la Polynsie franaise, responsable de lObservatoire polynsien de la sant,

ctronique Une lettre le our tout mensuelle p actualit savoir sur l tion de la prven tion et de lduca pour la sant

Romain Guignard et Jean-Baptiste RichardChargs dtude et de recherche, statisticiens, direction des Affaires scientifiques, Inpes,

Laurence RenouCharge dtude la direction de la Sant du ministre de la Sant de la Polynsie franaise,

Stanislas SpilkaCharg dtude et de recherche, statisticien, Observatoire franais des drogues et des toxicomanies (OFDT).

Un programme de dveloppement des comptences personnelles et socialesDans le cadre du programme polynsien de lutte contre lalcool et la toxicomanie de 20093, plusieurs pistes peuvent tre prconises afin dendiguer la hausse de la consommation. Face aux demandes des lves en matire dinformation sur lamlioration de la confiance en soi ou sur la gestion du stress, nos rsultats confirment la ncessit de mettre en place le programme bas sur le dveloppement des comptences personnelles et sociales pour une prvention plus large des dviances. Apprendre grer ses motions et ses frustrations ds la petite enfance constitue en effet un moyen efficace daider les jeunes ne pas basculer dans un usage risque dans un pays o la honte de parler de soi et de ce que lon ressent est parfois trs forte. Des actions allant dans ce

1. Tranche dge laquelle les jeunes mtropolitains ont t interrogs dans lenqute European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (Espad 2007) mise en uvre par lOFDT et lInserm. 2. Se reporter lenqute publie par lInpes pour en connatre les dtails. 3. www.tetiaara.com/IMG/pdf/2009-programme_ lutte_contre_l_alcool.pdf

Rfrences bibliographiques(1) Brugiroux M.-F. Les jeunes et la drogue : enqute CAP chez les jeunes scolariss de 10 20 ans en Polynsie franaise. Papeete : ministre de la Sant, direction de la Sant, mars 2000 : 63 p. (2) Beck F., Brugiroux M.-F., Cerf N. dir. Les conduites addictives des adolescents polynsiens. Enqute Ecaap 2009. Saint-Denis : Inpes, coll. tudes sant, 2010 : 200 p.

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Empowerment et sant mentaleCe dossier sintresse lempowerment en sant mentale, notion rcente apparue il y a quelques dcennies. On reconnat aujourdhui dans cette dmarche volontaire dappropriation du pouvoir sur sa vie, un principe fondamental pour la promotion de la sant en gnral, et pour les personnes utilisatrices de services en sant mentale en particulier. En effet, si le patient nest pas considr dabord comme une personne, si sa libert et sa dignit ne sont pas respectes, si son opinion nest ni entendue ni prise en compte sous prtexte quil est fou et ne peut donc avoir aucun avis pertinent sur sa propre existence, alors il est impossible et illusoire denvisager une dmarche de promotion de la sant ou un projet de vie. Les articles aborderont donc plus spcifiquement laccroissement de la capacit dagir de la personne concerne par un trouble psychique ou un problme de sant mentale, par le dveloppement de son autonomie, la prise en compte de son avenir et sa participation aux dcisions le concernant. le champ de la sant mentale se caractrise encore par une faible culture de promotion de la sant ; le savoir profane ou exprientiel des patients et des proches est encore insuffisamment reconnu et valoris ; la perspective prescriptive en se fondant sur une conception unilatrale de lexpertise, celle du professionnel de sant, continue crer un rapport ingalitaire entre le patient et celui qui dtient le savoir ; la prdominance dinterventions visant lacquisition dhabilets individuelles nencourage pas le renforcement pourtant ncessaire des capacits dactions collectives. En outre, trop peu de politiques publiques sont labores et mises en uvre dans cette optique de promotion de la sant mentale.

Illustrations : Clotilde Martin-Lemerle

Des programmes prometteursToutefois, en dpit de ces constats, de nombreuses avances ont t ralises : dsormais lempowerment est dbattu, mis en uvre dans des programmes prometteurs, et ses rsultats sont valus. Au-del des grandes recommandations de principes, il est donc parfaitement possible de dvelopper concrtement lempowerment des personnes atteintes de troubles psychiques. Certes, dans les textes, la loi de 2002 sefforce de mieux encadrer la relation mdicale tablie entre le patient et le professionnel de sant mais, dans les faits, ce sont surtout les associations dusagers et de familles, ainsi que des groupes dentraide mutuelle qui uvrent dans le sens de laccroissement de la capacit agir. Et lorsque les initiatives naissent dune concertation entre professionnels et patients, elles jouent un rle majeur daiguillon et dinnovation dans ce domaine. Mais la tche reste difficile et complexe, car lempowerment, pour tre mis en uvre, exige une rvolution des cultures, des pratiques et des reprsentations que lon se fait de la sant

tat des connaissancesCe dossier est aussi loccasion de dresser un tat des connaissances actuelles sur lempowerment, ses fondements et ses mcanismes, notamment travers une synthse de nombreux travaux scientifiques internationaux sur le sujet. Il offre une vue densemble de la notion : dfinitions, indicateurs, recommandations et bonnes pratiques. Ct actions innovantes, nous avons slectionn les programmes les plus en phase avec les recommandations internationales, tant du point de vue des objectifs que des moyens utiliss et des rsultats attendus. Ce dossier central na pas la prtention dtre exhaustif, il sagit ici de prsenter de manire factuelle les dmarches mises en uvre, sans occulter les difficults rencontres. En effet, ce jour, et en dpit des efforts pour prendre en compte la notion dempowerment, force est de constater que :

mentale. Il requiert notamment de la part du professionnel de reconnatre le patient comme un acteur et un partenaire part entire. Pour cela, des formations sont ncessaires, notamment pour apprendre accepter de prendre en compte sa juste valeur lexpertise dveloppe par les patients et leurs proches. cet gard, les programmes visant former des usagers des dispositifs de soins rtablis, experts dexprience, afin quils soient intgrs aux quipes comme mdiateurs de sant pairs , sont novateurs et pistes davenir.Annick Fayard, Aude Caria, Cline Loubires.

Dossier coordonn par Annick Fayard, charge dexpertise scientifique, direction de lAnimation des territoires et des rseaux, Inpes, Aude Caria, responsable de la Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne, Paris, et charge de mission au Centre collaborateur de lOrganisation mondiale de la sant (CCOMS), Lille, et Cline Loubires, coordinatrice de la Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

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Lempowerment en sant mentale : recommandations, dfinitions, indicateurs et exemples de bonnes pratiquesPsychologue, charg de mission au Centre collaborateur de lOMS pour la recherche et la formation en sant mentale, Nicolas Daumerie dfinit la notion dempowerment et prsente le programme commun de lOMS et de la Commission europenne pour lempowerment en sant mentale. Dans ce cadre, une centaine de bonnes pratiques a t recense en Europe. Toutes ont le mme fil conducteur quun expert britannique rsume ainsi : Nous ne pouvons pas tre mancips par autrui, nous ne pouvons nous manciper que par nous-mmes.

La perception et le rle des usagers des services de sant et de leurs familles ont radicalement volu au cours des dernires dcennies. Peu peu, lon est pass globalement et schmatiquement du patient passif ne sachant pas ce qui est bon pour lui, entirement dpendant du savoir et des dcisions du professionnel de sant, l usager 1 actif de plus en plus impliqu dans ses soins, sa gurison et son rtablissement. Cette volution, lente mais profonde, se joue dans tous les domaines de la sant, dont celui

de la sant mentale, et ce, de plus en plus clairement depuis quelques annes. Elle concerne des individus mais est particulirement luvre au sein des associations militant pour la dfense des droits et le dveloppement de politiques, de lois et de services de qualit adapts aux besoins des usagers.

tion des usagers, individuellement et collectivement, tous les niveaux de lorganisation des soins2. Larticle 4 de la Dclaration dAlma-Ata (1) sur les soins de sant primaire3 stipule que tout tre humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement la planification et la mise en uvre des soins de sant qui lui sont destins. Au niveau europen, lempowerment (voir dfinition ci-aprs) des usagers et des aidants4 est lune des cinq priorits

Participation des usagersAu niveau international, de nombreux documents politiques soulignent limportance du rle et de la participa-

Tableau 1. Ensemble pour une volution des mentalits, des politiques, des formations et des soins en sant mentale. Changements en sant mentale de Institutionnels et hospitalo-centrs Paternalistes Soins Centrs sur la maladie Coercitifs Modle biomdical Contrle Professionnels Donneurs de soins Patient malade Usagers Objet de soin vers Communautaires Approche horizontale, partenariat quitable Centrs sur la personne, ses ressources et celles de son environnement Coopratifs Modle holistique bio-psycho-social Autonomie Promoteurs de sant : soutien des capacits personnelles et de la dtermination des usagers Citoyen usager de services Sujet acteur des soins tous les niveaux (planification, implmentation, contrle qualit, information, formation, recherche, etc.) Dfinies en termes de possibilit Partenaires des soins tous les niveaux

Familles

Dfinies en termes de dficit Mise lcart du membre de leur famille en soin

Daprs C. Huitink, reprsentant de la Dutch Mental Health Association (Pays-Bas), EC WHO Empowerment meeting, octobre 2010, Louvain (Belgique).

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dfinies dans le plan daction dHelsinki pour la sant mentale en Europe, sign en 2005 par les ministres de la Sant de cinquante-deux pays sous lgide de lOMS (2). De mme, lempowerment et la participation des usagers est un point central du Pacte europen pour la sant mentale (3).

Lempowerment en sant mentale, cest quoi ?Le programme de partenariat de la Commission europenne et de lOMS sur lempowerment en sant mentale, initi en 2009, repose en grande partie sur des associations dusagers et de familles, tant dans la composition de son comit de pilotage5 que dans ses rseaux6. Dans ce cadre, un consensus a t trouv entre tous les partenaires autour dune dfinition de lempowerment en sant mentale : Lempowerment fait rfrence au niveau de choix, de dcision, dinfluence et de contrle que les usagers des services de sant mentale peuvent exercer sur les vnements de leur vie. () La cl de lempowerment se trouve dans la transformation des rapports de force et des relations de pouvoir entre les individus, les groupes, les services et les gouvernements (4). Notons quaucune traduction franaise du mot empowerment ne russit rendre compte du sens exact de cette notion. Sil sagit bien du pouvoir dagir ou de la capacit dagir , voire de l autonomisation (dfinition retenue depuis 2003 par lOffice qubcois de la langue officielle), les francophones canadiens traduisent quant eux littralement le terme par en-capacitation , tandis que, sous un angle plus militant, de nombreux reprsentants dusagers en Europe et dans le monde ont choisi celui d mancipation (5). Lempowerment est bien un processus de transformation et non pas un tat. Il sapplique tout individu ou groupe victime dinjustice et doppression. Cest un concept englobant de nombreuses dimensions : linterdpendance, lcologie des relations, le respect et la dignit, linformation partage, la participation, le soutien mutuel, lautodtermination et lautogestion (6). Lempowerment dsigne donc la succession dtapes par lesquelles un individu ou une collectivit sapproprie le pouvoir et la capacit dexercer celui-ci de faon autonome. Les applications

pratiques peuvent tre nombreuses en sant mentale, le tableau 1 en illustre quelques-unes.

Programme europen pour lempowermentLe programme OMS-Commission europenne pour lempowerment en sant mentale vise soutenir les tats membres de la zone Europe de lOMS (cinquante-deux pays) dans la promotion dune socit dans laquelle les personnes souffrant de troubles de sant mentale ont la possibilit de dvelopper et dexprimer leurs potentiels au mme titre que tout autre citoyen. Ce programme se dveloppe en trois temps : lidentification dindicateurs et de facteurs de succs, et lvaluation des risques dchec dans les stratgies actuellement mises en uvre dempowerment des usagers de services de sant mentale et des aidants ; lidentification des bonnes pratiques existantes ; le soutien des gouvernements et des acteurs locaux dans la cration denvironnements favorisant limplication des usagers et la promotion de bonnes pratiques. Les dix-neuf indicateurs globaux dvelopps dans ce programme couvrent quatre champs : le respect des droits humains et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination ; la participation des usagers et des familles aux processus de dcision ; laccs des soins de qualit et limplication dans leur

valuation ; laccs aux informations et aux ressources. Ces indicateurs globaux nont pas encore t publis, ils doivent tre tests prochainement dans lensemble des pays concerns pour fournir un tat des lieux de la question lchelle nationale. Des indicateurs spcifiques ont galement t dvelopps pour tre tests au niveau local : quelques exemples sont prsents dans le tableau 2 (p. 10).

Identifier les bonnes pratiquesSur la base des indicateurs, une centaine de bonnes pratiques a t identifie dans la rgion Europe de lOMS. Elles sont autant dexemples de linfluence concrte des actions des associations dusagers, daidants et de leurs partenaires, que ce soit sur les politiques, les lois, les soins, ou la promotion de sant. En France, on repre, entre autres : la reprsentation des usagers et des familles dans le contrle qualit des services (Haute Autorit de sant), les maisons des usagers (lire larticle p. 18), les groupes dentraide mutuelle (lire les articles p. 20 22), la Semaine dinformation sur la sant mentale, les projets : Mdiateurs de sant-pairs (lire larticle p. 32), Un chez-soi dabord ( Housing first ) et les conseils locaux de sant mentale (lire larticle p. 34). Pour lEurope citons : pour la dfense des droits : le Mental Disability Advocacy Center7 bas en Hongrie et trs actif dans la plupart des pays dEurope de lEst ;

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pour la participation au processus de dcision : le National Service User Executiv8 en Irlande. Un comit national compos dusagers et dex-usagers participant toutes les dcisions politiques, lgislatives ou organisationnelles ; pour la formation dirige par les usagers : les programmes de formation9 : Emilia (lire larticle p. 26), In-sight et Working for recovery ; pour la formation et le soutien des familles : le programme Prospect (lire larticle p. 29) dvelopp par lEufami10 ; pour laccs aux informations aux ressources : la Mental Health Foundation11 base Londres au Royaume-Uni ; pour la recherche : le Service User Research Enterprise, Kings College, Londres, Royaume-Uni, dont je laisse la directrice, Diana Rose, les mots de conclusion : Nous ne pouvons pas tre mancips par autrui, nous ne pouvons nous manciper que par nous-mmes. Nicolas DaumeriePsychologue, charg de mission et des relations internationales, Centre collaborateur de lOMS pour la recherche et la formation en sant mentale, Lille.

Tableau 2. Indicateurs globaux et spcifiques dempowerment. Programme OMS - Commission europenne pour lempowerment en sant mentale. Champs dapplication Respect des droits humains et lutte contre la stigmatisation et la discrimination Indicateurs globaux les usagers des services de sant mentale ont le droit de vote. le pays prvoit une lgislation du travail qui interdit la discrimination lemploi sur la base du diagnostic ou de lhistoire de la maladie mentale. les usagers de services de sant mentale et leur famille sont impliqus dans le dveloppement de politiques et de lgislations concernant la sant mentale. les usagers de services de sant mentale ainsi que leur famille sont impliqus dans la conception, la planification, la gestion et limplmentation des services de sant mentale. Accs des soins de qualit et implication dans leur valuation les personnes avec un problme de sant mentale et leur famille ont accs des services de sant mentale convenables et adapts. les usagers dun service de sant mentale ainsi que leur famille sont impliqus dans le contrle et lvaluation des services de sant mentale. les personnes prsentant des problmes de sant mentale et leur famille sont impliques dans la formation de lquipe des services de sant mentale. Accs aux informations et aux ressources accs au dossier mdical et aux donnes mdicales. les personnes faisant lobjet de mesures judiciaires dues leurs problmes de sant mentale ont accs une assistance juridique abordable. des fonds publics sont disponibles et utilisables par les organisations nationales dusagers et de leur famille. il existe des informations et une ducation, accessibles et adaptes, concernant les services et les traitements.

Participation au processus de dcision

1. Personne ayant eu par le pass ou ayant actuellement recours des services de sant mentale (OMS, 2010). 2. Dclaration dAlma-Ata (1978), Charte dOttawa sur la promotion de la sant (1986), The Right to the Highest Attainable Standard of Health (UN, 2000), Recommandations pour la sant mentale (OMS, 2001), Charte de Bangkok sur la promotion de sant et la globalisation (2005), la convention relative aux droits des personnes handicapes (UN, 2006). 3. Les soins de sant primaire, tels que dfinis par lOMS en 1978 dans la dclaration dAlma-Ata, dsignent les soins de sant essentiels (curatifs, prventifs et promotionnels) accessibles tous par le biais dune participation active de la communaut, ainsi que laccs une offre de services de sant de qualit. 4. Familles, amis, proches. En anglais Carers . 5. http://www.euro.who.int/en/what-we-do/healthtopics/noncommunicable-diseases/mental-health/ activities/empowerment-of-service-users-and-carers/ partnership-project-on-empowerment/advisorygroup-members 6. Quelques exemples dassociations dusagers et de familles en Europe : BAPK (Allemagne), NSUN (Royaume-Uni), Clietbund (Hollande), Psytoyens, Uilenspiegel, etc. (Belgique), POSOPSY, EPAPSY, etc. (Grce), Club 13 (Lituanie), Fnix (Bosnie), Partnership for Equal Rights (Georgie), THRIVE, Starwards, HUG, VOX, etc. (RU), Hamdilon (Tadjikistan), Awakenings foundation (Hongrie), CEAM (Portugal), Caspian Mental Health Association (Azerbadjan), Kolumbus (Rpublique tchque), Fnapsy et Unafam (France), etc. 7. http://www.mdac.info 8. www.nsue.ie 9. www.entermentalhealth.net/EMILIA_2/Training/ home.php ; www.recoveryin-sight.com ; www.workingtorecovery.co.uk 10. www.eufami.org/ 11. www.mentalhealth.org.uk

Rfrences bibliographiques(1) Organisation mondiale de la sant. Dclaration dAlma-Ata. Rapport sur la confrence internationale sur les soins de sant primaires. Genve : OMS, 1978. En ligne : http://www.who.int/topics/primary_ health_care/alma_ata_declaration/fr/index. html (2) WHO. Mental health: facing the challenges, building solutions. Report from the WHO European Ministerial Conference. Copenhagen : WHO Regional Office for Europe, 2005 : 182 p. En ligne : http://www.euro.who.int/__data/ assets/pdf_file/0008/98918/E88538.pdf (3) Commission europenne. European Pact for Mental Health and Well-being. Brussels : European Commission, 2008 : 6 p. (4) Wallerstein N. Quelles sont les preuves de lefficacit de l empowerment dans lamlioration de la sant ? Health Evidence report. OMS, 2006. (5) Daumerie N., Caria A. Empowerment des usagers des services de sant mentale : le programme de partenariat de la Commission europenne et de lOrganisation mondiale de la sant. Pluriels, novembre-dcembre 2010, n 85-86 : p. 10-11. En ligne : http://www.mnasm.com/files/ uploads/Publications/RevuePluriels/revue-pluriels-490.pdf (6) WHO. User empowerment in mental health a statement. Copenhagen : WHO Regional Office for Europe, 2010 : 20 p. En ligne : http://www.euro.who.int/__data/ assets/pdf_file/0020/113834/E93430.pdf

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Centre collaborateur de lOMS de Lille : un interlocuteur pour les professionnels et les usagersLe Centre collaborateur franais de lOrganisation mondiale de la sant (CCOMS)1 pour la recherche et la formation en sant mentale de Lille rassemble un rseau dacteurs (hpitaux, centres de recherche, universits, associations, etc.), dactions et de programmes, en lien avec la politique de sant mentale de lOMS. Lune de ses valeurs cls est la pleine participation des citoyens usagers ou non au dveloppement de la qualit des services de sant mentale . Les partenaires du CCOMS sont multiples2. Son programme dactivits se dcline comme suit : Lutter contre la stigmatisation et la discrimination en sant mentale. Plusieurs actions sont dveloppes : rechercheaction Aspen pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination en sant mentale au niveau europen ; recherche-action Sant mentale en population gnrale : images et ralits (SMPG) ; campagne de sensibilisation nationale avec la Fdration nationale des associations dusagers en psychiatrie (Fnapsy), lUnion nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam) et lAssociation des maires de France (AMF) ; coordination nationale de la Semaine nationale dinformation sur la sant mentale (Sism). Dvelopper des services de sant mentale intgrs/communautaires. Les diffrentes fonctions attribues au CCOMS en font notamment : une plateforme pour des visites et des formations pour les professionnels, les politiques, les ONG ; un membre fondateur et coordinateur du Rseau international de collaboration en sant mentale Sant mentale et Citoyennet ; un coordinateur national du programme de dveloppement et de soutien des conseils locaux de sant mentale (CLSM) dans soixante-dix sites urbains franais. Le CCOMS a galement dvelopp les enqutes suivantes : Les hospitalisations doffice dans quatre rgions franaises , tats dangereux, atteintes contre les personnes, responsabilit pnale et sant mentale , IMTAP : impact du retentissement de la tentative de suicide sur les proches du suicidant et ALGOS : efficacit dune veille aprs une tentative de suicide afin de prvenir la rcidive, Place de la sant mentale en mdecine gn-

rale coordonne conjointement avec le centre hospitalier de La Chartreuse (Dijon) et ralise sur 200 sites franais. Il est aussi linitiative de Chane de vie , un rseau de prvention du suicide Tourcoing (Nord). Favoriser et soutenir la participation des associations dusagers, des familles et des aidants dans la rforme des services de sant mentale. Le CCOMS a pour mission de soutenir la participation des associations dusagers, des familles et des aidants dans la rforme des services de sant mentale au niveau europen, en partenariat avec lOMS Europe. Plusieurs projets sont en cours : participation au projet conjoint de la Commission europenne et de lOMS sur lempowerment des usagers et des aidants (2008-2011) ; dveloppement du programme national Mdiateurs de sant-pairs , en partenariat avec la Fnapsy ; soutien au niveau national de la participation des usagers, familles et reprsentants politiques pour la prvention, la promotion de la sant mentale, lorganisation et le contrle de qualit des services de sant mentale. Par ailleurs, le CCOMS a scell un partenariat avec des groupes dentraide mutuelle (Gem). Enfin, les deux autres activits principales du centre sont la contribution la production de documents OMS en version franaise et la promotion des missions de lOMS en France.

1. Les CCOMS sont des organismes de recherche et de ressources, des ples de rfrence qui fournissent un appui stratgique lOMS pour mettre en uvre ses activits et programmes. 2. Services du ministre de la Sant franais, lInstitut national de prvention et dducation pour la sant (Inpes) et de multiples autres partenaires au niveau franais, lUnion europenne, lOMS international (Genve), lOMS Europe (Copenhague) et les autres bureaux rgionaux de lOMS ainsi que de nombreux Centres collaborateurs OMS spcialiss dans la sant mentale. Le centre travaille aussi avec de nombreuses associations dusagers, de professionnels, dlus, humanitaires, nationales et internationales, parmi lesquelles : Association des tablissements grant des secteurs de sant mentale (Adesm), Association des maires de France (AMF), Association lus, sant publique et territoires (ESPT) , Comit franais pour la rhabilitation psychosociale (CFRP), Fdration nationale des associations dusagers en psychiatrie (Fnapsy), International Mental Health Collaborating Network (IMHCN), Mdecins du monde (MDM), Global Forum for Community Mental Health, European Federation of Associations of Families of People with Mental Illness (Eufami), European Network of (ex-) Users and Survivors of Psychiatry (Enusp), Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), World Psychiatric Association (WPA), World Association for Psychosocial Rehabiliation (WAPR).

Pour en savoir plus Tl. : + 33 (0)3 20 43 71 00 Ml : [email protected] http://www.ccomssantementalelillefrance. org/

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Empowerment et sant mentale : le contexte et la situation en FranceDonner aux patients une relle possibilit de conduire leur propre projet de vie et vivre au mieux avec la maladie est lun des objectifs de lempowerment en sant mentale. Au cours des dernires dcennies, sous limpulsion des associations de patients, la lgislation franaise a intgr peu peu cet objectif. Concrtement, cela implique de former les professionnels et de crer les conditions pour que la voix des usagers soit entendue. Lautonomie est impossible dans un environnement enfermant qui prive de toute possibilit dagir. Il convient de penser les services de soins comme un endroit o tout le monde travaille ensemble et apprend les uns des autres .

Promotion de la sant mentale et dmocratie sanitaireLempowerment senracine dans les politiques de promotion de la sant dveloppes depuis la Charte dOttawa et les suivantes (1-3). Ces dernires, dans un contexte dmergence dun patient devenant acteur de sa sant, ont privilgi les principes intrinsques ports par la dfinition de lempowerment, de la participation du patient aux dcisions politiques (dmocratie sanitaire) la prise en charge de sa maladie et de ses traitements (ducation du patient) (lire larticle p. 8). Ce mouvement sest concrtis en France essentiellement dans les annes 1990 sous la pression des personnes atteintes du VIH-sida. Il sest vu renforc par la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et la qualit du systme de sant, qui consacre les usagers comme des acteurs de leur propre sant, tant au niveau individuel que collectif. Dans les faits, il y a bien entendu beaucoup faire pour que cet objectif lgislatif devienne ralit quotidienne.

niques (cancer, diabte, hmophilie, alcoolisme, etc.), mais aussi en sant mentale (4). En France, cest partir des annes 1960 que les familles sorganisent entre elles avec lUnafam1, suivies par les associations de patients, qui se fdreront au dbut des annes 1990, avec la cration de la Fnapsy 2. La loi instaurant la dmocratie sanitaire, soutenue par lactivisme des associations, marque un tournant dans le dveloppement de la place de lusager comme acteur de sa maladie. Dans ce contexte, les familles et les usagers se sont unis et ont collabor troitement afin dtre actifs dans la revendication des droits des patients des services psychiatriques (5). On peut noter la rdaction et signature de la Charte de lusager en sant mentale (2000), la cration dun livre blanc des partenaires en sant, la participation aux tats gnraux de la sant et llaboration de la loi du 4 mars 20023 sur laccs direct au dossier mdical pour les patients en psychiatrie. Le cadre lgal o les usagers peuvent faire valoir leurs droits dans le systme de sant et exprimer leurs propres opinions et propositions se constitue progressivement tout au long des annes 2000. Cette dynamique rejoint les prises de positions radicales des usagers survivants ou survivors des pays anglo-saxons qui, instaurant de nouvelles relations avec les instances mdicales et sanitaires, clament haut et fort : Plus jamais rien sur nous, sans nous !

En France, la loi n 2005-102 du 11 fvrier 2005 pour lgalit des droits et des chances, la participation et la citoyennet des personnes handicapes marque galement un tournant significatif dans la reconnaissance des droits des usagers en proposant, dune part, une dfinition du handicap psychique4, et en crant, dautre part, les groupes dentraide mutuelle (Gem). Implants sur tout le territoire franais, on dnombre aujourdhui plus de trois cents Gem (lire les articles p. 20 22).

La sant mentale : laffaire de tousAu-del de ce cadre lgislatif, qui donne la possibilit aux usagers des services psychiatriques en France daffirmer leurs droits et leurs besoins, lempowerment en sant mentale ne se limite pas aux seules frontires sanitaires et sociales. Comme le rappelle Viviane Kovess-Masfty dans son rapport de 2009 (6), lempowerment en vue damliorer la qualit de vie des personnes vivant avec un trouble psychique se dcline dans une politique gnrale pour lensemble de la population. La sant mentale et la qualit de vie dpendent de facteurs environnementaux (famille, ducation, emploi, logement, etc.) et de comportements individuels (tabagisme, recours au systme de soins, etc.). Faciliter lautonomisation des usagers signifie galement prendre en compte la sant mentale dans le sens

Cration des associations dusagers en sant mentaleLes associations de malades nont pas attendu que la loi leur donne la possibilit dagir pour se mettre en mouvement. Ds le dbut du XXe sicle, des associations de malades ou/et de proches voient le jour, avec ou sans la collaboration de professionnels de sant, dans le cadre des maladies chro-

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sant [Imas]7 propos par luniversit Paris VIII depuis 2005. Lobjectif tait de former des mdiateurs de sant mentale, dont 30 % seraient issus des usagers en sant mentale, dans la mouvance des pairs aidants (12-14). Cette action se droule en partenariat avec le Centre collaborateur de lOMS, en collaboration avec la Fnapsy (15-17). Celle-ci met en place une formation pour les animateurs de Gem, en lien avec luniversit Paris VIII8. Dans cet esprit, on assiste une volution de la reprsentation du patient non seulement dans le cadre sanitaire et social, mais aussi dans celui de lducation et de la recherche. Ainsi, se basant sur les expriences antrieures des pays anglo-saxons et europens, des programmes comme Emilia (lire larticle p. 26) poussent la logique formative plus avant en proposant des usagers de devenir usagers-formateurs pour diffrents types de public : professionnels du soin, professionnels de laccompagnement lemploi et de linsertion sociale (par exemple, mise en place dune session Sensibilisation au handicap psychique avec la participation commune dun psychiatre et dusagers comme formateurs). Dans le programme Emilia, il a galement t propos des formations conjointes entre usagers et professionnels soignants (prvention du suicide, observance des traitements). Ainsi, la place de lusager se modifie et permet une posture diffrente et plus active que celle qui lui est habituellement assigne.

positif du terme (7), sans se restreindre aux seuls symptmes, manifestations et consquences de la maladie. Ltat de bien-tre, la satisfaction, la capacit faire face, le sentiment de ralisation de soi sont autant dlments essentiels dans la prservation de la sant mentale pour tous et de sa qualit de vie avec la maladie. Ainsi, les approches de la sant mentale communautaire dveloppent des pratiques o lempowerment est central (8, 9).

De lempowerment individuelLempowerment, port par un cadre politique favorable, se dcline sur deux niveaux daction : lindividuel et lorganisationnel/structurel. Au niveau individuel, lusager trouve de nouvelles voies pour augmenter son autonomie. La prise en compte de lexprience du vcu de la maladie et du savoir exprientiel acquis par le patient au cours de sa maladie est au centre des approches favorisant lempowerment des usagers. Les personnes vivant une exprience de troubles psychiques acquirent des comptences, savoirs, savoir-faire et savoir tre spcifiques qui vont se dcliner dans des sphres dactivits diverses. Dans le domaine de lducation du patient, la logique de la formation tout au long de la vie (Commission europenne, 2001) se rvle, quand elle est mise en uvre, un axe essentiel qui favorise le dveloppement de lautonomie des usagers.

Le systme de sant reconnat aujourdhui en tout cas en thorie la ncessit dduquer les patients leur maladie afin damliorer lobservance des traitements et la qualit de vie. En psychiatrie, comme dans de nombreuses maladies chroniques (10, 11), les programmes de psycho-ducation5 et lducation thrapeutique du patient sont des cadres institutionnels qui permettent aux quipes de soins daccompagner les usagers dans la prise de leur traitement et dans lamlioration de leur qualit de vie. Cest pourquoi, depuis 2010, la loi6 vise former des professionnels des services psychiatriques llaboration de programmes dducation thrapeutique du patient au sein des institutions. Il est recommand quils soient tablis en coopration avec les usagers. Une logique dempowerment plus pousse serait de laisser lusager la dcision de se former ( Je dcide de participer un Gem ), mais galement de lui donner le pouvoir de sautodterminer ( parce que je veux dvelopper mes comptences sociales et relationnelles ) et dautorguler les apprentissages dont il aurait besoin pour accrotre son autonomie ( ainsi, japprends avec mes pairs et dans un groupe dauto-support ). Dans cette logique, en 2010, un usager des services en sant mentale a intgr le cursus de formation intitul Information, mdiation et accompagnement en

Participer la rechercheDans le programme Emilia, des modules de formation ont permis aux usagers de se former la recherche et de participer des enqutes de terrain en collaboration notamment avec une quipe de chercheurs du sminaire Ville et sant mentale (voir Pour en savoir plus dans ce numro).

Travailler partir de son exprience de la maladieLes usagers ont galement la possibilit de professionnaliser leur acquis de lexprience de la maladie, linstar de la Validation des acquis de lexprience (VAE), dans des projets comme celui de pair-aidant (lire larticle p. 32). Le Gem, lAtelier du non-faire, a commenc une recherche, depuis 2007, sur

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tants de toutes les organisations et secteurs dactivit (y compris les professionnels de laccompagnement lemploi) et des usagers ont travaill ensemble, ce qui a facilit la comprhension entre professionnels, cr une culture commune entre des acteurs au vocabulaire et aux missions diverses. Travailler la mise en place du projet Emilia a permis dapprendre de chacun et a favoris lvolution des reprsentations de chacun.

Assurer la reprsentation des usagers partoutLa loi a donn aux usagers le droit de participer au processus de dcision ainsi que daccder linformation et aux ressources selon leurs besoins et demandes. Cependant, cette participation, bien quacquise dans les textes, peine sinstaller dans les faits, comme le montre le rcent rapport de lOMS (18). En France, une enqute sur la reprsentation des usagers de 2006 (19) mettait en exergue la faible reprsentation des usagers dans les instances des hpitaux gnraux. Concernant les services psychiatriques, en 2003, seuls 5 % des secteurs dclaraient organiser des runions mensuelles avec des associations dusagers (20). La ralit de la dmocratie sanitaire doit toujours tre sous surveillance et tous les moyens doivent tre donns aux associations et aux usagers afin dassurer une prsence relle dans les services sanitaires et sociaux.

ce savoir exprientiel des personnes qui vivent avec un trouble de sant mentale9.

Utiliser les nouveaux outils de la communicationOn ne peut parler dempowerment sans voquer les nouvelles technologies de linformation et de la communication. En effet, sur Internet, de nombreux forums personnels ou dassociations permettent de parler de la maladie, de partager ses doutes et ses peurs, de lutter contre un sentiment disolement, de connatre ses droits, ainsi que de sinformer sur la maladie et les traitements. Les communauts de pratiques et dapprentissage fleurissent et permettent toute personne davoir accs de linformation et de la relation. Bien sr, les informations fournies doivent tre examines avec un il critique, toutefois ces nouveaux outils favorisent laccroissement de lautonomie des usagers.

sociaux ainsi que tous les acteurs communautaires doivent modifier leurs pratiques dans un mme tat desprit. On ne peut tre autonome si lenvironnement est enfermant et prive de toute possibilit dagir.

Former les professionnelsLa formation des professionnels aux nouvelles notions de rtablissement, dempowerment et de valorisation de lexprience du vcu de la maladie est cruciale. Afin de toucher les nouvelles gnrations de soignants, les cursus doivent commencer gnraliser lintgration des usagers-formateurs. Les professionnels en place doivent pouvoir bnficier de ces nouveaux savoirs et pratiques dans des formations continues rnoves dans ce sens. On peut citer ici le DIU en sant mentale communautaire, ouvert en 2010, tout professionnel ainsi qu des usagers (lire Pour en savoir plus p. 42).

Utiliser les mdias comme vecteur de changementLes mdias peuvent galement aider bousculer les mentalits et ainsi impulser le changement. Notons, par exemple, la cration par des usagers de Radio Citron Paris, ou bien lorganisation dvnements nationaux comme la Semaine de la sant mentale, information relaye par de nombreux mdias partout en France. Dans cette courte prsentation, nous nous sommes attachs montrer que le processus dempowerment en sant mentale ne reste pas lettre morte et simple utopie. Toutefois, il ncessite un soutien accru. De nombreux acteurs, encadrs par des volutions politiques internationales et ports par des mouvements de malades vivant avec dautres pathologies, cherchent et russissent concrtiser les volonts forma-

lempowerment organisationnelAu niveau structurel, il sagit de concevoir le systme de soins comme une organisation apprenante qui favorise le changement. Pour permettre le dveloppement de lempowerment individuel, les services sanitaires et

Penser les services de soins comme un endroit o chacun apprend des autresUn tel changement nest possible que sil y a collaboration troite entre diffrentes professions et diffrents secteurs dactivit. Au sein du comit de pilotage du projet Emilia, des reprsen-

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lises dans cet objectif dautonomisation. lheure actuelle, au niveau international et local, des professionnels et des malades, convaincus de la ncessit dune telle volution, veillent donner lusager de la psychiatrie une relle possibilit de choisir sa vie selon son propre intrt et de vivre au mieux avec la maladie, comme tout citoyen en a le droit.Emmanuelle JouetDocteur en sciences de lducation, charge de projet Emilia, Laboratoire de recherche de ltablissement public de sant Maison-Blanche, Paris.

Luigi FloraDoctorant en sciences de lducation, Universit Paris VIII, chercheur, Centre dtude des solidarits sociales, Paris, chercheur associ, Centre dtude et de recherche applique en psychopdagogie perceptive, Ivry-sur-Seine.

1. LUnion nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam) a t fonde Paris, le 4 aot 1963, par quelques familles soutenues par des psychiatres qui pensaient que la reprsentation des familles devait tre organise. LUnafam a t cre avec le soutien de la Ligue franaise dhygine et de prophylaxie mentale, devenue par la suite Ligue franaise dhygine mentale. LUnafam a regroup des familles qui partageaient les proccupations de la Ligue. Elle na cess de crotre depuis. http://www.unafam.org/ 2. Cest en 1992 que la Fdration des associations de (ex-)patients des services psychiatriques voit le jour. Elle a t cre le 1er mars 1992, sous le sigle Fnapsy (Fdration nationale des associations de (ex-)patients des services psychiatriques), par trois associations dusagers : Association pour le mieux tre (AME), Association des psychotiques stabiliss autonomes (Apsa), Revivre Paris. La Fdration nationale des associations dusagers en psychiatrie (Fnapsy) regroupe ce jour 65 associations sur toute la France, soit environ 7 000 usagers. Ces associations sont toutes composes en majorit dusagers en psychiatrie et sont diriges par des usagers. http://www.fnapsy.org/ 3. En 2001, le rapport Piel Roelandt La dmocratie sanitaire dans le champ de la sant mentale , rdig en lien avec les associations Unafam et Fnapsy, recommandait fortement dintgrer les usagers dans la rflexion et dans les actions au sein du systme sanitaire et social ainsi que dans dautres lieux de la socit concerns par la bonne sant mentale des citoyens (justice, ville, travail, entreprises, coles, etc.).

4. La loi n 2005-102 du 11 fvrier 2005 apporte, dans son article 2, une nouvelle dfinition du handicap : Constitue un handicap, au sens de la prsente loi, toute limitation dactivit ou restriction de participation la vie en socit subie dans son environnement par une personne en raison dune altration substantielle, durable ou dfinitive dune ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, dun polyhandicap ou dun trouble de sant invalidant. 5. Par exemple, les programmes du centre hospitalier Sainte-Anne (75) et celui du Chteau de Garches (92). 6. Arrt du 2 aot 2010 relatif aux comptences requises pour dispenser lducation thrapeutique du patient : [] Lacquisition des comptences ncessaires pour dispenser lducation thrapeutique du patient requiert une formation dune dure minimale de quarante heures denseignements thorique et pratique, pouvant tre sanctionne notamment par un certificat ou un diplme. [] Quinze comptences sont dfinies par les recommandations de lOMS pour permettre la conduite des sances ou temps dducation thrapeutique, individuellement ou en quipe pluridisciplinaire [] . 7. Diplme dtudes suprieures universitaires, cursus de niveau de la matrise propos par la formation permanente afin de former des personnes non soignantes laccueil et lanimation dusagers de la sant dans des espaces dinformation en sant (issue de la mesure 42 du plan cancer 1, recommandations merges des tats gnraux du cancer de 1998). 8. http://www.fp.univ-paris8.fr/Animation-degroupes-d-entraide 9. http://www.lesamisdelatelierdunonfaire.net/ recherche

Rfrences bibliographiques(1) Organisation mondiale de la sant. Whoqol User Manual. Genve : OMS, 1998. (2) Organisation mondiale de la sant. Rapport OMS Europe : Therapeutic Patient Education. Genve : OMS, 1998. (3) Organisation mondiale de la sant. Charte dOttawa, 1986. En ligne : http://www.euro.who. int/fr/who-we-are/policy-documents/ottawacharter-for-health-promotion,-1986 (4) Romeder J.-M. Les groupes dentraide et la sant : nouvelles solidarits. (Publi en anglais sous le titre : The Self-Help Way). Ottawa : Conseil canadien de dveloppement social, 1989 : p. 14. (5) Caria A. La place des usagers en psychiatrie : rcentes volutions. In : Guelfi J.-D., Rouillon F. dir. Manuel de Psychiatrie. Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2008 : p. 662-668. (6) Kovess-Masfety V., Boisson M., Godot C., Sauneron S. La sant mentale, laffaire de tous : pour une approche cohrente de la qualit de vie. Paris : La Documentation franaise, coll. Rapports et documents, 2009 : 254 p. (7) Barry M.M., Jenkins R. Implementing mental health promotion. Oxford : Elsevier, 2007. (8) Saas T. Cadre et concepts-cls de la psychologie communautaire. Pratiques psychologiques, 2009, vol. 15, n 1 : p. 7-16. (9) Akleh Y., Cartuyvels S., Romero P. Le Collectif Pratiques en sant mentale communautaire . Pratiques de formation-Analyses, janvier-juin 2010, n 58-59 : p. 205-228. (10) Loi n 2009-879 du 21 juillet 2009 portant rforme de lhpital et relative aux patients, la sant et aux territoires disponible sur : www.legifrance.gouv.fr (11) Haute Autorit de sant, Institut national de prvention et dducation pour la sant. Structuration dun programme dducation thrapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques, Saint-Denis La Plaine : HAS/Inpes, juin 2007 : 112 p. En ligne : http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_604958/etp-structuration-d-un-programme-d-education-therapeutiquedu-patient-guide-methodologique (12) Roucou S. La reconnaissance de lusager en sant mentale : cration dune formation de PairAidant pour les usagers. Mmoire de Master I en science de lducation et formation des adultes, Lille I, 2007. (13) Le Cardinal, P., Roelandt J.L., Roucou S., Lagueux N., Harvey D. Le pair-aidant, lespoir du rtablissement. Sant mentale, 2008, n 133 : p. 69-73. (14) Lagueux N, Harvey D., Provencher H. Quand le savoir exprientiel influence nos pratiques Lembauche de pairs aidants titre dintervenants lintrieur des services de sant mentale. Pratiques de formation-Analyses, janvier-juin 2010 : n 58-59 : p. 155-174. (15) Le Cardinal P. Pair-aidance et rtablissement des personnes atteintes de troubles psychiques. Pluriels, novembre-dcembre 2010, n 85-86 : p. 3-5. En ligne : http://www.mnasm. com/files/uploads/Publications/RevuePluriels/ revue-pluriels-490.pdf (16) Roelandt J.-L., Finkelstein C. Le programme des mdiateurs de sant-pairs dvelopp par le Centre collaborateur de lOMS. Pluriels, novembre -dcembre 2010, n 85-86 : p. 8-10. En ligne : http://www.mnasm.com/files/ uploads/Publications/RevuePluriels/revue-pluriels-490.pdf (17) Sminaire interdisciplinaire Ville et sant mentale , universit Paris 7, 2008. (18) The WHO report on Policies and practices for mental health in Europe meeting the challenges (WHO, 2009). (19) Gobel S. Prsentation des rsultats de lenqute nationale ralise auprs des reprsentants des usagers. In : Actes du colloque Participation des usagers dans les tablissements de sant. Des principes aux expriences, des expriences aux principes . Paris, Cit de la sant/ CSI, 30 janvier 2009 : p. 22-25. (20) Roelandt J.-L., Daumerie N., Caria A., Eynaud M., Lazarus A. Changer la psychiatrie pour dstigmatiser. Sant mentale, 2007, n 115 : p. 12-17.

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Lvolution de la psychiatrie en France : novatrice, mais contraste et inacheveLe dispositif de prise en charge de la psychiatrie a connu une volution importante au cours des cinquante dernires annes, en France comme dans lensemble des pays industrialiss. la structure unique dhpital psychiatrique dautrefois sest substitu un dispositif plus proche des territoires et des populations, visant favoriser et maintenir lintgration sociale des patients. Mais cette volution novatrice demeure inacheve et il reste beaucoup faire pour amliorer les conditions de vie des patients.

Petit retour en arrire : la veille de la circulaire du 15 mars 1960, qui marque la mise en place de la politique de sectorisation psychiatrique 1, tous les dpartements franais ne sont pas encore quips dun tablissement spcialis dans la prise en charge des maladies mentales. Alors quun sicle auparavant, la loi de 1838 relative aux alins prconisait la cration dun tablissement spcialis dans chaque dpartement, ils sont plus de vingt ne pas disposer lpoque dun tel quipement. La mise en place de la politique de secteur va permettre une relance de la construction de tels tablissements, mais la couverture du territoire va rester incomplte, lhpital psychiatrique ne constituant plus lunique modalit de prise en charge des maladies mentales. En effet, des structures alternatives vont peu peu voir le jour : centres mdico-psychologiques, hpitaux de jour et de nuit, centres dactivit thrapeutique temps partiel, appartements thrapeutiques, accueil familial thrapeutique, centres de crise, etc. Nouveau tournant partir des annes 1980, avec la naissance dun mouvement prnant lintgration de la psychiatrie lhpital gnral, afin notamment de lutter contre la stigmatisation des maladies mentales et des personnes en souffrance psychique, mais aussi des professionnels et des structures de prise en charge. Ainsi, certains dpartements franais ne seront jamais quips dun tablissement public de sant spcialis dans la

prise en charge des maladies mentales, les soins tant alors organiss au sein de services psychiatriques implants lhpital gnral.

font partie dun systme de prise en charge unifi et complmentaire, spcifique la psychiatrie de secteur, et visant rpondre aux besoins des diffrentes phases de la maladie.

Modification de loffre de soinsLa sectorisation de loffre publique des soins psychiatriques a essentiellement t mise en place au dbut des annes 1970. Cette politique a t largement influence par le mouvement de dsinstitutionalisation, cest--dire la fermeture de lits dhospitalisation psychiatrique et le dveloppement de structures alternatives de prise en charge implantes au plus proche du lieu de vie du patient, prne et soutenue par lOMS Europe et mise en uvre depuis dans beaucoup de pays. Si la Seconde Guerre mondiale avec la surmortalit des malades hospitaliss en psychiatrie (1) a rvl lampleur de la crise que traversait linstitution asilaire : conditions de vie dplorables, exclusion sociale, stigmatisation, elle a aussi prpar cette prise de conscience dun besoin de changement radical dans loffre de soins. Dans ce contexte, la France a mis en uvre une politique spcifique, prfrant une rvolution (fermeture des grands tablissements et/ou suppression de services ou de lits), un meilleur quilibre entre traitements et soins dlivrs au sein des hpitaux et de la communaut. Toutefois, lon constate un dveloppement insuffisant des alternatives la prise en charge hospitalire temps plein. Il nempche : les hospitalisations temps plein et leurs alternatives, au sens large,

Prise en charge toujours centre sur lhpitalEn thorie, le mouvement de dshospitalisation devait saccompagner dun dcentrage de la prise en charge de lhpital vers la communaut, notamment vers le centre-mdico-psychologique, structure pivot de la psychiatrie de secteur. Ce dcentrage a t rendu possible par le dveloppement de structures alternatives lhospitalisation temps plein, implantes au plus proche du lieu de vie des patients et par le dveloppement de structures et services sociaux et mdico-sociaux permettant laccompagnement du patient dans sa vie quotidienne. Aujourdhui, 68 % des patients sont exclusivement suivis en ambulatoire (en consultation, atelier thrapeutique, etc.), et la part de patients suivis uniquement en hospitalisation temps plein est de 11 %, alors que ctait lunique mode de prise en charge il y a encore cinquante ans. Dans le mme temps, le nombre de lits dhospitalisation temps plein est pass de 120 000 60 000, la dure moyenne de sjour est passe de plus de 200 jours moins de 40 (2). Malgr cette volution, les disparits doffre et dorganisation des soins entre secteurs et entre dpartements sont importantes et la prise en charge est reste souvent trs centre sur lhpital.

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Une importante htrognit des pratiques et des moyensSi le secteur psychiatrique constitue un cadre commun, les pratiques sur le terrain sont trs diffrentes ; cest notamment le cas de lvolution vers une psychiatrie dite communautaire (dveloppement du travail en quipe pluridisciplinaire), des alternatives lhospitalisation temps plein, des moyens disponibles (3). En rsum, les secteurs psychiatriques se caractrisent aujourdhui par : une importante disparit en termes dquipement mais aussi de ressources humaines, avec des carts allant de 1 13 pour les lits et places en psychiatrie adulte (contre 1 4 dans les disciplines somatiques, mdecine, chirurgie et obsttrique) ; des dsquilibres entre soins ambulatoires et hospitaliers, soins pour adulte et pour enfant ou adolescent, et dans le dveloppement de soins de proximit ou au sein de la communaut ; des cloisonnements : entre professionnels (gnralistes, psychologues et psychiatres) ; entre modes dexercice (libral et hospitalier) ; entre structure damont ambulatoire, hospitalire, et la population ; entre le systme de soins, les services sociaux ou encore lducation, la justice. Ces disparits, dsquilibres et cloisonnements ne feront que saccentuer sous le double mouvement : dune volution de la densit de psychiatres en France, aujourdhui la plus leve dEurope (19,9/100 000 hab.), qui, niveau de pratique professionnelle constant (formation initiale, installation, cessation dactivit) et mme si le nombre de postes dinternes a connu ces dernires annes une augmentation trs significative, devrait dcrotre trs fortement compte tenu de la baisse programme des effectifs dici 2025 (- 36 %). On descendrait ainsi en dessous des effectifs de 1984 (7 800 soit - 7 %) (4) ; le tout dans un contexte de demande accrue vis--vis de ces professionnels ; dun questionnement profond autour du rle et des missions de la psychiatrie et de la sant mentale, et de larticulation entre lune et lautre, sujets qui ont t abondamment traits dans une srie de rapports ministriels ou institutionnels et dans le plan gouvernemental Psychiatrie et sant mentale 20052008 (5-7).

Au final, la politique de sectorisation a t la fois dcisive, du fait des volutions impulses, novatrice, de par sa dimension organisationnelle pionnire en rseaux et en territoires, mais inacheve, compte tenu de sa mise en uvre gomtrie variable, entranant un engagement ingal des secteurs psychiatriques vers des soins plus communautaires. Lon constate une grande htrognit dans loffre et lorganisation des soins, tout comme dans lquilibre trouv entre soins hospitaliers et soins communautaires au plus prs du patient.

Soins : un quilibre trouver entre lhospitalier et le communautaireLes annes 2000 ont marqu la prise de conscience des insuffisances de la politique de sant mentale par le ministre : les rapports et les plans se sont multiplis. Partenariat, intersectorialit, rseau et implication des usagers et des associations sont les matres mots de ce besoin de refondation (8). La volont de reconnaissance des droits des usagers et des proches est affiche travers les notions de dmocratie sanitaire et dassociation des usagers laction, une rfrence constante y est faite dans les documents administratifs, dans la lgislation sur les droits des malades. La place et la reprsentativit des usagers saccrot, et ces derniers jouent un rle croissant dans leur propre rtablissement (dveloppement des groupes

dentraide mutuelle, de la pair-aidance) (lire les autres articles de ce dossier) (9). Le dernier plan Psychiatrie et sant mentale couvrait la priode 20052008, le bilan en cours montre quil reste du chemin parcourir. Certes, des investissements hospitaliers ont t raliss pour amliorer les conditions de vie des patients, des structures et services daccompagnement social et mdico-social ont t crs, des programmes spcifiques destination des populations prcaires, des adolescents ont t mis en place. Toutefois, certains pans de la prise en charge restent insuffisamment dvelopps. Ainsi, les problmatiques du logement et de laccompagnement des personnes, de larticulation avec la mdecine gnrale, de lorganisation des soins psychiatriques lchelle des territoires de sant, du rel transfert du centre de la prise en charge de lhpital vers la communaut, de la lutte contre la stigmatisation des maladies mentales appellent des rponses urgentes.Magali ColdefyDocteur en gographie, charge de recherche, Irdes, Paris.

1. La sectorisation psychiatrique se dfinit par la prise en charge par une quipe pluriprofessionnelle de la sant mentale de la population dun territoire gographiquement dlimit, avec sa disposition une gamme de services implants sur le territoire pour rpondre aux diffrents tats et phases de la maladie.

Rfrences bibliographiques(1) von Bueltzingsloewen I. Lhcatombe des fous : la famine dans les hpitaux psychiatriques franais sous lOccupation. Paris : Aubier, coll. Histoire, 2007 : 384 p. (2) Coldefy M. La prise en charge de la sant mentale. Recueil dtudes statistiques. Paris : La Documentation franaise, coll. tudes et statistiques, 2007 : 316 p. (3) Coldefy M., Le Fur P., Lucas-Gabrielli V., Mousqus J. Cinquante ans de sectorisation psychiatrique en France : des ingalits persistantes de moyens et dorganisation. Irdes, Questions dconomie de la sant, 2009, n 145. (4) Bessire S., Breuil-Genier P., Darrin S. La dmographie mdicale lhorizon 2025 : une actualisation des projections au niveau national. tudes et rsultats, Drees, 2004, n 352 : 12 p. (5) Clery-Melin P., Kovess V., Pascal J.-C. Plan dactions pour le dveloppement de la psychiatrie et la promotion de la sant mentale. Paris : ministre de la Sant, 2003 : p. 106. (6) Ministre de la Sant. Plan psychiatrie et sant mentale 2005-2008. Paris : ministre de la Sant, 2004. (7) Piel E., Roelandt J.-L. De la psychiatrie vers la sant mentale. Paris : ministre de la Sant, 2001 : p. 86. (8) Biarez S. De la sectorisation lintersectorialit. Sant mentale et socit. Paris : La Documentation franaise, coll. Problmes politiques et sociaux, 2004, n 899 : p. 77-81. (9) Kannas S. Transformation du paysage de la psychiatrie en France ces 20 dernires annes. Laboratoire des ides du Parti socialiste, 2011.

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La Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne : un dispositif dinformation et dentraide en sant mentaleLes nouvelles modalits daccs linformation mdicale, plus accessible depuis la loi de sant publique de 2002, entranent des bouleversements dans la relation soignant-soign. Dans ce contexte, les associations dusagers jouent un rle grandissant auprs des patients dans leur parcours de soins. Un exemple la Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne Paris.

Toute personne confronte la maladie commence par dvelopper un savoir profane sur celle-ci. Le regroupement de patients et de proches au sein dassociations dentraide consolide ce savoir, le partage et le transforme en une force permettant daccompagner lautre dans son parcours de soins. Cette aide associative contribue galement au dveloppement dune certaine autonomie des patients dans la gestion de leur propre sant. Ainsi, le travail des associations converge-t-il vers celui des professionnels de sant, qui, depuis peu, valorisent la notion dautonomisation, en particulier pour les personnes souffrant de pathologies chroniques ncessitant des soins au long cours. Les diffrents bilans et valuations effectus ont permis de constater que lentraide et le soutien dvelopps par les associations dusagers au sein de la Maison des usagers (MDU) contribuent lempowerment des personnes, en valorisant leur savoir exprientiel de la maladie et en les incitant sinscrire dans une relation faite dchanges avec les quipes soignantes.

mission est complmentaire de laction des professionnels. Il sagit dune exprience innovante dans le domaine de la sant mentale. Sinspirant de lexprience de lhpital europen GeorgesPompidou et de la Cit de la sant la Cit des sciences et de lindustrie, la Maison des usagers du CHSA encourage concrtement lautonomisation des personnes en proposant des outils dinformation et des actions de prvention sant. Les objectifs de la MDU, labors en lien avec les associations de patients et les professionnels de ltablissement, se dclinent en quatre axes : bnficier dun soutien et dune entraide (recevoir une coute, un soutien, un conseil par des personnes qui vivent ou ont vcu la maladie au quotidien) ; sinformer sur un problme de sant (pathologies et traitements) ; sinformer sur ses droits (accs au dossier mdical, modalits dhospitalisation en psychiatrie, droits sociaux, etc.) ; prendre soin de sa sant (infections sexuellement transmissibles, alcool, tabac, drogues, etc.).

bnvoles, issus de quatorze associations de patients et/ou de familles, euxmmes concerns de prs ou de loin par la maladie, propose des permanences daccueil rgulires, des horaires dfinis et connus des services de soins. La coordination et la gestion quotidienne sont assures par un coordinateur salari par le CHSA. Cet espace est une passerelle multiple : des patients vers les services de soins (premier contact, aide laccs aux soins) ; des quipes de soins vers les associations (reconnaissance des comptences profanes dans linformation des patients et pour leur accompagnement dans la maladie) ; du public vers les associations (accs lentraide associative, recrutement de nouveaux adhrents) ; des familles vers les soignants (facilitation des rencontres et des changes rciproques, participation la prise en charge) ; des associations vers lhpital (prise en compte du point de vue des reprsentants des usagers, participation la relecture des documents dinformation pour les patients) ; des associations vers les quipes de soins (promotion de lentraide) ; de lhpital vers la cit (dveloppement de partenariats avec les mairies de quartier).

Contribuer lautonomisation des personnesEn 2003, le centre hospitalier SainteAnne (CHSA) conforte le rle des associations dusagers par la cration dun espace dinformation sant, anim par des patients et des proches, et dont la18

La Maison des usagers en pratiqueLa Maison des usagers du CHSA nest pas un lieu de consultation ou de diagnostic, aucun professionnel de sant ny travaille. Une cinquantaine de

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Plusieurs outils de rgulation ont t construits avec les associations, afin de faciliter ce partenariat : une charte commune, valide par les premires associations prsentes dans le projet, dfinit le cadre gnral, les missions, les objectifs et la philosophie du lieu ; une convention de partenariat a t signe entre les associations assurant des per manences et le centre hospitalier ; un comit de coordination, regroupant les responsables de chaque association partenaire, un reprsentant des mdecins, un reprsentant non mdical, le directeur adjoint charg des relations avec les usagers, le coordinateur et la responsable de la MDU a t mis en place. Ce comit se runit trois fois par an, prend des dcisions concernant le fonctionnement gnral de la MDU (horaires, outils, coordination avec ltablissement, partenariats) et examine les demandes de participation des associations. Chaque nouvelle association qui entre la MDU est ainsi coopte par le comit de coordination aprs audition ; une runion inter-associative trimestrielle runit tous les bnvoles qui assurent des permanences afin de mieux connatre les comptences de chacun, de renforcer les liens entre associations et dassurer un minimum de formation continue, en abordant des thmes choisis par les associations (organisation de la psychiatrie, coute, pathologies, droits des patient, etc.) ; un outil dvaluation : la fin de chaque entretien, le bnvole remplit une fiche anonyme succincte dinformation sur la personne reue (sexe, ge, statut, cest--dire personne concerne directement par la dmarche ou tiers), le type de demande et la rponse apporte. Ces donnes permettent de rdiger un rapport dactivit annuel ; des outils de communication : plaquette dinformation et affichette indiquant les horaires, runions dinformation dans les services de soins, annonces rgulires des animations par le rseau intranet et le journal de ltablissement, relais des horaires par toutes les associations (journal, site web, runions dinformation).

et leurs proches (suivis ou non par le CHSA) tout au long du parcours de soin : en amont dun accompagnement mdical ; au cours dune prise en charge quelle soit en ambulatoire ou hospitalire ; enfin, aprs un pisode de soin. En amont dun accompagnement mdical, les usagers sont la recherche dun soutien dans la dmarche de soin quils souhaitent entreprendre et dinformations concernant les thrapies. En faisant part de leur exprience personnelle des soins, les bnvoles apportent un soutien et rassurent les visiteurs qui sinterrogent sur laccompagnement dont ils pourraient bnficier. Au cours dune prise en charge, les usagers bnficient auprs des bnvoles dune coute et dune information sur les troubles psychiques/neurologiques, les traitements, ou encore le droit des patients. Ils sentretiennent aussi avec les bnvoles sur des sujets quils nosent ou ne peuvent aborder avec lquipe soignante. Le rle des bnvoles est alors de rpondre la demande dinformation et dcoute, mais galement dinciter lusager faire part de ses interrogations ou de ses inquitudes aux professionnels qui laccompagnent, en particulier lorsquil sagit de lobservance du traitement. Enfin, la suite dun pisode de soin, les usagers recherchent un appui auprs des associations pour consolider les

acquis dune hospitalisation et viter de tomber dans toute forme disolement. Dans ce cadre, les bnvoles peuvent orienter vers les groupes de paroles ou vers des groupes dentraide mutuelle (lire les articles p. 20 22). En conclusion et comme le soulignent les tmoignages dusagers (lire lencadr p. 20), les pratiques des associations dusagers reposent essentiellement sur le partage de leur exprience personnelle du trouble psychique et de ses consquences. Suivant ce principe, linformation transmise par les bnvoles dassociations, qui prend appui sur un savoir exprientiel, sinscrit dans une complmentarit de celle dispense par les professionnels de sant ou de lducation pour la sant. Autre fait important, les tudes ralises la MDU ont mis en vidence limportance du rle des bnvoles lorsquil sagit : dinformer et de promouvoir linformation sur les troubles psychiques et la dmarche de soin, de donner de lespoir, dintgrer un groupe de pairs et dencourager une attitude de patient actif . En cela, leur action participe bien la promotion du rtablissement et de lempowerment des usagers.Aude CariaResponsable de la Maison des usagers,

Cline LoubiresCoordinatrice de la Maison des usagers, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

Bibliographie Beetlestone E., Loubires C., Caria A. Le soutien par les pairs dans une maison des usagers en psychiatrie : Exprience et pratiques. Revue Sant Publique ( paratre). Beetlestone E., Entraide en psychiatrie. tude sur le soutien par les pairs partir de lexprience de la Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne. Thse pour le doctorat en mdecine, facult de mdecine Pierre et Marie Curie, 2010. Ghadi V., Caria A., Wils J. La mise en place dune maison des usagers. Gestions hospitalires, mars 2010, n 494 : p. 152-155. Caria A., Mierzejewski C., Finkesltein C., et al. Les associations de patients lhpital. La Maison des usagers du centre hospitalier Sainte-Anne. Gestions hospitalires, juin-juillet 2007, n 467 : p. 187-191. Caria A. La place des usagers en psychiatrie : rcentes volutions. In : Guelfi J.-D., Rouillon F. dir. Manuel de psychiatrie. Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2008 : p. 662-668. Circulaire DHOS/E1/2006/550 du 28 dcembre 2006 relative la mise en place de Maisons des usagers au sein des tablissements de sant : www.legifrance.gouv.fr Jouet E., Flora L., Las Vergnas O. Construction et reconnaissance des savoirs exprientiels des patients : Note de synthse. Pratique de formation : Analyses, 2010, n 58-59 : p. 13-94.

quoi sert la Maison des usagers ?Les bnvoles des associations dusagers sont sollicits par les patients

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La parole aux bnvolesQue pensent les usagers eux-mmes et les reprsentants dassociation de cet espace dchange que reprsente la Maison des usagers ? Dans le cadre de lvaluation, des tmoignages ont t rdigs collectivement par les bnvoles des associations qui tiennent une permanence la MDU. En voici ci-dessous un extrait. Argos 2001 (association dusagers patients et proches concerns par un trouble bipolaire). Les patients : Le contact avec dautres patients plus avancs dans lacceptation de leur vulnrabilit permet aux patients de sortir de leur impuissance face au trouble et de se rapprocher du soin. Cela les aide galement surmonter leur dni et leur peur. Ils trouvent des recettes ou des adresses ; toutes sortes dinformations quils peuvent confronter aux autres. Ils noncent leur dception ou laborent leur projet : ils peuvent en parler sans la crainte du doute ou la honte de lchec. Les proches apprennent dans le partage trouver une bonne distance par rapport au patient membre de leur famille ou entourage. En cernant mieux les causes complexes et multiples de la maladie, ils chappent une culpabilit inutile ; ils mesurent les effets pervers dun interventionnisme permanent et sont invits prendre soin deux-mmes, car eux aussi sont souvent vulnrabiliss. Leur peur diminue et le patient en ressent tous les bienfaits. Les bnvoles, quils soient patients ou proches, se trouvent souvent renforcs et rconforts par leur posture active vis--vis du trouble. Le fait daccueillir lautre, de partager son exprience, est sans aucun doute utile aux patients et aux proches. La dimension stabilisatrice apporte par la posture daccueil et daide joue un rle essentiel dans le processus de rtablissement du bnvole lui-mme concern par la maladie. Un certain nombre de proches et de patients deviennent des experts de leur trouble ; ils transmettent via leur propre vcu toute leur exprience autour de la maladie. Les patients confronts des gens qui savent leur souffrance et qui ne les jugent pas, trouvent des recettes utiles dans les propos changs. Propos que chacun peut sapproprier progressivement suivant son rythme. Le soutien rencontr dans les associations dusagers permet ceux-ci de redevenir des acteurs part entire, notamment en sortant de la passivit dans laquelle peut parfois enfermer lattente de soins mdicaux. Aftoc (association dusagers patients et proches concerns par un trouble obsessionnel et compulsif). La rencontre des patients mais aussi des proches avec des bnvoles en voie de rtablissement contribue faciliter une dmarche de soin ou de thrapie, notamment en rpondant aux questions que le malade peut se poser. Le tmoignage du vcu de la maladie des personnes rtablies redonne confiance dans une possibilit de rtablissement. Par ailleurs, le rle des associations dusagers est dinciter le malade prendre une part active son rtablissement. Les associations cherchent mettre en valeur tout ce qui est sain chez la personne et qui va laider optimiser sa gur