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N° 2958 DU 23 OCTOBRE 2010 LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE Entretien Christophe Penot PAGE 10 Destin de marins EMPREINTES INOXYDABLES Entraînement Exocet Cassard et Forbin évalués PAGE 24 Traditions Point à la Ligne PAGE 34 3:HIKLNJ=[UWYUV:?c@t@p@i@a; M 01396 - 2958 - F: 2,40 E

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EntretienChristophe Penot PAGE 10

Destin de marins

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�3

ÉDITORIALSOMMAIRE

C’est le matin, on s’affaire, dansles villes et dans les portsEt dans les ports, on est déjàloin des rumeurs de la ville

On est en partance, pour un jour... pourun moisOn est en partance, l’esprit déjà tenduvers la haute merPour aller où ?Pour vivre quoi ?Pour vivre le métier de marin...

Marin... homme venu de la terre face à la mer qui l’appelle, face à la mer qu’il redouteRelever le défiSe décider à s’aventurer loin des côtesCommencer alors un éternel apprentis-sage : jour après jour, le geste se polit,le coup d’œil s’aiguise, l’équilibre s’acquiertL’homme s’affirme à force d’expériencetoujours renouveléeApprendre à faire du vent son complice,à faire de la mer sa voie royaleAinsi naissent les marins...

La mer ne s’apprend qu'en merIl va falloir du courage, de la ténacité,des efforts infinisLa mer est exigeante pour ceux qui la défientAller jusqu’au bout de ses forces, subirl’injustice, faire taire sa révolteApprendre la modestie, ne pas sortirvaincuDevenir humble et fier à la foisAinsi se forgent les marins...

Rester vigilant, veiller... inlassablementLe beau temps n'est qu’une trêveObserver le ciel, scruter la mer, écouterson bateau, ne pas se faire surprendreAlors il faut veillerAlors il faut durerIl faut veiller pour que les autres dorment... et dormir vite

Et puis veiller encoreLa ronde des quarts s’égrène... interminablementAinsi vivent les marins...

Bateau dérisoire sur la mer infinieBateau de guerre sur la mer pacifiéeEt pourtantÀ bord, des marins sont à l’œuvre, ils font équipageIls veillentLes autres pêchent les trésors de la mer ou emportent les richesses de la terreIls veillent pour que ceux-là arrivent à bon portIls sont là, toujours et partout, pour prévenir toute menace, pour préserverla liberté des mersIls sont, avec les autres, tous venus de la terreOn les appelle les gens de mer.

CF(R) Pierre Dubrulle

APERÇU 4Remorquage en haute mer

A ZIMUTS 6

DESTINS DE MARINS :EMPREINTES INOXYDABLES PAGE 8

PASSION MARINE

ENCART 19Le commando Kieffer

INFO ACTUS 24Exocet 2010 : entraînement à la lutte au-dessus de lasurface • Escadron de transformation Rafale : desmarins au cœur de la mutualisation • YM Uranus :chronique d’un sauvetage • Jack Lang à bord de lafrégate De Grasse • La frégate Forbin admise enservice actif

CHRONIQUE DU PERSONNEL 30Hommage aux mousses : ils ont dit… • IGeSA : unséjour gratuit pour les blessés en opérations extérieures• Mobilité professionnelle : un nouveau dispositif

DANS NOS PORTS 32David Hallyday allume le feu chez les fusiliers marins !• Toulon : Jacques Perrin dans la peau d’un marin •Saint-Mandrier : fin de formation pour 40 mousses •Lorient : sortie inhabituelle pour le Tigre • Octobre1915 : la Marine au secours de 4 100 arméniens •Brest : présentation au drapeau à l’École des mousses

HISTOIRE 34Passage de l’équateur : point à la Ligne !

ÊTRE COMBATIF 36Monaco Raid : les marins du BMP sur le podium •SM Le Breton, espoir de la voile française

ESPACE LECTEURS 37

TEMPS LIBRE 38Marins en guerre : de glorieux anciens

BI-MENSUEL DE LA MARINE NATIONALE

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4�COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010

APERCUdans la quinzaine

APERCUdans la quinzaine

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010 �5

REMORQUAGE ENHAUTE MERLe vendredi 8 octobre, dans lasoirée, le remorqueur de hautemer Abeille Bourbon remorqueà petite vitesse le chimiquierYM Uranus vers Brest. Durantl e trajet, l’équipe d’évaluation et d’intervention restée à bord suit en permanence la situation du navire.Ce navire maltais de120 mètres avait signalé dansla matinée au Cross Corsenqu’il était en grande difficulté enraison d’une importante voied’eau, probablement due à unecollision avec un cargo vraquier.L’équipage, sain et sauf, a été treuillé puis transféré sur la base d’aéronautiquenavale de Lanvéoc-Poulmic.

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6�COLS BLEUS�N°2958� 23 OCTOBRE 2010

Azimuts

DEPLOYES

OCÉAN INDIENAconit, De Grasse (Atalanta), Dupleix (Enduring Freedom),Floréal (Atalanta),Cdt Bouan (Enduring Freedom), Somme

ATLANTIQUEBeautemps-Beaupré (Hydro),Siroco (Corymbe 104)

MÉDITERRANÉEÉridan, Capricorne,La Fayette, Surcouf (Medor)

PACIFIQUEPrairial (ZEE Polynésie française,Mission 2010.2)Vendémiaire

APPROCHES FRANCAISES

FAÇADE ATLANTIQUEAltair, Aramis, Laplace, Monge,Perle, Rubis, Styx

MANCHE/MER DU NORDÉlan, Céphée, Vulcain

MÉDITERRANÉEAméthyste (Agapanthe),Émeraude, Meuse (Agapanthe), Tourville (Agapanthe)

OCÉAN PACIFIQUEJacques Cartier (ZEE Nouvelle-Calédonie),Jasmin (ZEE Polynésie française), La Moqueuse (ZEE Nouvelle-Calédonie),La Railleuse (ZEE Polynésiefrançaise), Maroa

HYDROMission de travaux hydrographiquesayant pour but de cartographier les zones terrestres et littorales en Atlantique.

CORYMBEMission de permanence opérationnelle dans la zonedu golfe de Guinée.

Au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engin (SNLE) en patrouille permanente

PRINCIPALES MISSIONS HORS EAUX TERRITORIALES

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COLS BLEUS�N°2958� 23 OCTOBRE 2010�7

AU PORT-BASE

DAKARSabre

DJIBOUTIDague

NOUVELLE-CALÉDONIELa Glorieuse

LA RÉUNIONAlbatros, La Grandière, La Rieuse, Nivôse

GUYANELa Capricieuse, L’Audacieuse, Mahury,Organabo

BRESTAlcyon, Aldébaran, Andromède, Antarès,Argonaute, Belle Poule, Borda, Buffle,Cassiopée, Cdt Blaison, Cdt L’Herminier,Chacal, Croix Du Sud, Églantine, Étoile,Georges Leygues, Glycine, GrandeHermine, Guépard, Jaguar, L’Aigle, LaPérouse, Latouche-Tréville, La Motte-Picquet, Léopard, Lion, LV Lavallée, LV LeHénaff, Lynx, Malabar, Mutin, Panthère,Pégase, PM L’Her, Primauguet,Sagittaire, Tenace, Thétis, Tigre

BAYONNEAthos

TOULONAchéron, Ailette, Arago, Bélier, Bison,Casabianca, Cassard, Cdt Birot, Cdt Ducuing, Charles de Gaulle,Chevalier Paul, Chevreuil, Courbet,Esterel, EV Jacoubet, Forbin, Foudre,Gazelle, Germinal, Grèbe, Guépratte,Hallebarde, Jean Bart, Jean de Vienne,Jonquille, Luberon, Lyre, Malin, Marne,Mistral, Montcalm, Orion, Pluton,

Rapière, Saphir, Taape, Tonnerre, Var

CHERBOURGAcharné, Coralline, Cormoran, Pluvier, Flamant, Géranium, Glaive

TAHITIDumbéa, Dumont D’Urville, La Tapageuse, Revi, Manini

ANTILLESMaito, Violette, La Gracieuse, Ventôse

SAINT-PIERRE-ET-MIQUELONFulmar

Cartographie en date du 18 octobre 2010.

CHERBOURG

BREST

BAYONNE

TOULON

ENDURING FREEDOMOpération de lutte contre les réseaux terroristes et trafics illicites dans le nord de l’océanIndien.

ATALANTAOpération de l’Union euro-péenne de lutte contre la piraterie maritime dans legolfe d’Aden et l’océan Indien.

AGAPANTHEÉléments précurseurs d’Agapanthe. Déploiement en mer Méditerranée,océan Indien et golfe arabo-persique,en soutien des opérations en cours.

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PASSIONMarine

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�9

«Marin, homme venu de la terre face à lamer qui l'appelle, face à la mer qu'ilredoute / Relever le défi / Se décider às'aventurer loin des côtes», écrivait Pierre

Dubrulle, ancien officier devenu le « Monsieurcinéma» de la Marine pendant plus de trois décen-nies. À ces écrits poétiques, la nouvelle directiveédictée cette année par les autorités de la Marinenationale quant aux finalités du métier de marind’État répond de façon plus dogmatique : «Êtremarin, c’est être combatif. En tout lieu et en touttemps, le métier de marin demande un niveau d’exi-gence élevé. Nul ne peut se contenter de vivre surses acquis. Au contraire, il faut être capable de faireface».Marin d’État : plus qu’un métier, un état d’esprit quis’est forgé à travers les générations. En s’intéres-sant à un livre hommage dédié à une école « fabri-quante » de marins valeureux ainsi qu’à des per-sonnalités emblématiques du monde maritime, ColsBleus raconte dans ce numéro des destins demarins à l’empreinte inoxydable. Qu’il s’agisse desmousses, du commandant Philippe Kieffer, de l’aca-démicien Jean-François Deniau, de l’explorateurPaul-Émile Victor ou du navigateur Éric Tabarly, leurexpérience dans la Marine a forgé leur caractère et,souvent, infléchi la courbe de leur destin.«L’homme s'affirme à force d'expérience toujoursrenouvelée / Apprendre à faire du vent son com-plice, à faire de la mer sa voie royale / Ainsi naissentles marins», écrivait également Pierre Dubrulleavant de conclure avec emphase : «À bord, desmarins sont à l'œuvre, ils font équipage / Ils veillent/ Les autres pêchent les trésors de la mer ouemportent les richesses de la terre / Ils veillent pourque ceux-là arrivent à bon port / Ils sont là, toujourset partout, pour prévenir toute menace, pour pré-server la liberté des mers / Ils sont, avec les autres,tous venus de la terre / On les appelle les gens demer».

DOSSIER RÉALISÉ PAR STÉPHANE DUGAST

DE GAUCHE À DROITE: L’IDOLE DES HOULESÉRIC TABARLY, L’ÉTERNEL COMBATTANT JEAN-FRANÇOIS DENIAU ET L’HOMME DES PÔLES PAUL-ÉMILE VICTOR, TROIS DESTINSIMPRÉGNÉS PAR LA MARINE ET LES OCÉANS.

DESTINS DE MARINSEMPREINTES INOXYDABLES

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10�COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010

PASSIONMarine

Christophe Penot, vous venez de réaliser un ouvragedédié aux mousses et à leur école, comment vous enest venue l’idée ?L’idée n’est pas de moi mais du capitaine de vais-seau Bernard Riou. C’était en juin 2008, à l’époquede la sortie des Chevaliers de la mer, livre que j’aiconsacré à l’École navale. Bernard Riou allait quit-ter son rôle de « veuve » pour prendre le comman-dement du Centre d’instruction naval (CIN) de Brest.Parmi ses missions figurait, évidemment, la réou-verture de l’École des mousses, fermée depuis 1988.« Cette École des mousses a une telle histoire, m’ex-pliqua-t-il. Elle représente tellement la Marine ! Jevois déjà le livre que vous pourriez écrire… » Sur leprincipe, j’ai immédiatement acquiescé. Moi aussi jevoyais déjà le livre que nous pourrions écrire. J’aiservi dans la Marine pendant mon service national.J’ai eu le bonheur de porter le pompon rouge. Enclair, j’étais paré !

Comme votre précédent ouvrage, s’agit-il d’un livre

Éditeur d’art et écrivain, Christophe Penot est l’auteur d’ouvrages sur la Marine, dont le plusrécent, intitulé La Gloire des mousses, va paraître en novembre. Observateur attentif de la vie des marins, illustres ou anonymes, cet homme de lettres pose un regard forcément éclairant sur le monde maritime. Explication de textes.

« DES MARINS ET DES HOMMES »

d’entretiens faisant la part belle à des témoignagesde marins ?Oui, parce que j’aime beaucoup cette formule quej’ai utilisée pour la première fois en 1996, en recueil-lant la mémoire de Pierre Chany (1). Car mon premiersouci est celui-là : recueillir la mémoire d’un homme,pour que sa trace et son savoir ne soient jamaiseffacés. Dans le cas présent, le livre commence parun chapitre historique pour bien replacer cette réou-verture dans un contexte plus large qui est celui del’aventure maritime. Puis le récit laisse place auxentretiens, c’est-à-dire aux hommes. Je pense sou-vent au mot de Gorki : « L’homme ! C’est magnifique !Cela sonne fier ! » Ce mot correspond parfaitementà l’idée que je me fais du marin : un homme avecses défauts, comme tout le monde, mais qui portecependant un côté magnifique. Il suffit de songer à Oli-vier de Kersauson, au vice-amiral d’escadre OlivierLajous, au contre-amiral Hervé Vautier, au comman-dant du Belem Yann Cariou : tous entretiennent unrapport puissant, magnifique et fier avec la mer. Ils

s’y sont tellement bien frottés qu’ils ont fait des car-rières exemplaires, dont on trouve l’écho dans celivre.

Comment sélectionnez-vous vos interlocuteurs ?Quelles sont les étapes de votre travail d’investiga-tion ?Pour moi, seul l’intérêt du livre commande. Doncl’idée qui prime est de présenter des grands témoinsqui sont à la fois des hommes de caractère et deshommes complémentaires, afin qu’ils apportent tousun éclairage supplémentaire sur l’École des mousseset le métier de marin. Au total, ils sont 18 grandstémoins, tous prestigieux, qui répondent tous à desquestions différentes. Ce qui permet d’obtenir unlivre très profond, avec des réflexions passionnantessur la vie des hommes et des femmes qui partent enmer dans l’idée de servir la nation qui a quand mêmedonné au monde François-René de Chateaubriand etJean-Baptiste Corot.

Avez-vous rencontré des difficultés dans l’élabora-tion de cet ouvrage ?Il n’y a jamais de difficulté, car je travaille toujours enparfaite confiance avec mes interlocuteurs. Je lesécoute longuement, dans le souci de les comprendreau mieux, avec leurs aveux et leur non-dits. DansLes Chevaliers de la mer, l’amiral Forissier posaitcette question fondamentale : « Comment deviner lavie des marins, qui est en soi indescriptible ? » Ehbien, de livre en livre, j’essaie justement de rendre cesvies de marins plus compréhensibles, plus percepti-bles et plus lumineuses.

À la lumière des 18 entretiens menés, que retenez-vous de l’École des mousses ?Qu’elle est effectivement à la hauteur du titre de monouvrage : La Gloire des mousses. Car il y a une gloireet une leçon dans la condition du mousse : appren-dre pour s’améliorer et pour faire de sa vie une œuvredigne. C’est d’ailleurs ce que dit Bernard Giraudeau,le premier des grands témoins que j’ai rencontrés, etqui nous laisse ici un émouvant témoignage. Je saisque s’il était encore parmi nous, il serait très fier dela promotion dont il a été le parrain.

Vos trois derniers ouvrages s’intéressent à la Marinenationale et à ses acteurs, que vous fréquentez désormais assidûment. Quelles sont les valeurs dumarin selon vous ? Est-il si différent d’un terrien ?C’est justement l’une des questions que j’ai posées àl’amiral Forissier au cours de notre entretien ! Saréponse ? « Ce n’est pas l’homme, ce n’est pas lemarin ; c’est la mer qui est différente. » Une réponse

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�11

Le marin navigateur Éric Tabarly, le marin académi-cien Jean-François Deniau ou le marin explorateurPaul-Émile Victor… Cols Bleus s’est intéressé pource numéro à des marins au destin exceptionnel. Quevous inspirent ces personnages qui ont fréquentéde près ou de loin la Marine nationale ?J’aime beaucoup le portrait d’Éric Tabarly que safemme, Jacqueline, a bien voulu tracer dans Les Che-valiers de la mer : « Un yéti, une silhouette mal à l’aiseà terre, mais un lion de mer qui s’avérait d’une forceet d’une agilité insoupçonnables dès qu’il posait le piedsur un bateau ! » Pour Paul-Émile Victor, ne l’ayantjamais croisé, je parlerais seulement de ses des-sins : ils m’ont toujours fait penser à l’œuvre gra-phique de Saint-Exupéry, beaucoup de poésie, beau-coup de tendresse… J’imagine que cet homme rudes’était apaisé loin de la civilisation. Enfin, j’ai regrettéque le temps ne nous permette pas, mon épouse etmoi, d’éditer Jean-François Deniau. Nous lui avionsproposé d’écrire sur les paysages ligériens. Sa mala-die a mis fin à ce projet.

Si vous deviez résumer en un aphorisme, un pro-verbe ou trois mots le marin et sa condition, quelsseraient vos bons mots ?« Des bateaux et des hommes ». C’est d’ailleurs lenom de la collection que nous lançons avec MichelBez, Peintre officiel de la Marine, et c’est pour moi lesynonyme de belles promesses. Promesses d’ail-leurs, avec la mer. Promesses de rencontres, surtout.Pas plus que je ne me lasse de lire un bon livre ou deregarder un grand peintre, je ne me lasse jamaisd’écouter des marins. �

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUGAST

(1) Journaliste sportif (1922-1996), considéré comme l'une des meilleuresplumes du quotidien L'Équipe.

que je complète aujourd’hui avec cette remarqued’Éric Hussenot, le fondateur d’Océanopolis :« L’homme, capable d’araser des montagnes ou capa-ble de marcher sur la lune, ne sait toujours pas mesu-rer exactement la profondeur de la fosse desMariannes ! » C’est, à mon sens, parfaitement expli-quer la différence qui existe entre la terre et la mer.Et j’imagine que cette différence finit, peu ou prou, partrouver sa traduction dans les êtres. Il y a chez lesmarins qui écrivent une sensibilité, une mélancolietrès personnelle que toute l’œuvre de Pierre Lotiillustre abondamment. On trouve aussi cette mêmesensibilité chez Chateaubriand. Quand il mande àMadame de Staël, dans une phrase parfaitementcadencée : « Savez-vous, illustre dame, qu’il y a uncertain oiseau noir qui se montre sur la mer au tempodes orages… », ce n’est évidemment pas l’hommepolitique qui parle, c’est l’ancien voyageur qui a tra-versé l’Atlantique, c’est le fils d’un vieil armateurmalouin.

L’idée que je me fais du marin ? C’est un hommeavec ses défauts, comme tout le monde, mais qui porte cependant un côté magnifique.»«

À LIRELa Gloire des Mousses de Christophe Penot,réalisé avec la complicité des photographes dela Marine et de Michel Bellion, Peintre deMarine (Cristel éditions).

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12�COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010

PASSIONMarine

Silence de plomb sur l’esplanade de l’École navale.En ce 21 juin 1998, un office religieux est célé-bré en l’honneur d’un marin d’exception : ÉricTabarly. Ultimes mots d’adieu de sa femme Jac-

queline : « Mon mari aimait beaucoup, passionnémentla France, la mer, les bateaux. Et il était très fier d’avoirservi la France, la mer et les bateaux, dans cette armequ’est la Marine et qui était sa deuxième famille ». Lesyeux embués, les plus émotifs serrent les mâchoires.Devant une assistance pétrifiée, l’épouse fidèle et

Plus de trois décennies à sillonner les mers du monde. Un talent de marin incommensurable. Ungénie visionnaire dans le monde de la course au large. Un esprit avant-gardiste en matièred’architecture navale. Une ribambelle de chevauchées océaniques à la barre de ses six voiliers decourse Pen Duick, devenus légendaires. Des générations de marins marquées par sa science de lanavigation et sa philosophie de vie. Douze ans après sa disparition, l’empreinte d’Éric Tabarly estinoxydable.

L’IDOLE DES HOULES

attentionnée poursuit sans ciller : « La mer n’est pasméchante. La mer l’a pris. Elle ne l’a pas volé ».Son mari aimait les océans. Une semaine aupara-vant, c’est en mer qu’il a disparu. Au large de l’Ir-lande, pendant le convoyage de son bateau fétiche. Unenuit sombre. Une mer formée. Un vent fraîchissant.Une voile trempée à envoyer. Des lames scélératesaccrochant la bôme. Des vagues perfides faisant bon-dir Pen Duick. Soudain, un coup de roulis prononcé.Une violente rafale à contresens. Une corne claque à

hauteur de poitrine. Choc et fracas : le skipper tombeà l’eau. Stupeur. Instants suspendus. Une voix faiblese perd dans le lointain. « Pas un cri, des mots… unseul mot ou plusieurs », selon Erwan Quéméré, l’amiphotographe embarqué à la manœuvre. Puis le silence.Pesant et éternel.Les recherches désespérées de l’équipage, jusqu’aupetit matin, seront vaines. Aucune silhouette à l’ho-rizon. L’eau est à 11°C. À minuit et quart, en mer d’Ir-lande, 51°18’N – 5°53’W, l’océan a englouti l’un de

DESTINS DE MARINSÉRIC TABARLY (1931-1998)

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�13

ses plus fidèles disciples. Éric Tabarly n’est plus. PenDuick, son fameux cotre noir, est orphelin.Le grand public est sous le choc. Le monde de lavoile perd l’un de ses plus grands connaisseurs. LaMarine perd l’un des siens. Désormais, seul le ventsèchera les larmes. Seul le soleil apaisera le cha-grin. En ce 21 juin 1998, la foule est inconsolable àLanvéoc-Poulmic. Mêmes sentiments à Brest, enBretagne et à l’intérieur des terres. Le pays pleure unnavigateur emblématique. La France pleure un marin.La France pleure son marin.

Tabarly et Pen Duick, à la vie, à la mortPen Duick : un cotre noir séducteur long de17 mètres. Entre lui et Tabarly, une « union à la vie,à la mort », selon sa fille Marie. Pen Duick : celui oùtout finit et celui par où tout a commencé. Un bateaufamilial racheté un soir d’automne en 1952(30 000 francs de l’époque). Et une promesse faitepar Éric à son père Guy de lui payer sa dette grâceà sa solde d’engagé dans la Marine.Février 1953, Éric Tabarly, tout juste 22 ans, estincorporé. Deux mois de classe à Hourtin pour lematricule 5716-T53, afin d’y apprendre les rudi-ments militaires. Affectation de courte durée à Saint-Mandrier, au centre de sélection des élèves pilotes.Dans la foulée, direction l’École de la marine à Khou-ribga, au Maroc.L’élève pilote Tabarly débute sa carrière militaire ausein de la flottille 51S en septembre 1953. Il fait sesgammes sur Stamp, un avion de voltige aérienned’origine belge. Aguerrissement sur SNJ, un mono-plan version Marine du T6 américain. L’apprentis-sage est fastidieux. Les cours denses. Les sorties peunombreuses. La base aéronavale est située en pleinbled. Peu de loisirs et de fantaisies. De surcroît, lasolde d’appelé de durée légale est maigre. Ils sont fina-lement dix élèves à sortir du stage de Khouribga,dont Éric Tabarly.Août 1954, affectation au centre d’entraînement d’Aga-dir pour un stage de perfectionnement. Stage à la 28Fde six mois sur bimoteur Beechcraft. Promu secondmaître en décembre 1954, l’élève Tabarly reçoit sonbrevet et son macaron. Tabarly est désormais pilote surLancaster, un quadrimoteur puissant de 1 250 ch àhélices. Première solde complète. Premières économiespour Pen Duick. Le rêve prend forme.À la fin du stage, le second maître Tabarly rallie unposte à Saigon. La mystérieuse Asie. L’Indochine.Plus que le voyage, la solde double est l’une de ses

principales sources de motivation. Il faut restaurer PenDuick qui pourrit sur un quai. Les vols s’enchaînent.Plus de 1 000 heures : missions de transport detroupes, de patrouille maritime ou de repérages dezones de saut pour les parachutistes. Tabarly devientun pilote confirmé, capable de maîtriser aussi bien unavion d’instruction léger qu’un puissant quadrimoteur.L’appel du large demeure, néanmoins, de plus en plusimpérieux. La mer et les bateaux sont sa passion. Lesecond maître pilote se décide à préparer le concoursd’entrée à l’École navale. Premier échec. Retour enmétropole sur la base de Lann-Bihoué. Les permis-sions permettent d’entamer des travaux sur PenDuick. Et de naviguer. L’année suivante, Éric Tabarlyréussit finalement le concours. Il a vingt-sept ans.

Une seule passion : la voilePromotion École navale 1958 : l’aspirant Tabarly estl’un des plus anciens et des plus sportifs. En courseà pied, il excelle. En demi-fond, ses chronos sont

remarqués. Son sport favori reste pourtant la voile.Les jeudis après-midi, traditionnellement consacrésà la pratique d’une activité sportive, Tabarly et descamarades naviguent. Une activité peu prisée dudirecteur des études qui préférerait voir son élèveathlète disputer les cross pour défendre les couleursde l’école.Malgré des jours de « chibi » (1) et la non-attributiondu prix de sport, l’intéressé resté fidèle à sa pas-sion. Son voilier est amarré sur le plan d’eau de l’écolequi lui octroie malgré tout quelques faveurs. Horairesaménagés pour lui et quelques fidèles lors des sor-ties du week-end. À l’École navale, Pen Duick devientune mascotte. Camarade de promo, l’amiral ChristianRouyer n’a rien oublié de cet élève atypique : « Éric étaitdéjà habité par la passion unique de Pen Duick. Toutesa solde passait dans la restauration du voilier. Il étaitun élève extrêmement pointu en navigation, manœu-vre, météo et sport. En maths et en physique parcontre… Je l’ai même vu hésiter à se présenter à

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PASSIONMarine

une colle de maths en se demandant avec humour sila note qu’il pourrait obtenir valait la peine de traversertoute la cour de l’école ».Été 1959, fin de la première année. Le cas Tabarly faitcouler beaucoup d’encre. Son parcours chaotiqueinquiète sa hiérarchie. La note du commandant n’estévidemment pas la meilleure. L’élève féru de voile està la source de profonds différends entre les officiersde l’état-major. Tabarly frôle le renvoi. Deux marins vontlui sauver la mise. « Pour une fois que nous avons unofficier qui aime la mer, on ne va tout de même pas lemettre à la porte ! », assène le lieutenant de vais-seau Noetinger devant le jury. Le capitaine de corvetteJaouen, alors officier de manœuvre, appuie cet avis :« Grâce à Tabarly, la plupart de nos élèves ont comprisle rôle du vent, des courants et se sont amarinés. Lapromotion 58 est la plus « boulinarde » qui soit ». Lejeune officier peut poursuivre son apprentissage.Été 1960, fin des cours. Éric Tabarly finit dernier desa promotion. Il a vingt-neuf ans.

Autour du monde avec la JeanneCampagne d’application du croiseur Jeanne d’Arc1960-1961 pour l’élève officier Tabarly. Un demi tourdu monde. D’abord l’Atlantique nord, en direction desAntilles. Quelques escales dans le golfe du Mexique. Lecanal de Panama. Descente le long de la côte ouest del’Amérique du Sud pour atteindre le détroit de Magel-lan. Remontée ensuite vers le Brésil avant de traver-ser une nouvelle fois l’Atlantique et de faire escale àDakar, au Sénégal. Incursion en Méditerranée jusqu’enmer Noire pour admirer Istanbul. Enfin, dernier détourpar Venise puis Alger avant de rejoindre Brest.De ces huit mois de campagne d’application, l’en-seigne de vaisseau Tabarly garde à coup sûr d’excel-lents souvenirs. Celui de « la galère » en fait partie. La« galère » est une grosse chaloupe à voile de la Jeanned’Arc mise à l’eau (selon une tradition maritime)100 miles avant d’arriver en escale. À son bord, unedizaine d’élèves officiers, du matériel de sécurité et de

navigation pour rejoindre à la voile le prochain port d’es-cale du groupe d’application. L’enseigne de vaisseauTabarly est désigné avec neuf de ses camarades pourrejoindre les Saintes, aux Antilles, à bord de la« galère » poussée par les alizés. L’équipage rejoint leport quelques heures après l’accostage de la Jeanned’Arc. Lors des escales suivantes, d’autres élèvesauront beaucoup moins de sens marin…Retour à Brest le 8 juin 1961. Guy Tabarly a réservéune surprise à son fils : Pen Duick vient tirer desbords le long de la coque grise de la Jeanne. Le filsest ému. Fin de la formation pratique, permissions,navigations sur son Pen Duick et première affectationsurprise : Cherbourg, dragueur de mines Castor, offi-

cier en second. « Je m’attendais à continuer dansl’aéronavale », concède Éric Tabarly. Son voilier PenDuick mouillera devant le yacht club de Cherbourg.Si sa passion pour la voile lui vaudra une nouvelle foisde connaître les arrêts, le jeune officier navigue pen-dant tous ses temps libres. C’est pour lui un plaisir,une passion et une raison de vivre. Tout en poursui-vant son affectation, l’EV Tabarly forme un vœu : par-ticiper à la seconde édition de la course transatlan-tique en solitaire, une compétition phare, courueentre l’Angleterre et les États-Unis. Départ prévu enmai 1964. Compte à rebours déclenché. Pen Duickn’est pas taillé pour cette solitaire. Il faut construireun nouveau voilier manoeuvrable seul. Le chantierPen Duick II est lancé.

Lorient et le Pen Duick IIEn pleine préparation, une nouvelle affectation vienttroubler la sérénité d’Éric Tabarly. Ordre lui est intiméde rejoindre la base de Bizerte, en Tunisie. Le coup estrude. L’avenir s’obscurcit. Son « pacha » à Cherbourgdécide néanmoins de plaider son cas devant les hautesautorités. Veto parisien. Réponse cinglante des ges-tionnaires au jeune officier : « Vous n’êtes pas dans laMarine pour faire de la voile. Cette affectation en Tuni-sie vous fera le plus grand bien dans votre formationd’officier ».Le salut viendra finalement d’un homme : le capitainede vaisseau Kerviller, en charge des sports de laMarine, auteur d’un traité de manœuvre et grandamateur de voile. Lui et Tabarly ont déjà naviguéensemble lors d’un convoyage. Kerviller est sensibleà la cause du jeune officier et promet de l’aider. C’estchose faite. Une nouvelle affectation tombe le 6 mars1963 : Lorient, commandant de l’Edic 9092. La Trinité, lieu de construction de son nouveau voilier,est toute proche : Tabarly est aux anges. Cette affec-tation va lui permettre de poursuivre la préparationde son nouveau voilier.À terre, les autorités de la Marine vont désormais semontrer plus compréhensives. Pen Duick II est trans-féré dans l’arsenal de Lorient pour les dernières fini-tions. Impossible toutefois pour l’officier de participerà la course autour du monde, trop longue, sur sesseules permissions ou de poser des congés sanssolde à cause des dettes contractées. Un ordre demission sera finalement édité pour la durée de laTransat, pour le plus grand bonheur de l’intéressé. « Jeserai éternellement reconnaissant à la Marine »,écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires du large.L’enseigne de vaisseau Tabarly quitte son comman-dement le 2 mai 1964. le 23, il est à Plymouth, piaf-fant d’impatience sur les pontons. Il a bientôt 32 ans.Il va dès lors écrire les plus belles pages de l’histoirede la voile. Si rares seront les militaires à pouvoirjouir d’une telle liberté dans l’exercice de leur métier,rares sont ceux de la trempe de Tabarly. Marin réso-lument hors norme et inclassable. Figure embléma-tique devenue icône, Éric Tabarly a transmis sa pas-sion de la mer au grand public. Contre vents etmarées, « l’idole des houles » a montré, aux marinscomme aux terriens, l’intérêt de se tourner vers legrand large. �

STÉPHANE DUGASTD’APRÈS UNE ENQUÊTE DU LV OLIVIER LEBOSQUAIN

(1) Prison de l’École navale.

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Ses nombreuses pérégrinationsà travers la planète, sa carrièred’homme politique et dediplomate, son savoir-fairereconnu de médiateur etnégociateur, ses talentsd’écrivain, son sens inné de lacommunication et son aura enfont l’une des figuresincontournables de laVe République. Sur terrecomme en mer, Jean FrançoisDeniau a croqué la vie àpleines dents.

«La terre est ronde » écrivait-il. Il l’a quitté le24 janvier 2007. La Marine a perdu l’un deses fidèles. Pourtant, Jean François Deniaun’a jamais fait carrière dans la Marine natio-

nale. L’énergumène est même un drôle de marin.« C’est un marin. Pas un marin de plaisance. Ni unmarin de commerce. Mais un marin de rêve et decourage à la poursuite de son rêve et de son Graal »,confirme Jean d’Ormesson, écrivain et ami d’enfance.Jean François Deniau a donc été un amoureux desocéans, sa source d’inspiration. Toute sa vie, il a chérila mer. Féru de bons mots salés, l’homme a été éga-lement un fou de navigation au point de multiplier lestraversées et de décider brutalement de franchir l’At-lantique à la voile en 1995… après un triple pontagecardiaque et une intervention au poumon ! En guise dethérapie : « L’air du large. La responsabilité de la barre.La liberté. L’océan. »

Boulimique de la vieL’océan est son jardin. L’Atlantique est mon désert, pré-férera-t-il titrer lorsqu’il couchera les mots de cetteaventure sur le papier. Au terme de cette folle équipée,la Marine lui réservera un accueil semblable à celuid’un vainqueur d’une course transocéanique. Son arri-vée dans les Antilles est un triomphe sur la maladie. Etune leçon de courage. Ni étoile argentée, ni galon doré

sur sa veste mais le respect de toute une institution.À terre, Jean François Deniau est également un bou-limique de la vie. Tour à tour homme politique sanslangue de bois, diplomate culotté, grand reporter ins-piré, baroudeur invétéré, écrivain reconnu et chan-tre infatigable des droits de l’Homme, il a arpenté laplanète et ses points chauds. Rien ne prédestinait apriori cet enfant issu de la bourgeoisie provinciale àmener une vie aussi mouvementée.Né à Paris le 31 octobre 1928, Jean François Deniauvit une enfance sans histoires à Granville, bercée déjàpar des récits rocambolesques dont celui de la tra-versée de sa mère et sa grand-mère entre la lointaineAustralie et l’Angleterre. Son père décède alors qu’ila huit ans. C’est « Madame Mère » qui fera autoritéà la maison sur ses deux filles et ses deux garçons.Études au lycée Pasteur de Neuilly, puis à l'écoleSainte-Geneviève. Jean François Deniau a 17 ans à laLibération. Trop jeune pour courir les maquis, c’est plu-tôt par son frère Xavier (futur député et ministre luiaussi) qu’il a vécu la guerre, par procuration.

De l’Indochine au traité de RomeC’est à la Sorbonne qu’il mène ensuite des études degéographie et d’ethnologie. En 1949, sur l’invitation deson frère Xavier, il se rend en Indochine. Dans la moi-teur de la jungle ou dans la chaleur des villages, le jeune

L’ÉTERNEL COMBATTANTJEAN FRANÇOIS DENIAU (1928-2007)

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PASSIONMarine

étudiant apprend la vie et l’action. C’est cependantsur les bords du Mékong qu'il passe l’écrit du presti-gieux concours de l’École nationale d’administration.Malgré une préparation peu orthodoxe, il réussitl’ENA : reçu cinquième !Une nouvelle vie démarre. Nommé inspecteur desFinances, le fonctionnaire, d’emblée anticonformiste,se passionne pour les questions européennes, undomaine alors jugé dévalorisant. Lui fonce tête bais-sée : première expérience en 1950 dans la Répu-blique fédérale d’Allemagne, puis à Bruxelles. En 1957,l’énarque bientôt trentenaire participe à la rédactiond’un texte fondateur de la Communauté européenne :le fameux traité de Rome. « Le seul texte internationaloù il y ait le mot “idéal” », aimait-il à rappeler en plis-sant malicieusement les yeux.Au sein des institutions européennes, il œuvre éga-lement à organiser l'aide aux pays associés du tiers-monde. Durant ses rares temps libres, le bouillonnantfonctionnaire écrit. Publication d’un premier romansous pseudonyme : Le bord des larmes. Succès ful-gurant en librairie, mais l’auteur en reste là. Mordu devoile, le « jeune loup » s’aventure dans des traver-sées plus longues dès que son emploi du temps l’yautorise.

Ambassades et ministèresSon charisme, ses talents et son impertinence sefont remarquer en haut lieu. Première consécra-tion en 1963 : le général de Gaulle le nommeambassadeur à Nouakchott, en Mauritanie. Le voilàplus jeune diplomate français en poste. Retour àParis en 1967 où il devient délégué interministérielà la télévision en couleur, à l’heure où la petitelucarne balbutie encore en noir et blanc. Sa car-rière s’emballe. L’énarque multiplie les postes dansles ministères : secrétaire d'État aux Affaires étran-gères en 1973, puis chargé de la Coopération ;l’année suivante, un poste de secrétaire d’Étatauprès du ministre de l’Agriculture et du Dévelop-pement rural à l'Agriculture s’offre à lui, d’abord

dans le cabinet de Pierre Messmer puis auprès deJacques Chirac. En 1976, il est nommé ambassa-deur de France à Madrid. Torero d’occasion etproche du roi Juan Carlos, son Excellence joue unrôle très actif dans la transition démocratique.Retour l’année suivante à Paris comme secrétaired'État auprès du ministre des Affaires étrangères.Brillant sur l’échiquier national, Jean-François Deniaune s’est néanmoins encore jamais livré au verdict desurnes. Parachutage à Bourges, dans le Berry : fonceur,l’apparenté UDF livre une farouche bataille malgré uncandidat communiste réputé indéboulonnable. Éludéputé du Cher lors des élections législatives de1978, il devient rapidement président du conseilgénéral du Cher puis ministre du Commerce exté-rieur et des Réformes.

En 1981, son ascension politique est néanmoins frei-née. Une vague rose déferle en France. Audacieux,« monsieur le ministre » rebondit : à compter de1982, il devient grand reporter pour le quotidiennational Le Figaro ! Les mots deviennent ses armes.Erythrée, Cambodge, Afghanistan, Kurdistan, Soma-lie, ex-Yougoslavie, Liban ou mer de Chine, avec lesboat people : ses reportages et sa vie lui inspirentses livres et ses biographies.

Immortel et insatiableEn 1992, Jean François Deniau est élu à l’Aca-démie française. Le voilà devenu « immortel » !L’amoureux des océans suit le sillage d’illustresmarins académiciens, officiers de Marine, commePierre Loti (élu en 1891) ou Claude Farrère (en1935). La mer revient alors en force dans sa vie.En 1999, il est élu à l’Académie de Marine, enremplacement d’une figure de proue, tragique-ment disparue en mer : Éric Tabarly.Insatiable malgré une santé fragile, il se met en têtede rassembler les hommes de plume que la mer pas-sionne afin d’assurer un rayonnement maritime auxabonnés absents en France. Opiniâtre et enthousiaste,son idée germe en mai 2003 avec la fondation dugroupe des Écrivains de Marine. L’académicien conti-nue de fréquenter dès qu’il le peut le terrain. Visites,embarquements, comme sur la Jeanne d’Arc lors desopérations d’aide et d’assistance humanitaire aprèsle tsunami en Asie en décembre 2004. Sur le pont d’en-vol du porte-hélicoptères comme dans la moiteur desbureaux de militaires indonésiens dépassés par l’am-pleur de la catastrophe, il continuera coûte que coûtede prêcher la bonne parole, appuyé sur sa canne.En brillant orateur, il ne manquera pas, le soir, decaptiver marins, journalistes et hôtes de marques enleur distillant habilement ses histoires, souvent dansles coulisses de l’Histoire. Jusqu’à son ultime souffle,Jean François Deniau a livré bataille. En combattantfarouche et éternel. �

STÉPHANE DUGAST

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L’HOMME DES PÔLESPAUL-ÉMILE VICTOR (1907-1995)

Toute sa vie, Paul-Émile Victors’est passionné pour les pôles.Ses nombreuses expéditions enArctique comme enAntarctique, son savoir-fairereconnu de logisticien polaire,ses talents d’écrivain et dedessinateur, son sens inné de lacommunication, sa notoriétéet son combat écologiqueavant-gardiste en font l’une des grandes figures del’aventure du XXe siècle.

Pavillon bleu-blanc-rouge en berne. Garde d’hon-neur d’une trentaine de marins, pompons rougessur le crâne. Longue et plaintive sonnerie auxmorts. Le dernier hommage rendu à celui « qui

a été obligé d’interrompre (dé-fi-ni-ti-ve-ment) toutesses activités le 7 mars 1995 à midi » – comme indi-qué sur son faire-part de décès – est celui d’ordi-naire réservé aux marins morts en mer. C’est depuisle Dumont d’Urville que la dépouille de Paul-Émile Vic-tor, enveloppée dans un linceul immaculé, glisse par-dessus bord pour s’enfoncer dans les eaux tièdes etparadisiaques du Pacifique.Vêtus de blanc selon la tradition polynésienne, col-liers de fleurs ceints autour du cou, proches ou amisde Bora Bora ont respecté à la lettre les volontés dudéfunt. Grande figure de l’exploration polaire en Franceet dans le monde, Paul-Émile Victor part ainsi pour sonvoyage éternel.

Enfance à Saint-ClaudeC’est près de Genève, en Suisse, que Paul EugèneVictor (pour l’état civil) naît le 28 juin 1907. Le jeunePaul passe son enfance à Saint-Claude, dans le Jura.Son père Éric Victor y dirige une fabrique de pipes enbruyère et de porte-plumes. Dans la cité jurassienne,Paul Victor poursuit des études appliquées tout ens’adonnant au scoutisme et à la lecture. L’adolescentrêve déjà de Grand Nord et d’îles polynésiennes. Bac-calauréat math-élem-philo en poche, son père l’orientevers des études scientifiques, malgré son goût pro-noncé pour les lettres.Après trois années d’étude à l’École centrale deLyon, il réussit, en 1928, le concours d'entréede l’École nationale de navigation maritime deMarseille. L’appel du large est pressant. Dans lafoulée, il effectue son service militaire dans la

Marine nationale. C’est durant cette période quePaul Victor devient Paul-Émile Victor, suite à l’in-terprétation inattendue de l’initiale de sondeuxième prénom par l’un de ses camarades !Ces expériences de marin à terre ne l’épanouis-sent guère. La désillusion sur le métier est totale.Le quotidien routinier et la stricte discipline necadrent pas avec l’image de marin façonnée parses lectures. Faute de réelles perspectives, l’en-seigne de vaisseau de deuxième classe Victorrevient dans sa région d’origine à la fin de sonservice militaire. Le jeune ingénieur intègre doci-lement l’usine familiale. Pourtant, cette vie necadre pas avec ses aspirations. La soif de décou-vertes et la promesse d’une vie plus exaltée sontpressantes. La décision est inéluctable : quitter

Lons-le-Saunier. Le fils Victor ne sera jamais lesuccesseur de son père. À 26 ans, une nouvellevie s’offre désormais à lui.

Charcot et le Pourquoi Pas ?Fraîchement débarqué dans la capitale, le jeune Juras-sien trouve rapidement sa voie et décide de suivre desétudes d’ethnographie au musée de l’Homme du Tro-cadéro. Une opportunité en or va se présenter à lui :rencontrer Jean-Baptiste Charcot, chantre de l’ex-ploration polaire française. Dès leur première ren-contre, l’apprenti ethnologue saura se montrer convain-cant. Enthousiaste et décidé, Paul-Émile Victor luiexpose son projet d’étudier les Eskimos du Groen-land oriental, découverts seulement 50 ans aupara-vant par l’homme blanc. Rapidement conquis, Char-

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cot accepte d’embarquer le « phénomène » (selonses dires).Le 25 août 1934, l’ethnologue et chef de missionPaul-Émile Victor débarque du navire polaire Pour-quoi pas ?, accompagné de trois compagnons, dansle comptoir danois d’Ammassalik. L’immersion desquatre « Franski » (Français) dans la société eskimoest rapide. Pendant près d’un an, ils multiplient lesvisites, en traîneau à chiens ou en kayak, à la ren-contre des 800 eskimos peuplant cette région sau-vage. Sur ses carnets, le chef de mission poursuitméthodiquement son enquête ethnographique. Il note,écrit et dessine tout ce qui concerne cette civilisationentièrement dédiée au phoque, sa vie matérielle,sociétale et spirituelle.

La traversée du GroenlandEnvisageant de prolonger son séjour d’un an, Paul-Émile doit toutefois se résoudre à rentrer en France.Le virus du monde polaire est toutefois inoculé. Cri-blés de dettes à leur retour, les « quatre du Groenland »enchaînent dîners mondains et conférences devantle tout-Paris. Fin octobre 1935 paraît, en une deParis-Soir, un grand reportage titré : « Douze mois surla banquise ». La carrière d’explorateur médiatiséede Paul-Émile Victor est lancée. Son charisme et sestalents d’orateur, lors de ses premières conférencessalle Pleyel à Paris, feront le reste.Le presque trentenaire décide néanmoins de repar-tir au Groenland pour une expédition audacieuse :traverser d’ouest en est l’immense calotte glaciaire duGroenland. Au menu de cette « Transgroenland1936 » : 4 hommes, 33 chiens, 3 traîneaux,1 500 kilos de matériel et 800 kilomètres à parcou-rir afin d’étudier le plus scientifiquement possible ununivers inhabité parmi les plus hostiles de la planète.Revenu au « pays des hommes » après une intenseexpérience intérieure, Paul-Émile Victor (dit « Wit-tou » par ses amis eskimos) décide de prolonger sonséjour au Groenland oriental. Installé à 250 kilomètresdu village le plus proche, Wittou partage, auprès desa compagne eskimo Doumidia, le quotidien précaireet authentique de sa famille d’adoption.L’ethnographe poursuit sa méticuleuse enquête eth-nologique. Après 14 mois de vie « comme un Eskimoparmi les Eskimos », de multiples voyages en traî-neaux, le scorbut, la faim et d’intenses moments departage, Wittou quitte à regrets ses amis eskimos lorsde la débâcle de la banquise. De retour en France enseptembre 1937, il publie deux récits : Boréal et Ban-quise sont deux succès en librairie.

De la Marine à l’US Air Force1939, la guerre éclate. Mobilisé dans la Marine, l’en-seigne de vaisseau Victor est d’abord affecté à l’am-bassade de France à Stockholm, en Suède. Adjointde l’attaché naval, il devient agent de renseignementet officier de liaison pendant cette « drôle de guerre ».La débâcle et l’invasion allemande vont l’obliger à unretour en France rocambolesque : Moscou, Odessa,Istanbul, Athènes, Gibraltar, le Portugal, l’Espagne puisla France occupée. Les bruits des bottes allemandeset le climat ambivalent l’incitent à quitter la France. Fortde relations avec des politiques en place, il réussit àarracher du gouvernement de Vichy le financementd’une mission d’étude ethnographique en Amérique.

Le 28 octobre 1940, il quitte Marseille et débarqueà Casablanca, au Maroc. Bloqué, faute de bateaux, ily séjourne jusqu’en décembre, avant d’embarquerpour la Martinique. Ayant enfin obtenu son visa grâceà ses relations, il débarque finalement à New Yorken juillet 1941 où il vit un temps en compagnie de l’écri-vain et pilote Antoine de Saint-Exupéry. Tourmentépar le sort de ses compatriotes, il s’engage en juillet1942 comme simple soldat dans l’US Air Force.Vichy French ou De Gaulle French ? Les autoritésaméricaines tergiversent sur la réelle identité de leurnouvelle recrue. Son engagement et ses compétencespolaires sont finalement reconnus. Nommé officieren juillet 1943, le lieutenant Victor devient instructeurterrain à l’École d’entraînement polaire avant d’en-traîner les escadrilles de recherche et de sauvetagepour le Grand Nord et de diriger, à compter de mai1944, une de ces escadrilles en mer de Béring. Aprèsquatre années sous l’uniforme, le désormais promucapitaine a eu tout loisir d’étudier de près l’imposanteet efficace logistique de l’armée américaine. Âgé de39 ans, Paul-Émile Victor revient dans son pays enpleine reconstruction.

Les Expéditions polaires françaisesJouant la carte de la sensibilité nationale, Paul-ÉmileVictor réussit le tour de force d’engager la Franceexsangue d’après-guerre dans la voie des explora-tions polaires. Les Expéditions polaires françaises(EPF) sont nées. Les voyages vont alors se succé-der : au Groenland d’abord, puis en Terre Adélie,110 ans après le navigateur Dumont d'Urville. Parmiles 150 expéditions organisées par les EPF, Paul-Émile Victor en aura dirigé personnellement 17 enTerre Adélie et 14 au Groenland.En 1976, l’explorateur prend sa retraite et réaliseson rêve d’adolescent en s’installant sur un îlot deBora Bora, en Polynésie française. Jouissant de sonénorme aura médiatique, il y reçoit le gotha planétaire :le président François Mitterrand lui rendra visitecomme à un chef d’État. Politiques, journalistes, scien-tifiques ou artistes ne manquent pas de saluer« l’homme des pôles ».Depuis son paradis du Pacifique, le fin connaisseur desdeux extrémités du globe continuera de communi-quer avec le monde jusqu’à son dernier souffle. À 87ans, au large de Bora Bora, tandis que sonne la trom-pette interprétant « Aux morts », l’homme qui a choisid’être immergé – et non pas enterré – inscrit à jamaisson nom dans la légende de l’aventure. �

STÉPHANE DUGAST

Extrait de l’ouvrage « Dans les pas de Paul-Émile Victor, vers un réchauffementclimatique ? », préface de Nicolas Hulot (Michel Lafon).

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LE COMMANDO KIEFFER

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Philippe Kieffer, la volonté d’un hommePhilippe Kieffer est né en 1899 à Port-au-Prince (Haïti). Il est diplômé dehautes études commerciales et conseiller bancaire aux États-Unis quand laSeconde Guerre mondiale éclate. Dès septembre 1939, malgré son âge(40 ans), il décide de rejoindre la France. Après l’effondrement français et ladébâcle, il gagne l’Angleterre et arrive à Londres le 19 juin 1940, où il s’en-gage dans les Forces navales françaises libres (FNFL). Incorporé commematelot secrétaire et interprète, ses qualités personnelles – dont sa parfaiteconnaissance de l’anglais – lui permettent de devenir officier de réserve inter-prète et du chiffre. Préférant l’action et impressionné par les actions « coupsde poing » et les raids des commandos britanniques, il persuade ses supé-rieurs de l’autoriser à former un corps composé de français volontaires.Puis, après plusieurs refus, Kieffer obtient l’adhésion des Britanniques, séduitspar sa connaissance de la langue française et des côtes occupées.Il faut ensuite sélectionner des volontaires et les former. Autour d’un premiernoyau, la formation élémentaire débute au camp de Camberley en janvier1942. Les résultats étant jugés satisfaisants par le QG des Opérationscombinées, la compagnie de Kieffer est « affectée à un commando britan-

nique pour instruction et emploi ». Les premiers fusiliers marins françaisse présentent le 28 avril 1942 au camp d’Achnacarry, dans le nord del’Écosse, pour suivre le stage « commando ».En juin 1942, ils sont 27 à arborer le béret vert porté à l’anglaise. Dès juil-let, ils intègrent le Commando N°10, une unité interalliée. Puis de nouveauxcommandos arrivent, et mènent des raids de harcèlement sur les côtes del’Europe occupée. Le 8 octobre 1943, le 1er bataillon de fusiliers marins com-mandos est créé et les commandos marine français continuent à prendrepart à des raids jusqu’en mars 1944. Le 6 juin 1944, ils sont 177 com-mandos français à débarquer à Ouistreham lors de l’opération Overlord.Ensuite, quelques missions ont lieu jusqu'à la fin du conflit, notamment auxPays-Bas. Philippe Kieffer est démobilisé en octobre 1946. Il entame alorsune nouvelle carrière administrative au sein d’organisations internationales,dont l’Otan, jusqu’à son décès le 22 novembre 1962. Il est considéré commele « père » des commandos marine français et c’est pourquoi le sixièmecommando, créé en 2008, porte son nom en hommage à son courage etsa détermination.

1 ENTRAÎNEMENT AU CAMP D’ACHNACARRY, (1942).2 LE CC KIEFFER ET LEMARÉCHAL MONTGOMERY.3 LE 6 JUIN 1944, VERS7 H 50, LE COMMANDO N°4PROGRESSE VERSOUISTRZHAM, QUI SERACONQUISE VERS 11 H 30.4 REMISE DU FANION AU CC KIEFFER PAR M.JACQUIOT, MINISTRE DE LA MARINE, LE 29 MAI1945, DANS LA COURD’HONNEUR DE L’HÔTEL DE LA MARINE.5 PORTRAIT DU CCKIEFFER.

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COMMANDO KIEFFER MISE EN ŒUVRE D’UN MINI-DRONE

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LE CO MMANDO EN DÉTAIL

• Participation aux opérations spéciales etaéromaritimes, sur tous les théâtres ouverts ou à venir, soit en renfort capacitaire d’un dispositif déployé, soit de façon autonome, dans ses domaines d’expertise.• Recherche, développement, veille technologiquede matériels et procédures correspondants à sescapacités singulières, selon une logique debenchmarking étendue (interarmées,interadministrations, organismes civils, français etétrangers).

ORIGINELe retour d’expérience des opérations menées par les commandos marine ces dernières années,les travaux de prospective opérationnelle de l’état-major de la force maritime des fusiliers marinset commandos (Forfusco), l’émergence de nouvellesmenaces ont fait naître il y a quelques annéesle besoin de développer des capacités permettantd’améliorer notre réponse opérationnelle auxengagements à venir. Ces capacités concernent des domaines novateurs, périphériques aux savoir-faire du cœur de métier des commandos marine.C’est la raison d’être du commando Kieffer, crée le 6 juin 2008, qui apporte une plus-valuecapacitaire à la Forfusco, à la Marine et au commandement des opérations spéciales,comme une réponse supplémentaire à l’uniquedoctrine des forces spéciales : « faire autrement ».

COMPÉTENCESPensée comme une unité de « commandement etd’appui opérationnel » comportant une cinquantainede marins expérimentés et certifiés « commando »,le commando Kieffer développe aujourd’hui descompétences dans les domaines suivants :• C3I : « Command-Control-Communications-

Intelligence » (état-major tactique projetablede forces spéciales, avec capacités SIC haut débitinteropérables) ;

• mise en œuvre de mini drones et développement du volet Istar ;

• guerre électronique tactique et action dans les champs immatériels ;

• contre-minage et dépiègage de combat ;• cynotechnie de combat (pistage, intervention,

recherche de caches d’armes et d’explosifs) ;• intervention en premier en milieu pollué (NRBC).

EFFECTIFSFidèle à la démarche pionnière de sa figurefondatrice, le commando Kieffer a étendu son recrutement à toutes les spécialités de la Marine, la moitié de l’effectif étant issue d’autresspécialités que « fusilier marin ». Cette ouverture du métier de commando aux autres spécialités est à la fois un défi motivant et la promesse d’un enrichissement pour la Forfusco et la Marine.En ce sens, des appels d’offre de recrutement sont régulièrement émis pour le renouvellement des effectifs ou la satisfaction de besoins nouveaux.

ORGANISATIONOrganisé en cellules autonomes, le commando,installé à Lorient, est un réservoir de capacitésspécifiques utilisées comme multiplicateurs d’effets au sein des dispositifs opérationnels de forces spéciales. Ses éléments opèrent soit de façon autonome, pour un emploi spécialisé, soit en renforcement d’un groupe de commandos. Pour en assurer la parfaite synergie, ils utilisent

les mêmes procédures tactiques générales, les mêmes vecteurs que les commandos,participent aux mêmes formations (stagescommando, TAP, nautique, plongée, etc.) ets’entraînent quotidiennement en commun.

MISSIONS• Missions de commandement tactique dedispositifs de forces spéciales d’ampleur, à terre ou embarqué, dans le cadre des opérationsspéciales, des opérations aéromaritimes, des opérations amphibies (forces avancées), du contre-terrorisme maritime, dans un cadrenational, interarmées ou interalliés.

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INFOactus

EXOCET 2010 : ENTRAÎNEMENT À LA LUTTE AU-DESSUS DE LA SURFACE

1 Les 18 et 19 septembre dernier, àl’issue des Journées du patrimoine,deux groupes de bateaux, les « Blue »et les « Red », se sont (fictivement)affrontés sous la bannière du Forbinpour les uns et celle du Cassard pourles autres dans le cadre de l’exerciceExocet 2010.1. Le groupe Blue (For-bin, Jean Bart, Montcalm, La Fayette)avait pour mission d’interdire l’espaceaéromaritime aux approches de Tou-lon à leurs opposants du groupe Red(Cassard, Chevalier Paul, Jean deVienne, Guépratte, EV Jacoubet etMeuse), dans un scénario de crise

avancée utilisant des moyens aériensconséquents.Trublions de ce contexte déjà tendu,l’Achéron et la Rapière simulaient desmother ships susceptibles de conduiredes attaques asymétriques avec leursembarcations.

Un processus d’évaluation encinq étapesAu cours de ces entraînements avan-cés, les bâtiments sont évalués sur cinqétapes successives. Elles sont le passageindispensable pour mettre à l’épreuvedes connaissances parfois estompées

Dans la continuité de Squale pour la lutte sous la mer, Exocet – « exercice de certification et d’évaluation tactique » en lutte au-dessus dela surface – est né du besoin de s’assurer de la maîtrise des savoir-faire tactiques du combat de haute intensité sur les bâtiments de surface.Les frégates Forbin et Cassard ont été les premiers candidats évalués dans le cadre d’Exocet 2010.1.

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1 LE FORBIN ET LA MARNEPENDANT UN RAVITAILLEMENTÀ LA MER.2 LE GROUPE BLUE (FORBIN,JEAN BART, MONTCALM, LAFAYETTE) EN MANOEUVRE. 3 LE CHALAND DEDÉBARQUEMENT D’INFANTERIEET DE CHARS (CDIC) RAPIÈRE.4 LE BÂTIMENT BASE DEPLONGEURS DÉMINEURS (BBPD)ACHÉRON.

ou enfouies sous une expérience opé-rationnelle éloignée des tactiques ducombat de haute intensité.- Étape 1 : évaluation des connais-sances individuelles.Acte d’humilité par sa capacité deremise en cause, l’évaluation indivi-duelle doit permettre d’identifier à tousles niveaux le chemin qu’il reste à par-courir pour réacquérir, hors cadre sco-laire, les tactiques de la lutte au-dessusde la surface. Le questionnaire – quitouche les opérateurs des modules air,surface, armes – a aussi pour objectif dedévelopper une culture « métier » de

lutte au-dessus de la surface dans l’en-vironnement du groupe aéronaval.- Étape 2 : entraînement sur simula-teur en bordée constituée (photos 5et 6).Répétition d’actions planifiées en bor-dée constituée, l’entraînement sursimulateur permet de mécaniser la cir-culation de l’information au sein ducentral opérations dans un environ-nement multilutte. Toute la chaîne decommandement est alors impliquéedans des situations de temps de crise etde temps de guerre autant de fois quenécessaire pour corriger les défauts.- Étape 3 : panneaux tactiques(photo 7).Travail d’état-major par excellence, àtravers l’application rigoureuse de laméthode de planification opération-nelle, le Forbin et le Cassard ont tourà tour exposé leur idée de manœuvre.Confrontées à l’esprit critique d’ex-perts venus d’horizons multiples(Alfan, Alavia, CECMed, CIN), l’ana-lyse du scénario et la cohérence del’emploi des moyens ont du êtreétayées et commentées. La présenta-tion d’une idée de manœuvre parl’état-major d’un bâtiment devant un

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groupe d’experts est une démarchenovatrice nécessitant imagination,compétence et humilité ; elle permet àchacun d’exprimer ses idées et de lessoumettre au crible de l’expérience dechaque spécialité et milieu. Elle estvraiment de nature à faire progressernos savoir-faire tactiques.- Étape 4 : conduite de la force à lamer (photos 8 à 11).C’est l’exercice du commandementmultilutte en temps de crise ainsi qu’enhostilité déclarée. Le Forbin et le Cas-sard ont assumé la charge à la tête dedeux forces composées de quatre à sixbâtiments de combat, avec le soutiend’avions de patrouille maritime, d’hé-licoptères et d’avions de chasse pourdes missions d’assaut mer ou d’inter-ceptions.- Étape 5 : analyse tactique et retourd’expérience.Temps de l’analyse au regard descomptes-rendus des différentes par-ties, comparaison entre tactique envi-sagée et conduite effective de la force :cette phase permet de faire évoluer ladoctrine et d’exploiter les moyens dansles meilleures conditions, au maxi-mum de leurs possibilités technolo-giques.

Quatre objectifs atteintsPour cet entraînement avancé, quatreobjectifs étaient fixés et ont été atteints :- réfléchir et éprouver nos tactiques

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dans le domaine de la lutte au-dessusde la surface ;- permettre à des ASUWC (1) et AAWC (2)

désignés d’exercer leurs responsabilitésen bénéficiant d’une opportunité decommandement d’un Task Groupconséquent ;- analyser les résultats obtenus, pro-poser des axes d’évolution de la doc-trine et améliorer l’emploi des moyens ;- profiter de cet entraînement avancépour attribuer des mentions particu-lières, dans l’esprit de la note sur lecursus des officiers de Marine, maiségalement favoriser la reconnaissanced’une expertise par l’attribution dementions de commandants de lutte(ASUWC et AAWC).Exocet et Squale (son équivalent enlutte sous la mer) sont deux proces-sus similaires et motivants : recherchede concomitance d’entraînement entreles autorités organiques, recherched’occasions pour vérifier les savoir-faire pour tous les échelons, recon-naissance d’une expertise par l’attri-bution de mentions.Exocet et la sortie d’entraînementGabian qui l’a précédé ont d’abord étéun indicateur de la forte mobilisationdes équipages pour garantir la dispo-nibilité de leurs bâtiments. Exocet s’ins-crit également dans une dynamiquede recentrage vers « le cœur de métier »d’une marine hauturière qui entre-tient les savoir-faire fragiles du combatde haute intensité. Les tactiquesemployées, l’endurance nécessaire pourconduire ce type d’engagement et lessavoir-faire associés doivent renforcerle socle utile aux équipages de nos bâti-ments pour conduire les missions opé-rationnelles actuelles de contrôle mari-time ou de lutte contre la piraterie et lestrafics illicites. �

CC CHASTANET

(1)Anti Surface Warfare Commander (commandant delutte antisurface).(2)Advanced Amphibious Warfare Course (commandantde lutte sous la mer avancée).

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1 Depuis le 1er septembre 2010, onzemarins ont pris leurs marques enplein cœur de la Champagne : un offi-cier, le capitaine de corvette Sébas-tien Martinot, affecté comme ins-tructeur de transformation Rafale, et10 officiers mariniers affectés à l’es-cadron de soutien technique aéro-nautique.Leur présence s’explique par unbesoin de rationalisation des compé-tences et des formations. Ainsi, la mis-sion principale de l’escadron de trans-formation Rafale (ETR) est de formeren commun tous les pilotes et navi-gateurs système d’armes de Rafale dela Marine nationale et de l’armée del’Air. Les deux armées mettant enœuvre des Rafale au système d’armessimilaire, il était logique qu’un cur-sus commun soit mis en œuvre.L’ETR constitue la première réalisa-tion concrète du comité d’orienta-tion de l’aviation de chasse (Como-rac), créé à l’été 2009, dont l’objectifest de rechercher des voies de ratio-nalisation et de mutualisation danstous les domaines qui intéressent lapréparation opérationnelle.

68 missions en volOutre sa vocation de transformationRafale, l’ETR est également un centre

d’expertise permettant l’entraînementpar simulateur, la standardisation del’utilisation de l’avion, l’étude de nou-velles tactiques, l’analyse et la valida-tion de concepts d’emploi. Le cursuss’articule autour d’une formationcomprenant 68 missions en vol et38 missions au simulateur, ceci durantles neuf premiers mois de la carrièresur Rafale des stagiaires.

L’escadron, qui compte actuellement1 Rafale Marine, 1 cadre pilote ins-tructeur et 10 techniciens, doits’agrandir progressivement pouratteindre jusqu’à quatre avions et unnombre d’instructeurs et de techni-ciens adapté afin de supporter un fluxd’une dizaine de stagiaires par an. �

SM ANAËLLE BASLE

1 Quelle est la plus-value de l’ETRpour la Marine ?L’ETR va permettre de concentrer laformation initiale des pilotes surRafale au sein d’une unité spéciali-sée, gage d’une bonne standardisa-tion. En outre, l’emploi de Rafalebiplace permet de simplifier la priseen main de la machine et de mieuxcomprendre son fonctionnement enguidant le stagiaire par des échangesdirects avec son instructeur. Enfin,lors de la mise au point de la forma-tion commune, nous nous sommesrendu compte que, hormis quelquesexceptions, nos deux armées utili-saient le Rafale d’une manière simi-laire dans les missions de base.

TROIS QUESTIONS À UN EXPERTCF SÉBASTIEN FABRE, CHEF DU PROJET RAFALE À L’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE

ESCADRON DE TRANSFORMATION RAFALE : DES MARINSAU CŒUR DE LA MUTUALISATIONLe 6 octobre dernier, sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier, a eu lieu, en présence du ministre de la Défense et des chefs d’état-major dela Marine et de l’armée de l’Air, la cérémonie d’inauguration de l’escadron de transformation Rafale 02-092 Aquitaine (ETR 02-092).

Ne perd-on pas le savoir-faire« Marine » (pilotage en monoplace ettechniques d’appontage) ?Non. Si la formation débute sur biplace,une grande partie des vols réalisés parles stagiaires Marine sera effectuée surles Rafale Marine mis en place à l’es-cadron de transformation Rafale. Cetteformation initiale constitue le socle dece que doit connaître tout pilote deRafale. La formation aux spécificitésde l’emploi aéro-maritime du RafaleMarine (environnement porte-avions,missions d’assauts mer…) se dérou-lera à l’issue du stage à Landivisiau, ausein du centre d’entraînement, d’ins-truction et de préparation de missions(CEIPM).

À terme, est-il envisagé que laMarine reçoive à son tour des per-sonnels de l’armée de l’Air ?La flottille 12F accueille depuis desannées des pilotes de l’armée de l’Airen échange pour deux ans. Cespilotes, qui possèdent déjà une solideexpérience en escadron opération-nel, sont formés aux techniques del’appontage, du catapultage et du volau-dessus de la mer. Inversement,quelques pilotes de l’aéronavale sontinsérés dans des escadrons et volentsur Mirage 2000. Ces échanges per-mettent de mieux appréhender lesproblématiques de milieu et sont debons vecteurs de la connaissanceinterarmées. �

LE SIMULATEUR RAFALE DE LA BASE 113.

LE RAFALE MARINE SUR LA BASE AÉRIENNE DE SAINT-DIZIER.

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« L’ETR 02-092 VA DEVENIR LA RÉFÉRENCE »CC MARTINOT, PILOTE INSTRUCTEURCommandant, vous êtesl’unique instructeur Marine del’ETR 02-092, comment sepasse votre « intégration » ausein de l’armée de l’Air ?Un chef de patrouille n’est pasperdu à Saint-Dizier ! Je suis lechef des opérations. Je m’oc-cupe donc de l’activité del’escadron et des dossiers prin-cipaux en coordination avec lesdifférentes cellules : escadrilles,instruction/standardisation,simulateur, tactique. Parallèle-ment à ces activités, j’ai réaliséma transformation comme moni-teur sur les Rafale biplaces del’armée de l’Air pour complétermon expérience pédagogiqueacquise sur monoplace dans laMarine en flottille.

L’ETR 02-092 a donc pourobjectif la formation commune

des pilotes de la Marine et del’armée de l’Air sur Rafale.Quel en est l’intérêt ?L’ETR 02-092 va devenir la« référence » en termes detransformation initiale et destandardisation, et permettraégalement aux pilotes de recen-trer leur activité surl’entraînement tactique et lapréparation aux missions spéci-fiques.

Avez-vous déjà un retour d’ex-périence des premiers cursus ?Pour l’instant, le niveau desquatre premiers stagiaires(deux « Marine » et deux « Air »)qui ont débuté ce cursus corres-pond à nos attentes. Lesprochains cursus seront réguliè-rement mis à jour pours’adapter aux besoins si néces-saire.

LE FANION DE L’ESCADRONDE TRANSFORMATIONRAFALE 02-092 AQUITAINE.

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YM URANUS CHRONIQUE D’UN SAUVETAGE1 Mardi 12 octobre, 16 h. LeYM Uranus, navire de transport deproduits chimiques battant pavillonmaltais, quitte éventré l’épi 4 du portmilitaire de Brest. Le RPC Taunoa etdeux remorqueurs civils tirent àpetite vitesse les 119 mètres de fer-raille déformée vers le quai de répa-ration n°1 du port de commerce deBrest. La genèse de cette image inso-lite au sein de la base navale remontequatre jours plus tôt…Le vendredi 8 octobre, par une nuitnoire sans lune, peu après 5 h, un chocterrible retentit à bord du YM Uranus.Un bruit de tôle froissée. Les vitres dela passerelle explosent, la mer envahittout, même les caissons les plus élevésdu château. Mayday par ASN ; treizemarins se sanglent dans le canot quis’éjecte du navire en perdition.Immédiatement, deux hélicoptères, leDauphin et le Caracal, décollent de laBAN de Lanvéoc. La FASM Primau-guet se déroute pour porter assistanceaux naufragés et l’Abeille Bourbonquitte à pleine vitesse son poste degarde de l’anse de Bertheaume. Lasituation est préoccupante : l’abordage entre le petit chimiquier – rempli de6 000 tonnes d’un solvant particuliè-rement inflammable et explosif – etl’immense vraquier panaméen HanjinRizhao peut entraîner des consé-quences graves pour les hommes, l’en-vironnement, les bâtiments et leurscargaisons.

Cellule de criseLe Cross Corsen prend immédiate-ment la coordination des opérations desauvetage. Le préfet maritime est alertéainsi que le centre opérationnel de lafonction garde-côtes – dont c’est lapremière opération. La cellule de crise

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de la préfecture maritime de l’Atlan-tique est armée. Les téléphones com-mencent à sonner : la presse vient déjàaux nouvelles.Priorité aux hommes. À 7 h 10, ils sonthélitreuillés pour être déposés sur labase de Lanvéoc. Bien qu’en état dechoc, l’un d’eux tient à repartir avecl’équipe d’évaluation et d’intervention(EEI) pour tenter de sauver la cargai-son et le bâtiment.Sur zone, le Dauphin se sert du Pri-mauguet comme base de repli. Il effec-tue plusieurs vols pour détecter uneéventuelle pollution. Le Ceppol (cen-tre d’expertises pratiques antipollu-tion) est en alerte. Il renseigne sur lanature du produit – du Pygas, additifdans la fabrication de l’essence sansplomb – et sa dangerosité. Depuis leDauphin, rien de visible : la doublecoque compartimentée a joué sonoffice. Les caissons du solvant et deshydrocarbures de propulsion sontsains. Le navire flotte mais concèdeune gîte de plus de 20 degrés.Après une évaluation rapide des dégâts,le préfet maritime ordonne la prise dela remorque. Et c’est à petite vitesseque le convoi aborde Brest dans la nuitdu samedi 9, vers 1 h 45. Pour cettecargaison encombrante, pas de placedans le port de commerce de Brest quin’est pas habilité à la traiter. Il ne restedonc que le port militaire, habitué àla manipulation de matériaux dange-reux. C’est donc à l’épi 4 que le YMUranus trouve refuge.

Brèche de 5 m sur 8Le reste relève des relations commer-ciales entre la société des Abeilles, unarmateur, le propriétaire de la cargai-son et les assureurs. Après une plongée,on détecte une brèche de cinq mètressur huit. Une partie des caissonsbâbord est noyée. Très vite, la décisionde transborder le solvant sur un autrebâtiment est prise. Le malheureuxnavire est redressé par ballastage pourfaciliter l’opération. Elle se déroule sansdifficulté mais sous la plus grande vigi-lance des marins-pompiers de la basenavale de Brest et à l’intérieur d’unpérimètre de sécurité rigoureux.Une fois les soutes vides, le YM Uranuspeut quitter le port militaire, quiretrouve ainsi sa routine opération-nelle quotidienne. �

CHRISTIAN BONNEAU

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1 AU PETIT MATIN, LE YM URANUS À L’ARRIVÉE DES SECOURS.2 LE CHIMIQUIER EST ÉVENTRÉ, LA MER ENVAHIT LE PONT.3 LES 13 MARINS SONTHÉLITREUILLÉS.4 L’ARRIVÉE DES MARINS DU YM URANUS SUR LA BAN DE LANVÉOC.5 LE YM URANUS EST REMORQUÉPAR L’ABEILLE BOURBON.6 ARRIVÉE DU YM URANUS DANSLE PORT DE BREST.

La préfecture maritime de l’Atlantique et la base navale de Brest ont joué un rôle primordial dans la fin heureuse de la fortune de mer duchimiquier YM Uranus.

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JACK LANG À BORD DE LA FRÉGATE DE GRASSE LA FRÉGATE FORBIN ADMISE AU SERVICE ACTIF

1 Le 9 octobre, M. Jack Lang s'estrendu à bord de la frégate De Grasse, enescale à Mombasa. Récemmentnommé conseiller spécial du secrétairegénéral des Nations unies pour lesquestions juridiques liées à la piraterie,Jack Lang était venu rencontrer lesmarins du De Grasse et l’état-majorde la force européenne de lutte contrela piraterie, commandée par le contre-amiral Philippe Coindreau (EU NAV-FOR).En présence également du contre-ami-ral Sinan Ertugrul (Marine turque),

commandant de la TF 151 (CoalitionMaritime Forces), M. Lang s’est entre-tenu avec l’état-major de la TF 465 afind’évoquer les questions juridiques liéesà la piraterie. Les marins d’Atalantaont fait part au conseiller spécial del’ONU des défis que représente cetteopération, et tout particulièrement del’ampleur du problème et de la zoneconcernée par la piraterie. Le CA Phi-lippe Coindreau a, quant à lui, fait partde la difficulté lorsque les pirates pré-sumés sont interceptés, de s’assurer depoursuites judiciaires à leur encontre.Jack Lang rencontre actuellement l'en-semble des acteurs régionaux et inter-nationaux avec pour objectif de pro-poser au secrétaire général des Nationsunies, Ban Ki-Moon, des solutionsconcrètes au traitement juridique de lapiraterie au large de la Somalie.Quelque temps avant sa nomination,un rapport du secrétaire général del’ONU avait évoqué sept options, dontla possible création, à terme, d’un tri-bunal international spécial pour lapiraterie en Somalie. �

1 La frégate de défense aérienne For-bin a été admise au service actif le13 octobre dernier. Une étape essen-tielle de la vie du bâtiment, qui peutdésormais mener des missions opéra-tionnelles.La frégate Forbin est le fruit du pro-gramme naval franco-italien Horizon,qui prévoyait la construction de deuxfrégates de nouvelle génération, ini-tiant ainsi le renouvellement de la com-posante de défense aérienne de la flotte.Le Forbin et le Chevalier Paul (récep-tionné par la Marine en décembre2009) ont remplacé les frégates lance-missiles Suffren (désarmée en 2001)et Duquesne (désarmée en 2007).

Le Forbin a pour mission la défenseaérienne. Son système d’armes anti-aérien principal lui permet de faireface aux menaces des missiles les plusrécents et de réagir aux attaquesaériennes d’importance, notammentgrâce à ses missiles Aster à silos verti-caux. Sa discrétion électromagnétiquecomme sa capacité d’alerte et de leur-rage en font un bâtiment de combatadapté aux situations d’hostilitésintenses comme aux zones de crise.Il peut assurer la protection d'une force(aéronavale ou amphibie, voire civile)contre les menaces aériennes (missilesantinavires supersoniques, notam-ment). Il peut exercer le commande-ment et la coordination des opérationsaériennes menées à partir de la mer, ycompris celles mettant en œuvre desaéronefs étrangers. Ses capacités dansles autres domaines de lutte lui per-mettent également de remplir des mis-sions de nature très diverse : sécurisa-tion d'une zone maritime, contrôle dutrafic commercial, évacuation de res-sortissants… �

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CHRONIQUEdupersonnel

HOMMAGE AUX MOUSSES : ILS ONT DIT…Bons mots du récent ouvrage La gloire des mousses, de Christophe Penot et Michel Bellion, à paraître aux éditions Cristel.

Atteindre aux plus hautesresponsabilités du commandement ?C’est l’objectif que j’assigne aux mousses. Ou, pour le direautrement, c’est un ordre !

Comment deviendront-ils des conquérants ?En travaillant, en apprenant, en progressant, ens’investissant, en se donnant ! Quand je dis à nos jeunes : « Vous êtes les conquérants duXXIe siècle », je fais écho, en quelque sorte, au « N’ayez pas peur ! » de Jean-Paul II ou au« Go West ! » de la conquête américaine.

» »

« «AMIRAL PIERRE-FRANÇOIS FORISSIER

GÉNÉRAL D’ARMÉE GEORGELIN

Toutes les marchesseront difficiles. Iln’existe ni recette, nimiracle, ni même dedéterminisme. L’uniquerègle, c’est le travail !C’est se dépasser soi-même pour qu’aucunrêve ne soit interdit.Moi, je n’ai mis aucunelimite à mes rêves.»

«

VICE-AMIRAL D’ESCADRE OLIVIER LAJOUS

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1 Un protocole d’accord visant àoctroyer un séjour gratuit aux blessésen opérations extérieures (Opex), aété signé le 9 juin 2010 par le contrô-leur général des armées Jacques Rou-dière, directeur des ressourceshumaines du ministère de la Défense,et Isabelle Danesi, directrice par inté-rim de l’Institution de gestion socialedes armées (IGeSA).Ce protocole s’inscrit dans le disposi-tif de soutien social au profit des mili-taires blessés en opérations, prévu parla directive ministérielle relative à l’ac-

TOURNÉE DES PORTSDU DPMM

IGeSA UN SÉJOUR GRATUIT POUR LES BLESSÉS EN OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

MOBILITÉ PROFESSIONNELLE NOUVEAU DISPOSITIF

tion sociale du 29 août 2006. Il figureégalement dans le contrat d’objectifs etde moyens 2009-2014, conclu le26 juin 2009 entre le ministère de laDéfense et l’IGeSA, dont l’un des axesest de « permettre aux blessés en servicecommandé, qu’ils soient civils ou mili-taires, ainsi qu’à leurs conjoints et à leursenfants, de bénéficier gratuitement d’unséjour de repos d’une semaine dans unétablissement IGeSA ».L’objectif de ce dispositif est d’appor-ter un témoignage de reconnaissancedu ministère de la Défense à ses agents

COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�31

gravement blessés dans l’exercice deleurs fonctions en Opex. Ceux-ci, unefois leur état médical consolidé, aurontla possibilité de séjourner gratuitement(hors frais de transport et de déplace-ment), une semaine et en famille, dansl’un des établissements gérés parl’IGeSA situés en Métropole, en Corseou dans un département d’Outre-mer, en pension complète, demi-pen-sion ou location. Dans ce but, l’IGeSAaccueillera les personnels revenantd’Opex à des conditions de réserva-tion préférentielles grâce à un quota

de places réservées dans ses établisse-ments. Le lieu et la date du séjourseront choisis librement par le blessé.

Valable depuis 2008Les intéressés pourront bénéficier de cedispositif, après accord du comman-dement, en adressant à l’IGeSA le bul-letin d’inscription en établissementsde vacances IGeSA, auquel sera jointela demande de séjour gratuit, remplieet signée par le chef de corps. Un« mode d’emploi du séjour gratuit auprofit des blessés Opex » accompagnele formulaire de demande de séjour etrenseigne le bénéficiaire sur les moda-lités de son séjour et sa mise en œuvre.Ce protocole d’accord s’applique rétro-activement à compter du 1er janvier2008.Vous pouvez consulter et télécharger lesdocuments relatifs à ce séjour gratuitsur le site SGA (1), Rubrique « Vie pra-tique / IGeSA » :- Protocole d’accord relatif à l’octroid’un séjour gratuit aux blessés en opé-rations extérieures (Opex) ;- Mode d’emploi du séjour gratuit auprofit des blessés en opérations exté-rieures (Opex) ;- Formulaire de demande de séjourgratuit dans un établissement devacances IGeSA au bénéfice d’un blesséen opérations extérieures (Opex).�

(1) www.sga.defense.gouv.fr

1 Le décret 2010-1109 du 21 sep-tembre 2010 – pris en application del’article 43 de la loi n°2009-972 du3 août 2009, relative à la mobilité etaux parcours professionnels dans lafonction publique – constitue unegrande avancée dans la politique demobilité professionnelle voulue parles pouvoirs publics. Il est ainsi dés-ormais possible pour un fonction-naire, un agent non titulaire de droitpublic, un ouvrier de l’État ou unmilitaire exerçant une activité confiéepar contrat à un organisme de droitprivé ou à une filiale d’une sociéténationale, d’être mis à sa disposition.Une fois prononcée, après l’accordécrit de l’agent, la mise à disposi-

tion dure le temps que dure lecontrat lui-même. L’échéance peutêtre anticipée, sous conditions pré-vues dans une convention, surdemande de l’État voire de l’agentlui-même. Ce dernier est réemployépar l’État à l’issue de la mise à dis-position, dans des conditions quivarient en fonction de son statut etdes circonstances de cessation de lamise à disposition.Pour les agents sous contrat, civils etmilitaires, la durée de la mise à dispo-sition ne peut excéder celle de lapériode d’engagement restant à courir.Cependant, la convention passée entrel’État et l’organisme d’accueil permetde proposer à ces agents, à l’issue du

contrat de service, un contrat régi parle code du travail. Cette convention,approuvée par écrit par l’agent, pré-cise la nature des activités qui lui sontconfiées ainsi que ses conditions d’em-ploi dans le respect des dispositionslégales qui s’appliquent à chaque caté-gorie. L’État continue d’assurer sa ges-tion et son administration : rémuné-ration, évaluation (au vu d’uneappréciation établie contradictoire-ment entre l’organisme d’accueil etl’agent), pouvoir disciplinaire.Les agents concernés bénéficierontd’un dispositif d’information com-plet afin de les accompagner et des’assurer de leurs intentions de volon-tariat. �

1 Le VAE Olivier Lajous, directeurdu personnel militaire de la Marine etsous-chef d’état-major ressourceshumaines, sera en tournée des portsdu 17 novembre au 16 décembre2010 :• Les 17 et 18 novembre à Brest• Les 2 et 3 décembre à Toulon• Le 6 décembre à Paris• Le 13 décembre à Cherbourg• Le 16 décembre à Lorient.

PHOTO D’EXERCICE.

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32�COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010

INFOdans nos ports

Les 6 et 7 octobre, la Force maritime des fusi-liers marins et commandos (Forfusco) a reçudeux visiteurs de marque : David Hallyday et

Cyril Viguier, producteur et ancien directeur desprogrammes à France Télévisions. À cette occa-sion, ils ont découvert les capacités commandos àtravers un exercice d’exfiltration organisé de nuitsur l’îlot Saint-Michel, dans la rade de Lorient.Le lendemain était consacré à une visite des ins-tallations de la base des fusiliers marins et com-mandos, ainsi qu’aux parcours utilisés pour lesdiverses formations. Une présentation du muséede l’école des fusiliers marins, commentée par l’of-ficier traditions, figurait aussi au programme. Lavisite s’est achevée dans les bâtiments du com-mando de Penfentenyo où les deux invités ont pu

LORIENT : DAVID HALLYDAY ALLUME LE FEU CHEZLES FUSILIERS MARINS !

s’entretenir avec les hommes qui, la veille, avaientpréparé les démonstrations dynamiques. Ceséchanges spontanés ont montré l’intérêt des deux« fusiliers marins commandos » d’un jour pour lesdivers sujets abordés. �

EV1 THIERRY MAGUET

Le 1er octobre s’est déroulée au Centre d’ins-truction naval (CIN) de Saint-Mandrier la céré-monie de remise des brevets d’équipage des

mousses en « formation élémentaire métier ». Aprèsun an passé au CIN de Brest, 25 matelots ont suivià Saint-Mandrier la formation élémentaire machine(FEM Mach) et 15 autres la formation d’opérateurnavigation système de combat (FEM OPSNAV).Le commandant du CIN, le CV Jean-François Pelliard,leur a remis leur « passeport pour la mer » avantqu'ils ne rejoignent, dès la semaine suivante, leurtoute première affectation : le matelot Séverine Bot-tet, major du cours opérateur navigation, devait ral-lier le Chevalier Paul et le matelot Lauriane Modaine,major du cours machine, la frégate Montcalm.Dans son discours, le CV Pelliard a souligné que lesmousses sont attendus avec impatience à bord desbâtiments. Ils y seront des membres à part entièrede l’équipage et chacun aura son rôle à tenir pour laréussite de la mission. Il leur a également rappelé queleur affectation embarquée est la juste récompensede leur investissement personnel depuis un an.Certains d’entre eux reviendront au CIN de Saint-Mandrier d'ici deux à six ans pour suivre un cours debrevet d'aptitude technique et devenir officiers mari-niers. �

LV ANNE ROBERT

SAINT-MANDRIER : FIN DE FORMATIONPOUR 40 MOUSSES

Projection de son film, embarquement à bordde bâtiments de la Marine et exposition deses futurs projets : tel était le programme du

réalisateur Jacques Perrin sur les bords de la radede Toulon. Arrivé jeudi 30 septembre en fin de jour-née, le réalisateur a à peine eu le temps de poser sesvalises avant d’inaugurer sa visite par la présentationdu film Océans en marge du Festival internationaldu film maritime, d’exploration et d’environnement(FIFMEE) au cinéma Pathé Liberté – festival dont laMarine est partenaire.À l’issue de la séance, Jacques Perrin s’est prêté,avec son équipe, au jeu des questions-réponses pourles 300 spectateurs présents. Il n’a pas oublié deremercier la Marine nationale : « Certaines scènesn’auraient pas pu être tournées sans l’aide de laMarine, qui a mis à notre disposition des bâtimentset du matériel. Cette expérience fut très enrichis-sante, je la renouvellerais avec plaisir… ». La soirées’est terminée à bord du Jean Bart où Jacques Per-

TOULON : JACQUES PERRIN DANS LA PEAU D’UN MARIN…

rin et son équipe ont été reçus par le commandantet son équipage.L’escale toulonnaise s’est prolongée, à la demande duréalisateur, par la visite d’un SNA. Pour clôturer sonpassage à Toulon, Jacques Perrin s’est rendu sur leChevalier Paul. Cette ultime rencontre lui a permisd’évoquer ses nombreux projets, notamment ceuxpour lesquels il fera probablement appel à laMarine. �

GUILLAUME CAZANAVE

LORIENT : UNE SORTIE INHABITUELLE POUR LE TIGREVendredi 24 septembre 2010, 8 h, port de

pêche de Lorient. Une scène inhabituelles’est déroulée sous les yeux des marins du

bâtiment école Tigre. En effet, à la suite d’unegrave avarie nécessitant l’échange standard dumoteur de propulsion tribord, le Tigre s’est retrouvésanglé et suspendu au portique roulant de650 tonnes du port de pêche de Lorient Kero-man. L’opération, qui a duré à peine deux heures,

a consisté à sortir le bâtiment de l’eau et à leposer sur une ligne de tins à proximité du bunker« cathédrale » qui l’a vu naître il y a 27 ans.Il aura fallu une dizaine de jours pour effectuer unebrèche, échanger le moteur tribord grâce à unemanutention délicate de pitons en pitons, et refermerla brèche. Après la mise à l’eau, des essais de bonfonctionnement et un stage Meco, le Tigre devraitreprendre son cycle de corvettes. �

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COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�33

INFOdans nos ports

«Ils sont l’honneur de notre Marine natio-nale. Il y a 95 ans, ces amiraux et cesmarins ont accomplis l’une des premières

missions humanitaires de l’histoire ». Par ces

OCTOBRE 1915 : LA MARINE AU SECOURS DE 4 100 ARMÉNIENS

La mer s’est faite belle et le ciel lumineux pourles élèves du CIN de Brest, ce samedi 9 octo-bre, jour de présentation aux drapeaux de

l’École de maistrance et de la deuxième promotionde l’École des mousses. La scène se déroule devantles commandants des bateaux et fait la joie desfamilles. Seule présence inhabituelle, celle du chi-miquier YM Uranus ! Frappé par un abordage devantOuessant, le malheureux bateau donne de la bandeà l’abri du port militaire. La musique vient des équi-pages des sous-marins, et le parrain de cette pro-motion est Érik Orsenna, de l’Académie française,Écrivain de Marine, car la mer est aussi une manièrede partager.« Puissiez-vous avoir assez de bonheur pour vous ren-dre agréable, assez d’embûches pour vous rendreplus fort, assez de chagrin pour vous garder humain,assez d’espoir pour vous rendre heureux ; les gensheureux sont ceux qui profitent de tout ce qui vient surleur chemin, ceux qui acceptent l’incertitude commesource de vie. » La conclusion du vice-amiral d’esca-dre Olivier Lajous, sous-chef d’état-major, directeur dupersonnel, vient exprimer ce que chacun ressentdepuis ce matin. Le stress et, peut-être, l’émotion fonttomber les plus émus devant les cadres et lesfamilles. Aussitôt, les rangs se reforment et les vic-times reprennent pied pour le vin d’honneur.« Il n’y a pas de maillon faible dans la Marine »,vient de souligner le VAE Lajous : ce qui n’est enrien une menace, mais un espoir. Un élève qui perdpied est aussitôt entouré pour retrouver le niveaunécessaire. Dans les familles, on voit plus que dela fierté, on entend déjà, en tout début d’année, laconfiance des parents dans une Marine bien natio-nale, toute à son rôle social. « Marin » sera-t-il lemétier de ces jeunes, leur carrière, leur profes-sion ? C’est pour l’instant un nouveau départ dansla vie, parfois une sorte de sauvetage. La réou-

BREST : PRÉSENTATION AU DRAPEAU AU CIN DE BREST

verture de l’École des Mousses permettra sansdoute des recrutements éclairés, elle est surtoutune chance de plus pour commander sa vie.

Histoires de moussesLe mot « mousse » viendrait de l’espagnol « mozzo »(« tête rasée »), peut-être en référence à l’usage decouper ras les cheveux du jeune embarqué. En pra-tique, les mousses se rencontraient surtout à lapêche. Les rôles d’équipage montrent qu’ils étaientsouvent protégés comme fils ou frères d’autresmarins à bord.Les deux nouvelles promotions ont reçu les noms du« sous-marin Curie », pour l’École de maistrance etdu « quartier-maître Jules Saffray » pour lesmousses. Désormais, les noms des promotions demousses seront choisis parmi les matelots et quar-tiers-maîtres. C’est à bord de la corvette Mimosaque Jules Saffray s’était distingué, jusqu’au torpillagemortel de son bateau, à l’aurore du 9 juin 1942 à 4 h 10. Quant au sous-marin Curie, il a livré12 combats et coulé trois navires ennemis. �

CC(R) ÉRIC LEBEC

Guerre mondiale, de sauver 4 100 arméniensau large de la Syrie.Vendredi 15 octobre, la communauté armé-nienne, en présence de l’ambassadeur d’Armé-nie en France, s’était réunie sur le parvis de lapréfecture maritime de Toulon pour se souvenirdes marins des navires Guichen, Desaix, AmiralCharner et la Foudre, et de leurs commandants,les amiraux Dartige du Fournet et Darrieus, quiont mené cette opération de sauvetage. Outre lesouvenir de ces marins sauveteurs, la cérémo-nie a aussi permis à la communauté arméniennede remettre une plaque commémorative à laMarine nationale. �

LV INGRID PARROT ET CHARLOTTE BERGER

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31 LE VICE-AMIRALD’ESCADRE LAJOUS,DIRECTEUR DUPERSONNELMILITAIRE DE LAMARINE, PASSE ENREVUE LA NOUVELLEPROMOTION.2 LE FANION DE L’ÉCOLE DE MOUSSES.3 ÉRIK ORSENNA,PARRAIN DE LANOUVELLEPROMOTION, SIGNELE LIVRE D’OR.

mots, M. Hubert Falco, secrétaire d’État à laDéfense et aux Anciens combattants, a sou-haité honorer la mémoire des amiraux et marinsqui ont permis en 1915, durant la Première

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« Tremblez, néophytes ! » C’est par cette formuleprononcée d’une voix gutturale que démarre lacérémonie du passage de la Ligne, autrementdit le passage de l’équateur. Une épreuve redou-tée par plus d’un marin novice, baptisé « néo-phyte » à l’occasion. Imposée par les « cheva-liers » (ayant déjà passé la Ligne une fois) et les« dignitaires» (ayant franchi la Ligne à plus d’unereprise), une succession d’épreuves attend doncles néophytes ayant préalablement reçu leurconvocation par un facte ur. Par le passé, cepréambule à la Ligne était d’ailleurs souventune épreuve gratinée. Le jour J et à l’heure H, c’est plage avant quesont rassemblés les néophytes, que l’on arrosecopieusement à l’aide de lances à incendie ! Ilest aussi d’usage de confier une gaffe au plusjeune des néophytes et de l’envoyer tout à l’avantafin qu’il tente d’attraper la Ligne lorsqu’il laverra !

Neptune et AmphitriteQuant au cérémonial, il démarre quand Neptuneet son épouse Amphitrite débarquent : suiventl’archevêque de la Ligne, flanqué de deux astro-nomes munis de grossières imitations des ins-truments servant à faire le point, et un notaire(ou commissaire) chargé de faire l’appel à l’aided’un rôle d’équipage dans lequel sont consignésles noms des néophytes. Notons que c’est aucours du XVIIIe siècle que Neptune et Amphi-trite, divinités de l’Antiquité, ont succédé au «Bonhomme » (symbolisant la Ligne) et à sonépouse. La mythologie était alors très en vogue.Cet attrait pour le monde de l’Antiquité serad’ailleurs plus tard source de confusion.Les « hostilités » démarrent plage avant par uneode flamboyante du dieu des mers : «Moi, Nep-tune, qui suscite les tempêtes et commande lesflots, je vous souhaite la bienvenue, ô fiers navi-gateurs ! Vous ayant aperçus dans la flamboyanteondée du majestueux Phoebus, Mercure, rapidemessager, m’annonce l’audacieuse intrusion devotre nef aux confins de mon royaume et la fidèle

Franchir l’équateur fait partie d’un rituel immuable dans la Marine. Cette cérémonie a laissé des souvenirs impérissables à des générations de marins embarqués, tout en laissant perplexe plus d’un terrien. Si les us et coutumes des gens de mer se vivent et,à coup sûr, se racontent difficilement, ce rite est cependant chargé de symboles...

Iris m’informe que vous êtes l’équipage de la … etque vous venez de France ! Soyez mes hôtes d’unjour. »Les néophytes (baptisés «infâmes néos») doiventensuite écouter les sacrements de l’évêque et les

Passage de l’équateur : point à la Ligne !

punitions infligées par un juge. Autant de «bonsmots » qui attisent les fureurs de Neptune :« Salut à vous, monsieur le commandant, vousqui avez la lourde tâche d’être responsable de tantd’âmes. Mais que vois-je ? Quel est cet infâme

Histoire

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Histoire

COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010�35

troupeau que vous transportez là, commandant ?Quelle honte de voir ces néophytes arrogants megâcher ma journée ! Abject ! Des néophytes quiosent souiller ces lieux sacrés. »

Baptême à fond de caleC’est alors que débarque une horde de « sau-vages ». Les épreuves initiatiques infligées aux« infâmes néos », régulièrement arrosés plageavant, vont ainsi s’enchaîner : d’abord la visitemédicale des « infirmiers », puis l’épreuve derasage des «barbiers » et le pétrissage des «bou-langers». Après un passage dans la farine et dansdifférentes mixtures, vient le serment du bap-tême.L’eau tient une place prépondérante dans cettecérémonie. Comme dans la religion, l’eau com-porte des vertus purificatrices. Son absence faitégalement cruellement défaut à certainsmoments : la coupure d’eau douce à bord rendainsi impossible la toilette des néophytes macu-lés de farine et de graisse ! Originellement, lebaptême consistait en une immersion à fondde cale avant de se pratiquer, de manière pluscivilisée, dans une piscine dévolue à cet effet.Toutes ces « agapes » se clôturaient jadis«dans un combat général dont les pompes à incen-die, les seaux, les bailles constituent la formida-ble artillerie, et dont la mer fournit les muni-tions. Quelques heures après, le pont est lavé etséché, l’équipage dégrimé et le service ordi-naire reprend son cours », comme l’écrivait JulesLecomte dans son Dictionnaire pittoresque deMarine paru en 1835.Barbouillage, rasage, immersion et aspersion, lasymbolique des serments est prégnante durantcette cérémonie. Spécialiste de sémantique mari-time, le Peintre de la Marine Michel Bez est for-mel : « La Ligne s’apparente aux rites d’initiationdes sociétés primitives dans lesquels les principessont identiques : mourir pour renaître dans une vienouvelle en tant qu’adulte, chef ou membre d’unesociété secrète ».

Certificat de passageConcernant la cérémonie des marins, chaquenouveau dignitaire reçoit à son issue un certificatde passage, preuve de sa participation à ce ritequi, dans la Marine, s’est adouci au fil des années,lois sur le bizutage et féminisation obligent. Ainsipurifiés, voilà les « infâmes néos » devenus doré-navant des dignitaires de la Ligne.Célébré avec une débauche de costumes et demises en scènes soigneusement préparés, le pas-sage de la Ligne est une cérémonie profane etparodique, teintée d’esprit carnavalesque. Si,originellement, cette cérémonie avait lieu aupassage de certains endroits réputés dangereux,c’est le passage de l’équateur qui s’est transmisjusqu’à nous. Quant aux origines de ce rite,nombreux sont ceux, perspicaces, à y avoir décelé

un lien de parenté avec l’Antiquité tant les réfé-rences lorgnent vers cette période de l’Histoire.Pourtant, la Ligne est une cérémonie plusmoderne. Le latiniste objectera en citant d’évi-dentes analogies avec les Saturnales, ces fêtes del’antiquité romaine accompagnées de grandesréjouissances et célébrées en l’honneur du dieuSaturne, au cours desquelles les esclaves jouis-saient d’une apparente liberté. Il aura en partieraison, tant la hiérarchie est également bouscu-lée lors du passage de la Ligne.Quant aux historiens maritimes, ils datent pré-cisément les origines de ce rite : les journaux denavigation attestent que cette pratique était envogue dès le XVIe siècle dans les marines despays de langues scandinave, anglo-saxonne oulatine. Ainsi, dans sa Relation du voyage de lamer du Sud publié en 1716, l’ingénieur mili-taire, également explorateur, botaniste, naviga-teur et cartographe du Roi Amédée FrançoisFrézier (1682-1773), écrit à ce propos que ce« baptême est en usage parmi toutes les nations ».

Dans le « pot au noir »Cérémonie primitivement religieuse devenueburlesque, la Ligne s’est d’emblée avérée utilepour le commandement. Car c’est un prétexteà varier l’uniformité des jours de mer, surtoutà l’approche de l’équateur et de son « pot aunoir », comme l’atteste Eugène Pacini dans sonouvrage La Marine publié en 1844 : «Pendant leslongs jours qui s’écoulent sous ce brûlant climat,les marins ont, pour se distraire, la pêche du requinavide qui abonde dans ces parages ; puis, au pas-sage de l’équateur, on célèbre à bord la fête de laLigne, véritable Saturnale dont les préparatifsoccupent longtemps à l’avance les loisirs des mate-lots ».Au cours du XIXe siècle, cette cérémonie mar-quant le franchissement de l’équateur – et destropiques au temps de la marine à voile – s’éten-dra au franchissement de la ligne du cerclepolaire, progrès des explorations maritimesobligent ! En France, un dénommé Jules Sébas-tien César Dumont d’Urville, découvreur de la

Terre Adélie, n’y serait d’ailleurs pas étranger.Pratiquée à bord des bateaux de la Marinenationale et de la marine marchande, la céré-monie de la Ligne s’est même étendue un tempsà la navigation aérienne, notamment à borddes unités d’Air France à compter de l’après-guerre.

Napoléon refuse la LigneDans l’histoire maritime, un refus de passer laLigne est demeuré emblématique : le passagerétait illustre, il s’agissait de Napoléon, embar-qué sur le Northumberland, un bâtiment bri-tannique de 600 tonnes, à destination de l’îlede Sainte-Hélène. Le jour de la cérémonie, l’ex-empereur des Français, redevenu après saseconde abdication le général Bonaparte (cequ’il sera toujours resté pour les Britanniques),resta toute la journée enfermé dans sa cabine,refusant les supplications de Neptune.Beau joueur, le contre-amiral George Cockburndéclara que « le général Bonaparte a déjà passé laLigne ! ». Un mensonge diplomatique qui évi-tera tout incident. « L’empereur fut donc scru-puleusement respecté pendant cette Saturnale qui,d’ordinaire, ne respectait jamais rien», confiera aposteriori Emmanuel de Las Cases, l’un de sesproches devenu son secrétaire particulier et sonconfident, avant de préciser cependant à pro-pos de son mentor qu’«ayant appris l’usage et leménagement dont on usait à son égard, il ordonnaqu’on distribuât cent napoléons au grotesque Nep-tune et à sa bande, ce à quoi l’amiral s’opposa,autant par prudence que par politesse ».De son côté, le général Charles de Montholon,un autre compagnon d’exil, affirmera que «l’Em-pereur fit donner cinq cents napoléons à Neptune.Cette manière de faire connaissance fut le signald’un hourra étourdissant de joie et de cris “ViveNapoléon !”» Cent napoléons légués à des sujetsde sa Majesté ? Cinq cents napoléons ? Qu’im-porte ! L’honneur du général-empereur estdemeuré sauf. Point… à la Ligne !

Stéphane Dugast

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MONACO RAID : LES MARINS DU BMP SUR LE PODIUM1 Deux équipes de marins ont parti-cipé au Monaco Raid Interarmées qui aeu lieu du 7 au 9 octobre 2010 en prin-cipauté de Monaco. Cette compétitionsportive de haut niveau s’adresse à desmilitaires venant d’Angleterre, de Suisse,d’Italie, de Turquie, de Monaco et deFrance. « Une aventure humaine et convi-viale autour d’un événement sportif quis’inscrit dans l’air du temps et met enexergue des valeurs de la communautémilitaire : esprit d’aventure, raid, endu-rance, travail en équipe, solidarité etcamaraderie », soulignent les organisa-teurs de l’événement.Les 15 équipes, composées chacunes detrois hommes et une femme, se sontaffrontées dans quatre épreuves nau-tiques de navigation, une épreuve denatation (1 000 mètres dans la baie deMonaco), une épreuve de kayak biplace(11 km) ainsi que 25 km de course enrelais dans les rues de la Principauté.Des épreuves très techniques, au départde Monaco et le long des côtes médi-terranéennes, et excluant la vitesse pureau profit de la gestion du temps (ou ducarburant) et du respect des consignes.Le départ de l’une d’elles a été donnépar SAS le Prince Albert II de Monaco,

ÊTREcombatif

SM LE BRETON, ESPOIR DE LA VOILE FRANÇAISELe second maître Thomas LeBreton, de la section haut niveaude la défense voile (SHNDV) del’École navale, s’est distingué enprenant la 5e place du très relevéchampionnat du monde de Finn àSan Francisco en septembre. Eneffet, il a réussi, dans un ventsoutenu (20 nœuds en moyenne),à se classer dans le top 10, ce qui constitue une excellenteperformance. Face à des concurrentsathlétiques, frôlant les 105 kg oules deux mètres (parfois lesdeux !), Thomas Le Breton a sutirer profit de ses connaissancestechniques et de sa maîtrise dubateau. Ce grand espoir françaisde la voile a pour objectif de sequalifier aux Jeux olympiques deLondres 2012.

E N B R E F

de retour de l’exposition universelle deShanghai.Au terme de la compétition, l’équipedu bataillon des marins-pompiers deMarseille (BMP) a terminé troisième,suivie de près par l’équipe de la Marinenationale (quatrième). L’équipe deMonaco s’est imposée à domicile.�

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N’hésitez pas à nous écrire :[email protected] Sirpa Marine, rédaction de Cols Bleus,2 rue Royale, 75008 Paris

ESPACElecteurs

PERMUTATIONSGECOLLSM Bat Gecoll (Motel) affecté GSBdD Brest antenne du Poulmic (adjointgérant mess officiers de l’École navale à Lanvéoc) recherche permutationsur Toulon. Contact au 06 32 03 59 83 (laissez un message).

SM Bat Gecoll (Cuisi) affecté SVR Toulon (terre), recherche permutationsur Brest embarqué, de préférence sur petites unités mais étudie toutespropositions. Contact au 06 88 64 40 91.

QM1 Bat Gecoll (Commis) affecté Brest terre (GSBdD) recherche placeBrest embarqué (FASM ou autre). Ne pas hésiter à me contacter pourplus d’informations au 06 82 47 67 87 (après 16 h).

MANEUQM1 Bat Maneu affecté Marseille terre, cherche permutation Toulonembarqué, étudie toutes propositions. Contact au 06 66 02 66 28 ou 06 67 21 56 69 (laissez un message).

MARPOMOT Marpo, affecté Ile Longue, cherche permutation Nîmes-Garons,Hyères ou Toulon (terre ou embarqué). Contact : [email protected].

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� « Actuellement en Allemagne, et ayantaccès aux magazines allemands semblables à ColsBleus, je voudrais vous signaler que des rubriquesrégulières, telles que la présentation de marinesétrangères ou de bateaux emblématiques (typele « bateau du mois ») ainsi que la sortie de livres,DVD ou CD en rapport avec le monde militaire,sont très appréciées outre-Rhin. Je pense que detelles rubriques seraient susceptibles d’intéres-ser un très grand nombre de lecteurs. » Un élèveEFENA 2006.Vos suggestions rejoignent des pistes derubriques sur lesquelles nous travaillons, carelles nous sont souvent demandées, notammentla présentation de marines étrangères et debateaux emblématiques. Par ailleurs, la rubriquedu CV(R) Prézelin sur les nouveaux bâtiments deguerre reprendra dans quelques semaines sousune forme nouvelle.Quant à la rubrique sur les nouveaux livres, DVDou CD liés à la mer, elle verra le jour très pro-chainement. �

� « Ma première remarque concerne le nomde l’opération et la francisation d’Atalanta en Ata-lante (Cols Bleus n° 2955). Nous sommes les seuls,sur les 27 États membres, à nationaliser le bap-tême de l’opération… ce qui, incidemment, la renddifficilement trouvable sur Internet, où Atalante

COUPS DE CŒUR… COUPS DE COLÈRE !

� « Cols Bleus fait partie du patrimoine de laMarine. La rédaction du magazine devrait doncveiller au respect de cet autre élément du patri-moine qu’est le vocabulaire maritime. Ainsi, dansle dernier numéro (2958) on peut lire que le « dra-peau » du Jules Verne a été rentré. » Un CA (2S).La rédaction fait très humblement son mea culpa.L’erreur avait échappé à tous les (re)lecteurs. Ils’agissait bien évidemment du pavillon. Nousremercions ce lecteur, comme beaucoup d’au-tres d’ailleurs, pour la lecture particulièrementattentive de notre magazine. �

� « Il y a quelques mois, la couverture et lesommaire de Cols Bleus étaient reproduits sur lesite de la Marine. Je ne retrouve plus ces élé-ments depuis la refonte graphique. » Un EV deréserve.Le site Internet de la Marine a été profondémentremanié lui aussi et des éléments ne sont pasencore en ligne. Cette situation est temporaire et,dans un proche avenir, nous envisageons de met-tre en ligne la totalité du magazine. �

renvoie à une héroïne grecque. Par ailleurs, il sem-ble que ce dossier aurait été une bonne occasion,au moment où l’on va opérer le transfert de l’Emiaà Abu Dhabi, de mentionner explicitement le rôled’Alindien. » Un officier d’active.L’auteur du dossier, affecté à l’état-major de l’opé-ration, avait utilisé la version francisée. Nousn’avions pas voulu changer sa formulation. Laremarque est cependant pertinente et nous entiendrons compte dans l’avenir. Par ailleurs, nousprévoyons d’évoquer prochainement le transfertde l’Emia Alindien et un dossier devrait lui êtreconsacré en début d’année prochaine. �

� « Il existe de nombreux sites Internet trai-tant de la Marine, rédigés par d’anciens marins,des maquettistes, des associations, sans compterles sites officiels. Cols Bleus pourrait mettre régu-lièrement un site à l’honneur, en précisant sonstatut, son contenu, sa fréquentation et l’adressemail du webmaster. Ces sites renferment souventdes trésors méconnus, et Cols Bleus pourraitjouer un rôle fédérateur. » Un réserviste de laMarine.Il est souvent difficile d’avoir un avis précis etobjectif sur des sites trop « confidentiels » -. Néanmoins, votre idée est excellente et nousvous présenterons ceux qui nous semblent lesplus pertinents. �

Cette nouvelle rubrique est la vôtre ! Vous avez été quelques-uns à nous écrire. Merci à tous. De vos courriers et mails, nous avons extrait ces quelques remarques ou suggestions que nous avons trouvées pertinentes. Pour des raisons de place, nous les avonssensiblement réduites pour n’en retenir que les points importants. Que ceux dont les courriers ne sont pas reproduits ici ne nous enveuillent pas, nous ne pouvons tout publier, mais nous les avons lus avec attention et nous en tiendrons compte.

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Page 36: EMPREINTES INOXYDABLES - cols-bleus …cols-bleus-fr.s3.amazonaws.com/exemplaires/pdf/CB_2958.pdf · Marin... homme venu de la terre face à la mer qui l’appelle, face à la mer

38�COLS BLEUS�N°2958�23 OCTOBRE 2010

RÉDACTION : 2, rue Royale – 75008 Paris �Tél. : 01 42 92 17 17 – Télécopie : 01 42 92 17 01 �E-mail : [email protected] – Internet : www.defense.gouv.fr/marine �Directeur de la rédaction : CF Jérôme Baroë �Rédacteur en chef adjoint : LV Clémence Viel �Secrétaire : SM Anaëlle Basle �Rédacteurs et journalistes : LV Charlotte Berger, EV1 Grégoire Chaumeil, Stéphane Dugast�Infographie : Serge Millot �Directeur de la publication : Hugues du Plessis d’Argentré, capitaine de vaisseau commandant le service d’information et de relations publiques de la Marine �

Abonnements : 01 49 60 52 44 �Publicité, petites annonces : ECPAD, pôle commercial – 2 à 8, route du Fort, 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Thierry Lepsch – Tél. : 01 49 60 58 56 – Télécopie : 01 49 60 59 92 �Conception-réalisation : Idé Édition, 33, rue des Jeûneurs, 75002 Paris – Direction artistique : André Haillotte – Secrétaire de rédaction : Christophe Bajot– Rédacteurs graphiques : Bruno Bernardet, Virginie Gervais, Nathalie Pilant, Laurent Villemont �Photogravure : Beauclair – 15, avenue Bernard-Palissy, 92210 Saint-Cloud �Imprimerie : Quebecor– 6, route de la Ferté-sous-Jouarre, 77440 Mary-sur-Marne �Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction �Commission paritaire n° 0211 B 05692/28/02/2011 �ISBN : 00 10 18 34 �Dépôt légal : à parution �

bimensuel DE LA MARINE NATIONALE

COLS BLEUS N°2958 23 OCTOBRE 2010

TEMPSlivre

Marins en guerre : de glorieux anciensen rebondissements, parfois drama-tiques.Ne se cantonnant pas à la SecondeGuerre mondiale, l’auteur étend sesinvestigations aux conflits en Indochineet en Algérie. « Ce livre est l’occasion dedécouvrir des facettes méconnues denotre histoire contemporaine, une his-toire dont on ne conserve en tête que lesgrandes têtes de chapitre sans appré-hender la réalité quotidienne des plusmodestes combattants », précise l’édi-teur Pascal Galodé, qui se taille désor-mais une place de choix dans le rayon-nage des ouvrages maritimes. Le lecteury verra, quant à lui, l’opportunité de seplonger dans des récits restituant avecforce et émotion les destins de marinshéroïques. Tout au long des 330 pagesde cet ouvrage souffle un parfum d’aven-ture, forcément inspirant…

STÉPHANE DUGAST

PRENDRE PIED, TENIR OU MOURIR ! MARINS EN GUERRE, DE MICHEL GIARD, 330 PAGES, 20 EUROS (PASCAL GALODÉ

ÉDITEUR, COLLECTION « LES MARITIMES »).

Juin 1940, fin de la « Drôle de guerre »et débâcle de l'armée française, consi-dérée comme une des plus puissantesdu monde... Retranchées derrière laligne Maginot, les forces françaisess’écroulent face au déferlement de l’ar-mée du IIIe Reich. Après la campagnede Norvège, c’est l’évacuation in extre-mis de la poche de Dunkerque : durantces heures tragiques, la Marine est déjàen première ligne.Plus tard, en juillet 1940, des volon-taires venus de l’île de Sein, de Nor-mandie et d’ailleurs rejoignent de Gaulle,dissident d’alors. L’épopée de la FranceLibre va dès lors s’écrire aussi avec lesmarins : libération de Saint-Pierre-et-Miquelon, perte de navires en Atlantiqueou destin tragique du sous-marin Sur-couf. C’est sous la forme de 23 récitsque l’écrivain Michel Giard raconte ledestin de ces « marins en guerre »héroïques. Historien, conférencier, chro-niqueur à la radio, l’auteur du récent LesMousses (paru aux éditions du Télé-gramme) nous offre cette fois une sériede témoignages hauts en couleur, riches

Un coureur des mers, un écrivain diplomate, un explorateur des pôles :trois personnalités trèsdifférentes mais un pointcommun, la mer commehorizon. Éric Tabarly, Jean-François Deniau, Paul-Émile Victor : trois marins d’exception,dont l’expérience maritime aété déterminante dans leurpersonnalité et leur destin.Cols Bleus propose de redécouvrir ces troispersonnalités remarquables.Exocet : entraînement

au combat de haute intensité pour les frégates Forbin et Cassard.Mutualisation : des marins au cœur de la Champagne ! Le ministre dela Défense inaugure l’escadron de transformation Rafale à Saint-Dizier.Passage de la Ligne : Stéphane Dugast évoque les origines de cemoment clef dans la vie des marins.COUVERTURE : GALATÉE FILMS

CRÉDITS PHOTOS ET ILLUSTRATIONSAPERCUPAGES 4-5 : MN/PIERRE-FRANÇOIS WATRAS

PASSION MARINEPAGES 8-9 : (HAUT) MN, (DE GAUCHE À DROITE) GALATÉE FILMS/STÉPHANEDUGAST/FRANCIS GIACOBETTI-FONDS PAUL-ÉMILE VICTORPAGES 10-11 : CRISTEL ÉDITIONSPAGES 12-13 : GALATÉE FILMS PAGE 14 : SYLVIE DAVID-RIVÉRIEULX/GALATÉE FILMS/SYLVIE DAVID-RIVÉRIEULXPAGES 15-16 : STÉPHANE DUGASTPAGES 17-18 : FONDS PAUL-ÉMILE VICTORPAGES 19-20-21-22 : MN

INFO ACTUSPAGES 24-25 : MN PAGES 26-27 : MN/ANAËLLE BASLEPAGE 28 : MN/PIERRE-FRANÇOIS WATRAS, MN/MAËL PRIGENT PAGE 29 : MN

CHRONIQUE DU PERSONNELPAGE 30 : MN PAGE 31 : MN/HERVÉ ALLAIRE

DANS NOS PORTSPAGE 32 : MN/LAËTITIA RAPUZZI, MN/JOËL TRINTAFYLLIDES, MN/SERGE CHAR-MOILLAUX, MN/THIERRY MAGUETPAGE 33 : MN/PHILIPPE SOLA

HISTOIREPAGES 34-35 : R97 – DES HOMMES À TERRE, DE BERNARD GIRAUDEAU (+) ET CHRIS-TIAN CAILLEAUX (CASTERMAN)

ÊTRE COMBATIFPAGE 36 : MN

TEMPS LIBREPAGE 38 : DR

ErratumCrédit photo page 38 du Cols Bleus n°2957, lire Musée des Pays de Seine-et-Marne.

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