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Contact : Hervé Petit • tél + 33 (0)3 68 98 75 23 • courriel : [email protected] Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Dossier pédagogique Saison 2017 - 2018 Opéra operanationaldurhin.eu du rhin opéra d'europe En deux mots Deux compositeurs, trois ouvrages courts, une soirée Kurt Weill et Arnold Schönberg qui ont fait bougé les lignes de la musique, dérangeant à bien des titres les conventions. En témoignent ces trois compositions : deux de Kurt Weill : Mahagonny Songspiel, court opéra créé en 1930 d’après un conte japonais et Les sept péchés capitaux, d’après Bertold Brecht, ballet chanté dont la création a lieu en 1933 ; de Arnold Shönberg. Enfin : Pierrot lunaire qui voit le jour en 1943 qui conte l’errance de ce héros de la Commedia dell’arte pour un rôle à contre-emploi. ® plainpicture_Kniel Synnatzschke

En deux mots - operanationaldurhin.eu Dossier... · et Arnold Schönberg qui ont fait bougé les lignes de la musique, dérangeant à bien des titres les conventions. En témoignent

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Contact : Hervé Petit • tél + 33 (0)3 68 98 75 23 • courriel : [email protected] Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg

Dossier pédagogiqueSaison 2017 - 2018

Opéra

operanationaldurhin.eudu rhin opéra d'europe

En deux motsDeux compositeurs, trois ouvrages courts, une soirée Kurt Weill et Arnold Schönberg qui ont fait bougé les lignes de la musique, dérangeant à bien des titres les conventions. En témoignent ces trois compositions : deux de Kurt Weill : Mahagonny Songspiel, court opéra créé en 1930 d’après un conte japonais et Les sept péchés capitaux, d’après Bertold Brecht, ballet chanté dont la création a lieu en 1933 ; de Arnold Shönberg. Enfin : Pierrot lunaire qui voit le jour en 1943 qui conte l’errance de ce héros de la Commedia dell’arte pour un rôle à contre-emploi.

® plainpicture_Kniel Synnatzschke

2 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Les sept péchés capitaux

LES SEPT PECHES CAPITAUX... Kurt WeiLL / arnoLd schönberg

En langue allemande, surtitrages en français et en allemandDurée approximative : 2 h 10 - entracte comprisConseillé à partir de 12 ans 

strasbourg Opéra di 20 mai 15 h

ma 22 mai 20 hje 24 mai 20 h

sa 26 mai 20 hlu 28 mai 20 h

coLMar Théâtrema 5 juin 20 h

MuLhouse La Sinneme 13 juin 20 hve 15 juin 20 h

scÈne ouVerteRencontre à la librairie Kléber,

entrée libresa 19 mai 17 h

Direction musicale Roland Kluttig Mise en scène David Pountney Décors et costumes Marie-Jeanne Lecca Lumières Fabrice Kebour

Mahagonny songspieLKurt WeiLLLivret de Bertolt Brecht Créé à Baden-Baden le 17 juillet 1927

Charlie Mark Le Brocq Billy Stefan Sbonnik Bobby Antoine Foulon Jimmy Patrick Blackwell Jessie Lauren Michelle / Lenneke Ruiten

pierrot LunairearnoLd schönbergTrois fois sept poèmes d’après Albert Giraud, pour voix et cinq instrumentistes Créé le 16 octobre 1912 à Berlin

Soprano Lenneke Ruiten / Lauren Michelle

Les sept péchés capitauxKurt WeiLLBallet chanté en un prologue et sept tableaux, sur un livret de Bertolt Brecht Créé en 1933 à Paris

Anna Lenneke Ruiten / Lauren Michelle Père Mark Le Brocq Frère Stefan Sbonnik Frère Antoine Foulon Mère Patrick Blackwell

Orchestre symphonique de Mulhouse

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 3

Argument

Une inspiration des textes sacrés sous le prisme de Weill

Les Sept péchés capitaux raconte l’histoire de deux jeunes sœurs, l’une danseuse, l’autre chanteuse, envoyées dans les grandes villes des États-Unis afin de gagner l’argent nécessaire à la construction d’une maison familiale en Louisiane. Au cours de leurs pérégrinations, Anna II, assaillie par les sept péchés capitaux (paresse, orgueil, colère, gourmandise, luxure, avarice, envie), s’apprête à succomber à des tentations bien humaines mais Anna I fait triompher sa sœur de la tentation en l’obligeant à faire preuve d’autodiscipline et d’abnégation. Cela n’empêche pas Anna I de fermer les yeux sur les péchés réels de sa sœur tels que la prostitution, le vol et le chantage dès lors qu’ils leur permettent de s’enrichir et de réaliser leur projet de vie.

Emil Nolde, Die Heilige Maria von Aegypten. Im Hafen von Alexandrien, 1912

Huile sur toile

4 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

À propos de...

KURT WEiLL Compositeur

Né à Dessau en Allemagne en 1900, fils de musiciens, il étudie la musique notamment auprès du compositeur italien Ferruccio Busoni. Très tôt attiré par l’opéra et le théâtre musical, il s’inscrit dans le dynamisme du mouvement artistique allemand des années 1920, sous la République de Weimar qui promeut de jeunes artistes avant-gardistes. En 1920, il rencontre l’un des principaux auteurs dramatiques expressionnistes, Georges Kaiser, et une collaboration fructueuse les lie pendant 10 ans. Il écrit avec lui 3 opéras : Le Protagoniste (1926), Le Tsar se fait photographier (1928) et Le Lac d’argent (1933). En 1926, il rencontre Brecht, un

partenaire qui lui permet de trouver un style nouveau. Ensemble, ils créent une nouvelle forme de théâtre musical dans deux œuvres à la fois satiriques et didactiques : L’Opéra de quat’sous (1928) et Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (1930), qui préfigure la chute de la République de Weimar. Dans ces deux œuvres, Weill introduit des songs, dont le style est un mélange de ballades berlinoises, de complaintes et de chansons de jazz. Il écrit de la musique légère aux mélodies faciles et aux rythmes prenants, mais en y introduisant la technique de la musique savante : harmonies parfois audacieuses, modulations et orchestrations habiles. Dans les années 1920 et 1930, il compose plusieurs pièces instrumentales, dont deux symphonies, un quatuor à cordes, et un concerto pour violon, qui témoignent d’un langage influencé par l’expressionnisme de Schönberg. Les œuvres de Kurt Weill sont qualifiées de subversives par les nazis, ce qui l’oblige à quitter l’Allemagne en 1933 avec sa femme, l’actrice et chanteuse Lotte Lenya. Ils se rendent d’abord à Paris, puis aux États-Unis en 1935. Il travaille avec de grandes plumes du théâtre et y compose plusieurs comédies musicales pour Broadway. Kurt Weill décède à New-York en 1950. Son parcours interrompu prématurément crée une passerelle entre la musique savante européenne du début du XXe siècle et la musique plus commerciale et populaire des États-Unis.

BERTOLT BRECHT Auteur

Né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière, Bertolt Brecht est un dramaturge, metteur en scène, critique théâtral et poète allemand du XXe siècle. D’origine bourgeoise, Brecht est le fils d’un dirigeant d’une fabrique de papier. Il commence à écrire très tôt et entame des études de philosophie puis de médecine à Augsbourg. En 1918, il est mobilisé comme infirmier. L’horreur de la guerre aura, comme pour tous les surréalistes français, une grande influence sur lui. La même année, il écrit sa première pièce, Baal. Il chante des écrits pacifistes à Augsbourg puis à Munich et rompt les liens qui l’attachaient encore à sa famille. Suivent les pièces Tambours dans la nuit en 1919, Spartacus et Dans la jungle des villes qui montrent son côté anarchiste. Viennent ensuite les pièces Homme pour Homme et

Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny qui créent la polémique jusqu’en 1918 où, sur une musique de Kurt Weill, il écrit L’Opéra de quat’sous, un des plus grands succès théâtraux de la République de Weimar. Mais, après la chute de celle-ci et la montée du nazisme, il doit finalement quitter l’Allemagne. Après des années très productives en Californie, ses travaux largement imprégnés d’idéologie marxiste le conduisent devant la commission des activités anti-américaines puis à quitter les États-Unis. De retour en Allemagne, il mène de front des activités dramatiques (Mère Courage et ses enfants), poétiques et une prise de position pour une culture socialiste, notamment avec le Berliner Ensemble. Il obtient le prix Staline en 1955 et décède en 1956. Ce grand théoricien du théâtre moderne voulait rompre avec l’illusion théâtrale et pousser le spectateur à la réflexion. Ses pièces sont donc ouvertement didactiques. Par l’usage de panneaux avec des indications, des apartés en direction du public pour commenter la pièce ou avec des intermèdes chantés, il force le spectateur à s’interroger et à porter un regard critique sur l’œuvre. Ce processus, qu’il baptise « distanciation », a beaucoup influencé certains metteurs en scène français. Dans son théâtre épique, l’acteur doit plus raconter qu’incarner. Il doit susciter la réflexion et le jugement plus que l’identification.

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 5

La collaboration entre Weill et Brecht

Figures de proue des avant-gardes artistiques, Weill et Brecht vivent tous deux dans le bouillonnement de Berlin. Ils sont des acteurs majeurs de ce que les nazis rangeaient sous le titre d’ « art dégénéré » et sont artistiquement révolutionnaires et socialement progressistes. Brecht est un poète provocateur, anarchiste puis marxiste. Weill est un enfant terrible de la musique nouvelle et un ancien membre du Novembergruppe.

En 1927, le Festival de Baden-Baden « Musique de chambre allemande » passe commande à Weill d’un opéra de courte durée pour l’été. Brecht, rencontré au café Schlichter la même année, le seconde dans ce projet. Dès leurs premières conversations, l’idée d’une grande forme est déjà présente derrière le projet immédiat de l’opéra-minute. Weill compose les cinq Chants de Mahagonny et les résume en une petite forme dramatique, en étroite collaboration avec Brecht. En avril, l’essentiel de la musique du Mahagonny Songspiel est écrite.

Le 17 juillet, la création au Festival de Baden-Baden suscite des réactions de rejet par un public mondain choqué et des critiques divisées. Cependant, ce spectacle jette les bases de toutes les œuvres futures du brillant tandem qui allaient influencer durablement l’histoire du théâtre musical. La grande forme projetée, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, opéra en trois actes commencé au printemps 1927, ne sera achevée qu’en avril 1929. Entre temps, Brecht et Weill auront mené à leur terme la presque totalité de leurs œuvres communes. Leur deuxième collaboration, L’Opéra de quat’sous cherche à montrer que « l’univers mental et la vie sentimentale des brigands ont énormément de ressemblance avec l’univers mental et la vie sentimental des bourgeois rangés ». Malgré des répétitions chaotiques, des coupures et des remaniements incessants, la pièce est un triomphe. Les deux artistes accèdent à une reconnaissance internationale. C’est l’occasion pour Weill de s’expliquer sur ce qu’il attend de cette nouvelle forme d’opéra, autrement dit le théâtre musical : « avec L’Opéra de quat’sous, nous touchons un public qui ne nous connaissait pas du tout ou ne nous pensait pas capables de toucher un cercle d’auditeurs dépassant de loin le cadre du public des concerts et de l’opéra. Le renoncement à la position de l’art pour l’art, l’idée du film musical, le rattachement au mouvement musical pour la jeunesse, la simplification des moyens d’expression musicaux liés à toutes ces tendances nous font progresser dans la même direction (…) ». Weill et Brecht continueront de travailler sur d’autres opéras, toujours dans la perspective de s’adresser au plus large public populaire. Cela donnera naissance à des spectacles comme Das Berliner Requiem, Le Vol de Lindbergh, Les sept péchés capitaux. En janvier 1930, les deux hommes commencent la composition et l’exécution de Celui qui dit oui. L’exil et l’après-guerre n’empêchent pas les deux artistes de se voir à plusieurs reprises mais leurs projets n’aboutiront pas, chacun se consacrant à ses propres œuvres.

Otto Dix, Les Sept Péchés Capitaux, 1933

Technique mixte sur bois, Staatliche Kunsthalle, Allemagne

6 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Autour de l’œuvre

L’œuvre

Composé en 1933, Les sept péchés capitaux est un ballet chanté, d’après un livret de Bertolt Brecht. Cette œuvre fut créée à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, le 7 juin 1933.

Interdit de musique sous le nazisme, Kurt Weill s’expatrie dès mars 1933 en France, à Paris. Il y décroche rapidement une commande de Boris Kochno, ancien bras droit de Serge de Diaghilev, le fondateur des Ballets russes, devenu directeur, avec le jeune chorégraphe George Balanchine, des “Ballets 1933”. Avec ses complices habituels, Bertolt Brecht pour le texte et Lotte Lenya comme chanteuse, Kurt Weill construit une parabole sur la dualité sociale de l’individu dominé par l’ordre capitaliste, une parabole sur la disparité morale entre le règne de l’ordre (celui des sept péchés) et l’anarchie du matérialisme. Dans une société pour laquelle l’amour est une marchandise, Anna I traite les pulsions naturelles de la belle Anna II comme une denrée servant à grossir leur compte en banque.

Le ballet-chanté est structuré en sept mouvements autonomes (Les sept péchés capitaux). En fait, c’est simultanément un défilé d’airs, intégrant Valse, Fox-trot, Shimmy-She-Wobble, Marche et Tarentelle, et une structure symphonique unifiée par un motif récurrent, véritable leitmotiv. Comble de cynisme (n’oublions pas le contexte antisémite de 1933, auquel s’ajoute une volonté de transgresser des valeurs esthétiques et culturelles en place dans la société bourgeoise), Weill introduit un quatuor vocal masculin, chantant souvent a capella dans la meilleure tradition chorale allemande, chargé de transmettre les états d’âme de la famille.

Le contexte historique de l’œuvre

Les sept péchés capitaux, « ballet-chanté » par la chanteuse très en vogue à l’époque et épouse de Kurt Weill, Lotte Lenya, sur un argument de Bertold Brecht, est créé à Paris le 7 juin 1933, au Théâtre des Champs-Élysées, sous la direction de Maurice Abravanel, dans une chorégraphie de Georges Balanchine. Le 26 novembre, lors d’une représentation à la Salle Pleyel, le compositeur Florent Schmitt hurle « Vive Hitler ! » soutenu par une partie de la salle.

Le lendemain, et les semaines suivantes, certains journaux parisiens s’en prennent violemment à Kurt Weill, notamment Lucien Rebatet qui dénonce le « virus judéo-allemand » :

« Bien que l’on puisse, malheureusement, s’y tromper, M. Schmitt demande avant tout aux Parisiens combien de temps ils supporteront sans murmure le monopole d’Israël sur notre vie musicale. Il ne s’agit nullement de contester leur place à un Horowitz, une Wanda Landowska, mais, pour un grand virtuose juif, nous comptons, chaque année des centaines de médiocres ou d’indésirables, bénéficiant le plus aisément du monde d’une formidable organisation internationale de réclame et d’habile solidarité, de coteries politiques ou diplomatiques, auxquels nous n’exposons trop souvent que notre badauderie. Neuf fois sur dix, le virtuose d’exportation, plaie de nos concerts par son astucieuse vulgarité, est un juif. L’exode des juifs d’Allemagne tournant à l’invasion, Paris est en train de devenir la capitale intellectuelle du « Peuple élu », semant autour de nous tous les germes de décadence qu’il porte depuis les Pharaons. »

Lucien Rebatet, Une apostrophe de M. Florent Schmitt, dans « Action française », 2 décembre 1933

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 7

L’année 1933

Deux jours après son accession à la Chancellerie, Hitler provoque la dissolution du Reischtag en vue de nouvelles élections législatives. Il donne le pouvoir de police auxiliaire aux SA et aux SS. De nombreux affrontements particulièrement violents ont lieu dans les rues à l’encontre des opposants communistes ou antinazis. Mais le ton est donné : il faut marcher au pas. Dans ce contexte, la culture n’est évidemment pas épargnée. De nombreux intellectuels et artistes doivent démissionner de leur poste ; c’est le cas de Heinrich Mann, et de la sculptrice Käthe Kollwitz de l’Académie des Arts, suivront Arnold Schöenberg et bien d’autres. La terreur est en marche et s’accélère alors que le Ministère de l’Information et de la Propagande est confié à Joseph Goebbels. Les premières listes noires circulent : écrivains, musiciens, éditeurs, producteurs, journalistes et autres intellectuels sont dûment répertoriés.

Le 23 mars 1933, la loi destinée à « remédier à la détresse du peuple et du Reich » accorde les pleins pouvoirs au parti nazi. Le gouvernement peut alors promulguer de nouvelles lois et modifier la Constitution sans l’aval du Reichstag. La République de Weimar est définitivement morte.

Le 1er avril 1933, la loi pour « la Restauration du Fonctionnariat » permet d’éliminer une grande partie des opposants au parti nazi ainsi que les Juifs de tous les services publics.

Le 10 Mai 1933, des bûchers de livres embrasent toute l’Allemagne (Hanovre, Munich, Nuremberg, Brême, Bonn, Göttingen, Bresla, etc.) jetant ainsi physiquement mais surtout symboliquement, des centaines d’auteurs aux flammes. C’est le cas de Bertolt Brecht, mais aussi d’Heinrich Böll et de Klaus Mann, d’Ernst Glaeser, de Sigmund Freud, de Stefan Zweig, de Lion Feutchtwanger et bien d’autres. À Berlin, devant un parterre de SA, SS, différentes corporations d’étudiants, Jeunesses hitlériennes, et professeurs d’université, sur un fond sonore de fanfare jouant des marches et des airs patriotiques, 25000 livres sont amenés par camion devant l’opéra national pour y être brûlés. Joseph Goebbels, présent, déclare officiellement : « Ici gît le fondement spirituel de la République de Novembre. De ces cendres s’élèvera victorieusement le Phénix d’un nouvel esprit. »

Un autodafé, Berlin, le 10 mai 1933

United States Holocaust Memorial Museum

8 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

« Entarte Kunst » ou la dégénérescence artistique

Après la mise en place des nouvelles institutions culturelles, tous les courants artistiques qui divergent des va-leurs politiques, raciales, ou esthétiques du National-socialisme sont considérés comme « entartet » c’est-à-dire dégénérés. Arnold Schöenberg sera jeté au pilori pour sa musique, sa peinture et son appartenance au peuple élu. À ce titre, certains artistes, intellectuels devront être « purifiés », c’est-à-dire bannis de la vie culturelle du Reich. C’est ainsi qu’à une culture humaniste, progressiste et universelle incarnée par la République de Weimar, le parti nazi oppose et impose une culture de race, une culture «völklich», populaire et archaïsante. C’est le bras de fer entre la modernité et la tradition, la figuration et l’abstraction, le folklore et le Jazz, l’ordre établi et le Dadaïsme, la musique tonale et l’atonalité (et/ou le dodécaphonisme).

Avant de s’appliquer à l’art en général, puis à la musique en particulier la notion de « dégénérescence » s’applique tout d’abord à des théories raciales. Le tout est argumenté dans Mein Kampf, journal d’Adolf Hitler. Pour Hitler et le National-socialisme, la pureté de la race exige une pureté physique, morale, mais aussi politique, culturelle et artistique pour chaque individu appartenant au corps social. Pendant les douze années du régime nazi, de l’exclusion de la vie publique jusqu’aux camps de la mort, la haine de « l’impur » ne connaîtra aucune limite.

Berlin, Goebbels Haus der im Kunst, 27 février 1938

Berlin, Goebbels Haus der im Kunst, 27 février 1938

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 9

Glossaire

Foxtrot ou Fox trot ou Fox-trot

Signifie littéralement le pas du renard. Aux États-Unis, il s’agit d’une danse populaire fameuse, souvent controversée car d’origine noire et qui a connu un succès international vers 1914 grâce aux danseurs Irène et Vernin Castle. Son succès est entre autre dû à la simplicité de ses figures. À l’origine le Fox trot est dansé sur du Ragtime, puis il a lui-même généré sa propre musique en 2 temps (Cbarré). Aujourd’hui, il fait partie des danses de salon au même titre que la Valse, le Tango, le Paso doble…

Shimmy-She-Wobble

Danse créée au Cotton club en 1930.

Marche

Musique à 2 ou 4 temps destinée à régler les pas d’un groupe, d’un cortège, d’un défilé avec généralement un caractère rythmique marqué et entraînant. Largement répandue, la marche remplit un rôle fonctionnel, celui de maintenir la cadence, notamment grâce aux battements du tambour. Aux États-Unis, les marches militaires étaient particulièrement répandues au XIXe - début du XXe siècle. Elles étaient jouées par des fanfares de la Nouvelle-Orléans, et ont d’ailleurs directement influencé la structure du Ragtime. Les marches peuvent être écrites en 4/4, 2/2, 2/4 ou 6/8 et respectent souvent la forme ABA, la partie rythmée A alternant avec un épisode plus mélodique B. Dans la musique classique, la marche stylisée apparaît dès le XVIIe siècle dans la suite instrumentale, l’opéra, puis la symphonie (Lully, Haendel, et Mozart).

Tarentelle

Danse populaire rapide de couple à 3/8 ou 6/8 originaire du Sud de l’Italie et très prisée à Naples à la fin du XVIIIe et première moitié du XIXe siècle. Son nom dérive soit de la ville de Tarente, soit, toujours dans la même région d’Italie, de la tarantule, araignée dont la morsure serait soignée par les mouvements vifs de la danse. La Tarentelle a été adoptée par certains compositeurs du XIXe siècle qui l’apprécient au même titre que la Barcarolle, ou la Sicilienne pour sa couleur « locale ». La Tarentelle apparaît notamment dans l’acte III de La Muette de Portici (1828) de Auber dont Liszt réalisera une brillante fantaisie pour piano Tarentella di bravura (1846).

Leitmotif

Mot allemand construit avec le verbe « Leiten » (conduire) et le substantif « Motiv » (motif ), entré dans la langue française au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Ce terme, souvent traduit par « motif conducteur » ou « motif caractéristique » s’applique aux thèmes dominants des œuvres lyriques de Richard Wagner. Il a été inventé par le musicographe Hans Paul von Wolzogen (Bayreuther Blätter, 1878). Prenant des aspects mélodique, rythmique, harmonique, instrumental, et participant à la structure même du drame, ces motifs sont non seulement attachés à des personnages, des situations, des lieux, des objets, des sentiments, des idées, mais encore ils se transforment et se mélangent, créant tout un réseau de signification et de symboles. Wagner eut quelques précurseurs dans ce domaine : Grétry, Gluck, Weber dans Euryanthe, Berlioz et « son idée fixe » dans sa Symphonie fantastique, Liszt, Loewe et son Reitmotiv. Mais il eut aussi une nombreuse descendance car presque toutes les œuvres lyriques qui suivirent font appel à ce système.

>> Bibliographie

Pascal Huynh, Kurt Weill, De Berlin à Broadway, Plume, 1993

Pascal Huynh, Kurt Weill ou la conquête des masses, Actes Sud, 2000

Pascal Huynh, La Musique sous la République de Weimar, Fayard, 1998

Christian Goubault, Vocabulaire de la musique romantique, Minerve, 1997

Amaury Du Closel, Les voix étouffées du IIIe Reich, Actes sud, 2005

Elise Petit et Bruno Giner, Entartete Musik : musiques interdites sous le IIIe Reich, Bleu nuit, 2015

10 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Mahagonny songspieL

LES SEPT PECHES CAPITAUX... Kurt WeiLL / arnoLd schönberg

En langue allemande, surtitrages en français et en allemandDurée approximative : 2 h Conseillé à partir de ans 

strasbourg Opéra di 20 mai 15 h

ma 22 mai 20 hje 24 mai 20 h

sa 26 mai 20 hlu 28 mai 20 h

coLMar Théâtrema 5 juin 20 h

MuLhouse La Sinneme 13 juin 20 hve 15 juin 20 h

scÈne ouVerteRencontre à la librairie Kléber,

entrée libresa 19 mai 17 h

Direction musicale Roland Kluttig Mise en scène David Pountney Décors et costumes Marie-Jeanne Lecca Lumières Fabrice Kebour

Mahagonny songspieLKurt WeiLLLivret de Bertolt Brecht Créé à Baden-Baden le 17 juillet 1927

Charlie Mark Le Brocq Billy Stefan Sbonnik Bobby Antoine Foulon Jimmy Patrick Blackwell Jessie Lauren Michelle / Lenneke Ruiten

pierrot LunairearnoLd schönbergTrois fois sept poèmes d’après Albert Giraud, pour voix et cinq instrumentistes Créé le 16 octobre 1912 à Berlin

Soprano Lenneke Ruiten / Lauren Michelle

Les sept péchés capitauxKurt WeiLLBallet chanté en un prologue et sept tableaux, sur un livret de Bertolt Brecht Créé en 1933 à Paris

Anna Lenneke Ruiten / Lauren Michelle Père Mark Le Brocq Frère Stefan Sbonnik Frère Antoine Foulon Mère Patrick Blackwell

Orchestre symphonique de Mulhouse

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 11

Argument

Créée en 1927, cette œuvre est inspirée d’une pièce japonaise, Taniko, elle-même issue d’un vieux conte japonais, La Chute dans la vallée.

Pour rapporter à sa mère le remède qui la guérira, un jeune garçon accompagne son instituteur et trois étudiants dans un long et périlleux voyage au-delà des montagnes. Ne pouvant franchir une arête, il approuve la grande coutume qui consiste à précipiter dans la vallée celui qui ne peut la franchir. Mais, auparavant, on lui demande son accord. Jusque-là, personne n’a jamais refusé...

Paul Klee, O! les rumeurs!, 1939

Huile sur textile, Fondation Beyeler

12 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Autour de l’œuvre

Mahagonny Songspiel : une « petite cantate en scène »

Mahagonny-Songspiel est une « petite cantate en scène », composée en 1927 par Kurt Weill et Bertolt Brecht. L’ouvrage est créé pour la première fois le 17 juillet 1927 à Baden Baden. Brecht met en scène, Lotte Lenya chante Jessie, les décors sont de Caspar Neher. La scène se passe sur un ring. Des commentaires écrits sont projetés en fond avant chaque nouvelle scène.

Weill saisit l’opportunité de la commande qui lui est faite pour écrire « un exercice de style », en préparation d’un plus grand projet, l’expérimental « opéra épique », Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny.

Mahagonny-Songspiel est composé de six airs : « Auf nach Mahagonny », « Alabama Song », « Wer in Mahagonny blieb », « Benares Song », « Gott in Mahagonny », « Diese ganze Mahagonny ».

Weill a été séduit par le travail de Brecht en écoutant à la radio la pièce Homme pour Homme, écrite en 1927, où Brecht joue déjà sur les distorsions et les brisures. L’œuvre marque l’apparition du théâtre épique et le compositeur subjugué veut rencontrer l’auteur. De la rencontre Brecht-Weill naissent des œuvres d’une rare audace artistique, dont le Mahagonny Songspiel. L’étrangeté de la musique de Weill marquée à la fois par l’influence de Busoni et du jazz, complète admirablement l’ironie insolente des textes de Brecht et est à l’origine de leur succès.

Dans le contexte de l’entre-deux-guerres, les nouvelles idées artistiques vont bon train. Weill et Brecht, dans un même élan, veulent bouleverser l’ordre établi afin de toucher un nouveau public qui n’a pas droit à ce genre de spectacle. Le contenu devient politique afin de provoquer le public pour qu’il ne soit plus illusionné par ce qu’il voit, et qu’il réagisse.

On ne peut parler de cette œuvre sans citer l’opéra de Kurt Weill : Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, créé au Neues Theater de Leipzig, le 9 mars 1930 qui est (en fait) l’achèvement de ce qui était en sorte, sous la forme du Songspiel, un « premier jet ».

Le Songspiel

Selon Weill, le Songspiel est une pièce de poèmes chantés représentant la forme la plus pure du théâtre musical. Il est composé d’une suite de formes musicales fermées. Un chant correspond à une scène introduite par un titre narratif. Weill donne à sa musique, par l’utilisation de matériaux conventionnels, une fonction de commentaire. La musique est un moyen de distanciation qui contraste avec les formes familières telles que les chansons à succès ou le jazz, le tout sous forme de collage.

Que signifie «mahagonny» ?

Littéralement, mahagonny indique l’une des nombreuses nuances dans les couleurs de peau distinguées par les noirs américains. Il s’agit de la couleur dite acajou intermédiaire entre « banana » ou « lemon » carnations de peau les plus claires et « chocolate », la plus foncée.

« Mahogany Hall » est également le nom de la plus fameuse maison de rendez-vous, non seulement de la Nouvelle-Orléans, mais probablement du pays qui est fréquenté entre autre par le Roi Carol de Roumanie ou le Prince de Galles. Situé au 235 North Basin Street, ce bâtiment est aménagé par Lulu White en 1897 pour 40 000 dollars, somme colossale pour l’époque. Cette maison était d’un luxe extrême, marbre, acajou (d’où son nom), chandeliers en cristal… Toutes les chambres disposaient de salle de bain particulière. Dirigée par la plus célèbre des « Madame », Lulu White, Mahogany Hall est inaugurée le 1er janvier 1898. En 1925, aux prises avec la justice et rencontrant des difficultés financières, Lulu White est contrainte de vendre.

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 13

La musique de Kurt Weill

La musique dans « l’opéra épique » du duo Brecht et Weill n’a pas pour rôle d’illustrer l’intrigue ou les senti-ments exprimés par les personnages, mais elle interprète le texte. Weill s’inspire des styles de musiques popu-laires de l’époque (Shimmy, Blues, Tango). Ce n’est donc pas étonnant que la musique populaire ait à son tour repris la musique de Weill : Alabama Song a été repris par le groupe The Doors en 1967 et par David Bowie dans les années1970. En choisissant d’adapter ce morceau, Jim Morrison passe après maints jazzmen, qui avaient déjà fait swinguer Weill (par exemple Mack The Knife par Louis Armstrong).

La chanson Alabama Song

Extrait:

« Show me the way to the next whisky barOh don’t ask why, oh don’t ask whyShow me the way to the next whisky barOh don’t ask why, oh don’t ask whyFor if we don’t findThe next whisky barI tell you we must die, i tell you we must die1 tell you, I tell you, I tell you we must die

Oh moon of AlabamaWe now must say good-byeWe’ve lost our good o’ AlabamaAnd must have whisky oh you know whyOh moon of AlabamaWe now must say good byeWe’ve lost our good o’ AlabamaAnd must have whisky oh you know why

Show me the way to the next little dollarOh don’t ask why, oh don’t ask why »

La chanson Alabama Song est l’extrait le plus connu de l’opéra. Elle exprime la complainte d’un groupe de prostituées - la partition en requiert sept : Jenny et six autres filles - qui errent dans le désert à la recherche d’une ville sans prohibition qu’elles ne trouveront jamais.Anna Prucnal, en 1972, en a également créé une version qui a assuré sa popularité en France. Toutefois, les uns et les autres se sont permis de modifier légèrement les paroles en fonction de leur sensibilité. Ainsi Bowie chante-t-il « Show me the way » (« montre-moi ») plutôt que « Show us the way ». Les Doors, en revanche, chantent « Show me the way to the next little girl » (« montre-moi où se trouve la petite fille la plus proche ») là où le livret original donne « Show us the way to the next pretty boy » (le joli garçon). Il faut noter que « pretty boy » désignait sans doute à l’origine un billet de banque, sous la prohibition, ce que recherchent les prostituées dans l’opéra.Les paroles originales étaient attribuées à Brecht qui les avait probablement écrites en allemand, mais le texte entendu dans l’opéra est en anglais et cette traduction serait d’Elisabeth Hauptmann.

Les Doors

David Bowie

14 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Le théâtre de Bertolt Brecht, un théâtre épique

Le théâtre de Bertolt Brecht se situe bien loin de tous les poncifs théâtraux hérités de la mise en scène traditionnelle, de par sa volonté de montrer ce que Brecht nomme un théâtre « épique ». Ce théâtre tient sa particularité de sa volonté à tenir l’action à distance du public, afin que celui-ci puisse poursuivre une réflexion sur ce qu’il voit, sur ce que signifie le spectacle auquel il est en train d’assister. Tandis que le théâtre traditionnel cherche sans cesse à créer l’illusion que ce que le public voit est réel, le spectateur du théâtre brechtien ne doit jamais perdre conscience qu’il se trouve au théâtre, que ce qu’il ne voit n’est qu’une mise en scène, que les personnages sont interprétés par des comédiens et que les décors sont entièrement fictifs. Ces conditions de représentation sont ainsi incluses dans la mise en scène du texte, à l’aide de nombreux procédés de « distanciation » : l’action de la pièce est entrecoupée de « songs » composées dans la plupart des pièces par Kurt Weill qui fut son étroit collaborateur, afin de « casser l’action » et resituer les conditions de représentation de la pièce. Brecht introduit de nouvelles incursions de la narration en montrant des panneaux qui résument l’action qui n’est pas montrée sur scène ou qui sautent carrément des passages clés de l’histoire. Le théâtre épique se caractérise donc par sa volonté d’abolir le « quatrième mur » qui existe entre la scène et l’audience. De même, l’interprétation des personnages se situe à l’opposé de ce qu’attend le spectateur allant voir une pièce comme divertissement. La mise en scène de Brecht imposait aux acteurs une interprétation parfois monocorde, afin de montrer le refus de « jouer un rôle » devant le public. Brecht théorise son théâtre comme un théâtre « épique » dont les fondements sont évidemment politiques de par son engagement personnel, notamment auprès du parti communiste. Brecht est le chef de file d’un théâtre engagé, que ce soit par le contenu de ses pièces comme par sa manière de les mettre en scène.

Dans ses Remarques sur l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (Ecrits sur le théâtre, p. 36 et suivantes), Brecht formule une première schématisation de l’opposition entre le théâtre épique et le théâtre dramatique, qu’il appelle aussi « aristotélicien ».

Quelques petits schémas montrent en quoi la fonction du théâtre épique diffère de celle du théâtre dramatique.

« La forme dramatique du théâtre est action implique le spectateur dans une action scénique, épuise son activité intellectuelle, lui est occasion de sentiments. Expérience affective. Le spectateur est plongé dans quelque chose. Suggestion. Les sentiments sont conservés tels quels. Le spectateur est à l’intérieur, il participe. L’homme est supposé connu. L’homme immuable. Intérêt passionné pour le dénouement. Une scène pour la suivante. Croissance organique. Déroulement linéaire. Évolution continue. L’homme comme donnée fixe. La pensée détermine l’être. Sentiment. »

« La forme épique du théâtre est narration fait du spectateur un observateur mais éveille son activité intellectuelle l’oblige à des décisions Vision du monde. Le spectateur est placé devant quelque chose. Argumentation.

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 15

Les sentiments sont poussés jusqu’à devenir des connaissances. Le spectateur est placé devant, il étudie. L’homme est l’objet de l’enquête. L’homme qui se transforme et transforme. Intérêt passionné pour le déroulement. Chaque scène pour soi. Montage. Déroulement sinueux. Bonds. L’homme comme procès. L’être social détermine la pensée. Raison. »

Le spectateur du théâtre dramatique dit : Oui, cela, je l’ai éprouvé, moi aussi. — C’est ainsi que je suis. — C’est chose bien naturelle. — Il en sera toujours ainsi. — La douleur de cet être me bouleverse parce qu’il n’y a pas d’issue pour lui. — C’est là du grand art : tout se comprend tout seul. — Je pleure avec celui qui pleure, je ris avec celui qui rit.

Le spectateur du théâtre épique dit : Je n’aurais jamais imaginé une chose pareille. — On n’a pas le droit d’agir ainsi. — Voilà qui est insolite, c’est à n’en pas croire ses yeux. — Il faut que cela cesse. — La douleur de cet être me bouleverse parce qu’il y aurait tout de même une issue pour lui. — C’est là du grand art : rien ne se comprend tout seul. — Je ris de celui qui pleure, je pleure sur celui qui rit.

Ce tableau sera repris plus tard en 1936 dans un texte éclairant où Brecht souligne le rôle de la «distanciation». Il sera question également dans ce passage « d’éloignement », de « distance », « d’insolite » :« La scène commença de raconter. Le quatrième mur ne fit plus disparaître le narrateur. Grâce à de grands panneaux qui permettaient de remettre en mémoire d’autres processus qui se déroulaient simultanément en d’autres lieux, de contredire ou de confirmer les paroles de certains personnages à l’aide de documents proje-tés, de fournir à des discussions abstraites des chiffres concrets, immédiatement perceptibles, d’éclairer par des chiffres et des citations des épisodes très plastiques mais dont le sens n’avait rien d’évident, l’arrière-plan prit position sur les processus qui se déroulaient sur la scène ; les comédiens, eux, ne se métamorphosaient plus intégralement, ils gardaient une certaine distance envers leur rôle et faisaient même visiblement appel à la critique. »

The new spirit in drama and art, 1912

16 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

pierrot Lunaire

LES SEPT PECHES CAPITAUX... Kurt WeiLL / arnoLd schönberg

En langue allemande, surtitrages en français et en allemandDurée approximative : 2 h Conseillé à partir de ans 

strasbourg Opéra di 20 mai 15 h

ma 22 mai 20 hje 24 mai 20 h

sa 26 mai 20 hlu 28 mai 20 h

coLMar Théâtrema 5 juin 20 h

MuLhouse La Sinneme 13 juin 20 hve 15 juin 20 h

scÈne ouVerteRencontre à la librairie Kléber,

entrée libresa 19 mai 17 h

Direction musicale Roland Kluttig Mise en scène David Pountney Décors et costumes Marie-Jeanne Lecca Lumières Fabrice Kebour

Mahagonny songspieLKurt WeiLLLivret de Bertolt Brecht Créé à Baden-Baden le 17 juillet 1927

Charlie Mark Le Brocq Billy Stefan Sbonnik Bobby Antoine Foulon Jimmy Patrick Blackwell Jessie Lauren Michelle / Lenneke Ruiten

pierrot LunairearnoLd schönbergTrois fois sept poèmes d’après Albert Giraud, pour voix et cinq instrumentistes Créé le 16 octobre 1912 à Berlin

Soprano Lenneke Ruiten / Lauren Michelle

Les sept péchés capitauxKurt WeiLLBallet chanté en un prologue et sept tableaux, sur un livret de Bertolt Brecht Créé en 1933 à Paris

Anna Lenneke Ruiten / Lauren Michelle Père Mark Le Brocq Frère Stefan Sbonnik Frère Antoine Foulon Mère Patrick Blackwell

Orchestre symphonique de Mulhouse

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 17

Argument

ivresse de lune

Pierrot, personnage de la Commedia dell’arte est enivré par la lune ; Pierrot a des fantasmes amoureux, sexuels et religieux.

Messe rouge

Pierrot se trouve plongé dans un terrible monde cauchemardesque où il se livre au pillage et au blasphème. Les gestes sacrilèges mettent le personnage aux prises avec la religion.

Arnold Schöenberg, suite au décès de son ami Gustav Mahler, est en pleine crise mystique. Il recherche à cette époque une métaphysique nouvelle, un vrai sentiment religieux.

Nostalgie

Pierrot retourne chez lui à Bergame, hanté par la nostalgie d’un passé fabuleux.

La nostalgie du temps passé est une critique à la fois de l’honorabilité bourgeoise et d’une culture esthétisante.

À flots verts de la lune coule.

Le poète religieux

De l’étrange absinthe se soûle

Aspirant, jusqu’à ce qu’il roule

Le geste fou, la tête aux cieux,

Le vin que l’on boit par les yeux ! »

Sous l’éclair des ors aveuglants,

Et d’un grand geste d’amnistie

Il montre aux fidèles tremblants

Son cœur entre ses doigts sanglants,

Comme une horrible et rouge hostie

Pour la cruelle Eucharistie. »

L’âme des vieilles comédies.

Il désapprend son air fatal :

À travers les blancs incendies

Des lunes dans l’onde agrandies,

Son regret vole au ciel natal,

Comme un doux soupir de cristal. »

« Le vin que l’on boit par les yeux

À flots verts de la lune coule,

Et submerge comme une houle

Les horizons silencieux.

De doux conseils pernicieux

Dans le philtre nagent en foule

Le vin que l’on boit par les yeux

« Pour la cruelle Eucharistie,

Sous l’éclair des ors aveuglants

Et des cierges aux feux troublants,

Pierrot sort de la Sacristie.

Sa main, de la Grâce investie,

Déchire ses ornements blancs,

Pour la cruelle Eucharistie,

« Comme un doux soupir de cristal,

L’âme des vieilles comédies

Se plaint des allures raidies

Du lent Pierrot sentimental.

Dans son triste désert mental

Résonne en notes assourdies,

Comme un doux soupir de cristal,

18 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

À propos de...

ARNOLD SCHöNBERG

Compositeur

Arnold Schönberg est un compositeur, un peintre et un théoricien de génie né le 13 septembre 1874 à Vienne et mort le 13 juillet 1951 à Los Angeles.

Schönberg apprend très tôt à jouer du violon et du violoncelle, mais, dès l’âge de seize ans, suite au décès de son père, il doit prendre un emploi dans une banque. Il continue à pratiquer la musique de chambre. Ses références musicales sont celles de Richard Wagner et de Johannes Brahms. En1894, il étudie la composition avec celui qui sera son seul professeur, Alexander von Zemlinsky, Schönberg produit

ses premières compositions.

Il fut l’un des rares créateurs à être frappé d’un double stigmate par les contempteurs de l’Entartete Kunst (l’« art dégénéré », honni par les nazis) : à la fois comme compositeur et comme plasticien. En 1910, il se consacre presque constamment à la peinture. Ses toiles attestent d’un expressionnisme aussi violent que sa musique de la même époque, représentée par le sadomasochisme macabre et sanglant du Pierrot lunaire.

>> Schönberg en huit dates

En 1900, Schönberg commence la composition des Gurrelieder, qu’il terminera en 1912.

En 1901, il épouse Mathilde, la sœur de Zemlinsky, et s’installe à Berlin. Schoenberg gagna sa vie pendant deux ans en orchestrant des opérettes et en dirigeant un orchestre de cabaret. Puis il fait la connaissance de Richard Strauss qui l’aide à obtenir un poste de professeur au conservatoire de Stern.

En 1903, il retourne à Vienne, se lie damitié avec Gustav Mahler qui l’aidera dans sa carrière. Il lui dédiera son ouvrage théorique Harmonielehre (Traité d’harmonie) paru en 1911.

En 1907 , il crée sa Kammersymphonie op.9, œuvre qui s’écarte de l’harmonie tonale traditionnelle et est très mal accueillie par le public et les critiques. C’est à cette époque qu’il se tourne vers la peinture qui devient son passe-temps favori.

Avec la Pièce pour piano op.11 n° 1, Schoenberg compose une première œuvre dépourvue de la moindre référence à la tonalité, en 1909.

En 1912, Schoenberg déchaîne la critique avec ses deux œuvres composées cette année-là : 5 Pièces pour orchestre et Pierrot lunaire.

La première œuvre d’une écriture entièrement dodécaphonique sera sa Suite pour piano op. 25., en 1925.

En 1933, Schönberg, converti à la religion Protestante, réintègre la religion juive et émigre aux États-Unis à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Le compositeur enseignera successivement à Boston, New-York et en Californie. Il ne reviendra plus jamais en Europe.

Arnold Schönberg, autoprotrait

Arnold Schönberg par Egon Svhiele, 1917

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 19

Autour de l’œuvre

La genèse de l’oeuvre

De 1911 à 1915, le compositeur et peintre Arnold Schönberg travaille et vit à Berlin. Le contexte économique, artistique et culturel y est favorable. On appelle la ville « le Berlin des années d’or ». Les cabarets y fleurissent, la chanson réaliste y est à la mode. Arnold Schönberg adorait, par exemple, Yvette Guilbert, chanteuse de ce répertoire réaliste en France. À l’inverse, il manquait de reconnaissance et d’espace de création dans la ville bourgeoise, provinciale… et fortement antisémite de Vienne.

En 1912, à Berlin, il rencontre Albertine Zehme (1857-1946), diseuse de cabaret à la mode. Elle fait découvrir à Schönberg la poésie du poète belge décadent Albert Giraud (1860-1929) et lui commande la composition d’une musique sur un cycle de récitatifs à partir de la traduction et de l’adaptation libre du poète allemand Otto Erich Hartleben (1864-1905). Schönberg écrira le 13 mars 1912 dans son journal : « Hier (…) j’ai écrit le premier des mélodrames de Pierrot lunaire. Je crois qu’il est très bon. Cela me donne beaucoup d’idées. Et j’ai le sentiment que je m’oriente nettement vers un nouveau mode d’expression. Les sons deviennent ici l’expression presque animale et immédiate d’émotions sensuelles et psychologiques. Comme si tout était transmis directement. »

Le style Le texte

Le Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg en fait une pièce musicale dramatique pour une voix et un quintette avec piano. Le compositeur rajoutera au titre « mélodrame pour voix et petit ensemble ». Le titre exact de l’œuvre est Pierrot lunaire op.21 : 3 fois 7 poèmes d’après Albert Giraud, pour voix et cinq instrumentistes.

Cette œuvre vocale et instrumentale est au carrefour de trois genres et influences :

-Le mélodrame : forme populaire où la poésie était parlée sur un fond musical

-Le cabaret

-La musique de chambre

Le texte

Ces textes du poète décadent belge expriment des états émotionnels extrêmes en vers simples, avec un fort caractère répétitif. On a beaucoup parlé de la « noirceur forcée » des poèmes d’Albert Giraud, pourtant Schönberg écrivit, bien des années plus tard, que l’œuvre avait été conçue sur un « ton léger, ironique, satyrique ». Albert Giraud (1860-1929) était un journaliste belge francophone qui à la suite de Maurice Maeterlinck écrivait des poèmes dits symbolistes, mais surtout décadents. Le thème de Pierrot parcourt sa production : Rondels bergamasques (1884), Pierrot Narcisse songe d’hiver, (1887), Héros et pierrots (1898).

Schönberg choisira parmi les poèmes de l’œuvre d’Albert Giraud 21 poèmes. Il articulera son mélodrame en 3 parties. Par ailleurs, pour la cohérence dramatique et théâtrale de son Pierrot lunaire, il changera l’ordre initial des poésies.

>> Pour aller plus loin : consulter les poèmes de l’œuvre d’Albert Giraud

20 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Le Sprechgesang

Le Sprechgesang est un mot allemand construit par la juxtaposition de deux verbes « sprechen » (parler) et « singen » (chanter) inventé par Schönberg qui avait la volonté de redéfinir un rapport étroit entre la parole et la musique. L’originalité de Pierrot lunaire repose sur la façon nouvelle de proférer un texte entre les rives étranges de la parole et du chant. Pour Schönberg, la nature du son vocal est plus importante que la mélodie elle-même. Sous la voix, la musique crée simplement le climat qui convient au poème en variant les combinaisons instrumentales jouant ainsi avec les couleurs. Les instruments peuvent hurler, caresser, se lamenter, rire ou se taire avec de grands blocs de silence. Il reste cependant un socle permanent pendant toute l’œuvre composé par la voix, le piano et le violoncelle. Pour éclairer l’interprétation de cet ovni musical, Schönberg, qui pressentait certainement des dérives possibles, a écrit les recommandations suivantes :

« La mélodie indiquée dans la partie vocale à l’aide de notes, sauf quelques exceptions isolées spécialement marquées, n’est pas destinée à être chantée. La tâche de l’exécutant consiste à la transformer en une mélodie parlée en tenant compte de la hauteur de son indiquée. Ceci se fait :1) En respectant le rythme avec précision, comme si l’on chantait, c’est-à-dire, sans plus de liberté que dans le cas d’une mélodie chantée.2) En étant conscient de la différence entre note chantée et note parlée : alors que, dans le chant, la hauteur de chaque son est maintenue sans changement d’un bout à l’autre du son, dans le Sprechgesang, la hauteur du son, une fois indiquée, est abandonnée pour une montée ou une chute, selon la courbe de la phrase.Toutefois, l’exécutant doit faire très attention à ne pas adopter une manière chantée de parler. Cela n’est pas du tout mon intention. Il ne faut absolument pas essayer de parler de manière réaliste et naturelle. Bien au contraire, la différence entre la manière ordinaire de parler et celle utilisée dans une forme musicale doit être évidente. En même temps, elle ne doit jamais rappeler le chant.Incidemment, j’aimerais faire le commentaire suivant, quant à la manière d’exécuter la musique. Les exécutants ne doivent jamais recréer l’atmosphère et le caractère des morceaux individuels, en se basant non pas sur la signification des mots, mais sur celle de la musique. Dans la mesure où la manière, indiquée dans le texte, de rendre les événements et les sensations, manière semblable à un tableau tonal, a été importante pour l’auteur, on la retrouve de toute façon dans la musique. Même si l’exécutant estime qu’il manque quelque chose, il doit s’abstenir d’apporter des éléments qui n’ont pas été voulus par l’auteur, sinon il nuirait à l’œuvre au lieu de l’enrichir. »

Cependant, les interprétations suivent rarement ces tables de la loi ; interprétations, suivant ses interprètes, allant plus vers le parler ou le chanter.

Max Pechstein, Portrait de la femme de l’artiste

Musée Ludwig, Cologne

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 21

Le décadentisme

Le décadentisme est un courant littéraire qui se développe en France pendant le dernier quart du XIXe siècle.On associe le décadentisme au déclin de la société qui se manifeste principalement par la défaite française face à la Prusse en 1871. C’est en 1883 avec les Essais de psychologie contemporaine de Paul Bourget que le mouve-ment prend forme et s’affirme tel quel. Plusieurs artistes vont se reconnaître dans cette mouvance. À rebours, roman de Joris Karl Huysmans, apporte sa définition du mouvement : il le décrit comme la « désespérance tein-tée d’humour et volontiers provocatrice ». Le courant se fait connaître et plusieurs revues sont éditées, comme La Plume, Le Décadent ou La Vogue.Les thèmes communs du décadentisme s’inscrivent dans un pessimisme ambiant, dans un certain dégoût de l’avenir et dans un besoin de provoquer. Les écrivains incarnant ce mouvement refusent le banal, le naturalisme et ses descriptions et tous portent en eux cette plainte de la vie propre au spleen baudelairien.

Glossaire

Sprechgesang

Terme allemand employé la première fois par Schönberg dans le mélodrame Pierrot lunaire en 1912. Ce vocable désigne une technique d’écriture vocale entre le chant et une déclamation très emphatique et sophistiquée, difficile à définir même pour le compositeur, qui, tout en demandant que l’interprète donne les hauteurs de notes, exige que la mélodie ne soit pas chantée.

Sur la partition : notes pourvues d’une croix en travers de la hampe.

Mélodrame Diseuse

On y parle accompagné du piano.

Diseuse

On parle de « diseuse » qui dit le texte par-dessus un plan sonore donné par l’orchestre : le texte est ainsi beaucoup mieux saisi.

Sources : Dominique Jameux : L’école de Vienne, Fayard, 2002

Joëlle-Elmyre Doussot, Vocabulaire de la musique vocale, Minerve, 2012

22 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

La production

ROLAND KLUTTiG Directeur musical

Il mène une carrière tant de chef lyrique que symphonique dans un large répertoire allant de la musique ancienne aux classiques et romantiques. Il est l’invité régulier des grands orchestres allemands tels que l’Orchestre de la radio de Francfort, de Munich, Stuttgart/Fribourg, Philharmonia Orchestra de Londres, Philharmonique du Luxembourg, Seoul Philharmonic, Konzerthausorchester de Berlin… Dans le domaine de l’opéra, il dirige Peter Grimes au Norrlandsopera en Suède, Wozzeck à Leipzig, Francfort, Mannheim, Nice. La saison dernière, il a dirigé Salomé à l’Opéra de Stuttgart. Depuis 2010, il est directeur musical du Landestheater Coburg où il dirige des opéras de Händel, Mozart, Verdi, Janáček et Debussy. Au cours de cette

saison, il dirige les nouvelles productions de Fidelio, Das schlaue Füchslein, Parsifal à Cobourg et Così fan tutte à Stuttgart.

DAviD POUNTNEy Metteur en scène

Il obtient la reconnaissance internationale avec sa production de Katia Kabanova, au festival de Wexford en 1972. Entre 1975 et 1980, il est directeur de production au Scottish Opera, puis de l’English National Opera en 1980. Il réalise notamment un cycle Janáček, dirige la création mondiale de Toussaint de David Blake. Il signe une vingtaine de productions et de nombreuses créations mondiales, notamment trois opéras de Peter Maxwell Davies, pour qui il écrit les livrets. Depuis 1992, il est l’invité des grandes scènes internationales : Zurich, Vienne, Munich ainsi que les opéras américains et japonais. Il obtient la Janáček Medal pour son cycle consacré à ce compositeur aux Wales et Scottish Opera et la Martinů Medal pour Julietta et

La Passion grecque présentés à l’Opera North et au festival de Bregenz. Ses productions récentes incluent David à Copenhague, The Passenger à New York et Chicago, Kommilitonen (3e des opéras écrits en collaboration avec P. Maxwell Davies) à la Royal Academy of Music de Londres et à la Juilliard School de New York. Il signe également Spüren der Verirrten, dernier opus de Philip Glass pour l’ouverture du nouvel Opéra de Linz, Die Zauberflöte au festival de Bregenz, dont il fut le directeur de 2003 à 2013. Depuis 2011, il est directeur artistique du Welsh National Opera où il met en scène Lulu, Guillaume Tell, Pelléas et Mélisande, Figaro gets a Divorce et In Parenthesis. À l’OnR, il a signé les productions de Simon Boccanegra et La Clemenza di Tito.

by Marco Borggreve

by Richard Hubert Smith

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 23

Prolongements

>> Arts du son

Mahagonny Songspiel / Les Sept Péchés capitaux

• Le song : séparation des numéros chantés, interludes instrumentaux, autonomie de la musique et de l’action

• Influence du jazz, rythme et sons provenant de la culture populaire

• Simplification du langage, des moyens d’expression et des techniques vocales

• Pratique vocale: « La Gourmandise », chanté a cappella par des voix d’hommes

• Chanson culte Moon of Alabama

• Écoute des versions des Doors et de David Bowie

• Dans la musique de Kurt Weil : influence du jazz, des rythmes et des sons provenant de la culture populaire

• Dans le 17e mélodrame, observer le canon entre la voix et les instruments, ainsi que deux valses et une barcarolle

• Dans Les sept péchés capitaux, c’est la simplification du langage, des moyens d’expression et des techniques vocales, contraires à la puissance, à l’élargissement de la tessiture et à la purification du timbre résultant de la division du travail.

Pierrot Lunaire

• Abandon d’un centre tonal chez Schönberg

• Évolution du langage musical au XXe siècle vers une grande liberté d’écriture

• Le Sprechgesang

• Utilisation d’anciennes formes musicales : contrepoint tatillon dans la pièce 7, d’un rondo, de la barcarolle, d’un canon, d’une fugue, d’une passacaille (pièce 8), d’une valse (sérénade)…

• Il mêle le spectacle, la musique nouvelle, la dérision, le tragique

• Un première œuvre rigoureusement écrite selon le principe dodécaphonique et qui sera le prélude de la Suite pour piano opus 25, écrite en juillet 1921

• Quelles sont les différences entre la voix chantée et la voix parlée ?

• Etude comparative avec deux pièces de Igor Stravinski : Renard opéra-ballet composé en 1916 ou L’Histoire du soldat, mimodrame composé en 1917

• Remarquer le quatuor vocal masculin, chantant souvent a capella dans la meilleure tradition chorale allemande, chargé de transmettre les états d’âme de la famille.

• Récit parlé, parole chantée : déclamation et Sprechgesang chez Schönberg, le Song opera de Kurt Weil

24 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

>> Arts du spectacle vivant

• Six ans de collaboration de Brecht et Weil : œuvres fortes, polémiques, marquées par les débats esthétiques et politiques

• Jeux avec les conventions de l’opéra traditionnel chez Schönberg et Weil et Brecht, pères du théâtre musical

• Une parodie de « l’art kitch »

• Ballet Les Sept Péchés capitaux chorégraphié par Pina Bausch (1979)

>> Arts du langage

• Bertolt Brecht : une conception du théâtre libérée du poids des drames, parodie et caricature pour sonder l’âme humaine

• Kurt Weil : regard critique sur les dérives du capitalisme et de la religion

• La parodie

• Les sept péchés capitaux : référence à la philosophie judéo-chrétienne, à la psychanalyse et au socialisme

>> Histoire

• L’art dégénéré : considération nazie d’un d’art non conforme aux idées nationales-socialistes

>> Arts du visuel

• Représentations des sept péchés capitaux : Les sept péchés capitaux d’Otto Dix, Les Sept Péchés capitaux et les Quatre Dernières Étapes humaines est un tableau attribués à Jérôme Bosch,

>> Arts de l’espace

• La ville de Berlin

• Arts et villes imaginaires, l’utopie

Projets éducatifs artistiques et culturels, Enseignements pratiques interdisciplinaires, Histoire des arts

>> EPS (danse et arts circassiens), éducation musicale, arts plastiques, Français, Allemand

• Monter un spectacle de théâtre musical

• Expressionisme, le Blau Reiter

>> Éducation musicale, arts plastiques, Français, philosophie

• Audace, création et imaginaire :

- Arts et scandales : les artistes doivent-ils absolument plaire?

- Œuvres qui ont fait scandale (exemple Les Demoiselles d’Avignon de Picasso en 1907) lors de leur création, rejetées par le public ou les critiques, qui ont marqué l’histoire des arts, devenant des classiques

• L’art doit-il seulement avoir un rôle de divertissement ?

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 25

Les sept Péchés Capitaux : quelques événements en 1933

• Incendie du Reichstag à Berlin

• Parution de La condition Humaine d’André Malraux pour lequel il reçoit le prix Goncourt.

• Premier enregistrement de Billie Holiday.

• Sortie de King Kong par Marian C. Cooper et Ernest Schoedsack.

Adolf Hitler Le Petit Echo de la Mode, février 1933

Wassily Kandinsky, Gloomy situation, 1933

26 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

Mahagonny Songspiel : quelques événements en 1927

• Sortie du premier film sonore aux Etats-Unis : The Jazz Singer.

• Bergson reçoit le prix Nobel de littérature.

• Parution de La Liberté ou l’Amour de Robert Desnos.

• Parution de Le Temps retrouvé de Marcel Proust.

• Création à Strasbourg du complexe de loisirs de L’Aubette agencé et décoré par Theo Van Doesburg, Hans Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp. L’inauguration aura lieu en 1928.

Le ciné bal restauré (original en 1928)

Sophie Taeuber-Arp, Aubette, 1927

Dossier pédagogique • Saison 17-18 • 27

Pierrot Lunaire : quelques événements en 1912

• Fondation de l’Agence France Presse par Charles-Louis Havas.

• Naissance de la Croix-Rouge.

• Création du Prix Nobel.

• Scandale à la création à Paris de L’Après-midi d’un faune par les Ballets russes de Serge de Diaghilev

• Le mouvement du Blau Reiter fut créé par Vassily Kandinsky, Franz Marc et August Macke.

Nijinsky dans L’Après-midi d’un faune

Franz Marc et vassily Kandinsky, Almanach pour

Der Blaue Reiter, 1914.

Collection Centre Pompidou

Franz Marc, Cavallino blu, 1912

28 • Dossier pédagogique • Saison 17-18

• Naissance du dadaïsme : mouvement anticonformiste et pacifiste

Theo van Doesburg, Poster for Dada Matinée, 1923Theo van Doesburg, Axonometric projection in color, Private House,

1923

Juan Gris, Portrait de Picasso, 1912