1
POLITIQUE EN NORD / PAS-DE-CALAIS 6 Liberté-Hebdo [ 1295 ] du 27 octobre au 2 novembre 2017 N é à Chicago en 1925, Kenneth Larson a partagé sa vie entre les Etats-Unis et la France où, fuyant le maccarthysme, il émigre dans les années 1950. Cet admirateur de Bertold Brecht « subit alors l’attraction du Parti communiste français… Le grand parti ouvrier français de Picasso, Fougeron, Wallon, Langevin ou Lurçat », souligne Georges Gastaud, ami du peintre et secrétaire national du Pôle de renais- sance communiste en France (PRCF). C’est lui qui a proposé à la médiathèque de Grenay d’ac- cueillir plusieurs tableaux de cet artiste qui « associe la modernité des formes picturales et les questions politiques. Il a ainsi la capacité de traduire les problèmes de notre époque ». Le tableau baptisé « En hommage à Bertold Brecht » en est peut-être la meilleure illustra- tion. Se référant à la chute du Mur, il « montre crûment le mirage d’une classe ouvrière est- allemande initialement joyeuse de s’offrir sur un plateau au capitalisme occidental, lequel s’apprête à fondre sur elle pour barioler son aliénation accrue aux couleurs d’une éphémère "prospérité" et d’une trompeuse "liberté". Autre- ment dit ce qu’il s’agit de peindre, ce n’est pas le réel tel qu’on se le figure immédiatement (natu- ralisme), mais les invisibles contradictions qui l’animent essentiellement. La peinture de Larson parle en réalité à ceux qui, au cœur de l'actuelle nuit idéologique, savent encore distin- guer la réforme de la contre-réforme, la révolu- tion de la contre-révolution, le sens du futur de la barbarie travestie en modernité. C’est l’hon- neur de Grenay que de donner à Kenneth Larson l’occasion d’interpeller cette "France des travailleurs" en laquelle il n’a cessé d’espérer », poursuit Georges Gastaud. Et Christian Champiré, maire PCF, de dire le plaisir pour la Ville d’ « accueillir ces œuvres pendant un an. L’occasion de permettre à chacun de s’approprier la culture avec l’idée que le monde actuel est à transformer ». Jacques KMIECIAK Devant le tableau intitulé « En hommage à Bertold Brecht ». (Photo JK) La médiathèque-estaminet accueille, jusqu’au 31 octobre, des œuvres de l’artiste communiste américain Kenneth Larson, influencé par Fernand Léger ou les muralistes mexicains. de la semaine L ars T. Lih, chercheur indépendant cana- dien, est un des plus grands spécialistes du mouvement révolutionnaire russe. Il apporte dans cette biographie un point de vue original sur l’œuvre du grand dirigeant de l’Union soviétique en un ouvrage relativement court, premier livre de l’auteur traduit en fran- çais. Le travail du chercheur, extrêmement docu- menté permet de démonter les lectures faisant du grand révolutionnaire un partisan de la répression acharnée contre les paysans refu- sant de livrer leur surplus durant la guerre civile. Si utilisation de la violence il y a eu, avec la répression contre les koulaks qui refu- saient de fournir leur surplus agricole, alors que la guerre civile et l’intervention des forces étrangères s’intensifiaient et que la famine allait entraîner le pire, Lénine a presque toujours préconisé la conviction. Contraire- ment à certaines allégations, il ne pensait pas que la grande famine de 1891 offrait l’opportu- nité utile de ruiner la petite propriété paysanne : il a vécu la famine en distribuant de la nourriture pour les miséreux. L’auteur explique le combat de Lénine par l’existence d’un schéma héroïque constant chez lui et qui relève davantage du roman- tisme révolutionnaire que d’un comportement froid et machiavélique. Lorsque son frère aîné fut pendu en 1887 pour sa participation à un complot visant à assassiner le tsar Alexandre III, il déclara : « Non, nous n’irons pas dans cette voie ; ce n’est pas la voie où nous devons aller. » Lars T. Lih met au centre de la démarche du grand révolutionnaire un optimisme de la pensée devant les possibilités offertes par les conditions historiques. Le développement du capitalisme en Russie permet d’envisager la possibilité de conquête des libertés politiques. La classe ouvrière, même minoritaire, est capable de mener la société et notamment la paysannerie vers le renversement du tsarisme. La révolution bourgeoise ouvrira la voie de la révolution prolétarienne, qui devrait se produire également dans les pays capitalistes développés. L’accent est mis de manière convaincante sur la continuité entre Lénine et la Seconde inter- nationale du point de vue de la conception du parti, des formes de lutte et de propagande, de la recherche des possibilités d’une révolution pacifique. Cet aspect a été sous-estimé par la suite, le mouvement ouvrier ayant tendance, après le vote des crédits de guerre par la social- démocratie allemande en 1914 et la révolution d’octobre 1917, à jeter l’eau sale du bain mais aussi le bébé, ce que n’a pas fait Lénine qui gardait une profonde admiration envers le Kautsky d’avant 1914, diffuseur de la pensée de Marx et Engels. Dans la postface, Jean Batou donne un éclai- rage différent et complémentaire, soulignant l’importance de la lecture de la Science de la logique de Hegel en 1914, époque de rupture avec la social démocratie, qui sera suivie par l’Impérialisme stade suprême du capitalisme. Ce livre très argumenté nous permet d’accom- pagner Lénine dans sa vie et sa réflexion jusqu’à sa mort en 1924. Jean-Jacques POTAUX Lars T. Lih, « Lénine, une biographie », éd. Les Prairies ordinaires, 288 pages, 22 Lénine, un romantique révolutionnaire ? LE LIVRE POLITIQUE Roubaix : « Communist party » avec les JC l Les Jeunes communistes de Roubaix organisent une soirée ouverte à tous pour fêter la Révolution Russe... et les vacances. Samedi 28 Octobre, espace Paul Eluard, 183 Grand rue, Roubaix. Rens. : Facebook : MJCF Roubaix Douaisis. Auby rend hommage à la Révolution d’Octobre l Au travers de plusieurs événements, la municipalité d’Auby, près de Douai, rend hommage à la Révolution d’octobre 1917, cent ans après l’événement. Le 4 novembre, elle inaugurera ainsi une rue à ce nom (au croisement des rues Mirabeau et Condorcet, à 11 h). Cette cérémonie sera suivie par le vernissage de deux expositions consacrées à la révolution russe, l’une proposant une déambulation artistique et historique (médiathèque et hall de la mairie), la seconde consacrée à ces « dix jours qui ébranlèrent le monde ». Ce 4 novembre également, une lecture-spectacle sera donnée à l’Escale (place de la République, à 17 h), une adaptation des « Dix jours qui ébralèrent le monde », de John Reed, par la compagnie La Bourlingue Théâtre. Kenneth Larson, peintre et révolutionnaire A la médiathèque de Grenay NOTEZ-LE ! l A l’appel du Secours rouge de Belgique, des militants du PCF de Grenay, du Collectif « Bassin minier » pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah et de Solidarité Georges Lille ont scandé à Bruxelles face au consulat de France, vendredi 20 octobre, l’exigence de la libération du résistant communiste libanais. Le lendemain, 400 personnes défilaient devant les portes de la prison de Lannemezan (Hautes- Pyrénées) où il est détenu. Georges Ibrahim Abdallah entamait cette semaine, sa 34 e année de détention dans l’Hexagone. Ses soutiens appellent à la poursuite de la mobilisation… Pour en savoir plus : http://liberonsgeorges.samizdat.net/ De Grenay à Bruxelles, pour Georges Ibrahim Abdallah Pour en finir avec ce « scandale de la République » VU! 6-7.qxp_Q06 - Q07 25/10/2017 12:59 Page1

EN NORD / PAS-DE-CALAIS · 2017. 10. 29. · Le développement du capitalisme en Russie permet d’envisager la possibilité de conquête des libertés politiques. La classe ouvrière,

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: EN NORD / PAS-DE-CALAIS · 2017. 10. 29. · Le développement du capitalisme en Russie permet d’envisager la possibilité de conquête des libertés politiques. La classe ouvrière,

POLITIQUEE N N O R D / P A S - D E - C A L A I S

6Liberté-Hebdo [ 1295 ] du 27 octobre au 2 novembre 2017

Né à Chicago en 1925, KennethLarson a partagé sa vie entre lesEtats-Unis et la France où, fuyant lemaccarthysme, il émigre dans les

années 1950. Cet admirateur de Bertold Brecht« subit alors l’attraction du Parti communistefrançais… Le grand parti ouvrier français dePicasso, Fougeron, Wallon, Langevin ouLurçat », souligne Georges Gastaud, ami dupeintre et secrétaire national du Pôle de renais-sance communiste en France (PRCF). C’est luiqui a proposé à la médiathèque de Grenay d’ac-cueillir plusieurs tableaux de cet artiste qui« associe la modernité des formes picturales etles questions politiques. Il a ainsi la capacité detraduire les problèmes de notre époque ».Le tableau baptisé « En hommage à BertoldBrecht » en est peut-être la meilleure illustra-tion. Se référant à la chute du Mur, il « montrecrûment le mirage d’une classe ouvrière est-allemande initialement joyeuse de s’offrir surun plateau au capitalisme occidental, lequels’apprête à fondre sur elle pour barioler son

aliénation accrue aux couleurs d’une éphémère"prospérité" et d’une trompeuse "liberté". Autre-ment dit ce qu’il s’agit de peindre, ce n’est pas leréel tel qu’on se le figure immédiatement (natu-ralisme), mais les invisibles contradictions quil’animent essentiellement. La peinture deLarson parle en réalité à ceux qui, au cœur del'actuelle nuit idéologique, savent encore distin-guer la réforme de la contre-réforme, la révolu-tion de la contre-révolution, le sens du futur dela barbarie travestie en modernité. C’est l’hon-neur de Grenay que de donner à Kenneth Larsonl’occasion d’interpeller cette "France destravailleurs" en laquelle il n’a cessé d’espérer »,poursuit Georges Gastaud.Et Christian Champiré, maire PCF, de dire leplaisir pour la Ville d’« accueillir ces œuvrespendant un an. L’occasion de permettre àchacun de s’approprier la culture avec l’idéeque le monde actuel est à transformer ».

Jacques KMIECIAK

Devant le tableau intitulé « En hommage à Bertold Brecht ». (Photo JK)

La médiathèque-estaminet accueille, jusqu’au 31 octobre, des œuvres de l’artiste communiste américain KennethLarson, influencé par Fernand Léger ou les muralistesmexicains.

de la semaine

Lars T. Lih, chercheur indépendant cana-dien, est un des plus grands spécialistesdu mouvement révolutionnaire russe. Il

apporte dans cette biographie un point de vueoriginal sur l’œuvre du grand dirigeant del’Union soviétique en un ouvrage relativementcourt, premier livre de l’auteur traduit en fran-çais.Le travail du chercheur, extrêmement docu-menté permet de démonter les lectures faisantdu grand révolutionnaire un partisan de larépression acharnée contre les paysans refu-sant de livrer leur surplus durant la guerrecivile. Si utilisation de la violence il y a eu,avec la répression contre les koulaks qui refu-saient de fournir leur surplus agricole, alorsque la guerre civile et l’intervention des forcesétrangères s’intensifiaient et que la famineallait entraîner le pire, Lénine a presquetoujours préconisé la conviction. Contraire-ment à certaines allégations, il ne pensait pasque la grande famine de 1891 offrait l’opportu-nité ut i le de ruiner la pet i te propriétépaysanne : il a vécu la famine en distribuantde la nourriture pour les miséreux.L’auteur explique le combat de Lénine parl’existence d’un schéma héroïque constantchez lui et qui relève davantage du roman-tisme révolutionnaire que d’un comportementfroid et machiavélique. Lorsque son frère aînéfut pendu en 1887 pour sa participation à uncomplot visant à assassiner le tsar AlexandreIII, il déclara : « Non, nous n’irons pas danscette voie ; ce n’est pas la voie où nous devonsaller. »Lars T. Lih met au centre de la démarche dugrand révolutionnaire un optimisme de lapensée devant les possibilités offertes par lesconditions historiques. Le développement ducapitalisme en Russie permet d’envisager lapossibilité de conquête des libertés politiques.La classe ouvrière, même minoritaire, estcapable de mener la société et notamment lapaysannerie vers le renversement du tsarisme.La révolution bourgeoise ouvrira la voie de larévolution prolétarienne, qui devrait seproduire également dans les pays capitalistesdéveloppés.

L’accent est mis de manière convaincante surla continuité entre Lénine et la Seconde inter-nationale du point de vue de la conception duparti, des formes de lutte et de propagande, dela recherche des possibilités d’une révolutionpacifique. Cet aspect a été sous-estimé par lasuite, le mouvement ouvrier ayant tendance,après le vote des crédits de guerre par la social-démocratie allemande en 1914 et la révolutiond’octobre 1917, à jeter l’eau sale du bain maisaussi le bébé, ce que n’a pas fait Lénine quigardait une profonde admiration envers leKautsky d’avant 1914, diffuseur de la penséede Marx et Engels.Dans la postface, Jean Batou donne un éclai-rage différent et complémentaire, soulignantl’importance de la lecture de la Science de lalogique de Hegel en 1914, époque de ruptureavec la social démocratie, qui sera suivie parl’Impérialisme stade suprême du capitalisme.Ce livre très argumenté nous permet d’accom-pagner Lénine dans sa vie et sa réflexionjusqu’à sa mort en 1924.

Jean-Jacques POTAUX

• Lars T. Lih, « Lénine, une biographie », éd. Les Prairies

ordinaires, 288 pages, 22 €

Lénine, un romantique révolutionnaire ?

LE LIVREPOLITIQUE

Roubaix : « Communist party » avec les JCl Les Jeunes communistes de Roubaix organisent une soirée ouverte à tous pour fêter la Révolution

Russe... et les vacances.

Samedi 28 Octobre, espace Paul Eluard, 183 Grand rue, Roubaix. Rens. : Facebook : MJCF Roubaix

Douaisis. Auby rend hommage à la Révolution d’Octobrel Au travers de plusieurs événements, la municipalité d’Auby, près de Douai, rend hommage à la

Révolution d’octobre 1917, cent ans après l’événement. Le 4 novembre, elle inaugurera ainsi une rue à

ce nom (au croisement des rues Mirabeau et Condorcet, à 11 h). Cette cérémonie sera suivie par le

vernissage de deux expositions consacrées à la révolution russe, l’une proposant une déambulation

artistique et historique (médiathèque et hall de la mairie), la seconde consacrée à ces « dix jours qui

ébranlèrent le monde ». Ce 4 novembre également, une lecture-spectacle sera donnée à l’Escale (place

de la République, à 17 h), une adaptation des « Dix jours qui ébralèrent le monde », de John Reed, par

la compagnie La Bourlingue Théâtre. Kenneth Larson, peintre et révolutionnaireA la médiathèque de Grenay

NOTEZ-LE !

l A l’appel du Secours rouge de Belgique, desmilitants du PCF de Grenay, du Collectif« Bassin minier » pour la libération de GeorgesIbrahim Abdallah et de Solidarité Georges Lilleont scandé à Bruxelles face au consulat deFrance, vendredi 20 octobre, l’exigence de lalibération du résistant communiste libanais. Lelendemain, 400 personnes défilaient devant les

portes de la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) où il est détenu. Georges IbrahimAbdallah entamait cette semaine, sa 34e annéede détention dans l’Hexagone. Ses soutiensappellent à la poursuite de la mobilisation…

Pour en savoir plus :http://liberonsgeorges.samizdat.net/

De Grenay à Bruxelles, pour Georges Ibrahim Abdallah Pour en finir avec ce « scandale de la République »

VU!

6-7.qxp_Q06 - Q07 25/10/2017 12:59 Page1