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La France ouvrière

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La France ouvrière

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Document de couverture :

Jean Hélion, Choses vues en mai, 1969 (Triptyque, Partie I, 1968-1969). © CNAC, ADAGP, Paris, 1995.

Ce logo mérite une explication. Son objet est d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine des sciences sociales, le dévelop- pement massif du photocopillage.

Le code de la propriété intellectuelle du 1 juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autori- sation des ayants droit. Or, cette pratique s'est généralisée dans les établissements d'enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des oeuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée.

Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, du présent ouvrage est interdite sans autorisation de l'auteur, de son éditeurou du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC, 3, rue d'Hautefeuille, 75006 Paris).

Tous droits réservés © Les Éditions de l'Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris 1995

Imprimé en France Printed in France ISBN 2-7082-3174-X

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La France ouvrière Histoire

de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier français

Sous la direction de Claude Willard

Tome 3

De 1968 à nos jours

Les Editions Ouvrières 12 avenue Sœur Rosalie

75013 Paris

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Aux éditions de l'Atelier, des mêmes auteurs :

Roger Martelli : Le Rouge et le Bleu, essai sur le communisme dans l'histoire française,

1995.

Georges Pruvost : ... Unissez-vous ! l'histoire inachevée de l'unité syndicale, avec Pierre Ro-

ger, 1995.

Collabore au Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français : Serge Wolikow.

Est membre du Comité de rédaction du Mouvement Social : Danielle Tartakowsky.

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Tome 3

De 1968 à nos jours

Neuvième Partie : Présence ouvrière dans les arts et la littérature de l'après-guerre

par René Ballet Dixième Partie :

L'onde de choc de 1968, (1968-1973) par Jean Magniadas, Roger Martelli, Georges Pruvost,

Danielle Tartakowsky et Serge Wolikow Onzième Partie :

La crise s'installe, 1974-1983 par Jean Magniadas, Roger Martelli, Georges Pruvost

et Serge Wolikow Douzième Partie :

Des illusions aux déceptions, 1981-1993 par Jean Magniadas, Roger Martelli, Georges Pruvost

et Serge Wolikow

Claude Lecomte a eu la tâche d'harmoniser les textes personnels

qui forment les trois tomes de cet ouvrage. Il s'est conjointement acquitté de celle

- particulièrement délicate - qui consiste à réduire certaines contributions.

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Avant-Propos

Ce tome III de la France ouvrière est consacré à la période qui s'étend de 1968 à nos jours. Il paraît, pour les raisons exposées dans la présentation du tome II, plus d'un an après sa rédaction définitive. C'est dire que les événements postérieurs à 1993 n'y sont pas étudiés.

La période couverte par ce tome est marquée par les tentatives d'intégration de la classe ouvrière au système capitaliste, par l'effon- drement du socialisme bureaucratique, par de vastes migrations de populations chassées de leur sol par la misère ou des guerres locales. En France, l'alternance libérale et social-démocrate ne fait que consta- ter l'impuissance de l'un comme de l'autre face au chômage.

Cette époque de bouleversements, de remise en cause des valeurs, certains l'ont perçue comme une étape décisive vers la disparition de la classe ouvrière. Le triomphe du film Germinal n 'est pas simple révérence à un passé révolu. Il est témoignage d'une recherche d'une assise de transformation sociale, comme en rêvaient les utopistes.

Toute conclusion ne saurait être que provisoire. La classe ouvrière, le salariat, le mouvement ouvrier s'écrivent au présent.

Claude Willard

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NEUVIEME PARTIE

Présence ouvrière dans les arts

et la littérature de l'après-guerre par René Ballet

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Avant-guerre, après-guerre : la guerre semble être une incontestable césure. Mais, plus dialectiquement, la guerre n'est-elle pas aussi l'après- paix et l'avant-paix ? La guerre n'étant pas un événement simple, « pur », au sens où l'on parle de corps simples, chimiquement purs : événement a-historique qui annulerait les phénomènes socio-politiques préexistants pour en générer de nouveaux. N'est-ce pas plutôt l'apogée d'une crise : des contradictions longuement aiguisées arrivant à un degré d'exaspéra- tion tel qu'elles déclenchent le recours aux armes ; les contradictions continuant ensuite à se dénouer, à se reformer ou à se retourner. Aussi, pour l'histoire de la présence ouvrière dans les arts et la littérature, 1960 n'est-il pas une date charnière au moins aussi importante que 1945 ?

1. 1945-1960 : APOGÉE ET FIN

D ' U N E FIGURE M Y T H I Q U E

Cette figure mythique, c'est celle de l'ouvrier, plus spécialement du métallo et, plus précisément encore, du métallo parisien, apparue une dizaine d'années plus tôt. Celle de ces travailleurs des grandes usines de la métallurgie parisienne qui jouèrent un rôle essentiel, d'abord pour repousser l'assaut fasciste de février 1934, puis pour concrétiser les conquêtes sociales de juin 1936. Non que cette figure ait été particuliè- rement fréquente dans la littérature ou le cinéma d'avant-guerre mais c'était la plus saillante et c'est elle qui s'est imposée.

1945 : la classe ouvrière retrouve sa place au grand jour dans les arts et la littérature. Présence assise sur des bases renforcées : certaines, tels les mouvements Travail et culture, Peuple et culture, Maisons de la culture, renouant avec la tradition du Front populaire ; d'autres, tels les comités d'entreprise, résultant d'acquis nouveaux. Présence renforcée,

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plus fondamentalement par le poids de la classe ouvrière dans la Résis- tance, le discrédit des valeurs bourgeoises compromises dans la collabo- ration et la part prise par l'URSS, « patrie des travailleurs », dans la victoire antifasciste.

Littérature

Cette présence est massive dans la littérature des dix premières années d'après-guerre. Notamment dans les romans de Pierre Abraham (Tiens bon la rampe), Aragon (Les communistes), Jean-Pierre Chabrol (Le bout-galeux), Pierre Gamarra (Les lilas de Saint-Lazare), André Stil (Le mot mineur, camarades, Le premier choc), Roger Vailland (Beau mas- que, 325 000 francs). Si cette présence est massive, elle est aussi ambi- tieuse car, comme en 1936 déjà mais plus encore depuis la Résistance, la classe ouvrière n'aspire pas à l'élaboration d'une « culture ouvrière » corporatiste mais à l'enrichissement de tout l'héritage culturel national.

« Il n'y a pas deux sortes de culture : une culture pour l'élite et une culture populaire... » affirme Aragon en avril 1947. Un an plus tard, lors d'une conférence à la Sorbonne, il refuse le titre de « culture des masses » : « une telle expression suppose qu'il y a deux genres de culture, l'une destinée aux masses, l'autre à un petit nombre et de natures différentes l'une de l'autre. » Si Aragon revient sur l'unicité de la culture, c'est que, depuis quelques mois, cette notion est implicitement contestée.

Les dernières explosions de la guerre recouvrent mal les premiers craquements de la coalition antifasciste. En 1947, le plan Marshall et la création du Bureau d'information des partis communistes esquissent la division du monde en « deux camps ». En France, la rupture de l'unité de la Résistance est particulièrement brutale : premières répressions massives en Algérie, à Madagascar et guerre d'Indochine ; exclusion des ministres communistes du gouvernement ; grèves dures et sanglantes des automnes 1947 et 1948 ; scission syndicale. D'où le glissement progres- sif vers la conception d'une division de la culture en « deux camps ». Conception commodément résumée aujourd'hui sous le terme de « jda- novisme », du nom du dirigeant soviétique qui la théorisa. Mais ce n'est pas qu'un apport étranger.

C'est en 1950 seulement que la thèse d'Andreï Jdanov est publiée en France, alors que, trois ans plus tôt déjà, Aragon signalait que la « culture populaire » est une « expression dangereuse », « une concep- tion qui découle de l'utopie ancienne des Universités populaires » . Le « jdanovisme » réactive de vieilles tentations catégorielles surmontées du mouvement ouvrier - populisme, ouvriérisme - et même du mouve-

1. Andreï Jdanov, Sur la littérature, la philosophie et la musique, Editions de la Nouvelle

critique, Paris, 1950. 2. Aragon, La culture et sa diffusion, discours à la Maison de la Pensée, Paris, avril 1947.

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ment progressiste du siècle précédent - culture et bibliothèques républi- caines - Il s'insère en la déformant dans la conception du « réalisme socialiste » : privilégiant l'aspiration au socialisme au détriment du réalisme, sacrifiant la liberté de recherche du créateur à l'efficacité politique immédiate (présumée telle). Publiés à six ans d'intervalle, Les communistes et 325 000 francs constituent des points de repère sur l'évolution du climat de l'époque.

En 1950, Aragon tire la sonnette d'alarme sur les dangers d'un dérapage vers le populisme. Il signale l'ambiguïté d'un texte de Michelet publié dans Les lettres françaises : « Il (Michelet) se lamentait de l'exis- tence d'un grand peuple muet et sourd, condamné à l'ignorance, pour lequel il réclame des livres à lire le dimanche. Et quand il précise sa pensée, on voit bien ce qu'il a en tête : des almanachs (...) Il ouvre les voies à ce courant de la culture populaire qui suppose qu'il y a deux cultures, et glisse d'amour du peuple au mépris du peuple » . C'est la réaffirmation d'une préoccupation constante d'Aragon mais, plus cu- rieusement, il insiste sur la gravité du risque « dans la région parisienne où les préjugés, jusque dans la classe ouvrière, sont mieux ancrés » . C'est qu'il vient d'être victime de ces préjugés populistes, précisément, dans la région parisienne.

La soirée du 17 juin 1949 avait tout pour être une somptueuse réussite. Une salle au passé syndical prestigieux, la Grange-aux-Belles. Un auteur prestigieux, Aragon, qui venait discuter avec ses lecteurs des deux premiers tomes de son nouvel ouvrage. Un ouvrage prestigieux, Les communistes, vaste fresque où la classe ouvrière et son parti devaient tenir la place capitale dans la grandiose période 1939-1945. Et pourtant, la soirée tourne mal !

L'agacement d'Aragon est perceptible au ton de ses réponses. Il se manifeste par une ironie feutrée ou mordante : « un certain nombre d'orateurs ce soir m'ont fait l'honneur de le dire, ce livre peut être considéré comme un livre utile (...) Ecrire un roman est un métier comme un autre ; ce n'est pas si simple et ce n'est pas si facile que vous le croyez peut-être (...) J'ai fait ce que j'ai pu. Je n'ai peut-être pas très bien réussi, mais il n'est interdit à personne de faire mieux... ». Agacement évident aussi dans l'affirmation cinglante de sa personnalité de créateur : « Cer- tains d'entre vous ont dit que mon livre était difficile à lire dans le métro... » (Un orateur a même précisé que) « ce livre n'était pourtant pas purement réaliste, parce qu'il n'était pas purement photographique ». « J'aurais pu écrire un autre roman qui aurait peut-être été plus conforme au désir de beaucoup de gens (...) Seulement voyez-vous, j'ai écrit un roman de moi... » L'irritation d'Aragon dépasse le cadre de cette soirée et de ces lecteurs pour viser certains des organisateurs sans doute et, en tout cas, une orientation que l'on appellera le jdanovisme : « Le fait est que je ne suis pas un ouvrier, et que je ne prétends pas me donner pour

3. Aragon, Les lettres françaises, 1 juin 1950, A propos d'un texte de Michelet.

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tel : je n'aime pas les mascarades, je n'aime pas non plus les gens qui prétendent aller à la classe ouvrière... »

La soirée du 17 juin a des conséquences plus graves qu'une passagère irritation. Aragon arrête d'écrire Les communistes. La fresque n'ira pas au-delà de la débâcle de juin 1940 au lieu de se poursuivre jusqu'à la victoire de 1945. Du même coup, il met fin à son cycle romanesque du Monde réel. Pourquoi ? Aragon attendra vingt-cinq ans pour s'en expli- que r : plus que les critiques, « ce sont les éloges qui m'arrêtèrent en ce juin 1940. On me louait d'avoir écrit autre chose que ce que j'avais voulu écrire... »

Aragon avait entrepris la création des Communistes dans le même esprit que les volumes précédents du Monde réel, ce « réalisme socia- liste » ouvert qui revendique tout l'héritage du « réalisme français » : Diderot et Rousseau comme Hugo et Balzac, Stendhal comme Flaubert et Zola . Et qu'en avait-on retenu ? « Mes amis et mes ennemis étaient d'accord sur un point, ils avaient entendu que je disais « du bien » d'une certaine politique. Sans doute. Mais ce n'était pas là mon sujet (...) Je n'ai pas continué à écrire Les communistes, parce qu'il aurait fallu les écrire comme on les entendait, et non comme je les portais en moi ».

Si le monde réel n'est pas le monde du « on », ce n'est pas non plus celui de « l'homme nouveau » : c'est le constat de 325 000 francs. Pour Roger Vailland, « l'homme nouveau » est le type d'humanité inédit nécessairement forgé dans et par la lutte pour une société inédite, la « société sans classes ». Cet homme nouveau est absent de 325 000

francs. Si le héros est ouvrier, il ne veut pas faire la révolution mais des heures supplémentaires. Il ne s'oppose pas à son patron mais au syndicat. Il ne rêve pas de « société sans classes » mais de gérance d'un snack-bar. Telles sont les contradictions du monde réel en ce milieu des années cinquante. Comme l'écrira plus tard Roger Vailland avec une secrète amertume : « Nous étions persuadés que le monde allait changer de face dans les dix années qui allaient suivre (...) Et puis, rien ne s'est passé. Nous avons été la jeunesse de la révolution qui n'a pas eu lieu » .

Le terrain s'éboule sous le jdanovisme. Au XIII congrès du parti communiste, en juin 1954, Jacques Duclos critique les étroitesses de la direction et Aragon qui en a été victime est élu membre titulaire du comité central. Présentant une exposition Fernand Léger en 1960, Maurice Thorez prend une position qui concerne non seulement ce peintre mais la condition même de l'artiste : « Sa personnalité est trop puissante pour se laisser longtemps enfermer dans une formule ou dominer par une

4. « Aragon répond à ses témoins », La Nouvelle critique, juillet-août 1949. 5. Aragon, « La fin du Monde réel», post-face à la nouvelle version des Communistes,

Livre-club Diderot, 1974. 6. Aragon, « Réalisme socialiste et réalisme français », conférence à la Comédie des

Champs-Elysées le 5 octobre 1937, Europe, mars 1938. 7. Roger Vailland, « Pierre Courtade » Les Lettres françaises du 16 mai 1963. Republié

dans Roger Vailland, Chronique d'Hiroshima à Goldfinger, Messidor, Paris, 1984.

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m o d e . C e q u ' i l v ise (...) c ' e s t t r a n s f o r m e r l ' i m a g e t rad i t ionne l le de l ' h o m m e (...) C o m m e les g r a n d s nova teurs , il a i m p o s é sa v is ion ». U n e

é p o q u e s ' a c h è v e , mais le Parti c o m m u n i s t e a t t endra e n c o r e six ans p o u r

e n t i rer toutes les c o n s é q u e n c e s dans le d o m a i n e de la c r é a t i o n .

C i n é m a

Le c i n é m a c o n n a î t une évo lu t ion de m ê m e sens mais d ' a m p l i t u d e

d i f férente . La p roduc t i on et la d i s t r ibu t ion de f i lms - : p lus c o û t e u s e q u e

l ' éd i t i on et la d i f fus ion de l ivres - sont c o n c e n t r é e s ent re q u e l q u e s

g r a n d e s socié tés . En r evanche , c o n t r a i r e m e n t à la c réa t ion li t téraire, la

c réa t ion c i n é m a t o g r a p h i q u e n ' e s t pas un travail soli taire. C ' e s t le fait

d ' é q u i p e s - s o u v e n t r econs t i tuées de f i lm en f i lm - me t t eu r s en scène ,

ac teurs , t echnic iens . Auss i , à la Libéra t ion , les oppos i t i ons sont -e l les rad ica l i sées .

D ' u n côté , les g randes soc ié tés de p roduc t ion -d i s t r ibu t ion souven t

c o m p r o m i s e s dans la co l l abora t ion (au m o i n s é c o n o m i q u e ) . D e l ' au t re ,

d e s o rgan i sa t i ons de rés i s tance n o m b r e u s e s et s t ruc turées ; le c o m m u -

nis te Lou i s D a q u i n est secré ta i re généra l du C o m i t é de l ibéra t ion du

c inéma . L a r evue spéc ia l i sée L ' E c r a n f r a n ç a i s ma i s aussi les h e b d o m a -

dai res Les le t t res f r a n ç a i s e s et Act ion m è n e n t c a m p a g n e p o u r un r enou-

veau du c i n é m a f rança is et, n o t a m m e n t , p o u r des f i lms a b o r d a n t les

p r o b l è m e s sociaux. Les deux p remiè re s « p a l m e s d ' o r » du fest ival de C a n n e s son t d é c e r n é e s à des œ u v r e s me t t an t en scène des ouvr iers . (La

b a t a i l l e du ra i l en 1946, An to ine et Anto ine t te en 1947.)

Mais , dès cet te m ê m e année , ce r e n o u v e a u est r emi s en cause par les

accords B l u m - B y r n e s : l ' o u v e r t u r e du m a r c h é aux f i lms amér i ca in s

en t r a îne la concen t r a t i on de la p roduc t ion -d i s t r i bu t ion et le re tour des

p u i s s a n c e s f inanc iè res t radi t ionnel les . C e s var ia t ions du rappor t des

forces d a n s l ' i ndus t r i e c i n é m a t o g r a p h i q u e on t une in f luence d i rec te sur la p r é s e n c e ouvr iè re à l ' é c ran .

T o u r n é s d a n s les d e u x p remiè re s années d ' a p r è s - g u e r r e , dans le

c l ima t d ' a p p a r e n t e un i té ant i fascis te , d e u x f i lms m a r q u e n t le r e tou r au

g rand j o u r de l ' ouvr ie r . Ou, plus p r é c i s é m e n t du p e r s o n n a g e m y t h i q u e de l ' o u v r i e r par is ien . C ' e s t d ' a b o r d , dès 1946, Les p o r t e s d e la nuit . Carné , Préver t , K o s m a , B r a s s e u r : o n se croi ra i t r evenu hui t ans en

arr ière , au t e m p s de Q u a i d e s b rumes . Cer tes , la gue r r e est pas sée par là :

le p ropr ié ta i re e t son fils on t co l l aboré ; au bistrot , on m a n g e « m a r c h é

no i r » ; R a y m o n d Buss iè re , le c h e m i n o t , a été dépor té . C e c h e m i n o t est

m ê m e « du part i » mais il res te le t radi t ionnel « p ro lo » goua i l l eu r et les

m y t h e s du « r éa l i sme p o é t i q u e » sont au r e n d e z - v o u s : le des t in -c lo -

chard , l ' a sp i r a t ion à « l ' a i l l eurs », le dépar t « aux î les ». Il y a aussi -

sur tou t peut -ê t re - l ' é v o c a t i o n d ' u n quar t i e r ouvr ier . C e n ' e s t plus le

8. Cf. les travaux du Comité central d'Argenteuil en 1966, qui affirme la spécificité de la création artistique, la liberté de la recherche et le nécessaire pluralisme des écoles et des styles.

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canal Saint-Martin d'Hôtel du Nord , c'est entre Barbès et La Villette. Paul Eluard salue cet aspect du film : « Dans mon beau quartier. A Marcel Carné et Jacques Prévert qui inaugurent l'image réelle... »9

L'année suivante, Jacques Becker reste dans le 18 arrondissement pour Antoine et Antoinette. L'ouvrier n'est plus cheminot mais brocheur ; elle, vendeuse dans un grand magasin. Un gentil couple d'amoureux qui pourrait être le cadet de celui d'Hôtel du Nord, au destin moins tragique (esprit Libération oblige !). L'histoire du billet de loterie gagnant, perdu et retrouvé, reprend le thème du Million tourné par René Clair, seize ans plus tôt. Comme dans Les portes de la nuit, on retrouve la vie grouillante du quartier : la voisine qui travaille au métro, le bistrot, l'épicier avide d'argent noir et de faveurs roses.

Pays noir, gueules noires : l'année suivante, avec Le point du jour, la présence ouvrière sur les écrans vire du rose au noir. C'est que le climat social a changé : les grèves de l'automne précédent ont été sévèrement réprimées ; celle des mineurs de l'automne 1948 le sera plus durement encore. Dans Le point du jour justement, Louis Daquin et Vladimir Pozner montrent sans concession la dure vie quotidienne des mineurs du Nord. A la sortie du film, la critique se divise, elle aussi, en « deux camps » ; prenant position moins sur l'œuvre elle-même que sur la situation sociale évoquée. Après Le point du jour, les grandes sociétés ne produisent plus guère de films aux protagonistes ouvriers. Reste la production indépendante.

Dès la Libération, pour s'affranchir de la production commerciale classique, des professionnels, réunis dans la Résistance, ont créé la Coopérative générale du cinéma français. Dans les mois qui suivent, elle commence la production d'un film mis en scène par René Clément. Un projet ambitieux : retracer la lutte des cheminots sous l'occupation. Une œuvre novatrice, qui ne doit rien à l'esthétique d'avant-guerre : pas d'intrigue sentimentale, pas de vedette pour incarner la figure mythique de l'ouvrier ; ce sont d'authentiques cheminots qui interprètent leurs propres rôles. Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître !

La bataille du rail est devenue un clasique. Elle reste une exception permise par le climat spécial de l'époque. Climat qui se détériore lorsque, en 1947, la coopérative entreprend la production de Copains du diman- che, commandé par la CGT. Un thème « grand public » : de jeunes ouvriers d'une usine d'aviation rêvent de voler eux-mêmes et finissent par construire leur propre avion. Une distribution qui réunit des acteurs connus (Paul Frankeur) et d'autres qui deviendront célèbres (Jean-Paul Belmondo, Michel Piccoli). Pourtant le film restera plus de trente ans sans trouver de distributeur. C'est que les grandes sociétés reprennent en main les circuits de distribution. La voie de la production indépendante est à son tour bouchée.

9. Paul Eluard, « Dans mon beau quartier », Les Lettres françaises, 6 décembre 1946.

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Reste celle du cinéma militant. Des films sur les luttes ouvrières, destinés à des projections préparées par les organisations syndicales ou politiques. C'est-à-dire un cinéma échappant aux carcans traditionnels de la distribution comme de la production. Il sera muselé par un moyen non-traditionnel en matière de culture, la police. C'est dans des condi- tions de clandestinité que Menegoz réussit en 1951 à réaliser Vivent les dockers. A la même époque, Paul Carpita utilise les mêmes méthodes pour Le rendez-vous des quais, long métrage sur la grève des dockers de Marseille. Il mène son projet à bien après deux ans de tournage mais la police saisit la copie lors d'une des premières projections. Il faudra attendre trente-sept ans pour voir le film en salle... en 1990. Louis Daquin et Roger Vailland ont moins de chance encore en 1948 avec La grande lutte des mineurs. C'est directement en laboratoire que la police saisit les matériaux d'un film que nul n'a encore vu en circuit commercial, quarante-cinq ans plus tard. Il serait tentant de conclure sur cet efface- ment de la présence ouvrière sur les écrans au début des années cin- quante. Le parallélisme serait parfait avec l'évolution de la situation politique, s'il n'y avait...

Cinémascope, couleur, vedettes ; co-production franco-italienne, grands circuits de distribution : banal pour un film sorti en 1956 ! Si ce n'est que ce film retrace la construction d'un barrage, la dure et dange- reuse vie des travailleurs, leurs luttes pour une prime de rendement. C'est La meilleure part d'Yves Allégret. Film insolite, « anachronique », dû sans doute à la volonté de l'acteur vedette, Gérard Philipe, dont le seul nom était un gage de succès commercial. Il est instructif d'examiner de près ce film. Son « anachronisme » n'est qu'apparent. On est loin de la figure mythique de l'ouvrier des années trente et de l'immédiate après- guerre. C'est un ingénieur qui est au centre de l'action, entouré non des classiques « parigots » gouailleurs mais de travailleurs immigrés tacitur- nes : c'est déjà l'esquisse du monde du travail en formation. Instructif également de voir comment fut accueilli ce film.

Jugements contrastés d'une équipe de jeunes critiques qui allaient devenir les réalisateurs-phares de la période suivante. C'est, estime Alain Resnais, « un film peut-être inachevé, mais où Gérard a fait quelque chose de très intéressant. Il y a trouvé le moyen d'être « gris », de rendre les conversations grises. C'est une interprétation « en creux », j 'y sens la grisaille du climat dans lequel vivent ces ingénieurs, et puis c'était pour l'époque un film courageux : les Algériens, l'ennui des diman- ches. » François Truffaut, en revanche, critique férocement - et politi- quement - le film : « Je défie Yves Allégret de ne pas s'ennuyer mortellement s'il était obligé de dîner, rien qu'une fois, avec l'un ou l'autre des personnages de son film (...) (Gérard Philipe) a voulu faire de ce film dédié aux bâtisseurs, une histoire de kolkhoze sans se rendre

10. Alain Resnais, Film-portraits, novembre-décembre 1979.

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c o m p t e q u e c ' e s t lui qui, d a n s le rôle d ' u n ingén ieu r c o m p é t e n t , en l ève

tout sé r ieux d ' e m b l é e à l ' en t rep r i se » .

P lus r évé la t eu r e n c o r e est de c o m p a r e r l ' a ccue i l fait par G e o r g e s

S a d o u l - d é f e n s e u r d ' u n c i n é m a a b o r d a n t les p r o b l è m e s soc iaux - à La m e i l l e u r e p a r t et au P o i n t du j o u r , dans lequel u n ingén ieu r tenai t

é g a l e m e n t un rôle , b i en que m o i n s i m p o r t a n t . Sadou l e s t i m e q u e « les

p r o b l è m e s p ropres aux ingén ieurs t i ennen t u n peu t rop de p lace » alors

que , d a n s La m e i l l e u r e p a r t , il note : « L ' i n g é n i e u r en chef, q u e G é r a r d

Ph i l ipe in te rprè te avec d i sc ré t ion et réali té, est le p e r s o n n a g e le plus

c o m p l e x e ». P o u r Le p o i n t d u j o u r , il se fél ici te : « le sujet, qui était la

m i n e , a é té abo rdé en face, sans j a m a i s tr icher, et cet te honnê t e t é d o n n e

au f i lm son p r ix excep t ionne l ». P o u r La me i l l eu re p a r t , il e s t i m e q u e « leur mér i t e (aux réa l i sa teurs ) est d ' a v o i r visé à u n e sorte de c l a s s i c i sme

(...) O n ne c h e r c h e pas le p a r o x y s m e mais on at te int à l ' é m o t i o n par la

r e t enue et la concen t ra t ion , très souven t on suggè re plus q u ' o n n ' e x -

p r ime . »

C ' e s t que huit ans se sont écou lés en t re les deux f i lms. Hui t années

qui on t vu la m o n t é e et le re f lux du p h é n o m è n e appe lé « j d a n o v i s m e ».

C ' e s t que le c i n é m a a c h a n g é avec la société. En 1954, J a c q u e s Becker ,

m e t t e u r en s cène d ' A n t o i n e et Anto ine t te réal ise Touchez p a s a u gr i sb i .

Le f i lm ne se passe p lus en mi l i eu ouvr i e r mais d a n s le « mi l i eu » tout

cour t . La vede t t e en es t J ean G a b i n mais ce n ' e s t plus le « p r o l o » de La

bel le é q u i p e ou du J o u r se lève : c ' e s t un t ruand. U n m y t h e chasse l ' au t re .

S u r les é c r a n s c o m m e en l i t térature, u n e é p o q u e s ' a c h è v e .

A r t s p l a s t i q u e s

En pe in ture , la L ibéra t ion r edonne é lan à un m o u v e m e n t dé jà pu i s san t

lors du Fron t popu la i r e : de n o m b r e u x art is tes a f f i rmen t leur sou t ien au m o u v e m e n t ouvr ier . C h e z cer ta ins , tout na tu re l l ement , le p e r s o n n a g e du

t rava i l l eur appara î t ou réappara î t dans leur pe in ture . C ' e s t le cas n o t a m -

m e n t de F e r n a n d L é g e r et d ' E d o u a r d P ignon .

L a p r é s e n c e ouv r i è r e hanta i t la pe in ture de L é g e r depu i s p lus de v ingt

ans déjà. El le se p réc i se encore , en 1950, avec ses C o n s t r u c t e u r s ,

vér i tab le h y m n e aux c o m b a t t a n t s de la r econs t ruc t ion du pays.

P o u r P i g n o n , pe indre le m o n d e ouvr i e r rev ien t à pe indre son p ropre un ive r s : il fut s u c c e s s i v e m e n t m i n e u r et ouvr i e r du bâ t imen t avan t de

t ravai l le r c h e z C i t roën et c h e z Renaul t . C ' e s t f ami l i è r emen t q u ' e n 1949,

il e x p o s e la sér ie des M i n e u r s q u ' i l v ient de pe indre lors d ' u n sé jour c h e z sa mère , à Mar l e s - l e s -Mines . D e u x ans p lus tard, avec L ' o u v r i e r mor t , il

r e p r e n d u n t h è m e qu ' i l avai t dé jà trai té en 1936. S o n s tyle é v o l u e mais

la sou rce d ' i n s p i r a t i o n demeure . C h e z d ' a u t r e s peint res , le sou t ien au

m o u v e m e n t o u v r i e r est u n e pos i t ion c iv ique , para l lè le à un t ravai l de

11. François Truffaut, Arts du 11 avril 1956. 12. Georges Sadoul, Les Lettres françaises, 19 mai 1949 et 26 mars 1956.

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recherches diverses : à la frontière de l'art figuratif ou non figuratif, tendance qui se développe au lendemain de la guerre. La coexistence de ces styles ne posant pas problème... au moins jusqu'au salon d'automne 1948.

L'attention de la critique se focalise sur un tableau d'André Fougeron, Parisiennes au marché, d'un style figuratif provocant. Style surprenant de la part d'un homme venant d'un tout autre horizon de la peinture : « Qu'aurait pensé de ce qu'il fait aujourd'hui le jeune homme qu'il fut ? » se demandait déjà Aragon l'année précédente en présentant des dessins de Fougeron. Constatant les polémiques déclenchées par cette évolution, l'écrivain estimait : « André Fougeron paye très cher de se trouver à une charnière de son art, à un point tournant de l'histoire qui n'est pas que de l'art. »

C'est encore plus vrai en 1948. Le Salon d'automne s'ouvre au lendemain de décrets-lois s'en prenant à l'emploi et aux conditions de travail dans les houillères, deux semaines avant le début de la grève des mineurs. C'est à ces critères-là aussi que sont jugées les Parisiennes au marché : « Fougeron qui est du Parti a choisi d'être dans la ligne » écrit L'Intransigeant.

En toute logique, les critiques communistes et progressistes ripostent en défendant la liberté de l'artiste de prendre les positions politiques et esthétiques de son choix. Mais, de salon en salon, cette attitude se durcit : passant de la défense du réalisme à celle d'une certaine forme de réalisme, appelé « nouveau réalisme », puis à la condamnation de toute autre forme d'art. 1948 : « Fougeron ouvre ici un chemin à la peinture ». 1949 : ce chemin devient le chemin ; les peintres non-figuratifs sont « ce raid de commando contre l'évidence ». 1950 : un raid condamné à l'échec, « le flux du non-dire recule et se retire. »

Les positions se radicalisent encore au salon d'automne 1951 : la police y décroche sept toiles du courant « nouveau réalisme ». Plusieurs représentent des manifestations ouvrières dont La grève de Port-de-Bouc de Boris Taslitzky. Aragon proteste, à juste titre : « Contre le réalisme d'aujourd'hui, ce n'est plus assez que l'arsenal de la critique (...) le gouvernement vient de jeter dans la balance sa police... » . Mais l'amal- game sera bientôt fait entre cause de la classe ouvrière et « nouveau réalisme ». Quiconque enfreint ses canons commet une faute politique. Cette dérive est officialisée à l'occasion de la mort de Staline.

Le 12 mars 1953, Les lettres françaises arborent un portrait du disparu par Picasso. C'est un hommage... mais c'est « du picasso », assez éloigné du « nouveau réalisme ». Les premières lettres de protestation arrivent

13. Aragon, préface aux Dessins de Fougeron, Les 13 épis, 1947. 14. Jean Marcenac, Les Lettres françaises, 23 septembre 1948, 29 septembre 1949. 22 juin

1950.

15. Aragon, « Au Salon d'automne, peindre a cessé d'être un jeu », Les Lettres françaises, 15 novembre 1951.

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aussitôt et, dès le 18 mars, L'Humanité publie un communiqué du secrétariat du Parti communiste qui « désapprouve catégoriquement la publication... » Cette intervention officielle d'un parti politique dans une question de style mérite le nom - souvent galvaudé - de "jdanovisme". Elle marque aussi le début de reflux du phénomène.

Comme pour la soirée de la Grange-aux-belles, Aragon ne tarde pas à réagir. Trois semaines après le communiqué, il regrette le ton de la campagne de lettres de protestation plus ou moins spontanée : le secré- tariat du Parti communiste avait en effet « remercié et félicité » les auteurs des premières lettres. « Mes correspondants » écrit Aragon « souvent dépassaient la plainte de toute la violence de l'injure » et il prévient «je ne suis pas du tout de ceux qui, lorsqu'on les injurie, tendent l'autre joue ».16 Deux semaines plus tard, il revient à la charge : « Voici que des voix s'élèvent demandant un débat sur les images (...) et pour ma part j'estime qu'au premier plan de ce débat s'avancent, porteurs des arguments décisifs, leurs œuvres, ceux qu'on appelle les créateurs. »

En novembre de la même année, lors du Salon d'automne, il dénonce les perversions du « nouveau réalisme ». C'est à propos d'un tableau de Fougeron ; mais ses dimensions - 24 mètres carrés - comme son thème Civilisation atlantique en font un « communiqué » aussi officiel que celui du secrétariat du parti communiste et ce n'est pas au seul peintre que les propos d'Aragon s'adressent. Le silence n'est plus possible : « Il serait déshonnête de ne pas dire à Fougeron (...) ce que seule une critique de copinerie pourrait cacher ». On glisse vers une peinture officielle avec « intégration du davidisme » et « ce qu'il y a de plus académique dans la peinture mexicaine ». Une peinture officielle « hâtive, grossière, mé- prisante... ». « Il faut dire halte-là » conclut Aragon, revenir à « une œuvre d'art et non un discours de démagogue ».18

Mais l'essentiel n'est pas là ou plus là : Aragon a relégué cette critique en fin d'article. Désinvolte, il a d'abord lancé : « J'ai trouvé plus qu'au reste plaisir aux paysages ». Et ce n'est sans doute pas en pensant seulement à la peinture et au Salon d'automne qu'il écrit : « c'est à croire qu'une sorte de peur de l'hiver donne à cette saison de passage un goût des nuances et des clartés auquel les hommes sensibles ne résistent pas. » S'achève un cycle de saisons ouvert par le printemps de la Libération (et annoncé par la montée du Front populaire). Dans deux ans, ce sera l'hiver de 1956, puis 1958. Un nouveau cycle va naître.

Même si les lois du système restent fondamentalement inchangées, une nouvelle société pointe à l'orée des années soixante. Société qui s'impose sans recours à la guerre autre qu'économique, sans recours à

16. Aragon, « A haute voix », Les Lettres françaises, 9 avril 1953. 17. Aragon, « La parole est aux créateurs », Les Lettres françaises, 23 avril 1953. 18. Aragon, « Toutes les couleurs de l'automne », Les Lettres françaises, 12 novembre

1953.

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la violence autre que légale, mais société méconnaissable. « Dépay- sante » au sens propre, c'est-à-dire donnant l'impression de changer de pays. Placé à mi-chemin - à la date charnière de 1960 - un observateur aurait moins de peine à reconnaître la France de 1930 que celle de 1990.

2. 1960-1993 : UNE PRÉSENCE ÉCLATÉE

A partir des années soixante s'efface la figure mythique de l'ouvrier. C'est d'une présence éclatée qu'il faut parler. En raison de la dispersion des lieux de production comme de la modification structurelle de la classe ouvrière : entrée dans le processus de production des ingénieurs, cadres et techniciens ; apparition du travail à durée déterminée, partiel, intérimaire, intermittent ; nouvelles tentatives de séduction par le patro- nat et développement de l'esprit individualiste. De nouveaux thèmes sont « proposés » à la création : la fatalité des lois économiques ; l'utopie des « lendemains qui consomment » remplaçant celle des « lendemains qui chantent » ; le retournement du rôle du profit et de la rentabilité promus au rôle de juges de toute valeur, y compris créatrice (sous les vocables de « reconnaissance », « d'audience »).

Le mythe de l'entreprise est imposé mais d'une façon « cool ». On n'envoie plus la police décrocher les tableaux ou saisir la copie de films. Mieux que la répression, la dissuasion. La concentration des moyens de production culturelle, le contrôle des grands médias, ce mécénat dit industriel qui est en fait celui des entreprises et, souvent des banques, s'avèrent plus efficaces que les interdits ministériels ou préfectoraux. Le but final étant de parvenir à une auto-censure que les créateurs ombra- geux ont tout loisir de baptiser « inspiration ».

Littérature

« Dix-huit étages d'acier et de verre, en fer à cheval autour d'un jardin tropical... » : tel est le visage de l'American Paper and Boxes Company, multinationale du papier-carton dans La Truite, dernier roman de Roger Vailland en 1964. Il est rare que l'entreprise soit ainsi physiquement présente dans la littérature. Elle reste généralement en coulisse : dictant sa loi, destructurant-restructurant la vie et la mentalité des hommes (notamment des travailleurs). Franchissant une nouvelle étape, elle fait plus que les aliéner, tente de les « réifier » - les transformer en choses - : un langage économique sans fard ne parle t-il pas de « gisement de main-d'œuvre » ; de « gestion du stock de main-d'œuvre ».

A contrario, tout ce qui souligne l'originalité, l'irréductibilité de ce « stock » contrecarre la loi de l'entreprise. C'est ainsi qu'un soupçon de subversion plane sur toute une part de la création littéraire allant bien au-delà de celle à qui l'on attribuait au lendemain de la guerre l'appella- tion (équivoque) de « littérature engagée ». Domaine trop vaste, aux

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frontières trop mouvantes pour qu'il soit possible d'en dresser l'inven- taire. Tout au plus peut-on essayer d'indiquer - avec un inévitable arbitraire - quelques pistes de lecture nullement exhaustives.

Une série de romans laisse paraître - de manière ouverte ou en filigrane - l'enracinement de la classe ouvrière dans l'histoire nationale : son développement de la Commune au Front populaire (Vel'd'hiv' de Roger Bordier) ; une chronique familiale au pays des mines dans les années vingt et trente (Dieu est un enfant d'André Stil) ; les remous de la guerre d'Algérie dans le monde du travail (Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli, C'était nous de Pierre Bergounioux).

D'autres romans abordent ou croisent des personnages ouvriers con- temporains, décrivant leurs comportements dans une société profondé- ment bouleversée. Il est caractéristique que le cycle romanesque d'Elsa Triolet consacré à notre époque s'intitule L'Age du nylon ; ce qui s'op- pose au précédent âge du fer et pas seulement pour ce qui est des matériaux.

Un portrait en pied (et en situation) de la classe ouvrière d'aujourd'hui est tracé en pointillé par des créateurs partant de situations particulières diverses : la contradiction entre le désir de bénéficier de conditions de vie modernes et l'esclavage des heures supplémentaires (Le temps de vivre d'André Remacle) ; la double aliénation sociale et culturelle des enfants de travailleurs immigrés (Bastienne de Victoria Thérame) ; le sentiment de culpabilité de l'enfant d'ouvrier devenant intellectuel décrit par Annie Ernaud ; l'isolement des cadres (L'imprécateur de René-Vic- tor Pilhes, L'organidrame de René Ballet) ; le chômage (La tangeante de Luc Ziegler) ; la vie dans les grands ensembles et banlieues ouvrières, abordée dès le début des années soixante par Christiane Rochefort (Les petits enfants du siècle) et présente, plus récemment, dans les œuvres de François Bon, Didier Daeninckx, Jean Echenoz, Daniel Zimmerman. Il faudrait y ajouter les thèmes des « bandes », de la marginalisation, de la drogue, liés - de façon non-mécanique - à la crise et à la désindustriali- sation. Le point de vue chrétien sur la classe ouvrière, parfois influencé par le mouvement des prêtres ouvriers, mériterait une étude spécifique.

Cinéma

Au cinéma, le tournant des années soixante est marqué de manière particulièrement nette par l'arrivée de la « nouvelle vague ». Terme flou, regroupant des créateurs aux personnalités diverses mais présentant cependant quelques traits communs : jeunes metteurs en scène qui ont généralement débuté dans la critique, et souvent aux Cahiers du cinéma. Ils ont également en commun le refus d'un certain cinéma, avec la violence - parfois irritante mais nécessaire - d'un courant qui s'affirme en s'opposant à ses aînés. Ils sont contre les équipes et les budgets trop lourds ; contre les dialogues trop « léchés » et les mots d'auteur ; contre le néo-réalisme. Condamnant en fait les formes cinématographiques dans lesquelles la présence ouvrière avait été la plus manifeste.

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Cette présence ne disparaît pas pour autant mais elle s'infléchit : vers la dénonciation de la répression colonialiste et des pièges de la « société de consommation » avec les adaptations de Elise ou la vraie vie par Michel Drach et du Temps de vivre par Bernard Paul en 1969. Deux exceptions : Beau Masque de Bernard Paul en 1972 et Une chambre en ville de Jacques Demy en 1982, deux films sur les luttes ouvrières et dont le personnage central meurt au cours d'affrontements. Mais ces excep- tions ne sont qu'apparentes. Le premier est l'adaptation du roman de Roger Vailland, écrit une vingtaine d'années plus tôt. De même, avec Une chambre en ville, Jacques Demy concrétise t-il un vieux projet qu'il avait commencé à réaliser sous forme romanesque trente ans auparavant.

Il en est de même pour Le brasier d'Eric Barbier en 1990 et Germinal de Claude Berri à l'automne 1993. Le premier revient soixante ans en arrière avec la vie des mineurs dans les années trente. Le second adapte le roman d'Emile Zola vieux de plus d'un siècle. Films ambitieux, réalisés avec de gros moyens, sortes de funérailles nationales de l'ouvrier mythique. Mais entre-temps, un groupe de jeunes gens en cavale hors des sentiers battus par leurs aînés ont fait des rencontres imprévues.

Caméra à l'épaule, à la recherche de la vie quotidienne, les réalisa- teurs de la « nouvelle vague » sont descendus dans la rue. C'est là, au détour d'histoires de tous les jours, qu'ils rencontrent la classe ouvrière. Les balades d'un groupe de jeunes de milieu populaire : Adieu Philippine de Jacques Rozier (1962). Un quartier marseillais pétri de solidarité ouvrière : La vieille dame indigne de René Allio (1965). La prostitution de fin de mois dans une HLM : Deux ou trois choses que je sais d'elle de Jean-Luc Godard (1966). De jeunes ouvriers et étudiants discutant dans un terrain vague de banlieue : Un film comme les autres de Jean-Luc Godard (1968). Et puis, au printemps de cette année-là...

... La politique envahit les rues et la vie quotidienne, bousculant les Etats Généraux du cinéma. Des cinéastes - souvent issus ou proches de la « nouvelle vague » - se lancent dans le cinéma « d'intervention sociale ». Se réclamant du Ciné-œil de Dziga Vertov, ils produisent des « ciné-tracts » généralement interdits par la police et la plupart du temps violemment critiques vis-à-vis des forces organisées du mouvement ouvrier (CGT et Parti communiste en particulier). Le dialogue est diffi- cile « à chaud » : il y a dans l'air de ce printemps d'orage trop de passions, de fantasmes et de crispations. Pour les uns, la réalité a trop de retard sur leurs rêves ; pour les autres, leurs conceptions trop de retard sur la réalité. Mais même si la rencontre n'a pas lieu alors, quelque chose d'important vient de se passer.

Si la vague vertovienne retombe assez vite, l'ébranlement de 1968 aura des conséquences durables sur les conceptions de maints réalisa- teurs, Jean-Luc Godard notamment. Cet ébranlement entraîne également des conséquences durables sur les conceptions et les pratiques du mou- vement ouvrier. Vingt ans plus tard, les premières convergences se concrétisent : c'est avec le procédé nouveau de la vidéo qu'Alain Sers réalise un film sur une grève conduite de façon nouvelle, celle des

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cheminots de l'hiver 1986. Ce film s'appelle justement Convergence et il est réalisé en collaboration avec les cheminots CGT...

Arts plastiques

C'est vers le milieu des années cinquante que la création plastique sort du relatif isolement dû à la guerre. Les échanges internationaux - jusque là centrés sur les besoins de la reconstruction - s'élargissent. L'Allemagne cesse d'être une tache blanche et le plan Marshall favorise la diffusion de la culture américaine : non seulement la création a pu s'y poursuivre pendant la guerre mais elle s'y est enrichie de l'apport d'étrangers fuyant le nazisme. Le commerce international se reconstitue et s'impose pour l'art comme pour le pétrole ; avec de grandes « places » artistiques, comme il y a de grandes places financières. Dispositif com- plété par le phénomène du mécénat, particulièrement important en ma- tière de création plastique. Peintres et sculpteurs œuvrent dans un domaine dominé par la loi de l'entreprise.

C'est dans ce contexte que se perpétue la présence ouvrière : non plus directe comme dans les années du « nouveau réalisme » mais par élar- gissement. Les aspirations de la classe ouvrière ne sont plus soutenues par les œuvres de « supporters » : elles se retrouvent dans le travail de peintres et de sculpteurs « indépendants ». Il peut arriver que des plasti- ciens manifestent leur sympathie pour le mouvement ouvrier ou appuient telles de ses actions : ils prennent alors position en tant que citoyens. Mais plus fondamentalement, en tant que créateurs, leurs aspirations rejoignent celles des travailleurs : se libérer de la loi de l'entreprise. Quelles que soient par ailleurs leurs positions politiques, c'est leur travail même qui est de nature subversive.

Nombre de sculpteurs - pour s'en tenir à eux - utilisent, « s'appro- prient » des matériaux et techniques industriels... mais pour les détour- ner. Pour « faire de l'art », c'est-à-dire réunir conception et réalisation en un même mouvement ludique, sans autre but que le plaisir : notions opposées aux règles de l'entreprise industrielle.

Cette tendance balbutiante prend un grand essor à l'orée des années soixante. Takis détourne l'électro-magnétisme pour animer ses sculptu- res. Picasso détourne l'usinage en faisant découper et plier des tôles- sculptures : découpage et pliage étant jusque-là des techniques respectables, utlisées pour la construction à la chaîne des carrosseries automobiles. Nicolas Schöffer détourne le sacro-saint cerveau électroni- que pour régler les variations de ses Sculptures-spectacles. Le groupe de Recherche d'Art Visuel viole la frontière producteurs-consommateurs en transformant le spectateur en acteur : c'est le passage des visiteurs qui déclenche images et sons.

Ces détournements de matériaux et méthodes de l'entreprise indus- trielle peuvent aller jusqu'à la tourner en dérision. D'abord par l'anoblis- sement des déchets. Picasso avait ouvert la voie avec Ses assemblages d'objets industriels récupérés. César commet le sacrilège avec ses Com-

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pressions d'automobiles : l'épave d'un objet de rêve (au début des années soixante) réduite à l'état d'un petit parallélépipède. Philippe Hiquilly utilise, lui aussi, les déchets industriels. Parfois, il les anime et les sonorise : dans son Juke-box, une forme humaine est aspirée par une machine, tandis que des marteaux rythment sur des tôles cette descente dans l'aliénation. Avec ses Accumulations, Arman revalorise ces enne- mis de l'entreprise que sont le surplus, l'invendu. Alors que l'entreprise produit des machines performantes au « design » rationnel, Jean Tingue- ly fait œuvre de bricoleur avec ses aberrantes et grotesques Machines à peindre. Simon de Saint-Martin ose même profaner l'informatique. Détraquant une machine de traitement de textes, il l'anime de mouve- ments fous : elle respire comme un animal haletant ; ne crache plus des « données » mais d'inutiles boulettes en plastique comme un clown de cirque.

Comme le cinéma, les arts graphiques connaissent une période « d'in- tervention sociale » en 1968. D'une part sous une forme élaborée, utilisant des procédés industriels : ce sont des professionnels ou semi- professionnels qui réalisent des affiches en sérigraphie et des peintures murales au pochoir. Affiches et peintures reprenant souvent les thèmes des luttes ouvrières (très librement interprétées). Sous une forme plus spontanée - et graphiquement plus élémentaire - ce sont les inscriptions et graffiti particulièrement nombreux autour et à l'intérieur des locaux universitaires. Si ces formes d'expression perdent rapidement de leur importance, un « esprit 68 » marquera durablement la caricature, le dessin publicitaire et la bande dessinée.

Une forme d'expression directe se manifeste à nouveau vers le milieu des années 1980 avec les « tags » et les « graphes ». Preuves de présence ouvrière : ce n'est pas sur les murs de Neuilly et d'Auteuil qu'ils fleurissent. Mais preuves d'une existence « en creux » : c'est dans les banlieues désindustrialisées, sinistrées qu'ils apparaissent d'abord. Ex- pression graphiquement et politiquement élémentaire mais pathétique et capitale : simples signatures, marquages d'un territoire (au sens quasi animal du terme) dans un univers hostile qui ignore les exclus.

La jonction est-elle possible entre ce besoin d'expression sauvage et les organisations ouvrières ? Des tentatives ont été faites en ce sens. En 1984, à l'initiative du comité d'établissement de Renault-Sandouville, neuf sculpteurs sont venus réaliser des œuvres dans les ateliers, avec des matériaux utilisés dans l'usine. La même année, toujours à l'initiative d'un comité d'établissement Renault, celui de Billancourt, est réalisé Paroles de voiture, création du compositeur Nicolas Frize, pour bandes magnétiques et voix. A la base, les sons industriels de l'usine retravaillés par l'artiste et l'intervention vocale directe de travailleurs formés dans les « ateliers de la voix ». Jean-Michel Leterrier, responsable du service de politique et d'action culturelle de la CGT, avance à ce propos la notion de « métissage ».19

19. Jean-Michel Leterrier, La Culture au travail, Messidor, Paris, 1991.

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Télévision

Seul un ménage français sur cent est équipé d'un téléviseur en 1954 ; six sur dix lors des événements de 1968 et plus de huit sur dix en 1974. C'est l'écho exceptionnel de ce moyen de création qui amène le pouvoir à s'en assurer le contrôle d'une façon, elle aussi, exceptionnelle. Pas question ici de normalisation « cool », c'est-à-dire de mise aux normes du marché par le jeu « normal » de ses lois. L'Office de la radio-diffusion télévision française (ORTF) regroupe un potentiel de création trop puissant, qui aurait opposé une résistance trop longue.

C'est par décision politique que cette résistance est brisée : en 1974, l'ORTF est démantélé ; ses activités disséminées entre sociétés mises en concurrence ; la publicité appelée à y faire la loi (la rentabilité est dans ce cas baptisée « audimat »). Une dizaine d'années plus tard, la norma- lisation est complétée par l'ouverture au privé de l'ensemble éclaté. Aujourd'hui, ce sont quelques grandes entreprises privées qui gèrent l'essentiel du potentiel de création audiovisuelle. Le changement est net au niveau des œuvres produites.

Pour les pionniers des années soixante, la télévision était une voie propice à l'exploration de la mémoire et de la vie quotidienne, y compris la mémoire et la vie ouvrières. En témoignent plusieurs créations, no- tamment, de Maurice Faillevic, Jacques Krier, Jean Prat. L'éclatement puis la privatisation vont permettre de concrétiser le changement d'orien- tation préconisé après 1968 : renoncer à cette dangereuse prospection du réel pour « se blottir au cœur du merveilleux univers de l'éblouissement et de l'illusion » . La distraction est assignée comme objectif à la télévision : créations et dramatiques voient leur part d'antenne reculer devant les jeux et les variétés. Sans que la classe ouvrière soit oubliée. Au contraire.

C'est à un public ouvrier - ou en tout cas populaire - que s'adressent les jeux de hasard de plus en plus envahissants. Le message est sous-en- tendu mais clair : la vie est difficile, la solution politique a échoué, reste la chance ! C'est dans le flash publicitaire que s'exprime une « esthéti- que » de l'entreprise. Lorsque l'ouvrier y apparaît, il est souvent naïf et aseptisé, sans classe : ce n'est plus un producteur mais un consommateur. Son univers n'est pas sans problèmes mais ces problèmes sont fragmen- tés : un toit, la propreté, le sommeil. Et c'est un univers de problèmes posés/réglés...grâce à l'entreprise. Pour le toit, voir l'entreprise de crédit ; pour la propreté, voir l'entreprise de détergents. Quant au sommeil... « Changez de literie ! Changez de vie ! » : expression achevée du « néo-jdanovisme » de l'entreprise.

En dehors de cette pieuse imagerie, la présence ouvrière continue à se manifester dans la création audiovisuelle, mais - là aussi - c'est généralement une présence « en creux ». Si un ouvrier n'en est pratique-

20. Déclaration d'Arthur Conte, nommé PDG de l 'ORTF en 1972.

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C

omme dans les deux volumes précédents, ce tome III de La France ouvrière étudie conjointement l'histoire de la classe ouvrière et des mouvements, organisations et représentations qui en sont issus. Cette histoire globale est sans précédent, surtout sur

le long terme, plus de deux siècles.

La période ici étudiée (1968-1993) est marquée par de grandes mutations, voire des bouleversements technologiques, économiques, sociaux, politiques, culturels. Ces vingt-cinq ans de remise en cause des valeurs et des certitudes, s'achèvent-ils, comme certains l'affirment d'un ton tranchant, avec la fin de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier ?

Les auteurs, avec une problématique largement ouverte, apportent à ces questions des réponses dialectiques et nuancées, qui éclairent la complexité d'une réalité ô combien mouvante. Par là, ils aident la classe ouvrière et le salariat à écrire leur présent et à forger leur avenir.

Cet ouvrage, dirigé par Claude Willard, réunit quelques-uns des meilleurs spécialistes de la période et s'adresse tant aux historiens, étudiants, qu'aux militants syndicaux, politiques, associatifs qui ont besoin de connaître leur passé pour comprendre l'histoire en train de se faire.

Prix : 140 F Code Sofedis/Sodis : 9104026 ISBN : 2-7082-3174-X LES EDITIONS DE L'ATELIER Les Editions Ouvrières 12 avenue Sœur Rosalie 75013 Paris

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