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IUFM DE BOURGOGNE Centre de Mâcon Concours de recrutement : professeur des écoles En quoi le geste graphique peut-il être une aide ou un frein à la production écrite ? Par Isabelle PERRIGOT Dossier numéro 05STA00888 Sous la direction d’Isabelle THOUVENIN Année scolaire 2005-2006

En quoi le geste graphique peut-il être une aide ou un ... · l’écriture pour chaque élève. Mais l’objectif final est de passer à un tracé normé répondant au code conventionnel

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IUFM DE BOURGOGNE Centre de Mâcon

Concours de recrutement : professeur des écoles

En quoi le geste graphique peut-il être une

aide ou un frein à la production écrite ?

Par Isabelle PERRIGOT Dossier numéro 05STA00888

Sous la direction d’Isabelle THOUVENIN Année scolaire 2005-2006

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SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………… p2

I- DES ECRITS, DES GRAPHISMES……………………………………………...…………….p 4

1.1 L’écriture inventée, une autre approche liée à la représentation de l’écriture….…….p4 1.2 Les confusions entre le graphisme décoratif et le graphisme préparatoire à l’écriture :

une contradiction avec l’écriture ?................................................................................p5 1.3 Quelles propositions existe-t-il en matière d’écriture ?..............................................p7

1.3.1 Proposition de 1988, de la collection Tavernier……………………………...p7 1.3.2 Proposition de Liliane Baron, un guide pour l’apprentissage de l’écriture…..p8

1.4 Une approche différente avec Danièle Dumont : définition de la méthode et mise en pratique en CP……………………………………………………………………....p10 1.4.1 L’approche d’une rééducatrice en écriture………………………………….p10 1.4.2 Mon expérimentation au CP……………………………………………...…p11

II- BILAN DE MES OBSERVATIONS : CE QUI M’A AMENEE A METTRE EN PLACE DES SEQUENCES DE PRODUCTION D’ECRITS……………………………………….……………p14

2.1 Essai d’une production d’écrit ayant du sens pour les élèves : l’écriture, outil de communication : en CP, la lettre au Père Noël.………………...…………………...p14 2.1.1 Description des séances réalisées, première étape….…………………………p15

2.1.2 Description de l’étape 2 ………………………………………………………p15 2.1.3 Description de l’étape finale…………………………………………………..p16 2.1.4 En quoi cette activité a-t-elle impliqué le geste graphique ?..............................p17

2.2 Un projet autour de l’écriture en CE2 –CM1……………………………………….p19 2.2.1 Quels objectifs pour ce projet………………………………………………….p19 2.2.2 Mise en relation avec la prise de conscience du geste d’écriture ……………..p19 2.2.3 Quelles activités pour ce projet………………………………………………..p20 2.2.4 Les séances spécifiques à la production d’écrit……………………………….p21

III- ANALYSE DE MA PRATIQUE…………………………………………………………….p22

3.1 Mise en œuvre et analyse d’une séquence en CP…………………………………...p22 3.1.1 La lettre au Père Noël...………………………………………………………..p22 3.1.2 En CP, en quoi l’orientation des activités mises en place n’était pas liée……..p23 3.1.3 Ce qui s’est révélé positif en CP………………………………………………p25

3.2 Mise en œuvre et analyse d’une séquence en cycle 3...……………………………..p26 3.2.1 La belle écriture en CE2 – CM1……………………………………………….p26 3.2.2 Une réelle prise de conscience du geste d’écriture…..………………………..p26 3.2.3 Les écueils de la séance proposée…………..........……………………………p27

3.3 Ouverture vers l’avenir……………………………………………………………..p28 Conclusion………………………………………………………………………………….p29 Bibliographie……………………………………………………………………………….p30 Annexes

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INTRODUCTION

Ecrire, ce verbe se définit de deux manières différentes. Les définitions proposées par

un dictionnaire donnent deux significations distinctes. La première prend le sens du tracé, et

la seconde prend le sens de la composition, qu’elle soit scientifique, littéraire ou relevant

d’une autre discipline. A l’école, l’enfant entre dans un monde où l’écrit tient une place

prédominante. Il va en être l’auditeur lorsque l’adulte lui déchiffrera les textes, puis le lecteur.

En ce qui concerne la production écrite, il va en être immédiatement l’auteur par l’usage de la

dictée à l’adulte, puis on va lui demander d’en devenir le scripteur par l’utilisation de son

propre tracé.

Il va pouvoir s’essayer à l’écriture dès le plus jeune âge, lors d’ateliers d’écriture

inventée. Ce sera l’occasion pour l’enseignant de connaître le stade de représentation de

l’écriture pour chaque élève. Mais l’objectif final est de passer à un tracé normé répondant au

code conventionnel de l’alphabet. L’enfant va devoir produire des écrits construits par lui-

même et lisibles par tous. Je passe volontairement sous silence la production écrite par

l’utilisation d’un clavier, qui ne pose pas les mêmes questions. C’est à partir de ces données

sur la place que tient l’écriture dans la vie scolaire et privée de chaque individu que m’est

apparue une question sur le rôle inducteur du geste graphique dans la production d’écrits.

En arrivant en PE2, j’ai pris conscience d’un grand nombre de facteurs entrant en jeu

dans les apprentissages des élèves tout au long de leur scolarité dans le primaire. Ce point plus

particulier m’a posé question. En effet, l’écriture n’est pas réservée à l’école. C’est bien dans

des situations quotidiennes diverses et durant toute notre existence que l’on est confronté à

l’écriture ; et ceci dans les deux sens ci-dessus explicités. Et pourtant, si la programmation

prévoit un enseignement du geste graphique en cycle 1, ce n’est pas systématiquement le cas

dans les autres niveaux de l’école. Si l’on se réfère aux programmes de 2002, il est spécifié

que « Apprendre à écrire, c’est faire un long parcours qui débute tout juste à l’école

maternelle et se prolonge tout au long du cycle des apprentissages fondamentaux,

pour parvenir à une automatisation suffisante». Nous constatons donc que l’écriture est une

compétence transdisciplinaire devant être acquise en fin de cycle 2. Je voudrais donc

souligner par ce mémoire l’importance d’un apprentissage approprié et efficace du geste

graphique pour permettre à l’enfant d’entrer dans l’écrit sans connaître une appréhension ou

un blocage vis-à-vis de cet outil.

En effet, le geste graphique demande une prise en compte d’une grande diversité de

facteurs. Il y a le problème de la formation des lettres, avec le sens d’écriture, la lenteur

éventuelle de l’écriture, le problème de lisibilité, pour soi-même et pour autrui. Certains

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élèves sont crispés et ont une préhension du stylo qui crée un mal être physique lors de

l’écriture, qui peut dévier vers un mal être lors d’une activité d’écriture, engendrant de

mauvaises dispositions pour la production d’écrit.

Je vais donc m’attacher à montrer les différents types d’approche de l’écriture, en

commençant par l’écriture inventée selon la théorie d’Emilia Ferreiro pour comprendre quelle

est la représentation de l’écriture pour les enfants. Je vais ensuite montrer les contradictions

existantes dans la préparation à l’écriture à l’école maternelle, en m’appuyant sur les

propositions d’activités. Il existe d’une part des propositions apportant une confusion entre

activités graphiques décoratives et activités de préparation à l’écriture, et il existe d’autre part

des propositions différentes dont je parlerai brièvement. Je m’attarderai plus spécifiquement

sur la proposition de Danièle Dumont, que j’ai pu essayer lors de mon stage en CP.

Je m’attacherai ensuite à expliquer la mise en place de séquences de production d’écrit

lors de mes stages en responsabilité. Puis, par une analyse professionnelle, je montrerai les

réussites et les échecs liés à la mise en œuvre des activités dans chaque niveau.

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I- DES ECRITS, DES GRAPHISMES

Tout comme le mot écrire revêt deux sens très distincts, qui sont la production d’écrits

et la production des signes alphabétiques, le mot graphisme peut être interprété comme du

graphisme décoratif et artistique, mais également comme du graphisme préparatoire à

l’écriture. C’est sur cette relation très ambiguë entre ces deux visions de l’activité graphique

que porte ma réflexion dans ce chapitre. En effet, l’apprentissage de l’écriture par les élèves

pose question sur l’aboutissement de celui-ci. Il est porteur de ce qui devient le geste

graphique des enfants, et devient alors une sorte de clé de voûte de la production écrite.

1.1 L’écriture inventée, une autre approche liée à la représentation de l’écriture

La suggestion de l’écriture inventée d’après Emilia Ferreiro n’est pas au centre de ma

réflexion. Cependant, je tiens à évoquer celle-ci, du fait de l’importance des travaux menés

dans l’évolution de la conception que l’on a de l’apprentissage de l’écriture.

En quoi cela peut-il être une avancée dans ma réflexion sur l’implication du geste

graphique dans la production écrite ? Il s’agit dans ce contexte de l’écriture inventée, d’une

production d’écriture par les enfants. Cette théorie est basée sur la représentation que l’enfant

peut avoir sur l’écriture de mots. Emilia Ferreiro a travaillé sur l’écriture inventée en

proposant des consignes d’écriture de mots ou de lettres aux enfants. Elle a pu constater que

les enfants jonglent entre les graphies conventionnelles et les graphies non conventionnelles.

Selon la consigne demandée, ils utilisent l’une ou l’autre forme de ces graphies. Il faut ajouter

à ces écritures les pseudo lettres produites par les enfants ayant rencontré l’alphabet

conventionnel et cherchant à reproduire quelque chose de ressemblant. Pour résumer quelle

peut être l’approche de l’écriture inventée vis-à-vis de l’activité d’écriture conçue dans son

ensemble, je cite Emilia Ferreiro 1 : « Si on conçoit l’apprentissage de la langue écrite comme

l’acquisition d’un système de codage, cet apprentissage peut être considéré comme purement

technique ; si on le conçoit comme la compréhension d’un système de représentation, il

devient conceptuel ».

C’est sur ces propos que l’on peut définir ce qu’est l’écriture inventée. Elle ne tient pas

compte du geste graphique qui est une approche technique de l’écriture, ce que j’appelle

l’écriture outil, mais repose sur la conception de l’écrit et sa représentation. 1. Ferreiro, E., 2000, 61

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Je souligne que ces activités d’écriture inventée permettent à l’enfant d’entrer dans la

production d’écrit sans pour autant être gêné par la graphie conventionnelle. L’enfant est alors

relativement libre de ses choix dans le tracé, à condition d’avoir une représentation claire de

ce qu’il écrit, et peut donc laisser libre court à sa pensée dans l’écriture. Il est nécessaire de

préciser que nous ne sommes pas dans des activités de dessin mais bien dans des activités

d’écriture, malgré les résultats peu conventionnels obtenus. C’est d’ailleurs le premier objectif

des ateliers d’écriture inventée : distinguer de façon sûre le dessin de l’écriture.

L’évolution de l’enfant, et les apprentissages nouveaux qui vont de pair, lui permettent

ensuite d’évoluer dans sa conception de l’écriture. En ayant essayé par lui-même des

écritures, il va être bien disposé à transformer progressivement son écriture inventée en

écriture conventionnelle. La motivation a été installée. Ces situations d’écriture dans le sens

de production d’écrits, sont en lien constant avec l’apprentissage de l’écriture dans sa

globalité, et donc constitue un apprentissage en parallèle à l’apprentissage du geste graphique.

Observons ce qui est pratiqué à l’école, les habitudes et solutions utilisées pour aider l’enfant

à progresser dans l’écriture.

1.2 Les confusions entre le graphisme décoratif et le graphisme préparatoire à

l’écriture : une contradiction avec l’écriture ?

Un problème récurrent dans l’apprentissage graphique à l’école maternelle, c’est la

confusion entre ces deux activités qui devraient être distinctes. Or, dans la réalité des classes,

il est fréquent que ces activités soient mélangées, avec la mise en place d’activités de

graphisme décoratif ayant des objectifs d’apprentissage à l’écriture annoncés ou implicites. Si

les deux activités sont nécessaires et indispensables à l’école maternelle, les programmes font

une distinction dans les activités, mais étrangement, en regroupent les compétences. En ce qui

concerne les activités graphiques, il est spécifié que 2 « l’expression graphisme peut en effet

s’appuyer sur une culture très développée dans de nombreuses aires culturelles qui, pour

diverses raisons, ne privilégient pas la figuration. »

On est donc bien dans le domaine de l’art figuratif, et de l’observation d’algorithmes divers

jouant sur des motifs et des couleurs alternés, ou répétés. Ces activités relèvent donc bien du

graphisme que je définis comme graphisme décoratif. Ce n’est pas non plus une activité de

dessin. Les objectifs de ces activités ne peuvent pas relever d’une préparation à l’écriture.

2. Qu’apprend-on à l’école maternelle, 2002, 85-86

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En effet, la relation entre des motifs décoratifs répétitifs et les graphies utilisées dans la

langue française n’ont pas de base commune. Cela ne favorise pas la clarté cognitive de

l’enfant. Il est nécessaire de donner du sens à ces activités, qui favorisent une ouverture

culturelle, fondamentalement nécessaire, mais ne favorisent pas l’apprentissage du geste

d’écriture. Si cette précision est apportée, chacune des activités proposées sera porteuse de

sens pour l’enfant.

Celui-ci sera plus facilement favorisé par une approche de la langue française et une

recherche de mise en forme de sons connus. Les activités préparatrices à l’écriture ne reposent

donc pas uniquement sur des activités graphiques mais sont un ensemble d’activités favorisant

le geste et la motricité fine nécessaire. C’est donc par la pluridisciplinarité que l’enfant pourra

s’approprier les gestes de l’écriture.

Pour les activités relatives à l’écriture, les programmes précisent 3 « qu’elles sont

indissociables d’apprentissages linguistiques » et que «l’entrée dans l’écriture s’appuie sur

l’ensemble des compétences développées par les activités graphiques ». Je précise cette

citation en spécifiant quelles sont les compétences requises. Il s’agit de savoir reproduire un

motif graphique simple en expliquant sa façon de procéder, de savoir tenir l’instrument

d’écriture, de savoir se positionner par rapport à sa feuille, et de respecter le sens du tracé. La

spécificité de l’écriture est donc soulignée, tout en donnant une place privilégiée aux activités

graphiques, base de ce nouvel apprentissage. On retrouve cette imbrication des activités dans

la définition des compétences relatives au langage écrit, qui regroupe sous un même chapitre

les activités graphiques et l’écriture.

Je pense que si les activités graphiques permettent le développement grapho-moteur de

l’enfant et affine sa motricité, il ne faut pas associer ces activités uniquement à l’apprentissage

de l’écriture, car cela porte à confusion dans les objectifs même de ces activités. Les

programmes définissent donc le graphisme à l’école. Ce n’est cependant pas depuis 2002 que

les activités graphiques sont mises en place dans les écoles. Il existait déjà une certaine

confusion entre le graphisme décoratif favorisant le développement de la motricité fine, et les

activités préparatrices au geste d’écriture. C’est chose courante que de rencontrer des activités

n’ayant pas un objectif en corrélation avec la nature même de l’exercice proposé. Par

exemple, on va demander à l’élève de réaliser des lignes de ponts de trois hauteurs différentes.

Quelles sont les lettres de l’alphabet français qui demandent des ponts à hauteur variable ?

Autre exemple assez fréquent, faire des boucles à l’envers : quel en est l’objectif ?

3. Qu’apprend-on à l’école maternelle, 2002, 85-86

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Est-il celui de réaliser les boucles des lettres g et j ? Parce que le majorité des lettres faisant

appel aux boucles sont réalisées dans le sens inverse, c'est-à-dire dans le sens de boucles à

l’endroit (lettres a, o b, l, c, d, e, h, k,q).

Je ne peux pas répertorier ici toutes les activités existantes en graphisme à la

maternelle et n’ayant pas d’intérêt pédagogique en écriture, mais cela montre qu’il existe bien

une contradiction entre les activités mises en place avec les objectifs visés. Les difficultés

rencontrées pourraient être résumées par cette remarque de Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, 4.

« Les habiletés graphiques ainsi exercées ne se transfèrent pas toujours automatiquement dans

des situations d’écriture. »

Elle soutient cette thèse que le graphisme ne peut avoir d’autre but que le graphisme. Il

semble nécessaire d’éduquer le geste en apportant la conscience de l’acte. L’élève va devoir

être capable de reconnaître le geste nécessaire à l’écriture d’une lettre pour anticiper son tracé.

Il va donc devoir mettre en relation son mouvement de tracé avec la perception qu’il a eu de

l’écrit à reproduire. C’est donc un exercice bien plus complexe que ce que l’on voudrait

croire, et l’automatisation par des exercices répétitifs ou décoratifs n’est pas le centre des

préoccupations.

La majeure partie du problème de l’apprentissage de l’écriture réside bien dans la

construction que s’en fait l’élève et non dans les habitudes graphiques. Il existe plusieurs

ouvrages relatifs à l’apprentissage de l’écriture que je souhaite présenter car elles apportent

des outils pédagogiques à la mise en place d’activités adaptées à l’apprentissage de l’écriture.

1.3 Quelles propositions existe-t-il en matière d’écriture ?

1.3.1 Proposition de 1988, de la collection Tavernier

Cet ouvrage assez ancien s’appuie sur des activités de graphisme artistique pour mettre

en place le geste d’écriture. Il fait néanmoins une distinction très claire entre le graphisme

décoratif et l’apprentissage de l’écriture. Si cela peut sembler être une évidence, il est bon de

rappeler que l’apprentissage de l’écriture ne se fait pas au CP, mais nécessite des activités

préparatoires tout au long de la maternelle. Cette proposition tient compte des facteurs

suivants : la posture du scripteur, le développement moteur de l’enfant, l’outil utilisé, les

supports proposés. Toute la méthode s’appuie sur la pluridisciplinarité.

4.Zerbato-Poudou, M.T., 2002-2003, 63

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C’est à partir d’activités par nature motivantes pour les enfants que débute la mise en

place de la tenue du stylo, ou du repérage dans l’espace pour aboutir au repérage sur une

feuille. On voit bien qu’il y a un point d’appui lié au quotidien des enfants lorsqu’il est

proposé une activité utilisant la publicité télévisuelle pour repérer l’espace d’écriture.

L’ouvrage fait également clairement appel aux multiples fonctions de l’écrit, qui se

résument en un objectif commun : c’est un acte à valeur communicative, que ce soit pour soi-

même dans le futur ou pour autrui, dans un contexte informatif, utilitaire ou littéraire. A partir

de ces pré-requis mis en place par des activités diverses ne travaillant pas spécifiquement

l’apprentissage de l’écriture, les auteurs proposent un classement des pratiques selon trois

principes ainsi définis. En premier lieu, il y a l’apprentissage systématique des éléments

graphiques et des gestes élémentaires orientés, suivi d’une combinaison des éléments pour

former des lettres puis des mots. En second, il y a l’apprentissage direct systématique des

lettres, puis écriture de mots et de groupes de mots. La dernière suggestion commence par une

observation et une écriture des mots, puis passe à une analyse des lettres constituant le mot,

cette étape n’étant pas systématique. Les trois approches respectent une progression

d’écriture en passant de la capitale d’imprimerie, à la minuscule d’imprimerie, puis en

terminant par l’écriture cursive. Globalement, cette proposition s’appuie très nettement sur

des activités de graphisme artistique pour mettre en place les gestes nécessaires à

l’apprentissage de l’écriture. Il se base également sur l’environnement et la perception spatiale

des enfants dans son ensemble avant de recentrer le problème de structuration de l’espace

dans le cadre d’une feuille. Les propositions d’apprentissage d’écriture qui découlent sont

ensuite liées à ces activités. Les enfants ont envie d’écrire, mais on est là dans une situation de

copie et de reproduction d’un geste plus que dans l’utilisation de gestes acquis pour écrire des

lettres. Cette approche de l’apprentissage de l’écriture met en avant l’importance de la

préparation motrice à cet exercice. On se situe, avec cette proposition, dans un cadre situé

entre la construction du geste et l’automatisation. La place de la conceptualisation de

l’écriture est limitée aux nombreuses activités graphiques ne relevant pas de l’écriture directe

mais de l’éducation du regard et de la perception de la lettre. Ce type d’approche se place

dans la durée, il ne m’est donc pas réellement possible de la mettre en application. C’est le cas

de toutes les propositions auxquelles je fais référence, car l’apprentissage du geste d’écriture

est par nature de longue durée. Je suis cependant attentive à l’environnement lors de l’écriture

ainsi qu’aux écrits, pour pouvoir analyser de façon rigoureuse les productions proposées.

1.3.2 Proposition de Liliane Baron, un guide pour l’apprentissage de l’écriture

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La proposition de L.Baron suit une progression tout au long de l’école maternelle. J’ai

plus particulièrement étudié le dernier guide de la collection, qui concerne la grande section

de maternelle. Le principe de ce guide repose sur des fiches thématiques qui abordent

l’ensemble des tracés rencontrés dans l’écriture. Ces fiches ont des objectifs graphiques,

d’écriture de lettres, de repérage dans l’espace, ou encore de travail de motricité fine. Il

semble donc que les fiches proposées ont des objectifs multiples. L’originalité de cette

proposition tient dans la volonté de rendre l’apprentissage de l’écriture transdisciplinaire, et

propose des activités les plus diversifiées possibles et très ludiques. Mais existe-t-il toujours

un réel objectif d’écriture dans les propositions d’activités ? Observons l’organisation d’une

fiche. Chaque fiche comporte quatre parties avec des objectifs spécifiques. En premier,

l’auteur parle de la perception. Ce sont des exercices de discrimination auditive et visuelle tels

que des comptines que l’on peut observer, des jeux sensoriels réalisés en salle de motricité, ou

encore des jeux du type pigeon vole, chasse aux mots ou de prononciation. Ces activités ont

pour but de faciliter aux enfants l’entrée dans l’activité. A ces exercices sont également

associées des activités de perception physique en salle de jeux pour un apprentissage de

repérage dans l’espace. L’auteur propose aux enfants d’analyser l’écrit, comme on le voit

dans la fiche présentant le rythme des boucles. Ce principe de classement des lettres en

fonction des dimensions a pour but, je cite L.Baron, de 5. «Discriminer des graphies voisines

en fonction de leurs dimensions, leur position et leur liaison avec d’autres tracés. Décrire les

ressemblances, les différences en utilisant des repères spatiaux, afin de favoriser la

mémorisation des formes. » Si l’objectif premier est justifiable, en considérant le tracé comme

étant une reproduction d’un objet graphique défini, il ne me parait pas évident que la

perception du geste utile dans le tracé des lettres doive passer par une définition méthodique

du type de tracé utilisé auprès des élèves apprentis. En effet, il me semble difficile de créer

des catégories de référence, car elles sont inductrices de réflexes de tracés qui ne répondent

pas forcément à une compréhension du graphème mais à une automatisation et à la

compréhension exclusive d’une reproduction d’un geste. Après cette phase de perception, il

est proposé une phase de représentation. Celle-ci consiste principalement en des activités de

graphisme décoratif ou des activités de construction. Ceux-ci peuvent être réalisés avec de la

pâte à modeler, ou bien il peut s’agir d’estampe à partir des lettres réalisées en pâte à modeler.

Plus tard dans la progression, il peut être utilisé une lecture d’images et une écriture de

phrases à cette étape de représentation.

5.Baron, L., 1993, 63

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Cette phase, certainement très ludique pour des enfants de grande section, et indispensable à

la construction de leur compréhension de l’espace graphique ne peut pas, selon moi, entrer

dans la préparation à l’écriture. En construisant une lettre dans un matériau solide, l’enfant

prend conscience de l’existence de la lettre, mais ne peut établir aisément une corrélation

entre modeler et écrire. Cette perception n’est possible que pour la personne qui sait écrire,

car elle anticipe son modelage à partir de son savoir.

L’apprenti va au contraire construire une lettre en trois dimensions, pour constater

qu’elle peut se produire sur un support en deux dimensions, mais il ne saura pas pour autant le

reproduire.

Enfin il y a une phase dite de graphisme. Cette phase correspond à des exercices

d’entraînement graphique en alliant le repérage dans l’espace. Cette proposition

d’apprentissage de l’écriture me semble être finalement assez traditionnelle dans les

représentations qu’elle peut avoir de l’écriture. Bien que l’auteur ait précisé qu’il s’agit de

prendre conscience des caractéristiques des graphismes, il me semble difficile d’utiliser ces

activités pour un apprentissage de l’écriture. Tout comme la proposition précédente, je n’ai

pas expérimenté ce guide en classe, car il est de longue durée. J’imagine pouvoir utiliser des

activités dans un autre contexte, afin de concevoir une progression différente, distinguant plus

radicalement le décoratif de la préparation à l’écriture. Je passe à une approche assez

novatrice par rapport à ces deux propositions, c’est celle de Danièle Dumont.

1.4 Une approche différente avec Danièle Dumont : définition de la méthode et

proposition au CP

1.4.1 L’approche d’une rééducatrice en écriture

Je ne peux pas parler du geste graphique et de l’apprentissage à l’écriture sans évoquer

l’expérience de Danièle Dumont. C’est en réponse aux multiples difficultés en écriture qu’est

paru l’ouvrage Le geste d’écriture. L’auteur porte un regard critique sur les méthodes

employées à l’école, et souligne les incohérences existantes. C’est ainsi qu’elle a développé

une méthode, aujourd’hui expérimentée et reconnue, pour l’apprentissage de l’écriture. Cette

méthode demande une programmation sur l’ensemble des cycles 1 et 2, et est utilisable dans

le cas de rééducation ou d’approfondissement dans le cycle 2. Elle définit ainsi l’objectif de sa

méthode : 6 « C’est l’objectif de la méthode que nous proposons, de façon à ce que l’enfant

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soit libéré des difficultés de mise en œuvre du geste d’écriture lorsque qu’il s’agira pour lui

au CP de produire du texte. L’idée en est de faire construire par l’enfant les outils dont il aura

besoin pour réaliser l’écriture, plutôt que de lui imposer de réaliser cette performance sans

qu’il en ait les moyens. » En quoi cette proposition est-elle innovante ?

Tout d’abord, elle repose sur un principe simple : l’apprentissage de l’écriture doit se

faire dans un cadre d’activités variées et ludiques, et en outre, les activités proposées doivent

avoir un objectif défini en rapport avec la construction d’un geste constitutif de l’écriture

d’une lettre. A partir de là, la méthode doit être suivie et aborde avec une logique définie les

différents problèmes dus à l’activité d’écriture, et les différents types de formation des lettres

dans un ordre également réfléchi. Avant d’entrer dans l’écriture même, l’auteur prévoit de

définir la latéralisation des enfants. C’est un élément qu‘il est indispensable de connaître

avant de demander à l’enfant de tenir un outil scriptural, grâce à des comptines associées à

une gestuelle précise. Dans un second temps, et ce, avant d’aborder le tracé des lettres

proprement dit, l’auteur s’attache à travailler la tenue du stylo et la position du corps et de la

main lors de l’écriture. Le confort de la position d’écriture est donc bien encore au centre des

débats. Car un stylo qui se positionne avec la main dans l’axe du bras permet d’éviter les

tensions musculaires, qui sont une source de découragement à l’apprentissage de l’écrit. La

spécificité qui est abordée par cette méthode repose ensuite sur la prise en compte de la

gestion de l’espace, qui est distinguée en gestion statique sur les éléments tout faits, et en

gestion dynamique pour les tracés qui s’organisent en fonction des mouvements réalisés pour

écrire.

Ce n’est qu’après avoir mis en place toutes ces contraintes liées à l’écriture que la

méthode entre dans un travail de tracés de lettres. Si cette proposition est innovante et apporte

des idées enrichissantes pour l’apprentissage de l’écriture, je vais expliquer ce que j’ai pu

mettre en place en CP, pourquoi, et ce qui m’a posé problème.

1.4.2 Mon expérimentation au CP

Lors de mon premier stage en responsabilité, j’ai eu une classe de CP en ZEP. Cela a

été l’occasion de mettre en place des séances de graphisme en préparation à l’écriture. On

peut penser que c’était inadapté et tardif pour entrer dans cette démarche.

6. Dumont, D., 2000, 56

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Mais la classe de CP est une véritable épreuve pour ces enfants qui doivent entrer pleinement

dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans la langue française, tout en vivant pour

une majorité d’entre eux dans un milieu culturel différent. J’avais déjà réfléchi à la question

de l’apprentissage de l’écriture, et j’avais consulté l’ouvrage de Danièle Dumont. Il m’est

alors apparu évident qu’il fallait que je teste sa méthode en classe.

Il se trouve que la classe de CP où j’ai pu l’expérimenter est composée d’élèves qui

majoritairement avaient bénéficié de séances inspirées de cette méthode à l’école maternelle.

Ce n’était donc pas une découverte et je n’ai pas la prétention de modifier des comportements

d’écriture en trois semaines. Constatant que certains élèves ont de grosses difficultés

d’écriture, et que la majorité est en cours d’apprentissage, mais qu’un certain nombre de pré

requis (tels que la tenue du stylo, le repérage dans l’espace, la tenue corporelle face à une

feuille) à l’écriture ne sont pas encore en place, je n’ai pas hésité à faire participer toute la

classe aux séances de graphisme.

1.4.2.1 Les séances : description

En première séance, j’avais pour objectif de faire intégrer aux élèves le tracé des

lettres m et n. J’ai donc choisi d’apprendre aux élèves la comptine de la puce proposée dans la

méthode, puis une fois les paroles mémorisées, nous avons mimé les sauts de la puce. A la

question « quelles lettres peut-on écrire avec ce geste ? », les élèves n’ont pas eu de difficulté

à répondre les lettres m et n. J’ai donc poursuivi mon objectif lors d’une seconde séance.

Nous avons repris la comptine de la puce avec la gestuelle pour commencer. Les élèves ont

bien mémorisé celle-ci. Puis j’ai proposé de passer au tracé sur piste verticale, donc avec

appui sur le tableau. Le résultat du tracé a été variable, avec des ponts plus ou moins réguliers

et des dimensions également assez irrégulières. J’ai volontairement réalisé cette séance assez

rapidement car je me suis placée en CP, avec des élèves ayant déjà une expérience de

l’écriture. J’ai ensuite proposé un passage à un tracé sur plan horizontal. Chaque élève avait

une fiche avec pour première consigne « dessine une chenille », et pour seconde consigne

« continue les lignes ». Cette activité permet de travailler les ponts avec une contrainte

spatiale et nécessite une maîtrise affinée du mouvement de la main. La seconde consigne

correspond à des lignes d’écriture mais avec un travail des enchaînements. (cf annexe 1).

Selon les acquis des élèves, les résultats ont été divergents. Un élève (Alparslan) n’ayant pas

encore visualisé le mouvement réalisé du saut de la puce dessine une chenille avec des

boucles et non des ponts. A l’opposé, un élève (Mélissa) ayant bien intégré le mouvement

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effectué dans l’espace, puis sur plan vertical, peut facilement dessiner une chenille avec des

ponts réguliers dans toutes les dimensions. La comparaison entre les deux élèves sur la

réalisation des lignes confirme l’observation faite sur le dessin de la chenille. On voit

qu’Alparslan ne maîtrise pas l’enchaînement des lettres à ponts et des lettres à boucle. Il ne

parvient pas à gérer l’espace défini pour l’écriture (interlignes de 3 mm). Les lignes de

Mélissa traduisent une maîtrise de l’espace d’écriture et la même régularité que lors du dessin

de la chenille.

1.4.2.2 Résultats d’observation et bilan de ces séances

J’en conclus que mes deux séances mises en place pour l’apprentissage de l’écriture

des lettres n’étaient pas suffisantes pour les élèves en difficulté. Il faut reprendre avec eux un

travail sur la gestion de l’espace statique et dynamique, ainsi qu’un travail sur la tenue du

stylo. Mon stage ne m’a pas permis, faute de temps, d’aller plus loin sur le travail

d’apprentissage de l’écriture. C’est au quotidien que j’ai géré cela, avec un soutien

encourageant aux élèves en difficulté lors de toutes les activités faisant appel à l’écriture. Je

porte donc un regard favorable à cette méthode, mais j’émets cependant des réserves par

rapport à l’application de celle-ci en milieu scolaire. Effectivement, il faut une grande

collaboration entre les enseignants de toutes les classes de maternelle pour que la méthode

soit exploitée de la meilleure façon. Or il est difficile de trouver un suivi aussi important entre

enseignants de divers niveaux. D’autre part, j’ai pu constater des difficultés d’écriture chez

ces élèves de CP, ce qui montre bien que la méthode n’est pas une solution adaptée à tous. Si

les élèves ont eu un apprentissage non suivi tout au long de leur scolarité en maternelle, cela

peut expliquer les problèmes rencontrés. Cependant, je pense qu’il n’est pas trop tard en

classe de CP pour revenir sur cet apprentissage, car les élèves se sont montrés très

demandeurs d’outils pour mieux écrire, et pour être efficaces. J’ai pu m’en apercevoir en

demandant de copier une demande matérielle pour des séances en découverte du monde :

« Apporter des cartons alimentaires vides ». J’ai volontairement fait recopier cette phrase qui

avait pour but d’établir une communication entre les parents et les activités de l’école. J’aurais

pu distribuer un mot dactylographié par mes soins, ce que je n’ai pas fait. La consigne donnée

était d’écrire le mieux possible afin que les parents puissent comprendre ce dont ils auraient

besoin. Des élèves ont mis 10 minutes à écrire cette phrase, car ils n’avaient pas acquis la

fluidité du mouvement. Cela m’a permis de faire un travail d’observation de la vitesse

d’écriture de chacun ainsi que des procédures mises en œuvre. Certains élèves recopient sans

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comprendre la signification des lettres tracées. Cela se voit en observant leurs gestes : ils

recopient une lettre à la fois ou même parfois une partie d’une lettre. L’exercice est donc

difficile et pénible pour eux. D’autres ont déjà compris que les lettres s’enchaînent et

visualisent une partie du mot à recopier, puis le transposent sur leur feuille. Ceux-là ont mis

moins de temps à recopier la phrase. J’en ai donc conclu que le mouvement impliqué par

l’écriture est un facteur dans la production écrite. Le travail d’écriture est donc pertinent à ce

niveau, mais également jusqu’à ce que l’acte d’écrire ne soit plus gênant pour l’enfant

désireux de produire un texte.

L’apprentissage de l’écriture a donc déjà suscité de nombreuses interrogations, car elle

est le socle de bien d’autres apprentissages. Après avoir analysé plusieurs propositions, je ne

trouve pas de réponse entièrement satisfaisante et répondant aux besoins des élèves. Pour ma

part, j’ai souhaité observer l’implication que cette écriture peut avoir sur la création de texte,

ce que l’on appelle la production d’écrits. Est-ce que le caractère motivant d’une production

d’écrit peut être modifié par l’outil écriture ?

II- BILAN DE MES OBSERVATIONS : CE QUI M’A AMENEE A METTRE EN PLACE DES

SEQUENCES DE PRODUCTION D’ECRITS.

Ayant comme axe de réflexion pour mon mémoire l’apprentissage du geste graphique

et le lien avec la production écrite, j’ai mis en place lors de mon premier stage en

responsabilité, en parallèle aux séances de graphisme citées précédemment, des séances de

production d’écrit avec comme objectif d’écrire une lettre au Père Noël. Cette situation

d’utilisation de l’écriture comme outil de communication a été reprise lors de mon second

stage en responsabilité. Avec une classe de CE2 – CM1, j’ai mis en place un projet autour de

l’écriture, conduisant les élèves à produire un écrit prescriptif.

2.1 Essai de production d’écrit ayant du sens pour les élèves : l’écriture outil de

communication : en CP, la lettre au Père Noël.

Voici le principe de ma séquence de production d’écrit mise en place en CP. Etant en

période de préparation des fêtes de Noël, le maître que je remplaçais m’a suggéré de faire

écrire la lettre au Père Noël. J’ai conservé l’idée, pensant que tous les enfants de cet âge

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restent émerveillés par cette fête et qu’il n’est pas difficile de les motiver sur ce sujet. Trois

séances ont été nécessaires permis d’aboutir à la production définitive.

2.1.1 Description des séances réalisées : première étape

En première séance, j’ai proposé aux élèves, que j’avais en demie classe, une lecture

offerte d’une histoire relatant les soucis du Père Noël avec ses lutins, car ils avaient oublié la

fabrication de jouets pour un village entier (Bobe Françoise. Ohé, Répondez. 365 Histoires,

comptines et chansons. Albin Michel Jeunesse). Cela a permis aux élèves de rentrer dans

l’imaginaire de Noël et après une discussion sur le sujet, nous sommes arrivés au fait qu’il

fallait écrire une lettre au Père Noël. Pour cela, je leur ai présenté différents modèles de lettres

(courrier privé, lettre administrative, courrier publicitaire), et nous avons recherché les

éléments récurrents apparaissant dans les lettres. Ce travail a été facilité par une approche

certaine de la lettre à l’école maternelle. Les élèves ont trouvé qu’il s’agit d’un écrit

communicatif qui s’adresse à un destinataire, qu’il faut expliquer ce que l’on veut dans le

corps de la lettre, et qu’il faut signer pour que le lecteur connaisse l’expéditeur. Nous avons

discuté ensuite sur les informations nécessaires à chacun pour faire la lettre. Il s’est avéré que

l’élément principal de cette lettre était de demander des cadeaux pour Noël. Cette demande

étant très personnelle, j’ai choisi de laisser les élèves choisir leurs jouets dans des catalogues

publicitaires.

Après une courte phase de découverte des catalogues, la consigne donnée était la

suivante : vous devez choisir trois jouets maximum dans le catalogue, découper la photo avec

le texte qui est écrit à côté, et les coller dans votre cahier. Ensuite, vous écrirez sur votre

cahier à coté de la photo le nom de votre jouet, en vous aidant de ce qui est déjà écrit. Les

élèves ont bien respecté la consigne. Il s’agissait là d’une activité de copie, avec la

transcription de caractères en scripte lus dans le magazine aux caractères d’écriture cursive.

Les difficultés sont apparues à cette étape pour les élèves en difficulté. Pour ceux-là, j’ai

choisi de leur proposer un modèle du nom écrit de leur jouet en écriture cursive. L’exercice

s’est donc vu simplifié : il ne s’agissait plus de passer d’une écriture à une autre, mais de faire

de la copie, exercice soumettant déjà de nombreuses difficultés aux élèves.

2.1.2 Description de l’étape deux

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En seconde séance, j’avais la classe complète. L’objectif était de créer un outil

d’écriture. A ce stade de l’année, les élèves n’étaient encore pas en mesure d’écrire leur lettre

de façon autonome. Cet outil allait donc être la base des idées que devait contenir leur lettre,

et allait servir plus tard de référent pour l’écrire. Après un rappel aux élèves de l’activité en

cours, pour bien fixer les trois parties indispensables au corps d’une lettre, j’ai demandé aux

élèves de trouver des idées pour écrire leur lettre. C’est donc avec un passage par la dictée à

l’adulte que s’est réalisé le contenu de la lettre. J’ai veillé à faire participer l’ensemble des

élèves à cet exercice oral. S’agissant d’une transcription de l’oral à l’écrit, j’ai demandé de

reformuler certaines propositions afin de les adapter à une formulation écrite et non orale. Ce

fut le moment de distinguer ce que l’on dit de ce que l’on écrit. C’est à partir de ces

propositions que j’ai construit la dernière séance.

2.1.3 Description de l’étape finale

Cette dernière séance s’est de nouveau déroulée avec une moitié de classe à chaque

fois. L’objectif général visé était de rédiger sa lettre au Père Noël avec l’aide des outils de la

classe. Ayant des niveaux assez hétérogènes, j’ai préparé deux types d’activité. En premier

lieu, les élèves ayant des difficultés en lecture et en écriture ont rédigé une lettre à trous. Ils

avaient donc comme outil de base une lettre composée à partir des éléments cités lors de la

séance précédente, qu’ils devaient compléter pour la personnaliser. Ce groupe ne pouvait

cependant pas fonctionner en autonomie, car l’ensemble de ces élèves avait une appréhension

quand au fait de produire de l’écrit. Il m’a fallu les mettre en confiance pour réaliser cette

activité, en expliquant que tout ce qu’ils allaient écrire leur était connu, et que le fait de

l’écrire à quelqu’un comme le Père Noël devait les rassurer.

Pour le second groupe d’élèves, plus à l’aise dans leur relation à l’écriture et à la

lecture, j’ai souhaité leur faire rédiger leur lettre en totalité. A partir des éléments de lettre

recherchés en commun lors de la deuxième séance, j’ai donné à chaque élève une feuille

reprenant toutes les possibilités pour chaque paragraphe. Les phrases étaient codées par des

symboles, qu’ils pouvaient retrouver sur leur feuille d’écriture, afin de respecter la

présentation de la lettre. Cette organisation était une aide de repérage spatial sur la feuille, et

également une aide permettant aux élèves de travailler de façon plus autonome. Pour cette

activité, je pensais qu’ils auraient plus de difficultés, mais en fait, la majorité des élèves ont

bien associé les symboles, et l’aide demandée concernait principalement la lecture.

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17

Je n’ai pas corrigé les éventuelles erreurs d’orthographe de cette lettre qui ne m’était

pas destinée. Cependant j’ai apporté des corrections dans le geste et la tenue lors de la

réalisation de la production comme par exemple rectifier la posture. Je suis également

intervenue sur la correction du tracé de certains élèves. Lorsque je constatais que le tracé

devenait irrégulier ou trop grand, je le faisais constater aux élèves qui s’auto-corrigeaient.

C’est pour cette raison que l’outil utilisé était le crayon à papier, qui permet aux élèves de

recommencer un tracé jugé insatisfaisant.

J’ai donc constaté que les élèves ont mis beaucoup de précision dans leur geste

graphique car il était, dans leur pensée, indispensable que le Père Noël puisse les relire. C’est

pourquoi je vais expliquer le rôle du geste d’écriture lors de cette activité de production

d’écrit.

2.1.4 En quoi cette activité a-t-elle impliqué le geste graphique ?

Une production écrite ne signifie pas forcément que l’élève écrive, et encore moins

qu’il écrive avec un outil scripteur comme le crayon, à l’heure de l’informatique. J’ai pourtant

fait le choix de faire écrire mes élèves. En effet, il m’apparaît indispensable que les élèves

puissent être créateurs et producteurs de textes. Dans la rédaction de la lettre, j’ai demandé

aux enfants de mobiliser plusieurs éléments. Le premier consistait à produire un écrit ayant du

sens pour le producteur. En second, il s’agissait d’un écrit prototypé, les élèves devaient faire

attention à la présentation. Sur ce point je les ai matériellement guidés. Il me semblait trop

difficile de faire entrer la représentation spatiale d’un texte sur l’espace feuille en plus de la

concentration sur l’écriture. Un troisième élément venait naturellement s’introduire, c’est le

fait que cet écrit se devait d’être très lisible pour autrui, sans quoi le message ne pourrait pas

être compris. Enfin, et ce n’est pas le moindre, les enfants ont pratiqué cet exercice en milieu

scolaire, avec donc le poids social qu’il implique, et ce n’est certainement pas anodin. Car

réaliser un écrit pour envoyer à sa grand-mère, chez soi et sans l’œil de l’enseignant, n’est

certainement pas aussi contraignant que l’exercice proposé en classe. Et pourtant, ils ont tous

réalisé une lettre.

Le geste d’écriture ne s’est pas révélé être un frein face à la motivation des enfants

dans le concept même de l’activité. Cependant, si j’ai dû différencier ma pratique lors de la

séance d’écriture, c’est bien, comme je l’ai souligné précédemment, parce que certains élèves

appréhendent ce moment. Ils se font une image négative de leur propre tracé, qui les met dans

un état d’esprit négatif avant de commencer. Or, malgré les difficultés qui devaient être

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surmontées, l’ensemble des élèves s’est montré motivé. Observons la production de Tony,

Samet et Maryam (annexe 3). Pour réaliser ces écrits, les élèves ont mis entre 30 minutes et

45 minutes. Ce n’était donc pas un exercice facile et ces élèves se sont fortement impliqués.

Si je m’appuie sur les observations de Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, je peux comprendre

les difficultés de copie rencontrées par les élèves. En effet, les problèmes cités par cette

chercheuse sont relatifs à des exercices graphiques pratiqués en maternelle. Mais j’établis un

lien avec l’exercice proposé en CP car il permet d’expliquer certaines difficultés rencontrées. 7 « Les enfants peuvent rencontrer des difficultés pour « lire » le modèle, pour le reproduire et

attribuer du sens à leur activité graphique sur la seule injonction « de faire pareil que le

modèle » ». L’objectif est donc de dépasser ce stade et d’apprendre aux élèves à observer le

texte ou le mot qui va devoir être reproduit. Ils dépasseront alors le stade du dessin qui

consiste à reproduire un modèle, en comprenant que le mot à reproduire est porteur de sens et

est une écriture. Le mot reproduit est alors un constituant de l’écriture, et doit être clairement

distingué du dessin. C’est là qu’il est important de repérer si l’élève a bien compris le sens de

l’écriture et en fait bien la distinction avec le dessin.

A partir de cette expérience, je pourrais conclure que le geste graphique n’est pas en

lui-même un frein à la production d’écrits si l’enseignant arrive à dédramatiser le moment

d’écriture. Mais il en favorise tout de même le refus du fait de l’implication personnelle

immense qu’il représente. Je ne suis pas certaine que au fur et à mesure de leur progression

dans les apprentissages, certains des élèves de CP en difficulté d’écriture ne soient pas rebutés

par la production écrite plus tard.

Regardons les productions des élèves ayant moins de difficultés. Les feuilles

proposées étaient lignées avec des intervalles de 3 mm. La production d’Antoine (annexe 4)

n’est pas terminée, car il avait initialement choisi trois jouets. Seulement il a été lent et a

renoncé à écrire sa liste en entier. L’écriture n’est pas régulière et il a fait des erreurs de copie.

Le premier « je » s’est transformé en « ge », et il avait oublié le « un »dans sa troisième

phrase. Pour lui, l’écriture s’est révélée être un frein à sa production. A l’inverse, la lettre de

Christian (annexe 4) est révélatrice de grande implication. Il a une écriture régulière et une

bonne gestion de l’espace. L’enchaînement des lettres est également assez fluide. Je ne suis

pas surprise de ce résultat car cet élève est à l’aise en écriture. L’objectif de la lettre l’a motivé

et il a réalisé cet écrit de façon autonome et rapide. Il existe donc une usure de la motivation

en fonction de l’aisance à l’écriture.

7. Amigues, R., Zerbato-Poudou, M.T., 2000, 158

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2.2 Un projet autour de l’écriture en CE2 – CM1

Suivant une démarche littéraire voulue par les programmes, j’ai choisi de lier la lecture

d’un roman avec la production écrite. J’ai donc choisi le roman d’Anne Fine, Comment écrire

comme un cochon. Je vais donc expliquer quels étaient mes objectifs, quelles sont les activités

que j’ai proposées et quelle a été l’implication du geste graphique dans la production écrite.

2.2.1 Quels objectifs pour ce projet

Mon objectif principal était de faire prendre conscience aux élèves de l’importance du

geste graphique dans leurs productions écrites, qu’elles soient littéraires ou interdisciplinaires.

Pour cela, j’ai décliné le projet autour de trois objectifs principaux :

- le premier consistait à comprendre et interpréter le sens de l’œuvre

littéraire. Pour ce qui est de cet ouvrage, il s’avère que la principale difficulté était de

cerner le ton du narrateur. L’essentiel à retenir était l’idée que malgré ses difficultés,

chacun est doué quelque part.

- Le second objectif concernait encore la littérature, et consistait à

réaliser une production écrite qui respectait des contraintes prédéfinies. Il s’agissait de

rédiger un texte prescriptif pour expliquer comment écrire lisiblement.

- Le troisième objectif était pluridisciplinaire, car il liait les arts visuels et

le français. Les élèves ont été amenés à produire un écrit à l’aide d’une plume

métallique et d’encre de chine. La production écrite a été finalisée à la plume.

J’ai donc demandé une grande implication aux élèves pour réaliser ce projet, et ils ont

eu une réaction favorable aux apprentissages proposés.

2.2.2 Mise en relation avec la prise de conscience du geste d’écriture

Je cadre les activités de ce projet par rapport aux observations menées par Marie-

Thérèse Zerbato Poudou, qui s’est intéressée à l’importance de l’explicitation de l’écriture par

le langage en cycle 1. Les études menées montrent que dès le plus jeune âge, il faut faire

observer les élèves, leur apprendre à anticiper et organiser leurs actions. Le langage est

sollicité dans sa fonction de construction de la pensée. On parle ici d’exercices graphiques tel

qu’ils sont pratiqués en maternelle. Mais pourquoi oublier avec des élèves de cycle 3 de leur

rappeler que l’écriture s’observe, se comprend et se construit ? Le fait de faire expliciter

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l’exercice proposé me paraît nécessaire à tous les niveaux. L’apprentissage du tracé des lettres

de l’alphabet est encore une préoccupation, et il est important de parler de cela avec les

élèves. Faire recopier des lignes de lettres pour modifier l’écriture des élèves de cycle trois ne

va pas suffire pour réellement faire prendre conscience du geste d’écriture. En effet, les

élèves, même de 9 ou 10 ans, réagissent à l’écriture par un réflexe de tracé acquis par des

entraînements graphiques depuis l’âge de 3 ans. C’est par un contexte d’analyse de l’activité

et de compréhension de celle-ci que l’élève peut entrer dans une véritable démarche de

construction de sa procédure. La prise de parole demandée par le biais d’un roman permet de

contextualiser le travail demandé sur l’écriture.

2.2.3 Quelles activités pour ce projet

J’ai commencé par expliquer très clairement aux élèves que je m’intéressais à

l’écriture. Pour cela, je leur ferai découvrir un roman, puis nous travaillerons dessus de

différentes manières. C’est ainsi qu’a été introduit le projet, j’ai volontairement laissé les

élèves chercher quelles sortes d’activités nous pourrions mener. Ils ont tout de suite penser à

la production écrite, en écrivant l’inverse du livre. J’ai dû les amener à parler de la

calligraphie, mais certains ont réagit spontanément car ils connaissaient l’existence du

matériel et de la technique (sans l’avoir expérimentée).

Pour faciliter la compréhension de ce qui suit je résume brièvement le roman proposé.

Il s’agit d’un élève nommé Chester Howard, qui, du fait du métier de sa mère, change d’école

très fréquemment. L’histoire se passe dans l’école de Walbottle Manoir, où les élèves sont

particulièrement disciplinés. Le nouvel élève est très déprimé de se trouver là, et en

particulier, à côté d’un élève complètement désordonné et ayant de grosses difficultés, Joe

Gardener. Mais Chester est amené à collaborer avec son voisin pour l’aider à supporter

l’école. En effet, Joe écrit vraiment très mal, et sur un ton humoristique, Chester l’aide a

confectionner un manuel intitulé Comment écrire comme un cochon. En découvrant Joe,

Chester découvre qu’il a un talent inconnu de tous : il est très doué pour réaliser des

maquettes. Chester réussit alors à mettre en avant son talent aux yeux de tous.

La lecture du roman s’est faite principalement en lecture offerte, soit de ma part, soit

par un élève. Les chapitres 2, 3, 4 et 5 ont été lus par groupes d’élèves silencieusement, puis à

partir d’une grille de questions, chaque groupe a présenté au reste de la classe le déroulement

de l’histoire.

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Une autre activité s’est mise en place parallèlement, concernant la production écrite.

En premier lieu, nous avons élaboré un tri de texte avec les CM1 afin de mettre en avant les

caractéristiques du texte prescriptif. Ce travail a été relaté aux CE2 afin de donner à tous les

élèves les caractéristiques du texte prescriptif (la connaissance de ce type de texte était donc

seulement informative pour les CE2). Ensuite, nous avons élaboré à partir du texte du roman

une liste des conditions favorables à l’écriture lisible. Puis, les élèves ont élaboré leur propre

texte donnant des conseils pour bien écrire. Ce travail s’est fait en trois jets successifs, puis a

été finalisé par la mise en page de cet écrit.

Toujours en parallèle, j’ai mené une séquence de découverte de la calligraphie, avec

une présentation d’ouvrages de calligraphies de divers pays. Puis j’ai présenté le matériel aux

élèves, avec comme objectif de faire un alphabet très esthétique et respectant les tracés des

lettres. Enfin, nous avons utilisé ces apprentissages pour finaliser la production écrite et pour

l’illustrer d’un alphabet calligraphié.

2.2.4 Les séances spécifiques à la production d’écrit

Je reviens sur les séances de production d’écrit, car c’est là que toute mon attention

s’est portée. Lors du premier jet, les élèves ont utilisé le crayon à papier. Il semble que le

blocage qui a pu exister à ce moment-là chez certains élèves résidait dans l’incompréhension

partielle de la consigne d’écriture. En effet, le fait d’avoir listé les critères permettant d’écrire

lisiblement n’a pas été mis en relation par ces élèves avec la production demandée pour

donner des conseils d’écriture. Cela a été résolu par le fait que certains de leurs camarades les

ont invités à consulter l’affiche pour s’inspirer. En revanche, le geste d’écriture en lui-même

n’a pas constitué un obstacle.

Lors du deuxième jet, les élèves avaient eu une correction concernant les idées à

développer ou les exemples manquants. Là encore, ils ont travaillé au crayon à papier. Le

problème du contenu était résolu, ils ont donc été confrontés à leur propre relecture. Et ce

n’était pas évident pour tous. Je les ai amené à soulever le problème de l’écriture, d’autant

plus qu’ils étaient en train de travailler sur des conseils d’écriture lisible. Ce jet a cependant

été difficile à corriger pour certaines productions car l’écriture était très peu soignée. Cela

relevait de deux types de problèmes : la dysorthographie totale des mots qui rendait quasi

impossible la lecture de celui-ci, et la dysgraphie du mot qui rendait la lecture très difficile.

Lors de cette correction, j’ai souligné aux élèves les erreurs d’orthographe.

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La séance suivante a consisté pour les élèves à s’auto-corriger, puis à vérifier cette

correction par binôme, avant de me rendre la production. J’ai choisi de corriger moi-même

les erreurs restantes, afin d’accélérer le projet, du fait de la fin de mon stage. Il aurait sinon été

préférable d’utiliser ces erreurs pour débuter une séance d’ORL. Les erreurs concernant des

notions déjà étudiées en ORL doivent êtres corrigées par l’élève avec l’aide de ses outils.

Après ces corrections, les élèves devaient recopier au propre, toujours au crayon à papier leur

production. L’utilisation du crayon à papier n’a pas été réfléchie par avance, ce sont en fait les

élèves qui ont fonctionné comme ils en avaient l’habitude, du fait de l’absence de consigne de

ma part. Cela était dans le but de pouvoir finaliser la production à la plume sans être gêné par

l’aspect brouillon du jet corrigé, mais aussi de prendre déjà conscience du geste utilisé dans la

copie. De ce fait, il aurait été intéressant de comparer un écrit au stylo bille et l’écrit à la

plume métallique.

Pour finir, les élèves ont du recopier leur production sur des feuilles de type canson, à

l’aide d’une plume métallique. Il y a un élève qui, du fait de son comportement, a été amené à

écrire au stylo bille (cela m’a soulevé un dilemme car j’aurais aimé avoir une trace écrite à la

plume de tous, cependant le respect des autres élèves l’a emporté).

Cette séance était programmée pour rendre les élèves conscients de l’importance de

leur geste d’écriture lors de leur production.

III- ANALYSE DE MA PRATIQUE

3.1 Mise en œuvre et analyse d’une séquence au CP

3.1.1 La lettre au Père Noël

La séquence proposée aux CP avait pour objectif de faire construire une production

écrite, tout en ayant sensibilisé les élèves aux problèmes de graphisme. Le choix de la lettre

au Père Noël me semble approprié, car il correspond à une période de l’année où l’entrée dans

l’écriture est essentielle. J’ai cependant pensé cette séquence de façon partielle, en omettant

l’explicitation à faire aux élèves sur mes objectifs, et les liens existants entre les séances de

graphisme et la production écrite. Cette séquence avait un aspect motivant par son thème et un

aspect constructif d’apprentissage par la conception de l’écrit final. Il laissait divers choix

d’écriture et de formulation aux élèves tout en les laissant très guidés dans leur travail. Cela

permettait de se concentrer sur l’écriture.

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3.1.2 En CP, en quoi l’orientation des activités mises en place n’était pas liée

Lors de cette activité, je souhaitais créer une relation entre le geste d’écriture et la

production d’écrit. Cette intention n’a pas été perçue par les élèves. C’est sans doute là que

s’est posée à moi la question des relations entre les activités proposées. Au départ, mon

objectif était de donner du sens par la production d’écrit au geste graphique. En réalité, il

s’avère extrêmement périlleux de vouloir mener les deux aspects en parallèle alors que les

élèves ne sont pas familiers de l’outil d’écriture. Suite à ce stage, j’ai pris conscience que

l’activité d’apprentissage de l’écriture se devait d’être menée indépendamment de tout autre

objectif. Cependant, il faut toujours annoncer ces séances comme des exercices ayant pour but

d’atteindre un autre objectif, qui sera le moteur de motivation pour les élèves. Ceux-ci

s’impliqueront ainsi plus favorablement dans l’activité de graphisme car ils auront compris le

but de l’activité. C’est pourquoi je me suis posé la question, a posteriori, sur les relations entre

les activités proposées au CP et le lien avec l’écriture.

Reprenons ce que j’ai mis en place lors de ce premier stage en responsabilité : d’une

part, il y a eu les séances de graphisme basées sur la méthode de Danièle Dumont, d’autre

part, il y a eu la séquence de production d’écrit. L’objectif commun visé était bien la mise en

valeur de l’apprentissage du geste d’écriture. Mais je n’ai pas su présenter cet apprentissage à

mes élèves, qui de ce fait, n’ont perçu que des séances centrées sur l’apprentissage de

l’écriture, et d’autre part, des séances où le geste d’écriture aurait presque pu apparaître

comme quelque chose d’acquis. Comment faire pour définir clairement à des élèves, pour qui

les apprentissages sont multiples, qu’il existe un lien entre tous : l’apprentissage du geste

d’écriture. Cet outil sera le leur tout au long de leur scolarité, et plus largement de leur vie. En

premier lieu, j’aurais pu faire remarquer aux enfants tous les moments ou ils ont eu besoin

d’écrire. Soit pour se souvenir, soit pour informer, soit pour communiquer pour leurs

parents… La liste est longue et aurait pu être mise à profit pour prendre conscience de

l’importance du geste d’écriture. Ensuite, j’aurais pu proposer des séances de graphisme en

impliquant l’ensemble des apprentissages, et surtout en spécifiant l’objectif. Au cours

préparatoire, l’apprentissage de la lecture est souvent vécu comme l’objectif premier de cette

classe. J’ai volontairement mis à profit l’étude du phonème [m] en lecture pour faire

apparaître le graphème associé, et proposé aux élèves un apprentissage plus spécifique de la

lettre m. Mon erreur se trouve dans le fait que je n’ai pas spécifié ce lien aux élèves, d’où

l’impression d’avoir vécu des séances décrochées sur le m et le n. En ce qui concerne la

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production d’écrit, là encore, mon objectif était de rendre le geste graphique agréable car

associé à une production de texte valorisante et motivante. Si j’ai su conserver l’aspect

motivant de l’activité, je n’ai pas su relier l’activité à l’apprentissage du geste d’écriture. Il

n’est donc pas évident, après cette expérimentation de définir si l’impact du geste d’écriture

sur la production d’écrit est réel, et s’il est un frein ou une aide.

Ces constations révèlent que l’on oublie trop souvent de s’occuper de l’apprentissage

de l’écriture avec les élèves. Ceux-ci sont confrontés de façon permanente à l’écriture et ne

sont pas correctement préparés. Quelles en sont les conséquences ? On retrouve bien plus tard

des élèves qui font de l’écriture un outil scolaire auquel ils ne prêtent pas attention. Si

l’écriture est peu lisible ou si elle est trop lente, l’élève se reportera à l’adulte référent : c’est

lui qui n’a pas su relire, c’est lui qui dicte trop vite. Bien évidemment, l’enseignant est

responsable de certaines dérives d’écriture, du fait de son impatience ou de sa trop grande

compréhension. Peut-être l’habitude joue-t-elle son rôle. En effet, prenons l’exemple de ces

élèves de CM2 que j’ai pu observer au cours de séances en technologie lors d’un APP. Nous

avons demandé aux élèves des traces écrites sur leurs constructions et leurs procédures. Et

lorsque nous avons voulu relire les comptes-rendus, il s’est avéré difficile de déchiffrer

certaines lettres pour l’ensemble des stagiaires PE2 présents. Cette remarque avait-elle été

faite à cet élève ? (Il s’agit bien ici d’un seul élève sur les 5 comptes-rendus d’expériences de

la classe). Cela ne semble pas évident. Cette anecdote vient souligner l’importance

d’expliquer aux élèves dès le début de leurs apprentissages, les fonctions de l’écrit ainsi que

l’importance de la maîtrise du geste d’écriture. C’est en cela que les activités que j’ai pu

proposer en CP n’étaient pas liées par un objectif conjoint pour les élèves. L’acte d’écriture

aurait dû être souligné à chaque fois que les élèves utilisaient cette technique, dans l’ensemble

des activités proposées à l’école. La communication de l’enseignant envers ses élèves sur le

sens des activités proposées, sur les objectifs visés n’est certainement pas assez complète pour

permettre aux élèves de prendre conscience de leur activité d’écriture tout au long de leur

scolarité. Les élèves auraient alors été plus sensibles à ces moments. De ce fait, ils ne

distinguent pas les moments d’écriture des moments de langage. Les sens qui doivent êtres

mis en éveil pour cette activité ne sont pas alors interpellés au bon moment du fait du manque

de communication. Peut être aurait-il été astucieux de créer une ambiance d’écriture par le

biais d’une ambiance définie, comme de la musique.

Faire distinguer clairement aux élèves la différence entre la production d’écrit faisant

appel à leur créativité, la copie, faisant appel à un geste moteur, et la calligraphie soignée

ayant pour but de créer une œuvre d’art, là reposent les enjeux des explicitations que je peux

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donner aux élèves. Cette réflexion résulte d’une expérience en cycle 2, mais il me semble très

intéressant de mener la réflexion au cycle 3, car s’il n’existe plus à ces niveaux dans les

emplois du temps une plage horaire réservée à la copie ou au geste graphique, il n’en est pas

moins vrai que toute activité mène à un besoin d’écriture. La démarche commencée dans le

cycle précédent devient alors primordiale dans la façon d’aborder le sujet, et il n’est pas trop

tard, à mon sens, pour continuer de s’intéresser à l’écriture de nos élèves. C’est pourquoi j’ai

souhaité mettre en place des activités suivant une progression que j’ai préparé en tenant

compte des arguments que je viens de développer, basés sur mes propres observations ou sur

des propos théoriques et expérimentés par d’autres.

3.1.3 Ce qui s’est révélé positif en CP

Après un bilan très mitigé de ma pratique, voici les points sur lesquels l’acte d’écrire

s’est révélé être le moteur de la production écrite. Reprenons la première séance. Lorsque les

élèves ont choisi leurs jouets, il n’y a eu aucun problème d’ordre scolaire. Puis, la demande

qui consistait à produire une copie d’écrit a commencé à complexifier la tâche. A ce moment-

là, Tony, pour qui l’écriture posait un vrai problème, a eu un blocage. C’est la raison pour

laquelle j’ai modifié l’exercice en lui recopiant les noms des jouets en cursif. Il a réalisé avec

du mal sa copie, mais ce n’était finalement que la création d’un outil d’écriture. Lors de la

rédaction de la lettre, ce même élève, sachant qu’il devait écrire, a été freiné par cette pensée.

Comment allait-il maintenant pouvoir respecter la consigne, qui demande d’écrire dans un

espace défini, alors qu’il ne maîtrise pas l’espace feuille ? Il est effectivement resté un long

moment à observer sa feuille. Mais lorsqu’il a compris que je ne l’évaluerai pas sur son

travail, qui serait un écrit de correspondance, le déblocage s’est fait. Cette réaction mérite une

analyse. Comment percevait-il l’école ? Etait-ce comme une contrainte qui finissait par une

sanction négative de façon systématique ? En réponse à l’annonce d’une production non

évaluée, cet élève s’est vu motivé. Il a donc été motivé par l’objet de la lettre mais également

par le sentiment de ne pas être « jugé » sur sa production. Cela a permis à cet élève d’entrer

dans certains apprentissages pour lui-même et non pour l’enseignant. Ainsi, les jours suivants,

cet élève s’est appliqué dans son geste et son tracé lors de tous les moments d’écriture

(écriture de son prénom en particulier sur l’ensemble de ses travaux).

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3.2 Mise en œuvre et analyse d’une séquence en cycle 3

3.2.1 La belle écriture en CE2 – CM1

La séquence proposée s’inscrivait dans un projet. L’objectif double était de faire

prendre conscience à des élèves déjà expérimentés en écriture de leur tracé, et de réaliser une

production écrite avec contraintes. Cette séquence m’apparaît, après essai, comme étant un

bon moyen de mettre en réflexion les élèves. Ils ont été pris à partie par le biais de l’histoire

car ils se sont rapidement identifiés aux différents personnages, du fait d’un environnement

connu de tous (une école). En ce qui concerne la partie de production, le passage par une liste

des conseils pour écrire lisiblement avant de passer à une production individuelle s’avère être

nécessaire pour tous. En effet, la difficulté résidait dans le fait qu’ils avaient, par le texte du

roman, un exemple de texte prescriptif pour écrire comme un cochon. Il fallait que les élèves

proposent un texte donnant des conseils contraires. Or certains élèves n’avaient pas bien

compris ce qu’était le sens contraire. Le passage par la liste commune de conseils était donc

une aide. La motivation par la nouveauté de l’écriture à la plume devait permettre une réelle

implication dans l’écriture. Cette séquence, analysée a postériori, se devait d’être efficace

pour l’étude de l’implication du geste graphique dans la production d’écrits.

3.2.2 Une réelle prise de conscience du geste d’écriture

La réflexion menée après mon premier stage en responsabilité m’a conduite à mettre

en place cette proposition pour des élèves déjà scripteurs. L’objectif de cette séquence n’est

pas de vouloir rééduquer l’écriture de l’ensemble des élèves de la classe, mais de redonner le

plaisir d’écrire à tous, sans que l’acte d’écrire soit une contrainte, et redevienne un plaisir. Par

ce biais, c’est le geste graphique qui est repris pour donner conscience aux élèves du

mouvement utilisé. Si l’apprentissage de l’écriture est globalement l’objet du cycle 2, on

retrouve dans les compétences spécifiques des programmes cet item : 8. « avoir acquis une

première compétence d’écriture et de rédaction », et plus spécifiquement, « copier rapidement

un texte d’au moins dix lignes sans erreur orthographique, correctement mis en page, avec

une écriture cursive régulière et lisible ».

Par la mise en place de cette séquence, il m’a semblé que les élèves ont bien pris

conscience de l’importance de l’écriture. 8. Qu’apprend-t-on à l’école élémentaire, 2002, 166

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Ils ont su donner les conseils appropriés et les ont mis en application lors des séances de

production écrite. Cette prise de conscience s’est révélée par des discussions entre eux et avec

moi-même sur le sens de construction d’une lettre et la tenue du stylo principalement. En

effet, les élèves se sont vus contraints par le matériel proposé de réfléchir à la tenue du stylo,

avec quels doigts, dans quel sens ? Ils ont soulevé le problème de la construction des lettres.

Des remarques comme « il faut monter puis redescendre en tenant bien sa plume pour faire le

l, sinon on ne peut pas faire la boucle. » Cela montre bien que les élèves ont été amenés à une

réflexion sur leur geste graphique, chose à laquelle on a peu l’habitude de penser. En outre,

j’ai noté qu’ils apprécient la belle écriture, et chacun était curieux de voir ce qu’avait fait le

voisin, en s’émerveillant de la production de celui-ci. Ils ont donc également pris conscience

que l’écriture doit être lisible par nécessitée de lecture, mais peut être également un plaisir en

elle-même par la qualité graphique qui lui est attribuée.

3.2.3 Les écueils de la séquence proposée

J’ai cependant été déçue de l’inefficacité relative de mon projet sur l’écriture auprès de

quelques élèves. Il s’avère que cette séquence s’est révélée très positive pour la réflexion pour

la majorité des élèves, mais certains élèves, en difficulté, n’ont pas profité de ces

apprentissages. En effet, le fait de ne pas pouvoir relire les productions écrites de ceux-ci est

un signe d’échec pour ces élèves. N’étant pas présente en classe plus de trois semaines, j’ai dû

avancer rapidement sur toutes les phases proposées, et je pense que ces élèves auraient eu

besoin d’un temps beaucoup plus long pour prendre conscience de leur geste d’écriture. En

qualité de professeur des écoles, je n’ai pas pu permettre aux élèves de modifier leur geste

d’écriture. Mais il me semble que les difficultés ancrées chez des CE2, avec des problèmes

encore prononcés sur la perception des phonèmes et la transcription en graphèmes (problème

relevé lors d’une dictée), ne peuvent être résolues en programmant cette séquence. Il apparaît

que ces difficultés doivent être prises en charge par des spécialistes (orthophonistes).

Il est intéressant cependant d’observer les productions. Elles sont à classer en trois

catégories : ceux qui ont complètement adhéré au projet et se sont impliqués en s’appliquant

dans leur geste d’écriture pour la production écrite demandée (principalement des CM1, voir

annexe 5). Il y a ceux qui n’ont pas réussi à produire un écrit complet et propre du fait de la

contrainte de l’outil d’écriture (principalement des CE2, voir annexe 6). Enfin, il y a des

élèves qui ont « abandonné » parce que le geste d’écriture demandé devenait gênant et trop

exigeant à leurs yeux (Reda, voir annexe 7). J’ai été très satisfaite de la production de Sarah

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en CE2 (annexe 8), qui est suivie par le réseau pour, entre autre, des problèmes d’écriture. Sa

production montre qu’à l’inverse de certains, le passage par un outil scripteur original a

favorisé sa production écrite.

J’en conclus que si la partie de lecture littéraire était parfaitement adaptée à ces élèves,

la partie de production écrite était prématurée. Cette séquence doit donc être déclinée selon les

difficultés des élèves, mais ne peut pas résoudre tous les problèmes liés à l’écriture chez

certains enfants.

3.3 Ouverture sur l’avenir

Pour mes classes futures, il me semble qu‘il est important de faire prendre conscience

aux élèves de l’importance du geste graphique, et ce, dès le plus jeune âge. En raison des

obligations des programmes, il me semble difficile de mener des séquences consacrées au

graphisme après le cycle 2, mais il m’apparaît primordial de ne pas négliger le travail portant

sur l’écriture en cycle 3. C’est pourquoi je n’hésiterai pas à mettre en place des séquences

liées au geste d’écriture, car l’observation des cahiers à tous les niveaux montre combien

l’écriture reste un apprentissage difficile et long.

En ce qui concerne la façon d’aborder le graphisme à l’école, je serais favorable à une

réflexion proposée par René Amigues et Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, que je cite : 9

« Aiguiser l’observation, anticiper et organiser les actions, choisir les procédures, évaluer,

apparaissent comme les fonctions essentielles des exercices graphiques dans un contexte

collectif où le langage est sollicité dans sa fonction de construction de la pensée. C’est à ce

prix que les exercices graphiques affirmeront leur légitimité. »

Mes expériences montrent que la prise de conscience du geste graphique induit un

rapport à l’écrit pour les élèves, qui génère lui-même une influence sur la production d’écrits.

Il faut donc veiller à prendre en compte cette dimension dans les activités de production

écrite.

9. Amigues, R., Zerbato-Poudou, M.T., 2000, 161

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CONCLUSION

L’importance du geste graphique dans la vie d’un élève est primordiale. Il s’agit donc

pour nous, enseignants, de concevoir des séquences appropriées aux apprentissages

nécessaires à tous les niveaux de l’école primaire. En maternelle, on se préoccupe du

graphisme dans l’objectif d’apprendre à écrire. Il est alors nécessaire de ne pas perdre de vue

cet objectif et de mettre en relation les activités proposées avec les objectifs définis.

En cycle 2, l’élève entre dans une véritable phase d’apprentissage de l’écriture et de la

lecture. Il paraît essentiel de mettre en relation ces deux activités qui sont imbriquées. Si

l’élève ne fait pas la corrélation entre son geste d’écriture et la lisibilité future de son écrit,

rien ne peut lui faire prendre alors conscience de l’importance de celle-ci. La séquence que

j’ai mise en place en CP m’a permis de constater l’explicitation indispensable auprès des

élèves pour obtenir des résultats. L’idée de la mise en relation entre les séances de graphisme

et la production d’écrits me semble rester alors pertinente.

Enfin, en cycle 3, les habitudes sont déjà installées pour tout ce qui concerne

l’écriture. L’élève a adopté sa propre tenue de stylo et sa posture. Tout cela est lié à

l’adaptation physique qu’il s’est créé face à ses difficultés d’écriture. La séquence mise en

place en CE2-CM1 se révèle être appropriée à la prise de conscience de ce qu’est l’écriture,

c'est-à-dire qu’il y a une véritable implication de l’élève. Elle n’est plus conçue comme un

outil approximatif mais comme un outil nécessaire aux apprentissages et qui peut de surcroît

être un réel plaisir de production.

L’adaptation que les élèves ont face à des défauts d’apprentissage ne peut pas être

résolue sans passer par une réelle prise de conscience de la part de l’élève face à son

implication personnelle dans l’apprentissage de l’écriture. C’est pour cela que je suis

favorable à cette prise de conscience avant d’entrer dans une démarche de correction du geste

graphique. Ainsi, l’élève sera pleinement acteur de son apprentissage. Il n’en est pas moins

vrai que les élèves ayant de grandes difficultés sont peu réceptifs à mes propositions. Il est

donc nécessaire de travailler en équipe, en relation avec les maîtres de l’élève en amont et en

aval. Je pense qu’il serait favorable pour un certain nombre d’élèves en difficulté de travailler

le geste graphique avant de penser à une autre forme de remédiation, car l’écriture peut

devenir un frein à leurs apprentissages.

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BIBLIOGRAPHIE

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- BARON, Liliane. Du graphisme à l’écriture. Tournai : Magnard, juin 1993, 160p.

- DUMONT, Danièle. Le geste d’écriture. Paris : Hatier, Novembre 2000, 143p.

- FERREIRO, Emilia. L’écriture avant la lettre. Hachette, collection Petite enfance, premiers enjeux : Maxéville, 2000, 263p.

- LE DEUN, Elisabeth. Des premières traces à l’écriture : écrire à l’école maternelle. In Cahiers pédagogiques, septembre 2002. p 61-63.

- Les chemins de l’écriture. Paris : Bordas, collection Tavernier, 1988, 103 p.

- LURCAT, Liliane. Etude de l’acte graphique. Paris : Mouton, 1974, 210p. - Ministère de l’éducation nationale. Qu’apprend-t-on à l’école maternelle ? CNDP / XO éditions, 2002. - Ministère de l’éducation nationale. Qu’apprend-t-on à l’école élémentaire ? CNDP / XO éditions, 2002. - Ma classe de maternelle, Léo et Léa pour lire, écrire, compter, grande section, Hatier. - ZERBATO-POUDOU, Marie-Thérèse. A quoi servent les exercices graphiques ? In : Repères n°26-27, 2002-2003. p 61-73. SITE INTERNET - http://methodedanieledumont.monsite.wanadoo.fr

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ANNEXES

Annexe 1 : graphisme en CP Alparslan……………………………………………………….pI Annexe 2 : graphisme en CP Mélissa………………………………………………………...pII Annexe 3 : lettres au Père Noël ……….………………………………………………….....pIII Annexe 4 : lettres au Père Noël …..………………………………………………………...pVI Annexe 5 : production CM1 …….………………………………………………………...pVIII Annexe 6 : production CE2 ………………………………………………………………...pIX Annexe 7 : production Reda…………………………………………………………….....…pX Annexe 8 : production Sarah………………………………………………………………..pXI

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I

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II

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III

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IV

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V

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VI

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VII

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VIII

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IX

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X

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XI

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Résumé

La place de l’écrit est prépondérante et la mise en place du geste d’écriture est un travail de

longue haleine, basé traditionnellement sur de nombreux exercices graphiques à l’école

maternelle. L’objectif visé se doit d’être clairement affiché. L’écriture est un apprentissage de

tous les niveaux de l’école élémentaire. Le geste est alors en lien avec la production écrite, en

cycle 2 comme en cycle 3.

Mots clés : graphisme / écriture / production / tracé / apprentissage