5
1 — Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org — Thème 17 Les probabilités sont une notion courante de la vie de tous les jours. Ainsi, lorsque vous rencontrez quelqu’un vraiment au hasard, il y a une chance sur deux qu’il soit de sexe féminin et une chance sur deux qu’il soit de sexe masculin. Pour être utile et efficace, cette notion doit être précisée par un vocabulaire et un modèle mathématique… Le latin probus (de bonne qualité) a donné différents vocables (prouver, approuver, probable, preuve, …) désignant ce que l’on peut prouver. Jeter deux dés On jette deux dés à six faces. Les dés sont supposés équilibrés, c’est-à-dire qu’il y a exactement autant de chances de sortir chaque numéro de 1 à 6. On s’intéresse à la somme des deux nombres obtenus sur les faces supérieures des dés. Le tableau suivant résume la situation. Les 36 cases intérieures du tableau indiquent la somme obtenue lorsque le dé rouge et le dé bleu indiquent les nombres en marge. On comprend facilement que chacune des cases a une chance sur 36 d’être obtenue, ce qui donne le tableau suivant : Somme Nombre de chances sur 36 2 1 3 2 4 3 5 4 6 5 7 6 8 5 9 4 10 3 11 2 12 1 Si on parie sur la valeur de cette somme, il vaut donc mieux parier sur 7 ; on gagnera six fois plus souvent qu’en pariant sur 12 (double 6). Probabilités THÈME 17 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 7 2 3 4 5 6 7 8 3 4 5 6 7 8 9 4 5 6 7 8 9 10 5 6 7 8 9 10 11 6 7 8 9 10 11 12

Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

1

— Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org —

Thème 17

Les probabilités sont une notion courante de la vie de tous les jours. Ainsi, lorsque vous rencontrez quelqu’un vraiment au hasard, il y a une chance sur deux qu’il soit de sexe féminin et une chance sur deux qu’il soit de sexe masculin.Pour être utile et efficace, cette notion doit être précisée par un vocabulaire et un modèle mathématique…

Le latin probus (de bonne qualité) a donné différents vocables (prouver, approuver, probable, preuve, …) désignant ce que l’on peut prouver.

Jeter deux désOn jette deux dés à six faces. Les dés sont supposés équilibrés, c’est-à-dire qu’il y a exactement autant de chances de sortir chaque numéro de 1 à 6.On s’intéresse à la somme des deux nombres obtenus sur les faces supérieures des dés. Le tableau suivant résume la situation.

Les 36 cases intérieures du tableau indiquent la somme obtenue lorsque le dé rouge et le dé bleu indiquent les nombres en marge.

On comprend facilement que chacune des cases a une chance sur 36 d’être obtenue, ce qui donne le tableau suivant :

SommeNombre de chances sur 36

21

32

43

54

65

76

85

94

103

112

121

Si on parie sur la valeur de cette somme, il vaut donc mieux parier sur 7 ; on gagnera six fois plus souvent qu’en pariant sur 12 (double 6).

Probabilités

THÈME

17

1 2 3 4 5 6

1 2 3 4 5 6 7

2 3 4 5 6 7 8

3 4 5 6 7 8 9

4 5 6 7 8 9 10

5 6 7 8 9 10 11

6 7 8 9 10 11 12

Page 2: Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

2 Thème 17

— Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org —

ENSEMBLE DES ÉVÉNEMENTS ÉLÉMENTAIRESDans chaque situation où l’on souhaite faire intervenir des probabilités, on doit préciser l’ensemble des événements susceptibles d’arriver et la probabilité que chacun a d’arriver. Plus précisément…

17. 1 Ensemble des événements élémentairesUne situation de probabilités est définie par l’ensemble des événements (élémentaires) possibles, E, et une fonction de probabilité, p qui, à tout événement élémentaire x, associe un nombre réel compris entre 0 et 1. Exemple :Lorsqu’on jette un dé, l’ensemble E des événements élémentaires possibles a six éléments E = {1, 2, 3, 4, 5, 6} et p(1) = p(2) = p(3) = p(4) = p(5) = p(6) = 1/6.

17. 2 PropriétésCette fonction p se généralise aux parties, P(E), de E, avec les propriétés suivantes :Pour toute partie A de E, la probabilité de l’événement A, p(A), est la somme de toutes les valeurs de p(x) pour x dans A.p : P(E) → [0 ; 1] est telle que p(Ø) = 0 et p(E) = 1.

Si les événements B et C sont complémentaires (« contraires » en terme de situation), alors p(B) + p(C) = 1.Exemples :La probabilité de l’événement « nombre pair » est 3/6 soit 1/2.La probabilité de l’événement « nombre un ou premier » est 4/6 soit 2/3.La probabilité de l’événement « ni 1 ni premier » est 1 – 2/3, soit 1/3.

Attention, les événements élémentaires de l’ensemble, E, des possibles, doivent être disjoints l’un de l’autre (« indépendants » en terme de situation) ; c’est-à-dire que la probabilité de chacun ne dépend pas de l’arrivée de l’un ou l’autre des autres.

17. 3 Modèles d’une situationLorsqu’on jette deux dés, on peut imaginer deux modèles bien différents de la situation :• soit un univers des possibles ayant 36 éléments.Ce sont les 36 paires de résultats possibles (a, b), où a ! E et b ! E, avec tous les événements élémentaires « équiprobables » : p(a, b)= 1/36.• soit un univers des possibles ayant 11 éléments, toutes les sommes possibles :

{2, 3, 4, 5, 6,7, 8, 9, 10, 11,12}.Chaque événement élémentaire a alors une probabilité particulière : p(2) = p(12) = 1/36, p(3) = p(11) =1/18, p(4) = p(10) = 1/12, p(5) = p(9) = 1/9, p(6) = p(8) = 5/36, p(7) = 1/6.

17. 4 Questions de probabilitésLa résolution des problèmes de probabilités présente quelques pièges et n’est pas toujours très simple.C’est pourquoi nous avons préféré vous montrer comment il faut faire dans quelques situations classiques…Pour chaque situation, nous avons bien précisé les ensembles d’événements élémentaires.

2D

34

56

78

910

1112

536

16191

18

112

136

1 2 3

4 5 6

E

1,2,3,5p 32=^ h

,p 4 6 31=^ h

Au collège, et donc ici, l’ensemble des événements élémentaires est « fini » : il a donc un nombre d’éléments bien fixé.

Page 3: Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

3

— Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org —

Thème 17

LES CHAPEAUXTrois personnes A, B, C reprennent, au hasard, leurs chapeaux a, b, c au vestiaire. Quelles sont les probabilités des événements…E1 : chaque personne se retrouve avec son chapeau ?E2 : une seule personne retrouve son chapeau ?E3 : aucune personne ne retrouve son chapeau ? Les personnes A, B, C peuvent se retrouver respectivement avec les chapeaux : abc acb bac bca cab cbasoit 6 événements élémentaires possibles et équiprobables (représentés, chacun, en image, par une ligne de trois bonhommes).D’où : p1 = 1/6, p2 = 3/6 = 1/2, p3 = 2/6 =1/3.

LES CHAUSSETTESDans son tiroir, papy Mouzou a une paire de chaussettes noires et une paire de grises. Il s’habille avec deux chaussettes prises dans l’obscurité. Quelle est la proba-bilité qu’il se promène avec deux chaussettes de la même couleur (événement M) ?

Il y a 4 événements élémentaires possibles et équiprobables :(N, N) (N, G) (G, G) (G, N).Attention : les 3 événements {N ; N} {N ; G} {G ; G} ne sont pas équiprobables.La probabilité cherchée est 2/4 soit 1/2.

PILE OU FACEOn joue 5 coups à Pile ou Face. Quelles sont les probabilités des événements…E0 : n’avoir jamais obtenu de Pile ?E1 : avoir obtenu 1 fois seulement Pile ?E2 à E5 : avoir obtenu Pile exactement 2 fois ? 3 fois ? 4 fois ? 5 fois ?

Il y a 32 événements élémentaires possibles et équiprobables :les 32 suites de cinq lettres où chaque lettre est P ou F.L’événement E0 correspond à 1 événement élémentaire (FFFFF) , d’où p0 = 1/32.De même, l’événement E5 correspond à 1 événement élémentaire (PPPPP) , d’où p5 = 1/32.L’événement E1 correspond à 5 événements élémentaires : (PFFFF), (FPFFF), (FFPFF), (FFFPF), (FFFFP). D’où p1 = 5/32.De même p4 = 5/32 (4 fois Pile, c’est aussi 1 fois Face).On a aussi p2 = p3. Et comme p0 + p1+ p2 + p3 + p4 + p5 = 1, on a 1/32 + 5/32 + 2p2 + 5/32 + 1/32 = 1 et donc p2 =10/32 = p3.

6 FOIS UN DÉ À 6 FACESOn jette 6 fois un dé à six faces. Quelles sont les probabilités des événements…E0 : n’avoir jamais obtenu de six ?E1 : avoir obtenu au moins une fois le six ?

Il y a 66 événements élémentaires possibles et équiprobables.Ne pas obtenir de six consiste à obtenir 1, 2, 3, 4 ou 5, six fois de suite ; cela fait 56 événements élémentaires. D’où p0 = (5/6)6, qui vaut 0,335 (arrondi au millième). E1 est l’événement contraire de E0 ; d’où p1 = 1 – p0 = 0,665 (arrondi au millième).

M

E3

E2

E1E

P P F F FP F P F FP F F P FP F F F PF P P F FF P F P FF P F F PF F P P FF F P F PF F F P PE2

F F P P PF P F P PF P P F PF P P P FP F F P PP F P F PP F P P F

P P F F PP P F P FP P P F FE3

F P F F FF F P F FF F F P FF F F F PP F F F FE1

P F P P PP P F P P

P P P F PP P P P FF P P P PE4

F F F F FE0

P P P P PE5

Pensez à vérifier que la somme de toutes les probabilités d’événements élémentaires possibles vaut 1.

Page 4: Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

4 Thème 17

— Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org —

LE PROBLÈME DE GALILÉELe prince de Toscane demanda un jour à Galilée :« Pourquoi, lorsqu’on lance 3 dés, obtient-on plus souvent la somme 10 que la somme 9, bien que ces sommes puissent être chacune obtenues de 6 façons différentes ? »

Voici ce que Galilée sut expliquer au prince de Toscane :

La somme 10 peut en effet être obtenue par{1, 3, 6} {1, 4, 5} {2, 2, 6} {2, 3, 5} {2, 4, 4} {3, 3, 4}.Et la somme 9 par {1, 2, 6} {1, 3, 5} {1, 4, 4} {2, 2, 5} {2, 3, 4} {3, 3, 3}.Lors du jet de 3 dés, il y a équiprobabilité des 216 triplets possibles (216 = 6 × 6 × 6).Cependant, il y a 6 triplets correspondant à la façon {1, 3, 6}, à savoir (1, 3, 6) (1, 6, 3) (3, 1, 6) (3, 6, 1) (6, 1, 3) (6, 3, 1) ; alors qu’il y a 3 triplets correspondant à la façon {2, 2, 6}, à savoir (2, 2, 6) (2, 6, 2) (6, 2, 2) et il y a 1 seul triplet correspondant à la façon {3, 3, 3}.La somme 10 peut ainsi être obtenue à partir de (6 + 6 + 3 + 6 + 3 + 3) soit 27 triplets différents ; et la somme 9 à partir de (6 + 6 + 3 + 3 + 6 + 1) soit 25 triplets différents. Remarque : Le prince de Toscane aurait pu trouver tout seul la solution car le même phénomène se produit avec deux dés seulement. Ainsi la somme 9 peut être obtenue de deux façons : {3, 6} et {4, 5} ; et la somme 10 aussi : {4, 6} et {5, 5}.Pourtant la somme 9 a plus de chances d’arriver que la somme 10 (la raison est du même type que pour 3 dés : le double 5 ne vaut qu’un événement élémentaire, alors que les autres façons en valent deux).

AU 421Le 421 est un jeu qui se joue en lançant trois dés. Quelles sont les probabilités d’obtenir (au premier lancer)…• 421 ?• une tierce (321 ou 432 ou 543 ou 654) ?• deux 1 et un autre numéro ?• un triplet (111) ou (222) ou (333) ou (444) ou (555) ou (666) ?• nénette (221) ?

Ici encore on peut choisir le modèle à 216 événements élémentaires.421 peut s’obtenir grâce à 6 événements élémentaires (les 6 façons de faire 4, 2 et 1 avec chacun des trois dés). Probabilité : 6/216 soit 1/36.

Une tierce peut prendre 4 valeurs, chacune obtenue de 6 façons différentes. Probabilité : 4×6/216 = 1/9.

Deux 1 et un 2 peuvent s’obtenir de 3 façons différentes, selon le dé qui présente le 2. Cela pour chacun des 5 chiffres de 2 à 6. Probabilité : 3×5/216 soit 5/72.

Trois 1 ne s’obtient que grâce à 1 événement élémentaire. Probabilité : 1/216.Un triplet quelconque a donc pour probabilité 6/216, soit 1/36.

Nénette peut s’obtenir de 3 façons différentes selon le dé qui présente le 1. Probabilité : 3/216 soit 1/72.Au total, cela fait 54/216, soit exactement 1 chance sur 4 de faire mieux que « rien » au 421, et 3 chances sur 4 de n’avoir rien.

Galileo Galilei

Cosme II, grand-duc de Toscane

Page 5: Encyclopédie Kangourou - Probabilités · 2019. 9. 25. · 1 Encclopédie anourou des matématiues au collèe .matan.or Tème 17 Les probabilités sont une notion courante de la

5

— Encyclopédie Kangourou des mathématiques au collège — www.mathkang.org —

Thème 17

Condorcet (1743-1794)

LE JEU DU DIABLELe diable vous propose de jouer aux dés pendant toute une journée, vous avec un dé, lui avec un autre dé. À chaque lancer, celui qui fait le plus grand nombre gagne un point ; et à la fin de la journée, celui qui a le plus de points a gagné.Cependant, il vous laisse choisir votre dé parmi trois dés, lui prenant alors l’un de ceux que vous n’avez pas choisis.— Vous pouvez choisir ainsi, vous dit-il, le dé que vous estimez le meilleur ! Les trois dés (à six faces) sont les suivants : Le dé A présente 2 fois chaque nombre

1, 6, 8. Le dé B présente 2 fois chaque nombre

2, 4, 9. Le dé C présente 2 fois chaque nombre

3, 5, 7. Le diable est évidemment très fort ! Et, dans ce jeu où il semble vous laissez le choix du meilleur dé, il est encore plus fort que vous le croyez.Car quel que soit votre dé choisi, il pourra en choisir un meilleur que le vôtre ! En effet, si vous choisissez le dé A, il choisira le dé B, qui gagnera sur le A, en moyenne, 5 lancers sur 9.Et si vous choisissez le dé B, il choisira le dé C, qui gagnera sur le B, en moyenne, 5 lancers sur 9.Et si vous choisissez le dé C, il choisira le dé A, qui gagnera sur le C, en moyenne, 5 lancers sur 9.Aussi incroyable que cela paraisse, en termes de performance moyenne, le classement des dés deux à deux n’est pas « transitif ». Ainsi, on pourrait écrire

A > C > B > A. Vous pouvez le vérifier sans peine en établissant les tableaux suivants :

12B

4B

B9B

6 A A B8 A A B

A

23C

5C

C7C

4 B C C9 B B B

B

31C

6A

A8A

5 C A A7 C C A

C

Une étude plus poussée montrerait que, en jetant 100 fois les deux dés, le diable à 97,7 chances sur 100 d’avoir plus de points que vous…

816

9247

35

Un autre cas de non-transitivité étonnant : l’effet Condorcet.L’existence de ces trois dés « non transitifs » est toujours une énorme surprise pour ceux qui ne connaissaient pas cette possibilité.La situation ressemble à l’effet Condorcet.Cet effet peut se rencontrer, par exemple, lorsqu’il s’agit d’élire, à la majorité, un président parmi 3 candidats A, B et C. Si on vote alors deux candidats par deux candidats, on peut se trouver dans une situation où une majorité de votants préfèrent A à B, mais aussi B à C, tout en préférant C à A : de sorte qu’il n’y a pas transitivité des préférences collectives !Et pourtant chaque votant est cohé-rent, puisqu’il respecte la transitivité de ses propres préférences. Voici un cas où les préférences de chacun débouchent sur un effet Condorcet :

Nombre de votants pour ce triplet

Tripletde préférences

14A > B > CA > C > BB > A > CB > C > AC > A > BC > B > A

341176

Pour un tel ensemble de 45 votants, à la majorité…A > B pour 24 votants,B > C pour 29 votants,C > A pour 24 votants,A > B > C > A !