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English pour kinésithérapeute ou français for physiotherapist English for "kinésithérapeute'' or French for physiotherapist I l fut un temps le français était la langue de la diplomatie. Les nuances de cette langue permettaient alors de mettre du son sur ce qui avait du sens. Échanger avec autrui ce que l'on pense, ressent, ou conceptualise nécessite que le mot utilisé ait la même signication pour celui qui parle et celui qui entend. Il ne s'agit que de simples règles de communication. Trouver le qualicatif qui permet de nuancer la pensée, nécessite une langue riche. Encore faut-il que chacun en connaisse le sens évitant ainsi les incompréhensions par contre-sens. Le Dictionnaire de l'Académie Française fut commencé au 17 e siècle. Dans sa sixième édition de 1835 [1], le préfacier se réjouissait que cette langue française fut la même et donc intelligible par tous même si certaines évolutions étaient nécessaires. Même si en ce temps « Notre idiome, poussé en tous sens par les modes étrangères, le travail des savants, la libre confusion des dialectes populaires, était tantôt italianisé, tantôt latinisé, et tantôt gasconnait ». Notre langue évolue et s'enrichit de mots nouveaux qualiant les découvertes. Les mots de la science vivent la même aventure. Si les savants d'il y a plus de 3 siècles participèrent à l'évolution de la langue, les choses se poursuivent au 21 e siècle. La langue française qui fut la langue de « l'esprit des lois » de Montesquieu, de la diplomatie est désormais remplacée par l'anglais. Cette dernière est aussi langue de la science. La majorité des publi- cations sont en langue anglaise et il est un poncif de dire que pour que vos travaux soient lus, il les faut en anglais. Lorsque la revue de la littérature se fait pour une analyse scientique, la bibliographie est à 99 % en anglais. Un article en anglais cela fait bien, c'est forcément sérieux. Si c'est publié en anglais, on pourrait croire que c'est évidemment scientique. . . Sauf que, il y a « la version » et « le thème ». Les aller retours ne se font pas forcément sans erreurs. Ces erreurs sont présentes chez tous, y compris à la Haute Autorité de santé (HAS). Le service d'évaluation de la (HAS) a produit en 2010 un document sur les dispositifs de compres- sion médicale à usage individuel [2] concernant leur utilisation en pathologies vasculaires. Se basant sur la bibliographie anglo-saxonne dans la langue anglaise, seul le terme « compres- sion » existe alors que celui de « contention » n'a pas de traduction vasculaire, la HAS précise : le terme de compression est utilisé dans ce rapport en tant qu'appellation générale pour désigner tantôt la compression par textile élastique, tantôt la compression par un textile iné- lastique (ou contention) (p. 12 et 34). Cette utilisation homonymique de deux termes totalement opposés, conduit forcément à des contre-sens. Pour simple illustration les justaucorps des gymnastes sont en tissu élastique (compression) alors que les camisoles de force sont en toile non élastique (contention). On imagine facilement ce qui serait advenu de leurs emplois si les tissus avaient été inversés : la contention remplaçant la compression et inversement. Sans vulgariser à outrance cette comparaison, cette distinction est similaire à celle de l'usage du sucre et du sel en cuisine dont les inversions seraient plus que hasardeuses. Le kinésithérapeute français a l'énorme avantage de la distinction du sens de ces deux mots dont dépendent toutes les indications, les contre-indications, les adaptations nuancées des banda- ges qu'il met en place. Cette différence fondamentale a échappé aux théoriciens de la pratique alors que les kinésithérapeutes qui mettent en place des bandages, sont des praticiens de la théorie. Les recommandations ne restent valides qu'un temps, elles seront à remanier. Il sera nécessaire et légitime que les kinésithérapeutes soient intégrés dans les groupes de travail qui concernent la pratique de leur profession. Références [1] Institut de France. Dictionnaire de l'Académie française, 6 e ed. Paris: Firmin Didot; 1835. [2] HAS. Dispositifs de compression médicale à usage individuel concernant leur utilisation en pathologies vasculaires. Révision de la liste des produits et prestations remboursables. Service évaluation des Dispositifs; 2010. Jean-Claude Ferrandez Institut Sainte-Catherine, 250, chemin de Baigne-Pieds, 84918 Avignon cedex 9, France Adresse e-mail : [email protected] Kinesither Rev 2014;14(154):1 Éditorial http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.08.001 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1

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Kinesither Rev 2014;14(154):1 Éditorial

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ou français for physiotherapist

English for "kinésithérapeute'' or Frenchfor physiotherapist

Jean-Claude Ferrandez

I l fut un temps où le français était la langue de la diplomatie. Les nuances de cette languepermettaient alors de mettre du son sur ce qui avait du sens. Échanger avec autrui ce que l'onpense, ressent, ou conceptualise nécessite que le mot utilisé ait la même signification pour

celui qui parle et celui qui entend. Il ne s'agit là que de simples règles de communication. Trouverle qualificatif qui permet de nuancer la pensée, nécessite une langue riche. Encore faut-il quechacun en connaisse le sens évitant ainsi les incompréhensions par contre-sens.Le Dictionnaire de l'Académie Française fut commencé au 17e siècle. Dans sa sixième édition de1835 [1], le préfacier se réjouissait que cette langue française fut la même et donc intelligible partous même si certaines évolutions étaient nécessaires. Même si en ce temps « Notre idiome,poussé en tous sens par les modes étrangères, le travail des savants, la libre confusion desdialectes populaires, était tantôt italianisé, tantôt latinisé, et tantôt gasconnait ». Notre langueévolue et s'enrichit de mots nouveaux qualifiant les découvertes.Les mots de la science vivent la même aventure. Si les savants d'il y a plus de 3 sièclesparticipèrent à l'évolution de la langue, les choses se poursuivent au 21e siècle. La languefrançaise qui fut la langue de « l'esprit des lois » de Montesquieu, de la diplomatie est désormaisremplacée par l'anglais. Cette dernière est aussi langue de la science. La majorité des publi-cations sont en langue anglaise et il est un poncif de dire que pour que vos travaux soient lus, illes faut en anglais. Lorsque la revue de la littérature se fait pour une analyse scientifique, labibliographie est à 99 % en anglais. Un article en anglais cela fait bien, c'est forcément sérieux.Si c'est publié en anglais, on pourrait croire que c'est évidemment scientifique. . .Sauf que, il y a « la version » et « le thème ». Les aller retours ne se font pas forcément sanserreurs. Ces erreurs sont présentes chez tous, y compris à la Haute Autorité de santé (HAS). Leservice d'évaluation de la (HAS) a produit en 2010 un document sur les dispositifs de compres-sion médicale à usage individuel [2] concernant leur utilisation en pathologies vasculaires. Sebasant sur la bibliographie anglo-saxonne où dans la langue anglaise, seul le terme « compres-sion » existe alors que celui de « contention » n'a pas de traduction vasculaire, la HAS précise :le terme de compression est utilisé dans ce rapport en tant qu'appellation générale pourdésigner tantôt la compression par textile élastique, tantôt la compression par un textile iné-lastique (ou contention) (p. 12 et 34). Cette utilisation homonymique de deux termes totalementopposés, conduit forcément à des contre-sens. Pour simple illustration les justaucorps desgymnastes sont en tissu élastique (compression) alors que les camisoles de force sont en toilenon élastique (contention). On imagine facilement ce qui serait advenu de leurs emplois si lestissus avaient été inversés : la contention remplaçant la compression et inversement. Sansvulgariser à outrance cette comparaison, cette distinction est similaire à celle de l'usage du sucreet du sel en cuisine dont les inversions seraient plus que hasardeuses.Le kinésithérapeute français a l'énorme avantage de la distinction du sens de ces deux mots dontdépendent toutes les indications, les contre-indications, les adaptations nuancées des banda-ges qu'il met en place. Cette différence fondamentale a échappé aux théoriciens de la pratiquealors que les kinésithérapeutes qui mettent en place des bandages, sont des praticiens de lathéorie.Les recommandations ne restent valides qu'un temps, elles seront à remanier. Il sera nécessaireet légitime que les kinésithérapeutes soient intégrés dans les groupes de travail qui concernent lapratique de leur profession.

Institut Sainte-Catherine,250, chemin de

Références Baigne-Pieds, 84918Avignon cedex 9, France

Adresse e-mail :[email protected]

[1] Institut de France. Dictionnaire de l'Académie française, 6e ed. Paris: Firmin Didot; 1835.[2] HAS. Dispositifs de compression médicale à usage individuel concernant leur utilisation en pathologies

vasculaires. Révision de la liste des produits et prestations remboursables. Service évaluation desDispositifs; 2010.

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.08.001© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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