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34 Enquête QUAND LA CHIMIE S’EVEILLERA Elle fournit la quasi-totalité des autres industries (automobile, construction, sidérurgie, textile, etc.) et fait travailler en France 180.000 salariés, pour un CA 2008 de 85,8 Md, dont 45,4 Mdà l’export. Elle, c’est la chimie, qui a dû affronter de plein fouet les effets de la crise et du déstockage de ses clients. En 2009, la baisse de production était estimée à 15 % et la visibilité en ce début d’année 2010 reste réduite. Autant le Supply Chain Management n’a pas semblé jouer un rôle crucial dans la première partie de la crise, autant il peut s’avérer salutaire pour gérer convenablement la remontée du niveau des commandes, dans un secteur où la flexibilité est si difficile à atteindre. N°41 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2010 ©Rhodia

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QUAND LA CHIMIES’EVEILLERA

Elle fournit la quasi-totalité des autres industries (automobile, construction, sidérurgie, textile, etc.) et fait travailler en France

180.000 salariés, pour un CA 2008 de 85,8 Md€, dont 45,4 Md€ à l’export.Elle, c’est la chimie, qui a dû affronter de plein fouet les effets de la crise

et du déstockage de ses clients. En 2009, la baisse de production était estimée à 15 % et la visibilité en ce début d’année 2010

reste réduite. Autant le Supply Chain Management n’a pas semblé jouer un rôle crucial dans la première partie de la crise, autant il peut s’avérer

salutaire pour gérer convenablement la remontée du niveau des commandes, dans un secteur où la flexibilité est si difficile à atteindre.

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a volatilité, les acteurs dumonde de la chimie saventtrès bien ce que cela veutdire. Sauf qu’aujourd’hui,ce terme s’applique nonplus seulement aux pro-

priétés physiques de certains de leursproduits, mais également aux com-mandes de leurs clients. La chimie, enparticulier la pétrochimie, est l’un des secteurs où la visibilité sur lademande est la plus faible quant à uneéventuelle reprise du marché. Lachute de la demande a commencé fin2008, entraînant dans la plupart descas en 2009 un déstockage massif dela part des clients. Depuis, le marchéa connu un léger mieux. En novem -bre 2009, la note de conjoncture duCefic (Conseil européen de l’indus-trie chimique) confirmait « l’amélio-ration régulière de la production chimique européenne depuis la chute

brutale enregistrée en décembre 2008 ». Cela dit, sur la période de jan-vier à août 2009, la production chi-mique européenne est encore en deçàde 16,9 % par rapport à 2008. « Il n’ya plus une journée qui ressemble àune autre, ni d’indicateurs pertinents,ni de prévisions fiables. Depuis plusd’un an, on jongle avec des volumesannoncés le jour A, dénoncés le jourB, réduits de moitié le jour C »,déplore Nicolas Fromentin, Directeurdu département logistique des pro-duits chimiques chez le prestatairelogistique Daher.

Les deux chimiesPour affronter dans l’urgence cettecrise sans précédent, tant par sonampleur que par sa rapidité, le SupplyChain Management ne semble pasavoir été le levier le plus naturel. Dansun premier temps en effet, la réactiondes industriels a été souvent assezradicale : certaines usines ont sus-pendu leur production pendant dessemaines, avec mises au chômage

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partiel, voire même des fermetures desites. « Il y a très peu de latitude surl’utilisation de la capacité de produc-tion, car c’est généralement un non-sens économique de faire tourner uneusine chimique à 70 % de sa capacité,alors que d’autres secteurs disposentd’un peu plus de flexibilité », faitremarquer Luc Baetens, DirecteurFrance du cabinet de conseil Möbius.Tout en faisant tout de même le dis-tinguo entre deux types d’activités :d’une part, la chimie de base etd’autre part, la chimie de produits despécialités. Dans la chimie de base,de très grosses usines produisent encontinu un nombre limité de produitsdifférents, mais en très grande quan-tité, avec une densité de valeur assezfaible. Sur ce segment, il y a très peude latitude sur l’utilisation de la capa-cité. « La seule chose que l’on puisseencore faire, sur le court terme, c’estd’augmenter le volume de ce que l’onappelle le « swap ». Si l’on fabriquetrop de tel produit, on peut échangeravec un concurrent qui n’en fabriquepas assez pour ses besoins mais tropde tel autre », explique Luc Baetens.Au contraire, dans la chimie de spé-cialités, réalisée à partir de la chimiede base, on trouve des gammes deproduits très étendues, plus différen-ciés et à plus forte valeur ajoutée. « Ily a davantage de liberté d’utilisationde la capacité, les installations sontplus petites. Les techniques d’optimi-sation Supply Chain issues d’autressecteurs sont valables comme le cal-cul de stock de sécurité ou la planifi-cation sur les tailles de lot basées surdes prévisions de vente », ajoute-t-il.

Sortir de la logique d’achattransport ligne à ligne« Sur la partie production, en chimielourde, ce sont souvent des flux pous-sés, avec un nombre d’articles limité.En fait, la complexité de planificationet d’ordonnancement se retrouve sur-tout du côté de la chimie fine, où lesoutils de production sont générale-ment multi produits, pour un grandnombre de produits, avec un séquen-

Friedrich Laubscher, Directeur Service Clients et Logistique

de Bayer Cropscience France« Nous avons réduit les stocks de moitié entre 2003 et 2008 »

En matière de Supply Chain,chez Bayer Cropsc ience

France, notre problématiqueprincipale se situe à deux niveaux.Sur la partie aval tout d’abord,il y a un besoin fort de réactivité

pour livrer nos clients le plus rapi-dement possible. La moindrevariation climatique, une attaquesoudaine d’insectes ou l’appari-tion d’une maladie ou de cham-pignons peuvent multiplier lademande de certains produits pardeux du jour au lendemain.Heureusement, cela ne concernepas 100 % de la demande, maisenviron 20 % – tout en allant dusimple au double pour certainsproduits spécifiques –, ce qui est tout de mêmeconsidérable. Par ailleurs, plus en amont, les délaisde réalisation (Lead Times) de nos produits, à par-tir de composants de synthèse, dépassent les 12 mois. C’est très long par rapport aux fluctua-tions de la demande. La difficulté est d’apprécier lejuste équilibre entre le service au client et le niveaudes stocks. L’enjeu est important. Nous travaillonsavec nos clients sur l’amélioration de la partie pré-visions et sur la gestion des stocks à différentsniveaux (matières premières, matières actives, pro-duits pré formulés, conditionnés). Depuis 2005,nous avons mis en place un processus S&OP avecune gestion des prévisions sur 24 mois mobiles pararticle et par mois. Cela a amorcé un changement,une perception différente par rapport à des pro-blématiques dont tout le monde n’avait pas forcé-ment conscience. Les commer-ciaux, notamment, sont désor-mais sensibilisés aux contraintesde stock. Pour la partie France,nous avons réduit les stocks demoitié entre 2003 et 2008.D’autres actions sont en cours deréflexion, comme l’harmonisationdu conditionnement et une ratio-nalisation du catalogue articleentre les différents pays ».

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Nom : Bayer Cropscience France(groupe Bayer)Secteur : chimie fine phytosanitaireLivraisons : 25.000 t par an (1 t par livraison en moyenne)Nombre de références :entre 300 et 330

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cement des productions, des con -traintes de nettoyage de cuves, et lapossibilité de jouer sur des tailles delots », affirme Arnaud Proriol, Direc -teur du développement chez Ortems,éditeur français d’outils d’ordonnan-cement et d’optimisation de produc-tion et des stocks, notamment pour lesecteur de la chimie. « Il y a une vraiesegmentation du secteur, confirme deson côté Nicolas Fromentin (Daher).Les acteurs de la chimie de base oude la pétrochimie considèrent qu’ils

n’ont pas besoin de Supply Chainpoussée et se contentent de gérer lespriorités. Mais il y a 15 à 20 % desflux, sur certains segments de spécia-lités chimiques, qui nécessitent dessystèmes spécifiques de pilotage de laSupply Chain », estime-t-il. Daherfait d’ailleurs partie d’une alliance,Eurteam, créée en 2007 avec d’autresprestataires européens, dont l’objectifest de se positionner comme organi-sateur de Supply Chain mondialedans le domaine de la chimie. A encroire les prestataires logistiques, ledomaine n’est pas aujourd’hui le plusdynamique en la matière. « La chimieest le secteur où nous rencontrons le

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Olivier Clément, Directeur Supply Chain de Chevron Oronite S.A.

« Nos clients et fournisseursne sont pas encore

tout à fait prêts pour le ferroviaire »

Depuis 15 ans, nous avons beau-coup progressé en termes de mas-

sification dans le domaine du trans-port maritime, qui représente la moitiéde nos flux. Notre démarche aujour-d’hui est d’aller plus loin sur la partieferroviaire et fluviale, pour des raisonsqui sont liées à la fois au développe-ment durable et à la préservation de la planète, à la sécurité des personnes, ànotre situation géographique auHavre (projets Port 2000 et Grand Portde Paris), mais aussi à la possibilité deréduire la complexité des opérations.Chevron Oronite participe aux discus-sions en cours avec la Chambre deCommerce et d’Industrie havraise ausujet de la constitution d’un opérateurferroviaire de proximité (OFP) au Havre qui devraitagréger des trains complets à partir de wagons isolésissus de différents acteurs de la zone portuaire. Maisnous constatons que ni nos clients, ni nos fournisseursne sont encore totalement prêts pour ce changement.Ils sont pourtant nombreux à disposer d’un embran-chement fer, mais n’ont pas toujours l’infrastructurepermettant de le relier aux réservoirs de stockage. Etcela représente des investissements dépassant la cen-taine de milliers d’euros, que nos fournisseurs et clientsne semblent pas encore prêts à consentir. Même si unwagon de 55 t contient le double d’un semi-remorque,le transport ferroviaire reste encore souvent économi-quement moins intéressant et avecdes taux de livraisons dans les délaisqui ont du mal à dépasser les 75 %. Ilfaudrait pouvoir fournir à nos clientsdes projections chiffrées de l’évolu-tion du taux de fret ferroviaire parrapport à la route sur les années quiviennent et rendre plus intelligiblesles futures réglementations sur letransport routier. Cela dit, je penseque la situation devrait évoluer d’ici2011 ou 2012, et que la réflexion surle long terme l’emportera. »

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plus de difficultés à nous positionneren tant qu’organisateur transport etSupply Chain, par comparaison avecle secteur FMCG par exemple, cons -tate Hervé Montjotin, Directeur géné-ral du Groupe Norbert Dentressangleen charge de l’activité Transport. Auquotidien, il est difficile de sortir decette logique d’achat transport ligneà ligne, avec un rapport de force quialterne, soit en faveur de l’acheteurcomme c’est le cas actuellement, soiten faveur du transporteur, comme en2006-2007. » Malgré cela, NorbertDentressangle, dont la division trans-port réalise 20 % de son chiffre d’af-faires (soit 300 M€) avec des clientsde la chimie, a tout de même réussi àdévelopper des approches partena-riales à plus long terme sur le pilotagedu transport avec certains groupescomme Exxon ou Huntsman.

L’approche globale des prestataires a peu d’échoHervé Montjotin avance un débutd’explication au comportement courtterme de cette industrie : « Les entre-prises du secteur de la chimie sontpeut-être restées plus cloisonnéesdans leurs fonctions, avec d’une partles achats transport et d’autre part laSupply Chain, sans avoir une visionconsolidée de l’ensemble pour lemoment. C’est pourtant là où nousavons le plus de valeur à apporter ànos clients ». Son concurrent GeodisBM fait la même analyse. « Jusqu’àprésent, nous avons constaté que lesindustriels de la chimie, contraire-ment aux gaziers, préféraient généra-lement l’approche classique desnégociations de prix transport surtrois, voire deux ans, à des approchesplus globales de type pilotage de flux(4PL, modélisation de plan de trans-port, mise en œuvre d’économiesgrâce à l’informatique embarquée,etc.) », note Olivier Mélot, son PDG.A quelques exceptions près, quiconfirment la règle. Comme dans lesecteur des lubrifiants, où Geodis BMgère depuis trois ans pour un groupeanglo-saxon le transport en vrac et la

Nom : Chevron Oronite S.A.Couverture : Europe, Afrique,Moyen-OrientUsine principale : Le HavreSecteur : additifs pour les lubrifiants, carburants etproduits chimiquesLivraisons : environ 300.000 tpar anNombre de références :environ 250

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livraison vers les ateliers d’entretienautomobile, sur un modèle facturé aulitre transporté et livré, et avec desindicateurs de performance à respec-ter. C’est le prestataire qui reçoit les commandes directement depuisl’ERP (SAP) de son client, modéliseles tournées (par semi-remorquesmulti compartimentés) et déclenchemême éventuellement la productiond’huile chez son client. « Le client n’apas de charges fixes, c’est à nousd’être capables, par la visibilité surles commandes, d’anticiper les picsd’activité, ce qui permet de réduireles stocks. En termes de SupplyChain, il y a un vrai intérêt à tra-vailler en étant beaucoup mieuxconnecté », insiste Olivier Mélot.

Le S&OP a un rôle critiqueParadoxalement, cette plus grandecollaboration, notamment avec lesprestataires, est pourtant appelée de

ses vœux depuis plusieurs années parl’ensemble de la profession au niveaueuropéen, si l’on en juge par les rap-ports publiés sur le sujet en 2004 et2005 par le CEFIC et l’EPCA (Euro -pean Petrochemical Associa tion). Lestitres parlent d’eux-mêmes : « SupplyChain Excellence in the EuropeanChemical Industry » et « Maximi-sing Performance : the Power ofSupply Chain Collaboration ». Cesdocuments soulignent d’ailleurs quel’industrie chimique est l’un des sec-teurs où la dépense en transport etlogistique a la part relative la plusimportante, puisqu’elle représenteenviron 10 % du CA. Malgré cela, etcontrairement à d’autres secteurs, lesResponsables Supply Chain sont trèsrarement représentés aux Comités deDirection. Ce qui n’empêche pas laplupart des grands groupes d’avoirdéjà mis en place des processus detype S&OP (Sales & Operations

Olivier Mélot, PDG de Geodis BM :« Jusqu’à présent, nous avonsconstaté que les industriels de la chimie, contrairement auxgaziers, préféraient généralement l’approche classique des négociations de prix transport... »

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Planning, voir encadré Bayer Crops -cience p. 36). C’est le constat que faitl’éditeur américain WAM System,spécialisé dans les logiciels de plani-fication pour la chimie, qui mènechaque année depuis 2006 un bench-mark sur le sujet. « Nous vivons unepériode de grande incertitude où il ya davantage de variabilité dans tous les domaines, le prix desmatières premières, les réglementa-tions, la demande, les tarifs, en parti-culier depuis deux ans, résume JohnKamal, son Directeur Général. LeS&OP permet de construire desmodèles de planification sur des hori-zons de 12 à 24 mois, de bâtir diffé-rents scenarios, en fonction de l’évo-lution du cours des matières pre-mières, de la demande. Nous avonsconstaté qu’il y a une forte corréla-tion entre les sociétés qui ont mis enœuvre ce type de processus et leursperformances opérationnelles. C’estaussi celles qui ont les niveaux destocks les moins élevés », place-t-il.Même dans une période où la fiabilitédes prévisions est mise à mal. « Jepense que dans la situation fluctuanteactuelle, les processus de la SupplyChain s’en trouvent renforcés. En par-ticulier, la revue S&OP a chez nous unrôle encore plus critique, car c’est lemoyen de rapprocher les gens pourprendre des décisions, des risques encommun, pour estimer ensemble com-ment évolue la demande », considèreOlivier Clément, Directeur SupplyChain de Chevron Oronite (voir enca-dré page 38).

La VMI mise entre parenthèsesAvec les clients, l’idée de la collabo-ration fait son chemin. Des projets deVMI (Vendor Managed Inventory) sesont développés ces dernières années,par exemple chez Solvay, Arkema oul’Allemand Kruse. Dans ce cas, lefournisseur est le seul responsable del’approvisionnement chez son client.L’objectif est de pouvoir réagir plusrapidement, même en cas de consom-mations imprévisibles, et de mieux

Matthieu Yence, en Charge du projet Inventory Step

Change chez Rhodia« Nous avons mis en placeune démarche mondialed’amélioration continue »

Fin 2005, la direction industrielle deRhodia a lancé un grand programme

d’optimisation des stocks baptiséInventory Step Change. A l’origine, legroupe était confronté à un problèmede besoin en fonds de roulement (BFR)important et cherchait à libérer du cash.L’objectif était de dimensionner le stockde manière optimale et de mettre en place des chantiers d’améliorationciblés, de type Lean Manufacturing, afinde réduire les contraintes qui pèsent surles stocks. Nous avons adapté les prin-cipes existants de dimensionnement desstocks aux spécificités de notre métier(équipements, process, terminologie) afin de définir les« stocks juste nécessaires » (Just Needed Inventory)pour l’ensemble de nos lignes de production. Le stockcomporte sept composantes qui reflètent l’ensembledes contraintes industrielles ou commerciales de laligne de production ou du marché concernés. Suivantqu’il s’agisse d’une ligne mono ou multi produits parexemple, la taille des campagnes pourra influer ou nonsur l’une des composantes du stock. Cette « grille d’éva-luation » utilisée pour le suivi des stocks permet nonseulement de déterminer le stock optimal mais aussi deguider nos actions prioritaires sur nos process, visant àaméliorer les contraintes industrielles. Une composantedu stock peut être liée par exemple à la taille de noscampagnes de production, qui est aujourd’hui princi-palement déterminée par le coût et la durée des opé-rations d’inter campagnes (lavage des cuves). De ce fait,si nous sommes capables de réduire ces temps et cescoûts, il est alors possible de gagner en flexibilité et auniveau de nos stocks. Même chose concernant desactions sur la partie qualité, sur la maintenance préven-tive ou sur les démarches de type VMI. Pour résumer,nous avons mis en place une démarche mondialed’amélioration continue de nos stocks, s’appuyant surdes indicateurs et des tableaux de bord homogènesainsi que sur une formation déployée auprès de l’en-semble des Supply Chain Managers, sur la totalité des160 lignes de production que compte le groupe. Tousces efforts ont contribué significativement à la réduc-tion régulière du BFR de Rhodia depuis plusieurs trimestres. »

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planifier sa production et ses tournéesde livraisons à partir de la quantitéexacte mesurée directement dans les réservoirs des clients. « La valeurajoutée qu’apporte le VMI au four-nisseur, c’est de pouvoir lisser lacharge de travail en choisissant lemoment opportun de réapprovision-ner le client. Pour que cela soit inté-ressant, il faut que les capacités destockage à l’arrivée soient suffisam-ment importantes par rapport auxflux de réapprovisionnement. Or,dans la période actuelle de réductiondes stocks, la marge de manœuvre estassez réduite. Le déstockage actuel neva pas dans le sens du VMI », relati-vise Olivier Clément. Un autre typede collaboration horizontale, spéci-fique au secteur de la chimie, tend àse développer : celui des échangesavec ses concurrents quand l’indus-triel n’a pas la capacité suffisantepour répondre à la demande d’unclient. « Les process de type EST(Exchange, Swaps and Tolls, soit enfrançais échanges, trocs et péages)sont de plus en plus utilisés comme unmécanisme permettant tout à la foisde réduire les coûts de transport,d’ouvrir l’accès à de nouveaux mar-chés et de réduire l’empreinte car-bone », affirme ainsi Declan Supple,Consultant chez Accenture.

La revanche de la Supply ChainMais cet accord un peu contre naturene peut s’envisager qu’au coup parcoup, sur le court terme. Pour faireface à la remontée attendue des com-mandes, dans un avenir plus ou moinsproche, les équipes de Supply ChainManagement devraient théorique-ment jouer les premiers rôles. « Avecla réduction des stocks, le caractèreurgent des commandes clients s’in-tensifie et la réactivité du fournisseurest un vrai argument, encore plusqu’avant », souligne Nicolas Fro -men tin. Les nécessités de réductiondu besoin en fonds de roulement(BFR) ont conduit jusque-là à ratio-naliser les processus achats et à faire

baisser les niveaux de stocks (en utili-sant des techniques de Lean commechez Rhodia, voir encadré page 40),mais la démarche a évidemment deslimites. « Plutôt que de réduire encorenos stocks, nous choisissons de mieuxlivrer nos clients. Car aujourd’hui, au-delà des efforts de coûts, il nous estdemandé de garantir une fiabilité de laSupply, avec des plans de contingente-ment, de secours, pour ne pas tomberen rupture. C’est récent et c’est sansdoute lié à la baisse des stocks cheznos clients », avance Olivier Clément.« La crise fait apparaître de manièrecriante le besoin d’outils précis pouraccroître la visibilité future, permettrede faire des simulations et remettre encause les plans beaucoup plus rapi-dement chaque fois que le contexte dela demande change », souligne poursa part Arnaud Proriol.

Eviter les à-coups du redémarrageDans certains cas, faute de stocks, lesindustriels seront parfois amenés àfaire un choix cornélien. Selon LucBaetens, « il est possible de déciderquels clients livrer ou pas, en fonctionde leur caractère stratégique ou non,ou de leur politique multi fournisseurs.Dans ce cas, il faut pouvoir être àmême de refuser la commande tout desuite, pratiquement dans les 24 heures,afin de laisser le temps au clientd’acheter le produit chez un concur-rent. Cela nécessite d’avoir une visibi-lité sur toutes les commandes, lesstocks et les produits en cours de pro-duction. C’est là que se joue l’équili-brage à court terme. On entre dans deslogiques ATP (Available to Promise)qui dépendent énormément de lamaturité de la planification ». Et de lamise en place d’outils informatiquesd’ordonnancement. « Les redémar-rages, que certains ont commencé àpercevoir depuis mi 2009, ont ten-dance à créer des pics d’activité quiremontent la chaîne, déroule ArnaudProriol. Les clients finaux, qui avaientdestocké, relancent la production etles commandes. Et si tout le monde se

Luc Baetens, Directeur France chez Möbius : « En chimie de spécialités, les techniques d’optimisationSupply Chain issues d’autres secteurs sont valables comme le calcul de stock de sécurité ou la planification sur les tailles de lotbasées sur des prévisions de ventes »

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Arnaud Proriol,Directeur du développement chez Ortems : « Lors des pics d’activité, il fautprendre en compte les articlesprioritaires, les clients prioritaires,c’est là où il y a besoin de planification et où l’ordonnancement entre en jeu ».

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met à commander en même temps,cela crée des goulots d’étranglement,avec un effet d’à coups. Dans ce cas,il faut prendre en compte les articlesprioritaires, les clients prioritaires.C’est là où il y a besoin de planifica-tion et où l’ordonnancement entre enjeu. Sur du très court terme, il est eneffet crucial de savoir commentséquencer finement les productionsdurant la semaine pour répondre à telou tel changement de priorité ou decommandes. » Un autre levier deflexibilité possible, pour les indus-triels multi sites, est de jouer sur leszones de chalandises respectives. Siles croissances et décroissances desmarchés géographiques ne tombentpas au même moment, il peut êtreenvisageable de modifier les flux desdifférentes usines pour maintenir desniveaux de production économique-ment viables. « C’est là où l’anticipa-tion avec le processus S&OP est cru-

ciale, car si l’on est capable de voircela trois ou quatre mois à l’avance,on peut se préparer et trouver lacapacité de transport sur une zonedonnée. Cela suppose également quedans le contrat commercial avec sonclient, l’on ait inclus la possibilité dechanger de source d’approvisionne-ment. Idem pour le transport, il fautessayer d’avoir autant que faire sepeut le même prestataire de transportqui livre les mêmes marchés à partirdes différentes usines », précise LucBaetens.

Le chantier du volet transportLe transport, sous toutes ses formes,est d’ailleurs un point important surl’agenda du Responsable SupplyChain. En France, l’Union des Indus -triels de la Chimie (UIC) milite acti-vement pour l’autorisation de circula-tion des poids lourds de 44 ton nes

Hervé Montjotin, Directeur Général du groupe Norbert Dentressangle en charge de l’activité Transport : « Les entreprises du secteur de la chimie sont peut-être restéesplus cloisonnées dans leurs fonctions, avec d’une part les achats transport et d’autre partla Supply Chain, sans avoir une vision consolidée de l’ensemble pour le moment »

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dans l’Hexagone. « Nous avons écritdébut décembre à trois ministres,Jean-Louis Borloo, Chris tian Estrosiet Dominique Bussereau, pour réaffir-mer que nous étions favorables à l’application du 44 t, dans le cadred’une harmonisation européenne avec certains pays de l’Union, et que celacontribuerait à baisser le nombre decamions sur les routes. Une tellemesure est indispensable si l’on veutpouvoir rester compétitifs. Nous pen-sons que l’impact sur l’environnementsera positif en réduisant les émissionsde CO2 de 10 à 14 % », martèleDaniel Marini, Directeur des Affaireséconomiques et internationales àl’UIC. L’industrie chimique, qui pourdes raisons de sécurité est une grandeutilisatrice du transport ferroviaire,demeure également très attentive auxévolutions en cours sur l’offre wagonisolé et à la création d’opérateurs fer-roviaires de proximité. Au niveaumondial, la préoccupation actuelle duResponsable transport concerne la « situation inédite » du maritime. « Les grandes compagnies se sontretrouvées en surcapacité et ontperdu beaucoup d’argent en 2009.Elles ont désarmé des navires, maiscela ne suffit pas. Depuis octobre2009, elles jouent leur va-tout endoublant ou en triplant leurs taux defret, ce qui a un effet d’étouffementsur les exportations et les importa-

tions entre l’Europe et l’Asie », com-mente Nicolas Fromentin (Daher).

Réinventer la chimie…et sa Supply ChainCe problème non négligeable pour lacompétitivité de la chimie euro-péenne, très fortement exportatrice,vient s’ajouter à la montée en puis-sance d’énormes capacités de pro-duction au Moyen-Orient et en Asie.D’ici 2015, la région Asie-Pacifiquedevrait représenter plus de la moitié

de la demande mondiale, et les grandsgroupes y sont déjà présents. A la clé,le risque de disparition de la chimiede base en Europe. « Il y aurait alorsun risque important de délocalisationde la chimie de spécialités, les indus-triels suivant leurs clients et leursfournisseurs. Et c’est toute la chaînede valeur qui se déliterait. Notre diffi-culté est là, maintenir un tissu indus-triel le plus complet possible pourarriver à nous développer, et celapasse par une volonté de vrai chan-gement en rupture pour aller versune chimie durable à plus fortevaleur ajoutée, énonce Daniel Marini.L’UIC défend ainsi la redéfinition àhorizon 10 ans d’une chimie innovantebasée sur la matière agricole, durable,renouvelable, et qui plus est, abon-dante dans notre pays. En termes detransport et de logistique, celaimplique un changement en ruptureextrêmement fort. De même, ilconviendra pour tendre vers une chi-mie plus durable de développer lerecyclage des produits en gardant leurvaleur d’usage. Cela va nécessiter lacréation d’une filière, l’organisationdes circuits de tri et de collecte, commece qui est déjà en place pour le recy-clage des emballa ges de matièresplastiques ». De quoi occuper lesSupply Chain Managers pour les 10 ans qui viennent.

Jean-Luc Rognon

Daniel Marini,Directeur des Affaires économiques et internationales à l’UIC« L’UIC défend ainsi la redéfinitionà horizon 10 ans d’une chimieinnovante basée sur la matièreagricole, durable, renouvelable, et qui plus est abondante dans notre pays. »

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