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Me ´ moire Entraı ˆnement aux habilete ´s sociales pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques se ´ ve ` res : e ´ tude exploratoire de l’impact sur l’assertivite ´ Social skills training with adolescents suffering from severe psychiatric disorders: An exploratory study of impact on assertivity Se ´ bastien Urben a,b , Fre ´ de ´ ric Lambelet b , Vanessa Baier c , Laure Jaugey b , Je ´ro ˆme Favrod d , Laurent Holzer b, * a Unite ´ de recherche, service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA), centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse b Centre the ´rapeutique de jour pour adolescents, SUPEA, CHUV, 48, avenue de Beaumont, 1012 Lausanne, Suisse c Antenne d’intervention dans le milieu pour adolescents, SUPEA, CHUV, Lausanne, Suisse d Service de psychiatrie communautaire, de ´partement de psychiatrie, institut et Haute E ´ cole de la sante ´ la source, Haute E ´ cole spe ´cialise ´e de Suisse occidentale, CHUV, Lausanne, Suisse Annales Me ´ dico-Psychologiques xxx (2013) xxx–xxx I N F O A R T I C L E Historique de l’article : Rec ¸u le 4 fe ´ vrier 2013 Accepte ´ le 3 juillet 2013 Mots cle ´s : Adolescent Assertivite ´ Entraı ˆnement Trouble mental Keywords: Adolescent Assertiveness Training Mental disorder R E ´ S U M E ´ Introduction. Les troubles psychiatriques se ´ve ` res entravent le de ´ veloppement de la socialisation durant l’adolescence. Toutefois, l’entraı ˆnement aux habilete ´s sociales (EHS) permet d’ame ´ liorer le fonctionnement interpersonnel. Objectifs. Tester l’effet sur l’assertivite ´ des participants et spe ´ cifier pour quel type de population le programme d’EHS semble e ˆtre le plus be ´ ne ´ fique. Patients et me ´thode. L’assertivite ´ de 38 adolescents (19 souffrant de troubles anxieux/de ´ pressifs et 19 souffrant de troubles psychotiques) a e ´te ´ mesure ´e a ` l’aide de l’e ´ chelle d’assertivite ´ Rathus (permettant de diffe ´ rencier les adolescents : inhibe ´s, assertifs et assertifs-agressifs) avant et apre `s un programme d’EHS. Re ´sultats. Nous observons une augmentation des scores a ` l’e ´ chelle Rathus (ame ´ lioration a ` l’e ´ chelle Rathus de 5,46, partial eta square (h2) = 0,131 : taille d’effet mode ´ re ´). Par ailleurs, les adolescents souffrant de troubles anxieux/de ´ pressifs pre ´ sentent une ame ´ lioration importante a ` l’e ´ chelle Rathus (ame ´ lioration a ` l’e ´ chelle Rathus de 9,36, partial eta square (h2) = 0,206 : taille d’effet mode ´ re ´e) ainsi que ceux « inhibe ´s » (ame ´ lioration a ` l’e ´ chelle Rathus de 9,81, h2 = 0,311 : taille d’effet forte). Conclusions. Nous avons observe ´ une ame ´ lioration ge ´ ne ´ rale de l’assertivite ´ apre `s l’EHS. Plus spe ´ cifiquement, ce sont les adolescents souffrant de troubles anxieux/de ´ pressifs ainsi que les adolescents « inhibe ´s » qui be ´ne ´ ficient le plus du programme d’EHS utilise ´. Les facteurs pouvant rendre compte de ces re ´ sultats sont discute ´s. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. A B S T R A C T Objectives. Adolescence is a crucial period involving numerous acquisitions of social skills. These skills were experienced in peer relationships. In this context, assertivity is a fundamental ability allowing individuals to act in function of their own interests and defend their point of view without denying the rights of others. However, for some adolescents such acquisition is not easy. Thus, anxiety, social withdraw or emotion regulation difficulties impaired the socialization process. More specifically, psychiatric illness (such as mood disorder, anxiety or psychosis disorder) during this period interferes dramatically with such acquisition. However, training targeting social skills improvement, in a population presenting psychiatric disorders may help to enhance interpersonal functioning. In this * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Holzer). G Model AMEPSY-1759; No. of Pages 7 Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraı ˆnement aux habilete ´s sociales pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques se ´ve ` res : e ´ tude exploratoire de l’impact sur l’assertivite ´. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 0003-4487/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010

Entraînement aux habiletés sociales pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques sévères : étude exploratoire de l’impact sur l’assertivité

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Page 1: Entraînement aux habiletés sociales pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques sévères : étude exploratoire de l’impact sur l’assertivité

Annales Medico-Psychologiques xxx (2013) xxx–xxx

G Model

AMEPSY-1759; No. of Pages 7

Memoire

Entraınement aux habiletes sociales pour adolescents souffrant detroubles psychiatriques severes : etude exploratoire de l’impact surl’assertivite

Social skills training with adolescents suffering from severe psychiatric disorders:

An exploratory study of impact on assertivity

Sebastien Urben a,b, Frederic Lambelet b, Vanessa Baier c, Laure Jaugey b, Jerome Favrod d,Laurent Holzer b,*a Unite de recherche, service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA), centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV),

Lausanne, Suisseb Centre therapeutique de jour pour adolescents, SUPEA, CHUV, 48, avenue de Beaumont, 1012 Lausanne, Suissec Antenne d’intervention dans le milieu pour adolescents, SUPEA, CHUV, Lausanne, Suissed Service de psychiatrie communautaire, departement de psychiatrie, institut et Haute Ecole de la sante la source, Haute Ecole specialisee de Suisse

occidentale, CHUV, Lausanne, Suisse

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Recu le 4 fevrier 2013

Accepte le 3 juillet 2013

Mots cles :

Adolescent

Assertivite

Entraınement

Trouble mental

Keywords:

Adolescent

Assertiveness

Training

Mental disorder

R E S U M E

Introduction. – Les troubles psychiatriques severes entravent le developpement de la socialisation

durant l’adolescence. Toutefois, l’entraınement aux habiletes sociales (EHS) permet d’ameliorer le

fonctionnement interpersonnel.

Objectifs. – Tester l’effet sur l’assertivite des participants et specifier pour quel type de population le

programme d’EHS semble etre le plus benefique.

Patients et methode. – L’assertivite de 38 adolescents (19 souffrant de troubles anxieux/depressifs et

19 souffrant de troubles psychotiques) a ete mesuree a l’aide de l’echelle d’assertivite Rathus

(permettant de differencier les adolescents : inhibes, assertifs et assertifs-agressifs) avant et apres un

programme d’EHS.

Resultats. – Nous observons une augmentation des scores a l’echelle Rathus (amelioration a l’echelle

Rathus de 5,46, partial eta square (h2) = 0,131 : taille d’effet modere). Par ailleurs, les adolescents

souffrant de troubles anxieux/depressifs presentent une amelioration importante a l’echelle Rathus

(amelioration a l’echelle Rathus de 9,36, partial eta square (h2) = 0,206 : taille d’effet moderee) ainsi que

ceux « inhibes » (amelioration a l’echelle Rathus de 9,81, h2 = 0,311 : taille d’effet forte).

Conclusions. – Nous avons observe une amelioration generale de l’assertivite apres l’EHS. Plus

specifiquement, ce sont les adolescents souffrant de troubles anxieux/depressifs ainsi que les

adolescents « inhibes » qui beneficient le plus du programme d’EHS utilise. Les facteurs pouvant

rendre compte de ces resultats sont discutes.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

Objectives. – Adolescence is a crucial period involving numerous acquisitions of social skills. These skills

were experienced in peer relationships. In this context, assertivity is a fundamental ability allowing

individuals to act in function of their own interests and defend their point of view without denying the

rights of others. However, for some adolescents such acquisition is not easy. Thus, anxiety, social

withdraw or emotion regulation difficulties impaired the socialization process. More specifically,

psychiatric illness (such as mood disorder, anxiety or psychosis disorder) during this period interferes

dramatically with such acquisition. However, training targeting social skills improvement, in a

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

population presenting psychiatric disorders may help to enhance interpersonal functioning. In this

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (L. Holzer).

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes sociales pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques severes :etude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010

0003-4487/$ – see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010

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perspective, the present study aimed (1) to assess the effect on assertivity of the training and (2) to

specify the patient’s type which reports the most benefit of such training.

Materials and methods. – Thirty-eight adolescents (19 suffering from anxiety/mood disorders and 19

suffering from psychotic disorders) participated in a social skill training. Their assertivity was assessed

with the Rathus assertivity scale which is a 30-item self-report questionnaire. The participant respond on

a Likert scale composed of 6 points (from ‘‘totally true’’ to ‘‘totally false’’). The Rathus assertivity scale

allows to differentiate adolescents in: Inhibited, assertive, assertive-aggressive. The scale was

administered before and after the social skills training.

Results. – A general improvement on assertivity after the social skills training (partial eta square

(h2) = 0.131: moderate effect size) was observed. More specifically, adolescents suffering from anxiety/

mood disorder (partial eta square (h2) = 0.206, moderate effect size) and the ‘‘inhibited’’ adolescents

(h2 = 0.311, strong effect size) showed the higher benefit from the social skills training.

Conclusions. – The social skill training was reported by the adolescents to be an effective treatment

allowing enhancing the assertivity of these population. Furthermore, the patients with anxiety/mood

disorders reported the highest benefit compared to the patients with psychosis. This result raised the

question about the usefulness of self-report questionnaire, as the patients with psychosis were observed,

at a clinical level, to have better social abilities after the treatment, but did not report such effect on the

self-assessment. In addition, the inhibited patients reported the highest benefits of such treatment.

Three main factors could help us to interpret the results: (a) the composition of the groups, (b) the

therapeutic approach, and (c) the team giving the social skill training. Firstly, the composition of the

groups is heterogeneous like in the social reality of the youths. Thus, the heterogeneity of the

psychopathologies composing the groups involved that the youths experienced a wide variety of social

interactions with peers. Furthermore, some adolescents could experiment to be a model for others.

However, related to our results, we could assume that adolescents with anxious/mood disorders benefit

the most from the heterogeneity of the groups and the fact to be a model for others. Secondly, the

therapeutic tools used seem also to be an important factor. Indeed, the training is based on cognitive and

behavioral approach (using tools like psycho-education, cognitive restructuration, etc.) and social

learning which are frequently used in this type of training. Thus, psycho-education allows acquiring new

knowledge about their difficulties, for example. In particular, we could understand the most important

increase in adolescents with anxiety/mood disorders by the fact that relaxation exercises could reduce

their symptoms and so increase their assertivity. In contrast, for adolescent with psychosis disorders, this

is not sufficient. Perhaps, their dysfunctional believes had to be reduced before they could benefit from

the social skills training. Thirdly, the team giving the social skill training is also important. They all

receive a complete training and have a lot of experience in working with such population. More

generally, learning new social abilities in protected context, through experiencing positive social

interaction may be beneficial for interpersonal function of the patients.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

L’adolescence est une periode critique comportant de nom-breuses etapes essentielles dans le processus de socialisation etd’adaptation sociale. Plus particulierement, de nombreuses habi-letes sociales s’acquierent durant cette periode de developpement.Ces habiletes renvoient a la capacite a entrer en interaction avec lesautres dans un certain contexte socialement valorise [12]. Elless’apprennent et s’experimentent dans les liens d’amities et dans lesgroupes de pairs et permettent ainsi le developpement desaptitudes a la negociation, a la cooperation, ainsi qu’a la possibilited’acceder a la notion de reciprocite et d’intimite [5,6]. Dans cecontexte, l’assertivite (ou affirmation de soi) est une habiletefondamentale permettant a tout un chacun d’agir au mieux de soninteret, de defendre son point de vue sans denier les droits etbesoins d’autrui [1].

Sur le plan historique, un des premiers travaux parlantd’assertivite a ete celui de Williams [28]. En effet, cet auteur aeffectue une analyse factorielle des comportements sociaux dejeunes enfants, dans laquelle il a justement identifie l’assertivitecomme une notion importante des comportements sociaux desenfants. Plus tard, Murphy et al. [22] identifient deux typesd’agressivite chez les enfants : assertifs socialement et detestablessocialement. A la meme epoque, Jack [18] a effectue une etude surles comportements dominants (ou assertifs) chez les enfantsd’age prescolaire. Il a dans cette etude explore la possibilited’augmenter les comportements dominants (ou assertifs) grace aune intervention specifique. L’etude de Jack [18], ainsi que la

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes socialetude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (P

conceptualisation de Murphy et al. [22] ont eu de nombreusesimplications sur la politique d’education, car ils ont montre quel’assertivite pouvait etre amelioree. Il faudra, toutefois, attendre lafin des annees 1950 pour voir a nouveau des travaux s’interesser ala modification des comportements sociaux [24].

En particulier, pour de nombreux adolescents, l’acquisition deces habiletes n’est pas aisee. Beaucoup eprouvent des difficultes desocialisation souvent liees a un manque de competence en habiletesociale, a l’anxiete, a un retrait social, a la timidite pathologique ouencore a des difficultes dans la gestion des emotions [26]. Plusspecifiquement, un retrait social important ou de l’anxiete durantles interactions sociales peuvent etre observes dans des pathol-ogies telles que les troubles anxieux [27], depressifs [16] oupsychotiques [14]. Ainsi, dans le travail clinique avec cesadolescents, le concept d’assertivite est particulierement impor-tant. En effet, un manque d’assertivite peut se traduire par uneagressivite ou une inhibition sociale, generant ainsi des angoisses.Aussi, l’adolescent peut se centrer sur lui-meme et avoir descognitions negatives sur ses competences en matiere d’habiletessociales [12]. Aussi, ces psychopathologies interferent et entraventle processus de socialisation, ainsi que l’assertivite de cesadolescents. Toutefois, des moyens therapeutiques permettentde remedier a ces difficultes.

En effet, historiquement, il est a noter que Bion [3] avaitconceptualise le travail therapeutique dans les groupes. Il avaitemis l’hypothese que la « mentalite du groupe » emerge desdifficultes de chaque individu au sein du groupe. Ainsi, en fonctionde ses capacites, chaque individu coopere avec le groupe. Cette

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cooperation est dependante des capacites de chacun. Aussi, unindividu assertif aura la possibilite d’interagir en harmonie avec legroupe ; les autres membres du groupe pourront ainsi experi-menter cette maniere d’agir.

Plus recemment, les therapies cognitives et comportementalesont ete montrees comme utiles pour le traitement de l’anxiete [4],un des troubles psychiatriques les plus courants de l’enfance [2],chez l’enfant age de plus de 6 ans, ainsi que chez les adolescents.De plus, quelques etudes chez l’adulte ont montre l’importancedes therapies cognitives ciblant un aspect ou l’autre du processusde socialisation pour ameliorer le fonctionnement social despersonnes souffrant de troubles psychotiques (voir p. ex.[10,17,23,29]).

Dans ce contexte, au sein des therapies cognitivo-comporte-mentales, des auteurs ont propose des methodes d’interventionpour traiter specifiquement ces difficultes d’habiletes sociales. Parexemple, des programmes de vie autonome sont concus pour offrirdes competences aux jeunes sortant d’institutions, aptes a limiterleurs desavantages et a favoriser une meilleure transition vers l’ageadulte [21]. Ces programmes visent un developpement personnel,des competences de vie autonome, une education et un soutienprofessionnel.

Plus specifiquement, l’atelier d’entraınement aux habiletessociales (EHS) que nous proposons est un groupe d’affirmation desoi. Il s’integre dans le programme de traitement du CentreTherapeutique de Jour pour Adolescents (CTJA) de Lausanne. Cegroupe a pour objectif l’amelioration de l’assertivite du groupe depatients. Le groupe d’EHS s’inspire premierement du programmed’affirmation de soi [7] et propose des outils visant a ameliorerl’assertivite. Notons que ce programme est adapte pour lesadolescents. D’autre part, le groupe s’inspire du traitement de latimidite pathologique [12], dont les modules visent egalementl’assertivite. En complement, une methode de resolution deproblemes interpersonnels est proposee au groupe [8,9]. Lemateriel d’entraınement pour enseigner la resolution de problemea ete adapte pour les adolescents. Une description plus detaillee dugroupe d’EHS est donnee dans la partie methode.

2. Objectifs

La presente etude a pour objectifs specifiques :

� d’etudier l’efficacite a court terme de l’EHS sur le sentimentd’assertivite, ainsi que :� de determiner pour quel sous-groupe (pathologie et niveau

d’affirmation de soi de base) ce type de therapie pourrait etre leplus benefique.

3. Methode

L’Entraınement aux Habiletes Sociales (EHS) represente unetherapie de groupe basee sur l’affirmation de soi et la resolutionde problemes (problemes de relations interpersonnelles qui seposent dans la vie quotidienne). En effet, l’EHS est inspire de latherapie d’affirmation de soi en groupe pour enfants etadolescents effectuee en 12 seances [11,13]. Cette therapiepermet de developper des competences sociales de par laconfrontation directe aux situations problematiques, a l’aide dejeux de role. De plus, le regard des pairs permet une expositionin vivo a l’anxiete de performance et a l’anxiete sociale. Parailleurs, des outils specifiques, developpes pour une populationadulte [7], ont egalement inspire notre EHS. Ces outils sont, parexemple, la resolution de problemes, la psychoeducation, le« modeling », la restructuration cognitive. Notons que ces outilssont tout a fait adaptes pour une population d’adolescents.Maintenant, nous allons brievement decrire l’evolution du

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes socialetude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (P

groupe et ensuite nous decrirons ce qui est travaille actuelle-ment dans le programme d’EHS et ainsi nous developperons plusen details les modules et les outils succinctement presentesci-dessus.

Ainsi, initialement, le groupe etait oriente specifiquement sur laresolution de problemes, consistant a nommer un probleme en leformulant en termes de « JE », puis d’y inclure une dimensionemotionnelle. Ensuite, il s’agissait de definir un but a atteindre, deproposer dix solutions, puis d’eliminer celles qui ne permettaientprobablement pas d’atteindre le but, de mesurer les avantages etles inconvenients de chacune des solutions, puis de hierarchiser lessolutions alternatives restantes, afin de choisir la meilleure en lamettant en pratique dans un jeu de role pour l’experimenter dansun milieu reel. De plus, l’integration d’une boıte a outilsrelationnels, adaptee a l’adolescent, a ete introduite dans le travaild’EHS. Les diverses problematiques amenees par les patients ontete recensees et classees en les regroupant par les themes les plusrecurrents (apres six mois de fonctionnement du groupe d’EHS) :plus particulierement, les difficultes portees sur l’empathie, le faitde savoir faire une critique, la gestion de la colere, la gestion de laviolence d’autrui, la gestion des situations imprevues, la reprise decontact, la gestion de la honte, le fait d’aborder un inconnu, le faitde parvenir a assumer ses erreurs, la gestion de la moquerie,l’absence de courtoisie et la possibilite de dire non. Sur cette base,un outil video, support d’entraınement a la resolution deproblemes interpersonnels, a ete developpe et integre dans lemodule d’entraınement aux habiletes sociales.

Sous sa forme actuelle, le travail therapeutique du groupe d’EHSvise specifiquement a traiter les themes recenses ci-dessus. Plusgeneralement, les difficultes qu’eprouvent les patients adolescentsa affronter leur vie quotidienne resident bien souvent dans leurincapacite a s’exprimer efficacement avec autrui. C’est pourquoi letravail dans le groupe est centre sur la maniere de communiquer,ce qui est important dans la determination de l’efficacitepersonnelle, de meme que dans la competence des pratiquessociales qui protegent des symptomes et des incapacites lies auxtroubles mentaux. Les habiletes sociales sont conceptualisees sousla forme d’habiletes receptives, decisionnelles et comportemen-tales. Chaque competence sociale se developpe par la definitiond’un but, la demonstration de la performance (modeling) et lapratique a travers un jeu de role renforce par les pairs dans lecontexte d’apprentissage social. Les connaissances des adolescentssur les differents themes amenes sont completees en psychoedu-cation par les animateurs.

De plus, le groupe d’EHS propose l’integration d’une boıte aoutils relationnels qui visent un changement a travers une plusgrande assertivite. Il s’agit aussi d’apprendre a defendre sesinterets. Ainsi, le theme du changement de la pensee s’opere par larestructuration cognitive. Les adolescents sont entraınes al’identification des pensees automatiques et a etre moins severesavec eux-memes en trouvant des pensees alternatives. Pour cefaire, ils sont amenes a identifier leurs emotions, a identifier lesdeclencheurs de l’angoisse, dans une situation relationnelledifficile pour eux. Par ailleurs, les patients sont egalement formesen relaxation aux techniques centrees sur la respiration (Jakobson),ainsi que la relaxation rapide : cette methode consiste a apprendrea prendre son pouls et a tenter de le ralentir par une meilleuremaıtrise de la respiration abdominale. Sur le theme de l’empathie,le groupe d’EHS vise a parvenir a se mettre a la place de l’autre ennommant l’emotion d’autrui dans la communication. La techniquedu disque raye est entraınee en jeu de role. Elle consiste a formulerle mot non, en le repetant et en haussant le volume de la voix, touten mettant un terme a la discussion. Le module aborde deselements de la pensee positive, lorsqu’il s’agit de savoir exprimerpositivement les reponses, les demandes, les avis et les sentiments.De plus, les adolescents sont inities au questionnement positif et

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Tableau 1Resume des donnees sociodemographiques.

Groupe n Age Genre (fille/garcon)

Total 38 16,1 (1,5) 17/21

Patients anxio-depressifs 19 16,1 (0,9) 4/15

Patients psychotiques 19 16,1 (1,4) 13/6

p 0,888a 0,003b

Patients inhibes 19 16,1 (1,1) 10/9

Patients assertifs 13 16,0 (1,3) 5/8

Patients assertifs-agressifs 6 16,3 (1,2) 2/4

p 0,868c 0,606b

a p-valeur issue d’un test de student.b p-valeur issue d’un test du Chi2.c p-valeur issue d’une analyse de variance.

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entraınes a formuler leurs demandes clairement, en identifiant eten nommant leurs emotions.

Un travail est egalement propose pour parvenir a identifierleurs torts et a reflechir sur l’interet de le faire. Le travaild’affirmation de soi, qui vise a savoir trouver un compromis, estimportant, dans la mesure ou les adolescents apprennent aaccepter de perdre quelque chose et a donner des garanties pourmieux parvenir a obtenir ce qu’ils souhaitent. Un entraınement surla colere aide les adolescents a mieux desarmer leur propre colereet celle d’autrui. Pour y parvenir, la relaxation et la restructurationcognitive sont centrales. De plus, dans certaines situationsparticulierement difficiles, ne pas s’engager dans la situation etne pas tout ecouter fait partie du programme propose auxadolescents. Pour traiter la timidite pathologique, nous travaillonsde maniere ludique a la mise en œuvre de jeux de roles, jouant a seregarder dans les yeux, a s’interesser a l’autre en l’interviewant a lamaniere d’un journaliste. Des l’entree dans le groupe, lesadolescents sont invites a apprendre a se presenter dans diverscontextes, dans le groupe ou en se presentant pour une place destage professionnel.

Un travail s’effectue egalement sur les situations que les jeunesvivent au niveau de l’anxiete de performance et de l’anxiete sociale.Aussi, l’analyse de la situation, de l’anxiete dans ses dimensionscognitives, physiologiques, emotionnelles et comportementales,permet de mettre en evidence les reponses les plus socialementacceptables et les consequences les plus adequates. Une autrepartie du travail therapeutique vise a parler de soi et a apprendre asoutenir une conversation, en gardant le controle du corps et lecontact oculaire. Ils apprennent a privilegier des reponsesouvertes. Pour aborder les divers types de comportements, uneanalogie animaliere est contee pour mettre en evidence l’asserti-vite de la mascotte, le koala. Le travail sur le look vestimentairepermet de mesurer l’ecart entre ce que les personnes choisissentcomme tenue vestimentaires, maquillage ou coiffure, et l’effetconstate sur le groupe. Les adolescents sont aussi aides pourpermettre a l’autre de rechercher des solutions ou des alternatives :ils sont formes a mieux savoir trouver un compromis, a apprendrea faire un compliment et a recevoir un compliment. Finalement,une partie du travail consiste a les aider a apprendre a faire unecritique efficace et comment repondre a une critique ou uneinsulte.

Notons que la dimension ludique, le co-partenariat, lapsychoeducation et l’analyse fonctionnelle representent lesfondements theoriques du cadre de l’atelier. De plus, l’approcheeducative implicite avec les adolescents est une notion importante.L’ensemble des competences travaillees dans l’atelier est pro-gressivement expose dans le milieu a travers la distribution detaches a domicile et revise lors de la seance suivante.

Plus globalement, l’intervention therapeutique se compose deseances collectives de deux heures d’EHS chaque semaine pendantune periode de six mois. Les memes formateurs ont accompagne legroupe de patients durant toutes les seances. La participation a eteelevee, tous les patients ont assiste a au moins 90 % des sessions.Notons que les evaluations ont porte uniquement sur la formeactuelle du groupe.

3.1. Mesures

Afin d’evaluer l’impact eventuel du developpement d’habiletessociales sur l’assertivite, nous avons utilise une echelle d’asserti-vite generale, l’echelle de l’assertivite Rathus (« Rathus Assertive-ness Scale ») [25]. Ce questionnaire est compose de 30 items. Ilmesure l’assertivite globale dans diverses situations pouvant serencontrer dans la vie quotidienne. Le participant doit coter chaqueaffirmation selon le degre de correspondance avec son proprecomportement sur une echelle de type Likert en 6 points (de « tres

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes socialetude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (P

vrai » a « tres faux »), cotes de 1 a 6 (Min : 30 ; Max : 180). Grace acette echelle, il est possible de determiner trois niveauxd’assertivite : un groupe d’adolescents inhibes (< 103 points),un groupe d’adolescents assertifs (de 104 a 125 points) et ungroupe d’adolescents assertifs-agressifs (> 126 points). Cetteechelle a ete utilisee pour mesurer les changements lies auprogramme d’EHS. La duree moyenne entre les evaluations est de6,8 � 4,1 mois.

3.2. Participants

Les adolescents frequentant le CTJA, ages de 13 a 18 ans,souffrant de troubles anxieux/depressifs graves ou presentant destroubles psychotiques, ont ete consideres pour l’etude. Plusgeneralement, le CTJA accueille 20 adolescents presentant diversespsychopathologies. La duree moyenne de sejour est de sept mois.La duree de la prise en charge est dependante du projettherapeutique, ainsi que de projets plus generaux comme lareinsertion socioprofessionnelle. Le programme de traitementhabituel inclut le suivi individuel psychologique, le suivi medica-menteux, la frequentation d’un enseignement specialise, des soinsinstitutionnels avec de l’ergotherapie, des therapies de groupe etplusieurs activites educatives et creatives. L’equipe du CTJA estcomposee de pedopsychiatres, de psychologues, d’infirmiers,d’educateurs, d’une ergotherapeute, d’une assistante sociale, ainsique d’enseignants specialises. Les criteres d’inclusion pour l’etudesont les suivants : les adolescents souffrant de troubles anxieux oudepressifs (incluant la phobie sociale, l’anxiete generalisee, lesepisodes depressifs) ou presentant des troubles de la ligneepsychotique selon la classification CIM 10. L’unique critered’exclusion etait le retard mental (QI < 70). Aussi, 38 adolescentsages en moyenne de 16,1 (� 1,5) ans comprenant 17 filles et21 garcons frequentant le CTJA ont participe a l’etude. Un premiergroupe de 19 adolescents souffrant de troubles psychotiques ou ahaut risque de psychose (3x F20.x ; 2x F21.x ; 6x F23.x ; 2x F25.x ;1x F28.x ; 2x F29.x ; 1x F81 ; 2x F84.x) et un second groupe de19 adolescents repondant aux criteres de troubles anxieux oudepressifs (11x F32.x ; 1x F40.x ; 1x F41.x ; 1x F42.x ; 1x F50 ;1x F60 ; 1x F91 ; 2x F92) ont ete identifies. Le Tableau 1 decrit lescaracteristiques sociodemographiques.

3.3. Plan d’analyses statistiques

Premierement, nous avons evalue, a l’aide du Test de Studentpour echantillons paires, la difference entre le T1 (avant leprogramme) et le T2 (a la fin du programme) pour l’ensemble dugroupe, puis par niveau d’assertivite de depart (patients inhibes,assertifs ou assertifs-agressifs). Notons qu’etant donne que notrebut est d’evaluer le programme d’EHS, nous avons prefere ce designexperimental « avant/apres » la participation a l’EHS, plutot que« admission/sortie » du programme therapeutique, etant donne

es pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques severes :aris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010

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Tableau 2Description des scores au Rathus.

n T1 T2

Moyenne Ecart-type Moyenne Ecart-type

Total 38 104,78 18,42 110,24 15,54

Patients anxio-depressifs 19 97,11 18,79 106,47 17,68

Patients psychotiques 19 112,45 14,84 114,47 12,4

Patients inhibes 19 90,32 10,93 100,13 10,94

Patients assertifs 13 112,5 5,92 116,27 11,36

Patients assertifs-agressifs 6 133,83 5,81 129,17 11,58

Fig. 2. Illustration des changements entre l’admission (T1) et la sortie du

programme (T2) sur l’echelle d’assertivite (Rathus) en fonction du type de

pathologie. Moyenne et erreur standard. yp < 0,10.

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qu’un certain nombre de patients continue de beneficier de la priseen charge du CTJA apres avoir termine leur participation a l’EHS.Pour l’analyse differenciee des pathologies, une analyse devariance incluant le genre comme covariable a ete entrepriseetant donne la difference significative de repartition des genresentre les pathologies (voir Tableau 1).

4. Resultats

Le Tableau 2 resume les scores au Rathus pour les differentsgroupes.

Le test evaluant l’ensemble du groupe (voir Fig. 1 pourillustration) nous montre que le score d’assertivite augmente enpost-test compare au pre-test, t(37) = �2,67, p = 0,024, h2 = 0,131(taille d’effet modere).

Les tests comparant le score d’assertivite avant et apres leprogramme pour chaque pathologie en controlant la difference degenre (voir Fig. 2 pour illustration) montre une tendance dedifference pour le groupe d’adolescents souffrant de troublesanxieux/depressifs F(1,17) = 3,74, p = 0,07, h2 = 0,206 (taille d’effetmodere). Au contraire, pour le groupe d’adolescents souffrant detroubles psychotiques, l’analyse ne montre aucune difference entrele T1 et le T2, F(1,17) = 0,02, p > 0,10.

Les tests examinant la difference entre le T1 et le T2 par niveaud’assertivite (voir Fig. 3 pour illustration) demontrent unedifference significative pour le groupe de patients inhibes,t(18) = �2,85, p = 0,011, h2 = 0,311 (taille d’effet fort). En revanche,aucune difference significative n’est observee pour le groupe depatients assertifs, t(12) = �1,16, p > 0,10 ; ou assertifs-agressifs,t(5) = 0,91, p > 0,10.

5. Discussion

L’objectif principal de cette etude etait d’evaluer le programmevisant l’amelioration des habiletes sociales aupres d’adolescents

Fig. 1. Illustration des changements entre l’admission (T1) et la sortie du

programme (T2) sur l’echelle d’assertivite (Rathus) sur l’ensemble du groupe.

Moyenne et erreur standard. *p < 0,05.

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes socialetude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (P

souffrant de troubles psychiatriques qui a ete mis en place au CTJA,en testant son efficacite telle que rapportee par les patients.L’analyse des donnees subjectives, reportees par les patients duniveau d’affirmation de soi mesure a l’aide de l’echelle del’assertivite « Rathus », nous indique plusieurs elements impor-tants. Tout d’abord, l’ensemble des patients rapporte uneamelioration du niveau d’assertivite (avec une taille d’effetmoderee : h2 = 0,131). Plus specifiquement, les avantages rap-portes sont plus importants pour les adolescents souffrant detroubles lies a l’anxiete sociale (taille d’effet moderee : h2 = 0,206)que pour les adolescents presentant des symptomes psychotiques.Finalement, nous avons constate que c’est le groupe de patientsinhibes (tel que defini par l’autoevaluation avant la prise en charge)qui beneficie le plus du programme d’EHS (taille d’effet forte :h2 = 0,311).

Aussi, deux heures de seance par semaine pendant six moisd’EHS amenent un effet global positif sur une populationd’adolescents presentant des troubles psychiatriques severes. Plusparticulierement, les adolescents souffrant de troubles anxieux/depressifs et etant plutot inhibes profitent du programme d’EHSpropose dans le cadre du CTJA. Neanmoins, les adolescentspresentant des troubles psychotiques ont ete observes, au niveauclinique, comme ayant fait des progres considerables dans lasocialisation. Toutefois, ces progres ne sont pas reportes directe-ment par les patients sur l’echelle de l’assertivite « Rathus », qui nesemble pas assez sensible pour evaluer l’affirmation de soi dansune population clinique composee d’adolescents presentant dessymptomes psychotiques. De ce fait, il est difficile de dire si le peu

Fig. 3. Illustration des changements entre l’admission (T1) et la sortie du

programme (T2) sur l’echelle d’assertivite (Rathus) en fonction du niveau de

base d’assertivite des patients. Moyenne et erreur standard. *p < 0,05.

es pour adolescents souffrant de troubles psychiatriques severes :aris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.07.010

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de progres objectives par ces patients est lie a un manqued’efficacite de notre programme ou au fait que l’echelle del’assertivite Rathus y soit peu sensible. En effet, il est probable quele groupe d’adolescents souffrant de troubles psychotiques ait uneplus grande difficulte a s’auto-evaluer, et qu’il ne s’agirait pas lad’un manque d’efficacite de ce groupe [15].

L’amelioration observee dans notre etude (avec des taillesd’effets moderees a fortes) est analogue aux resultats d’une etudedemontrant l’efficacite (avec une taille d’effet forte sur l’affirma-tion de soi) d’un programme « d’entraınement aux habiletessociales » chez des enfants ages de 9 a 14 ans et souffrant detroubles psychiatriques severes [20]. Pour expliquer les resultatsbenefiques de ce type de programme, Lessard et Coutu [20]proposent plusieurs facteurs explicatifs, dont certains peuventegalement rendre compte de nos resultats :

� la composition des groupes ;� les approches psychotherapeutiques utilisees ;� et l’equipe d’intervenants.

5.1. La composition des groupes

L’heterogeneite des psychopathologies au sein du groupe esten conformite avec la realite sociale des jeunes impliquant unensemble d’interactions variees avec des pairs aux caracteris-tiques diverses [20]. De plus, cette composition heterogenepermet a certains d’experimenter le fait de se positionner en tantque modele pour les autres [20]. Toutefois, en lien avec nosresultats, nous soutenons l’idee que ce sont les adolescentssouffrant de troubles anxieux/depressifs qui pourraient le plusbeneficier soit de l’heterogeneite du groupe, soit du fait d’etre unmodele pour les autres. De meme, les adolescents les plusinhibes ont ete valorises par la possibilite d’experimenter desinteractions positives ou ils pouvaient etre des exemples pourles autres. Aussi, ces resultats nous amenent a emettrel’hypothese que la meilleure efficacite dans cette populationinhibee/anxieuse pourrait provenir de l’apprentissage de nou-velles competences d’affirmation de soi, qui serait plus aise quede desapprendre les comportements d’affirmation de soiagressifs.

5.2. Les approches psychotherapeutiques utilisees

Le programme est base sur les techniques cognitivo-compor-tementales (psychoeducation, restructuration cognitive, mode-lage, etc.) et d’apprentissage social, qui sont frequemment utiliseesdans ce type de programme [19]. En effet, d’une part, lapsychoeducation permet d’amener de nouvelles connaissanceset une nouvelle comprehension de leur problematique, puis la miseen pratique qui est faite pour chaque module permet de seconfronter a la realite et de s’ameliorer. Par ailleurs, nous pouvonscomprendre l’amelioration plus importante des adolescentssouffrant de troubles anxieux/depressifs par le fait que cestechniques, associees aux exercices de relaxation proposes,permettent de reduire les symptomes anxieux/depressifs et ainsiaugmentent l’assertivite. En revanche, pour les adolescentssouffrant de troubles psychotiques, ces aspects ne suffisentprobablement pas. Il serait utile de travailler au prealable leurscroyances dysfonctionnelles, avant de pouvoir ameliorer leurshabiletes sociales. En revanche, nous avons observe que ce sont lesadolescents inhibes qui ont le plus beneficie de la prise en charge.Ce dernier resultat souleve egalement l’importance du potentield’amelioration. En effet, ce sont les adolescents inhibes (et doncpresentant le plus grand potentiel d’amelioration) qui rapportentle plus de progres. De futures etudes devraient etre envisagees, afind’approfondir cette question.

Pour citer cet article : Urben S, et al. Entraınement aux habiletes socialetude exploratoire de l’impact sur l’assertivite. Ann Med Psychol (P

5.3. L’equipe d’intervenants

Les intervenants principaux jouissent d’une formation et d’uneexperience importante avec cette population. L’evaluation sys-tematique des ateliers et l’adaptation des outils a l’adolescence ontprobablement favorise un interet croissant aupres des jeunes. Cetaspect contribue a l’impact positif de la psychoeducation, a lagestion des difficultes au sein du groupe et a la mise en place desexercices pratiques.

Toutefois, la presente etude souffre de plusieurs limites.Premierement, aucun groupe temoin n’a pu etre constitue, afinde pouvoir comprendre les effets plus generaux du programme duCTJA. Deuxiemement, c’est une etude en milieu ouvert et donc toutcontrole des differents evenements de vie ayant pu influencerpositivement ou negativement l’assertivite des adolescents n’a paspu etre teste. De plus, il manque une echelle clinique qui auraitpermis de voir dans quelle mesure les patients presentant unepsychose s’ameliorent sur le plan symptomatique, sans pourautant que cela apparaisse a l’echelle d’assertivite Rathus.

Toutefois, cette etude possede une visee exploratoire inte-ressante, etant donne le peu de litterature concernant ce type degroupe therapeutique. Aussi, ces premiers resultats encourageantsouvrent la voie a de nouvelles recherches plus rigoureuses sur leplan methodologique, afin de pouvoir specifier et etablir l’efficacitede ce type de groupe therapeutique.

6. Conclusion

En conclusion, les objectifs de cette etude etaient de tester leseffets benefiques de ce programme d’EHS du CTJA pour despatients souffrant de troubles psychiatriques severes et despecifier les patients qui en beneficient le plus. Aussi, lesspecificites du programme d’EHS propose au CTJA resident dansl’apprentissage de techniques specifiques d’affirmation de soi,d’approches par resolution de problemes modelises en jeux deroles offrant des strategies aussi bien cognitives que comporte-mentales. De plus, un accent particulier est porte sur la general-isation a la vie quotidienne, et ceci particulierement sur le plan desrelations interpersonnelles. Par ailleurs, nous avons montre quel’ensemble des patients beneficient du programme offert, dans lamesure ou le score global d’affirmation de soi augmentesignificativement. Plus specifiquement, nous avons pu constaterque ce type de groupe est plus benefique pour les patientspresentant des troubles anxieux/depressifs plutot que psycho-tiques. Par ailleurs, l’impact du programme sur le groupe desadolescents inhibes est plus fort, dans la mesure ou l’ensemble deces patients augmente leurs scores moyens au post-test, contra-irement aux adolescents possedant une assertivite trop elevee. Cespremiers resultats nous incitent a poursuivre le developpement deces groupes d’EHS.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

Remerciements

Nous tenons a remercier chaleureusement tous les patientes etpatients qui ont participe a ce programme d’entraınement auxhabiletes sociales.

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