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UNIVERSITE DE PARIS XII VAL DE MARNE· CRETEIL THE5E pour le . DOCTORAT DE 3ÈME CYCLE CECEYI - DI et formulation d'un port de c§lbbê t -- Présentée et soutenue par NtBESSO Hélène Sous la Direction de Monsielr le Professeur Robert Jouanny t: Février 1.81

~e~s ~om c§lbbê -- t - greenstone.lecames.orggreenstone.lecames.org/collect/thefe/index/assoc/HASH119c.dir/CS... · étudiant en Troisième Cycle de Linguistique africaine,

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CRETEIL
~e~s et formulation d'un port de ~om c§lbbê
t
Sous la Direction de Monsielr le Professeur Robert Jouanny
~ t: Février 1.81
.f.' un de. n0.6 rrkÛtJte..6 e.n tJtadi..üon OJtale.
que. la. mOJtt v.i.e.nt de. teJtJtM-6Vl.
\
~ et eotlabo~at~, 6u~ eompagnon po~ la v~e,
dont l~ eOn4e~ et l'a66ee~on ont eon~~bué a nO~ ~o~~ l'~nd~pen4able équ~b~e mo~al du­ ~ant eette longue p~~ode de ~é6le~~on.
1
1:
1 i 1 l, J
A MoM-ie.wz. BeJr.no./l.d Zad-i.. Za.oWr.ou
t'âme. du G R T 0 e.t am.i, à. qu.<. nolUo de.VOM notJte. 60.i
da.M te. b.ie.n-60ndé. de. ta. lle.c.heJr.c.he. e.n Tllad.iüon Olla.te..
! ) j
1
A Mon.J.l.ieuJt Jacquv.. CHEVRIER,
qu.i, lOll.J.lqu 1il 6ut quv..üon pouJt noUJ.l de ven.vt pouJtJ.lU.ivJte nOJ.l
é:tJJ.dv.. en FJtance, 6a.c.iUta noue .in.J.lCJr..ipüon a l'Un.iveJtûté
PaJt.u. va..e. de MaJtne en a.cceptant de d.vt.igeJt noue Mémo.vte de
Ma2u.u.e.
A noûe pèlte Kouao Anto.i.ne.,
qlU, jamaM ne ménagea -6v.. pe.i.nv.. pOM que nOu..6 ~éu..6-6~on-6,
Et qlU, en nOu..6 .i.nMJr.u.L6ant dv.. c.hOJ.>v.. anc..i.ennv..
avec. dévouement, pk.i.t une paAt ~po~tante à la
~éai..i4aüon de c.e ûava..U.
A noble glland-m~e Allo Sémon
A noble Tante BOllO Efuabeth
A tOM nM pMenu,
tout au long de noble longue 601tma.­
tion ~coltUJle.
1
l
A ta mémo~e de notJte g~and-mèke matMne.ile 0660 Adjoua,
au~è.-6 de qu~ no~ a.vo~ paA~é notJte en6ance, et qu-i.. dé­
ceda. l'année même Où no~ entJt~o~ à l'un~vM~~té.
A ce~e g~and-mèke à qu~ no~ devo~ ta baAe de
notJte éduca.:tA..on tJtarU:U..onne.ile, ta pe:U..te-6ille
toujo~~ ~econ~~ante.
; j 1
A Madame Genev~ève CALAME-GRIAULE,
dont le v~6 .in.téJr.ê.t à. noble bLa.vtLil. e..t le4 enc.ouJta.geme.n.t6 ont
été. pouJt nOIUl de4~ .in.e4:ti.ma.ble4.
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t i,
1 1 1 l
A Mo~~ Robekt JOUANNY,
no~e V~ect~ de Rechekche, dont i~ co~e~ et i'encadAement
cha1.~eu)( nOM ont pekm.w de menek à tekme ce ~ava.A.1..
1 l
1 .~
"La c.ompaJllU-60n, tJtop c.ormrode., du. langage. ave.c. un c.ode.,
amène. à pe.n-6~ que. la 60nc.tion 60ndame.ntale. de. la c.ommun~c.ation
Ungu.L6t-i.que. ut la tJtan.6m.w-6~on d' ~60Jr.mat.i.on. On ut c.ondu.U
à CJto-iAe. que. tout c.e. qu~ ut d~t l'ut au même. titJte., ave.c. le.
même. -6tatut d' M-6~tion.
En 6aU, lu d~v~-6u ~~c.atiOn-6 qu'app0Jr.te. un a.c.te. d'é.­
nonUation -6e. ûtue.nt -6ouve.nt à du MVe.auX tout à 6~t d~66é.Jr.e.nù.
Il fj a c.e. dont on entend e.xpUc.Ue.me.nt ~60Jr.m~ l' audUe.uJr., ma.w il fj a au-6û c.e. qu'on plté.-6e.nte. c.ormre. un ac.qu~ ~d~c.uta.ble. dont
on 6aU le. c.adJr.e. du d.i..ai.ogue., -6an.6 plte.ndJr.e. la Jr.upon-6aba~té. d' avo-iA
d~t".
l j
Ohokou N'tagho, N'djomon Api, Nda N'tagho et
coeur.
j 1 î 1
- A Loviguié
- A Agboville
N'da Bourou.
Méné N'tagho, épouse Obodju Adagba Léon,
Apété ; Tchassonon.
Nous remercions également M. N'takpé Etienne qui, à
Paris ici, nous aida à retrouver sur le plan formel, la consti-
tution de certains noms. De même notre cousin Gnangbé Félix,
étudiant en Troisième cycle de génétique appliquée aux plantes
qui nous a permis de mentionner dans notre travail, certaines
références précises concernant la nomenclature scientifique de
certaines plantes.
nous a été d'un grand secours.
Nos remerciements vont aussi à M. Somsé Pierre-Achille,
étudiant en Troisième Cycle de Linguistique africaine, dont les
conseils nous ont permis une bien meilleure appréhension du sys-
tême de la schématisation en linguistique.
,'1a Notre étude se présente sous forme de deux volumes,
4
celui-ci et un deuxième qui constitue notre corpus. Cet autre
volume est présenté avec une introduction qui situe géographi-
quement le peuple abbey, ainsi que le système phonologique ayant
servi â la transcription des textes.
Ces textes ont eux-mêmes subi deux niveaux de traduc-
tion, l'un littéral et l'autre, littéraire.
Quelques indications pour la lecture
- Les références en langue abbey so~t phonologiques
dans le Troisième Chapitre pour les problèmes précis qu'il pose.
Ailleurs, elles sont orthographiques, c'est-â-dire en alphabet
français.
s'agit de l'Eyi-di.
*
l '·' l']L'EYI-DI ~,d, , c'est tout simplement RIe fait
de porter un nanR en abbey ~ mais pas n'importe quel nan. Ce
nan que l'on "porteR revêt des propriétés particulières sans
lien avec le nom par lequel le groupe social vous désigne.
Ici, il s'agit d'une con~ntion établie entre deux
femmes, ou exceptionnellement, entre un homme et une femme.
Elles décident qu'~ partir de ce jour-l~, le nom reçu de leur
famille n'existerait plus pour elles, et qu'elles adoptent un
nom qu'elles partageraient ensemble durant toute leur vie. Et
ce nom est un véritable énoncé dont le contenu est destiné ~ une
troisième personne, constamment présente dans l'esprit des deux
interlocutrices. Ce genre de nomination destiné ~ autre que soi
est très répandu en Afrique, communément désigné sous le terme
de Noms allusifs.
Noms allusifs" ? C'est que de tous les noms allusifs rapportés
dans les livres, nous n'avons pas rencontré un seul dont le mode
de fonctionnement corresponde à celui qui fera l'objet de ce tra-
vail. Aussi, avons-nous préféré au terme restrictif de Noms al-
lusifs, celui plus général de "porter un nom" ou "se nommer", ce
qui nous permettra plus aisément d'aborder ce travail dans le ca­
dre de la nomination.
Nous nous intéresserons donc aux énoncés d'une manière
globale, c'est-à-dire non seulement du point de vue de leur con-
tenu, mais aussi et surtout, de leurs structures syntaxiques,
leurs caractères expressifs, leur émission à partir desquels
nous poserons des problèmes théoriques de la poésie en littéra- .
ture orale d'une manière générale, et plus précisément dans le
domaine des noms.
La poésie des noms en effet, constitue un des nombreux
traits distinctifs de la poésie orale africaine. Les études
faites à propos des Noms africains, pourtant en grande partie
ethnographiques, n'ont pas manqué de souligner que plusieurs
noms présentent des structures particulières et que ce sont de
véritables énoncés.
La poésie orale d'une façon générale a été três peu
étudiée par rapport au récit dont le conte est la plus parfaite
réalisation. C'est que ce genre comporte d'énormes difficultés,
notamment, le traitement des documents récoltés dans la phase
de traduction de telle sorte qu'ils puissent se prêter à une
étude poétique.
pas de parler spécialement de poésie, ont pourtant touché aux
aspects généraux du genre :
Pour une étude ethnolinguistique des littératures orales ;
1 ! 1 ! ! i !
1 i j;
Bambara
1 ,1
Il ya également des publications intégrales depoi-
sie épiques chantées par des griots. C'est le cas des ouvrages
consacrés a SOundjata : SOundjata ou l'épopée mandingue de,
D. T. Niane, Kala djata et Janjon ou Autres chants populaires
du Mali de M. M. Diabaté d'autres ouvrages également tels que
])
Ce qui nous a fait défaut, c'est une étude systémati-
que relative a la poésie orale. Ce manque est sans doute dO aux
manifestations multiples de ce genre. Par exemple, entre les ré-
cits épiques sahéliens Sour~jata et ceux de l'Afrique Centrale
(le Mvett), il faut dire qu'il y a une marge dans la descrip-
tion et la forme (expression), bien que l'accompagnement musi-
cal soit commun aux deux types, ainsi que la spécificité qu'ils
ont de mêler la légende a l·hi~oire. Et puis dans quelle mesure
parler de poésie en général n'équivaut pas a aborder le problème
dans la production au sens occidental du terme ou bien la compa-
rer avec celle de la tradition écrite afro-occidentale ? Aussi,
il vaudrait peut-être mieux, au lieu de parler de poésie orale
africaine, parler plutôt de formes poétiques puisqu'on en trouve
aussi bien chantées (la majorité des cas) que dites comme il va
1
1
Si, comme nous venons de le souligner, la poésie orale
en général a jusqu'ici bénéficié de peu d'études pour l'analyser
du dedans, la poésie des Noms l'est encore moins. L'une des cau-
ses de cela est due au fait que cette forme de -littératureR se
démarque três peu de la structure et du fonctionnement de la
langue courante ; et le gros du problême réside dans le passage
1 de ces textes en français oft ils subissent plus de transforma-
i tions que dans le récit; quelquefois même, il a~rive que l'on i :1;: frôle l'agrammaticalité en essayant de sauver certaines tournu- jl
res qui vous semblent assez typiques.
1 Donc, c'est dans ce cadre que nous nous proposons de , 1 mener cette étude dont le but est d'abord de contribuer ~ la ,, i connaissance de ce genre ; et si elle est assez bien conduite,
tl elle pourra, nous l'espérons, être le point de départ d'autres t
recherches.
Il
j
1 1, i 1
d'une passion.
été frappée par une forme d'échange verbal entre femmes. Plus
t
1
tard, nous avons compris que ce discours, somme toute insolite,
couvait une réalité bien plus importante que celle â laquelle
nous avions pu songer. Savoir plus long sur cette sorte de
"communication" en l'étudiant de manière intégrale, telle est
notre motivation. Mais sans doute, le meilleur moyen d'y assis-
ter était d'en recueillir un assez grand nombre. Mais aupara-
vant, il nous fallut vérifier le bien fondé de notre option, ce
genre présentant des affinités certaines avec des poèmes nuptiaux
et funéraires (la portée sociale). D'une manière générale, les
personnes qui ont jusqu'ici suivi notre travail de près ont été
intéressées par notre exposé et nous ont encouragée à tenter
l'expérience. Il s'agit de M. R. Jouanny, notre directeur de
recherche, de Mme G. Calame-Griaule, un des ma1tres incontestés
dans la recherche en littérature orale africaine; et,de loin,
M. Bernard Zadi, stylisticien et chercheur en littérature orale
ivoirienne. Mais la collecte ne fut pas sans problèmes.
1. LES DIFFICULTES DE TERRAIN
Donc, c'est l'été dernier que nous avons pu avoir le
maximum de nos textes, en pays abbey.
Nous avons procédé par une série d'enquêtes dont le
point de départ était notre propre expérience dans ce domaine.
C'est un genre où, à la différence du conte et surtout
du proverbe, il n'y a pas de maItres en soi. Depuis les enfants
r i 1
jusqu'aux vieillards, chaque individu est capable de dire au
moins un Nom. Apparemment, la collecte ne devrait pas poser de
problèmes. Mais notre souci était ailleurs. Il nous fallut nous
assurer qu'il existe une constance du genre au niveau d'au moins
trois des cinq tribus qui forment la région d'Agboville. Quant
aux autres régions o~ l'on parle l'Abbey, il ne nous a pas paru
nécessaire de nous y rendre pour le moment, car, que ce soit à
Tiassalé ou à Daoukro, ce sont les Abbeys d'Agboville qui ont
émigré là-bas pendant la période coloniale. Ils ont conservé
la plupart des manifestations culturelles du terroir originel,
notamment le·-djidja-, fête de Purification annuelle. Et puis,
compte tenu du fait qu'ils sont en contact avec les Baoulé,
quelquefois même (en ce qui concerne l'Abbey de Tiassalé), cer-
tains phonèmes ont été transformés, si bien que certains termes
nous reviennent totalement incompréhensibles pour une oreille
mal exercée. Par exemple les tch et K sont devenus t.
Dans tous les cas, le choix que nous avons fait de ne
nous en tenir qu'à la stricte localité d'Agboville est en prio-
rité un souci d'ordre linguistique.
Donc, notre documentation s'est essentiellement faite
dans les tribus Morié à Grand~orié, Tioffos à Gbandjé et à
AnanjUié, Abèvé à Loviguié, Khos à Kassiguié et à Kessiguié.
Dans la cinquième tribu, le Krobou, on parle le Krobou et non
l'Abbey~
1 1, h
d'utilisation de l'Eyi-di.
En effet, à part quelques rares Noms à propos desquels
nous avons réussi à arracher des explications concernant leurs
circonstances d'emploi, jamais personne parmi les gens qui nous
ont livré les textes de quelque catégorie qu'il soit, n'a voulu
aller au fond des choses. Quoi de plus normal 1 Le terme de 1it-
térature n'aurait plus lieu d'être employé ici. Mais s'il avait
été possible d'avoir quelques illustrations, nous les aurions
présentées en même temps que les textes/ce qui aurait contribué
à une bien meilleure appréhension du genre. Mais ce refus caté-
gorique tient à l'existence même du genre.
Les Africains en effet répugnent à dévoiler aux jeunes
certaines vérités. Or, nous savons que la fiction a três peu de
place dans l'Eyi-di, il n'y a donc pas d'autres moyens pour les
détenteurs de se tenir dans les normes d'un genre littéraire qui,
bien que polémique, ne s'érige pas en tribunal. Nous reviendrons
d'ailleurs sur cet aspect du prob1ême dans les analyses propre-
ment dites.
des hommes. Ils n'emploient l'Eyi-di entre eux que pendant les
moments de boisson collective du vin blanc local, et lorsque
celui à qui le Nom est destiné est présent: si bien qu'en dehors
1
1 "
1
! ,f
1
de cette atmosphêre il leur est difficile d'imaginer l'ambiance
et de retrouver les Noms; et d'ailleurs, ils n'en éprouvent pas
le besoin.
la question de méthodologie.
Contrairement au conte qui a été étudié par des cher-
cheurs de toutes origines, lesquels ont proposé par conséquent
des méthodes diverses, aussi savantes les unes que les autres,
la poésie des Noms, comme nous l'avons précédemment fait remar-
quer, ne bénéficie pas de bibliographie méthodologique! propre-
ment parler.
, Les ethnologues qui ont beaucoup enquête sur les patro-
nymes d'Afrique se sont sans doute rendu compte que les noms de
personne étaient un des moyens les plus sOrs pour étudier les
termes de parenté. Il n'est que de voir le volume d'études rela-
tives aux noms individuels pour constater l'importance du problè-
me. Cependant, la plupart de ces études ont été faites du point
de vue de leur contenu, notamment, de celui de leur concours
dans la constitution de la Personne dans les sociétés oü ils
ont été recueillis. Depuis une date récente seulement, on s'in-
téresse de plus en plus! la structure syntaxique, ! la parole
14
Dans ces conditions, l'étude que nous envisageons
d'entreprendre ne bénéficie pas a priori de modèle d'analyse.
Pour cette raison donc, la méthode adoptée est une proposition
toute nouvelle qui ne demande qu'à être critiquée et approfondie.
C. LE PLAN=====1:::=
Nous avons pensé que dans un premier temps, il nous
li faut partir de fondements socio-culturels de l'Eyi-di. Mais jl j'
1 l'Eyi-di faisant partie du système de nomination en général, 1
1 il nous a semblé nécessaire d'abord d'ouvrir un bref aperçu sur ~ 1
j ce système dans la société abbey avant de considérer le cas par-
i1 ticulier de l'Eyi-di 1 puis nous nous interrogerons sur la portée 1 J sociale de l'Eyi-di 1 enfin, nous aborderons le point précis de ~,
l'Eyi-di en tant que genre littéraire. Ce qui donne d'une manière
détaillée, la démarche suivante :
(1) Quelques études ont été faites surtout dans le domaine de l'ethnolinguistique oü des chercheurs, sous l'angle de deux domaines, ethnologie et linguistique, tentent d'analyser la structure des signifiants motivant le contenu sémantique des Noms. Nous pensons à l'ouvrage de Bisiliat et D. Laya: Les Zamu ou Poèmes sur les Noms, en particulier la préface qui pose des problèmes fondamentaux 1 et surtout l'article de C. seydou, La devise peule publié dans Langage et Cultures africaines.
1
1
t, !
t
15
• fondement socio-culturel
3. Un genre féminin par excellence.
Un genre littéraire.
3. Structure de la langue et système de l'Eyi-di.
2. Dimension critique et politique.
- Chapitre II : Portée sociale de l'Eyi-di.
- Chapitre III
t 1 1
2. Le rythme.
j
FONDEMENTS SOClO-CULTUREL'5 DE L'EYI-OI
1
1
1
Comme nous avons eu â le souligner dans notre intro-
duction, les Noms de personne de plusieurs sociétés africaines
ont bénéficie d'études approfondies, au niveau de l'ethnologie
surtout. Nous ne traiterons donc pas de noms patronymiques en
général, c'est-â-dire chez tous les peuples africains. L'objet
r 1 de notre travail faisant partie des Noms de personne, il est
1 1 nécessaire de le situer dans le système de nomination abbey. Ce- ! 1 ,[ pendant, il n'est pas exclu que nous fassions référence â des .,
ouvrages déjâ existants sur la question pour donner certains
exemples précis.
la nomination se fait dans la famille paternelle. L'acte de
la dation du nom est, avant tout, considéré comme un geste de
renouvellement du clan et de la lignée dans toute son intégra-
lité. Pour cette raison, le nom par lequel on identifie un en-
fant â sa naissance, est fondé sur un système d'homon~e dont
le principe de base se présente comme suit :
- Le premier enfant
. S'il est garçon, deux possibilités s'offrent : on
lui donne, soit le nom de son grand-père paternel (si celui-ci
est encore en vie) en vertu de la vie qu'on lui doit ou/et du
grand respect qu'on lui porte: soit le nom d'un cousin germain
1 J
1 1 ~ ~
1 1
• Si c'est une fille, on lui donne le nom d'une
cousine germaine du père.
Ces deux personnes, le cousin et la cousine tiennent
une place prépondérante dans la vie du pêre. Lui, est son hé-
ritier légitime, et elle, lui lavera la tête et les parties gé-
nitales A sa mort. Ces deux personnes ont auparavant assisté le
pêre au moment de son mariage (dans la culture occidentale on
les appellerait des témoins).
On évite de donner le nom du grand-pêre mort au pre-
mier enfant, car cela équivaudrait A l'offrir directement aux
Morts. Mais par la suite, il pourra lui rendre cet hommage.
- Le (ou la) deuxiême enfant recevra le nom d'un
cousin ou d'une cousine du pêre.
- Le (ou la) troisiême enfant aura le nom d'un oncle
ou d'une tante, d'un frêre ou d'une soeur.
On honore les cousins et cousines avant les frêres l ,
et soeurs pour sauvegarder la communauté et ne pas den~ dans
l'égocentrisme.
- Par la suite, on peut donner A un de ses enfants
le nom d'un ami, de quelque contrée qu'il soit, pour l'estime
qu'on lui porte. Ce qui permet tout de même l'introduction d'un
certain nombre de noms étrangers dans la famille ou dans le clan.
19 1 1
1 ~ 1 !
il ~ i: 1:
c'est elle qui lui donne un nom. Et en général, elle lui donne
le sien si c'est une fille. Sinon celui d'un de ses frêres ou
d'une de ses soeurs. Cela a une valeur symbolique qui signifie
qu'on lui donne cet enfant-là.
Dans ce mode de nomination, l'homonyme est, aprês
les parents, le garant de l'enfant dans la vie. Son foyer est
le deuxiême foyer de l'enfant, (dans la civilisation occidentale
on rapprocherait son rôle de celui du parrain). Dans le cas des-
filles, c'est encore l'homonyme qui a le devoir (théorique) de
constituer la moitié du trousseau du mariage.
Avant de progresser, voyons comment on donne le nom.
La dation du nom
Dês sa naissance, l'enfant reste dans la chambre avec
Sa mêre le pose sur ses genoux, son pêre prend du
res et demie et sept heures, aprês avoir balayé la cour, on l'a-
sa mêre pendant une semaine (six jours dans le calendrier abbey)
(1). Au bout du sixiême jour, três tôt le matin, entre six heu- 1 f
1 ~ 1, f !
éhichi, ovo,
mêne au dehors pour la cérémonie de la dation du nom, pour
( '-'" 1)l' Eyiro ~ 1 rv , "le fait de nouer le nom".
(1) La semaine abbey est composée de six jours écho, étchasso, épi, épisso.
1
20
kaolin, fait des libations. Il verse un peu de poudre de kaolin
1
1
1 1
sur le sol et invoque les génies, les cours d'eau, le Ciel et
la Terre ainsi que ceux qui veillent sur eux ; puis il appose
ses doigts couverts de kaolin sur le front de l'enfant par
trois fois et chaque fois il dit tout haut le nom de l'enfant.
Après quoi la mère retourne dans sa chambre avec son fils.
1 1 En dehors du nom qu'il vient de recevoir, l'enfant
·1 possède d' autres noms apparenunent moins importants, mais qui
.1 -entrent dans la constitution de sa personne:
~~I "ilJ - A chaque nom du terroir, qu'il s'agisse de nom de il
garçon ou de nom de femme, est lié un petit poème qui sert à
le louer quel que soit l'individu qui le porte. Un exemple-type
est décrit chez les Zarma du Niger dans"Les Zamu ou poèmes sur
les noms·, par J. Bisilat et D. Laya. Mais il reste dans l'om-
bre ; d'ailleurs, un nombre limité d'individus seulerœnt connaissent le
leur propre. Seul celui des personnages célèbres est connu à
travers des anecdotes et des chansons populaires.
- Lorsqu'un enfant nalt, il porte d'emblée et sans
cérémonies, le nom du jour au cours duquel il est né. Avant même
l'octroi du nom principal, ce nom peut déjà être utilisé, mais
très vite, il pourra sombrer dans l'oubli pour l'entourage,
1
1
r
les parents n'étant pas tenus d'habituer leur enfant à ce nom
dès son jeune âge: il le saura plus tard de toutes les manières.
Néanmoins, le libre choix est laissé aux parents d'en faire lé
1 1, 1
"fj,,
21
nom usuel de leur enfant. Dans tous les cas, c'est un nom de
second degré. Mais c'est lui qui, avec le nom principal, cons-
titue vraiment la Personne.
A part ces deux noms, selon leur rang de naissance,
certains enfants peuvent avoir d'autres noms en plus, qui font
d'eux des cas.
- Si vous êtes précédé de deux enfants de même sexe,
vous êtes TchindO (terme emprunté aux Baoulé), vous occupez une
mauvaise position. Généralement, vous êtes considéré comme de-
vant avoir un caractère difficile ; vous avez une prédisposition
mystique. Il existe une série de cérémonies â subir alors pour
redevenir normal. Selon que vos parents y croient ou non, ils
vous soumettront â cela ou vous en dispenseront. Dans la civi-
lisation baoulé, on supprimait semble-t-il, ces genres de nais-
sances, faute de quoi la mère pouvait ne plus faire d'enfant.
-Si vous êtes troisième et quatrième du même sexe,
} vous êtes respectivement N'gbesso et N'dèrè. Ces deux naissan- ~
ces également prédisposent l'enfant â des capacités mystiques.
Pour les réduire, les étouffer ou les développer, il existe des
cérémonies â subir.
- A partir du neuvième enfant jusqu'â la fin des ma-
ternités, les enfants, qui sont considérés comme ayant un ca-
ractère particulièrement difficile et sont traités en conséquen-
ce, portent tous le nom de leur rang : N'goran : ge, Brou : 10e,
22
etc, etc, mais dans une terminologie baoulé (pour une question
de tonalitê).
·jumeau· et de yikpê "garçon" - n'tayikpê contractê donne
n'takpé).
ghO·) •
Quand il s'agit de jumeaux garçon et fille, N'takpé
et N'taghô supplantent le nom principal. Quand ce sont des ju­
meaux ou des jumelles, on laisse volontiers dans l'ombre leur
nom de jumeaux pour ne pas se tromper dans les désignations.
- Si vous êtes né après des jumeaux, vous êtes
N'tamon (de n'ta "jumeau" et Mon: "ce qui est avant"). On con­
sidère que l'après-jumeau est plus puissant que les jumeaux,
parce qu'i~ porte en lui la force réelle de ces derniers.
- Si vous êtes né sur les rives d'un cours d'eau,
vous portez d'abord son nom.
NOUS laissons de Côté tout le système de substitution
au nom principal pour les cas oft on est amené à le contourner
pour ne pas avoir à le prononcer pour un tas de raisons (respect,
etc, etc). Pour nous, tout cela entre dans les termes d'adresse
et nous n'aimerions pas aborder ces questions dans ce travail.
23
Mais nous n'en avons pas pour autant terminé avec
les modes de nomination. Si dans la plupart des cas, les
choses se déroulent sans histoires, il est d'autres cas on
les parents sont obligés de passer outre la convention sociale
pour donner un nom A leur enfant. Ce rôle revient généralement
aux pr~tres totémiques.
Les cas sont multiples et divers. Nous nous intéres-
serons A deux d'entre eux, sans doute, ceux que nous connais-
sons le mieux.
1. Un prêtre intervient dans la dation du nom d'un
enfant lorsque le nom initialement reçu par l'enfant ne lui
convient pas. Comment le sait-on?
L'enfant manifeste un état de santé défaillant et
apparemment, aucun remède ne semble le soulager. Alors, soit
qu'un membre de sa famille voie en songe l'enfant qui lui confie
sa pensée - il serait par exemple un aleul revenu, ou le génie
d'un cours d'eau quelconque, ou autre chose, et donc, il réclame
la restitution de son nom, faute de quoi il mourrait.
Pour vérifier un tel songe (peu banal A dire vrai)
on va consulter un prêtre ou un devin. S'il certifie les propos
qu'on lui a rapportés, il débaptise l'enfant et le rebaptise en
lui donnant le nom choisi. Quelque temps après, le malade devrait
retrouver sa santé.
2. Le syst~me Rougbo est d'une mani~re générale
conseillé aux couples qui perdent leurs enfants en bas âge.
Pour aller échanger votre enfant contre Rougbo, une seule con-
dition, et elle est capitale: il ne faut pas avoir eu d'en-
fants qui soient en vie et que celui que vous possédez soit
le seul dernier-né qui vous reste.
Donc, pour ne pas perdre encore une fois votre enfant,
vous l'amenez au pr~tre ou à la princesse qui vous l'échange
contre autre chose, contre quelque chose qui est la même pour
tous, Rougbo •
Rougbo étymologiquement, c'est "tout ce qui est cuit
nature". Si c'est un légume, on peut le consommer sans accompa-
gnement spécial.
Par analogie à ce genre de repas, on dénomme ainsi
les enfants que l'on essaie de garder à la vie
- Ce qui est "cuit nature" ne mérite pas un traitement
spécial, aussi tout le monde peut se servir. C'est
pourquoi, quand on voit passer un tel enfant (recon-
naissable aux amulettes qu'il porte au cou) on l'in-
terpelle, "Banane-cuite-nature " 1 "Ignarne-cuite-
nature" etc, viens par ici donc que je me serve 1•••
Comme j'ai faim, Manioc-cuit-nature ! viens me donner
à manger 1••• etc, etc".
Ce jeu consiste à ridiculiser le sort et à décourager
tous les sorciers qui en veulent à l'enfant.-
1
1. FONDEMENTS OOCIO-eULTURELS
"EYl" est un terme polysémique qui désigne ~ la fois
la "dent" et le "nom". Le contexte dans lequel il apparalt per-
met de lever l'ambigulté.
Lorsque nalt un enfant, la cérémonie de la dation du
nam (que nous avons décrite) s'appelle "eyi-roh" qui est donner
- "roh" - un nom - eyi - mais le terme (roh) signifie "nouer"
dans le sens de faire un noeud coulant. Ce qui fait que "donner
un nom" prend le sens de "nouer un nom". Nous pensons que c'est
le vrai sens de la dation du Nom.
Une fois le nam donné, l'enfant le porte et le terme
qui exprime cela est "êyidi" "le fait de porter un nom" ; "di"
signifiant également "manger". "Le fait de porter un nom" -
littéralement : "manger un nom" veut dire avoir le nom en soi,
le contenir. Et si l'on demande ~ quelqu'un: "Comment te
nommes-tu ?" c'est le verbe "di" qu'on emploie: "élé fe dié"
"Comment toi manges ?". Pour le distinguer cependant du verbe
"di" (manger au vrai sens), on dira par exemple "ma fé di é" :
"quoi toi entrain de manger ?", "que manges-tu ?".
Maintenant, dans le cas de la devise, on emploie
"shi foufou" "arracher", dans le sens d'un objet suspendu ~
quelque chose et qu'on détache vigoureusement avec la main, et
26
caractère souvent abstrait ou idéal de ce genre de nom.
qui vous caractérise, généralement un défaut, un tic ; mais il
le nom", qui signifie "déclamer le nom". Ce qui explique le
1 l 1 [
1
Mais quand un homme ou une femme a acquis une grande
peut s'agir aussi d'une qualité mais sur laquelle on ironise.
le surnom éclipse le nom principal.
Alors on dit "eyi-roh". Et tout le monde peut vous appeler par
renommée pour quelque raison que ce soit et qu'on veut dire
ce surnom avec ou contre votre gré. Parfois il arrive ~me que
qu'on loue la~personne, on emploie le terme de "eyi-rou" - le
ij
1
En ce qui concerne le surnom, c'est également le ver-
on dit "eyi-shi-foufou" : littéralement: "le fait d'arracher
cette fois, ce nom vous est donné pour quelque chose de précis
be qu'on emploie pour l'attribution du nom de naissance. Mais
verbe "rou" veut dire "puiser", "pleurer", "tisser" (une natte)., :l· :1 Le sens qui convient dans ce domaine est celui de "pleurer",
,, ; '1; ~;~
l i
dans le sens, non de "verser" des larmes ou de s'apitoyer sur
le sort de quelqu'un, mais par allusion à l'acte de répétition
de ce nom. Le terme Eyi-rou c'est aussi l'acte de nomination.
Il signifie "le fait de nanmer" "le fait de désigner".
Ce bref aperçu étymologique permet de voir que chez
les Abbey, en ce qui concerne la nomination, il y a un seul
terme, "eyi" (le nom) et diverses manières de le dire, manières
liées aux circonstances de dation et de création, qui donnent
le nom, la devise, le surnom, etc. Où est donc la place de
1
1
1
1
1
Lorsqu'un enfant apprend à parler, on le familiarise
avec le système des noms, le sien propre ainsi que celui de
ceux qui l'entourent. Petit à petit, il apprendra à faire la
différence entre "attribuer un nom", "porter un nom" : quand
sa mère se mettra à "louer son nom", il saura que c'est parce
qu'elle est satisfaite de lui. Et avec le temps, il se rendra
compte que certains noms sont plus compliqués que d'autres,
ainsi que les raisons pour lesquelles ils sont composés de cette
façon. Cependant, ce qu'on ne lui apprendra pas, c'est une ca-
tégorie de noms qui sont plutôt des catalyseurs de conflits. S'il
s'agit d'une fillette, très vite, elle remarquera que sa mère
et telle ou telle femme s'interpellent toujours par un nom dif-
férent de celui que les autres utilisent, et que très souvent,
elles s'arrêtent quelques instants pour échanger quelques mots
à propos de leur nom en adoptant soit une attitude décontractée,
soit une attitude presque sereine. Mais tant que ça l'amusera
ou qu'elle constatera que sa mère parle trop, elle n'essaiera
pas de l'imiter lorsqu'elle se mettra à faire comme sa mère
1,
r
avec ses amies, ce sera une adolescente de douze ou treize ans
et elle se posera en critique qui commence à comprendre le monde
qui l'entoure. Ces genres de nom, Agblémagnon les a appelés à
juste titre, "les noms d'allusion" (1) et il les a décrits de la
(1) N. Agblémagnon : Sociologie des sociétés orales d'Afrique noire, pp. 82-83.
28
~Il s'agit de "parler" du voisin, de le provoquer au
besoin sans para!tre s'adresser à lui. Ce nom peut
être une insulte voilée, une moquerie, la manifesta-
tion d'une intention hostile, le désir de ridiculiser,
etc. Ce type de nom peut être donné aux objets fami-
liers, aux animaux domestiques. Ainsi, pour narguer
le voisin, l'Ewé appellera sa chêvre ou son chien:
Wotornyo "ils ont de la chance, eux".
Cette brêve présentation illustre parfaitement le
fondement social de l'objet de notre étude. Nous avons préféré
ne pas l'intituler "nom allusif" ou "nom d'allusion" parce que
la majorité de nos noms (et ici nous parlerons des noms des so-
~ 1 ciétés africaines en général, l'immense bibliographie concernant
1 j ce sujet nous le permet) est allusive. D'ailleurs la classifica- i i
1 - tion d'Agblémagnon qui ne fait état que d'une seule catégorie de
~ 1 noms non-allusifs (les "noms de salutations" dérivés des noms du t 1 jour de naissance) confirme ce fait. Cependant, chez les Abbey,
1 le fait que les femmes aient érigé ces noms en système de criti­
que leur a donné une dimension supplémentaire. C'est pour cela
que nous avons choisi de partir de l'acte de parole afin d'abor-
1
l
1
r
der le mode d'emploi de ce type de nom (qui l'emploie? quand?
etc) aussi bien que le texte lui-même. Car, plus que le nom que
l'on porte, c'est le fait de le dire qui compte. Et aussi souvent
i
sera-t-il répété, le nam (qui est message) aura plus d'occasion
pour atteindre son but, faire effet sur les récepteurs visés ou
non.
L'Eyi-di se pratique d'une manière générale entre fem-
mes, surtout entre amies ~ entre hommes ; et exceptionnellement
entre un homme et une femme. Dans ces conditions, il peut pren-
dre une importance moindre lorsqu'ils n'ont pas l'occasion de
se voir souvent •
Il s'agit donc d'une convention établie entre deux
femmes ; elles appellent cela Eyi-di (le fait de porter un nom) •
Quelques expressions qui y sont liées sont :
- "Nommons-nous .•• " lorsqu'elles prennent la décision
de partager un nom.
- Telle personne et moi avons décidé de nous appeler
désormais par tel ou tel nom,
etc, etc.
Les personnes ayant droit de désigner ces femmes par
ce nom sont celles mêmes qui ont pris cette décision. Dans notre
transcription, nous avons mis en relief le caractère distique de
chaque Nom.
1 1, 1 j
1 ! 1 1 1
30
Soit LI et L2 les deux locutrices que lient un Nom.
Dès qu'elles se rencontrent, l'une, disons LI' énonce le premier
membre du nom ; aussitôt, L2 lui donne la réplique en énonçant
le second membre. Et ce sont les deux membres réunis qui for-
ment le Nom. Alors tout de suite après, suit un commentaire que
fait l'une ou l'autre, quelquefois les deux, pour appuyer ou
expliciter le Nom. Le petit texte qui suit chaque Nom n'est
donc pas une précaution de notre part pour aider le lecteur.
c'est le déroulement normal de l'emploi du Nom.
Un exemple Morphologie d'un Nom.
LI Il s'attend â la chute
de l'arbre pourri •..
Tel le Vieillard, l'arbre mort qui se dresse lâ-bas,
le vieillard ici même â propos de qui nous disons qu'ayant les
cheveux blancs, il va mourir .••
Et pourtant, il se peut que ce soit le bébé que voi-
lâ, â qui nous ne pensons pas, qui, le premier, meurt.
Le commentaire peut être un peu plus long surtout
quand les deux femmes le font â tour de rôle. Mais on veille â
31
ce que quelques instants suffisent. L'énonciation et le cammen-
taire tiennent au plus en trois ou quatre minutes. Car en fait
la beauté de la chose réside en cela. Il faut qu'en très peu de
temps, énonciation et commentaire soient eXécuté~et bien. Par
l~, on repère la performance de la langue de chacune. C'est pour-
quoi malgré sa morphologie particulière, l'Eyi-di n'a pas de mo-
ment fixe d'utilisation. C'est un nom propre et comme tel, il
assume les deux fonctions caractéristiques des noms propres :
~.
ce de celui ~ qui il est destiné.
Chez eux, tout se passe pendant les moments de bois-
Quelqu'un vous a fait du mal. Généralement il a, dans
bière,bien s'agir également de toutes autres boissons fortes
son, autour d'un ca'12ri de vin de palme. De nos jours, il peut
vin, rhum, etc. Jamais aussi ils n'emploient le Nom en l'absen-
1 f
1 1 1 1
~ votre égard, et comme vous n'avez pas oublié le fait, vous te-
nez ~ le lui faire remarquer publiquement. Alors dès que l'oc-
casion s'offre, vous achetez de la boisson et vous conviez des
amis, parmi lesquels celui qui vous a offensé. Et très précisé-
t
ment, vous dites ~ cette personne que cette boisson est offerte
en son honneur. Lorsque la boisson est terminée, l'homme (le
32
des conclusions.
ments. Il se tourne vers celui qui les a rassemblés et dit :
normale aurait "donné la route" en disant justement "la voie
r
1 !
1
le vin est fini, nous arrivons.- Nous arrivons
plus jeune de l'assistance) qui a assuré le service, dit la
Un exemple
le défi, et du coup laver l'affront qui lui a été fait. Quelque-
formule qui annonce qu'il est temps de passer aux remercie-
partagent avec lui ; à la fin de cet échange, il explique le
pourquoi de ce Nom. Il dira entre autres, que l'homme en l'hon-
Et l'autre (celui qui offre) qui, dans une situation
est libre", répond par un Nom qu'il se donne et que les autres
il lui a fait ce qui se doit. En fait, ce n'est pas de bon coeur
fois, après le partage du Nom, l'offensé, dans sa phase explica-
ignorait-il que lui aussi était "quelqu',un" c'est-à-dire un hom-
me important; alors pour lui prouver qu'il mérite des égards,
tive parle â la troisième personne et l'offenseur tire lui4nême
que l'homme a fait ce geste, il a agi de la sorte pour relever
neur de qui il a offert à boire l'avait offensé; sans doute
1,
1
1
!
Il avait une grande renommée et sa popularité dépassait les
frontières de son village.
Tout près de lui, habitait un homme modeste qui ré-
coltait annuellement une tonne de cacao. Pendant que notre ham-
me riche qui reçoit de l'aide (la main-d'oeuvre) de la part du
"Commandant", récolte cent tonnes de cacao. L'homme d'une tonne
économise son argent. Mais chez le riche, débarquent toujours
des gens qui viennent le voir afin de lui emprunter de l'argent.
Si bien que très souvent, il se retrouve sans un sou. Alors il
se rend discrètement chez son voisin l'homme d'une tonne et lui
dit :
Je suis en difficulté, j'ai chez moi des gens venus
solliciter mon aide, mais je n'ai plus rien et je
ne peux pas les renvoyer.
- De combien as-tu besoin, lui demande l'autre?
- J'ai besoin de telle somme.
Alors l'homme modeste rentre dans sa chambre et quand
il en sort, il lui donne l'argent nécessaire. Ainsi, le riche
peut aller porter secours ~ ses visiteurs tout comme si cet ar-
gent venait de sa poche.
Pourtant un jour, alors qu'ils avaient une prise de
bec, le riche traita le modeste de pauvre type (pauvre dans le
sens de "sans le sou").
Alors un jour, comme le modeste avait reçu de la visite,
il offrit ~ boire ~ ses visiteurs. Le riche était également
t
34
1,
1
présent a la fête. Quand arriva le moment du remerciement,
l'homme qui a assumé le service dit:
- Nous arrivons.
est-petit".
Et a tour de rôle, chacun reprit, "le-champ.est-pe-
titRe Et le dernier demanda: "Tu dis que le champ est petit ~
dans quel sens l'est-il ?~
Alors il répond : "Oui, lorsque le champ est petit,
jamais n'y manque la nourriture. Mais quand le champ est vaste
notre richard trouvera matière â méditer la nuit quand il se sera
la nourriture y manque. Quand tu te rends dans un tel champ, tu
peux le parcourir de long en large sans rien rapporter ; tandis
que dans un champ petit, les femmes trouvent toujours de la ba-
1 -!
Schématisation
nane".
couché.
1
1
1 1, !
1 f Dans un cadre plus général, en vue de la réutilisation
1 du Nom qui vient d'être créé, on suit la démarche inverse. Le
!
;
1
1
35
c'est ce que nous avons fait apparaltre dans les textes. LI est
ici l'homme qui a offert la boisson. L2 ••• Ln ce sont tous ceux
qui ont pris part a la boisson. On partage le Nom, puis LI fait
le commentaire.
LI •.• jamais n'y manque la nourriture
L3 Le champ est petit •••
LI •.• jamais n'y manque la nourriture.
L Comment le champ est-il petit ? •• n
LI ..• oui, lorsque le champ est
petit ..• etc, etc.
C'est toujours le système binaire avec la différence
ici, que LI partage le Nom avec chacun des participants, et puis,
le commentaire est toujours fait par LI qui est le seul a savoir
pourquoi il a choisi tel Nom et pas tel autre. Les autres le
sauront après seulement.
A propos du commentaire, on remarquera le caractère
polémique de celui des femmes, tandis que celui des hommes est
plus réservé, disons plus philosophique. Ici, on lance des flè-
ches, la, on essaie d'être conciliant mais en montrant qu'on a
de la classe, de la culture. C'est ce qui justifie l'emploi des
proverbes comme Noms dans la plupart des cas.
1 1, f, !
lorsque nous aborderons la portée sociale, et surtout la di-
mension littéraire de ces Noms.
Cependant, il nous semble ~portant de faire la part
des choses entre les proverbes en tant que tels et les Noms-
proverbes dont il est question dans ce travail. Toute la diffé-
rence se situe au niveau de l'emploi.
Notre but n'est donc pas de faire une étude compara-
tive de l'Eyi-di et du proverbe, encore moins de présenter un
long développement sur le proverbe ; de solides recherches a
propos du genre ont été effectuées et portées a la connaissance
du public.
jutilisé Tel que nous avons présenté l'Eyi-di par les hommes
et fait remarquer que la plupart du temps ils avaient recours
traits d'une conversation que nous avons eue avec un informa-
teur Akafou Denis, notable du village d'Ananguié ; conversa-
1 }: t-
tion au cours de laquelle des proverbes ont été employés pour
étayer, ponctuer chaque sujet et chaque idée précise.
1. Le proverbe est donné dès le départ. C'est
lui qui pose les principes de l'idée a développer.
1
- Alors vous êtes partis à la recherche de la con-
naissance comme tu viens de le dire ?
- Oui.
- Vous êtes partis ••• Mais on dit: -Pour rien l'ar-
bre ne se déracine: il faut qu'il vente avant que l'arbre ne
tombe-.
qu'elles meurent nous disons: "oui, on a tué telle personne •.•
etc. Elle est morte, certes, mais elle a fait quelque chose 1
- Oui la mort n'arrive pas par hasard.
- Voilà 1 Tu es partie •.• Mais si tu n'as rien fait à
personne, comment peux-tu rencontrer la mort ?
- Non 1
- Mais si au village ici tu as déjà fait du mal.
- Oui.
- Si tu as déjà fait du mal ici et que là-bas tu te
mets à recommencer, ce sera la cause de ta mort.
Toi qui as été jusque là-bas et qui vis là-bas,
aujourd'hui tu n'as pas encore fini, tu apprends toujours le
métier ?
! 1 j
- Oui.
avec moi, tu m'as apporté cette boisson, n'est-ce pas?
- Oui.
- Pourtant dans la société des Blancs, je ne suis rien
auprês de toi ; je crois que dans la société des Blancs je ne
suis rien auprês de toi, n'est-ce pas?
- Oui.
- Bien sOr.
- C'est moi qui t'ai mis au monde. On peut dire que
c'est moi qui t'ai fait partir et tu as réussi.
- Oui •
- Mais si tu arrives et qu'en me voyant tu me dis "oh
ce vieux Couillon-l! •.• " conunent penses-tu, en agissant ainsi,
que ton travail marche ? Voil! la signification des personnes qui
meurent.
( ... )
2. Le proverbe qui est tiré d'un conte est donné
A la fin. Mais le sujet est déjA discuté en grande partie.
- -C ••• ) Aujourd'hui vous êtes lA-bas C••• ). Un jour,
nous nous étions réunis, les autres et moi pour juger et régler
une histoire. Et j'ai dit: "je vais vous faciliter le proces-
sus-. Ils ont dit: -il faut absolument que nous transférions
cette histoire à Agboville afin de connaItre le dénouement".
J'ai dit: -non, ce n'est pas la peine d'aller A Agboville. Si
vous allez vous plaindre A Agboville, on vous convoquera en même
temps votre adv.ersaire et vous".
- Oui.
il parlera à son tour, n'est-ce pas?
- Oui.
- Ce que tu diras est dans ton ventre, ce qu'il dira
aussi est dans son ventre 1 C'est l'histoire du chasseur et de
la panthère.
- Oui.
- Oui.
40
- La panthère tuait du gibier 1 on disait même qu'il
~tait bon chasseur. Les habitants de la brousse le félicitaient.
Le chasseur du village également tuait beaucoup de gibier, et
on disait de lui qu'il était bien trop fort pour faire tout cela.
Et lui, pour prouver sa force et son audace, il dit : "le jour
oü ma mère mourra, je me rendrai dans la brousse pour tuer la
panthère et couper sa queue que je ramènerai afin qu'on s'en ser-
ve pour chasser les mouches de la dépouille, pour qu'on sache
que je suis vraiment chasseur".
Or, à ce même moment-là, dans la forêt, la panthère
faisait également ce voeu : "Oui, vous me félicitez, mais ce
n'est pas tout 1 à la mort de ma mère, j'irai tuer le chasseur,
couper sa cartouchière et la placer près de la t~te de ma mère,
pour qu'on sache que je suis puissant". Les choses en étaient
restées là. Mais un jour, pendant que la mère de la panthère ago-
nisait dans la brousse, la mère du chasseur aussi mourait au
village.
- Hum
Ce jour-là, dans la brousse, à l'aube, on entendit:
"mère panthère 1 mère panthère 1 mère panthère 1" (on essayait
de la ranimer). Aussitôt la panthère dit : "la maladie de mère
que je croyais être sans importance est entrain de la tuer. Si
je reste ici jusqu'à demain, compte tenu des personnes qui
1 1
41
viendront saluer, je ne pourrai pas aller dans la forêt et je
ne pourrai pas tenir mes promesses, et ainsi je serai la risée
de tous. Alors voilà, je pars. Si je ne rentre pas, conservez
le corps de ma mère pendant trois jours attendez la dégrada-
- Oui.
dont il s'est comporté sur les fruits d'un certain arbre. Je
J'ai remarqué ses traces, et très particulièrement la manière
tion du corps avant de l'enterrer." Et il disparut. !, i
! 1
- Effectivement, il disparut lui aussi. Lorsqu'il at-
teignit le milieu de sa marche, le jour apparut. Au moment oà il
que je chassais, il me semble avoir vu cet homme-là (la panthère).
suis sOr que tous les jours, il passe par là. Alors, si je tourne
l'orage qui s'annonçait. Alors il s'abrita sous l'arbre.
ne serai pas pris pour un menteur".
s'approchait d'un certain gros arbre, le ciel se couvrit
ces mêmes précautions avec cette précision : "On jour, pendant
'-
Mais à ce même instant, la panthère arrivait sous le
même arbre ; il constata le même temps maussade et se dit : "Que
se passe-t-il ? avec cette pluie, comment ferai-je pour voir cet
homme ?". Il se cacha de l'autre côté de l'arbre, tandis que le
chasseur occupait l'autre partie.
42
commença a diminuer, le chasseur qui eut envie de certain be-
soin naturel, se leva en marchant, il cassa une branche sè-
che qui fit du bruit. La panthère qui entendit ce bruit, se dé-
couvrit pour voir ce qui se passait. Alors leurs yeux se croi-
sèrent et chacun se dit en lui-même : "le type pour qui je me
suis déplacé est donc la 1". Alors pendant que la panthère se
préparait a bondir sur son adversaire, le chasseur, très rapi-
dement, s'éloigna de l'arbre, les doigts sur la gâchette. Ils
se mirent donc a se pourchasser en contournant l'arbre. Un mo-
ment après, la panthère dit : "Chasseur, pourquoi agis-tu ainsi
aujourd'hui ?"
La panthère dit "Arrête-toi 1".
La panthère dit: "Si je fais ce que tu vois, c'est
précautions: alors parle, je t'écoute".
Ils étaient alors distants de cinq ~tres environ -et
le chasseur visait la panthère. Ne tire pas, dit ce dernier :
i 1
"Attends 1 Laisse-moi parler. Ce que tu faisIl dit
Il dit
Le Chasseur dit : "Je ne tirerai pas : je prends mes
m'effraie".
pour une raison. Chez moi je reçois tous les honneurs parce que
il faut que tu saches. Alors laisse-moi parler.
c'est moi qui rapporte le plus grand nombre de gibier. Si bien
1
43
que je m'étais dit en moi-même que j'étais un mattre en matière
de chasse. Aussi j'ai fait une promesse aux gens de chez moi:
leur ramener ta cartouchière à la mort de ma mère, pour qu'ils
sachent que je suis vraiment puissant. Ma mère est morte aujour-
d'hui. C'est pourquoi je suis venu à la chasse pour te guetter
et t'avoir. Et voilà que précisément, tu te trouves ici. C'est
donc ce qui se passe".
Il dit : "Je suis ici pour les mêmes raisons que toi.
J'ai dit aux gens de chez moi qu'à la mort de ma mère, je te
tuerais, toi, grand chasseur de la brousse, afin qu'avec ta
queue que je ramènerais au village on chasse les mouches de la
dépouille de ma mère ; cela, pour prouver que je suis puissant.
Et voilà qu'aujourd'hui, ma mère est morte. En fait, je suis à
ta recherche.
Il (panthère) dit: "C'est ce qu'on appelle "le men-
teU/l a été avec 60n chien". Le voeu que tu as fait, je ne l'a-
vais pas entendu, et le voeu que j'ai fait, tu ne l'avais pas
entendu. Nous voilà face à face pourtant, si tu me tires, tu
m'auras tué pour rien. Disons que tous deux, nous avons tenu pa-
ro1e. Viens 1 Voici ma queue ; coupe la longueur qui te p1a!t et
donne-moi ta cartouchière. Chacun de nous ira réjouir les siens
avec l'objet acquis; nous ne sommes venus avec personne; nous
sommes "le menteur qui est allé avec son chien". Sur ce, il posa
sa queue sur l'arbre, et le chasseur en coupa un petit bout. Ce
dernier, en retour, lui remit sa cartouchière. Chacun rentra
chez soi.
envoya un enfant annoncer au batteur de tarn-tam qu'il était
de retour j puis il se mit ~ déclamer : RJe dis la vérité moi
J'arrive avec la cartouchière du chasseur pour qu'on sache que
je suis puissant 1"
"KotimO Bafoué KotimO Bafoué 1".
Il répondit: ".I.e réponds 1 Moi, garçon 1 Je ne parle
pas pour rien 1 Si je dis une chose, c'est la vérité 1".
Puis il dansa, dansa, dansa jusque devant le public
qui l'acclamait: "Cet homme a tenu parole j il a réellement at­
trapé le Chasseur puisqu'il est venu avec sa cartouchièreR.
Le Chasseur aussi rentra chez lui, fit avertir le bat­
teur de tam-tam qui déclina son nom en ces termes : RLe chasseur
a peur de la forêt, mais la forêt aussi a peur du chasseur 1".
Il répondit : "Moi je ne parle pas pour rien ! La parole que je
produis, je ne la produis pas pour la forme ln.
Lui aussi dansa, dansa, dansa et alla poser la queue de
la panthère sur le lit mortuaire. On lui dit : "Vraiment, tu as
tenu parole, nous pouvons ~ présent aller enterrer ta mère".
Quelqu'un alors remarqua: "Et ta cartouchière, l'as-tu oubliée
l~-bas ?". Il dit: "Je ne l'ai pas oubliée. Mais croyez-vous
45
que l'homme dont j'ai rapporté la queue est un homme docile?
Inutile de me demander on se trouve ma cartouchiêre. La lutte
que nous nous sommes livrée a été de taille et il a certainement
da avoir coupé ma cartouchiêre avant que je n'aie réussi à l'a-
battre: alors disons que je l'ai oubliée".
Chez la Panthêre aussi, les mêmes explications se dé-
roulaient et il a dit pour sa défense ceci : "Ne savez-vous pas
que le jeune que j'ai été affronter est plus fort que moi? Son
instrument tire à distance tandis qu'il me faut m'approcher de
mon adversaire avant de l'étrangler. Pourtant, dans cette lutte
qui n'a pas été un amusement, j'ai réussi à rapporter sa cartou-
chiêre. Alors inutile de me demander des détails jft.
On les excusa et on les félicita des deux cOtés. Qui a
vu ce qui s'était passé?
- Personne.
1 !
1, !
allé avec son chien".
Comme nous venons de le voir, l'Eyi-di, dans son uti-
lisation, rejoint le proverbe : mais il ne se confond pas avec
lui. Leur mode de formulation les différencie. Prenons l'Eyi-di
chez les femmes on LI énonce la premiêre séquence et L2 la se-
conde, avec le commentaire fait par l'une ou l'autre, ou les
deux. Ce schéma n'est pas obligatoirement suivi dans toutes les
1
1
46
circonstances. Quand les deux alliées (et le mot n'est pas trop
fort pour ce cadre) sont pressées, elles peuvent ne pas commen­
ter le Nam, mais se contenter tout simplement d'énoncer les deux
séquences qui le composent. Mais a la limite, c'est la première
séquence que l'on retient.
nO 16 : Celle qui aperçoit la première l'autre, peut l'interpel­
ler ainsi: "pORC-EPIC-QUI-TIENT-A-MANGER-DU-MANIOC 1 ••• ". Mais
-cette dernière, qui aurait dQ répondre: " •.• NE-TIENT-PAS-eOMPTE­
DE-LA-DURETE-DU-SOL I" se contente de dire: "Oui I".
Puis, si celle qui a interpellé son amie a quelque
chose a lui demander, elle le fait aussitOt sans autre cérémonie.
Ceci est possible parce que dans l'Eyi-di, la première
séquence qui est la plus importante, est sémantiquement complète
-(du moins la langue le rend ainsi), ce qui n'est pas le cas de la
deuxième qui est étroitement liée a la première. Cela explique
aussi pourquoi dans ce système binaire, seule la première séquence
fonctionne vraiment comme n'importe quel nom propre.
Pour revenir à la comparaison avec le proverbe, on re­
marque que le proverbe ne peut être scindé et rester compréhen­
sible s'il n'a subi de transformation dans le cadre de l'Eyi-di,
notamment, transformation d'énonciation. C'est ainsi que le Nom
"ACHIREKE
BANANE A FAIT DU BIEN A BICHE ROUGE ET ElCHE ROUGE
47
A RAISON (Nom 96), est l'adaptation du proverbe: "Pour rien
l'arbre ne se déracine. Il faut qu'il vente avant que l'arbre
ne taobe".
En effet, le proverbe se dit d'un trait: c'est un
"énoncé", c'est-A-dire une phrase compréhensible en elle-même
alors que l'Eyi-di, tel qu'il se présente, peut être considéré
dans la plupart des cas, comme deux énoncés.
Mais laissons en suspens ce problème pour aborder une
autre dimension de l'Eyi-di, celle d'inspirateur de poésie.
3. CREATIONS POETIQUES INSPIREES DE L'EYI-DI
En effet, l'Eyi-di sert de toile de fond A la majorité
des chants et poèmes des Abbeys, depuis les Clair-de-lune (chan­
sons des jeunes filles au clair de lune) jusqu'aux chansons de
certaines grandes danses, telle que le N'DOLE). Et même depuis
les années 60, où on a assisté A la naissance de formations or­
chestrales "modernes" de jeunes chanteurs et chansonniers du ter­
roir, ces derniers ont commencé par reprendre ces chants et poè­
mes avant de chanter leurs propres compositions. Parmi ceux qui
ont acquis une réputation dans la région, se trouvent Assovié
Bernard dit Aspro et son orchestre, et plus récemment, Assa Léonard
di t Vis-à-vis.
Pour y voir plus clair, nous nous proposons d'étudier
la composition de trois poèmes. Quand au fond, nous le verrons
lorsque nous aborderons la partie sociale de l'Eyi-di.
48
férents : une chanson de la danse N'DOLE, un Clair-de-lune et
un poème qui fait partie du répertoire du chansonnier ASSA Vis-
à-vis. Des Noms ont servi de toile de fond à ces trois chansons,
mais ils ont été employés de façons différentes les unes des au-
tres. Nous partirons de la plus simple à la plus complexe.
Le N'dolé est une danse populaire de réjouissance,
mais qu'on peut pratiqûer également en période de deuil. Cepen-
dant selon les circonstances, on fait plus ou moins varier le
répertoire des chansons. Tout le monde peut danser le N'dolé
il suffit d'en savoir les pas. Aussi n'est-on pas surpris de
constater qu'il y a ceux qui sont doués, et les autres.
Ici, pour en revenir à ce qui nous intéresse, voyons
comment est composé le poème intitulé Dabraba.
Sur un air connu, Awou Yiré, une brave mère de famille
compose de nouvelles paroles qui expriment mieux ce qu'elle res-
sent à cet instant précis.
En effet, cette femme qui vient d'être répudiée par
son mari, a choisi comme thème, l'Eyi-di 28 de notre corpus:
L'homme décidé à te répudier •..
te couvre de terre et de
déjection,
49
Nom qui apparatt à la fin seulement après un long développement
poétique. Voici ce poème :
Da braba.
Oui ! da braba ! Da braba ! C'est Awou Yirè Da braba 1 C'est Awou Yirè Da braba ! C'est Awou Yirè Da braba ! Yirè fille-des-Hommes Da braba ! On l'avait pourtant prévenue Da braba ! Qu'on y allait pas Da braba 1 Elle a dit qu'elle irait. Da braba ! o Kouao Antoine Da braba ! o Baba Paul 1 Da braba Je ne sais que faire ! Da braba ! Je ne sais que dire ! Da braba ! Suppliez-le pour moi ! Da braba ! A cause de mes enfants Da braba ! o Méné Alphonse Da braba Supplie-le pour moi Da braba o Tchimou Anatole ! Da braba ! A cause de mes enfants Da braba ! Supplie-le pour moi ! Da braba ! La fille de N'djomon Angodji Da braba ! Me voici ! moi, fille de Mato ! Da braba Moi, fille d'Edi Donga ! Da braba !
50
Yirê, fille-des-Hommes Da braba 1 Que lui manquait-il ? Da braba 1 Yirê aurait-elle volé ? Da braba 1 Yirê coureuse de garçons ? Da braba Yirê serait-elle voleuse ? Da braba ! Yirê, mêre de Nana Da braba 1 o Atto Robert Da braba 1 A cause de mes enfants, Da braba 1 Je ne sais que dire Da braba 1 Supplie-le pour moi Da braba 1 Je ne sais que dire Da braba 1 Je suis mal a l'aise Da braba 1 Moi, mère de Suzanne Da braba ! Mère de Marthe 1 Da braba 1 Yirê, mère de Bourou Da braba ! Yirè, mère de N'goran Da braba Yirè, mère de Yagho Da braba ! Je ne sais que dire Da braba 1 Je suis mal a l'aise Da braba 1 o Kouao Antoine Da braba ! Que faire ? Da braba L'homme décidé a te répudier ••• Da braba ! C'est ainsi 1 Da braba ! Je ne sais que dire Da braba 1
D'abord le titre qui sert en même temps de refrain:. ., L'expression da braba est empruntée au Dioula, langue dérivée
1 1 1
du Malinké, mais qui est une langue véhiculaire en COte-d'Ivoire.
On peut la traduire par "bouche" (da) "grande" (braba), mais
"grande gueule" irait mieux pour la circonstance. Cette expres-
sion a été préférée au terme abbey pour son rythme: l'allitéra-
tion en "a".
l'Eyi-di intervient seulement dans les dernières phrases, et
seule la première séquence est dite, la seconde étant supposée
non nécessaire et remplacée en fait par "c'est ainsi". D'autre
part, il faut noter que le caractère polémique du commentaire a
été respecté. On sent que tout en implorant son ex-épouse, la
femme lui lance des flèches en lui rappelant sa position sociale
("Yirè, fille-des-hanmes, mère de N'goran ••• ") .
b) Le clair-de-lune================
vement par les jeunes filles, les adolescentes et les fillettes
y compris, bien entendu. Elles chantent en particulier leurs
amours déçues ou impossibles, leur rêve d'appartenir A tel ou
tel homme, et souvent même, de véritables déclarations d'amour A
leurs amis ou amants. Mais aussi, d'une manière générale, elles
chantent et dénoncent tous les problèmes inhérents à la vie de
femme, notamment la possibilité qu'elles n'ont pas de choisir
leur époux; et bien évidemment, l'Eyi-di représente leur
1
1
1
1,
52
excellence.
Le poème que nous avons ici, a pour Wtitre W, "Si j'a-
vais su ! tempsw. Il est construit autour de deux Noms, l'un
complétant l'autre:
(2) Afambéwou
2 Je ne savais pas qu'il allait me tromper et me laisser l! qu'il allait me tromper et me laisser l! je ne le savais pas Afambéwou m'a trompée et laissée.
1
3
4
qu'elle s'est desséchée.
Voici le poême
Si-j'avais-su-!-temps
Si-j'avais-su-!-temps ne le fait pas repousser ne le fait pas repousser hélas! mon chéri m'a trompée et conduite la.
Que t'est-il arrivé pour n'avoir pas réfléchi? veux-tu alors que je meure auprès de mon père ? Hélas! mon chéri m'a trompée et laissée ici.
La nuit n'est pas encore tombée Et déj! je pleure ô mère ! ô mère ! je pleure ô mère ! 0 mère ! ce mauvais esprit m'a trompée et conduite la.
!, t t
i
53
toutes les autres, en choeur.
Dans ce poème, il y a également deux autres Noms qui
ont été utilisés. Ce sont les Noms 106 et 113 de notre corpus.
set est chanté par une jeune fille, et il est ensuite repris par
1 !
i i
On a tant et tant chanté son nom que je décidai d'aller faire sa connaissance je décidai d'aller faire sa connaissance Hélas 1 mon chéri m'a trompée et conduite lA.
Le diseur, pour sa part, dit Hélas 1 l'entendeur n'entend pas 1 J'étais pourtant lA, Et je n'ai pas entendu, ô chéri C'est pourquoi Afambéwou m'a trompée et laissée lA.
Il ne repousse pas mais, pourquoi ne s'ébranche-t-il pas ? ne s'ébranche-t-il pas? Pourquoi ne s'ébranche-t-il pas ne s'ébranche-t-il pas? Afambéwou m'a trompée et laissée lA.
Je ne savais pas qu'il allait me tromper et laisser ici, me faire faire si peu de chemin Mais hélas, c'est mon chéri, porte-lui mon salut.
Mbéwou oui ! C'est vraiment Afambéwou vraiment Afambéwou Afambéwou m'a trompée et laissée lA.
6
5
9
7
8
passé. Néanmoins l'accent est mis sur Afambéwou. Ici, chaque ver-
On chante un amour ~éçu, on reconnatt sa part de
responsabilité dans cette aventure et on regrette ce qui s'est
Canme"l'honnête homme" dans son propos, cite des proverbes pour
illustrer, approfondir sa pensée, les jeunes filles font appel
,,
Dans les Noms qui ont été employés, on retrouve le
schéma de l'Eyi-di ~ moitié. Ce qui est absent c'est le com­
mentaire. Mais à part le Nom 113 oü on retrouve LI et L2 inté­
gralement exprimés, dans les trois autres cas, L2 a subi une
transformation. Examinons rapidement cela
Ce Nom, qui n'existe pas dans notre corpus, compose
la première strophe. Mais ici, L2 ne donne pas la réplique atten­
due ~ LI. Il remet plutôt en question ce qui vient d'~tre dit et
nous obtenons la formulation suivante
Si-j'avais-su-~-temps••.
Mais dans cette opération, il s'agit toujours du même
Nom. L2 en se présentant .ou. cette forme, traduit mieux le dé- 1
sespoir qui est chanté: le temps, quoiqu'il soit, qu'on le re- [
grette ou non, ne reviendra pas en arrière.
(2) Afambéwou ••.
s'est desséchée.
C'est le deuxième Nom présent dans ce poème. En fait
55
toutes les strophes ne sont que des actualisations de ce Nom,
notamment L2 qui devient,
Et ce Nom se retrouve sous cette forme
Afambéwou •••
(3) La nuit n'est pas encore tombée •••
on ne doit pas s'en faire pour le
rassasiement.
Dans ce poème, ce Nom qui constitue la quatrième
strophe se trouve lui aussi actualisé par L2 , afin de respecter
le thème du désespoir ; alors le Nom peut se réécrire
La nuit n'est pas encore tombêe •••
et déjà je pleure ô mère
Ô mère 1
Encore une fois, nous constatons que dans l'Eyi-di,
la séquence qui est figée et qui ne subit aucune transformation,
c'est Ll , ce qui confirme son importance dans ce système disti­
que. Quant à L2 , il apparalt comme maléable, et dans ce cas par­
ticulier que nous venons de voir, il se présente comme le domaine
oQ l'artiste montre ses capacités d'innovation et d'utilisation
du matériel mis à sa disposition.
1
1
1
Parmi les chansonniers de la région d'Agboville,
Assa Léonard est celui qui a le plus et le ,mieux exploité la
poésie populaire. Lorsqu'il commença ~ se produire dans les an-
nées 70, il interpréta d'abord les "Clair-de-lune" et les Chan-
sons d'un autre chanteur d'orchestre: Assovié Bernard. Puis il
imposa son genre en s'appuyant sur le rythme des "Clair-de-lune".
Dans ce cadre, il chanta ses premières compositions. Il a un ré-
pertoire varié. -Mais de plus en plus, il compose ses chansons ~
partir des proverbes et de l'Eyi-di, soit en se servant d'un seul
proverbe ou d'un seul Nom qu'il développe, soit en utilisant plu-
sieurs dans une même chanson. C'est dans cette deuxième catégo-
rie que se situe le poème que nous allons examiner.
(1) Assa Léonard sur qui nous n'avons pas mené une véritable en­ quête est un jeune homme d'une trentaine d'années. Il est du village de Grand-Morié. A sept ans, il fut gravement malade, ses deux jambes se paralysèrent. Lorsqu'après des mois de soins il put recommencer ~ marcher, il perdit la vue. Il est aujourd'hui aveugle. Dans un poème qui raconte son histoire (qu'on appelle dans la langue "la chanson d'Assa Vis-~-vis"), il est longuement ques­ tion de sa mère qui a parcouru tous lieux pour le guérir, lui qui aurait voulu avoir un père, aller ~ l'école pour que ses pairs le prennent en considération ••. Il se fait appeler "Vis-~-vis" parce que selon lui, il dit la vérité sans se cacher.
Si tu fais un enfant qui se conduit vraiment en inconscient si tu fais un enfant qui se conduit vraiment en inconscient qui se conduit vraiment en inconscient qui se conduit vraiment en inconscient si tu fais un enfant qui se conduit vraiment en inconscient Toi, le pêre, tu es tout seul.
1 t,,, 1
1
idiot idiot idiot
suis suis suis
ma faute à moi si je ma faute à moi si je ma faute à moi si je suis idiot suis idiot ma faute à moi si je suis idiot suis idiot le suis pour personne.
c'est C'est C'est Si je Si je C'est Si je Je ne
2
1
3 Si tu fais un enfant qui est riche, c'est vrai si tu fais un enfant qui est riche, c'est vrai, si tu fais un enfant qui est riche, c'est vrai, qui est riche, c'est vrai, qui est riche, c'est vrai si tu fais un enfant qui est riche, c'est vrai, qui est riche, c'est vrai, il appartient à tout le monde,
4 o mêres miennes Faire le Bien, mêres miennes, n'est pas bien faire. Kokotchiraka le pauvre n'a pas de famille. Mêres miennes, mais que faire, moi ? Tu te conduis en inconscient tu n'as personne. Agbrêhê C'est vrai la pauvreté pique plus que piment Adassê voit le médisant ignore ce qui se passe dans sa maison. J'ai la nausée Oü trouverai-je de la vomissure à vomir ? Assa Léonard ta mêre dit qu'elle est callipyge, elle (qui fut) la premiêre est la derniêre oh oui !
l I?
J 1
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5
58
si tu te conduis en inconscient tu n'as personne. Boka Damase 1
Ce sont nos pères qui ont dit ce proverbe : Gallinacé dit qu'il a envie de danser, seulement il n'a pas d'assez gros mollets. Oh oui ! Tu te nommes Kora Tu n'as personne. Tu te conduis en inconscient Tu n'as personne. Ce sont nos pères qui ont dit ce proverbe Le singe ne fait pas d'enfant il ne fait pas d'enfant dont l'homonyme est un oiseau. Mères miennes Que faire, moi ? N'gora Céline ! Ce sont nos pères qui ont dit ce proverbe L'eau se trouble oui mais l'eau se trouble l'eau se clarifie. Mères miennes 1 Oh oui 1 Yapi Fulgence 1 Ce sont nos pères qui ont dit ce proverbe S'il y a des poux dans tes cheveux, que tu ne les tues pas, ta tête engendre des poux. Mères miennes !
Oh oui ! L'eau se trouble mais L'eau se clarifie. L'Arbre mort est en position de chute l'Arbre vivant le précède. Adassé voit le médisant ignore ce qui se passe dans sa maison. J'ai la nausée (mais) Oü trouverai-je de la vomissure à vomir ?
b -h- 1.Il..g re e . Pauvreté pique plus que piment. Le singe ne fait pas d'enfant ne fait pas d'enfant dont l'homonyme est un oiseau. Mères miennes Que faire moi ? On se sert de peau d'animal -
1 1 1
! ~ r
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1
1
1 ~
59
pour couvrir le tambour On ne se sert pas de la carapace de Tortue pour couvrir le tambour.
L'idée développée dans ce poème est la suivante:
Lorsqu'un individu réussit dans la vie, il se fait beaucoup de
famille; alors que s'il échoue, tout le monde le rejette. Pour
exprimer cela, l'auteur utilise des proverbes et des Noms qui
appuient cette idée, mais aussi des proverbes et des Noms qui
traduisent son horreur face à cette réalité. Ce poème, qui est Ide
essentiellement composé de Noms et proverbes, se présente comme
suit :
Dans une première partie (les trois premières strophes)
l'auteur expose son idée (si un enfant est riche, il appartient à
tous; s'il est pauvre, il te revient à toi qui l'as fait, tout
seul). Dans une deuxième partie (la quatrième strophe), il em-
ploie uniquement des Noms et des proverbes qui se succèdent dans
une optique logique telle que celui qui suit explicite ou appro-
fondit celui qui l'a précédé mais chaque fois il prend quelqu'un
à témoin, qui certifie ce qu'il dit. Enfin la troisième partie
(la cinquième strophe), est un ramassis pur et simple des Noms et
Proverbes qui ont été utilisés dans la deuxième partie.
L'auteur a eu recours à dix Noms et proverbes dont
la plupart se trouvent dans notre corpus. Mais dans le poème,
ils sont tous classés sous l'étiquette de proverbes. Ils ont
tous été employés, disons énoncés tels quels, sauf deux Noms
1 f t
allons les voir immédiatement.
Il s'agit des Noms 5 et 50 du corpus. Précédemment,
nous avons vu que c'était L2 qui subissait une transformation
chaque fois qu'une actualisation du Nom était nécessaire. Ici,
les choses se présentent autrement. Ll et L2 sont tous deux re­
construits 1 ce qui leur donne une autre dimension.
Nom 5
mais c'est l'arbre vivant
qui craque et tombe.
autre. Employé dans le poême d'Assa, il devient un constat.
L'arbre mort est en position de chute ..•
•.. l'arbre vivant le précêde.
dans le poème et parler au présent :
J'ai la nausée ••.
vomissure à vomir ?
61
Ce qui a changé dans la re-création de ces deux Noms
c'est la situation psychologique de l'auteur. Inutile de sou­
ligner que ce poème parle d'Assa lui-même.
Pauvre petit aveugle, personne ne se souciait de lui.
Mais depuis qu'il s'est fait un nom par la chanson (sans avoir
fait fortune cependant), il est sollicité de partout. L'enchal­
nement des Noms et proverbes est révélateur :
Les trois premiers Noms situent le pauvre, le déshé­
rité dans la sociét~ puis suivent deux autres Noms qui expri­
ment l'horreur qu'il a pour tous ceux (toutes les mauvaises lan­
gues) qui se moquent des personnes sans ressources. Ensuite, il
se justifie et justifie sa situation. Il parle de sa mère ("pre­
mière et dernière) qui n'a pas pu lui donner plus qu'elle n'en a
elle~ême : les deux proverbes sur Gallinacé et Singe tradui­
sent bien cela. Enfin, il se donne de l'espoir par les proverbes
sur l'eau, les poux et l'arbre.
A travers ce poème donc, on découvre sinon l'ambiva­
lence de l'individu, du moins son évolution sociale.
D'une manière générale, ces brèves études nous ont
permis de voir que les poèmes n'ont pas de signification en eux­
mêmes. Ils ne recouvrent leur dimension réelle que dans le sys­
tème de l'Eyi-di. Autrement dit, si vous ne connaissez pas le
fonctionnement et la signification sociologique des Noms,
62
perficielle.
production poétique de ce genre nécessite d'abord que l'on re-
trace l'itinéraire esthétique de l'imagination créatrice en ex-
pliquant l'encha!nement des images auxquelles il a été fait re-
cours.
1. Sur le contenu des tex