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E sdras M inville Nationalisme économique et catholicisme social au Québec durant l’entre-deux-guerres Dominique Foisy-Geoffroy septentrion Extrait de la publication

Esdras Minville. Nationalisme économique et catholicisme

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Esdras MinvilleNationalisme économique et catholicisme social

au Québec durant l’entre-deux-guerres

Dominique Foisy-Geoffroy

septentrionExtrait de la publication

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Nationalisme économique et catholicisme socialau Québec durant l’entre-deux-guerres

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développementdes entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition,ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres.Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise duProgramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Image de la couverture : Quebec Village : St-Hilarion (1928), Arthur Lismer. Détail. Collection duMusée national des Beaux-Arts du Québec.

Révision : Solange Deschênes

Mise en pages : Folio Infographie

Chargé de projet : Michel Lavoie

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

ou par télécopieur (418) 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :

www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaSillery (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec)

H4N 1S2

Dépôt légal – 1er trimestre 2004 Ventes en Europe :Bibliothèque nationale du Québec Distribution du Nouveau MondeISBN 2-89448-369-4 30, rue Gay-Lussac

75005 Paris France

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remarque préliminaire

Cet ouvrage est une version remaniée de mon mémoire de maîtrise,Esdras Minville, le nationalisme économique et le catholicisme social,

1923-1939, déposé en 2001 au Département d’histoire de l’Université deMontréal.

À tout seigneur tout honneur, je tiens d’abord à remercier mondirecteur de recherche à la maîtrise, M. Pierre Trépanier, pour l’encadrementsouple et généreux qu’il m’a offert. Ses vastes connaissances, ses judicieuxconseils, son soutien constant et ses encouragements sans complaisancem’ont été inestimables tout au long de la recherche qui a mené à lapublication de cet ouvrage. Je remercie également mon directeur derecherche au doctorat à l’Université Laval, M. Jocelyn Létourneau, titulairede la Chaire de recherche du Canada en histoire et économie politique duQuébec contemporain, pour m’avoir encouragé à soumettre ce documentaux éditions du Septentrion et pour m’avoir grandement soutenu danstoutes mes démarches. Mentionnons par ailleurs que ce travail a pu êtreréalisé grâce à une bourse de doctorat du Conseil de recherches en scienceshumaines (CRSH) et du Fonds québécois de la recherche sur la société etla culture (FQRSC). Finalement, petit clin d’œil à Kim Murray, pour toutle reste...

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Esdras MinvilleSource : Archives - HEC Montréal, A008 ⁄ X PH, 001

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introduction

Durant l’entre-deux-guerres, et particulièrement durant la crisedes années 1930, nombreux sont ceux qui, constatant l’échec du

régime économique fondé sur le capitalisme d’inspiration libérale et lesgrandes conséquences sociales qui en découlaient, tentèrent d’élaborer uneformule, un programme de remplacement. Au Canada français, le senti-ment de l’urgence d’une telle réforme se superposait à celui, non moinsimportant dans l’esprit des nationalistes, de donner une ferme réponseaux problèmes propres de la nation, et notamment à celui, criant, de soninfériorité économique.

C’est dans ce contexte général qu’on doit situer l’œuvre, l’action, lavie d’Esdras Minville, économiste et sociologue faisant partie des milieuxtraditionalistes, catholiques et nationalistes canadiens-français de la premièremoitié du xxe siècle. De son poste d’enseignant (1924-1938) puis dedirecteur (1938-1962) de l’École des Hautes Études commerciales, destribunes que lui offraient l’École sociale populaire ainsi que les revuesL’Action française, L’Action nationale et L’Actualité économique, il développaet énonça progressivement les éléments d’un vaste programme derestauration économique, sociale et nationale pour le Canada français et leQuébec.

Ce programme, articulé autour de l’idée de décentralisation et axé surla mise en œuvre d’une conception originale du développement régional,dont on retrouvera l’esprit dans l’œuvre d’un François Perroux parexemple1, est le fruit d’un grand effort intellectuel partant de l’observation

1. François-Albert Angers rapporte d’ailleurs dans la préface d’un ouvrage d’EsdrasMainville, que Perroux, brillant économiste français du xxe siècle, aurait vu en EsdrasMinville un précurseur de la « nouvelle économie ». Esdras Minville, L’Économie du Québecet la science économique, « La vie économique », vol. I, Montréal, Fides et Presses HEC,1979, p. 28.

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des faits, du réel, et se développant à l’intérieur d’un cadre doctrinal dontla principale caractéristique est d’envisager l’homme dans sa totalité. Leconstat, c’est d’abord celui de l’échec d’un mode d’organisation économiqueinspiré du libéralisme, puis ceux, corollaires, de l’infériorité économiquedes Canadiens français ainsi que du dépérissement du monde rural et del’économie régionale entraînant le déséquilibre de l’économie nationale enfaveur des grands centres. Le cadre doctrinal, quant à lui, est constituéd’une part par la Doctrine sociale de l’Église catholique, caractérisée parles concepts de subsidiarité et de responsabilité de l’être humain, ainsi quepar un ordre des valeurs bien défini où trône en son sommet l’éminentedignité de la personne ; d’autre part, par une conception de la vie collectivecomme ensemble d’aspects, hiérarchisés et interdépendants, dont la base,constituée de la vie économique, sociale et politique, est tout entièreordonnée au salut spirituel des hommes. Minville rappelle ainsi à tousceux qui l’oublient trop facilement que l’être humain n’est pas seulementappelé à satisfaire ses besoins matériels, mais est surtout un être culturel etspirituel.

!"

D’une certaine façon, les origines d’Esdras Minville le prédisposaient à untel destin. Né le 7 novembre 1896 dans une modeste famille de pêcheursà Grande-Vallée, en Gaspésie, cadet de onze enfants, il a pris contact dèsson plus jeune âge avec la vie de pêcheur et d’agriculteur qu’on coulaitdans un petit village du monde rural québécois à l’orée du xxe siècle. Àquinze ans déjà, il goûte lui-même au travail de la pêche et de la terre,jusqu’en 1915 alors qu’il part faire son cours secondaire (à distinguer ducours classique) à Montréal. Après avoir décroché son diplôme en 1917,il retrouve Grande-Vallée où il déniche un emploi de commis dans unepapetière. Cela ne dure que deux ans toutefois : en 1919, il quitte ànouveau Grande-Vallée et la Gaspésie, définitivement cette fois, et partétudier à l’École des Hautes Études commerciales, qui deviendra son almamater intellectuelle et professionnelle. Ainsi, Esdras Minville n’a passeulement réfléchi en intellectuel aux problèmes de l’infériorité économiquedes Canadiens français et du dépérissement des régions qui l’obséderont savie durant, mais les a en quelque sorte vécus dans sa chair. Nous pourrionsmême affirmer que, jusqu’à un certain point, Minville a intellectualisé,approfondi et enveloppé d’un cadre doctrinal ces problèmes qu’il a vus,vécus et sentis durant sa jeunesse. Sans doute est-ce également là une des

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sources de ce réalisme, de ce souci du réel et de la grande sensibilité faceaux problèmes sociaux dont est empreinte son œuvre.

Cette carrière intellectuelle, elle est lancée dès qu’il sort des HautesÉtudes commerciales en 1922, fraîchement licencié en sciences commer-ciales. Sur le plan professionnel, il réussit à se faire engager comme profes-seur aux HEC, d’abord à temps partiel en 1924 puis à temps plein en1927, après avoir été employé de maisons de courtage, notamment chezVersailles, Vidricaire & Boulais où il a la chance d’être l’assistant d’OlivarAsselin au service de la publicité et à la rédaction du bulletin de la maison,La Rente. C’est à cette époque, en 1925 pour être exact, qu’il fonde avecquelques collègues des HEC la revue L’Actualité économique, dont il devien-dra secrétaire général (et dans les faits directeur) en 1929, et ce jusqu’en1938.

Son action, cependant, déborde très largement le cercle étroit del’École. En fait, Minville est propulsé au cœur de la lutte des nationalistescontre la politique économique du gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau dès 1923-1924 par la publication, dans les pages dela revue L’Action française, des remarqués articles « Les Américains et nous »et « Le Capital étranger ». Cette contribution à L’Action française, qui estl’organe de diffusion et le point de ralliement des cercles nationalistesdurant les années 1920, lui permet de s’intégrer à ces milieux intellectuelset de se lier avec quelques-unes des figures importantes de l’époque, dontl’abbé Lionel Groulx, qui dirige la revue. Sa progression est d’ailleurs trèsrapide au sein de ce mouvement et il s’impose dès la seconde moitié desannées 1920 comme la principale tête pensante de L’Action française sur leplan économique. Toutefois, les conditions ne sont pas très favorables etle combat plutôt désespéré face à un Taschereau triomphant dont la poli-tique économique, basée sur l’exploitation des ressources de la province,notamment forestières et hydroélectriques, par la grande entreprise améri-caine, paraît judicieusement inspirée dans le contexte de grande prospéritéqui caractérise les secondes années 19202.

L’équilibre des forces se renverse au début des années 1930, alors quela grave crise économique qui s’abat sur le Québec comme sur toutl’Occident semble consacrer l’échec du capitalisme libéral classique et pavela voie à l’action des réformateurs de tout acabit. Le krach d’octobre 1929sonne en quelque sorte la fin de la récréation pour les spéculateurs et les

2. Voir Yves Roby, Les Québécois et les investissements américains (1918-1929). Québec,Presses de l’Université Laval, 1976, 250 p.

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industries en état de surproduction, et marque le début d’une grave criseéconomique qui ne sera complètement résorbée qu’avec la DeuxièmeGuerre mondiale. La production chute, les investissements sont rares. Lesentreprises coupent leur personnel et abaissent les salaires, quand elles neferment pas purement et simplement leurs portes. On estime que le chô-mage se situait entre 25 % et 30 % au Québec en 1933, au plus fort dela crise. L’âpreté de ces conditions était cependant quelque peu adouciepar la baisse notable des prix, dont l’effet se faisait sentir à différentsdegrés suivant la stabilité des salaires durant la période. N’empêche que lasituation était extrêmement précaire pour une bonne partie de la popu-lation, tout particulièrement dans les villes. Le mouvement d’urbanisation,constant depuis le milieu du xixe siècle, est d’ailleurs temporairementstoppé durant les années de la crise, les ruraux ne voyant pas de raisonsd’aller habiter en ville dans de si mauvaises conditions alors que la cam-pagne les assure au moins du minimum vital. Dans l’ensemble, le Québecfut durement touché par la crise car sa prospérité, à l’instar de l’ensembledu Canada, repose en grande partie sur ses exportations et est donc trèssensible aux fluctuations de la conjoncture internationale. La société estalors mal outillée pour faire face à une crise d’une telle ampleur : suivantun vieux réflexe, on s’en remet encore essentiellement à la charité privée,c’est-à-dire à la famille, aux communautés religieuses et autres organismesà vocation caritative, et en dernier lieu aux municipalités, ce qui en mèneraquelques-unes, dont Montréal, au bord de la faillite. Malgré la Loi del’assistance publique, adoptée par le gouvernement du Québec en 1921 etqui prévoyait un soutien financier gouvernemental à ces institutions, laréponse à la crise est donc dans un premier temps insuffisante et malorganisée. Éventuellement, les gouvernements réagiront, sous la pressionde l’opinion publique, et élaboreront des politiques économiques et socialesplus développées qui constituent les fondements de l’État-providence3.

On ne s’engagera cependant résolument dans cette voie que durantles années 1940, malgré quelques balbutiements durant la décennie quiprécède, si bien qu’à ce moment les projets de réforme les plus diversfoisonnent. Pour Minville, ce sera l’occasion d’élaborer d’une manièreassez détaillée un plan de réorganisation économique du Québec basé surune politique bien comprise de restauration rurale et ordonné aux exigences

3. Voir Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et FrançoisRicard, Histoire du Québec contemporain, tome 2, Le Québec depuis 1930, Montréal,Boréal, 1989, chapitres 1-5.

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supérieures tirées des enseignements du christianisme. On peut d’ailleurssuivre d’assez près l’évolution de ce projet dans les pages de L’Actualitééconomique, le « laboratoire » de Minville selon l’expression de François-Albert Angers, dont il alimente les chroniques d’actualité (« Faits et nou-velles ») et de revue des publications récentes (« À travers les revues »)presque sans interruption de 1929 à 1938. C’est ce programme qui faitl’objet de la seconde partie de cet ouvrage.

Le chassé-croisé entre les HEC et les lieux de son engagement socialet nationaliste se poursuit à cette époque. Ainsi, il est le premier présidentde la Ligue d’action nationale, qui a pris le relais de la Ligue d’actionfrançaise, et à ce titre contribue largement à la relance, en 1933, de larevue de la ligue, L’Action française, rebaptisée L’Action nationale. La paru-tion de L’Action française avait été interrompue en 1928. Il est par ailleursl’un des inspirateurs et maîtres à penser des Jeune-Canada, mouvement dejeunesse nationaliste fondé en 1932 et dont faisait notamment partieAndré Laurendeau.

Sur le plan politique, Minville est cosignataire de la version « pratique »du Programme de restauration sociale, base du programme de l’Action libéralenationale (ALN). L’ALN, parti politique chéri des intellectuels nationalistes,est né d’un schisme avec le Parti libéral en 1934. Elle unira ses forces à cellesdu Parti conservateur de Maurice Duplessis en 1935, puis finira par fusionneravec celui-ci en 1936 dans le processus qui mènera à la création de l’Unionnationale. La victoire de l’Union nationale lors des élections d’août 1936suscite un mélange d’espoir et d’appréhension chez les anciens supportersde l’Action libérale nationale, dont Minville. Quoi qu’il en soit, cette victoireouvre des portes à ce dernier. En effet, après avoir refusé un poste de sous-ministre au ministère du Commerce et de l’Industrie (il tenait à rester enmarge de la politique partisane et à préserver sa liberté de parole), il accepteun poste de conseiller technique au sein de ce même ministère, poste qu’iloccupe jusqu’en septembre 1938. À ce titre, il contribue à mettre sur piedl’Office de recherches économiques et l’Office de recherches scientifiques,dont il est le premier président. Ces organismes seront responsables de lagrande entreprise d’inventaire des ressources naturelles du Québec, entreprisequi ne sera jamais complétée à la satisfaction de Minville en raison deproblèmes politiques et financiers. Dans la même veine, il profite de l’oreillefavorable que lui prête le gouvernement Duplessis pour faire la promotiondu projet de colonisation agricole et forestière à Grande-Vallée, son villagenatal, dans lequel il s’engage à fond dès le début des années 1930. Lacolonie sera effectivement ouverte en 1938.

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Cette année-là, il franchit une étape importante sur le plan profession-nel alors qu’il est nommé à la direction de l’École des HEC en remplace-ment de Henri Laureys, un partisan libéral à qui on a montré la porte demanière assez cavalière semble-t-il. Minville devient ainsi le troisièmedirecteur de l’École, le premier d’origine québécoise. Il est celui qui occupace poste le plus longtemps dans l’histoire de l’institution : vingt-quatre ans.

La crédibilité et l’expertise de Minville sont à présent solidementétablies, et pas seulement au Canada français. En effet, il est appelé en1937 à collaborer en tant qu’expert des questions sociales à la commissionRowell-Sirois sur les relations entre le Dominion et les provinces. Sonétude, l’appendice 5 du rapport de la commission, s’intitule La Législationouvrière et le régime social dans la province de Québec. Il y aborde la questiondu syndicalisme au Québec et prône le respect du caractère distinct durégime social dans la province, contre les tentatives de centralisation dugouvernement fédéral (et par le fait même contre les conclusions de lacommission). Durant la guerre, il fait partie du « Comité de reconstruction»mis sur pied par le gouvernement fédéral pour préparer une transitionsouple d’une économie de guerre à une économie de paix au Canada.Minville était semble-t-il plus spécifiquement associé à un sous-comitéchargé d’étudier les questions liées à l’exploitation des ressources naturelles.Il est également membre, durant ces mêmes années, du « Conseild’orientation économique » établi par le gouvernement Godbout à Québecet qui est le pendant provincial du « Comité de reconstruction » fédéral.En outre, il est président de la Chambre de commerce de Montréal en1947-1948 et secrétaire provincial des scouts catholiques de 1944 à 1951.Rappelons que plusieurs intellectuels canadiens-français de l’époquevoyaient en la vie scoute une excellente école de développement humainintégral pour les jeunes.

Les années 1940 marquent, pour Minville, l’époque des grandesœuvres. D’abord, il y a la publication d’Invitation à l’étude en 1943 où ilappelle ses compatriotes à connaître les raisons justifiant le nationalismecanadien-français et à vivre ce nationalisme bien compris ; puis, c’estL’Homme d’affaires, publié en 1944, où il s’intéresse au rôle social des éliteséconomiques et aux rapports quelque peu troublés qu’entretient le Canadafrançais avec la profession des affaires ; finalement, paraît en deux tomes,en 1946, Le Citoyen canadien-français. Notes pour servir à l’enseignement ducivisme, son magnum opus dans lequel il fait le point sur ses recherches etses réflexions sur la vie canadienne-française dans ses aspects économique,social, politique et culturel, et propose à ses compatriotes une manière

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d’agir qui soit conforme à ces données et qui permette la réalisation dubien commun et de l’épanouissement de la personne. En fait, cet ouvragecomplète et élargit le propos d’Invitation à l’étude. Il faut également ajouterà cette liste la publication sous sa direction des cinq ouvrages de la collection« Études sur notre milieu », fruits de l’inventaire des ressources de laprovince mené à la fin des années 1930, soit Notre milieu (1942), L’Agricul-ture (1943), Montréal économique (1943), La Forêt (1944) et Pêche etchasse (1946). Ces ouvrages constituent une riche mine de renseignementsconcernant la vie économique et sociale québécoise durant la premièremoitié du xxe siècle.

La période d’après-guerre est notamment marquée, pour Minville,par de très durs combats contre le gouvernement à la direction des HEC.Il faut d’abord savoir que, depuis 1926, l’École relève directement dusecrétaire de la province, en d’autres termes qu’elle ne gère pas elle-mêmeson budget et que tout son personnel fait légalement partie de la fonctionpublique. Cette tutelle larvée commence à peser lourdement sur l’insti-tution durant les années 1940, le gouvernement de l’Union nationalerefusant d’ajuster les salaires des professeurs à l’augmentation du coût dela vie — très importante à cette époque de grande prospérité. Conséquem-ment, l’École a grand-peine à se constituer un corps professoral stable etde qualité, les professeurs quittant fréquemment l’institution pour allergagner un salaire beaucoup plus intéressant dans le secteur privé. Ainsi,Minville se trouve dans la position de Sisyphe à la direction. La sympathieque lui avait manifestée Duplessis durant son premier mandat s’affaditquelque peu après 1944. Les réformateurs nationalistes, qui avaient étéutiles à Duplessis lorsqu’il cherchait à prendre le pouvoir durant les années1930, sont à présent devenus plutôt gênants politiquement, affirmeFrançois-Albert Angers, car leurs projets risquent de faire fuir l’électoratproche des grands milieux d’affaires que l’Union nationale avait réussi à segagner. Ainsi Duplessis fait la sourde oreille aux demandes répétées d’ajuste-ment du financement de l’École qu’adressait Minville au gouvernement.L’affaire fut finalement réglée en 1959 alors qu’on fit renaître la Corporationdes Hautes Études commerciales, qui permettait à l’École de retrouverune certaine liberté sur le plan financier. C’est là une réalisation importantedans la carrière de Minville, qui put prendre sa retraite dans un esprit plusserein en 19624.

4. François-Albert Angers, « Esdras Minville et l’École des Hautes Études commer-ciales », L’Action nationale, vol. LXV, nos 9-10 (mai-juin 1976), p. 643-676.

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Ce combat, Minville l’a mené, durant les années 1950, parallèlementà l’exercice de sa charge de doyen de la Faculté de sciences sociales del’Université de Montréal et surtout à son engagement très poussé au seinde la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels,dite commission Tremblay, de 1953 à 1956. Minville était, si l’on en croitson collègue commissaire le père Richard Arès, l’autorité intellectuelleprincipale de cette commission, qui avait reçu du gouvernement Duplessisle mandat d’étudier les rapports entre le Québec et les autres composantesde la fédération canadienne, alors que le gouvernement fédéral mettait enœuvre un ambitieux programme de développement et d’investissementsdans plusieurs domaines qui devait redéfinir l’équilibre fédéral-provincialau Canada en sa faveur. Il est notamment l’auteur du remarquable texte« La Province de Québec et le cas canadien-français », publié dans le volumeII du rapport de la commission et qui est une véritable pièce d’anthologiede la pensée traditionaliste canadienne-française. Minville intègre toute saculture historique, philosophique, tous les résultats de ses recherches danscet exposé de synthèse rigoureux faisant le point sur les défis fondamentauxauxquels doit faire face la nation canadienne-française (comme d’ailleurstoutes les nations chrétiennes) en ce milieu de xxe siècle. Ainsi, en fin decourse la quête de Minville aboutit à un questionnement centré sur lanécessité d’actualiser la tradition chrétienne et les grandes valeurs qu’ellevéhicule afin d’y soumettre l’évolution des modernités politique, écono-mique, scientifique, technique, qu’il juge de toute évidence irréversibles,et qui mettent en jeu rien de moins que le sort de la culture et del’héritage chrétien de la civilisation occidentale.

Aussi remarquable ce texte de maturité soit-il, il n’en prend pas moinsrétrospectivement l’allure d’un baroud d’honneur. En effet, la Révolutiontranquille est proche, et avec elle la liquidation d’une partie du patrimoinecanadien-français. Minville assiste en spectateur dépité à la déconfiture deson idéal d’une nation chrétienne prospère, rendu impuissant par la maladiede Parkinson qui le frappe durement au cours des années 1960-1970 et lefait mourir à petit feu. Rapidement oublié dans le tourbillon des profondschangements qui affectent le Québec et, ne serait-ce que par onde dechoc, le Canada français tout entier, l’homme qui fut de tous les combatsqui touchèrent son peuple durant quarante ans s’éteint le 9 décembre1975.

!"

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L’objet de cet ouvrage est de cerner l’essentiel de la pensée d’Esdras Minvilleet de l’inscrire dans son contexte, notamment intellectuel. Il s’agit ensomme d’une étude d’histoire intellectuelle dont l’objectif premier est delever le voile sur les données fondamentales, les principes, les valeurs,l’inspiration doctrinale donnant un sens à une œuvre qui par ailleurspourrait sembler manquer d’unité tant elle est fragmentée, tout particuliè-rement à l’époque qui nous intéresse. On comprend, dans cette perspective,toute l’importance que prend le premier chapitre de l’ouvrage, où noustraitons des notions fondamentales chez Minville. Sans avoir complètementfait abstraction de ces éléments, nous n’avons donc pas fait porter l’essentielde nos efforts sur une analyse critique de la pensée économique de Minvilleou sur l’intégration de ses idées à une histoire des mouvements de dévelop-pement socio-économique (coopération, colonisation) qui ont émergé desrégions québécoises à cette époque. On pourra trouver cela plus facilementdans d’autres travaux qui ont été produits sur Minville, par Jean-ClaudeDupuis, Pierre Harvey, Robert Laplante, Ruth Paradis, Roger Payette,Yves Roby ou Pierre Trépanier par exemple, mais surtout par François-Albert Angers, collègue, ami et héritier intellectuel de Minville à qui ondoit entre autres l’édition en douze tomes des Œuvres complètes de Minvilleet qui a plus fait que quiconque pour diffuser sa pensée.

Nous limitons cette étude à la période de l’entre-deux-guerres, plusprécisément aux années 1923 à 1939. C’est en somme la période degestation du programme de réformes élaboré par Minville, l’époque où lesjeux n’étaient pas faits et où tout était encore possible, en attendant letriomphe du modèle de l’État-providence et des réformes keynésiennesdurant les années 1940 au Canada et ailleurs dans le monde, qui marqueen quelque sorte le début de la défaite des idées de Minville. À l’origine,ces bornes ont été fixées par simple souci de limiter le corpus documentairede la recherche, déjà très abondant pour ces seules années comme entémoigne la bibliographie. D’ailleurs, il nous fut impossible de toutlire. Nous avons dû faire des choix qui, ne le cachons pas, furent un peuarbitraires : un titre suggestif, un survol rapide des textes furent nosprincipaux guides. Ce genre d’étude ne se prête guère aux méthodesquantitatives, bien qu’on ait déjà tenté quelques expériences en ce sens.De toute manière, tout lire ne nous en aurait pas nécessairement apprisbeaucoup plus, car tout n’est pas d’égale valeur dans ce corpus, les réflexionssur les sujets les plus importants côtoyant des commentaires sur deséléments de l’actualité d’un intérêt tout à fait circonstanciel. Nous estimonsainsi que bien peu d’information importante qui eût pu se trouver dans

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un texte que nous avons laissé de côté ne fut répétée ailleurs et donc nouséchappa.

Le corps du texte est établi de façon à rendre compte à la fois desintérêts dominants de Minville et de sa « méthodologie » propre. Celle-cil’amenait à tenter de trouver une solution à un problème donné en fonctionde l’observation préalable des faits et de sa philosophie de l’homme. L’ou-vrage est ainsi divisé en deux grandes sections. Dans la première, intitulée« Le Problème canadien-français », nous abordons les fondements théoriquesde la pensée de Minville ainsi que son analyse de la situation du Canadafrançais et du Québec, notamment sur le plan économique.

Dans la seconde, « Un projet de renouveau économique, social etnational », nous présentons en cinq chapitres la réponse de Minville auxproblèmes que son analyse de la situation de la nation lui a révélés, soit legrand programme de réformes dont il a conçu une part importante durantles années 1920 et 1930, les sources doctrinales de ce programme et latentative de son implantation en Gaspésie, dont il fut l’un des promoteursimportants et qui témoigne de façon éloquente d’un souci constant chezlui d’éprouver sa pensée au contact du réel.

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table des matières

Remarque préliminaire 7Introduction 11

Première partie

!"

le problème canadien-françaisChapitre 1notions fondamentales 23Structure de la vie collective 25Exigences du catholicisme 28

Personnalisme 28Traditionalisme d’inspiration chrétienne 31Rôle de l’Église 32

Sociologie leplaysienne 33Ruralisme 36Nationalisme 41

Qu’est-ce qu’une nation ? 41Nationalisme économique 44

Chapitre 2données du problème 49Causes des problèmes de la nation 50

Errements des intelligences 53Causes structurelles 60

Le problème canadien-français 65Capitalisme déréglé 65Une politique économique inadéquate et inadaptée 68Conséquences de la centralisation 70

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Seconde partie

!"

un projet de renouveauéconomique, social et national

Chapitre 3à la recherche d’une doctrine 81Le marxisme et ses avatars 81Le fascisme 84La doctrine sociale de l’Église 86

Chapitre 4l’éducation 93Éducation nationale 93L’école, l’université 95Les élites 101

Chapitre 5une politique économique 103Conseil économique 105Inventaire 106Colonisation 109Restauration rurale 112

Modernisation de l’agriculture 112Coordination de l’exploitation des ressources 114Petites et moyennes entreprises 116

L’esprit coopératif 118Les lois sociales 120

Chapitre 6structures politiques et sociales 125Rôle de l’État 125Corporatisme 127Démocratie 134Le Québec et le Canada 138

Chapitre 7la restauration rurale de la théorieà la pratique : l’expérience de grande-vallée 143Le problème gaspésien 144La genèse de l’expérience de Grande-Vallée en bref 144L’expérience de Grande-Vallée à la lumière de l’œuvre de Minville 148

Conclusion 153Bibliographie 159

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composé en adobe garamond corps 11selon une maquette réalisée par josée lalancette

et achevé d’imprimer en février 2004sur les presses de agmv-marquis

à cap-saint-ignace, québecpour le compte de denis vaugeois

éditeur à l’enseigne du septentrion

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