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n°14/ printemps 2013 / Esprit Métis ET AUSSI SOCIÉTÉ Africains Américains: se construire à travers ses origines PEUPLE MÉTIS Sésé, le mythe des amérindiens ENTRETIEN AVEC Aïssatou Angela Baldé, griotte de l'image

Esprit Métis #14 / Il était une fois... le Cameroun

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Pays aux mille contes et légendes... De l'ombre à la lumière, Esprit Métis prend le temps de conter l'histoire de ce pays fantastique. Pays à découvrir sans plus attendre !

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ET AUSSI

SOCIÉTÉ

Africains Américains: se construire à travers ses origines

PEUPLE MÉTISSésé, le mythe des amérindiensENTRETIEN AVECAïssatou Angela Baldé, griotte de l'image

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2 Esprit Métis #14 ► Illustration Alexis Fernandez

RENDEZ-VOUS AU CANADAdans le prochain numéro d'Esprit Métis

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COUVERTUREDESIGN : Kellie DuboisLOCALISATION: BordeauxWEB: www.kelliedubois.fr

Nous vous présentons un numéro plus que spécial.

Esprit Métis part en voyage. Pour la première fois

en 14 éditions, avant même de voir le jour dans sa

ville natale –Bordeaux-, ce numéro rend visite à de

nouveaux lecteurs dans les villes de Douala, Yaoundé,

Kribi et Foumban.

C’est un grand pas et une immense joie pour notre

magazine de voler à la rencontre de son pays à l’honneur.

Un événement mémorable pour notre association qui

voit se traduire sa signature, se concrétiser sa ligne de

conduite : créer le lien entre les cultures.

Alors qu’ Esprit Métis a pour habitude de faire voyager

ses lecteurs à travers ses pages depuis 7 ans ; cette fois-

ci notre cher magazine va quitter la France. Il traverse

terre et mer pour atterrir sur le continent africain dans le

pays d’origine de sa créatrice, fondatrice et corédactrice

invitée. Le Cameroun : pays fantastique.

Le temps d’une histoire au claire de lune, notre équipe a

le plaisir de vous révéler, de vous illustrer le mythe de la

naissance des Caraïbes et autres petits poème et conte

voyageurs comme le grand rêve de Zeus.

Esprit Métis donne la parole aux arts. Du tatouage au

swing, de la photographie à l’art culinaire en passant par

les tissus identitaires, vous noterez qu’il existe toujours

une bonne raison de raconter des histoires. Et ce n’est

pas que pour les enfants.

Anaïs Lassalle Saint Jean

Le magazine Esprit Métis est un trimestriel gratuit édité parl’association loi 1901 Esprit Métis et tiré à 2000 exemplaires. |Publication du numéro 14 le 08/03/13 | Dépôt légal à parution | ISSN :1960 - 2332Directrice de publication : Achta Clanet | Rédactrice en chef : AnaïsLassalle Saint-Jean | Rédactrices invitées : Medjo Kouda Zeh Ghislaine Karine et Kellie Dubois | Secrétaire de rédaction : Isabelle Marcuzzo | Correctrices : Marion Roset, Isabelle Marcuzzo & Marie-Christine Galy-Aché | Directrice artistique-Créatrice et fondatrice d’EspritMétis : Kellie Dubois | Couverture : Kellie Dubois | Mise en page : Maëva Roy | Bravo à toute l'équipe d'Esprit Métis qui a réussi le parifou de réaliser deux numéros en même temps et d’organiser un événement en simultané : La semaine coréenne | Merci à Badou pour la Chunky Monkey ice cream qui nous a bien aidé à finir la maquette | Merci au CLUB Bordeaux-Cameroun-France de nous avoir permis d'amener ce numéro au Cameroun. | La team métis 2013 : Achta Clanet, Alexis Fernandez, AmineMehidi, Anaïs Lassalle Saint-Jean, Anthony Rojo, Anoudara Vong-vilay, Badara Sarr, Benjamin Lagard, Cécilia Doury, Cédric Jault, Céline Bonnet Laquitaine, Charlotte Charrier, Claire Lupiac, Elodie Ancenay, Emeline Joffre, Emilie Jaquet, Gaétan Ruffault, Grégory Provenzano, Habib Hamada, Hélène Morin, Isabelle Marcuzzo, Ju-lie Brault, Karen Toris, Kellie Dubois, Kevin Penhouet, Laure Moullé, Lola Goulard, Maëva Roy, Manon Adoue, Marianick Merly, Marie Cécile Plumot, Marie-Christine Galy-Aché, Marion Eyquem, Marion Roset, Martin Debray, Milo et Lévi, Noufal Bensaoud, Océane Fate, Patricia Grange-Boué, Quam Kuakuvi, Rémi Lachaume, Sabrina Richer, Sébastien Gouriou, Sébastien Lamigou Gratiaa, Siti-Anrafa Said Ali, Sylvain Lacombe, Thomas Dubourg, Véronique Magniant, Warda Mohamed, Yasmina Gamiette. | Impression : Atelier Graphique Saint-Jean, 10 rue Flottes, 81000 ALBI

www.espritmetis.com

IL ÉTAIT UNE FOIS... LE CAMEROUN

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● ILS SE SONT BOUGÉS

C'est le nom donné aux autoportraits à bout de bras ! Une agence de communication s'est ins-pirée du procédé afin de promouvoir le journal « Capte Times » ! Un résultat décalé pour des photos de presse cultes ! Le slogan de cette cam-pagne publicitaire explique tout : « Capte Times, au plus près de l'info ».

■ Anthony Rojo► www.graphicnothing.com

● BUZZ DU NET

CONNAISSEZ-VOUS LE SELFIE  ?

Le Japon est connu pour son faible taux de criminalité. Alors pourquoi peut-on trouver un poste de police devant chaque petite gare ? Au début, j’étais étonnée du fait que de nombreuses personnes y demandent leur chemin. En effet, le policier semble servir plus de guide et de repère pour les enfants perdus que d'agent de police. Je comprends alors l'image faite de lui dans l'audiovisuel japonais : parfois souriant et naïf, s'ennuyant assis dans le "koban" (poste de police de quartier), et pour qui le moindre cas d’objet perdu est pris très au sérieux.

■ Tseline, correspondante Esprit Métis au Japon

LES POLICIERS

● ZOOM SUR

Originaire de Bohicon au Bénin, le projet "Mon conte roule, roule, roule" forme depuis trois ans des enfants conteurs qui partent en caravanes dans l’ensemble du Bénin et même en France afin de faire revivre et sauvegarder le patrimoine oral de leur pays. Ce projet est porté par Inno Sorsy et sa Company of Common Sense.

■ Patricia Grange►www.rfi.fr/afrique/20111006-enfants-contes-benin

Depuis 25 ans, en plein Bordeaux, une salle fait office de cantine pour les personnes en détresse. Des bénévoles les accueillent avec des sourires, des « Bonjour ! », des « Bon appétit !», les bras ouverts sur un air de bonne humeur et de cor-dialité. Près de 120 couverts sont servis à chaque déjeu-ner dans une ambiance des plus agréables.

Créé par l’association de Saint-Vincent de Paul, 43 rue st Nicolas / 05.56.92.83.■ Marion Larat► www.servicecivique.gouv.fr

LE PAIN DE L'AMITIÉENFANTS CONTEURS DU BÉNIN

LesBrèves

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● MADE IN JAPAN

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PASSEUSE DE RÊVES

● MUSIQUE

● LITTÉRATURE EXOTIQUE

GRUPO COMPAY SEGUNDO, HISTOIRE D’UNE LÉGENDE CUBAINE

DÉLICES DES MILLE ET UNE NUITSTRIO DE SPÉCIALISTES ET MERVEILLEUSES RECETTES

Après la disparition de son père, le fils de Compay Segundo a créé Grupo Compay SegundoCuba envoûte les scènes musicales du monde entier. Invitation au voyage entre maracas, per-cussions, clarinettes, guitares, cet orchestre répand « El Son », sonorité typique et authen-tique. Chaque note rend hommage à un virtuose de la salsa cubaine. Vibrant, palpitant, chansons mythiques telle que « Chan chan », ce spectacle réveille l’empreinte du groupe culte Buena Vista Social Club et de son maître légendaire.Un moment délicieux que tous les aficionados du "Son" cubain ne sauraient manquer !

RENDEZ-VOUS À PRENDRE: Pin Galant Mérignac / Mercredi 20 mars 2013 / 20:30

Malek Chebel et Kamal Mouzawak., éditions GründÀ la découverte du raffinement des arts de la table au cœur des Mille et Une Nuits, voici une œuvre qui traduit le rôle central de la cuisine dans les contes. Malek Chebel, anthropologue et historien, propose un livre savou-reux plein de magie.Inspiré par la splendeur des banquets décrits par Schéhérazade, 50 re-cettes aussi savoureuses qu’exotiques se dévoilent. Engagé dans l’agri-culture durable, le chef promeut une cuisine de traditions honorant l’union des peuples ; les illustrations, inspirées par de multiples influences, nous plongent dans un univers onirique inégalé.► Une sélection d’Anaïs Lassalle Saint Jean

Lois Lowry, Edition Ecole des loisirs« Petite » ne sait pas trop qui elle est, ni ce qu’elle est… Elle sait juste qu’elle doit récolter des fragments de vie dans les objets : bouton de nacre, chaussure abandonnée sur le par-quet, photo brunie par le temps… Récolter les souvenirs, et les transformer en rêves. Mais un jour, la vieille dame qui vit dans la maison où Petite fabrique ses rêves accueille John. L’enfant vient des services sociaux et il est tellement en colère, qu’il risque bien de bouleverser leur vie à tous.

Ce roman était un coup de cœur de mes bibliothécaires. Je l’ai lu, et il est devenu mon coup de cœur. Je vous l’offre à mon tour, tel un cadeau fait des sentiments les plus doux, des émo-tions les plus fortes. Faites de beaux rêves…► Une sélection de Véronique Magniant

BRÈVES

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CLICHÉS MIS À MAL

« ON NE PEUT CITER AUCUN GRAND PAYS, DES RÉGIONS POLAIRES DU NORD JUSQU’EN NOUVELLE ZÉLANDE AU SUD, DANS LEQUEL LES AUTOCHTONES NE SERAIENT PAS TATOUÉS. »

[CHARLES DARWIN, SUR L’ORIGINE DE L’HOMME]

“ TATTOO DIT ”On les pensait marginaux, mauvais genre,

délinquants, fragiles voire instables, bref des personnes peu recommandables. Autant d’ex-pressions qui dessinent le portrait type d’un tatoué longtemps considéré comme anormal. Il exprimerait son mal de vivre à travers cette mutilation qu’est le tatouage. Autrefois signe de rébellion aujourd’hui le tatouage se démocra-tise. Femme, homme, cheveux courts, rasés, longs, musclé, mince, bobo, rocker, bcbg, la vingtaine, la trentaine, la cinquantaine… c’est aujourd’hui égal.

Non, le tatouage n’est plus l’apanage de quelques rockers, marins, bikers ou skinheads !

Adulé au début des années 90, dédaigné sur la première décennie 2000, revoilà le tatouage au faîte du branché. Une véritable déclaration d’indépendance.Le tatouage est partout : dans les séries, dans les films, dans les clips, dans la publicité, dans la rue… Il figurait sur les personnages emblématiques des des-sins animés de notre enfance : notre cher « dur à cuire » mais tendre Popeye avec ses deux ancres sur les avant-bras, notre Schtroumpf Cos-

taud avec son regard ténébreux et son tendre cœur rouge sur l’épaule ; nous étions en plein cliché… à moins que l’on considère les symboles sur les jolis ventres ronds de nos chouchous les Bisounours comme des tatouages faisant un pied de nez aux idées préconçues sur les porteurs de tatouages ? Libre interprétation…

“ TATTOO POUR PLAIRE ”Le tatouage ne se fixe pas sur un stéréotype

de porteur. Ce ne sont pas des provo-cateurs, loubards, bagnards qui se marquent au fer rouge pour exposer une appartenance à un clan ; le tatouage a désormais dépas-

sé les frontières. Il veut dire beaucoup, il vient de loin, au-delà d’un symbole, le tatouage c’est bien plus qu’une histoire.

Malgré les « pourquoi t’as fait ça ? », « tu sais que tu l’as à vie ? », le tatouage a le vent en poupe, dans le monde du star-system et dans notre monde à tous. Le tatouage : un souvenir, une envie, un plaisir, une folie… ■

Non, le tatouage n’est plus l’apanage de quelques rockers, marins, bikers ou skinheads !

► Anaïs Lassalle Saint Jean

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UN ESPRIT PLUS OUVERT

Elle apparaissait distinctement dans mon ima-gination. Malheureusement, je n'avais pas les connaissances pratiques ni techniques pour lui donner naissance d'un coup de crayon magique. J'ai donc passé des heures et des heures à écu-mer tous les livres fantastiques illustrés et contes de fées de la bibliothèque communale, à surfer à la recherche de l'image qui s'en rapprocherait le plus. Et un jour, comme par miracle, je l'ai ren-contrée au détour d'une vague. J'ai commandé un livre dans une librairie ésotérique et je l'ai enfin capturée.

À L'ÂGE DE 15 ANS, J’AI DÉCIDÉ QUE JE VOULAIS UN TATOUAGE : UN DESSIN INDÉLÉBILE, UNE MARQUE À VIE, PLUS TARD UNE TRACE DE MON PASSÉ, UNE SIGNATURE EN SOMME…MA SIGNATURE. IL FAL-LAIT BIEN RÉFLÉCHIR. NE PAS SE PRÉCIPITER DANS L'EN-THOUSIASME D'UNE LUBIE PAS-SAGÈRE. NE POUVANT PASSER À L'ACTE QU'À LA MAJORITÉ, J'AVAIS DU TEMPS DEVANT MOI POUR ÉTU-DIER CE PROJET. COMME BEAU-COUP D'ADOLESCENTE JE RÊVAIS D'UNE FÉE. MAIS PAS N'IMPORTE LAQUELLE.

LA MAJORITÉ ACQUISE, grâce à mon pre-mier salaire de job d'été, je me suis offert ma signature indélébile. Après 2 heures de piqûres, ma fée avait bien grandi et se faisait moins dis-crète que ce que j'avais prévu. J'avais la bizarre sensation d'avoir fait une bêtise... résidu de l'édu-cation et du formatage social ?... Non ! En fait je me sentais libre avec ma petite fée accrochée au creux de mon rein. Elle est pour moi un avatar de ce que je suis au fond de mon être. Ce fut comme un rituel de passage à l'âge adulte.

LES PRÉJUGÉS ? Quels préjugés ? En 2002, le tatouage était plus ancré que le piercing. Cette petite sollicitait plus l'admiration pour le travail du tatoueur. Quelques réactionnaires avaient leurs mots à dire forcément. C'était donc pour eux un acte de rébellion immature, fait sans réfléchir aux conséquences du vieillissement du corps et de la peau. Regretterai-je cet objet de désir un jour ? Comment l'assumerai-je devant mes enfants, est-ce mauvais genre ? Certainement que nous en discuterons comme de la météo du jour et peut-être me parleront-ils du leur ?

10 ANS ET UNE GROSSESSE APRÈS… Je ne regrette pour rien au monde ma fée. Oui, elle a évoluée et porte des couleurs pastel, mais elle n'est pas pour autant difforme comme le pré-disaient les mauvaises langues. Mignonne, sur la pointe des pieds, aux petits soins de sa fleur, ma fée est un symbole de douceur, un porte-bon-heur pour mon enfant qui l'admireet qui l’adore. ■

► Un témoignage de Roxane Lassalle Saint Jean► Illustration de Louaou

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PEUPLE MÉTIS

QUEL PEUPLE N’A PAS SES LÉGENDES ET SES MYTHES FONDATEURS POUR APPORTER UNE TOUCHE DE FANTAISIE ET DE MAGIEÀ SON HISTOIRE ?LE MYTHE QUI SUIT SE DÉROULE EN DES TEMPS LOINTAINS ET IMMÉMORIAUX, À L’ÉPOQUE DES AMÉRINDIENS, PREMIERS HABITANTS D’AMÉRIQUE ET DES ANTILLES.

Au commencement des temps Amérin-diens, dans la Caraïbe, vivait le peuple Arawak. Il ignorait la guerre et vivait en sym-biose avec son environnement… Mais la transgression d’un interdit vint bouleverser cet ordre. Un indien Arawak recommanda à sa fille Sésé de ne pas se baigner dans un bassin de la rivière lorsqu’elle était indispo-sée. Pourtant, un jour où elle l’était, Sésé alla s’y baigner, oubliant ainsi le conseil de son père. Dans ce bassin vivait Akayouman,

l’esprit des eaux, un serpent à tête de chien, qui usa de ses sortilèges pour charmer la jeune fille et la rendit mère. Chaque nuit, ce serpent se transformait en homme et, à l’insu de ses parents, Sésé prit l’habitude de le rejoindre près de la rivière lorsque le jour cédait sa place à la nuit. Bientôt Sésé mit au monde un enfant puis d’autres, qui chaque nuit jouaient avec leur père dans le bassin.

Lorsque le jour se levait, tous rentraient au

UN MYTHE : DES PEUPLES

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PEUPLE MÉTIS

DEUX PEUPLES : UNE GUERREcarbet et reprenant son apparence de serpent, Akayouman se cachait dans le ventre de Sésé. Le frère de celle-ci, se demandait depuis longtemps comment sa sœur pouvait avoir des graines de balata sans hache pour couper ? N’y tenant plus devant ce mystère, un soir, il la suivit tandis qu’elle se dirigeait vers un gros pied de balata où elle s’arrêta. Alors le serpent sortit de son ventre, monta à l’arbre puis, soudain transformé en homme, secoua les branches pour en faire tomber des graines. Furieux, le frère de Sésé décida de tuer le serpent et s’exécuta dès le lendemain : au moment où Akayouman montait dans l’arbre, il le coupa en mille morceaux. Sésé, profondément peinée, ramassa jusqu’aux plus petits morceaux, les enterra et les recouvrit de feuilles.

Quelques lunes après, tandis qu’il chassait, son frère entendit un grand bruit qui provenait de l’endroit où le serpent était enterré ; il se rapprocha et découvrit quatre cases pleines d’indiens : c’étaient les fils du serpent de Sésé : les tout premiers Caraïbes. Ceux d’une case étaient contents de voir leur oncle Arawak mais ceux des trois autres cases étaient fâchés car il avait tué Akayouman, leur père. Toutefois, les chefs conseillèrent de ne pas surenchérir en tuant leur oncle. Ainsi, Caraïbes et Arawaks échangèrent des cadeaux et vécurent comme des amis jusqu’au jour où… Sésé, devenue vieille et toujours inconsolée, dit aux Caraïbes, ses fils, de tuer un petit Arawak pour venger le serpent. Ainsi fut fait. Mais en représailles, les Arawaks tuèrent un petit Caraïbe. La guerre entre Caraïbes et Arawaks avait commencé…

Ainsi s’achève le mythe de Sésé qui marque la naissance des Caraïbes et du conflit qui les opposa aux Arawaks. Une histoire où sentiments et féérie se mêlent à travers ce mythe métaphorique, comme une mise en abîme des liens entre les cultures : ils se créent qu’on le veuille ou non, parfois dans la méfiance et la douleur, d’autres fois dans la curiosité, l’amour et la joie. ■

► Illustrations de Martin Debray ► Texte de Karen Toris

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►Propos recueillis par Patricia Grange-Boué

Originaire de trois continents, cette jeune photographe raconte les identités à travers les clichés de son projet Vibrations Identitaires.

Esprit Métis : Aïssatou, raconte-nous l’histoire de Vibrations Identitaires

Aïssatou Angela Baldé : Vibrations Iden-titaires est un projet photo qui a débuté en 2009. C’est un Work in Progress qui traite de la recherche identitaire. Dans cette quête, je me pose la question : qu’est-ce que le manque et la perte apportent à nos identi-tés ? Je pars d’une histoire très personnelle, intime, pour mieux questionner des identités collectives. Je cherche à comprendre de quelles manières nous exprimons nos iden-tités multiples. Le mot Vibrations est une ré-férence à la musique : nous sommes traver-sés par différentes tonalités, sons, rythmes ; notre identité n’est pas homogène, elle n’est pas fixe mais dyna-mique. Ce qui m'intéresse, ce sont les objets oubliés, les dimen-sions cachées, les réalités invisibles. Mais c'est égale-ment l'identité mouvement, l'impossibilité de fixer l'être. Je pense en partitions car Vibra-tions Identitaires est construit comme l'une d'entre elle. Le mouvement musical inspire complétement le projet. La quête d’iden-tité correspond à des pulsations, mélodies, sons. Chaque chapitre à son propre flot, son propre style musical, et en même temps ce sont des partitions, des volets qui peuvent être rassemblés pour créer une seule et même musique. Le projet se compose de 4 chapitres : L’Oubli raconte la perte de mon père et les souvenirs de mon enfance qui

m’ont amené à la photographie. Save Art est un hommage à l’art avec des artistes mis en scène au moyen de récits en textes et images sur la recherche identitaire, et à travers des projets artistiques communs. Dream Catcher est une errance avec ses questionnements dans la ville de New York au moment de l’élection de Barack Obama. Crise (d’identité) état des lieux donne la pa-role aux premières victimes de la crise en France.

EM : Raconte-nous ton histoire de photographe

AAB : Les premières photographies que j’ai aimées, sont celles de mon père. Des pho-

tos prises lors de ses voyages en Guinée Bissau et au Sénégal pour voir sa famille. Chaque événement était fixé en image (film 8mm, photos, dia-pos) Sa passion pour

l’image, il ne s’en servait que pour garder des souvenirs de son entourage. Ses pho-tographies m’ont toujours marquée par leur sensibilité, leur esthétisme et leur émou-vante simplicité.Mon envie de devenir photographe vient d’un désir de rompre des silences. J'ai per-du très jeune et soudainement mon père, et quelques années plus tard le manque et la perte m'ont mis face à cette quête de soi et des autres. Je suis née en France d’un père guinéen et d’une mère franco-vietna-

Ce qui m'intéresse, ce sont les objets oubliés, les dimensions cachées, les réalités invisibles.

ENTRETIEN AVEC

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mienne, j’ai rapidement été confrontée à des interrogations sur mes identités. A l’adoles-cence, je cherchais à m’échapper de ma réalité, lorsque je découvre la photographie professionnelle dans des magazines. Dé-munie d’appareil photo, je collectionne les images et mon regard devient boulimique ; je cherche la composition, la lumière, le message dans chaque photo.Le déclencheur a été un voyage au Sénégal où j’ai renoué des liens avec une partie de mes origines. Au retour de ce voyage presque initiatique, j’ai eu besoin de me réapproprier mes iden-tités, d’avoir un autre regard sur soi. Je me suis débrouillée pour m’acheter un reflex argentique et j’arpentais les rues de Paris, de la nuit jusqu’à l’aube, ce fut ma formation.

EM : Raconte-nous ta démarche artistique. Te vois-tu comme une griotte de l’image ?

AAB : Oui. Le photographe comme le griot, perpétue la mémoire et le souvenir d’une culture, d’une communauté, d’une famille, etc. Le récit, l’oralité, la photographie sont un langage qui sert à appréhender le quotidien et le monde. La photographie et le texte, me permettent d'analyser et d’essayer de comprendre des émotions, des sens, des idées. Je cherche à décrire l’intention et à proposer une nar-ration sous forme de polyptyques, que je monte même parfois comme des films (comme dans le volet Save Art).Photographie et écriture sont les prismes à travers lesquels j’expérimente mes sen-sations. J’essaie d’évoquer avec pudeur l’intime, le doute, le cours ordinaire de la

vie. J’aime quand la photographie renvoie le spectateur à sa propre expérience.Ce qui m’attire aussi dans la photographie c’est cette prise avec le présent, le rapport à l’immédiateté, réussir à capter le temps et le laisser m’échapper aussitôt, je trouve ça fascinant.

EM : Raconte-nous l’Autre

AAB : L’Autre est une invitation au rêve, à l’échange. Définir sa relation à l’Autre c’est définir sa relation au monde. Comme une nouvelle naissance. L’Autre nous met face à nos doutes comme en voyage quand le lieu que l’on traverse nous fait changer de position sur notre intime et sur notre rapport au monde. On voit bien à quel point il est difficile de reconnaître l’autre dans sa diffé-rence. Il est donc important de réfléchir sur les identités qui nous habitent pour réussir à repérer les conflits qui se déroulent en nous-même et les interroger, apprendre à les apaiser et ne pas les rendre responsables de conflits extérieurs. Il faut réussir à briser les frontières entre l’homme et la femme, l’Homme et le Monde, la raison et l’imagi-nation, l’intérieur et l’extérieur, soi et l’autre.Il y a en chacun de nous une profondeur possible à aller chercher et à faire vibrer.L’identité c’est un ensemble de réalités invi-sibles, de temps suspendus, de vibrations Qui sont nos expériences, des couleurs, des notes, nos failles, nos contrastes, nos bles-sures, envies, colères, errances. C’est une traversée du vide aussi, un aller retour entre rêve et réalité.■►http://www.aabalde.com► crédit photo Aïssatou Angela Baldé

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SOCIÉTÉ

L’AFRIQUE, BERCEAU DE L’HUMANITÉ ? SI DE NOMBREUX SCIENTIFIQUES CONTESTENT CETTE IDÉE LARGEMENT RÉPANDUE, L’AFRIQUE N’EN RESTE PAS MOINS LA TERRE MÈRE POUR NOMBRE DE NOIRS AMÉRICAINS EN QUÊTE DE LEURS ORIGINES.

Dans une terre lointaine, vivait un homme libre. Un beau jour, sans qu’il comprenne ce qui lui arrivait, il s’est retrouvé traqué, capturé, enchaîné, jeté dans les cales d’un navire qui l’emmenait vers l’enfer. Cette histoire, c’est celle de l’esclavage, telle qu’elle est perçue par les descendants d’esclaves. Pas évident de trouver un mot pour désigner cette population hétérogène : « Nègres », personnes de couleurs, Africains Américains...à travers ces évolutions sémantiques, c’est la problématique iden-titaire qui ressort.

Doit-on pour les désigner s’en référer à leur couleur de peau ou à leurs origines ?

Nous sommes aux Etats-Unis d’Amérique au début du XXème siècle. L’esclavage a été aboli en 1865 mais on ne passe pas facilement du statut d’ancien esclave à ce-lui de citoyen à part entière. Vivant comme en exil dans le pays où ils ont vu le jour, les Noirs essaient de trouver à travers leurs origines la force nécessaire pour faire face à une société ségrégationniste.

« The name means everything 1 »Cela se traduit notamment par l’émergence des mouve-ments des Black Muslims 2 . Devenir musulman ne s’ap-parente pas à une simple quête spirituelle : c’est un acte de rébellion contre la société dominée par une Eglise considérée comme complice de la Traite des Noirs. Pour Noble Drew Ali, fondateur du Moorish Science Temple 3

, ceux qui sont appelés « nègres » doivent réaliser qu’ils appartiennent à un peuple élu : les Maures, des « Afro-Asiatiques ».

Ils se distinguent à la foi des Blancs accusés de tous les maux et des Africains païens perçus comme primitifs. Pour lui, le nom qu’on donne à un peuple ou à un individu « veut tout dire ». C’est pour cette raison que les fidèles sont incités à changer celui dont ils ont hérité pour affirmer leur véritable essence qui selon lui est musulmane.

Cette volonté de se défaire des noms de naissance est également partagée par Malcolm X. Né Little, il décide dans les années 1950 de se faire appeler X pour rejeter le patronyme imposé à ses aïeux. A l’époque de l’escla-vage, l’usage voulait en effet que les esclaves adoptent le nom du maître. La série « Racines » tirée du roman éponyme d’Alex Haley 4 revient sur ce processus de dé-possession identitaire à travers le personnage de Kunta Kinté jeune Africain capturé et envoyé dans une planta-tion en Virginie. A la question : « Comment t’appelles-tu ? », il refuse de répondre au nom que le maître lui a donné. Il continue d’affirmer qu’il s’appelle Kunta Kinté malgré les coups de fouets qu’il reçoit. Ce n’est qu’aux portes de l’agonie, à bout de force, qu’il capitule et consent à porter le nom de Toby. Haley a voulu faire de ce personnage un symbole : celle d’une Afrique forte, battante qui a résisté avant de s’écrouler.

Une Afrique forte, souveraine, c’est ainsi que la voit Mar-cus Garvey. Installé aux Etats-Unis en 1916, ce Jamaï-cain considère le continent africain comme la mère patrie de tous les Noirs, le seul lieu où ils pourront vivre librement et dans la dignité.

Back to Africa

Il y a fort longtemps,

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SOCIÉTÉ

• 1« le nom veut tout dire », Noble Drew Ali, 1913 • 2 mouvements religieux afro-américains qui se réclament de l’islam. • 3 Mouvement musulman fondé en 1913. • 4 Publiée en 1976, Racines est présentée comme une œuvre mêlant fiction et réalité. Elle est sensée retracer l’Histoire de la famille de l’auteur depuis la capture de l’ancêtre africain : Kunta Kinté.

REVUE • « Des Afro-Asiatiques » et des « Africains » de Pauline Guedj, Cahiers d'études afri-caines, 2003. http://etudesafricaines.revues.org/1464« Du global au particulier » de Sarah Fila-Bakabadio, Cahiers d'études africaines, 2002. http://etudesafricaines.revues.org/160« A Nation within Nations : nationalisme afro-américain et réafricanisation aux États-Unis », de Pauline GUEDJ, Civilisations, 2004. http://civilisations.revues.org/644

Cet idéal d’un retour en Afrique est partagé par les générations suivantes mais pas de la même manière. Les années 1960 voient l’émergence du nationalisme culturel noir. Il ne s’agit plus de donner un nouvel Etat aux Afro-Américains, il s’agit de faire vivre l’Afrique aux Etats-Unis : coupe afro, port de vêtements jugés typiques, musiques s’inspirant de sonorités africaines… le phénomène de « ré-africanisation » est né. Les plus fervents pratiquent des cultes animistes et respectent les rites du Kwanzaa, une célébration adressée aux divinités ancestrales. Cette fête, qui se déroule entre le 26 décembre et le 1er janvier, a été instaurée en 1966 par Maulana Karenga qui disait s’inspirer de pratiques du continent africain. Une création sur mesure qui a pour but de connecter l’Amérique à une Afrique idéalisée.

Le rapport des Noirs Américains avec ce continent reste complexe. L’Afrique est une référence, un support à la construction identitaire mais c’est aussi un lieu lointain dont beaucoup ignorent tout. Actuellement, le terme même d’Africain-Americain qui s’est démocratisé dans les années 1980 ne fait pas l’unanimité : certains préfèrent se considé-rer comme « Black » plutôt que d’être rattaché à une réalité qui n’est pas la leur. Noir ou Afro-Americains... On ne choisit peut-être pas d’où l’on vient, mais chaque individu peut décider qui il est. ■► Texte de Siti-Anrafa SAID ALI► Illustration de Claire Lupiac

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AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ESCLAVAGISMELe swing est avant tout le vestige d’un peuple africain déraciné. Un peuple pour qui musique et danse font partie intégrante du quotidien et de son lot de souffrance, à tel point qu’après le pénible travail des plantations, les esclaves dan-saient et jouaient jusqu’à l’aube et l’épuisement. Mais déjà lors de la traversée de l’Atlantique, on les forçait à danser « soir et matin, avant et après dîner afin d’éviter que la cargaison ne prenne de mélancolie », d’après le règlement des navires négriers. Plus tard le « Cake-walk » devient la première danse afro-américaine à faire son apparition dans la société blanche. Paradoxalement, elle émerge de parodies des maîtres négriers blancs. Mais c’est réellement le Charleston, apparu dans les années 20, qui impulsera le mouvement swing. D’abord en solo, il se danse très vite en couple suivant des rythmes énergiques et endiablés comme ceux de Duke Ellington. Le swing disparait à la fin des années 50 supplanté par le rock’n’roll et ne réapparait qu’en 1990 avec l’émergence de phénomènes urbains et des orchestres de mo-dern swing. Une nouvelle ère s’ouvre. La danse swing que nous connaissons aujourd’hui est désormais plus simple, investie par des mou-vements de hip hop et de modern jazz. Elle se caractérise par un kaléidoscope de styles, un patchwork d’influences, une vivacité débordante et une dynamique délurée.

Notes :1. Houénouho : littéralement « parole des temps anciens » en langue fon du Bénin, cette expression désigne un conte.2. Sêdjro : prénom unisexe qui signi�e « Dieu l’a voulu » en langue fon du Bénin.3. Entrer-coucher : expression utilisée au Bénin pour désigner de petits appartements qui ne sont généralement constitués que d’une pièce.4. Littéralement « Mon conte roule, roule et tombe sur … » en langue fon du Bénin. Formule utilisée pour commencer à raconter une histoire, équivalent du « Il était une fois … »

Poème extrait du recueil de Patricia Grange et Guy Papin« Couleurs de mots sur le Bénin »En vente sur www.lulu.com

1

Le soir tombe doucement sur le quartier.Dans la cour commune, Sêdjro2 a déplié sa natte.Elle chuchote des mots tendres à son premier néTout en refaisant, agile, certaines de ses nattes.

Le crépuscule épouse la couleur de sa camisoleEt attire autour d’elle, occupée à la tétée,Tous les enfants des autres entrer-coucher3

Qui s’asseyent auprès d’elle à même le sol.

Sêdjro sourit à chacun des jeunes visagesElle attend que tous soient silencieux et prêts.Alors elle jette dans la nuit la formule adressée aux enfants sages :« Houénouho tché zon mon vim bo djê … »4

Barsac, le 25 juillet 2010 à 17h50

CROISEMENT ARTISTIQUE

EN ANGLAIS, LE TERME SWING DÉSIGNE « UN MOUVEMENT DE BALANCEMENT ». AUX ETATS-UNIS, RÉCEMMENT DANS L’ACTUALITÉ, IL EST APPLIQUÉ POUR LES ETATS ET ÉLECTEURS VARIABLES EN PÉRIODE D’ÉLECTIONS. RÉTROSPECTIVE SUR UNE DANSE EN APPARENCE INSTABLE.

UN HÉRITAGE ACTUALISÉ Aujourd’hui, on rencontre des communautés de danses swing dans de nombreux pays. Le lindy hop reste la danse la plus populaire. En France, plusieurs manifestations se déroulent pendant l’année : le festival SwingArt à Bordeaux, orga-nisé par l’association SwingTime, a lieu du 20 au 24 mars 2013. Le festival international de danses swing sur la région bordelaise « Appellation Swing Contrôlée » verra sa 3ème édition du 1 au 3 mars 2013. En Provence, le Swing festival a fêté sa 7ème année à Marseille et Aix-en-Pro-vence. Le groupe Swing 65 propose quant à lui des concerts de jazz manouche dans les Pyré-nées. Le swing s’écoute et se danse partout car, finalement, il est un balancement perpétuel et intemporel, ou comme le dit le violoniste de jazz français Didier Lockwood : « Le jazz, c’est du swing, une manière d’interpréter le tempo même si c’est du binaire ; qui peut dire où ça commence et où ça s’arrête ? ». ■ ►Texte de Manon Adoue

L’association Swing Time à Bordeaux donne des cours de charleston, de jazz roots et de lindy hop les mardis soirs à Saint-Seurin et tous les lundis soirs au Barrio Latino.

Informations et tarifs : ► www.swingtime.fr et au 06 19 16 44 96.

A NE PAS MANQUER EN MARS: le festival international SwingArt, à la Halle des Chartrons et au Comptoir du jazz.

► crédit photo Anthony Rojo

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Notes :1. Houénouho : littéralement « parole des temps anciens » en langue fon du Bénin, cette expression désigne un conte.2. Sêdjro : prénom unisexe qui signi�e « Dieu l’a voulu » en langue fon du Bénin.3. Entrer-coucher : expression utilisée au Bénin pour désigner de petits appartements qui ne sont généralement constitués que d’une pièce.4. Littéralement « Mon conte roule, roule et tombe sur … » en langue fon du Bénin. Formule utilisée pour commencer à raconter une histoire, équivalent du « Il était une fois … »

Poème extrait du recueil de Patricia Grange et Guy Papin« Couleurs de mots sur le Bénin »En vente sur www.lulu.com

1

Le soir tombe doucement sur le quartier.Dans la cour commune, Sêdjro2 a déplié sa natte.Elle chuchote des mots tendres à son premier néTout en refaisant, agile, certaines de ses nattes.

Le crépuscule épouse la couleur de sa camisoleEt attire autour d’elle, occupée à la tétée,Tous les enfants des autres entrer-coucher3

Qui s’asseyent auprès d’elle à même le sol.

Sêdjro sourit à chacun des jeunes visagesElle attend que tous soient silencieux et prêts.Alors elle jette dans la nuit la formule adressée aux enfants sages :« Houénouho tché zon mon vim bo djê … »4

Barsac, le 25 juillet 2010 à 17h50

POÈME

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DOSSIER

AVEZ-VOUS UN JOUR RÊVÉ DE L’AFRIQUE ? SI OUI, ALORS VOUS AVEZ RÊVÉ DU CAMEROUN…De ses montagnes rocheuses de l’ouest avec leurs magnifiques préci-pices ; de ses chutes vertigineuses de la Lobé et la forêt qui les entoure ; du début du Sahel près du cratère volcanique du lac Tchad ; de la savane de Waza et son parc zoologique mythique ; du sable noir des plages de Limbé ou des hôtels luxueux au bord de l'océan à Kribi.Oui, vous avez rêvé du Cameroun, car c’est un écrin triangulaire de tous les paysages et toutes les cultures de toutes les ethnies présentes en Afrique. Comme les sept notes d’un extrait de parfum, les écarts peuvent être profonds; entre les légendaires pygmées et la jetset de Douala par exemple, mais l’esprit camerounais demeure. Eclectique, transcendant, il s’exprime à l’unisson à chaque match des lions indomptables. Au-delà de toutes les différences, de toutes les révoltes, de toutes les frontières, on est juste fier d’être Kmer…

► Redactrice invité Ghiska Medjo Kouda Zeh►Couverture de Kellie Dubois

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- AWOULA !- HISTOIRE….- RACONTE !- IL ÉTAIT UNE…- FOIS !

Un homme qu’on appelait Fer-nando Pô. Il avait l’air d’un fantôme. Sa peau était toute blanche ! C’était un des êtres bizarres qu’on appelait les explorateurs… Et un jour qu’il explorait les terres exotiques du golfe de Guinée, il découvrit une source de vie, une source d’eau qui lui donna le tourni. C’était le Rio dos Camaroes, la rivière des crevettes, la rivière dont devait découler le nom du Cameroun !

IL ÉTAIT UNE FOIS...LE CAMEROUN

Enfin, pas tout de suite. Car après les explorateurs portu-gais, vinrent les évangélistes allemands, puis éclata la guerre mondiale, et on partagea le Ka-merun entre la France et l’An-gleterre. Sous mandat, disaient-ils. Protectorats, clamaient-ils. Enfin ! Toujours est-il qu’au fil des résistances nationalistes et des intrigues politiques, le jour de l’indépendance arrivait, avec la création de l’Etat fédéral Ca-merounais.

-OUI, EN 1960, SOUS AHMADOU AHI-DJO, JE ME SOUVIENS ! UN GARS DU NORD, PLÉBISCITÉ PAR LA FRANCE.

- IL A FAIT DU BIEN AU PAYS. SUR-TOUT EN 1972, EN PASSANT DE L’ETAT FÉDÉRAL À UNE RÉPUBLIQUE UNIE INTÉGRANT À PART ENTIÈRE LA PARTIE ANGLOPHONE.

-OUI, MAIS DÈS LE DÉPART SON MAIN-TIEN AU POUVOIR NÉCESSITAIT DE LA RÉPRESSION ET DE LA MANIPULATION ET BEAUCOUP EN ONT SOUFFERT.

Toujours est-il que des années 60 aux années 80, le Cameroun devait connaître son apogée. Ses richesses naturelles, son port maritime, le maintien de sa paix… Oui, au temps de sa Gloire, il était le modèle de toute l’Afrique centrale.

- ET QUAND L’HOMME SE NOIE, IL S’AC-CROCHE À TOUT, MÊME AU SERPENT…

Le changement commençait à se faire sentir dans les rues et les discussions locales. Puis en 1994, la dévaluation du Franc CFA nous a frappés de plein fouet ! Les années 90 ont mar-qué un virage à 90° dans l’his-toire des Camerounais.■

► Texte de Ghiska Medjo Kouda Zeh►Illustrations de Julie Brault

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Dossier 19

DOSSIERDOSSIER

TOUTE UNE HISTOIRE !Si ces trois couleurs sont classiques sur les drapeaux africains, c’est un

héritage de l’Ethiopie, ainsi honorée pour être restée libre quand ses voisins étaient sous domination occidentale. Vert de la forêt et de l’espérance, rouge de la terre et du sang versé, jaune du soleil et de la fortune.

Ce sont bien là les couleurs du panafricanisme ! Mais ici, le vert c’est aussi les bantous du sud, le jaune les étendues du nord et le rouge la force qui unit l’ensemble du pays.Et pour l’étoile ? A l’époque du Cameroun fédéral il y en avait deux sur la bande verte. A la réunification, on en a mis une seule, éclatante, sur la bande du milieu, pour célébrer l’unité de la nation. ■

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- HMMM. BONNE QUESTION AWOUALA AWOUALA... - AWOULA !- HISTOIRE….- RACONTE !Vous-mêmes vous voyez que le Came-roun a changé. Mais si longue que soit la nuit, le jour vient sûrement, et on assiste ces dernières années à de vrais rebon-dissements dans l’histoire économique du pays. Des feuilletons politiques animent les conversations dans les bars et les facs. Après les privatisations commencées dans les années 80, le président a lancé en 2004 l’opération Epervier, censée dé-busquer et emprisonner les coupables de corruption…-AKA, ÇA C’EST JUSTE POUR FAIRE PLAISIR AUX BAILLEURS DE FOND ET ÉLIMINER SES CONCUR-RENTS POTENTIELS ! ET DANS TOUT ÇA LES VRAIS PILLEURS DES CAISSES DE L’ETAT NE SONT MÊME PAS INQUIÉTÉS.-QUAND L’ŒIL A VU, LA BOUCHE DEMANDE, C’EST NORMAL. L’ESSENTIEL, C’EST QU’ON RÉTABLISSE LA CRAINTE ET LA DROITURE DANS LA GESTION DES

FONDS PUBLICS.

Quoiqu’il en soit, le président a multiplié ses interlocuteurs, avec des partenaires chinois, libanais, marocains, coréens… L’initiative privée est de plus en plus florissante, les Camerounais commencent à reprendre confiance et le président lance un vaste pro-gramme d’investissement pour amener le pays au statut de pays émergent à l’horizon 2035…-TOUT ÇA C’EST DE LA POUDRE AUX YEUX ! IL AT-TENDAIT D’ABORD QUOI POUR FAIRE TOUT ÇA ?

-LE PASSÉ EST CLAIR, MAIS L’AVENIR OBSCUR. RIEN NE SERT DE PRÉSUMER, LA FIN DE L’HISTOIRE EST ENCORE À ÉCRIRE…-LÀ ON EST D’ACCORD. LA FIN DÉPEND DE LA MEN-TALITÉ DES PRINCIPAUX CONCERNÉS… QUI VIVRA VERRA, COMME ON DIT ! ».■

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SIDONIE ET PIERRE RACONTENT LE GRAND VIRAGE DES ANNÉES 90

SIDONIE, GÉNÉRATION 54 J’ai toujours travaillé comme fonctionnaire, et feu mon mari aussi. D’ailleurs, il y avait peu d’entreprises privées au Cameroun. Même si la crise a commencé dans les an-nées 80, c’est lorsque le FMI a exigé des mesures restrictives que les difficultés ont commencé à se faire sentir. En 1992, nous avons tous eu une suspension de salaire de trois mois. Sans prévenir. Dans la foulée, ils ont été diminués de moitié. Et deux ans plus tard, on nous annonçait que la valeur du Franc CFA diminuait de moitié lui aussi. De-puis ce jour - là, l’inflation n’a pas diminué. Le taux de chômage a explosé en même temps que les prix des biens de consomma-tion courante. Et, effet boule de neige, tous les aspects de la société en ont été impac-tés. D’abord la corruption et, à partir de là, le désabusement. L’angoisse partagée et la résignation, les colères sourdes, les faits divers, la méfiance et le vice insidieux qui s’impose, qui oppose... Et j’ai vu grandir autour de moi les rêves d’ailleurs… »-retraitée de la fonction publique au Cameroun

« PIERRE, GÉNÉRATION 60 J’étais étudiant en France au moment de la dévaluation. J’ai hésité avant de venir, parce que les écoles nationales étaient très bien, et la peur du chômage quasiment inexistante pour les diplômés. Je suis venu, cependant, comme beaucoup des plus mé-ritants, entièrement pris en charge par mon pays. Puis, en 92 les bourses ont cessé du jour au lendemain. Nous n’avions pas appris à nous battre. Quand je regarde derrière moi, il me semble que c’est à partir de ce moment-là que le mot immigré à commencé à prendre sens dans notre esprit. »

IL ÉTAIT UNE FOIS...LE CAMEROUN

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« KARINE, GÉNÉRATION 85 J’ai grandi à Yaoundé. Le climat y est doux, sauf à la rentrée, car c’est la grande saison des pluies. Jolie coïncidence, n’est-ce pas ? J’ai aussi vécu à Douala. Il fait beaucoup plus chaud et l’ambiance est différente. Je la compare à Paris, parce que si les quar-tiers du centre sont magnifiques, agréables et réservés à la haute société, le reste de la population s’étend sur une vaste étendue surpeuplée, où se déplacer relève du par-cours du combattant. Les embouteillages sont constants et les motos taxis pul-lulent sans casques, arpentant les voies à contre-sens, et communiquant à tous leur effervescence. Finalement, Paris ou Province ? Je ne peux pas vraiment choi-sir… »

MAIS LES SOUVENIRS LES PLUS PRÉSENTS RESTENT LES PLUS BEAUX MOMENTS. GHISKA ET ANDRIELLE ÉVOQUENT AVEC NOSTALGIE CE PAYS QU’ELLES AIMENT TANT.

DOSSIER

« GHISKA, GÉNÉRATION 85 Des flammes dans la cour d’un village, jeunes et vieux qui dansent ensemble au son bikutsi des tams-tams du sud, et le grand-père qui met fin aux percussions fré-nétiques pour raconter ces histoires dont il a le secret… Idyllique, n’est-ce pas ? On allait au village pendant les vacances, pour apprendre les leçons de la terre, les secrets de notre langue, le savoir de nos aïeux… Je ne remercierai jamais assez mon grand-père de m’avoir fait gouter aux délices d’une grande famille... »

« ANDRIELLE, GÉNÉRATION 89 C’était pareil pour moi à Banen, dans l’ouest. Nous n’allions pas beaucoup aux champs, et autour du feu, nous ne dansions pas, mais nous parlions. On s’amusait tellement avec tous nos cousins à écouter ces his-toires et à recueillir les conseils des aïeux. La grande ville d’à côté, c’était Bafoussam. C’était beau, c’était calme. Je me souviens qu’on jouait dans la cour avec les enfants du voisinage, au ballon, à l’élastique, avec des cailloux et des petites voitures que les garçons fabriquaient avec des babouches en caoutchouc ou des morceaux de bam-bou. Il y en avait même en boîte de sardines ! Ce n’est pas qu’on était pauvres, bien au contraire. Mais la vie était simple... Aussi loin que je me souvienne, nous avions l’antenne parabolique : MCM, Trace, mais aussi TF1 et France 2. Aujourd’hui encore je souris à l’idée d’avoir Canal+ chez moi au Cameroun beaucoup moins cher qu’en France… »

► Texte de Ghiska Medjo Kouda Zeh►Illustrations de Kellie Dubois

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PARLEZ-NOUS DE VOS ORIGINESMa mère, Camerounaise, est née du métissage d’un noir américain, émigré au Libéria, puis venu s’installer au Cameroun, et d’une Camerounaise. Mon grand-père a d’abord travaillé pour une plantation de café, en même temps que Louis-Ferdinand Céline qui était alors surveillant pour cette même compagnie à Campo, au sud du Cameroun - période qu’il évoquera d’ailleurs dans « Voyage au bout de la nuit ». Plus tard mon grand-père a monté sa propre plantation à Kribi. Mon père, Français, originaire du Dauphiné, a saisi en 1928 une opportunité de travailler en tant que directeur d’une société commerciale (SCOA) à Douala, puis à Kribi où il a créé sa société d’import/export.

VOUS ÊTES NÉ EN 1940. COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU VOTRE DOUBLE CULTURE ?Très bien. Au Cameroun, pour rigoler les enfants nous appelaient « cafés au lait », mais c’était surtout un clivage de classe. Vous savez, on ne se posait pas trop de questions. A 14 ans, lorsque je suis arrivé à La Tronche (Isère), berceau de la famille paternelle, je me suis immédiatement senti accepté et assimilé. Le métissage n’était pas perçu de manière spectaculaire. C’était la fin de la guerre, la reconstruction. Les gens avaient bien d’autres préoccupations et étaient finalement plus tolérants.

J’ai comme l’impression qu’aujourd’hui, ces questions se posent davantage.

VOTRE ÉPOUSE EST AMÉRICAINE. VOUS AVEZ 4 ENFANTS. QUELLE(S) CULTURE(S) LEUR AVEZ-VOUS TRANSMISE(S) ?J’ai rencontré ma femme à Kribi, en 1967, pen-dant son service pour les U.S Peace Corps. Même si nos enfants ont principalement bai-gné dans une culture à dominante française, ils ont absorbé les éléments traditionnels d’un environnement pluriel. Leur mère a apporté dans ses bagages Halloween ou Thanksgi-ving. Ma mère quant à elle puisait dans la my-thologie africaine. Quand les enfants n’étaient pas sages, elle se transformait en djoundjou (sorte de croquemitaine), affublée de feuilles de palmier et de pagnes. Ils en avaient une peur bleue !

QUEL MESSAGE SOUHAITERIEZ-VOUS TRANSMETTRE À VOS PETITS-ENFANTS ?Je souhaite à mes petits-enfants de garder et transmettre à leur tour l’éducation de la générosité et de la tolérance.

VOTRE DÉFINITION DU MÉTISSAGE ?Le métissage apporte beaucoup plus de sagesse, de joie, de fierté, de force et d’amour.

UN DERNIER MOT ?TOLERANCE.■

FRANÇOIS DUBOIS, MÉTIS FRANCO-CAMEROUNAIS, A GRANDI ET VÉCU AU CAMEROUN ET EN FRANCE. AUJOURD’HUI RETRAITÉ, IL VIT AVEC SON ÉPOUSE, AMÉRICAINE, DANS LE LOT ET GARONNE.

►Propos recueillis par Achta Clanet ►Photo © Issa Diallo22 Esprit Métis #14

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Bien coloré avec plusieurs motifs, le pagne africain est un tissu identitaire qui donne une tenue exceptionnelle de par son originalité. Loin de ressembler aux habits européens, il est vif, captivant et parfois symbolique. Pagne wax, Uniwax ou pagne africain Hitarget, c’est un autre style, une autre façon de montrer sa culture, son identité et sa richesse.

« Il y a dix ans, je suis partie dans un mariage chez moi, au Cameroun, et pour la première fois je constate une chose : je regarde tous les convives, les détails de la salle et devine quelle est la plus grande décoration dans cette fête. Presque tout le monde porte un pagne ! J’ai dit UN ? Paaardon, je veux dire c’est « notre pagne » dans toutes ses formes qui est porté par les mille et un invités de cette fête qui va unir deux âmes, deux destins. C’est beau, confortable, agréable, pratique et c’est merveilleux ! En fait, je déteste les cours d’histoire mais là j’ai compris très vite, sans leçon en plus : c’est mon pays, sa tradition et son identité que je vois là, quelle fierté ! » Juju a grandit et très vite elle quitta son pays pour

rejoindre la Métropole. Sa plus grande déception c’est qu’elle est vraiment grande et ne trouvait pas toujours ce type d’habit qu’elle a tant aimé dans son enfance à cause des tailles uniques. « Mais ça y est, c’est réglé ce problème » car elle a découvert qu’aujourd’hui, grâce à une grande styliste, le pagne se porte dans tous les styles. « C’est étendu et modernisé ! »

Avec 280 ethnies au Cameroun, chaque tribu porte le pagne pour montrer sa provenance. Et même s’il n’est pas interdit aux Nordistes de porter le même tissu que les Sudistes par exemple, une chose est sûre : si tu veux rencontrer ‘’la femme camerounaise’’, rendez-vous au Cameroun le 8 Mars, mais surtout n’oublie pas de commander ta tenue car, ce jour là, c’est l’élégance qui parle avec le pagne officiel, de la même couleurpour toutes. ■ ► Texte de Oceanne Fate

► Illustration de Mariannick Merly

►Propos recueillis par Achta Clanet ►Photo © Issa Diallo 23 Esprit Métis #14

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IL ÉTAIT UNE FOIS, UN BEAU PAYS SOUS LE SOLEIL, DONT LE NOM SIGNIFIAIT « L’ÉCREVISSE », « LA CREVETTE ». LOIN DE CE PAYS AVAIT GRANDI UNE PETITE FILLE, QUI ÉTAIT UNE IMMENSE GOURMANDE ET QUI JUSTEMENT, ADOOOOORAIT LES CREVETTES. UN JOUR, ELLE DÉCIDA DE PARTIR AU MARCHÉ, ET REVINT AVEC PLEIN DE BONNES CHOSES DANS SON PANIER…

Cuisine Métisse

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Elle se régala !!! Elle partagea ensuite son festin avec tous ses proches, et ils furent tous bien heureux.

► Pour d'autres recettes de Véro : rendez-vous surhttp://www.cuisinemetisse.com/

CUISINE MÉTISSE

Pour 4 personnes.Ingrédients : 1kg de crevettes crues (congelées) – 5 gousses d’ail

– 2 poignées de persil haché – ¼ de poivron vert coupéen petits dés – 2 cuillères à café de gingembre râpé

– 1 cuillère à café de concentré de tomate – 1 citron – 10cl de bouillon de bœuf – 1 piment antillais

(piment lampion) – sel, poivre

Munie de tous ces bons ingrédients, la petite fille décida de se préparer une bonne gamelle pleine de crevettes bien parfumées : les crevettes métissées façon camerounaise !

• Elle commença par préparer les crevettes en enlevant leur tête (car elle n’aimait pas leurs gros yeux noirs !) et leurs moustaches (car elles grattaient la gorge et faisaient tousser !).

• Dans une poêle, la petite fille mit à chauffer 2 cuillères à soupe d’huile d’arachide.

• Puis, elle jeta l’ail et le poivron en dés, les laissa dorer doucement, doucement.

• Elle ajouta ensuite les crevettes, et en même temps deux belles cuillerées de gingembre râpé, un peu de concentré de tomates, et elle mélangea bien pour voir ce qu’il se passait.

• Comme tout lui paraissait bien tranquille, elle versa le jus d’un demi-citron pour acidifier un peu tout ça, un peu de bouillon de bœuf pour faire une belle sauce à manger avec son riz.

• Enfin, elle corsa le tout en ajoutant du sel, du poivre et un beau piment antillais. On disait de ce piment qu’il piquait si fort qu’il pouvait vous faire pleurer : c’est pourquoi elle prit grand soin de ne pas le percer, et de le laisser bien entier dans sa gamelle pour qu’il parfume au mieux ses belles crevettes.

• Après avoir attendu quelques minutes, n’y tenant plus, elle se servit une belle assiette de riz blanc et fumant, qu’elle surmonta de ces belles crevettes…Et là…

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► LA SINGULIÈRE EXPÉRIENCE DE PAIX SOCIALE ET DE STABILIÉ POLITIQUE DU CAMEROUN EN FAIT UN VÉRITABLE HAVRE DE PAIX, AU COEUR D'UNE AFRIQUE DÉCHIRÉE PAR LES CONFLITS.

► UN RÔLE DE L'ETAT RECENTRÉ SUR LA RÉGULATION QUI RESTAURE LA PLACE PRIMORDIALE DE L'ENTREPRENEUR ET DE L'INVESTISSEUR AU SEIN DU SYSTÈME ÉCONOMIQUE.

► L' ADOPTION PAR L' ASSEMBLÉE NATIONALE, EN 2002 D'UNECHARTE DES INVESTISSEMENTS AU CAMEROUN INTÈGRE EFFECTIVEMENT L'ÉCONOMIE NATIONALE DANS L'ÈRE DE LA COMPÉTITIVITÉ ET CONSACRE L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ COMME MODE D'ORGANISATION.

► DES RESSOURCES NATURELLES ABONDANTES ET DES SITES ETATTRACTIONS CLASSÉS PATRIMOINES DE L'UNESCO.

► UNE SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES,AVEC LA CRÉATION D'UN GUICHET UNIQUE DE FACILITATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR AU PORT DE DOUALA ET À LA CELLULE DE GESTION DU CODE DES INVESTISSEMENTS.

► UN TAUX DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE EN NETTE ÉVOLUTION DEPUIS 2008, ATTEIGNANT 5,2 % EN 2012..

► DES INSTITUTIONS DE FORMATIONS DYNAMIQUES QUIPLACENT LE CAMEROUN AU NOMBRE DES PAYS DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE LES PLUS SCOLARISÉS.

► UNE MAIN D'OEUVRE JEUNE, QUALIFIÉE.

► UN TISSU INDUSTRIEL DIVERSIFIÉ , EN EXPANSION CONTINUE, PRÉSENTANT UN RÉSEAU DENSE DE PME / PMI APTES À LA SOUS-TRAITANCE ET À LA CO-TRAITANCE.

► DES INFRASTRUCTURES MODERNES DE COMMUNICATIONSET DE TÉLÉCOMMUNICATIONS SUR LES PLANS ROUTIERS, MARI-TIMES, FERROVIAIRES, AÉRIENS, OUVRANT SUR LA MER, LA CEMAC, LA CEEAC ET LE NIGÉRIA.

(Source: Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire : www.minepat.gov.cm )

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LE CLUB BORDEAUX-CAMEROUN-FRANCE CULTIVE, L’ESPRIT D’ENTREPRISE ET SOUTIENT L’ENTREPRENEURIAT DE LA JEUNESSE AU CAMEROUN : 2 LAURÉATS BÉNÉFICIENT, CHAQUE ANNÉE, D’UN « PROGRAMME DE PARRAINAGE DES JEUNES ENTREPRENEURS CAMEROUNAIS ».

CONTENU DU PROGRAMME : un séjour de formation et d’affaires à Bordeaux pendant 3 semaines comprenant les prestations gratuites suivantes :

• Billet d’avion pour un trajet Douala-Bordeaux-Douala ou Yaoundé-Bordeaux-Yaoundé

• Formation continue et certifiée à BEM-KEDGE (ex - Bordeaux Ecole de Management).

• Mise en relation avec des entreprises bordelaises relevant du secteur d’activité des lauréats.

• Accueil dans des organismes spécialisés dans la création, l’accompagnement et le développement de l’entrepreneuriat.

• Hébergement• Invitation aux manifestations bordelaises liées à l’entrepreneuriat pendant leur séjour à Bordeaux.• Rencontres privilégiées avec les décideurs publics et économiques locaux.• Indemnité forfaitaire de séjour.

1Conditions à remplir pour déposer son dossier et être candidat :

• Etre jeune entrepreneur(e) camerounais(e)’âgé(e) entre 20 et 40 ans,

• Respecter le délai de dépôt de candidaturecommuniqué par la CCIMA.

• Produire une attestation d’enregistrement de l’entreprise au fichier consulaire de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat du Cameroun (CCIMA).

• Justifier l’existence de l’entreprise depuisau moins 1 an et au maximum 5 ans (re-gistre de commerce, statut…),

• Produire une déclaration statistique et fiscale d’un an,

• Avoir un niveau de formation académique « Baccalauréat + 2 » au minimum,

• Exercer dans les domaines d’activités :Agro-Industrie, Artisanat, Nouvelles Tech-nologies de l’Information et de la Commu-

nication (NTIC, excepté la vente des matériels informatiques).

2Critères de sélection examinés par la Commission nationale :

• Lettre de motivation du candidat,• Présentation du (ou de la) dirigeant(e)

de l’entreprise ainsi que de l’équipe de l’entreprise et des partenaires.

• Production d’un plan de développement del’entreprise dans (exportation),expressiondes besoins de l’entreprise,

• Performance financière de l’entreprise.

3Date limite de dépôt des dossiers : 31 mai 2013.

Pour plus de renseignements, contacter :Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat du Cameroun (CCIMA – s/c Yondo Ejenguele Isaac, BP 4011 Douala.E-mail : [email protected] Tél. : 33 42 98 81 / 77 74 82 40.

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RÉCIT DE VOYAGE

Zeus a 16 ans. Né en France, il n'a jamais été en Afrique. A la faveur des réseaux so-ciaux, son père a été contacté par de jeunes camerounais, étudiants en photographie, avides des conseils précieux du profession-nel. Flatté par la démarche, il a décidé d'aller sur place travailler avec la nouvelle généra-tion.Zeus sait que ce voyage est important pour son père, lui qui a choisi de s'exiler pour se construire, de vivre sur une terre étrangère pour se donner les chances que l'Afrique lui refusait. « Les temps ont bien changé ». L'Amérique a un président Noir,

ZEUS SOUPIRE. EN FACE DE LUI, UN GRAND GAILLARD S'AGITE SUR SON SIÈGE, IL JOUE À LA GUERRE SUR SON TÉLÉPHONE, AVEC CRISPATION, TIRE À LA MITRAILLETTE SUR DES ENNEMIS VIRTUELS. PERSONNE N'OSE LUI DEMANDER DE BAISSER LE VOLUME RAGEUR DES MITRAILLETTES ET DES OBUS DE LA BATAILLE ANDROID QUI FAIT RAGE. ZEUS MONTE LE SON DE SON IPOD : "CHANNEL ORANGE" DE FRANK OCEAN, UN HAVRE DE PAIX DANS LA TOURMENTE. A SON ARRIVÉE AU DOMICILE FAMILIAL, UNE SURPRISE L'ATTEND. UN BILLET D'AVION POUR LE CAMEROUN, SON AUTRE PAYS, LE PAYS DE SON PÈRE.

la crise économique mondiale remet les pendules du monde à l'heure. L'Afrique est désormais le continent du futur. « Es-tu prêt à rencontrer TON futur ? » lui demande son père. Zeus se précipite dans sa chambre, ému. Et impatient.

Arrivée à Yaoundé. La moiteur du climat tropical enveloppe Zeus. L'odeur de la terre le saisit. "Je suis chez moi" se dit-il. Les cris, les embrassades fusent, la famille du photographe est venue en nombre accueillir l'enfant prodigue et sa progéniture.

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RÉCIT DE VOYAGE

"Tu es beau, hein !" lui chante une de ses cousines, avec cet accent camerounais, si particulier, si mélodique. Direction la mai-son familiale où un festin les attend : sole et poulet braisés, Ndolé, Nam Gwon, Ndomba, Bobolo, Missolé (bananes plantains frites), ignames, ananas frais. Zeus se régale et s'endort ivre des saveurs et des épices sa-vamment utilisées par les cuisinières de la famille. Cocorico !!! Allah Akbar ! Pas besoin de réveil ou d'alarme. Le coq du quartier, l'appel du muezzin suffisent. Vite, voir la ville. Zeus et son père sillonnent les collines et les quartiers de Yaoundé : Bastos, Nsam Efoulan, Cité Verte, Omnisport, le père de Zeus s'exclame à chaque carrefour "Que la ville a changé !" Les nouveaux immeubles poussent comme des champi-gnons, Yaoundé vibre, rapide, énergique, nourrie de la vitalité de sa jeunesse.

La terre rouge offre un contraste saisissant avec la luxuriante végétation, la musique est omniprésente, le rythme local, le bikutsi, gueule dans des enceintes fabriquées de pièces de récupération, chacun joue son titre favori ou la radio à fond la caisse, tout le monde parle fort, et personne ne se plaint de cette cacophonie générale ! Partout, les télévisions branchées sur le monde diffusent en boucle les news internationales, des tele-novelas brésiliennes, des vidéos musicales africaines aux savants pas de danse.

Zeus veut tout goûter : les beignets et les safous vendus au bord de la route, les sodas aux saveurs inconnues, Top Grenadine, Top Champagne, Djino, les mangues mûres of-fertes sur les branches lourdes de fruits qui ploient à hauteur d'homme dans les cours, les jardins, le long des routes. "Que la nature est généreuse ici" pense Zeus. La circulation est une autre curiosité : voitures, camions, Bensiking (taxi-moto) et taxis se disputent la route à coups de

Klaxons intempestifs, se frôlant parfois au millimètre près.

Zeus découvre les diverses langues parlées dans son pays, l'importance des tribus et des folklores, l'utilité des cérémonies rituelles.

En route vers Kribi, dans un bus taxi-brousse, Zeus rencontre Darrell, un afro-américain venu retrouver ses ancêtres. Il lui explique que les Noirs, déracinés par l'esclavage, peuvent retrouver leurs racines africaines à partir d'un test de salive qui révèle leurs tribus d'origine à partir de leur ADN. Une révolution. Des centaines d'Afro-américains, Caribéens, Haïtiens, Brésiliens, font le che-min du retour en Afrique pour retrouver leur famille, leur village, près de 5 siècles après le début de la traite négrière.

Zeus apprend l'existence au Cameroun d'un site dont une majorité des esclaves sont partis : le site de BIMBIA, qui ouvre l'hypo-thèse que l'Afrique centrale, et notamment le Cameroun puisse avoir été l'épicentre de l'esclavage. Ainsi, Gorée au Sénégal, Oui-dah au Bénin et Cape Coast au Ghana ne sont plus les seules portes de non-retour. L'Histoire est en ré-écriture. Spike Lee, Condoleeza Rice, Oprah Winfrey, Roberta Flack trouvent leurs origines au Cameroun. "Wow!" dit Zeus, "je suis peut être le cou-sin éloigné de Spike !". Son père sourit à cette même idée. Zeus a le sentiment que la boucle est bouclée : l'africain, l'afropéen, l'afro-caribéen, l'afro-américain se sont retrouvés dans la maison de leur mère : la Terre africaine. Dans cette unité renouvelée, Zeus rêve de son futur : participer au RÊVE AFRICAIN.■

►Poème d'Hélène Faussart►Graphisme de Sylvain Lacombe►Contact : [email protected]

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L’association de danses organise des animations événementielles basées sur la découverte des danses et musiques swing, accessibles à tous dans des lieux publics de Bordeaux : Swing in Kiosque au Jardin public, festival SWING ART à la halle des Chartrons...Ecoute musicale, improvisation et état d’esprit « swing » Pour mettre en pratique les danses swing, des ateliers hebdomadaires sont proposés : les lundi et jeudi soirs A NOTER : des nouveaux cours à partir du mardi 8 janvier 2013 pour commencer une nouvelle année tout en swinguant !Pour plus de renseignements : www.swingtime.fr / 06 15 75 77 76 / 06 19 16 44 96

FESTIVAL SWING ART21 AU 24

MARS2013

Des écorces rudes aux matériaux ultra modernes, le costume Africain a subi des mutations dans l'air du temps, tout en conservant ses notes exotiques, généreuses et originales.... L'association ASSOENCORE, après le FESTAA 2013, vous invite à une autre journée dedécouverte et de partage. La NUIT DU COSTUME AFRICAIN est un évènement qui vous invite auvoyage, à travers trois univers : LE COSTUME AFRICAIN HIER, AUJOURD'HUI ET DEMAIN... Cette 1ère éditionmet le BURKINA à l'honneur.

SAMEDI 06 AVRIL 2013 de 14h à 22h, SALLE SON TAYBORDEAUX.

Le Musée d’ethnographie de l’Université Bordeaux Segalen, en coproduction avec le Llacan (Langage, Langues et Cultures d’Afrique Noire – CNRS) présentent l'exposition Paroles d’Afrique, jusqu’au 31 mai 2013Vous êtes emmenés en terre africaine, dans un monde où la parole est partout.

Six salles découvrent les multiples facettes de cette parole, orale comme écrite, directe ou médiatisée. Le mythe d’une Afrique indivisible est déconstruit, l’exposition nous invite à nous interroger sur le rôle primordial de la parole, dans l’établissement, le maintien ou la restauration du lien social.

Superbe découverte, vous en prendrez plein les mirettes.

INFORMATION PRATIQUES :Accès rue Elie Ginrtac, entrée libreDu lundi au jeudi : 14h – 18hVendredi : 10h – 12h

LA NUIT DU COSTUME AFRICAIN

PAROLES D'AFRIQUE

06

23 OCT AU 31

AVRIL

MAI

2013

2013

AGENDA DE LA DIVERSITÉ

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BASSA LOUNGE 76 RUE DU PAS SAINT GEORGES

Le Bassa Lounge

à Bordeaux

Restaurant authentiquement métis mêlant les codes du lounge occidental au dépaysement de l’Afrique ancestrale à tous les niveaux : Dans la déco, dans l’ambiance musicale et sur-tout dans l’assiette ! Une petite Afrique installée dans le vieux Bordeaux, quartier Saint Pierre où on peut déguster du foie gras servi sur une galette de manioc au miel en écoutant Adele, Peter Edwards, Blick Bassy ou encore en assistant à une prestation d’Awélé, duo franco-béninois de Bordeaux. L’occasion de découvrir les savoureux vins et liqueurs d’Afrique du Sud.Le lieu idéal pour un « voyage » afropéen !

Bassa Lounge76 Rue du Pas Saint Georges33000 Bordeaux05 56 44 90 70Horaires : Lundi - Samedi : de 19h30 à 23h00

LE CAMEROUN À BORDEAUX

JUSQU’AU 21 JUIN POUR LE DÉGUSTER

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