35
Sylvie Ploux Essai d'interprétation d'une concentration lithique : technologie et remontage. Couche VI du Flageolet I à Bézenac (Dordogne) In: Gallia préhistoire. Tome 29 fascicule 1, 1986. pp. 29-62. Citer ce document / Cite this document : Ploux Sylvie. Essai d'interprétation d'une concentration lithique : technologie et remontage. Couche VI du Flageolet I à Bézenac (Dordogne). In: Gallia préhistoire. Tome 29 fascicule 1, 1986. pp. 29-62. doi : 10.3406/galip.1986.2241 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/galip_0016-4127_1986_num_29_1_2241

Essai d'interprétation d'une concentration lithique : technologie et remontage. Couche VI du Flageolet I à Bézenac (Dordogne)

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Sylvie Ploux

Essai d'interprétation d'une concentration lithique : technologieet remontage. Couche VI du Flageolet I à Bézenac (Dordogne)In: Gallia préhistoire. Tome 29 fascicule 1, 1986. pp. 29-62.

Citer ce document / Cite this document :

Ploux Sylvie. Essai d'interprétation d'une concentration lithique : technologie et remontage. Couche VI du Flageolet I à Bézenac(Dordogne). In: Gallia préhistoire. Tome 29 fascicule 1, 1986. pp. 29-62.

doi : 10.3406/galip.1986.2241

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/galip_0016-4127_1986_num_29_1_2241

ESSAI D'INTERPRÉTATION D'UNE CONCENTRATION LITHIQUE

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE

COUCHE VI DU FLAGEOLET I À BÉZENAC (DORDOGNE)

par Sylvie PLOUX

Cette étude concerne un aspect de l'occupation de la couche VI du Flageolet I à Bézenac (Dordogne), fréquemment observé sur les gisements préhistoriques quels qu'en soient le faciès et la nature de l'occupation. Il s'agit d'examiner dans quelle mesure une concentration de matériel — nucleus et produits de débitage — immédiatement observable à la fouille se différencie des autres zones du site, et à quel titre : poste de débitage ou amas de rejet. Cette identification s'avérant pour le moins délicate, nous tenterons de prendre en considération le maximum d'éléments susceptibles de fournir des indications ; c'est également la raison pour laquelle nous donnerons autant d'importance aux démonstrations par la négative.

Fouillé de 1967 à 1983 par J.-Ph. Rigaud, le site du Flageolet se compose de deux abris contigus : Le Flageolet I, dont le remplissage wùrmien a livré une séquence aurignacienne et périgordienne (Rigaud, 1969 et 1982), et le Flageolet II, qui contenait plusieurs niveaux magdaléniens (Rigaud, 1970 et 1982). L'analyse pluridisciplinaire des différents sols d'habitat aurignaciens et magdaléniens est en cours (Delpech et Rigaud, 1974 ; Rigaud, 1976 ; Chadelle, 1983). C'est dans le cadre de ces travaux que J.-Ph. Rigaud nous a confié l'étude technologique d'un sol d'occupation périgordien (couche VI). Ce travail constitue une approche distincte et complémentaire de celle entreprise par J.-P. Ghadelle (1983).

A l'heure actuelle, le site du Flageolet I surplombe un talus très pentu, et la plate-forme qu'il constitue, orientée nord-sud, n'atteint pas 6 m de large.

La fouille1, qui couvre environ 60 m2 est délimitée par des vestiges de constructions modernes (fig. 1). Ces deux éléments n'ont pas permis de définir précisément l'extension sud et ouest de l'occupation, ni de mesurer l'ampleur d'un possible déversement du matériel vers la pente du talus. D'après les données de fouilles néanmoins, il ne semble pas que la répartition du matériel ait été beaucoup perturbée, ni que sa distribution dépasse de beaucoup la limite du mur sud.

LE MATÉRIEL : ÉTUDE TECHNOLOGIQUE ET REMONTAGES

Démarche fondée sur la répartition spatiale des pièces remontées et leur place dans la chaîne technologique

La démarche adoptée consiste à comparer la concentration observée au reste du matériel fouillé par l'intermédiaire de la détermination technologique des produits et de leur remontage, afin de la situer dans l'ensemble des activités représentées sur le sol d'habitat. Plusieurs étapes sont nécessaires qui partent de la perception statique de données matérielles pour aboutir à celle, dynamique, de leurs relations.

L'hypothèse d'un poste de débitage ne tient effectivement qu'à l'observation immédiate d'une différence de densité de matériel avec laquelle elle est

1. La fouille a été menée par décapages successifs, le matériel relevé dans ses trois dimensions, et le sédiment tamisé.

Gallia Préhistoire, Tome 29, 1986, 1, p. 29-62.

30 SYLVIE PLOUX

Û

F.E.D.C

Fig. 1. — Plan du gisement, le matériel mis au jour dans la couche VI provient des carrés A-D/O-ll.

parfois confondue. Cette observation correspond en fait au stade « objectif » de la reconnaissance d'une donnée archéologique, qui se manifeste à la fois par une dimension spatiale — concentration de matériel — et typologique — composition exclusivement ou essentiellement lithique du matériel — . Viennent ensuite les stades ultérieurs de la vérification de l'indépendance de cet amas de débitage en tant que structure anthropique, de son identification et de son interprétation.

L'analyse du premier point — en quoi un amas de débitage correspond-il à un atelier de débitage — fait essentiellement appel à des notions technologiques et utilise l'apport des remontages. Il s'agit de montrer l'homogénéité du matériel en tant que rebuts d'un ou de plusieurs ensembles de débitage. Plusieurs postulats sont posés :

la composition du matériel : en tant que structure résiduelle d'une activité, un atelier de débitage présente un déséquilibre dans la représentation des différents types de produits ;

la proportion de raccords effectués : logiquement plus importante que dans les autres zones du site ;

la proximité immédiate entre les produits raccordés : contrairement aux raccords entre pièces dont la situation excentrée par rapport à l'amas peut laisser supposer qu'elles sont entrées en « activité ».

En ce qui concerne le second point — cet atelier correspond-t-il à un poste de débitage ou à un amas de rejet — les deux principales notions qui interviennent se rapportent à la structure spatiale de l'amas, c'est-à-dire :

la répartition au sol, avec comme postulat une organisation qui devrait différer selon qu'il s'agit d'un poste de débitage ou d'une décharge ;

la micro-stratigraphie de l'amas, avec comme postulat une chronologie des dépôts qui devrait s'affirmer dans le cas d'un poste de débitage.

Le stade final de l'interprétation ne peut être atteint sans une vision pluridisciplinaire complète des données enregistrées sur le sol d'habitat : il vise en effet à l'insertion d'une structure ponctuelle dans l'ensemble de l'espace structuré et à l'élaboration des relations entre les sous-ensembles qui le composent.

Pratiquement, le remontage du matériel a été guidé par sa classification morpho-technologique. Une classification parallèle par types de matière première aurait été des plus appréciable vu la quantité de matériel débité et son unité technologique apparente. Celle-ci n'a cependant pu être réalisée, hormis pour quelques cas, en raison de l'homogénéité des matières employées. Le silex constitue la quasi-totalité des matériaux. Des silex jaspés ont été utilisés mais en proportion relativement faible. Une distinction entre les différents types est ici malaisée, sauf pour quelques pièces ou rognons dont le matériau est très particulier mais aussi faiblement représenté. Il semble que le plus communément utilisé soit un silex dont l'apparence peut varier de manière continue entre deux extrêmes. De couleur opaque allant du gris foncé au gris-crème, c'est un matériau très sec, souvent peu homogène, aux grains relativement fins mais parfois mal cimentés. Cet inconvénient, lié à la présence d'une patine plus ou moins développée, nous a fait renoncer à un tri du matériel en fonction de la matière, ce qui aurait facilité les remontages en restreignant le champ des possibilités.

Présentation de la concentration sud, carrés C-ll et périphériques

La concentration lithique se situe à la limite sud de la fouille. De forme allongée, elle couvre la moitié est

Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 31

A B C D

\

V

/ 1 11 10

N Orientation de la prise de vue

Fig. 2. — Décapage de la concentration sud, carré C-ll (photo. P.-J. Texier).

du carré C-ll, avec une orientation nord-sud, c'est-à-dire parallèle à la paroi de l'abri. Ses dimensions maximales approximatives sont de 0,55 m de long sur 0,35 m de large. Les débris osseux y sont très rares (fig. 2).

Six nucleus à lames et un nucleus à lamelles dans son stade final2 ont été mis au jour en C-ll, accompagnés de produits de débitage. Leurs carac-

2. Ce nucleus (C-ll 583) est situé au nord-ouest de la concentration et ne semble pas lui être directement associé.

téristiques, celles des produits qui en sont issus et les principaux moments des chaînes opératoires reconnues ne seront pas traités ici.

Cette concentration s'élargit en fait à la périphérie nord-ouest du carré G-ll. Aussi, un certain nombre de produits se raccordant aux nucleus C-ll et situés pour la plupart à ses alentours immédiats lui a été associé. De même, les nucleus B-10 679 et 738, pour lesquels l'essentiel des produits remontés se situe au cœur de la concentration, ont été intégrés à l'ensemble.

32 SYLVIE PLOUX

Les remontages effectués à partir de celte concentration Trois types de raccords ont été effectués : raccords

de pièces sur nucleus, de pièce(s) sur pièce(s) isolées, et de fragment(s) à fragment(s) pour une pièce fracturée et isolée, dont il est inutile de donner ici le détail. Décompte du matériel. Les produits de débitage se rapportant à cette concentration ont fait l'objet d'un décompte considérant :

l'intégrité de la pièce (tabl. 1) ; son appartenance morphologique (tabl. 2) : lame,

lamelle, éclat laminaire, éclat, débris, indéterminé. Ces catégories n'ont pas été appréhendées à partir de rapports métriques stricts, mais en fonction de l'adéquation entre la démarche opératoire adoptée par le tailleur et le produit obtenu. Ici, le croisement entre l'aspect morpho-métrique et l'aspect technologique permet une vision plus précise du matériel. Par exemple, certaines pièces longues et assez larges peuvent être, suivant leur place dans la chaîne opératoire, ou bien une lame qui s'est « étalée » ou qui a réfléchi, donc une pièce accidentée participant de l'exploitation laminaire, ou bien un éclat laminaire dont les caractères morpho-métriques sont prévisibles et/ou désirés à cette étape de l'exploitation. L'intention est donc très différente ; or ce paramètre ne peut être représenté dans un calcul de rapports métriques. La catégorie « débris » ressort, elle aussi, d'un processus avant tout technologique ; elle a été introduite ici afin de faciliter l'appréhension du matériel et d'en simplifier le décompte ;

son attribution technologique (tabl. 3), c'est-à-dire ses place et rôle dans l'ensemble de la chaîne opératoire, qui ne sont pas systématiquement reconnaissables sur un produit isolé. La différenciation établie entre les catégories « produits d'épannelage » (Ép. = surface corticale supérieure à 25 %) et « produits de mise en forme » (M. F.) est chronologique plutôt que technologique, les premiers pouvant suffire à réaliser la mise en forme désirée. Les produits présentant une préparation de crête (G.) ont été distingués en raison de leur degré supérieur d'élaboration dans la mise en forme et de leur place chronologique particulière, qui semble assez stable dans ce type de débitage. Les produits de «début de débitage» (P. 1er) sont considérés tels par rapport à l'exploitation laminaire du nucleus. Contrairement aux produits du « plein temps du débitage » (P. P. T.) ils portent les stigmates d'une préparation qui peut être globale (mise en forme du nucleus) ou ponctuelle (localisée à une zone des surfaces de débitage). Le premier schéma correspond généralement à une phase préliminaire tandis que le

second permet de différencier deux moments du débitage laminaire. Les produits de ravivage (R.) sont facilement reconnaissables pour une partie d'entre eux qui constituent de véritables tablettes dont les bords portent en négatif le profil des extrémités proximales des lames précédemment débitées ; leur profil est souvent concave dans la zone distale, cet « outrepassage » volontaire étant destiné à aménager un angle à la fois favorable au débitage laminaire et aux futures réfections du plan de frappe. Les produits accidentés (A.) rassemblent toutes les pièces défigurées par un réfléchissement, un outrepassage, la présence d'inclusions dans le matériau et certains types de fractures. Tous ces produits font a priori partie des rebuts d'un débitage, et sont délaissés en raison des irrégularités qui les affectent.

Les données sont présentées en chiffres réels, la faiblesse numérique de l'ensemble empêchant un réajustement à l'aide de pourcentages. Chaque tableau est décomposé comme suit : produits isolés, produits raccordés aux nucleus et situés en G-ll, produits raccordés aux nucleus quelle que soit leur origine, total du matériel associé à la concentration. De la même manière, le tableau 4 donne le détail des associations entre classe morphologique et classe technologique. Ces données sont exploitées dans la seconde partie, en liaison avec l'interprétation de l'amas. Nombre et nature des raccords effectués. Seules les données brutes sont présentées ici.

Le tableau 5 donne le nombre de raccords effectués sur nucleus, et les tableaux 6 et 7, les compositions morphologique et technologique des produits remontés.

Le tableau 8 considère la composition morphotechnologique des raccords entre produits isolés. On compte 7 raccords de fragment à fragment (6 pièces) et 11 raccords de pièce sur pièce.

Les remontages effectués sur le reste du gisement La totalité du matériel de la couche VI a été

examinée en liaison avec la concentration sud, conduisant à y reconnaître des raccords de fragment à fragment, de pièce sur pièce et sur nucleus. Cet élargissement était indispensable à la recherche des produits absents de G-ll et au tracé d'éventuelles relations entre l'amas et les autres zones du site. Par ailleurs, une confrontation entre les données de la concentration et celles de la totalité de l'espace occupé s'avérait nécessaire : le faible nombre de raccords obtenus pour les nucleus de l'amas (de 16 à

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 33

Tabl. 1. — Fracturation (* : sur les 73 fragments non raccordés à un nucleus, seules 4 pièces ont été reconstituées dans leur totalité ; ** : les 63 fragments correspondent à 40 pièces incomplètes et 9 pièces complètes).

Fragments proximaux Fragments mésiaux Fragments distaux Fragments indéterminés

Pièces isolées

35 17 20

1 73/116*

Pièces remontées et situées en C-ll

17 18 21 0

56/89

Totalité des pièces remontées

19 21 23

0 63/112**

Totalité du matériel

54 38 43

1

136/228

Tabl. 2. — Composition morphologique.

L Lie E.L E D I

Pièces isolées

13 17 33 20

249 33

365

Pièces remontées et situées en C-ll

21 17 36 12 2 1

89

Totalité des pièces remontées

31 20 39 18 2 2

112

Totalité du matériel

44 37 72 38

251 35

477

Tabl. 3. — Composition technologique.

Ép M. F C P. 1" P.P.T A R D Inde

Pièces isolées

6 25 3

11 17 7 6 0

41

116

Pièces remontées et situées en C-ll

0 12 5 5

20 16 28 2 0

89

Totalité des pièces remontées

0 13 6 6

31 18 35 2 1

112

Totalité du matériel

6 38

9 17 48 25 41 2

42

228

27 pour la plupart) et l'absence systématique de certaines catégories de produits posant problème et incitant à considérer le remontage des autres nucleus du site, en particulier de ceux semblant relever de la même procédure de débitage.

Hormis deux cas3, la tentative s'est révélée infructueuse. Sur près d'une centaine de nucleus au sens large, seuls 9 d'entre eux ont pu être reliés à un

3. Les nucleus C-9 1171 et B-7 540, dont le débitage a été bouleversé par un certain nombre d'accidents.

ou plusieurs produits de débitage (tabl. 9). Le nombre de raccords effectués sur chacun d'entre eux permet de distinguer trois classes, la première constituée par le nucleus G-9 1171, la seconde par le nucleus B-7 540, et la troisième regroupant les autres nucleus. Cette classification ne paraît pas être liée à leur type d'exploitation ni à leur situation à l'intérieur du gisement. Elle pourrait par contre être due au déroulement du débitage. A cet égard, la matière première servant de support au nucleus C-9 1171 est un silex jaspé jaune de très bonne qualité

34 SYLVIE PLOUX

Tabl. 4. — Composition morpho-technologique : a, pièces isolées; b, pièces remontées et situées en C-ll ; c, totalité des pièces remontées ; d, totalité du matériel.

Ép

M. F.

C

P. 1er.

P.P.T

A

R

D

I

L.

2

8

3

/

13

Lie.

2

13

2

/

17

E.L.

3

15

1

1

1

5

/ 7

33

E.

3

10

6

/ 1

20

D.

/

/

/

/

/

/

/

/

/

/

I.

/ 33

33

6

25

3

11

17

7

6

/ 41

116

Ép

M. F.

C

P. 1".

P.P.T

A

R

D

I

L.

5

3

9

4

/

21

Lie.

3

2

8

4

/

17

E.L.

7

3

8

18

/

36

E.

2

10

/

12

D.

/

/

/

/

/

/

/ 2

/ 2

I.

/ 1

1

0

12

5

5

20

16

28

2

1

89

Ép

M. F.

C

P. 1"

P.P.T

A

R

D

I

L.

6

4

16

5

/

31

Lie.

3

2

9

5

1

/

20

E.L.

8

5

8

18

/

39

E.

2

16

/

18

D.

/

/

/

/

/

/

/ 2

/ 2

I.

1

/ 1

2

0

13

6

6

31

18

35

2

1

112

Ép

M. F.

C

eu

P.P.T

A

R

D

I

L.

8

12

19

5

/

44

Lie.

3

4

22

7

1

/

37

E.L.

3

23

1

1

6

13

18

/ 7

72

E.

3

12

22

/ 1

38

D.

/

/

/

/

/

/

/ 2

/ 2

I.

1

/ 33

35

6

38

9

17

48

25

41

2

41

228

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 35

Tabl. 5. — Nombre de raccords par nucleus.

Nombre de raccords Nombre de pièces Raccords intérieurs à C-11

C-11 282

18 15 17

C-11 283

16 13 15

C-11 288

5 5 3

C-11 314

10 10 10

C-11 331

27 26 21

C-11 332

20 17 17

B-10 679

22 18 19

B-10 738

4 4 2

C-11 583

4 4 4

Total

126 112 107

Tabl. 6. — Raccords sur nucleus, composition morphologique du matériel.

L Lie É.L É D I

C-11 282

3 3 6 o

1

15

C-11 283

2 4 7

13

C-11 288

4

1

5

C-11 314

1 1 5 2

1

10

C-11 331

10 o

10 3 1

26

C-ll 332

5 1 3 8

17

B-10 679

3 3 7 3 1

18

B-10 738

3 1

4

C-11 583

4

4

31 20 39 18 2 2

112

Tabi. 7. — Raccords sur nucleus, composition technologique du matériel.

Ép M. F C P. 1« P.P.T A R D I

C-11 282

2 2 3 1 7

15

C-11 283

1 6 o 4

13

C-11 288

3 1 1

5

C-11 314

2 3 4

1

10

C-11 331

8 4 3 5 2 3 1

26

C-11 332

1

4 3 9

17

B-10 679

4

2 4 7 1

18

B-10 738

3 1

4

C-11 583

3 1

4

0 13 6 6

31 18 35 2 1

112

et unique dans cette couche. L'inaccoutumance à ce type de matériau, dont les caractéristiques de débitage sont fort différentes du silex habituellement utilisé (qui est, lui, très sec et souvent affecté d'inclusions), est sans doute à l'origine des deux outrepassages successifs ayant empêché un débitage laminaire correct et nécessité une remise en forme continuelle du nucleus. Il a cependant été exploité à son maximum et les produits de débitage, conservés sur le gisement4,

4. Les produits de mise en forme initiale sont absents, laissant supposer l'arrivée d'un nucleus déjà préformé, voire ayant déjà subi une première exploitation laminaire. Seules

bruts, souvent fracturés et essentiellement constitués de pièces accidentées ou de produits de remise en forme, montrent une large dispersion. Le nucleus B-7 540 pour lequel on possède 15 raccords a également fait les frais d'un certain nombre d'accidents, éloignant le débitage de sa finalité initiale. Ailleurs, la nature des produits remontés est stable (tabl. 10 et 11) et se rapproche de la composition observée pour les nucleus de la concentration. Il s'agit essentiellement d'éclats

quelques pièces situées au cœur de l'exploitation n'ont pas été retrouvées.

36 SYLVIE PLOUX

Tabl. 8. — Raccords entre pièces et fragments de pièces isolées, composition morpho-technologique du matériel.

L

Lie

E.L

E

D

I

Ép.

/ 1

/ 1 3 /

3 /

/ 2

M.F.

X 1 /

2 /

/ 1

C.

1 /

1 /

P. 1"

V

3 /

/ 3

P.P.T. A.

/ 1

/ 1

R.

9 /

9 /

D. I. 3 /

/ 4

2 /

/ 3 13 /

18 / / 7

raccord de pièce sur pièce. raccord de fragment à fragment.

Tabl. 9. — Raccords sur nucleus extérieurs à la concentration.

Nombre de raccords Nombre de pièces Même carré d'origine Origine différente

C-9 1171

25 18 4

21

B-7 540

15 14 3

12

D-10 685

4 4 2 2

C-8 995

4 3 0 4

B-6 190

4 4 1 3

B-10 507

1 1 1 0

B-9 677

1 1 1 0

C-8 886

1 1 1 0

laminaires, d'éclats et de lames ; les premiers se rapportent aux phases de mise en forme et de ravivage ou sont des pièces accidentées, comme l'est la presque totalité des lames. A l'exception du nucleus C-9 1171, les produits raccordés sont toujours très proches de leur nucleus d'origine, posant de manière plus aiguë encore le problème d'un aussi faible nombre de raccords, et ce de manière aussi systématique.

Les liaisons entre pièces isolées sont au nombre de 51, et ne regroupent généralement pas plus de deux pièces. Par contre, 131 raccords de fragment à fragment ont été reconnus, correspondant à 1 18 pièces,

et tendant à vérifier l'hypothèse d'une habituelle supériorité numérique de ce dernier type.

Bien qu'aucune zone n'ait été privilégiée, les liaisons obtenues ne couvrent pas la totalité de la surface du site. Bien plus, les schémas de distribution sont analogues en ce qui concerne les raccords de pièce sur pièce et ceux de fragment à fragment. Les premiers se manifestent plus particulièrement dans la moitié sud, avec deux zones de concentration (carrés B/G/D-10/ll, A/B/G-8 et A-7). Les seconds se rencontrent dans toute cette zone, mais avec deux aires de plus grande densité correspondant aux deux concentrations précédentes.

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 37

Tabl. 10. — Composition morphologique du matériel.

L Lie É.L É D I

G-9 1171

5 1 3 7 2

B-7 540

3 1 6 4

D-10 685

1

2 1

C-8 995

3

B-6 190

3 1

B-10 507

1

B-9 677

1

C-8 886

1

9 2

18 15 2 0

Tabl. 11. — Composition technologique du matériel.

Ép M. F C P. 1er P.P.T A R D I

C-9 1171

5 1 2

5 3 2

B-7 540

2

6 3

D-10 685

1 1

1 1

C-8 995

3

B-6 190

1 o 1

B-10 507

1

B-9 677

1

C-8 886

1

0 9 2 5 0

15 13 2 0

Quelle que soit leur nature, l'orientation des raccords est soit parallèle soit oblique par rapport à l'axe de l'abri, rarement perpendiculaire. Le fait reste difficilement interprétable en raison du faible nombre de liaisons. Seule l'hypothèse d'un rapport probable entre la topographie du site (moins de 6 m de large en surplomb) et son mode d'occupation peut être soulignée, cette situation favorisant des déplacements essentiellement parallèles à l'axe longitudinal. La distance entre les produits raccordés ne varie pas de manière significative selon que l'on considère les raccords de fragment à fragment (pour la plupart éloignés de moins d'un mètre) ou de pièce sur pièce.

Les raisons pour lesquelles la moitié nord du site, qui a fait l'objet d'une attention similaire, n'a pratiquement pas livré de remontages s'éclairciraient peut-être à la lumière d'un décompte considérant la nature et la densité du matériel dans sa totalité. Celui-ci n'a pas été réalisé.

ESSAI D'INTERPRÉTATION

L'interprétation de ce type de structure passe par trois opérations chronologiques complémentaires : la vérification de son identité en tant qu'unité, l'analyse de sa composition, celle de son organisation.

Comment l'indépendance de la concentration sud se manifeste-t-elle?

La mise en évidence de l'indépendance de cette zone par rapport au reste de l'habitat constitue une première étape en vue de son identification. Outre une densité supérieure de matériel, cette zone est censée se caractériser par une plus forte proportion de raccords et ce, à plus courte distance.

Concernant le premier point, 141 raccords ont été reconnus sur un total de 228 pièces ou fragments, soit un indice de remontage supérieur à la moitié. L'essentiel de ces raccords (118) se rapporte à 5 des 6 nucleus dont la proximité a donné lieu à l'hypothèse d'un atelier de taille, ainsi qu'au nucleus B-10 679 (fig. 3). Bien qu'éloigné de l'amas de 1 m environ, il lui est sans conteste apparenté : sur les 22 raccords obtenus, 19 se situent au cœur de la concentration. Ce rattachement est hypothétique pour ce qui concerne le nucleus B-10 738 : le nombre de raccords est trop faible. Il est douteux pour le nucleus C-ll 583 : au faible nombre de raccords s'ajoute la situation excentrée du nucleus autant que de ses produits.

Le nombre de raccords effectués sur chacun des nucleus ne permet pas de distinguer de classes, ceux-ci s'échelonnant de manière plus ou moins progressive

38 SYLVIE PLOUX

B-8 C-9 B- 11

t-i-i-M-M-M une P'èce, située en C ■ II .

une pièce, extérieure à OU.

B-10 B -11 B - 11

B- 11 B-11

B-11 B • 10 B - 11

331 679 332 282 283 314 288 738 583 Fig. 3. — Nombre de raccords par nucleus et origine des

pièces.

de 4 à 27. Il est à noter toutefois que le nucleus présentant le maximum de raccords est affecté d'inclusions importantes ayant bouleversé le débi- tage.

En comparaison, les raccords entre pièces ou fragments de pièces isolées sont inexistants dans la concentration. Cette extrême pauvreté est d'autant plus étonnante pour ce qui concerne les raccords entre fragments que le taux de fracturation est élevé. Or, qu'une pièce se soit brisée lors du débitage, par suite d'un piétinement ou au cours de son utilisation, la probabilité d'une proximité des deux fragments est plus importante que dans le cas de deux pièces issues d'un même nucleus. Il est d'autre part plus facile de reconnaître une continuité entre les deux fragments d'une pièce que d'identifier celle-ci par la portion de contour qu'on a pu lire en négatif sur une autre pièce ou sur un nucleus. Enfin, dans le cas de pièces fragmentées, ce contour est resté intact, sauf cas exceptionnel d'une reprise ultérieure, ce qui n'est pas toujours le cas de pièces entières dont la morphologie initiale a pu être bouleversée par une retouche rendant l'identification malaisée.

Si, dans un second temps, on compare le nombre de raccords entre fragments selon qu'ils ont ou non été associés à un nucleus, le rapport est de 1 sur 8. Cette différence extrême mène à penser que la presque totalité des raccords de ce type a été intégrée à un ensemble. Partant de là vers une généralisation, on peut supposer que l'intégration du matériel aux

nucleus, si décevante soit-elle, n'est pas loin d'avoir atteint son maximum. En ce cas, deux hypothèses se dessinent :

les produits qui n'ont pas pu être raccordés aux nucleus n'en sont pas issus5. L'ensemble n'est donc pas homogène : il relève soit d'un rejet, soit d'un rejet doublé d'un atelier ;

les produits n'ont pu être intégrés aux nucleus car ils correspondent à des moments préliminaires du débitage (mise en forme du bloc) ou à des étapes ponctuelles dans la phase laminaire (pièces accidentées, produits de remise en forme). Le prélèvement de la plupart des produits de plein débitage crée une césure qui empêche le rattachement de ce type de produits. Par ailleurs, le prélèvement est délibéré s'il ne concerne que les meilleures pièces ; ce type de sélection tend alors à identifier la concentration comme un atelier, voire un poste de débitage. Inversement, l'absence relative de produits résiduels (débris notamment) reflète une sélection involontaire, soumise au ramassage partiel des produits et à leur transport depuis un poste X vers la « décharge » C-l 1 .

Les raccords sur nucleus extérieurs à la concentration sont excessivement faibles. Les deux seuls ensembles pour lesquels le nombre de liaisons soit comparable à celui des nucleus C-11 font figure d'exception. Les raccords entre pièces ou fragments de pièce isolées sont les plus nombreux. Néanmoins, et compte tenu de la surface, cette proportion est infiniment plus faible que celle obtenue en C-11.

Si l'indépendance de la concentration est bien établie sur la base d'une densité supérieure de raccords, la seconde variable (proximité des produits raccordés) ne permet pas d'établir une opposition aussi systématique.

Sur les 126 pièces ou fragments de pièces associés à la concentration, 114 se situent à moins de 1 m de leur nucleus ; 3 seulement en sont éloignés de 2 m ou plus. Les raccords entre pièces et fragments de pièces isolés montrent une même proximité. A l'extérieur de cette zone, les raccords sur nucleus se font également à très courte échelle (hormis le nucleus C-9 1171 dont le matériau exceptionnel a été, semble-t-il, très prisé). Les raccords entre produits isolés montrent des distances plus variables mais en majorité inférieures à 1 m.

5. Certaines pièces, caractéristiques par leur matériau, peuvent effectivement être éliminées comme n'étant pas issues de ces nucleus. Pour la majorité du matériel toutefois, le problème reste entier en raison de l'homogénéité apparente des techniques et des matériaux.

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 39

Cette situation est assez paradoxale : le type de produits raccordés et les distances entre ces produits étant comparables, on devrait s'attendre à ce que les proportions de pièces remontées soient également comparables. Le fait ne joue pas sur l'image de l'amas en tant qu'unité indépendante. En revanche, il affecte l'interprétation du mode d'occupation du sol dans les autres zones du site, et celle-ci est susceptible d'influer sur l'interprétation de la concentration.

En effet, le faible nombre de raccords qui lui sont extérieurs porte à croire qu'il y a eu extrême dispersion des produits. Celle-ci relève à la fois d'un prélèvement des pièces en vue de leur utilisation et d'un piétinement quotidien. L'uniformité des techniques et des matériaux employés explique alors, au moins en partie, le fait que l'essentiel des pièces raccordées, de nature résiduelle, soit effectivement celles qui ont le moins bougé par rapport à leur lieu de dépôt initial6. Que ce dernier corresponde à un poste de débitage ou à un lieu de rejet importe peu dans ce cadre ; l'essentiel est qu'il existe une certaine uniformité dans la densité du matériel, qui décroît régulièrement du sud au nord. Si cette uniformité est bien contemporaine de l'occupation, d'où vient la nécessité d'une zone super-spécialisée (la concentration sud) pour y exercer une activité déjà exercée ailleurs, ou pour en évacuer les rebus? De fait, si l'on s'en tient à la caractéristique essentielle de l'amas (supériorité du nombre de raccords), la différence de nature s'annule. Sa situation périphérique peut suffire à garantir une perturbation moindre des dépôts : moins de passage, moins de dispersion artificielle et, partant, des remontages plus aisés.

Ce modèle ne constitue qu'une hypothèse, fondée sur les seules variables « indices de remontage » et « proximité des pièces raccordées ». L'étude de la composition du matériel devrait permettre de le vérifier ou de l'infirmer, voire de proposer d'autres modèles. A ce premier niveau néanmoins, l'existence de l'amas en tant qu'unité indépendante est acquise, sur la base de l'appartenance des produits à neuf ensembles de débitage distincts et associés dans un espace restreint.

Quelles sont les données susceptibles d'identifier la concentration?

La composition de la concentration et les informations morpho-technologiques : existe-t-il une

6. La vérification de cette hypothèse passe par une recherche intensive de raccords supplémentaires dans cette zone. Au vue des difficultés déjà rencontrées, il ne semble pas que l'investissement en temps nécessaire soit alors proportionné aux résultats escomptés.

homogénéité dans le matériel, et à quoi correspond- elle?

Le premier décompte effectué (tabl. 1) présente l'indice de fracturation. Celui-ci est relativement élevé, avec plus de la moitié de pièces fracturées. Le fait tend à confirmer la nature résiduelle du matériel. Les rapports entre les différents types de fragments varient de manière habituelle7 : forte supériorité des fragments proximaux, surtout pris hors contexte, et légère infériorité des fragments mésiaux sur les fragments distaux.

Ce schéma présente une anomalie lorsque l'on considère les décomptes de produits raccordés : les fragments proximaux y sont légèrement inférieurs aux autres types. Cette inversion ne peut s'expliquer par le seul réajustement qu'ont permis d'opérer les remontages sur l'identification de ce type de produit. Par ailleurs, le fait n'est pas lié à une distribution différentielle du matériel8 : qu'on limite la concentration au carré C-ll ou qu'on l'élargisse à sa périphérie, les données sont comparables.

Le décompte global concernant l'appartenance morphologique du matériel (tabl. 2) laisse apparaître trois ensembles.

La première classe, largement majoritaire, correspond aux débris. Toutefois, d'un point de vue purement technologique, leur nombre est largement surévalué, une définition très large ayant été adoptée. Outre les pièces parasites éjectées lors du débitage d'une lame, la classe comprend tous les petits fragments, indéterminés ou non, qui n'ont pas été retenus pour le remontage en raison de leur dimension et/ou de leur morphologie (voire, de leur matière première). L'ampleur de cette définition constitue un inconvénient pour le contrôle du rapport numérique débris-matière débitée. Il semble en effet qu'en comparaison des données expérimentales, la proportion de débris au sens strict soit faible ici par rapport à celle des nucleus. S'il était vérifié, ce fait expliquerait peut-être la quasi-absence de raccords entre ce type de produit et le reste du matériel. Il jouerait d'autre part sur l'interprétation

7. Par rapport aux observations effectuées sur un matériel laminaire expérimental obtenu par percussion directe au percuteur tendre. Un certain nombre de pièces réfléchies et très courtes présentent une morphologie distale assimilable à une surface de fracture, et sont donc décomptées comme fragments proximaux lorsqu'elles sont considérées hors remontage.

8. Les fragments proximaux de lames fracturées au débitage peuvent effectivement sauter assez loin. Si l'on considère le carré C-ll comme un poste de débitage, leur infériorité relative par rapport aux autres types de fragments remontés aurait pu ainsi s'expliquer.

40 SYLVIE PLOUX

de la concentration : l'absence relative de pièces de petites dimensions peut résulter d'un lessivage de terrain ; elle peut être liée à la nature du sédiment et au mode d'occupation du sol, provoquant leur enfoncement et la création de deux niveaux artificiels ; elle peut enfin résulter du transport d'un matériel débité ailleurs et dont le ramassage n'a pas été exhaustif. Or les deux premières hypothèses semblent pouvoir être écartées.

Les éclats laminaires constituent la seconde classe dont la prédominance est stable, que l'on considère les produits isolés ou remontés.

La troisième classe est beaucoup moins stable. Le décompte général regroupe les lames, éclats, lamelles et indéterminés. Ces derniers constituent logiquement une classe distincte et peu représentée dans le cadre des produits remontés. Ils correspondent le plus souvent à des pièces fragmentées dont la morphologie initiale (lame ou éclat laminaire par exemple) ne peut être reconnue avec certitude. Leur attribution à un stade opératoire particulier est par contre plus souvent lisible. L'indice laminaire, stable par ailleurs, varie étonnament dans le cadre des produits associés aux nucleus. Cette forte supériorité qui mène à différencier deux classes (lames ; lamelles et éclats) n'apparaît pas dans le décompte précédent, ne considérant que les produits situés en G-ll. Le fait semble confirmer l'élargissement de la concentration à la périphérie de ce carré. Il pourrait d'autre part, dans le cadre d'un atelier de débitage, relever d'une certaine répartition ordonnée des produits autour du poste de débitage, en fonction de leur type par exemple.

Quatre classes numériques distinctes apparaissent dans le décompte global concernant la détermination technologique des produits (tabl. 3). Les produits de plein débitage sont les plus représentés, suivis des indéterminés, des produits de ravivage et de mise en forme. La troisième classe groupe les pièces accidentées et portant des traces de préparation. Les lames à crête, les produits d'épannelage et les débris constituent la dernière classe.

Cette composition du matériel appelle quelques remarques.

Si l'évolution de la courbe (fig. 4) est effectivement progressive, la « hiérarchie » entre les divers types de produits ne correspond pas à un débitage résiduel homogène : les produits constitutifs d'un débitage laminaire sont moins représentés que les produits laminaires eux-mêmes.

D'un point de vue purement technologique, la supériorité des produits de plein débitage doit être nuancée. Le croisement des variables morphologiques

et technologiques (tabl. 4 a à d) montre que le fait n'est pas lié à une « surproduction », mais qu'au contraire ces produits ont été considérés comme mauvais et n'ont pas été sélectionnés. Plus de la moitié des pièces de plein temps sont des lamelles, a priori étrangères à la finalité recherchée mais dont la présence fait souvent partie intégrante d'une exploitation de ce type9. Quand aux lames, du moins celles qui ont pu être raccordées à leur nucleus, elles appartiennent chronologiquement à la fin du débitage, et sont souvent de moins bonne facture que celles qui ont précédé.

En revanche, les produits d'épannelage, ceux portant une préparation de crête et, dans une moindre mesure, les pièces de début de débitage sont pratiquement absents. Seule l'hypothèse d'une mise en forme, voire même d'une première exploitation laminaire à l'extérieur de la zone fouillée peut expliquer un tel déséquilibre.

La proportion des produits de mise en forme, moyenne en regard du nombre total de pièces, est en fait très relative. D'après la définition adoptée, ils participent aussi bien à la mise en forme initiale du bloc de matière qu'à une correction très localisée et ponctuelle au cours de l'exploitation laminaire. Or la plupart des pièces considérées semblent relever de ces phases intermédiaires. Ce sont essentiellement des éclats laminaires dont la faible épaisseur ou la fréquente présence d'irrégularités sur leur face supérieure ont pu constituer un handicap pour une utilisation, les préservant d'une sélection.

Enfin, le nombre de pièces accidentées (dont la morphologie est détournée du module souhaité) est faible dans le cadre d'un ensemble de produits résiduels : 9 nucleus ont été débités et la qualité des matériaux est très moyenne. Il s'agit essentiellement de lames qui n'ont pas « filé », produisant des éclats laminaires ou des lamelles.

La nette différence de représentation et de distribution des divers types de produits selon que l'on considère les pièces isolées ou raccordées à leur nucleus ne permet pas de tempérer cette situation. Dans le premier cas, et hormis une forte proportion d'indéterminés logique dans le contexte des produits isolés, les produits de mise en forme sont majoritaires, suivis des produits de plein débitage. Les autres catégories (produits de début de débitage, produits

9. Cette méthode d'exploitation entretient un profil très plat des surfaces de débitage. Le fait favorise un rebrousse- ment progressif des ondes de fracture vers la surface du bloc, surtout si le tailleur commet une erreur sur l'angle d'incidence lors de la percussion, ou si les nervures entretenues sur le nucleus présentent un épuisement des angles.

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 41

totalité du matériel.

remonté .

matériel remonté et situé en O11.

matériel non remonté.

R MF A P1 C Ep D Fig. 4. — Concentration sud, rapport numérique entre les classes technologiques.

accidentés, d'épannelage, de ravivage et pièces à crête) constituent une classe sous-représentée. A l'inverse, les décomptes, similaires, considérant le matériel remonté montrent une forte proportion de produits de ravivage et de plein temps, une proportion moyenne de pièces accidentées et de mise en forme, et une faible représentation des autres catégories. Ces variations sont liées au prélèvement d'une catégorie précise de produits, dont l'absence interrompt la reconstruction des différentes phases opératoires.

L'identification croisée du matériel à partir des variables morphologiques et technologiques (tabl. 4 a à d) a déjà été abordée.

D'une manière générale, ces tableaux montrent que l'essentiel des lames et lamelles correspond au plein débitage, que les éclats laminaires se partagent entre les phases de mise en forme et de ravivage, ou encore sont des pièces accidentées, qu'enfin les éclats se rapportent presque exclusivement aux phases de ravivage. Tel quel, leur intérêt est secondaire, les informations fournies étant prévisibles.

En revanche, ces données établissent de manière définitive l'existence d'une différence de nature entre le matériel remonté et les pièces isolées. Celle-ci s'était déjà manifestée par la distribution technologique du matériel, mais n'apparaissait pas sur la base des données morphologiques. Le croisement des deux variables, qui aboutit à renforcer cette indépendance, constitue donc une sorte de test. D'autre part, et en dépit de la faiblesse numérique de l'ensemble (228 pièces), la différence est trop extrême pour être accidentelle : la figure 4 montre que les inversions se produisent de manière systématique

quel que soit le type de produit considéré et sa proportion par rapport aux autres types. Parallèlement, les données de la figure 5 considérant l'indice de remontage par type de produits et par nucleus10, permettent d'affirmer que cette distribution n'est pas aléatoire : quel que soit le nombre de pièces remontées sur chacun des nucleus, la nature des produits ainsi que leur proportion respective restent comparables.

L'opportunité d'une différence de nature entre matériel remonté et matériel isolé étant établie, voyons quelles peuvent être ses implications. Il semble que celles-ci se limitent à fournir une explication de la nature des remontages obtenus, de leur nombre et du rapport entre produits raccordés-pièces isolées, sans jouer de manière définitive sur l'interprétation de la concentration.

La figure 6 illustre l'indice de remontage de chaque type de produits par rapport à sa représentation réelle dans l'amas. Il en ressort les observations suivantes :

Les produits de ravivage, qui constituent le type de raccord dominant pour tous les nucleus excepté G-ll 331, ont été intégrés dans leur presque totalité. Un problème apparaît dès lors, dans la mesure où la reconstitution des plans de frappe est toujours incomplète, parfois même inexistante pour certains nucleus. Or, des pièces sont présentes dans la

10. Cette comparaison est justifiée dans la mesure où la chaîne opératoire présidant au débitage de chacun des nucleus est. comparable.

to

P1 PPT

331

679

332 m

282

283

3I4

288

738

583

I

1

m

une pièce, située en C- II - D

»K*2*K»M»K«M A

PPTC

PIMF

I

pièce isolée . pièce raccordée.

Fig. 6. — Indice de remontage de chaque type de produit. H 'V r o G X

Fig. 5. — Indice de remontage par nucleus et par type de produits.

une pièce, extérieure a C

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 43

concentration dont le débitage a été antérieur au ravivage des plans de frappe. Cela signifie-t-il qu'il y a eu prélèvement de ces produits en vue de leur utilisation? Leur morphologie particulière, souvent accidentée, et parfois leur faible dimension se prêtent mal à une transformation qui aurait néanmoins le mérite d'expliquer qu'on ne les ait pas reconnues. Ou encore cette absence relative signifie-t- elle qu'il y a eu ramassage partiel de produits résiduels débités à l'extérieur de la zone fouillée et transport de ceux-ci vers C-ll?

Les produits accidentés ont également largement été raccordés. Leur situation chronologique au cours du débitage tendrait à montrer que la plupart des ratés sont survenus en fin d'exploitation. S'il est vrai qu'expérimentalement le nombre d'accidents augmente fréquemment au fur et à mesure de l'exploitation du nucleus (déconcentration du tailleur? épuisement des angles?...), le fait est peut-être trop marqué ici pour se suffire de cette seule explication. De nouveau apparaît la possibilité d'une première phase d'exploitation laminaire dont les rebus n'apparaîtraient pas dans le matériel de la concentration.

Les produits de plein débitage et ceux présentant une préparation de crête ont été remontés pour plus de la moitié. Toutefois, les premiers appartiennent chronologiquement à la fin du débitage, et leur proportion est faible par rapport au nombre de lames et lamelles réellement débitées. Les raisons pour lesquelles aucune lame de plein débitage, brute ou retouchée mais extérieure à la concentration n'a pu être raccordée à ces nucleus restent obscures. Même en admettant que la plus grande partie de la production ait été transformée en pièces à bord abattu11, la difficulté de reconnaissance qui en résulte et l'obstacle que constitue l'homogénéité des matériaux expliquent difficilement cette absence totale. Ces pièces — ou certaines d'entre elles — sont- elles sorties du gisement? Y sont-elles jamais entrées?

Les seconds, pièces à crête, se rapportent pour les deux tiers au nucleus C-ll 331, qui constitue un cas de figure exceptionnel : le matériau est affecté d'inclusions profondes qui ont constamment détourné le débitage de sa finalité initiale. Aussi ses produits ont-ils presque tous été abandonnés, leur remontage aboutissant à un nucleus soigneusement préformé, avec deux crêtes opposées. Là encore, le nombre de pièces portant ce type de préparation (6 dont

11. D'après le nombre de débris examinés et surtout leur morphologie, il ne semble pas que l'opération ait été réalisée en C-ll.

4 rattachées à G-ll 331) n'est pas en rapport avec le nombre de nucleus ; leur mode d'exploitation paraît effectivement similaire, avec une phase laminaire effectuée à partir d'une ou deux préparations de crête.

Seul un tiers de produits de préparation ont été intégrés à un nucleus. Il ne s'agit en aucun cas de produits de dégrossissage aboutissant à une première mise en forme. En regard de leur nombre total, il semble que les observations effectuées pour le nucleus C-ll 331 soient généralisables. D'après les négatifs lisibles sur le nucleus remonté, une première phase de mise en forme a été effectuée à la fois à partir des deux plans de frappe utilisés pour le débitage laminaire et de plans de frappe latéraux12, produisant des éclats d'assez grandes dimensions et de morphologies souvent irrégulières. Ces enlèvements sont partiellement recouverts des négatifs de petits éclats laminaires, également débités à partir de plans de frappe latéraux, et qui complètent localement la mise en forme. Ces pièces n'apparaissent pratiquement pas dans le décompte du matériel, confirmant l'hypothèse d'une mise en forme élaborée des blocs à l'extérieur de la zone fouillée.

Les pièces présentant des traces de préparation et les produits d'épannelage, dont la présence n'est pas proportionnelle à la quantité de matière débitée, n'ont pratiquement pas pu être remontés.

De manière générale, il apparaît donc que l'indice de remontage d'un ensemble est soumis à la place chronologique de chaque type de produits (pièces de début ou de fin de débitage) et/ou à son rôle technologique (lame de plein débitage-éclat de ravivage). Ces deux variables se conjuguent pour aboutir à l'interruption des raccords en raison du prélèvement de la plupart des pièces qui, technologiquement correspondent au module recherché et qui, chronologiquement se situent à mi-parcours du débitage. Ici, cette interruption se manifeste à une étape chrono-technologique identique pour tous les nucleus (fig. 5) : remontage de l'essentiel des produits négligés par l'artisan ou l'utilisateur (pièces constitutives d'un débitage laminaire et pièces accidentées), et/ou qui correspondent à la fin du débitage (dernières lames de moins bonne facture). Par ailleurs, de par sa composition technologique, le matériel de cette concentration ne constitue pas un échantillon

12. Il s'agit de plans de frappe accessoires, perpendiculaires à l'axe de débitage laminaire, utilisés pour la mise en forme du rognon (aménagement d'une crête par exemple), et parfois également au cours du débitage laminaire, pour une réfection des surfaces de débitage.

44 SYLVIE PLOUX

représentatif de débitages laminaires résiduels. Quelle que soit la nature de la concentration, l'absence quasi systématique de certains produits s'explique vraisemblablement par une discontinuité du débitage dans l'espace : mise en forme et peut-être première exploitation laminaire des nucleus à l'extérieur de la zone fouillée. En revanche, l'absence relative de types tels que produits de ravivage contemporains du débitage laminaire reste difficilement explicable dans le cadre d'un poste de débitage.

L'organisation de la concentration sud

L'étude de cette organisation se réfère à trois dimensions : une dimension horizontale, qui est la répartition au sol de produits dont l'agencement et la densité créent une structure plus ou moins bien nettement délimitée ; une dimension technologique à travers laquelle le mode de dispersion peut révéler un ordonnancement pratique des produits en fonction de leur type ; enfin, une dimension verticale qui peut permettre d'appréhender la chronologie des activités, matérialisée par une micro-stratigraphie du dépôt.

Les informations synchroniques : exisle-t-il un mode de dispersion des produits?

Le plan du décapage (la dimension horizontale) révèle une structure nettement délimitée, en forme de triangle allongé dont la pointe serait orientée au sud-ouest, campé au sud-est et au nord de deux petites « excroissances », la seconde comprenant les nucleus 282 et 283. Ailleurs, la densité de matériel est pratiquement nulle. Manifestement, l'extension sud de la structure est tronquée par l'interruption de la fouille (fig. 7). Le handicap qui en résulte est double : vision partielle de la répartition au sol du matériel et impossibilité, dès lors, de prendre en pleine considération l'absence systématique d'un certain nombre de produits dont le défaut de représentation avantageait l'interprétation « amas de rejet ». Cette situation, bien que peu probable, peut résulter d'une dispersion particulière des produits autour d'un poste de débitage, les absents étant groupés dans la zone non fouillée. Ces obstacles à une interprétation justifiée sont toutefois tempérés par la morphologie de la délimitation ouest de la concentration : on y observe une interruption brutale et régulière du matériel, caractéristique d'un effet de paroi. Cette morphologie n'est plus insérable dans les schémas traditionnels correspondant habituellement à un poste de débitage.

Cet effet de paroi peut résulter de la présence d'un obstacle préexistant au dépôt des pièces et qui aurait

disparu. En ce cas, les deux hypothèses, atelier ou décharge, subsistent sans que l'on puisse trancher à ce niveau. Il peut également être la conséquence d'une évacuation du matériel à partir d'un contenant, une peau par exemple, que l'on aurait posé à terre dans la partie ouest de C-ll. En ce cas, la contemporanéité des dépôts serait établie, et l'hypothèse « décharge » prévaudrait bien qu'elle puisse n'être que partielle. On peut très bien imaginer une première étape pendant laquelle le dépôt du matériel se serait effectué au cours du débitage, et une seconde étape pendant laquelle le matériel aurait été repoussé vers le sud-est, créant cet effet de paroi à l'ouest et laissant subsister une zone dans laquelle le matériel serait resté in situ. Il est peu probable que les données permettent de reconnaître un tel cas. L'hypothèse d'une évacuation du matériel à partir d'une peau donne lieu à deux implications différentes selon le geste effectué, en particulier sa vitesse, permettant d'expliquer la répartition au sol du matériel13. Dans un cas, la peau est soulevée lentement à partir de ses deux extrémités de manière à renverser les produits. La lenteur du geste, et donc de la chute, provoque un roulement des pièces qui s'orientent quasi systématiquement de manière parallèle à l'axe de la peau. Elle limite d'autre part la dispersion du matériel dont la densité est à peu près comparable sur toute la surface du dépôt, bien délimitée. Au contraire, si le geste est effectué rapidement, l'effet de paroi subsiste mais les pièces n'ont pas le temps de suivre l'orientation de la peau. De plus, leur trajet peut être perturbé par un « effet», et un certain nombre d'entre elles éjectées en périphérie de la zone de dépôt principal. Ce dernier schéma concorde tout à fait avec la répartition observée : dispersion des pièces en arc de cercle à partir du « mur » ouest, pas d'orientation préférentielle, distribution aléatoire en regard de leur poids respectif, enfin présence, réduite, de matériel en périphérie est de l'amas.

La dimension technologique intervient ici pour tester la nature de la répartition des produits à l'intérieur de la concentration : répartition significative d'un ordonnancement dans le cas d'un dépôt primaire non remanié, répartition aléatoire dans le cas d'un dépôt secondaire. Elle s'exerce par le biais des remontages et de la détermination technologique des produits.

Si le matériel est en situation secondaire, qu'elle qu'en soit la cause, son transport ou son évacuation a

13. Ces indications se fondent sur les résultats de tentatives personnelles.

TECHNOLOG

IE ET REM

ONTA

GE. LE

FLAGEO

LET I 45

46 SYLVIE PLOUX

Tabl. 12. — Dispersion des produits de chaque unité de remontage (283 : unité de remontage ; 15/17 : sur 17 pièces, 15 se situent dans un cercle de 0,40 m de diamètre et la totalité dans un cercle de 0,55 m de diamètre).

Diamètre maxi.

mini.

0,15

0,35

0,40

0,45

0,50

0,55

0,60

0,55

283 15/17

0,75

583 4/5

0,80

332 17/21

0,85

314 8/11

1,10

288 4/6

1,30

282 15/19

1,80

738 3/5

1,90 3,90

331 22/28

679 20/23

entraîné un mélange total des pièces. Au contraire, s'il est en situation primaire, deux caractères devraient pouvoir se manifester qui sont :

la proximité relative entre fragments d'une même pièce ;

l'existence d'un modèle affectant le mode de dispersion des produits. Celui-ci relève ou bien d'un regroupement relatif des pièces en fonction de leur origine, particulièrement des pièces débitées successivement ; on peut alors éventuellement observer une similitude ou une convergence entre les schémas de dispersion des divers groupes de raccords. Ou bien il relève d'un regroupement relatif des produits en fonction de leur type (« tri » des pièces au cours du débitage).

Concernant le premier point, les 12 liaisons entre fragments dont on possède les coordonnées montrent 8 raccords à courte distance (jusqu'à 0,10 m), 3 à moyenne (entre 0,30 m et 0,40 m), et 1 à grande distance (plus de 1 m). Cette supériorité des raccords à courte distance doit être tempérée. L'échantillon se limite à 12 raccords. Sur un total de 129 fragments intérieurs à la concentration, 3 pièces seulement sont très probablement en connexion, et l'une d'elle n'est pas entière. De manière générale enfin, cette proximité reste partiellement liée à l'échelle de l'amas (environ 0,55 m de longueur maximum pour 0,35 m de largeur maximum). Il est d'autant plus difficile de mesurer la portée de ces informations que l'échelle des raccords entre fragments de pièces isolées — dont l'un seulement se situe à l'intérieur de la concentration — est légèrement différente, de même que sont plus

variées les directions. Dans ce cas, les distances augmentent progressivement de 0,20 m à 1,70 m, et la plupart des raccords relient la concentration à sa périphérie nord (carrés B-10 et C-10).

Concernant le second point, l'existence d'un modèle de dispersion des produits, cinq éléments ont été examinés :

l'échelle des raccords par unité de remontage ; la situation de ces différentes unités les unes par

rapport aux autres ; l'organisation des raccords (orientation et répart

ition) à partir du nucleus de chaque unité ; l'organisation des raccords (orientation et répart

ition) en fonction de la chronologie du débitage ; la répartition globale du matériel en fonction du

type de produits.

D'une manière générale, l'essentiel des raccords sont intérieurs à la concentration prise au sens strict, et ne dépasse pas un diamètre de 0,60 m. On pourrait s'attendre à ce que l'extension de chaque groupe de raccords soit comparable. Les mesures présentées dans le tableau 12 ont été effectuées à l'aide de cercles, un premier englobant un maximum de produits raccordés entre eux en un diamètre minimum, un second englobant la totalité des pièces appartenant à cette unité. On y observe un échelonnement relativement régulier des mesures, variant de 0,15 m à 0,60 m pour les distances minimales, et de 0,55 m à 3,90 m pour les distances maximales. Une corrélation entre ces deux variables existe pour quatre des ensembles, leur valeur respective augmentant parai-

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 47

lèlement, avec un rapport passant de 1/2 à 1/3. Trois autres ensembles (283, 332, 314) montrent une nette tendance à la concentration et deux (331, 738) à la dispersion. Le nombre de produits remontés ne semble avoir ici aucune incidence. Ces données, pour être déterminantes d'une dispersion aléatoire, ont néanmoins besoin d'être étayées par l'étude compara- rative de la situation et de l'organisation interne des différentes unités de remontage.

La situation de ces unités les unes par rapport aux autres a été concrétisée à l'aide des cercles restreints déjà utilisés, permettant de regrouper un maximum d'éléments de chacun des ensembles. Seule l'unité 583 manifeste une indépendance totale par rapport à la concentration, au nord-ouest de laquelle ses éléments sont groupés (à l'exception d'une pièce, également extérieure à la concentration). L'ensemble 738 semble également entretenir une certaine indépendance, mais peut-être le fait est-il lié à sa faible extension. Les autres unités, quelle que soit leur extension, présentent une large zone de recouvrement. Or, celle-ci correspond précisément au cœur de la concentration dans laquelle sont présents des éléments de chacun des nucleus. On observe donc une concordance de situation pour l'ensemble des unités de remontage (sauf l'unité 583 et peut-être 738), concordance qui tend à confirmer la nature aléatoire de la répartition du matériel (fig. 7).

L'organisation des raccords à partir de chaque nucleus présente des schémas très différents selon les unités, à la fois par leur orientation et la superficie de la zone couverte (fig. 8). En fait, cette divergence disparaît si l'on considère la situation et l'éloignement de chacun des nucleus par rapport à la concentration. Trois d'entre eux (314, 311 et 332) sont situés dans la limite sud-est, et les liaisons obtenues couvrent les zones sud-ouest, ouest et nord ; un se situe dans sa limite ouest (288), avec des liaisons couvrant les zones est et sud de la concentration ; deux sont à sa périphérie nord (679 et 738), l'essentiel des liaisons étant dirigé vers le sud. Il apparaît donc que, quelle que soit la situation des nucleus, toutes les directions obtenues convergent vers le centre de la concentration, là où se trouve l'essentiel des produits de débitage. Cette situation, loin d'être discriminante d'une répartition ordonnée, souligne au contraire une distribution homogène du matériel à l'intérieur de l'amas.

Au vu des informations précédentes, il est peu probable que le critère « organisation des raccords en fonction de la chronologie du débitage » permette de révéler une organisation quelconque. De fait, les liaisons linéaires montrent des schémas d'autant

plus complexes que le nombre de pièces augmente (fig. 9), mais sans lien logique apparent. Même en tenant compte non plus de l'ordre de succession des pièces mais de celui des phases de débitage (fig. 10), un recouvrement important existe toujours. Toutefois, dans les ensembles où la comparaison est possible, il semblerait que les produits de plein débitage aient une dispersion plus large que les produits de ravivage. Cette observation reste tributaire de la faiblesse numérique de l'échantillon. Peut-être une répartition globale des produits ne tenant compte que de leur rôle technologique et de leur éloignement par rapport à la concentration va-t-elle permettre de l'affirmer?

Tabl. 13. — Répartition par type de produits et par zones.

M. F C P. 1er P.P.T A R

I

11 6 5

15 12 26

II

0 0 0 4 0 7

III

0 0 0 2 1 3

IV

0 0 1 5 0 1

V

1 1 0 6 1 1

VI

o 0 1 3 1 0

L'étude de cette répartition se fonde sur un découpage de la partie sud de la fouille considérant les différentes zones de densité et leur situation. La zone I correspond à la concentration prise dans ses limites étroites. Les zones II et III en constituent les excroissances sud et nord. La zone IV correspond à la surface restante de C-ll, la zone V au carré B-ll et la zone VI au reste du gisement. Le tableau 13 présente le décompte par type de produits effectué dans chacune des zones. L'ensemble des produits de début de débitage (produits de mise en forme, portant une préparation de crête, portant des traces de préparation) montre une tendance indéniable à la concentration. Celle-ci est encore très marquée pour ce qui concerne les pièces accidentées et les produits de ravivage, avec pour ces derniers une tendance à l'étalement vers le sud (zone II). En revanche, les produits de plein débitage marquent une large dispersion. A l'intérieur de la zone I, la répartition par types de produits ne paraît pas significative. Il semble donc que seule l'opposition entre produits de plein débitage - autres types de produits puisse être justifiée. Si tel est le cas, aucune des deux interprétations proposées pour identifier l'amas ne fournit d'explication satisfaisante. Bien plus, si les produits extérieurs à la zone I devaient leur situation à un prélèvement en vue d'une utilisation, il est probable qu'on les retrouverait ou bien sur toute la

48 SYLVIE PLOUX

10

À / 679 f 10 V

II

10

331 \ 282

Fig. 8. — Orientation des raccords par rapport au nucleus.

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 49

10

//

/ //

yd^ 679

10

10

/

7

738

/

/

L 331

Fig. 9. — Organisation des raccords par rapport à la chronologie du débitage.

en O r < r o X

€ 1

M F. C pr

i • A

PPT. A R.

A O Nucleus

0 10

cm

Fig. 10. — Plan du matériel remonté et répartition par type de produits.

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 51

fouille, ou bien relativement groupés, plutôt que disséminés dans les quelques mètres qui entourent la concentration. L'examen de ce dernier caractère (répartition globale du matériel en fonction du type de produits) n'apporte donc aucune information complémentaire qui permettrait d'identifier l'amas.

En revanche, l'étude de la répartition au sol en fonction des critères technologiques précédents tend à montrer une distribution totalement aléatoire du matériel, caractéristique d'une zone de rejet plutôt que d'un poste de débitage en place. En ce cas, l'effet de paroi est très probablement synchrone du dépôt, et non la résultante d'un obstacle préexistant à celui-ci. Cela suppose une contemporanéité de dépôt de la totalité du matériel, qu'une approche micro- stratigraphique doit permettre de confirmer ou d'infirmer.

Les informations diachroniques : existe-t-il une stratification du dépôt?

L'hypothèse, selon laquelle une stratification des unités de remontage correspond à des dépôts successifs tandis que leur interférence correspond à un dépôt unique, ne peut être avancée sans quelques précautions. Elle est justifiée ici par l'homogénéité de la couche VI en tant qu'unité d'occupation, et qui ne semble affectée d'aucune perturbation secondaire importante. Par contre, le déplacement vertical de pièces étant très fréquent dans certains sédiments, il est nécessaire de déterminer si le phénomène apparaît ici et avec quelle ampleur.

Les liaisons entre fragments de pièces paraissant en connexion sur l'axe horizontal sont les plus aptes et les plus fiables à révéler l'existence de ces mouvements. Ils ne sont guère utilisables ici14. Par ailleurs, l'exploitation de raccords entre fragments de pièce pris de manière globale ne peut constituer un substitut : on ne connaît pas la chronologie fracturation/dépôt du matériel.

Dès lors, comment procéder pour affirmer ou infirmer l'existence de déplacements verticaux et en évaluer l'ampleur?

14. Seules quatre pièces répondent à ce critère. Parmi elles, deux paraissent en connexion totale, dont une située à l'extérieur de la concentration et deux présentent un déplacement de 3 cm. Comparativement, l'échelle des raccords considérant la totalité des pièces fracturées en G-ll varie de 0 à 6 cm, avec une moyenne très basse (inférieure à 2,5 cm) qui laisserait présager une faible perturbation du dépôt et/ou une extrême concentration des pièces sur l'axe vertical. Ces informations demeurent néanmoins trop ponctuelles pour avoir valeur de test.

Un modèle est susceptible de répondre au problème : s'il y a eu déplacement vertical, ou bien celui-ci a été homogène, affectant de manière identique la totalité du matériel, ou bien ponctuel, n'affectant que quelques pièces. Parallèlement, si la concentration était initialement stratifiée, un mouvement homogène du matériel n'altérera que très peu sa structure, et un mouvement ponctuel en laissera subsister des indices. Par contre, dans le cas d'une structure initialement composite, les déplacements, quelle que soit leur nature, ne feront qu'amplifier le mélange des produits.

Ce modèle semble pertinent dans la mesure où le matériel se concentre sur une faible épaisseur, formant un espace relativement bien délimité. Les projections obtenues sur les axes longitudinaux (parallèle à l'abri, fig. 11 A) et transversaux (fig. 11B) montrent effectivement une distribution très centralisée du matériel. La presque totalité des pièces se situe entre les cotes — 31 et — 39, et près des 4/5 (68 sur 93) dans un intervalle de 4 cm (—35 à — 39)15. Les produits provenant des nucleus 688 et 738 ne sont pas considérés ici en raison de leur trop faible représentation. Le nucleus 583 est définitivement écarté de la concentration dont la formation apparaît nettement postérieure.

Les indices de dispersion varient sensiblement selon les unités de remontage ; certaines semblent plus groupées que d'autres, mais à une échelle qui ne peut être considérée pleinement représentative en regard du nombre de pièces. Ces écarts s'échelonnent de 8 à 17 cm sans que le nombre de raccords (de 10 à 20) ne semble intervenir. La moyenne générale (12,5 cm) est légèrement supérieure à l'intervalle dans lequel se situe l'essentiel des produits, laissant supposer qu'une perturbation a bien affecté la distribution verticale du matériel. Sur la base de la moyenne réelle (10,3) inférieure à la moyenne théorique, ces déplacements seraient hétérogènes16. Par ailleurs, ils seraient ponctuels, des indices de

15. Parmi tous les produits situés en C-ll, seules trois pièces ressortent nettement de ce cadre : 237-238, une pièce fracturée et en connexion à la cote — 23 ; 239 et 362 aux cotes respectives de — 23 et — 45. Ces deux dernières pièces se situent au cœur de la concentration et figurent sur son relevé. Aussi est-il fort possible que leur profondeur anormale soit le fait d'une erreur de transcription ou de lecture. Dans la mesure où il s'agit de phénomènes à la fois exceptionnels et douteux, nous les éliminerons.

16. Si l'on tenait compte des trois pièces éliminées, la moyenne réelle correspondrait à la moyenne théorique, signifiant que les déplacements ont été relativement homogènes ; en ce cas, la stratification initiale du dépôt devrait subsister.

52 SYLVIE PLOUX

i 282 ♦ 314 D 583 0 283 • 331 A 679 1 288 a 332 0 738

B 11

10 20 30 40 50 60 70 80 90

Fig. 11. — Projections des raccords : A, sur l'axe

stratification pouvant dès lors subsister. On observe en effet que quatre des six unités de remontage montrent une identité entre l'intervalle de dispersion maximum de leurs produits et l'intervalle de densité maximum. Ailleurs, le décalage (l'amplitude supposée des déplacements) est variable ; faible pour le nucleus 282, il est plus marqué pour le nucleus 314 mais se situe toujours dans les limites de la concentration.

L'orientation de ces mouvements semble d'autre part constante. Le tableau 14 montre l'évolution de densité de matériel par tranches de 1 cm d'épaisseur. La courbe générale présente un profil nettement dissymétrique qui traduit une apparition brutale de matériel et une disparition relativement progressive. Le fait est partiellement lié à la topographie

particulière du sol au niveau de l'amas, mais il n'en est pas tributaire ; la limite inférieure du dépôt ne correspond pas à une limite de couche géologique ni « archéologique », dont la nature différente (plus dure) aurait pu constituer un obstacle à la pénétration de matériel. Leb déplacements de pièces, si déplacements il y a, semblent donc s'être presque exclusivement effectués vers le haut, et de manière sporadique : les courbes de chacune des unités sont sensiblement identiques, avec une apparition massive de matériel à la cote — 39, une densité maximum dans l'intervalle — 36 à —35, puis leur raréfaction suivie d'une interruption quasi générale à la cote —31. Seules deux unités s'écartent du schéma général (331 : apparition progressive du matériel et disparition brutale ; 679 : apparition et disparition brutales

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 53

C-11

* I 10 ♦

•A • A A^ A| • A A • A 0» A 0

• A A A 0 0 0 AA* 4| |

•♦ I «A 10 0

0 1 10 a | A

25

30

35

40

45

-.50 ~TÔ~Ocm

C -11 h> W

100 90 80 70 60 50 40 l

30 20

o • • ♦

01 û»0 I 0

♦! O AA 0 | ♦ 0 Ij) 10 A A *A

• A I • A 40

25

30

35

40

45 1ÏÏQ 10 20~ '

30 4(F

longitudinal nord-sud ; B, sur l'axe transversal est-ouest.

50 60 70 80 90 100cm

du matériel). L'ensemble de ces faits tend à montrer qu'une stratification du dépôt peut subsister.

Finalement, les résultats de cet examen (y-a-t-il eu déplacement d'objets et dans quelle mesure?) ne comportent aucune certitude. La possibilité de déplacements semble attestée sur la base d'une comparaison entre les indices de dispersion de chaque unité de remontage. Toutefois, sur la base des rapports entre moyenne de dispersion réelle et moyenne de dispersion théorique, et d'autre part intervalle de dispersion maximale et intervalle de densité maximale, ils seraient très ponctuels, n'affectant qu'un petit nombre de pièces. Par ailleurs, leur amplitude serait variable mais faible de manière générale. L'utilisation du modèle proposé plus haut demeure donc justifiée ; il nous autorise à formuler

l'hypothèse d'une persistance de la stratigraphie initiale du dépôt (au moins de manière globale), les résultats devant être considérés comme probabilité et non comme démonstration.

Les projections effectuées figure 11A et B révèlent une topographie particulière du sol dans la zone de dépôt.

Un double pendage se manifeste sur l'axe longitudinal (fig. 11 \) ; plus marqué suivant l'orientation sud-nord (de l'ordre de 10°) que sui\ant l'orientation inverse (de l'ordre de 7°), la convergence se fait au cœur de la concentration.

Sur l'axe transversal (fig. 11B) une pente très accusée apparaît en direction de l'est (de l'ordre de 20°), mais qui ne semble pas correspondre au pendage existant habituellement à proximité des parois. Au

54 SYLVIE PLOUX

Tabl. 14. — Évolution de la densité des produits raccordés sur l'axe vertical.

23.... 24.... 25.... 26.... 27.... 28.... 29.... 30.... 31.... 32.... 33.... 34.. . . 35.... 36.. . . 37.... 38.. . . 39.... 40.... 41.... 42.... 43.... 44.... 45....

331

2 3 1 2 4 3 1 1 1 1

1 20

679

1 3 3 1 3 1 1 4 1

18

282

2

1

1 1 2 3

5 2 1

17

332

1

o **

1 1 1 1 1 4 2 2 1

17

283

1

1 2 5

4 2

1

16

314

1

1

1 2 2 2 1

10

288

1 1 1

3

738

1

1

2

3

1 2

6 5 6 8

13 21 8

15 11 3 1

1 93

contraire, les quelques pièces situées en B-ll et raccordées à l'ensemble marquent une remontée du sol (de l'ordre de 10°). Ce double pendage converge peu après la limite de la concentration lithique.

La micro-morphologie de cette zone apparaît donc être celle d'une cuvette, ce qui peut avoir des implications majeures sur l'aspect in situ du matériel.

Celui-ci se répartit sur toute la longueur de la déclivité (environ 0,70 m) prise dans son axe longitudinal. Les différenciations en zones de plus ou moins grande densité qui avaient été remarquées sur le plan horizontal (fig. 7) semblent donc relever de cette topographie. La zone I, correspondant au cœur de la concentration, occupe ici le centre de la déclivité, avec l'essentiel du matériel concentré entre les cotes —34/— 39. Les zones II et III, de densité moyenne et faible, se situent sur les pentes sud et nord, à des cotes s'échelonnant de —33/— 36 pour la première, de — 35/ — 39 pour la seconde. De la même manière, l'accident affectant la courbe générale du tableau 14 (régression brutale et quasi générale de matériel à la cote — 37)17 s'explique, au moins

17. Il ne semble pouvoir s'agir de dépôts successifs, des pièces appartenant à chaque unité se retrouvant sur toute la séquence.

partiellement, par la présence conséquente de matériel dans la zone II dont la profondeur maximum n'excède pas — 36.

La répartition des pièces sur l'axe transversal de la cuvette est très différente (fig. 11B). Le matériel n'en couvre que la moitié ouest, soit la pente la plus accusée. Paradoxalement, le fait ne semble pouvoir être interprété comme résultant d'un entraînement du matériel vers la déclivité, à la suite d'un lessivage de terrain par exemple. En effet, la zone de grande densité, nettement délimitée, débute au sommet de la pente pour se terminer légèrement avant la base de la cuvette. D'autre part, sa délimitation ouest, en sommet de pente, montre un effet de paroi très marqué. Enfin, la densité du matériel est relativement homogène sur toute la surface de cette pente. Si la distribution du matériel reflétait un entraînement naturel vers le fond de la déclivité, il est probable que la densité augmenterait progressivement depuis le sommet vers le fond et que l'effet de paroi, dont la formation serait peu probable, se manifesterait plutôt en contrebas. D'autre part, une certaine tendance à l'alignement apparaîtrait, ainsi qu'une répartition différenciée des produits en fonction de leur poids. Ces deux caractères ne se manifestent pas ici.

En définitive, il semble bien que la topographie du sol n'ait pas joué de rôle perturbateur important, le matériel ne paraissant pas avoir été drainé vers les pentes de la cuvette. Par ailleurs, loin de constituer un obstacle à la formation d'une stratification, elle aurait dû la favoriser en limitant l'étalement horizontal du matériel.

La figure 12 présente le rapport entre l'indice de distribution de chaque unité de remontage par strates de 1 cm et l'indice de distribution de l'ensemble des remontages. Dans le cas d'un dépôt stratifié, la configuration devra montrer une distribution propre à chaque unité de remontage et révéler des variations significatives ; dans le cas contraire, quelle que soit la distribution de ces unités, il n'y aura pas de variation significative à l'intérieur de la configuration. La lecture de ces schémas est bien difficile ici : les effectifs sont trop réduits. Le nombre de pièces par unité de remontage ne permettant pas d'atteindre à la valeur statistique, il sera plus prudent de tabler sur le profil général de chaque distribution et sur le caractère présence-absence de matériel.

Ici, aucun indice de stratification du dépôt ne transparaît, les courbes présentant au contraire une forte tendance à l'uniformité. On observe une apparition massive de matériel à la cote — 39, où sont représentés 6 des 8 nucleus. L'absence des ensembles

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I

331 679

55

-25

-30

-3 5

-40

"45

-25"

282

283

-25"

332

314

-35

-40

-45 u Fig. 12. — Rapport entre l'indice de dispersion verticale de chaque nucleus et l'indice global.

56 SYLVIE PLOUX

288 et 738 relève très probablement de leurs faibles effectifs. Dans l'intervalle — 35/ — 37 correspondante la zone de densité maximum, tous les nucleus sont présents avec des indices généralement forts. Il est remarquable d'y retrouver concentrées les unités 288 et 738 dont les caractéristiques, liées à l'épaisseur du dépôt, favorisaient plutôt une distribution aléatoire. Pour la plupart des ensembles, l'interruption de matériel s'effectue à la cote — 31. Tout au long de cette séquence ( — 31/ — 39), des pièces appartenant à chaque unité de remontage sont présentes, à des indices variables selon l'unité et la cote considérées mais à une échelle qui n'apparaît jamais discriminante.

Cette uniformité tend à montrer que le mode de dépôt du matériel s'est bien effectué parallèlement à l'axe horizontal plutôt que guidé par le pendage du sol. A cet égard, un réajustement des profondeurs prenant pour plan de référence la pente maximum du terrain (sur l'axe transversal, dans la direction ouest- est) a été effectué, qui ne fournit pas plus d'indice de stratification. Bien plus, la répartition des différentes unités apparaît dès lors tout à fait hétérogène. A la limite, le fait que ce réajustement supprime toute possibilité d'interprétation fondée sur la plus simple approche logique (la topographie du terrain) peut être ici considéré comme une « preuve par la négative », obtenue par la comparaison d'une même donnée considérée sous des éclairages différents.

En résumé, la recherche d'une micro-stratigraphie nous a paru justifiée après examen des traces d'éventuelles perturbations. L'hypothèse d'un entraînement naturel vers la pente sur laquelle se situe la concentration semble pouvoir être écartée. Une ambiguïté subsiste concernant les possibles déplacements verticaux qui ont dû affecter un certain nombre de pièces, mais de manière probablement très sporadique. Cette micro-stratigraphie ne révèle aucune succession chronologique des différentes unités, ne serait-ce sous forme d'indices. Au contraire, elle présente une structure très homogène, dans laquelle la répartition du matériel apparaît totalement aléatoire et essentiellement soumise à la topographie du terrain. Consécutivement, elle établit la contem- poranéité de dépôt de la totalité des produits.

La probabilité de V interprétation Le but de cette étude était d'identifier et

d'interpréter une concentration lithique reconnue à la fouille.

Le remontage en a constitué la trame, cette technique seule permettant d'insérer les activités

identifiées par le biais de l'analyse technologique dans le contexte quotidien du chronologique et du spatial.

Un récapitulatif de la démarche adoptée est donné dans le tableau 15. Celle-ci vise à remonter du stade de l'observation de la donnée archéologique brute vers celui, final, de son interprétation. Elle suppose une étape préalable pendant laquelle est vérifiée l'indépendance de la concentration en tant que structure à part entière, et une étape intermédiaire par laquelle sont abordées les significations possibles de la structure : poste de débitage ou amas de rejet.

C'est en fonction de ces deux hypothèses que va être sélectionné le type d'informations à rechercher. Ces informations sont de trois types : nature morpho-technologique du matériel, répartitions syn- chronique et diachronique. Elles interviennent à différents moments de l'étude, d'abord indépendamment puis de manière croisée. Aucune hiérarchie n'apparaît entre elles, chaque information étant considérée comme un indice susceptible de conforter l'une des hypothèses, et leur cumul susceptible de mener à une conclusion statistiquement recevable.

En pratique, et pour ce qui concerne la première étape, rappelons que l'indépendance de l'amas C-ll ne s'est manifestée que sur 4 des 5 variables envisagées ; que la dernière d'entre elles (proximité entre les produits raccordés quelle que soit leur situation sur le site) nous a amené à poser le problème de l'« utilité » d'un poste de débitage comme d'une décharge (les distances entre pièces raccordées sont en effet sensiblement les mêmes sur toute la surface du site, et quelle que soit la densité de matériel) ; qu'enfin, l'extension réelle de cet atelier de débitage est légèrement supérieure à la concentration immédiatement observable, puisqu'il englobe les zones ouest de B-ll et sud de B-10.

La seconde étape (identification de l'atelier en tant que poste de débitage ou amas de rejet) ne peut être abordée qu'après avoir vérifié qu'aucune perturbation importante n'a bouleversé l'organisation de l'amas. Si ce facteur n'a qu'une incidence minime sur l'appréhension des données technologiques, son effet est déterminant sur celle des données spatiales. Cette vérification se présente donc à double titre comme une condition préalable et obligatoire : validation de la démarche et prise en compte de la possibilité d'un poste de débitage dont l'organisation initiale aurait été remaniée.

Trois facteurs de perturbation sont susceptibles d'intervenir, d'origines géologique, anthropique et animale. Il semble qu'aucun n'ait joué ici, du moins de manière significative.

Le matériel se présente sous la forme d'une nappe

Tabl. 15. — Récapitulatif de la démarche adoptée et bilan des indices susceptibles d'identifier la concentration.

H Z O O H I

> K

Stade objectif AMAS LITHIQUE

Concentration de matériel Composition exclusivement ou essentiellement lithique du matériel.

données archéologiques

Stade de Vanalyse ATELIER DE DÉBIT AGE

Composition résiduelle du matériel Supériorité du nombre de raccords Nature différente des raccords : supériorité des remontages de pièces sur nucleus par

rapport aux remontages entre pièces ou fragments de pièces isolées Matériel relevant d'un nombre restreint d'ensembles de débitage Échelle de proximité identique pour tous les produits raccordés, quel que soit le type de raccords et l'origine des pièces indépen

dance identité

Stade de i identification POSTE DE DÉBITAGE. AMAS DE REJET

Présence de pièces dont le matériau est différent de celui des nucleus débités Variation de l'indice laminaire selon qu'on limite la concentration à C-ll ou qu'on

l'élargit aux carrés périphériques : dispersion organisée des produits autour d'un poste de débitage

Infériorité importante des fragments proximaux sur les autres types de fragments dans le matériel remonté

Absence de séries complètes de pièces de ravivage Faible nombre de cassons

t Sous-représentation des produits constitutifs du débitage laminaire par rapport aux produits de plein débitage

poste de débitage

amas de

rejet

Remarque : discontinuité du débitage absence quasi totale de produits d'épannelage, absence relative de produits de mise en forme (ou quasi totale : nucleus 331), absence relative de lames à crête, absence relative de pièces portant des traces de préparation, absence relative de pièces accidentées, situation finale de la plupart des pièces accidentées

Mise en forme des nucleus à l'extérieur de la zone fouillée.

Première phase d'exploitation laminaire à l'extérieur de la zone fouillée ?

Préalables indices de perturbation géologique ; indices de perturbation anthropique indices de perturbation animale

Distribution excessivement groupée du matériel sur une faible surface Limites nettes de cette distribution (chute brutale de densité) Limite ouest caractéristique d'un « effet de paroi » Variabilité de l'échelle des raccords entre fragments d'une même pièce : pratiquement

pas de pièces en connexion Absence d'un modèle de dispersion des produits en fonction de leur appartenance à une

unité ou de leurs caractères technologiques Orientations dominantes des raccords convergeant vers le centre de la concentration

sa

z 2 p-H G

Identité globale de représentation des diverses unités sur toute l'épaisseur du dépôt.

Stade de l'interprétation : insertion de cette structure dans l'ensemble de l'espace structuré Données et vision pluridisciplinaires

58 SYLVIE PLOUX

de faible épaisseur dans laquelle les déplacements verticaux n'ont pu qu'être nuls ou minimes.

Il se concentre sur une superficie restreinte et bien délimitée, excluant un piétinement qui aurait provoqué un éparpillement des produits ainsi qu'un accroissement artificiel de l'indice de fracturation. On devrait alors observer un nombre bien supérieur de raccords entre fragments de pièces, dont certaines en connexion.

Enfin, sa distribution à l'intérieur de la zone et son rapport avec la topographie présumée excluent la possibilité d'un lessivage du terrain ayant entraîné le matériel vers la pente.

Le postulat selon lequel la structure est en place, quelle que soit sa nature, est donc justifié et nous permet d'entreprendre une analyse de l'atelier.

Le tableau 15 présente les informations jugées significatives.

Pour ce qui concerne les données technologiques, précisons que le caractère « présence de matériau exogène » peut donner lieu à une seconde hypothèse, dans laquelle la concentration lithique apparaîtrait comme un poste de débitage doublé d'une zone de rejet.

Pareillement, la pertinence des caractères « sous- représentation de débris » et « déséquilibre numérique entre les produits de plein débitage et ceux constitutifs du débitage laminaire » est annulée ou limitée si l'on fait intervenir la variable « continuité-discontinuité du débitage » ; là aussi, le fait n'intervient pas directement sur la notion de poste de débitage.

Il est en effet pratiquement acquis que la mise en forme initiale des rognons n'a pas été effectuée en G-ll, ni même dans l'enceinte de la zone fouillée. Bien plus, la possibilité d'une exploitation laminaire également extérieure à cette zone est envisageable. Elle ne concernerait qu'une première phase de débitage car des produits résiduels et constitutifs d'un débitage laminaire sont présents en G-ll, qui se rattachent à la fin du débitage.

Cette variable permet alors d'envisager les différents cheminements de l'exploitation des rognons depuis le lieu d'approvisionnement jusqu'à celui de leur abandon (fig. 13). Compte tenu des données, quatre modèles sont envisageables. Trois d'entre eux aboutissent à la conclusion « transport du matériel en C-ll », soit à l'interprétation «amas de rejet». Quel que soit le cheminement considéré, chaque modèle présente des insuffisances.

Premier cas, la mise en forme et la première exploitation laminaire sont effectuées sur les lieux d'approvisionnement, la seconde en C-ll : comment expliquer la composition de l'unité 331 pour laquelle

ne manquent que les produits de mise en forme et de ravivage?

Deuxième cas, la mise en forme est effectuée sur les lieux d'approvisionnement, la première exploitation laminaire dans une zone non fouillée, la seconde en C-ll (il s'agit là d'un schéma bien complexe avec trois ruptures spatio-temporelles) : comment expliquer l'absence de produits constitutifs de la dernière phase laminaire, et qui n'ont pas été retrouvés dans le matériel retouché (en particulier de séries complètes de tablettes de ravivage) ?

Troisième cas, la mise en forme et la première exploitation laminaire sont effectuées dans une zone non fouillée, la seconde en C-ll : même question que précédemment.

Quatrième cas, la mise en forme et la première phase laminaire sont effectuées sur les lieux d'approvisionnement, la seconde exploitation laminaire dans une zone non fouillée : comment expliquer l'absence de produits constitutifs de la dernière phase laminaire, et qui n'ont pas été retrouvés dans le matériel retouché, à moins d'envisager le rejet d'une partie seulement (et d'une partie triée) des produits résiduels en C-ll?

Par ailleurs, on ne peut hisser ces modèles à un niveau interprétatif, ne serait-ce que par l'impossibilité d'un cumul de leur probabilité. D'une part, il s'agit de schémas explicatifs ; d'autre part, ils ne font pas intervenir un jeu purement statistique. Au contraire, chaque modèle se présente comme une unité indépendante, à la fois soumise à la nature du contexte (archéologique c'est-à-dire partiel et ténu), et à notre mode d'appréhension ; or celui-ci est tributaire de l'idée implicite selon laquelle la totalité du matériel constituant cette concentration possède une histoire commune, elle-même tributaire de notre reconnaissance de la concentration en tant que structure à part entière, c'est-à-dire en tant qu'entité d'un point de vue purement technologique.

Pour ce qui concerne les informations de type synchronique, les deux principales variables habituellement significatives de la présence d'un poste de débitage in situ (proximité entre fragments de pièce et préséance d'un modèle de dispersion) infirment ici l'hypothèse. La distribution du matériel est aléatoire, la seule organisation décelable se calquant sur les zones de plus ou moins grande densité, tributaires de la topographie du terrain.

Par contre, la morphologie de la surface de dépôt est très particulière : elle présente un effet de paroi bien marqué à l'ouest. Sa formation ne semble pouvoir résulter d'un obstacle préexistant au dépôt. En effet, d'après la morphologie et l'orientation de l'amas d'une

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 59

transport

2fE.L.

V E.L.

M. F C - II

Lieu d'abandon du matériel

Lieu d'exploitation des nucleus :

donnée négative . donnée positive .

Z. F. Z.NF. L.A. Fig. 13. — Discontinuité dans la chaîne opératoire et implications.

part, la distribution des produits d'autre part, le rejet n'a pu se faire qu'en une fois et à partir de l'ouest.

Un effet de paroi peut effectivement apparaître du fait de la présence d'un obstacle, souche ou autre, contre lequel les produits viendraient buter. Imaginons que ceux-ci soient évacués depuis l'est. Un tel alignement suppose un geste vif (et répété s'il est effectué au cours du débitage), qui a toutes chances de provoquer une répartition des produits en densité décroissante depuis l'obstacle, de l'ouest vers l'est. Le fait n'est pas observable ici. Imaginons maintenant que le rejet ait été effectué à partir de l'ouest. L'effet de paroi est pratiquement impossible à obtenir sur une telle longueur : il faudrait viser précisément la limite de l'obstacle et libérer le matériel de manière à ce qu'il suive un axe bien vertical. Si le dépôt est contemporain du débitage, il est peu probable que le tailleur ait manifesté une telle préoccupation. D'autre part, la structure marquerait un certain parallélisme entre ses limites ouest et est. Ce fait n'est pas non plus observable. La formation de cet effet de paroi semble donc bien inhérente au mode de dépôt du matériel, « balayage » du sol ou évacuation à partir d'un contenant, établissant par là même l'unité de formation de la structure.

Cette proposition est confortée par les informations de type diachronique qui ne révèlent aucun indice de succession entre les différentes unités mais bien un mélange très homogène de tous les produits, caractéristique rendant compte d'une contempo- ranéité de dépôt.

L'hypothèse d'une évacuation du matériel à partir d'un contenant, à l'inverse de l'hypothèse d'un « balayage » du sol, sous-tend la notion de transport et donc de collecte des produits. Elle présente ainsi le mérite d'expliquer certaines anomalies dans la composition technologique du matériel, notamment

la sous-représentation de produits dont les dimensions (débris) ou les caractéristiques (fragments proximaux) empêchent un ramassage exhaustif. Parallèlement, l'absence de ces produits dans le matériel signifierait que le poste de débitage était extérieur à la zone fouillée, soit situé plus au sud, soit sur le talus.

S'il est vrai que la presque totalité des indices renvoie à l'hypothèse amas de rejet, aucun d'entre eux, considéré indépendamment, n'aboutit à une identification satisfaisante et définitive de cet atelier. En revanche, leur portée cumulative a permis d'élaborer un modèle cohérent par lequel les données s'articulent en se complétant ou en s'impliquant. Ce modèle n'est qu'une probabilité liée à une somme d'informations brutes et partielles, que l'on organise en un ensemble. Seule sa cohérence en constitue la garantie.

Un certain nombre de problèmes subsistent toutefois.

Le premier concerne le choix de G-ll comme lieu d'évacuation. D'après la topographie des lieux, le poste de débitage ne pouvait se situer qu'en périphérie de l'habitat dont la fouille couvre l'essentiel. Pourquoi alors en transporter les déchets dans une zone d'occupation plus centralisée?

En second lieu, les données semblent indiquer une discontinuité dans le débitage laminaire commune à tous les nucleus, excepté le nucleus 331 qui paraît devoir son « intégrité » à la mauvaise qualité des produits obtenus. Une rupture dans la chaîne opératoire après dégrossissage et mise en forme des rognons est concevable et attestée sur de nombreux sites. Elle relève généralement soit d'une préparation effectuée sur les lieux d'approvisionnement, soit d'un travail global effectué sur le site même afin de constituer un lot de nucleus préformés. On ne peut trancher ici, la fouille ne couvrant pas la totalité du gisement. De manière générale, des produits corticaux

60 SYLVIE PLOUX

existent dans le matériel, mais dans des proportions apparemment faibles. Une rupture dans la phase laminaire est par contre difficilement compréhensible. Cette hypothèse découle de l'absence relative des produits de début et de plein débitage dans le matériel de G-ll, essentiellement composé des derniers produits laminaires et des produits constitutifs de ce débitage. La rupture se situerait donc un peu avant la fin du débitage de lames, à une étape où la qualité des produits obtenus baisse. Ces nucleus auraient-ils été abandonnés juste avant d'atteindre leur limite d'exploitation, repris et redébités en un lieu voisin, par un « apprenti » par exemple18, puis les déchets collectés et évacués en C-ll?

Le dernier point joue indirectement sur l'identification de l'amas. Il concerne l'absence quasi totale de raccords avec des pièces extérieures à la concentration, et l'absence totale de raccords avec des pièces retouchées. Or, la composition de l'ensemble est résiduelle et des prélèvements importants ont été effectués. L'obstacle que constitue l'homogénéité des matériaux et la transformation possible des produits est réel mais limité, et il est peu probable que nous n'ayons reconnu absolument aucun de ces produits dans le matériel examiné. Faut-il concevoir leur départ massif, comme s'il s'agissait des dernières productions avant l'abandon du site? Si les critères de

18. 11 s'agit là d'une hypothèse de travail, liée à un cumul de faits et d'observations diverses. Citons pour exemple : la rupture spatio-temporelle du débitage, l'absence totale de produits laminaires de plein débitage ; un débitage poussé à l'exhaustion alors que la médiocre qualité des produits à venir était prévisible ; l'abandon de ces produits de fin de débitage et leurs caractéristiques technologiques ; le débitage d'un nucleus visiblement affecté d'un maximum d'inclusions et l'abandon de la totalité de ses produits, de qualité prévisible, etc. Néanmoins, nous n'avons pas été en mesure d'explorer plus avant cette hypothèse. Une étude comparative de ces unités de remontage aurait pu révéler une parenté au niveau des caractéristiques technologiques des produits débités, mais le nombre de pièces par nucleus étant trop faible, cette étude ne présente aucune valeur statistique. Par ailleurs, l'absence des produits de début et de plein débitage annulait toute possiblité de comparaison avec les produits remontés ; cette confrontation aurait également pu révéler des différences significatives. Le seul élément qui puisse être exploité avec quelque certitude concerne l'absence de rupture au niveau de la méthode d'exploitation de chacun des nucleus. Dans le cadre de cette hypothèse, cela suppose d'une part un tailleur déjà expérimenté, d'autre part le « respect » d'un schéma opératoire très stéréotypé, schéma qui n'est pas aussi systématique pour les unités de remontage provenant des autres zones du site. Pour l'heure donc, on ne peut qu'attendre la confrontation entre les résultats de l'étude technologique de l'ensemble du matériel et ceux de la structuration de l'espace, confrontation de nature à étayer cette hypothèse.

sélection apparaissent « clairement » pour ce qui concerne le choix des lames, ils sont moins nets pour ce qui concerne celui d'autres catégories de produits, les éclats de ravivage ou de remise en forme ponctuelle par exemple, dont une partie seulement est présente. Par ailleurs, l'apparente discontinuité dans la phase laminaire pourrait alors se réduire à la conséquence d'un prélèvement excessivement orienté. Comment tester cette nouvelle possibilité?

Mais surtout, devant le constat de données « trop archéologiques » et de fils de reconstruction trop ténus, comment passer légitimement du stade pratique de l'identification à celui, théorique, de l'interprétation ?

Remontage et technologie ont été conçus comme deux techniques complémentaires permettant de résoudre un problème bien précis : l'identification et l'interprétation d'un amas lithique implicitement considéré ou du moins abordé comme une entité à l'intérieur du site.

De fait, ces techniques ont effectivement permis d'identifier la présence d'un atelier de débitage dans la couche VI du Flageolet. Elles ont également fourni les fondements à l'élaboration d'un modèle interprétatif logique et cohérent, qui conduit à rejeter l'hypothèse d'un poste de débitage et à conclure à la présence d'un amas de rejet. Elles ont enfin contribué à éclairer la multiplicité de variables susceptibles d'intervenir, à des degrés divers et inconnus, dans la formation d'une image archéologique. Il devient effectivement gênant de parler de « données » dans ce contexte, le terme étant généralement conçu pour désigner un objet incontestable et intégral, possédant en soi sa propre explication. Par suite, elles ont soulevé plus de problèmes qu'il n'en paraissait de prime abord, se révélant parfois insuffisantes à elles seules pour les résoudre de manière certaine.

Ainsi la nécessité apparaît-elle finalement de toujours construire une démarche mettant en jeu une vision aussi interdisciplinaire que possible du fait archéologique. Elle seule peut permettre d'évaluer les limites des informations recueillies et de tester les insuffisances des modèles explicatifs envisagés. Dans un contexte qui se veut « palethnologique », c'est la condition même de validation de toute entreprise, que celle-ci se limite à un domaine précis ou non, spécialisé ou non.

A l'issue de cette étude, un autre problème général apparaît, qui est celui de la rentabilité d'une démarche fondée sur le remontage, en regard des résultats obtenus.

De manière théorique, nous ne pouvons que nous

TECHNOLOGIE ET REMONTAGE. LE FLAGEOLET I 61

rallier à la déclaration suivante : « La pratique du remontage soulève le problème des limites de rentabilité de cette recherche. On pourrait concevoir de poser certaines questions précises et de s'arrêter dès les réponses trouvées. Cependant, comme les résultats des remontages sont cumulatifs, une telle attitude ne permettrait pas d'atteindre les objectifs qui nous semblent essentiels. Ainsi, les remontages sont riches d'enseignements dans le domaine des techniques de fabrication, mais ils montrent aussi, et surtout, comment s'organisait le travail. S'il est utile de poser certaines questions au départ, chaque problème résolu en soulève de nouveaux et ce ne sont pas les moindres qui surgissent lorsque les opérations sont largement engagées. Si la recherche de remontages n'est pas conçue de manière globale, elle n'apportera que des résultats ponctuels, parfois spectaculaires mais qui ne contribueront guère à l'interprétation générale du site »19.

Ici, les informations recueillies se sont effectivement révélées cumulatives car s'impliquant ou se contrant les unes les autres, et permettant d'évaluer la pertinence et les limites de chacune d'entre elles.

19. D. Catien, G. Karlin, L. Keeley et F. Van Noten, 1980.

Néanmoins, l'indice de remontage obtenu est, de manière générale, excessivement faible, ne permettant aucune vision palethnologique précise du site. Cet indice est difficile à estimer, un décompte global du matériel n'ayant pas été effectué. Il ne présente aucune commune mesure avec les remontages conséquents réalisés sur les habitats de plein air.

Le fait est-il lié à une différence dans le mode d'occupation de ces deux types d'habitat? Les tentatives concernant les sites sous abri sont encore trop peu nombreuses pour fournir quelques explications. Ce que l'on peut remarquer dans le cas de la couche VI du Flageolet I, c'est que la majorité des raccords ont été obtenus très rapidement ; que la persistance de la tentative s'est, proportionnellement, révélée infructueuse ; que la majorité des raccords sont excessivement concentrés et correspondent à une structure reconnue dès la fouille ; qu'à l'intérieur de celle-ci enfin, l'indice de remontage est de 1/2 alors qu'il est pratiquement nul ailleurs.

Sylvie Ploux20

20. U.R.A. 28 « Préhistoire et Technologie », G.N.R.S., 1, place Aristide-Briand, 92190 Meudon.

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