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Chapitre publié dans l'ouvrage Paysages urbains [parisiens] et risques climatiques, Archibooks, octobre 2016, p. 158-176 [ISBN 978-2-357-33415-1] L’architecture et la performance énergétique : faire converger atténuation et adaptation Jean-Marie Alessandrini, Elizabeth Blanchard, Philippe Fromy, Marie-Christine Gangneux Introduction Cet article traite des interactions qui peuvent exister entre les actions mises en œuvre à l’échelle du bâtiment selon qu’elles visent l’atténuation ou l’adaptation au changement climatique et leur impact sur la conception du bâtiment. L’objectif est de montrer que les questions de l’atténuation et de l’adaptation ne peuvent être traitées indépendamment. Les solutions constructives adoptées pour répondre à l’une peuvent nuire à l’autre. L’article propose une méthodologie de nature à traiter de façon continue et itérative les différentes exigences et contraintes qui pèsent sur la conception, qu’elles relèvent de l’adaptation ou de l’atténuation. Cette méthode s’appuie sur le développement des outils informatiques et sur la construction de scénarios différenciés dans l’exploitation du bâtiment. Si des références manquent encore pour prouver son caractère opérationnel les outils existent et des approches partielles ont déjà été réalisées sur des cas d’étude en phase conception. En ouverture, l’article revient sur les notions d’adaptation et d’atténuation dans le contexte du changement climatique. Il part du métier de l’architecte et sa façon de jongler avec les exigences et contraintes à court ou long termes dans son exercice de création. L’étude explore, par la pratique de la conception, la présence avérée ou non d’antagonismes entre l’architecture et les économies d’énergie, levier de l’atténuation du changement climatique. Les solutions envisagées, en l’absence de références, nous amènent à proposer une démarche qui vise à sécuriser les projets innovants en quantifiant leurs limites de fonctionnement à l’aide de la modélisation. Les approches utilisées en sécurité incendie servent de support pour développer et structurer une méthodologie capable, d’une part, de sécuriser les bâtiments, d’autre part, de traiter les interfaces entre les disciplines de manière à valoriser les complémentarités dans la perspective de limiter les coûts. Il introduit finalement les étapes à franchir pour disposer d’une approche aboutie.

et la performance énergétique : faire converger

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Page 1: et la performance énergétique : faire converger

Chapitre publié dans l'ouvrage Paysages urbains [parisiens] et risques climatiques, Archibooks, octobre 2016, p. 158-176 [ISBN 978-2-357-33415-1]

L’architecture et la performance énergétique : faire converger atténuation et adaptation

Jean-Marie Alessandrini, Elizabeth Blanchard, Philippe Fromy, Marie-Christine Gangneux

Introduction

Cet article traite des interactions qui peuvent exister entre les actions mises en œuvre à l’échelle du

bâtiment selon qu’elles visent l’atténuation ou l’adaptation au changement climatique et leur impact

sur la conception du bâtiment.

L’objectif est de montrer que les questions de l’atténuation et de l’adaptation ne peuvent être

traitées indépendamment. Les solutions constructives adoptées pour répondre à l’une peuvent nuire

à l’autre. L’article propose une méthodologie de nature à traiter de façon continue et itérative les

différentes exigences et contraintes qui pèsent sur la conception, qu’elles relèvent de l’adaptation ou

de l’atténuation. Cette méthode s’appuie sur le développement des outils informatiques et sur la

construction de scénarios différenciés dans l’exploitation du bâtiment. Si des références manquent

encore pour prouver son caractère opérationnel les outils existent et des approches partielles ont

déjà été réalisées sur des cas d’étude en phase conception.

En ouverture, l’article revient sur les notions d’adaptation et d’atténuation dans le contexte du

changement climatique. Il part du métier de l’architecte et sa façon de jongler avec les exigences et

contraintes à court ou long termes dans son exercice de création. L’étude explore, par la pratique de

la conception, la présence avérée ou non d’antagonismes entre l’architecture et les économies

d’énergie, levier de l’atténuation du changement climatique. Les solutions envisagées, en l’absence

de références, nous amènent à proposer une démarche qui vise à sécuriser les projets innovants en

quantifiant leurs limites de fonctionnement à l’aide de la modélisation. Les approches utilisées en

sécurité incendie servent de support pour développer et structurer une méthodologie capable, d’une

part, de sécuriser les bâtiments, d’autre part, de traiter les interfaces entre les disciplines de manière

à valoriser les complémentarités dans la perspective de limiter les coûts. Il introduit finalement les

étapes à franchir pour disposer d’une approche aboutie.

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Le changement climatique : Retour sur les notions d’adaptation et d’atténuation.

Les mesures d’atténuation du changement climatique visent à limiter les émissions de gaz à effet de

serre. A l’échelle nationale, cet effort quantifié est de réduire par quatre ces émissions. Tous les

secteurs sont concernés. Dans le bâtiment, pour répondre à cet objectif, plusieurs actions ont été

construites. La plupart repose sur le principe de réduire la consommation énergétique en particulier

celles produites avec des énergies fossiles. Le renforcement des exigences énergétiques des

bâtiments à travers les réglementations thermiques1 est une des mesures qui illustre le mieux la

volonté des pouvoirs publics.

Les mesures d’adaptation au changement climatique visent à adapter le bâtiment de manière à ce

qu’il fonctionne même sous des conditions climatiques différentes. Il convient de distinguer les

évolutions progressives du climat qui feront le quotidien du bâtiment de demain, des aléas

climatiques qui soumettent le bâtiment à des conditions extrêmes de manière exceptionnelle. Cet

aléa confronté à la vulnérabilité du bâtiment et de ses occupants conduit à un risque qu’il convient

d’estimer pour mieux s’en prémunir par des mesures adaptées.

Dans l’exercice de conception, l’adaptation aux évolutions lentes n’est pas systématiquement prise

en compte. Pour les travaux liés à l’énergétique des bâtiments ce constat est fréquent car les

données météorologiques prospectives adaptées aux calculs d’énergétique du bâtiment ne sont pas

toujours disponibles pour les décennies à venir. Les règles de dimensionnement ou de calculs des

besoins énergétiques restent construites avec des données de bases climatiques effectives et non

prospectives. En revanche, la prise en compte des aléas pour établir la vulnérabilité des constructions

est une démarche courante ; la carte du risque sismique2 en est un exemple, plus répandues encore

sur le territoire les mesures qui visent la sécurité incendie sont déployées dans l’espoir de ne jamais

servir. En génie climatique, un plan canicule3 a été développé à l’échelle nationale pour éviter les

conséquences funestes.

Ces exigences dans le fonctionnement au quotidien et les mesures de sécurité imposées ou non par

les réglementations ont un impact sur la conception. Comment l’architecte compose avec ces

éléments ?

1 Arrêté du 11 décembre 2014 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique applicables aux bâtiments nouveaux et aux parties nouvelles de bâtiment de petite surface et diverses simplifications, ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, NOR : ETLL1414239A Arrêté du 3 mai 2007 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants, Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, NOR : SOCU0751906A Arrêté du 13 juin 2008 relatif à la performance énergétique des bâtiments existants de surface supérieure à 1000 mètres carrés, lorsqu’ils font l’objet de travaux de rénovation importants, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, NOR : DEVU0813714A 2 Zonage sismique de la France, art. D. 563-8-1 du code de l’environnement, http://www.developpement-

durable.gouv.fr/Presentation-de-la-reglementation,12989.html 3 Laaidi K., Pascal M., Système d’alerte canicule et santé 2004, (SACS 2004) rapport opérationnel, institut de veille sanitaire, avril 2004, 35 p

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Architecture et technique :

Toute décision technique impose un diagnostic préalable qui met en relation les besoins et les

ressources en énergie, les contraintes physiques et humaines apportées par le contexte, et les

contradictions à mettre en synergie dans la programmation. La diversité architecturale, comme

l’innovation, s’inscrit dans une démarche plurielle qui vise, dans le projet, à optimiser et à

hiérarchiser les éléments mis en évidence dans le diagnostic. C’est un processus itératif qui s’appuie

sur la pluridisciplinarité de l’équipe de maitrise d’œuvre sous la responsabilité de l’architecte. Le

projet est profondément culturel, ce qui lui permet de s’inscrire dans son époque et d’innover

formellement et techniquement. Il ne saurait être une abstraction idéalisant la réalité à travers des

normes et des aprioris qui finissent par être contreproductifs. Il n’y a pas de modèles reproductibles,

la conception d’après-guerre le démontre. Seule l’évaluation spécifique du potentiel localisé du

projet sert à optimiser.

La révolution industrielle a été un formidable moteur du renouvellement des formes architecturales

en proposant un large panel de structures techniques variant avec la diversité des nouveaux

matériaux comme la fonte, puis l’acier, puis le béton armé, puis le béton précontraint…

Actuellement, la structure n’est plus jamais un frein à l’innovation ; Architectes et ingénieurs se

complètent, leurs logiciels de dessin et de calcul ouvrent le champ de la création. En revanche,

depuis une quarantaine d’années4 l’exigence énergétique pose un nouveau défi à la construction.

En quoi la nouvelle démarche que constitue « la durabilité » est-elle une opportunité pour le

renouvellement des formes bâties et des espaces de vie ? Les notions comme la densité, la

compacité, l’orientation ou la complexité fonctionnelle sont-elles suffisantes pour alimenter

l’innovation architecturale et le confort des habitants ?

Il ressort que selon les époques et les progrès techniques, la perception d’une discipline change. La

question de la structure a intégré définitivement la création. Par contre, l’objectif national de diviser

par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 s’est traduit en actions concrètes sur

le bâtiment et ses équipements. Le renforcement des exigences de la réglementation thermique

actuelle1, impose essentiellement un niveau de performance avec un seuil de consommation

énergétique à ne pas dépasser et un niveau de confort à respecter. Il n’y a donc pas de solutions

techniques imposées qui pourraient être de nature à brider l’architecture. Cependant certaines

formes, à l’instar des tours ou des bâtiments avec une faible compacité, sont stigmatisées pour leur

prétendu « coût énergétique ». A l’inverse, le recours à des solutions constructives reconnues,

comme la compacité ou l’orientation sud des vitrages pour des raisons énergétiques, est de nature à

rassurer la maîtrise d’ouvrage. Pourtant, elles ont l’inconvénient de brider l’innovation, donc la

réponse à des évolutions sociétales, et de limiter l’anticipation indispensable aux changements

climatiques à venir.

Les projets évalués dans le cadre des appels d’offres de conception soutenus par le PUCA dans les

programmes REHA5 et CQHE6 ouvrent des perspectives. Le projet d’Architecture Studio7 démontre

4 La première réglementation thermique a été publiée par le Ministère de l’aménagement du territoire de l’équipement et

des transports, décret n°74-306 du 10 avril 1974 modifiant le décret n°69-596 du 14 juin 1969 fixant les règles générales de construction des bâtiments d’habitation. 5 Reha, requalification à haute performance énergétique de l’habitat collectif, programme du PUCA, http://www.reha-puca.fr/ 6 la méthode CQHE, Concept, Qualité, Habitat Energie, appel à idées, mai 2007, PUCA. 7 Concept habitat Tikopia, Rapport final des études de recherche et développement, AS. Architecture-studio, Quille, Alto Ingénierie S.A, ECO CITES, 2009

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que la mixité fonctionnelle permet des transferts énergétiques de proximité qui valorisent le parti

architectural d’une tour économe en énergie ; Le projet de l’équipe Alter Smith8 qui prend en charge

des positions urbaines à priori défavorables pour les économies d’énergies, valorise le détournement

pour satisfaire des habitants qui ne comprendraient pas d’être privés d’une vue intéressante au

nord ; l’équipe Tectone9 investit l’ilot pour mutualiser les apports de chaque unité d’habitation. Le

projet devient ainsi la démarche des compensations créatives, en élaborant des espaces tampons,

des modes de transferts de chaleur ou de froid, de nouvelles distributions ou de nouveaux espaces

de vie, et en faisant appel à la ville comme mode de compensations entre des situations favorables /

défavorables.

Tous mettent en évidence :

− le rôle de l’occupant ; L’usager doit pouvoir maitriser son environnement pour satisfaire sa

notion du confort, et mais aussi pour pouvoir choisir son mode de consommation énergétique.

− l’évaluation des dispositions prises ; L’évaluation des hypothèses de projet, des choix techniques

et de la qualité des réalisations est indispensable, elle est aussi la clef d’une diversité de

solutions adaptée au contexte physique et humain.

On constate que les évolutions ne seront pas normatives et qu’elles ne pourront être anticipées que

dans une relation dialectique entre le bâti et son contexte dans une optique de mutualisation et de

transfert. Les notions typologiques comme la mitoyenneté et la nature des façades, la structure

parcellaire et les masques, la distribution des fonctions, l’usage et la perception des habitants sont

autant de paramètres à intégrer et à hiérarchiser en rapport avec les choix techniques.

Le contexte humain peut être un potentiel comme un frein suivant la communication mise en place

et l’évaluation qui est faite à l’exploitation. La création et l’innovation ne sont pas des idées

abstraites mais au contraire des solutions concrètes non stéréotypées ancrées dans le contexte et le

programme.

L’ingénierie doit accompagner l’équipe de maitrise d’œuvre et son architecte dans son exercice de

synthèse avec le triple objectif de répondre aux exigences de performance, de garantir la sécurité

tout en préservant la diversité des projets. La mise en place de l’ingénierie de la sécurité incendie est

une référence intéressante car elle a donné des degrés de liberté à la conception.

Pour l’énergie, la situation est plus ambiguë car l’évolution est récente et les ordres de grandeur sont

bousculés ces dernières années. Au demeurant, la démarche nous intéresse et a servi de fil

conducteur à notre volonté de libérer la création et l’innovation pour dépasser les normes et les

solutions toutes faites.

8 Optimisation de la façade nord, recherche urbaine et technique appliquée à l’immeuble de logements collectifs : reconsidération des paramètres de confort dans le logement durable, AlterSmith architectes, Batiserf ingénierie, Cardonnel ingénierie, Saint-Gobain vitrages, Nantais d’habitations. 9 Habitat pluriel, terre et temporalités rapport de recherche, Tectône, RFR éléments, Terreal, 2009

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Atténuation : entre architecture et sobriété énergétique pas d’antagonismes avérés

Pour aborder le problème il convient de rappeler le contexte de la consommation d’énergie pour le

bâtiment. Avec deux tiers des consommations d’énergie du secteur résidentiel-tertiaire, le logement

est la cible prioritaire10. Or dans l’habitat, l’énergie consommée pour le chauffage et l’eau chaude

sanitaire représente les trois quart de la facture énergétique10. En conséquence, lorsque les

économies d’énergie sont évoquées l’essentiel du travail va s’attacher à réduire ces postes. Dans une

première étape, les solutions techniques visent donc à réduire les pertes de chaleur, d’une part, en

limitant les surfaces déperditives, d’autre part, en renforçant leur isolation. Dans une deuxième

étape la récupération des apports solaires en hiver est recherchée. Le bâtiment compact vitré au sud

devient le parangon de la performance énergétique. A l’extrême, la sobriété énergétique devient le

critère de jugement dominant comme le laisse penser cette « non qualité » extraite du programme

Rage : « La conception bioclimatique a été négligée du fait des exigences du maître d’ouvrage […]. La

vue (sur la mer, sur un sommet …) a été privilégiée à la recherche de performance et le bâtiment

n’est pas orienté de façon optimale. »11 Cet avis est symptomatique de la place occupée par les

économies d’énergie et de certaines pratiques qui tendent à uniformiser les bâtiments. En

conséquence, ils mettent en opposition architecture et performance énergétique. Le fait de devoir

choisir entre la vue et l’économie d’énergie devrait être perçu comme une limite de la technique et

l’objectif support à l’innovation. L’exemple qui suit montre comment une équipe de conception s’est

saisie de la question.

Soutenu par le PUCA dans le cadre du

programme CQHE, l’équipe de conception

pilotée par l’agence d’architecture Alter

Smith a développé un bâtiment conceptuel8

destiné au logement collectif avec une façade

nord entièrement vitrée pour conserver la

vue sur la Loire à Nantes.

10 Les chiffres clés, bâtiment, édition 2012, Ademe 11 Règles de l’art Grenelle Environnement 2012, retours d’expériences (REX), bâtiments performants et risques, Rapport, version 3, octobre 2014

Circulation de l’air pour le rafraîchissement (bleu), l’hygiène (vert) et le

réchauffement (rouge). « Optimisation de la façade nord »

« Optimisation de la façade nord», Alter Smith architectes

La solution technique met en œuvre deux

doubles vitrages dont l’espace séparatif

est réchauffé par la chaleur captée dans

un mur trombe au sud puis transférée au

nord. Le jardin d’hiver au sud, équipé,

d’une dalle en béton sur une structure

bois stocke les apports solaires et

préchauffe l’air neuf. Le confort d’été est

maintenu par la présence de masques

horizontaux et par l’inertie de la dalle

couplée à une forte capacité de

surventilation transversale grâce aux

grandes ouvertures réparties sur deux

façades.

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La maîtrise des pertes de chaleur, la récupération des apports solaires, un accès important à la

lumière naturelle et le maintien du confort d’été sans climatisation conduit à des niveaux de

consommation équivalent aux exigences du label BBC Effinergie de 2008 à l’époque de l’étude.

L’originalité de la solution porte sur la combinaison de composants d’enveloppes et d’équipements

énergétiques classiques et l’optimisation de leur fonctionnement.

Le programme CQHE dans son ensemble a soutenu sept projets pour étudier les conséquences du

relèvement du curseur de la performance énergétique sur la conception du bâtiment, les contraintes

fondamentales et les niveaux d’exigences des autres thèmes. L’exercice réalisé par les équipes de

conception a conduit à développer des projets de bâtiments de logements collectifs qui couvrent un

large spectre typologique de l’habitat en nappe à la tour de treize niveaux12. De l’analyse

multicritère13, il ne ressort pas une forme architecturale prédisposée à la performance énergétique,

qui est plutôt le résultat d’une conception sachant mettre en adéquation approche architecturale et

solutions techniques. Pour construire leurs concepts les équipes sont parties d’une réflexion

approfondie sur l’usage et se sont projetées dans le fonctionnement futur du bâtiment. Les solutions

s’appuient essentiellement sur les principes suivants : réduire les besoins, tirer parti des ressources

locales et mutualiser les activités. Dès lors, la performance du bâtiment est particulièrement sensible

à l’activité et à l’environnement extérieur.

Un passage à la réalisation demande un travail de scénarisation approfondi, ainsi qu’une bonne

appréciation du contexte local. Dès lors, les échanges soutenus avec la maîtrise d’ouvrage sont

nécessaires pour se projeter dans le fonctionnement futur du bâtiment. L’absence de référence pour

ces solutions présente un frein à la réalisation. Il est pourtant possible de sécuriser ces projets en

phase conception en établissant les conditions limites de fonctionnement. Il s’agit de tester la

capacité de la solution, portée par le principe de l’atténuation, à résister aux aléas climatiques. Cette

approche suppose, d’anticiper les réactions du bâtiment, en l’occurrence les conditions d’ambiance

intérieure, soumis à des situations de stress. Il convient donc de compléter les conditions normales

de fonctionnement par des scénarios avec des climats dégradés, typiquement une canicule pour le

confort thermique d’été, et des scénarios d’occupation particuliers. La construction des scénarios,

leur hiérarchisation en fonction notamment de leur fréquence sont des difficultés à résoudre.

Comment en fonction de l’aléa et de la vulnérabilité du bâtiment estimer le risque et le moyen de

s’en prémunir ? Pour répondre à ces questions, nous proposons de nous appuyer sur les méthodes

utilisées en sécurité incendie.

12 CQHE éléments de synthèse : développement durable, Marie-Christine Gangneux, Jean-Marie Alessandrini, Programme

Recherche PREB4T PUCA 2010. 13 Alessandrini J.-M, François C., Fromy P., Gangneux M.-C., Hognon B., Nibel S. L’exigence énergétique entre contrainte et innovation, PUCA, février 2014, 120p

Solution 3 : chaudière gaz

sur radiateur, ECS solaire

thermique

Solution 4 : chaudière gaz

sur plancher chauffant,

ECS solaire thermique.

Solution 5 : chaudière gaz

sur plancher chauffant,

ECS solaire thermique et

photovoltaïque 12

kWhep/m².an

« Optimisation de la façade nord », consommation énergétique pour différentes solutions et confort d’été

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L’adaptation : L’exemple de la sécurité incendie :

Le risque évoqué dans le cadre de la sécurité incendie relève d’un évènement accidentel et non

d’une évolution lente et progressive dont on est sûr qu’elle va se produire. Pour faire le parallèle

avec le changement climatique, le risque envisagé ici serait typiquement une canicule ou des

conditions climatiques favorables au développement des îlots de chaleur urbain.

La sécurité incendie a pour objectif, en cas de sinistre, de permettre la mise en sécurité des

personnes. En conséquence, il faut pouvoir évacuer le bâtiment ce qui suppose, d’une part, que la

structure résiste pendant la période d’évacuation, d’autre part, que des conditions d’ambiance

restent viables dans ce laps de temps. Dans les bâtiments, la sécurité incendie s’appuie sur :

l’évacuation, la résistance au feu des structures, le compartimentage, le désenfumage et la détection

et l’alarme. Dans les établissements recevant du public, où les personnes peuvent être présentes en

grand nombre, où elles ne connaissent pas forcément les lieux et où donc leur évacuation peut

nécessiter davantage de temps, la sécurité incendie repose également sur la réaction au feu des

matériaux et les moyens d’extinction. La réglementation incendie s’est construite par stratification.

Le premier règlement des établissements recevant du public date de 194114 et celui des bâtiments

d’habitation de 195815. Depuis, plusieurs versions ont été abrogées et remplacées par de nouveaux

textes. La réglementation incendie a évolué en fonction des sinistres pour arriver à sa forme actuelle.

Elle impose aux maîtres d’ouvrage d’adopter des moyens pour assurer un niveau de sécurité

acceptable.

L’obligation de moyens peut présenter des limites dans des bâtiments singuliers. Par exemple, pour

des raisons de préservation du patrimoine, il est parfois impossible de mettre en œuvre les

dispositions réglementaires relatives au désenfumage. Dans de tel cas, l’actuel règlement16 de

sécurité autorise le recours à l'ingénierie de sécurité incendie pour le dimensionnement des

systèmes de ventilation en alternative aux règles prescriptives. Il s’agit alors de dimensionner une

solution par une approche performantielle. En d’autres termes, les dispositifs de désenfumage sont

définis de sorte de satisfaire un objectif de performance, en considérant notamment les activités que

peut accueillir l’établissement et la position du public.

La démarche adoptée est résumée sur la Figure 1. Elle est présentée au travers d’un exemple. Il s’agit

d’un cas d’étude proposé en 2014 par la SFPE17 aux professionnels du domaine de la sécurité

incendie, afin de comparer les pratiques de l’ingénierie de la sécurité incendie à l’échelle

internationale. Ce cas d’étude est un bâtiment de bureaux de cinq niveaux qui, sur le plan aéraulique,

communiquent transversalement et verticalement de manière à favoriser la circulation de l’air entre

les niveaux. Dans sa réponse au cas d’étude, le CSTB a proposé une façade composée d’une double-

peau de sorte de maintenir un confort tout au long de l’année en s’affranchissant18 autant que

possible d’un système énergétique actif.

14 DECRET DU 07 FEVRIER 1941 concernant la protection contre les risques d’incendie dans les établissements recevant du public 15 Notice Technique du 1er décembre 1958 modifiée pour l'application du Règlement de la Construction, Cahiers du CSTB, livraison n°35, décembre 1958, cahier 283 16 Règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) du 25 juin 1980 17 La proposition du CSTB au cas d’étude SFPE est disponible librement : BLANCHARD E., KOUTAIBA M., TEISSIER O., ALESSANDRINI J.-M. and FROMY P. "French Case Study: Design an energy-efficient and fire safe building", CSTB, September 2014 18 À noter que, dans le cas d’étude, des éléments de calcul ont permis d’établir quelques limites du système proposé dans des conditions exceptionnelles.

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L’approche performantielle débute par l’identification des objectifs de sécurité. Il s’agit de définir

l’objet de la stratégie de sécurité incendie, ce à quoi on vise : permettre l’évacuation du personnel et

du public de l’établissement, permettre une intervention sure des pompiers, limiter la propagation

de l’incendie au sein du bâtiment et aux bâtiments voisins. À cette étape, il est judicieux de solliciter

les autorités pour convenir de ce qui est attendu de la stratégie de sécurité. Ensuite, il s’agit d’établir

les critères qui devront être respectés pour que chaque objectif soit atteint. Un critère renvoie à une

grandeur physique, une valeur seuil, voire également à une durée.

Perspective cavalière du bâtiment SFPE

Vue de dessus de 2 niveaux, on remarque les vides en

quinconce entre niveaux

L’originalité de la démarche repose sur la construction de

scénarios d’étude pour évaluer la stratégie de mise en

sécurité. Pour définir un scénario d’étude, il faut décrire le

lieu et préciser le rôle des systèmes participant à la stratégie

de sécurité incendie, le contenu combustible, les personnes

et leurs actions. Des scénarios peuvent être définis de sorte

d’intégrer une défaillance d’un système, la non-disponibilité

d’une issue de secours. Le maître d’ouvrage et l’exploitant

sont essentiels dans cette étape. Par exemple, ils établissent

la liste des activités possibles dans l’établissement, ils

précisent avec le coordinateur SSI la procédure incendie i.e.

comment la stratégie est mise en œuvre.

Dans le cas d’étude, sept lieux de départ de feu ont été

choisis de sorte que la probabilité d’occurrence d’un tel feu

soit non négligeable et que la puissance du feu et la position

soient susceptibles d’être contraignantes vis-à-vis des

objectifs de sécurité.

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Figure 1: Démarche adoptée dans une ingénierie de

sécurité incendie (19)

Sur la base de ces éléments, la stratégie de sécurité est établie par le bureau d’étude, dans le cas

présent le CSTB, en concertation avec le maître d’ouvrage (faisabilité économique, compatibilité avec

les activités), maître d’œuvre et les bureaux d’étude (faisabilité technique). Une stratégie repose sur

des mesures techniques (systèmes) et organisationnelles. Les éléments du dossier, simulations

numériques comprises, sont ensuite présentés aux autorités pour convenir de la performance de la

stratégie.

Après 10 ans de pratique de l’ingénierie de sécurité incendie, il ressort que le rôle et l’implication des

acteurs tout au long de l’étude sont primordiaux. En effet, il est essentiel que les acteurs aient la

capacité de se projeter dans le fonctionnement futur de l’établissement et qu’ils identifient les

limites potentielles en cas d’incendie.

Au final, le CSTB a proposé en réponse à cet exercice une stratégie de sécurité incendie qui exploite

la façade double-peau et les vides entre palier pour évacuer la fumée en cas de feu. Des écrans de

cantonnement, disposés au plafond à proximité des trémies, permettent de favoriser l’écoulement

de fumée dans certaines zones du bâtiment, de manière à préserver de l’enfumage, des zones jouant

un rôle dans l’évacuation. Des escaliers encloisonnés supplémentaires ont également été ajoutés en

face nord.

Ainsi, l’exercice proposé par la SFPE a été l’occasion de montrer qu’il est possible de sécuriser un

bâtiment tout en conservant un grand volume aéraulique. Cet exercice a également montré que le

système conçu pour un fonctionnement dédié au confort peut également servir pour la sécurité

incendie ce qui permet de mutualiser les coûts.

La question qui se pose alors est la suivante : Cette méthodologie peut-elle être étendue à la

question du changement climatique et de son impact sur le confort thermique et les risques

sanitaires encourus en fonction de l’intensité et de la durée d’exposition ? La question de

l’évacuation ne se pose pas de la même manière mais des synergies sont-elles possibles pour la

construction des scénarios et les critères d’exposition ? L’approche par scénarios proposée ici

permet-elle de traiter les interfaces entre disciplines ?

19 Extrait du rapport du PN-ISI « Ingénierie de sécurité incendie - Aperçu de la Méthodologie générale », A01-G1-T13a-RF, décembre 2009

Localisation des départs de feu

Visualisation de l’évacuation vers les escaliers fermés 30s après le

départ de feu puis 60 s.

À partir de ces éléments contextuels

et des caractéristiques du bâtiment,

des simulations numériques des

scénarios ont été réalisées.

L’utilisation de tels outils permet de

prédire, pour les scénarios définis,

l’enfumage et les conditions

thermiques à l’échelle du bâtiment

en fonction du temps ainsi que la

durée nécessaire à l’évacuation des

personnes du bâtiment.

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Chapitre publié dans l'ouvrage Paysages urbains [parisiens] et risques climatiques, Archibooks, octobre 2016, p. 158-176 [ISBN 978-2-357-33415-1]

Etendre la méthodologie : les synergies

L’exemple développé pour la sécurité incendie, montre que la méthodologie utilisée permet de

tester des conceptions et des organisations différentes soumises à des phénomènes physiques

identiques mais dans des situations contrastées. Le fait de jouer plusieurs scénarios de façon

anticipée permet de construire une stratégie adaptée. L’approche par scénarisation proposée ici

permet donc de traiter des phénomènes physiques identiques et de soumettre une même solution

technique à des situations différentes. Nous souhaitons l’étendre aux problématiques de

l’atténuation et de l’adaptation au changement. Pour établir un parallèle entre les disciplines, il

convient de distinguer les éléments contextuels suivants pour la construction des scénarios :

- la situation actuelle récurrente, considérée comme un fonctionnement normal pour estimer

une consommation dans le cadre d’une mesure d’atténuation du changement climatique,

- la situation à venir progressive, considérée comme un fonctionnement normal pour estimer

une consommation ou niveau de confort dans plusieurs décennies dans le cadre de mesures

d’adaptation à long terme,

- la situation exceptionnelle et de forte intensité, considérée comme un fonctionnement

dégradé pour estimer la capacité du bâtiment à s’adapter à un aléa climatique brusque à

l’instar d’une canicule.

La possibilité de jouer successivement plusieurs scénarios puis de quantifier les conditions de

fonctionnement résultantes permet de juger de l’efficacité pour une même opération des mesures

prises sur différents critères. Ainsi, cette approche permettrait d’évaluer, de façon cohérente, la

sobriété énergétique d’un bâtiment pour répondre aux exigences relevant de l’atténuation du

changement climatique, et de l’adaptation au changement climatique à travers, d’une part, sa

consommation calculée pour des scénarios climatiques représentatifs des décennies à venir, d’autre

part, les conditions d’ambiance intérieure (Température humidité) dans des situations caniculaires

amenées à devenir plus fréquentes.

L’approche permet également de travailler aux interfaces entre disciplines avec la possibilité de

mutualiser les scénarios. Dans ce cas les outils de calculs diffèrent mais, les scénarios bien que

différents sont construits de façon cohérente sur la base d’hypothèses communes liées à l’usage et

au contexte réglementaire, la densité du bâtiment et son mode d’exploitation. Une mutualisation

doit être possible pour construire des scénarios qui relèvent tous de différentes façons d’utiliser le

bâtiment.

L’intérêt d’une pratique croisée des disciplines permettrait d’exercer une ingénierie transversale avec

la possibilité d’aller vers des solutions qui mutualisent les équipements avec une possibilité

d’économie, voire de renforcer la sécurité du bâtiment. L’intérêt de cette pratique est illustré par le

cas précédent qui montre la possibilité d’utiliser un équipement (la façade double-peau) permettant

d’assurer à la fois performance énergétique et sécurité incendie. Le tableau suivant décrit le

fonctionnement de la double peau en situations normale (occupation nominale, températures dans

les normales saisonnières, pas de feu) et dégradée (épisode caniculaire, sureffectif et incendie).

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Confort thermique Sécurité incendie

Période En conditions normales Situation de stress thermique

Départ de feu dans le bâtiment Canicule (2 jours ou plus

avec T° nocturne >20°C) Effectif trop important

Eté diurne

Accumulation de la chaleur dans la dalle en béton - vantaux intérieurs fermés - vantaux extérieurs ouverts - stores vénitiens abaissés

- gestion des vantaux sans circulation de l’air dans la cavité - Horaire de travail adapté, ventilateur individuel, climatisation

- gestion des vantaux sans circulation de l’air dans la cavité - ventilateur individuel, climatisation

- Evacuation du bâtiment - vantaux intérieurs et extérieurs ouverts - extinction automatique à

eau

Eté nocturne

Pour rafraichir la dalle béton par surventilation : - vantaux intérieurs et extérieurs ouverts - stores vénitiens ouverts

Pas de travail de nuit Pas de travail de nuit

- Vantaux intérieurs et extérieurs ouverts - extinction automatique à eau

Fonctionnement de la double peau en situation normale et dégradée en été (thermique et incendie)

Il présente pour la période estivale, la plus sensible selon une approche confort thermique dans

notre contexte, les possibilités de la solution de conception retenue et la démarche d’analyse

performantielle commune à la thermique du bâtiment et à la sécurité incendie. Le travail réalisé a

permis d’entrevoir les limites de fonctionnement de la solution de conception et en particulier de la

façade double-peau. Les conditions intérieures au-delà desquelles l’activité ne pouvait plus être

garantie ont été identifiées ainsi que des mesures techniques et organisationnelles complémentaires

ou alternatives permettant le maintien de l’activité même en situation dégradée20. Ces mesures

destinées à assurer le maintien de l’activité en situation dégradée peuvent poser les bases d’une

analyse économique (coût d’installation, de maintenance d’équipements qui ne fonctionnent que

très rarement voire jamais), environnementale (bilan CO2) et sociétale (responsabilité des

occupants) de la solution de conception. La figure ci-dessous illustre le point de vue porté par les

auteurs.

20 On a pensé par exemple à la limitation de l’horaire de travail pendant un épisode caniculaire où à l’installation d’une

climatisation pour garantir le maintien de l’activité quel que soit les conditions de température extérieure. En situation de feu, une installation d’extinction automatique à eau viserait le même objectif.

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Une approche multidisciplinaire offre donc l’opportunité de trouver des solutions mutualisées. Les

moyens techniques pour assurer la sécurité ne sont plus alors perçus comme un investissement

perdu, dans la mesure où le souhait est qu’ils ne servent pas. Ils sont également utiles au

fonctionnement courant du bâtiment et leur état de marche est connu en permanence ce qui

renforce la sécurité de l’établissement.

La démarche performantielle, qui exige un résultat, se fait ou est rendue possible dans de plus larges

domaines. Les programmes de construction s’ouvrent parfois à cette culture en limitant les

obligations de moyen qui conduisent à des solutions stéréotypées. Dans le cadre du programme

expérimental « vers des bâtiments à énergie positive », organisé par le Plan Urbanisme Construction

Architecture, le maître d’ouvrage Habitat 7621 prévoit dans son opération à Malaunay d’introduire en

phase programmation des scénarios d’occupation types et des « situations de stress » en fonction de

son expérience. Il demande à l’équipe lauréate de prouver, via l’utilisation d’un logiciel de simulation

de thermique dynamique qu’un niveau acceptable peut être maintenu dans ces situations.

Mécaniquement les degrés de liberté sont plus nombreux et favorisent la diversité architecturale. En

fixant les exigences, l’équipe de conception a la possibilité de travailler sur des solutions qui soient

capables de répondre aux différentes exigences fixées.

Conclusion et perspectives

En définitive, le rôle de l’occupant et l’évaluation des dispositions prises lors de la conception sont

des points essentiels pour permettre à la création et à l’innovation de sortir des stéréotypes et d’être

ancrées dans le contexte et le programme.

Concrètement, la démarche commune d’évaluation de la performance de la solution ébauchée

présente l’avantage de donner plus de degrés de liberté au concepteur, par rapport à une règle ou

un programme prescriptif, sans nuire à la sécurité de l’opération. Le recours à des scénarios permet

de se projeter dans le fonctionnement futur du bâtiment et d’en déduire les limites de

fonctionnement et les adaptations possibles. Les outils numériques sont généralement disponibles

sur le marché. Les scénarios permettent d’assurer la cohérence des solutions dédiées à l’atténuation

et à l’adaptation, dans ce cas les jeux d’entrée diffèrent mais les phénomènes physiques sont

similaires. Par ailleurs, les scénarios facilitent le travail d’interface entre les disciplines. Les jeux

d’entrée sont construits en cohérences mais les phénomènes simulés sont différents.

Pour rendre plus accessible la démarche quelques étapes restent à franchir, en particulier les jeux de

données climatiques futures types ou extrêmes pour estimer les besoins d’énergie et les conditions

d’ambiances ne sont pas disponibles dans l’immédiat. Il conviendrait également de rendre plus

accessibles les critères du confort thermique puis de les situer par rapport à des critères

d’identification des risques sanitaires selon la vulnérabilité des personnes de manière à construire un

continuum et faciliter la prise de décision pour la maîtrise d’ouvrage. Nonobstant ces étapes, une

approche partielle est possible, il manque essentiellement de l’expérimenter à l’échelle une. Certains

maîtres d’ouvrage ont déjà inclus dans un cadre expérimental l’élaboration de scénarios

représentatifs de situations dégradées pour tester numériquement la résilience des solutions

techniques envisagées en phase conception.

21 http://rp.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca/activites/rapport-bepos-experimentations-malaunay.pdf