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1 D écrire la structure du systè- me de retraite français est un exercice qui apparaît redou- table si l’on a recours aux pré- sentations les plus couramment admises telles que, par exemple, la structure par piliers, la natu- re des régimes, à prestations ou à contributions définies, le choix de la technique de financement, répartition ou capitalisation, etc. Comparé aux principaux pays industrialisés, le système de retraite français se caractérise en effet par plusieurs traits : l’es- sentiel du revenu de re- traite est fourni par les régimes obligatoires, la technique de la réparti- tion exerce un quasi monopole pour le finan- cement de la retraite, les régimes de base sont nombreux et hétéro- gènes avec une adhé- sion fondée soit sur le statut ou la nature du contrat de travail, soit sur une base profession- nelle, les régimes com- plémentaires sont obli- gatoires pour les salariés du secteur marchand et ne paraissent pas cons- tituer un deuxième pi- lier distinct des régimes de base. Une autre caractéristique concer- ne les modalités d’acquisition des droits à la retraite dans ces ré- gimes par répartition : la France se distingue généralement des autres pays par l’existence, à côté des régimes de base à pres- tations définies fonctionnant en annuités, de régimes complé- mentaires de salariés à cotisa- tions définies fonctionnant selon la technique du point. Cet ensemble de caractéris- tiques, en particulier l’hétéro- généité des régimes de base au regard des règles de calcul et de liquidation des droits à la re- traite (âge légal de départ à la retraite, salaire de référence, durée d’assurance requise pour une pension à taux plein, taux d’annuité, etc.), rendent en outre particulièrement délicates les comparaisons des perfor- mances des régimes en matière de revenu de retraite : en l’ab- sence d’un dénominateur com- mun suffisamment large dans la diversité du système de retraite, le choix des pa- ramètres à ajuster au cours d’un processus de réforme d’ensemble s’avè- re difficile, et en fin de compte restreint, lorsque sont visés simultané- ment des objectifs d’équité intra et inter- générationnelle et des objectifs d’équilibre fi- nancier à long terme. Il n’est pas surprenant de constater que le récent rapport Charpin sur “L’avenir de nos re- traites” n’examine en fait la modification que d’un seul paramètre, à Document de travail de la Branche Retraites de la Caisse des dépôts et consignations n° 2000 - 25/26 Contact : Laurent Vernière = 01 40 49 89 55 — Réalisation : Direction de la Communication Jan Fév 2000 Et si la France adoptait la réforme des retraites de l’Italie et de la Suède : présentation de la méthode et analyse de scénarios. Dossier préparé par Laurent Vernière DANTE LE SITE INTERNET DE LA BRANCHE RETRAITES Observatoire des débats parlementaires, recueil hebdomadaire des textes et ana- lyses, observatoire des fonds de pension, revue de presse et analyse bimensuelle, monographie des régimes de retraite publique en Europe, comparaison des dispositifs, risques professionnels, simu- lation de calcul des pensions. Dante présente également des études et des informations sur la retraite et l’indemnisation des risques professionnels pour les employeurs, les affiliés et les retraités de la CNRACL, de l’IRCANTEC et de FONPEL. Vous pouvez aussi télécharger “Questions Retraite” à partir du site. Son adresse : www.caissedesdepots.fr/dante ISSN 1293-2868

Et si la France adoptait la réforme des retraites de l’Italie et de la … · 2012-09-19 · duel. Les exemples des réformes réalisées en Suède et en Italie1 montrent pourtant

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Décrire la structure du systè-me de retraite français est

un exercice qui apparaît redou-table si l’on a recours aux pré-sentations les plus courammentadmises telles que, par exemple,la structure par piliers, la natu-re des régimes, à prestations ouà contributions définies, le choixde la technique de financement,répartition ou capitalisation,etc. Comparé aux principauxpays industrialisés, le système deretraite français se caractérise eneffet par plusieurs traits : l’es-sentiel du revenu de re-traite est fourni par lesrégimes obligatoires, latechnique de la réparti-tion exerce un quasimonopole pour le finan-cement de la retraite,les régimes de base sontnombreux et hétéro-gènes avec une adhé-sion fondée soit sur lestatut ou la nature ducontrat de travail, soitsur une base profession-nelle, les régimes com-plémentaires sont obli-gatoires pour les salariésdu secteur marchand etne paraissent pas cons-tituer un deuxième pi-

lier distinct des régimes de base.Une autre caractéristique concer-ne les modalités d’acquisitiondes droits à la retraite dans ces ré-gimes par répartition : la Francese distingue généralement desautres pays par l’existence, àcôté des régimes de base à pres-tations définies fonctionnant enannuités, de régimes complé-mentaires de salariés à cotisa-tions définies fonctionnantselon la technique du point.

Cet ensemble de caractéris-

tiques, en particulier l’hétéro-généité des régimes de base auregard des règles de calcul et deliquidation des droits à la re-traite (âge légal de départ à laretraite, salaire de référence,durée d’assurance requise pourune pension à taux plein, tauxd’annuité, etc.), rendent enoutre particulièrement délicatesles comparaisons des perfor-mances des régimes en matièrede revenu de retraite : en l’ab-sence d’un dénominateur com-mun suffisamment large dans la

diversité du système deretraite, le choix des pa-ramètres à ajuster aucours d’un processus deréforme d’ensemble s’avè-re difficile, et en fin decompte restreint, lorsquesont visés simultané-ment des objectifsd’équité intra et inter-générationnelle et desobjectifs d’équilibre fi-nancier à long terme. Iln’est pas surprenant deconstater que le récentrapport Charpin sur“L’avenir de nos re-traites” n’examine enfait la modification qued’un seul paramètre, à

D o c u m e n t d e t r a v a i l d e l a B r a n c h e R e t r a i t e s d e l a C a i s s e d e s d é p ô t s e t c o n s i g n a t i o n s n° 2000 - 25/26Con ta c t : L au r en t Ve rn i è r e = 01 40 49 8 9 5 5 — Réa l i s a t i o n : D i r e c t i o n de l a Co mmu n i c a t i o n Jan Fév 2000

Et si la France adoptait la réforme des retraites de l’Italie et de la Suède :

présentation de la méthode et analyse de scénarios.Dossier préparé par Laurent Vernière

DANTELE SITE INTERNET DE LA

BRANCHE RETRAITESObservatoire des débats parlementaires,recueil hebdomadaire des textes et ana-lyses, observatoire des fonds de pension,revue de presse et analyse bimensuelle,monographie des régimes de retraitepublique en Europe, comparaison desdispositifs, risques professionnels, simu-lation de calcul des pensions.Dante présente également des études et desinformations sur la retraite et l’indemnisationdes risques professionnels pour lesemployeurs, les affiliés et les retraités de laCNRACL, de l’IRCANTEC et de FONPEL.Vous pouvez aussi télécharger “QuestionsRetraite” à partir du site.Son adresse :www.caissedesdepots.fr/dante

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

1 Cf. Questions Retraite n° 99-21 ”La réforme du système de retraite suédois : l’apparition d’un nouveau modèle de réforme ?”.Laurent Vernière, Septembre 1999.

Questions Retraite n° 99-22 ”La réforme du système de retraite en Italie”. Laurent Vernière, Octobre 1999.

savoir l’âge légal de départ à laretraite, parce que c’est une va-riable connue pour chaque régi-me de retraite alors qu’on estloin d’être assuré qu’elle consti-tue effectivement une variablede régulation possédant suffi-samment de propriétés incita-trices. Le choix de modifierd’autres paramètres aurait conduità de grandes difficultés statis-tiques de mesure et d’évaluationdes effets d’une réforme sur lesdifférentes cohortes de cotisantset de retraités.

Plus généralement, la questiondes modalités de régulation éco-nomique et financière à longterme des régimes de retraite enphase de vieillissement de la po-pulation reste posée en Franceet n’apparaît pas prioritaire dansles débats relatifs à la réforme dusystème de retraite. La réflexionn’a pas été engagée sur la possi-bilité de transformer le systèmede retraite afin, d’une part, detenter d’unifier les conditionsd’acquisition et de valorisationdes droits à la retraite des diffé-rentes catégories socioprofes-sionnelles et, d’autre part, d’in-troduire des mécanismes régula-teurs automatiques corrigeantl’effet du vieillissement indivi-duel. Les exemples des réformesréalisées en Suède et en Italie1

montrent pourtant qu’il est pos-sible de conserver la structure dusystème de retraite et la tech-

nique de la répartition pour fi-nancer les retraites tout en cor-rigeant les facteurs à l’origine ducoût financier et des inéquitésentre les individus. Ces réformessont fondées sur le principe dela “capitalisation virtuelle” quiconsiste à faire dépendre lemontant de la pension dechaque assuré de son effortcontributif total enregistré “vir-tuellement” dans un compte in-dividuel et de son espérance devie au moment du départ à la re-traite. Cette modification desrègles d’acquisition et de valo-risation des droits à la retraiteserait susceptible d’apporter uncertain nombre de solutions auxproblèmes posés par la régula-tion d’un ensemble disparate derégimes de retraite.

Après avoir rappelé les princi-paux paramètres des régimes parrépartition en annuités et enpoints, on examinera la logiquede fonctionnement d’un régimepar répartition en “capitalisa-tion virtuelle” qu’ont adopté lesréformes italiennes et suédoises.Dans un second temps, on es-saiera de mesurer l’écart entreles paramètres actuels et ceuxqui résulteraient d’un mécanismede capitalisation virtuelle. Dansun troisième temps, on évaluerala possibilité d’introduire la ”ca-pitalisation virtuelle” commemodalité de réforme fondamen-tale du système français dans le

but d’unifier les modalités d’ac-quisition des droits à la retraitequel que soit le statut profes-sionnel des assurés.

Régimes en annuités,régimes en points et

capitalisation virtuelle :les principaux paramètresdes régimes par répartition.

Les paramètres présentés sontétablis à partir de formules gé-nériques de calcul de la pensionau moment de sa liquidationdans chaque type de régime. Cesformules sont illustrées, dans lamesure du possible, par les règlesen vigueur dans les principauxrégimes en France.

a) Calcul des droits dans unrégime par répartition enannuités.

Le montant de la pension liqui-dée lors du départ en retraite dé-pend de caractéristiques indivi-duelles relatives à la carrièreprofessionnelle de l’assuré et deparamètres de liquidation adop-tés par le régime. Le montant Pide la pension de l’individu i estcalculé à l’aide de la formule sui-vante :

_T* wi*diPi = –––––––––––

d

où w– i est le salaire brut annuelmoyen de référence représenta-tif d’une fraction ou de la tota-

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

2 1,25% = (50 %) / 40.

3 Pour un taux de liquidation de 50 %, le taux de réfaction est bien égal à 1,25 % par trimestre manquant.

lité de la carrière salariale del’individu i, d i est la durée d’as-surance validée par l’individu i,d la durée d’assurance requisepour obtenir une pension à tauxplein, T le taux de liquidationde la pension ou encore le tauxde remplacement du salaire brutde référence w– i .

T et d sont a priori des paramètresfixes du régime. C’est pourquoi ilsn’ont pas été indicés. Ils permet-tent de définir le taux d’annuitéTan offert par le régime :

TTan = ––––

d

L’individu i va acquérir, au termede sa carrière salariale, une an-nuité a i qui dépend de son sa-laire brut de référence w– i

a i = w– i*Tan

Le montant de sa pension à la li-quidation sera égal au produit del’annuité a i par le nombre d’an-nuités validées d i :

Pi = a i * d i

Dans les régimes en annuités, unâge légal de départ à la retraiteest en général fixé à partir du-quel la liquidation peut être de-mandée. Il peut également exis-ter un âge maximum de départ àla retraite à partir duquel la pen-sion est perçue à taux plein quel-le que soit la durée d’assurancevalidée.

Les régimes des fonctions pu-bliques en France appliquent laformule précédente avec un tauxd’annuité Tan égal à 2 % et unedurée d’assurance maximale d de37,5 années, soit un taux deremplacement T de 75 % pourune carrière complète appliqué àun salaire brut de référence égalà la moyenne des salaires brutsdes six derniers mois de la car-rière. La pension est proratisée,via le facteur d i /d , en fonctionde la durée d’assurance validéelorsqu’elle est inférieure aunombre d’annuités nécessairepour obtenir une pension à tauxplein.

Le régime général (CNAV) uti-lise une formule plus complexeà l’issue de la réforme de 1993.Le taux de liquidation T, égal à50 %, dépend de la durée d’as-surance validée tous régimes,progressivement portée de 150à 160 trimestres entre 1994 et2003. Le taux d’annuité Tan seradonc égal à 1,25 %2 à partir de2003 pour une durée de 160 tri-mestres. Lorsque la durée vali-dée est inférieure à 160 tri-mestres, une réfaction de 1,25 %par trimestre manquant est ap-pliquée au taux de liquidation. Ilexiste une seconde proratisationde la pension en fonction de ladurée d’assurance qui ne dépendque de la durée d’assurance va-lidée dans le régime général, pla-fonnée à 150 trimestres. Le sa-

laire brut moyen plafonné de ré-férence w– i est progressivementcalculé sur une période qui re-présentera à partir de 2008 les25 meilleures années de la car-rière salariale. La formule de li-quidation utilisée dans le régi-me général s’écrit donc de lafaçon suivante :

d iPi = (1 - δn)* 50 % w– i* –––––150

δ est le taux de réfaction de 2,5 % 3 par trimestre manquantpour atteindre soit 160 tri-mestres validés tous régimes,soit l’âge maximum de départ àla retraite, 65 ans. Le nombre detrimestres manquants est n. Cesparamètres corrigent l’effet desdéparts anticipés. La proratisa-tion de la pension ne concerneque la partie validée au sein durégimes général ; elle est déter-minée par le facteur d i /150.

Comme les formules précé-dentes le montrent bien, le tauxde cotisation et donc l’effortcontributif réalisé au cours de lavie professionnelle n’intervien-nent pas dans le calcul des droitsà la retraite dans un régime enannuités. La durée de cotisationplafonnée et le montant du sa-laire brut de référence sont lesseuls arguments de l’histoireprofessionnelle individuelle uti-lisés pour calculer la pension aumoment de la liquidation. Toutepériode cotisée au delà de la

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b) Calcul des droits dans un régime en points.

Un régime en points est un ré-gime à cotisations définies danslequel, par définition, l’effortcontributif de l’assuré déterminele montant de la pension qu’ilpercevra. C’est pourquoi un ré-gime en points fixe chaqueannée les paramètres d’acquisi-tion et de liquidation des droitsà la retraite : le salaire de réfé-rence Sr qui est le prix d’achatdes points, la valeur du point Vpqui est le prix de liquidation dupoint, tc le taux de cotisationcontractuel et ta le pourcentaged’appel des cotisations. Bien quela notion de taux d’annuité est apriori étrangère à un régime

fonctionnant en points, il estpossible néanmoins de traduireles paramètres du régime entermes de taux d’annuité ins-tantané.

On note Pr i,t les points acquisl’année t par un cotisant i dontle salaire brut annuel est égal àW i,t

tc t * Wi,tPr i,t = ––––––––––––

Srt

Les points Pr i,t acquis dansl’année t par le salarié i valorisésau prix de liquidation du pointde l’année t, Vp t, définissentl’annuité instantanée a i,t :

Vpt*tc t * Wi,tai,t = Vpt * Pr i,t = –––––––––––––––

Srt

L’annuité instantanée ai,t est lemontant de la pension qu’ac-quiert le cotisant i pour l’annéet, montant calculé aux condi-tions d’achat et de valorisationdu point de cette année. Le tauxd’annuité instantané, Tan i,t , bé-néficiant l’année t au salarié i,est égal au rapport entre l’an-nuité ai,t et le salaire brut Wi,t :

a i,t Vpt* tc tTan i,t = –––––– = –––––––––

Wi,t Srt

Tan i,t = Tan t∀ i

Le taux d’annuité instantané esten fait le taux d’annuité du ré-gime puisqu’il ne dépend pas descaractéristiques individuelles :il est identique pour tous les co-

durée requise pour obtenir unepension à taux plein ne crée pasde droits à la retraite supplé-mentaires. Dans ces conditions,

le taux de cotisation est une va-riable endogène qui s’ajuste enfonction des besoins financiersdu régime et non pas pour dé-

terminer le montant de la pen-sion individuelle. C’est la ca-ractéristique des régimes à pres-tations définies.

Paramètres individuels

Paramètres du régime en annuités

• Durée d’assurance nécessaire pour liquider une pension à taux plein• Taux de liquidation ou de remplacement du salaire de référence

• Période de calcul du salaire brut moyen de référence• Âge légal de départ à la retraite et âge maximal de liquidation• Mode de revalorisation des pensions

• Durée d’assurance validée tous régimes et dans le régime• Salaire brut moyen de référence

Taux d’annuité

Taux de cotisation

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tisants du régime dans la pério-de courante. Il n’est pas constantau cours du temps puisqu’il dé-pend de la valeur annuelle dupoint, du salaire de référence etdu taux de cotisation, sauf si cestrois variables varient dans lemême rapport.

Les régimes en points définis-sent habituellement la notion derendement brut effectif, notéRBE, qui exprime le montant depension de retraite acquis encontrepartie d’un franc de coti-sations effectivement verséesaux conditions de la périodecourante, c’est-à-dire y comprisles cotisations appelées ne pro-duisant pas de droits (cotisationsversées pour un taux d’appel dif-férent de 100 %) :

VptRBE t = –––––––––––

ta t * Sr t

Compte tenu de sa formulation,le taux d’annuité s’exprime enfonction du RBE :

Tan t = RBE t * ta t * tc t

En fixant annuellement le RBE,le taux de cotisation et le tauxd’appel, les gestionnaires d’unrégime en points fixent égale-ment le taux d’annuité instan-tané. Dans l’hypothèse où,comme dans les régimes en an-nuités, les paramètres du régimeen points resteraient inchangésau cours du temps, un assuré ipourrait déterminer immédiate-ment le taux de remplacement(noté Tri ) de son salaire moyend’activité, égal au produit du

taux d’annuité et du nombred’années de cotisation di :

Tri = Tan * d i

On remarque qu’il y a une cer-taine proximité, dans le domai-ne des paramètres d’intérêt,entre les deux types de régimes,annuités ou points. Il est ainsitout à fait possible de calculer aposteriori l’équivalent d’un ren-dement brut effectif pour un ré-gime en annuités puisque sontconnus le taux d’annuité et letaux de cotisation de ce régime.Le RBE sera égal au rapportentre le taux d’annuité Tan et letaux de cotisation noté tc ;

Régime en annuités : Tan t

RBE t = –––––tct

Paramètres d’un régime en points

Paramètres fixés annuellement :• Salaire de référence (point d’achat du point)• Valeur du point (prix de liquidation du point)• Taux de cotisation• Pourcentage d’appel

• Mode de revalorisation des pensions• Âge légal de départ à la retraite

Taux d’annuité instantanéRBE

Paramètres individuels

• Salaire individuel• Durée d’assurance

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c) Calcul des droits dans un ré-gime par répartition à “capi-talisation virtuelle”.

Les régimes par répartition fonc-tionnant en “capitalisation vir-tuelle” sont ceux qui ont été misen place en Italie et en Suède àl’issue des réformes du systèmede retraite de ces pays. Ce sontdes régimes à cotisations défi-nies, comme les régimes enpoints, ayant les caractéristiquessuivantes :

• Chaque assuré est titulaired’un compte individuel,

• Les cotisations acquittéeschaque année par un assurécréditent “virtuellement” soncompte. Le “capital virtuel”accumulé est revalorisé chaqueannée selon un index repré-sentatif du taux de progressionde l’assiette des cotisations,

• Le montant de la pension li-quidée dépend du capital vir-tuel accumulé auquel est ap-pliqué un coefficient de conver-sion dont la valeur dépend del’âge effectif de départ à la re-traite et de l’espérance de vieà cet âge, c’est-à-dire le nombremoyen d’années restant àvivre au moment du départ à laretraite. La pension liquidéeest donc une annuité calculéeactuariellement en ce sens quela valeur actualisée du flux depensions perçues au cours de

la période de retraite est exac-tement égale au capital virtuelrevalorisé, accumulé durant lavie active. La question impor-tante est celle du choix dutaux d’actualisation (cf. infra).

La capitalisation est “virtuelle”parce que le régime continue defonctionner en répartition, lescotisations collectées finançantles dépenses de l’année couran-te et qu’il n’y a pas d’accumula-tion financière pour provisionnerles engagements du régime. Enconséquence, la valeur de l’an-nuité ne dépend en aucunefaçon des performances des mar-chés financiers. Elle dépend del’effort contributif réalisé aucours de la vie active, du taux derevalorisation du capital virtuel,du choix de l’âge de départ à laretraite et de la démographie vial’espérance de vie.

c.1) La détermination du coef-ficient de conversion.

La formulation du coefficient deconversion est reprise de la pré-sentation du dispositif de “capi-talisation virtuelle” exposée lorsde l’examen de la réforme dusystème de retraite en Suède eten Italie 4. Un assuré est repérépar son âge, noté a, et la géné-ration (année de naissance),notée g, à laquelle il appartient.La donnée du couple (a, g) défi-nit en fait l’année t (t = a + g)durant laquelle une décision

telle que le départ à la retraiteest susceptible d’être prise. Aucours de cette même année t, unassuré d’âge a+1 et de la généra-tion g-1 peut également partir àla retraite. Ces deux assurés ne severront toutefois pas appliquerle même coefficient de conver-sion pour calculer le montant deleur retraite. On appelle K a,g le“capital virtuel” accumulé parl’individu (a, g), ca,g le coeffi-cient de conversion utilisé pourune liquidation de la retraite àl’âge a par la génération g, Pa,gla pension liquidée par l’indivi-du (a, g) et ω l’âge de décès. Lecoefficient de conversion est dé-duit de l’égalité entre le capitalvirtuel et la valeur actualisée duflux de pensions perçues pen-dant la période de retraite, àl’instar du calcul des rentes via-gères par les actuaires :

Pa, g = c a, g * Ka, g

ω- a Pa, g*(1+r)j*L a+j,t Pa, gK a, g = Σ ––––––––––––––––– = ––––j= 0 (1+π)j*L a, t c a, g

d’où

1c a, g = –––––––––––––––––––––––––ω- a (1+r)j *L a + j, tΣ ––––––––––––––j= 0 (1+π)j*L a, t

où r est le taux de revalorisationde la pension P, π le taux d’évo-lution de l’assiette des cotisa-tions, avec r ≤ π5, La+j,t la pro-babilité de survie à l’âge a+j6,l’année t (t = a+g). Dans cette

4 Cf. les références de la note de bas de page n°1.

5 On fait l’hypothèse que les taux r et π sont constants pendant la période ω - a et quel que soit t.

6 Les taux de survie La+j,t sont issus des tables de mortalité utilisées dans les régimes de retraite. Ces dernières sont soit les tables de mortalitéétablies pour la population totale, soit les tables de mortalité établies pour les populations gérées par les régimes de retraite.

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formulation, la valeur du coeffi-cient de conversion dépend duchoix du “taux d’actualisation” squi est une fonction des para-mètres r et π telle que :

1 1 + r––––––––– = –––––––––

1 + s 1 + π

Le coefficient de conversion ca,gest une fonction croissante du“taux d’actualisation s”. Sa va-leur va se situer entre deuxbornes en fonction de la valeurde r, le taux de revalorisation dela pension.

• Si r = 0, la pension P servie àl’assuré (a, g) est constante entermes réels au cours du tempset le coefficient de conversionest égal à :

1c a, g = –––––––––––––––––––––––––ω- a L a + j, tΣ ––––––––––––––j= 0 (1+π)j*L a, tf

Le taux d’actualisation s est égalau taux de croissance π de l’as-siette des cotisations. Cette si-tuation suppose qu’il est possiblede disposer, au moment de la li-quidation à l’âge a, d’une prévi-sion de ce taux de croissancepour les (ω-a) années durant les-quelles la pension sera versée.En pratique, cette informationest rarement disponible et, entout cas, sujette à révision.

• Si r = π, la pension est in-dexée sur l’évolution de l’as-siette des cotisations. Le tauxd’actualisation s est nul et lecoefficient de conversion estexactement égal à l’inverse del’espérance de vie au momentdu départ à la retraite EVa,t :

1c a, g = ––––––––––EVa,t

Entre ces deux hypothèses (0 <r < π), la valeur du coefficientde conversion est en relation in-verse avec le choix du taux d’in-dexation r et en relation positi-ve avec le choix du “taux d’ac-tualisation” s. On a donc :

c a, g (r=π) < c a, g (0<r<π)< c a, g (r=0)

Pour contourner les difficultésdu choix en prévision des para-mètres r et π, les réformes sué-doise et italienne ont normé cesparamètres, d’une part, en adop-tant le principe de l’indexationdes pensions sur les prix (r=0),d’autre part, en fixant la valeurdu “taux d’actualisation s” à 1,5 %en Italie et 1,6 % en Suède .Toutefois, ce choix implique quele niveau de la pension, au mo-ment où elle est liquidée, est dé-terminé compte tenu d’un tauxde rendement implicite antici-pé de s % par an. Il en résultequ’avec cette norme, le niveauinitial de la pension liquidée est

plus élevé par rapport à la situa-tion où le coefficient de conver-sion est calculé avec un “tauxd’actualisation” s nul et une re-valorisation des pensions caléesur la progression de l’assiettedes cotisations (r = π). Dans cesconditions, le paramètre s estimproprement appelé “tauxd’actualisation” : c’est la va-riable retraçant le rendementimplicite du régime de retraitequi permet, par combinaisonavec la fixation du niveau initialde la pension, de choisir le pro-fil d’évolution de la pension aucours de la période de retraite.

Ainsi, le choix du coefficient deconversion se situe entre deuxbornes : soit on retient un tauxd’actualisation positif qui conduità un taux de remplacement ini-tial du dernier salaire élevé puisune règle de revalorisation despensions strictement calée surl’inflation (pouvoir d’achatconstant pendant toute la duréede perception de la pension),soit un taux d’actualisation nulqui conduit à un taux de rem-placement initial du dernier sa-laire plus faible mais avec uneindexation des pensions enterme réels calée sur un indica-teur représentatif des gains depouvoir d’achat de la rémunéra-tion des cotisants (progressionde l’assiette des cotisations, pro-gression du salaire net, etc.).

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Comme le montre le graphiqueprécédent, le choix du taux d’ac-tualisation traduit un arbitrage.Un taux d’actualisation positifpermet d’afficher un taux deremplacement élevé : il sera pré-féré par ceux qui ont une espé-rance de vie courte mais il a l’in-convénient de laisser la pensionconstante au cours du temps.Ceux qui ont une espérance devie longue verront en consé-quence s’accroître l’écart entreleur pension et celle des nou-veaux retraités. Cette situationpeut induire de la part des re-traités des demandes de rattra-

page du niveau des pensions. Al’inverse, le choix d’un tauxd’actualisation nul conduit à untaux de remplacement plusfaible mais avec une revalorisa-tion en termes réels de la pen-sion. Toutefois, la revalorisationen termes réels des pensions estégalement soumise au “risquepolitique” d’être remise en causedans l’hypothèse où le régime fe-rait face à des déséquilibres fi-nanciers.

Il en résulte que le taux d’actua-lisation doit être soigneusementchoisi pour éviter qu’il soit mo-

difié fréquemment. En effet, sile taux d’évolution réalisé del’assiette des cotisations πest in-férieur à la norme retenue s, lerendement implicite de la re-traite sera supérieur au taux quirend soutenable financièrementle système de retraite.

En pratique, la détermination ducoefficient de conversion se faiten fait en tenant compte de lapossibilité de réversion de la pen-sion au conjoint après le décès dutitulaire. La formule générale ducoefficient de conversion a alorsl’expression suivante :

où trev est le taux de réversion, a l’âge de départ du bénéficiaire, b l’âge de son conjoint (ou réversataire), t=a+g.

Profil d’évolution de la pension en termes réels en fonction du choix du taux d’actualisation et de la règle d’indexation

a : âge de départ à la retraite

Pen

sion

P

ω : décès

Taux d’actualisation positif,revalorisation des pensionscalée sur les prix

Taux d’actualisation nul,revalorisation des pensionscalée sur un indicateur de pouvoir d’achat

Ca, g =

+ trev * ( )

1ω - a

∑J = 0

ω - b∑

J = 0

ω - sup (a, b)∑

J = 0

La + j, t

(1 + s)j*La, t

Lb + j, t

(1 + s)j*Lb, t

La + j, t * Lb + j, t

(1 + s)j * La, t * Lb, t

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

c.2) Les autres paramètresd’un régime en “capitali-sation virtuelle”.

La taux de cotisation tc d’un ré-gime en “capitalisation virtuel-le” est une variable totalementexogène dont le niveau est fixéà partir de deux éléments :

• En premier lieu, les conditionsd’équilibre à long terme du ré-gime compte tenu des évolu-tions socio-démographiques,

• En second lieu, le partage sou-haité du revenu courant entrela part destinée à financer laconsommation courante et lapart destinée à financer laconsommation différée.

Le caractère exogène du taux decotisation vient de ce que, parconstruction, la “capitalisationvirtuelle” permet d’introduiredes mécanismes stabilisateursautomatiques qui rendent le ré-gime financièrement soutenableà long terme. Le mode de reva-lorisation du “capital virtuel” etde calcul des pensions respecteen effet la “règle d’or” que doi-vent suivre les régimes de re-traite par répartition selon la-quelle le rendement implicite durégime doit être au plus égal autaux de croissance des l’assiettedes cotisations. Dans ces condi-tions, il est possible de fixer untaux de cotisation constant àlong terme dont le niveau va dé-

pendre des deux éléments pré-cédents.

Un assuré (a, g) verse chaqueannée n (n < t) au cours de savie professionnelle des cotisa-tions CO(a,g),n égales à :

CO(a,g),n = tc * W(a,g),n

Pour une liquidation prévue àl’âge a, il acquiert en fait, l’an-née n, une annuité instantanéeA(a,g),n égale à :

A(a,g),n = c(a,g)* tc * W(a,g),n

On en déduit le taux d’annuitéTana,g :

Tana,g = c(a,g)* tc

Par rapport aux régimes en an-nuités où le taux d’annuité estconstant et aux régimes enpoints où le taux d’annuité estinstantané et est susceptible devarier dans le temps, le tauxd’annuité d’un régime en capi-talisation virtuelle varie avecl’âge de départ à la retraite et lagénération à laquelle appartientl’assuré. Si les futurs coefficientsde conversion sont connus etpubliés, un assuré peut immé-diatement déduire le taux d’an-nuité dont il bénéficiera pourdifférents âges a de départ à laretraite, dans l’hypothèse où letaux de cotisation reste constantau cours de sa vie professionnel-le. Par contre, le taux de rem-

placement effectif du dernier sa-laire est indéterminé puisqu’il vadépendre du profil d’évolutiondu salaire individuel et du tauxde revalorisation du capital vir-tuel.

Par analogie avec un régime enpoints, on peut assimiler le coef-ficient de conversion ca,g au ren-dement effectif brut (RBE) durégime en “capitalisation vir-tuelle” :

RBE a,g = c a,g

Toutefois, ce RBE n’est pas ins-tantané et ne s’applique pas àl’ensemble des assurés du régi-me. Il est propre à chaque co-horte g d’âge a à la liquidation dela pension.

Les tendances sur lepassé des paramètres

des régimes en annuités eten points.

L’évolution depuis 1980 des pa-ramètres décrits précédemmentest présentée pour les principauxrégimes en annuités et en pointsdu système de retraite français.Ces paramètres sont de deuxtypes :

• ceux affichés par les régimestels que le taux d’annuité pourles régimes en annuités, leRBE pour les régimes enpoints,

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

7 Les taux d’annuité instantanés des régimes complémentaires en points ont été calculés en utilisant les taux contractuels de cotisation desopérations obligatoires et les pourcentages d’appel tels qu’ils sont affichés par ces régimes. Les paramètres de l’Arrco ont été établis avec lesinformations relatives à l’Unirs.

8 Le taux d’annuité instantané de l’Agirc et l’Ircantec tranche B s’applique à un salaire différentiel au delà du plafond de la Sécurité Sociale

Graphique 1. Taux d’annuité (en %)

Le taux d’annuité du régime gé-néral (CNAV) décroît réguliè-rement depuis 1994 et jusqu’en2003 sous l’effet de la réformemise en œuvre en 1993 qui, en

allongeant la durée d’assurancerequise pour obtenir une pen-sion à taux plein, a diminué letaux d’annuité du régime pourles nouveaux liquidants.

Le profil d’évolution des rende-ments bruts effectifs (RBE) desrégimes complémentaires estsans ambiguïté : il décroît aucours de la période sous revue,

• ceux calculés a posteriori telsque le RBE pour les régimes enannuités et le taux d’annuitéinstantané des opérationsobligatoires pour les régimesen points.

Les taux d’annuité instantanés 7

des régimes complémentairesArrco (salariés non cadres du

secteur marchand) et Agirc (sa-lariés cadres du secteur mar-chand) ont été relativementstables de 1980 jusqu’aux ré-formes mises en œuvre à partir de1993 et 1996. Depuis 1993, letaux d’annuité instantané del’Agirc décroît alors que depuis1996, celui de l’Arrco augmen-te sous l’effet de l’augmentation

du taux de cotisation. On re-marque que les taux d’annuitéinstantanés de l’Ircantec (trancheA et tranche B), le régime com-plémentaire des non titulairesde la fonction publique, sont su-périeurs à ceux de l’Arrco et del’Agirc 8.

Graphique 2. Rendement brut effectif (RBE) en %

0,4

0,8

1,2

1,6

2,0

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Ircantec Tranche B

Ircantec Tranche AARRCO

AGIRC

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

1,4

1,6

1,8

2,0

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

ARRCO

AGIRC

CNAV

Ircantec Tranche B

ARRCO

AGIRC

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0

18,0

20,0

22,0

24,0

26,0

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

5,0

6,0

7,0

8,0

9,0

10,0

11,0

12,0

13,0

14,0

15,0

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

CNRACL

CNAV

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

essentiellement sous l’effet del’augmentation du pourcentaged’appel des cotisations contrac-tuelles et de la sous indexation dela valeur du point. Les RBE desrégimes Arrco et Agirc pour lesopérations obligatoires tendentà converger et devraient êtreidentiques au terme de la réfor-me décidée en 1996. S’agissantdes régimes en annuités, le RBEcalculé tend également à dé-croître sous l’effet de l’augmen-tation des taux de cotisation et,pour le régime général, à la suitede la diminution du taux d’an-nuité. On remarque que le RBEcalculé de la CNRACL est beau-coup plus faible que celui de laCNAV : cette situation montrebien la difficulté d’interpréter leniveau du RBE dès lors qu’on netient pas compte des caractéris-tiques des transferts financiersentre régimes. Près d’un tiers desrecettes de la CNRACL sontutilisées pour financer les trans-ferts de compensation et non paspour financer des pensions de re-traite des ressortissants du régi-me. Cet écart pourrait signifierque l’effort demandé aux coti-sants de ce régime est trop im-portant comparativement auxautres régimes.

Les paramètres d’un régime en

capitalisation virtuelle surle passé récent.

Dans un régime en capitalisa-tion virtuelle, le principal para-mètre est le coefficient deconversion qui dépend de l’âgede départ à la retraite, de l’espé-rance de vie à cet âge et du tauxd’actualisation retenu qui donnele profil d’évolution de la pen-sion en fonction de la règle d’in-dexation choisie. Ce coefficientde conversion est, comme on l’avu, l’équivalent du rendementbrut effectif (RBE) des régimesen points, à la différence qu’iln’est pas fixé annuellement maisqu’il dépend de l’âge de départ àla retraite et de la génération àlaquelle appartient l’assuré quiliquide sa pension. Connaissantle coefficient de conversion, onen déduit le taux d’annuité pourun taux de cotisation donnéexogène.

On a calculé ces paramètres àpartir des tables de mortalitéétablies par l’INSEE pour diffé-rentes périodes du passé récent.Le but de ce calcul est de tenterd’évaluer l’écart entre les para-

mètres des régimes existants, ré-gimes en annuités et en points,avec ceux d’un hypothétique ré-gime fonctionnant en capitali-sation virtuelle. L’intérêt decette approche est de mesurer lapossibilité de réformer le systè-me de retraite français dans ladirection adoptée en Italie et enSuède. Avant de présenter lesrésultats concernant le coeffi-cient de conversion, on va rap-peler l’évolution de l’espérancede vie après 50 ans, étant donnéque cette variable intervientdans le calcul du coefficient deconversion pour corriger lesconséquences du vieillissementindividuel.

a)Evolution de l’espérance devie après 50 ans depuis 1974.

Deux graphiques vont permettrede visualiser les gains d’espéran-ce de vie après 50 ans. Le pre-mier graphique présente l’espé-rance de vie à 55, 60 et 65 anspour les deux sexes entre 1974et 1996. Le second graphique re-trace l’espérance de vie pour lesâges compris entre 50 et 70 ans,calculée à partir des tables demortalité des années 1973-1975,1986-1988, 1994-1996.

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

Graphique 3. Espérance de vie à 55 ans, 60 ans et 65 ans entre 1974 et 1996

Graphique 4. Espérance de vie entre 50 et 70 ans en 1973-1975, 1986-1988 et 1994-1996

13

15

17

19

21

23

25

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Hommes

55 ans

60 ans

65 ans15

17

13

21

23

25

27

29

19

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Femmes

55 ans

60 ans

65 ans

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

10,050

Hommes

51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70

1994-1996

1973-1975

1986-1988

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

10,050

Femmes

51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70

1994-1996

1973-1975

1986-1988

Les résultats sont largementconnus mais ils peuvent êtreprésentés de deux façons :

• en examinant l’évolution del’espérance de vie à un âgedonné (graphique 3). Ainsi,en vingt ans, l’espérance devie à 60 ans a augmenté de 3,2années pour les hommes et de3,6 années pour les femmes,

• en examinant au cours dutemps à quels âges correspond

une espérance de vie donnée(graphique 4). En 1973-1975,l’espérance de vie à 60 ans deshommes était de 16,5 années.En 1986-1988, les hommesavaient cette espérance de vieà l’âge de 62,7 ans et en 1994-1996 à l’âge de 65,2 ans.

Ces chiffres montrent bien com-ment se manifeste ce qu’on ap-pelle le vieillissement indivi-duel. Cet allongement de l’es-pérance de vie au voisinage de

l’âge de départ à la retraite si-gnifie un allongement de ladurée de service des pensions.

b) Le calcul du coefficient deconversion.

Parmi les différentes formula-tions du coefficient de conver-sion, on a retenu celle avec priseen compte de la réversionpuisque tous les régimes de re-traite incluent cette disposition :

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Coefficients de conversion de l’année 1994-1996 selon l’âge de départ à la retraite pour un taux d’actualisation s = 1,5 %

0,042

0,044

0,046

0,048

0,050

0,052

0,054

0,056

0,058

0,060

0,04057 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67

Hommes Femmes

avec les hypothèses suivantes :

• trev est le taux de réversionfixé à 50 %,

• a est l’âge de départ à la retrai-te du titulaire et b celui duconjoint. Dans un couple,l’écart d’âge entre le mari et saconjointe a été fixé à 3 ans :par exemple, si a est l’âge dedépart à la retraite du mari, saconjointe est âgée de (b = a-3)ans,

• le coefficient de conversion aété calculé pour un âge de dé-part à la retraite du bénéfi-ciaire variant de 57 à 67 ans,

• quatre taux d’actualisation sont été retenus : 0 %, 1 %, 1,5 %,2 %.

• Les coefficients de conversionont été calculés à partir destables de mortalités des an-nées 1973-1975, 1986-1988 et1994-1996,

Dans un premier temps, on acalculé les coefficients deconversion pour les deux sexes.Comme le montre le graphiquesuivant, l’écart entre les deuxsexes est faible. C’est pourquoi,en première approximation, ona retenu la moyenne des deuxsexes comme coefficient deconversion représentatif de lapopulation française.

On a vu précédemment que lechoix du taux d’actualisationétait crucial pour déterminer àla fois le taux de remplacementinitial du dernier salaire et les

modalités de revalorisation despensions et donc le profil d’évo-lution de la pension. A titred’illustration, le graphique et letableau suivants présentent les

coefficients de conversionmoyens de l’année 1994-1996pour les quatre taux d’actualisa-tion retenus :

Ca, g =

+ trev * ( )

1ω - a

∑J = 0

ω - b∑

J = 0

ω - sup (a, b)∑

J = 0

La + j, t

(1 + s)j*La, t

Lb + j, t

(1 + s)j*Lb, t

La + j, t * Lb + j, t

(1 + s)j * La, t * Lb, t

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

1994-1996. Coefficients de conversion moyens selon l’âge de départ à la retraite et le taux d’actualisation

Année 1994-1996. Coefficients de conversion moyens (en %) selon l’âge de départ à la retraite et le taux d’actualisation

0,030

0,035

0,040

0,045

0,050

0,055

0,060

0,065

57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67

S = 2 %

S = 1 % S = 0 %

S = 1,5 %

ÂGETAUX D’ACTUALISATION

S = 0 % S = 1 % S = 1,5 % S = 2 %

57 ans 3,4705 % 4,0295 % 4,3235 % 4,6255 %58 ans 3,5795 % 4,1390 % 4,4330 % 4,7350 %59 ans 3,6935 % 4,2540 % 4,5475 % 4,8490 %60 ans 3,8170 % 4,3780 % 4,6715 % 4,9720 %61 ans 3,9460 % 4,5080 % 4,8015 % 5,1020 %62 ans 4,0825 % 4,6455 % 4,9385 % 5,2390 %63 ans 4,2285 % 4,7920 % 5,0850 % 5,3850 %64 ans 4,3830 % 4,9475 % 5,2405 % 5,5400 %65 ans 4,5480 % 5,1130 % 5,4065 % 5,7055 %66 ans 4,7230 % 5,2900 % 5,5830 % 5,8820 %67 ans 4,9110 % 5,4790 % 5,7720 % 6,0705 %

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

On observe que le coefficient deconversion moyen est effective-ment, pour une année donnée,une fonction croissante du tauxd’actualisation et de l’âge de dé-part à la retraite. A un âgedonné, il diminue au cours dutemps sous l’effet de l’allonge-

ment de l’espérance de vie.

Les coefficients de conversionont été dans un second tempscomparés avec les rendementsbruts effectifs de différents ré-gimes de base et complémen-taires pour l’année 1998, en fai-

sant l’hypothèse que les coeffi-cients de conversion établisavec la table de mortalité del’année 1994-1996 sont peu dif-férents de ceux qui l’auraient étéavec la table de mortalité del’année 1998.

Un constat s’impose : les RBEaffichés ou calculés en 1998pour les cinq régimes retenus

sont tous très supérieurs auxcoefficients de conversion d’unrégime en capitalisation vir-

tuelle quels que soient les tauxd’actualisation retenus. Ce ré-sultat n’est pas a priori surpre-

Evolution des coefficients de conversion moyens selon l’âge de départ àla retraite pour un taux d’actualisation s = 1,5%, entre 1973-1975

et 1994-1996

RBE affichés ou calculés en 1998 (exprimés en %)

0,040

0,045

0,050

0,055

0,060

0,065

0,070

57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67

1973-1975

1994-1996

1986-1988

RÉGIME RBE AFFICHÉ OU CACULÉ

ARRCO 7,77 %

AGIRC 8,14 %

IRCANTEC (Tranches A et B) 12,25 %

Régime général (CNAV)(1) 7,89%

CNRACL(1) 6,07%(1) RBE calculé a posteriori.

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

nant et plusieurs motifs sont sus-ceptibles d’expliquer les écarts :

• Les régimes de retraite par ré-partition ne sont pas en Fran-ce actuariellement équilibrés.Leurs paramètres ne sont pasétablis en fonction de l’équi-libre financier à long terme : ilsreflètent essentiellement l’his-toire passée des régimes plutôtque les perspectives à venir enmatière de démographie etd’environnement économique.Une partie du déséquilibre ac-tuariel trouve son origine dansl’absence de prise en comptede l’accroissement de la lon-gévité individuelle,

• A l’exception des régimescomplémentaires en points,les annuités ne sont pas cal-culées à partir de l’effort contri-butif moyen sur l’ensemble dela carrière professionnelle. Ilen résulte que le rendementoffert est plus élevé lorsquel’annuité est calculée à partirdu salaire moyen d’une partiede la carrière professionnelle,

• Certains régimes (CNAV,ARRCO, AGIRC) disposentde ressources financières sup-plémentaires qui s’ajoutent àleurs recettes de cotisationssociales. Il en résulte que lestaux de cotisation légaux oucontractuels ne sont pas lesbons indicateurs de l’effortcontributif total des assurés enfaveur du financement deleurs retraites. Pour disposerdu bon indicateur de l’effortcontributif, il conviendraitd’ajouter au taux de cotisationcontractuel l’équivalent entaux de ces recettes supplé-mentaires à la charge des as-surés des régimes. Cela signi-fie qu’utiliser les taux de coti-sations contractuels pour cal-culer les RBE ou les tauxd’annuités instantanés conduiten fait à surestimer ces para-mètres.

Au vu du tableau suivant sur lastructure des recettes de laCNAV, de l’ARRCO et del’AGIRC, on s’aperçoit que prèsd’un cinquième des recettes des

trois régimes proviennent detransferts financés à l’extérieurdes régimes (budget de l’Etat,FSV, Unedic, ASF, Cnaf, etc.).Hormis les transferts de com-pensation, les autres transfertssont pour l’essentiel la contre-partie financière de droits attri-bués par les régimes à leurs assu-rés sans qu’ils aient donné lieu àun versement préalable de coti-sation contractuelle : lesexemples les plus cités concer-nent la validation des périodesde chômage ou le financementdes avantages familiaux. Cettecatégorie de droits a été quali-fiée de droits non contributifsimpliquant un financement spé-cifique. Il faut toutefois noterque ces transferts, ainsi que lesprélèvements qui les financent,ont été institués bien après lacréation des régimes de retraitepour apporter des ressources ad-ditionnelles aux régimes à unmoment où leur situation finan-cière était fortement dégradée.

Structure des recettes de l’ensemble CNAV, ARRCO, AGIRC en 1998

CNAV ARRCO AGIRC TOTAL

MdF % MdF % MdF % MdF %

Cotisations (1) 278,0 77,8 139,0 79,1 65,1 76,3 482,1 77,9Transferts nets (2) 79,3 22,2 34,7 19,7 18,6 21,8 132,6 21,4Divers 0,1 0 2,1 1,2 1,6 1,8 3,9 0,6TOTAL 357,4 100,0 175,8 100,0 85,3 100,0 618,6 100,0

Source : Commission des Comptes de la Sécurité Sociale. Rapport septembre 1999.(1) Pour les régimes Arrco et Agirc, les cotisations sont les cotisations appelées, c’est-à-dire les cotisations contractuelles qui don-

nent des droits à la retraite et la part des cotisations résultant d’un pourcentage d’appel supérieur à 100 % qui n’ouvrent pasde droits à la retraite.

(2) Les transferts nets sont le solde des transferts reçus et versés. Ils comprennent principalement les transferts de compensa-tion, les cotisations prises en charge, les impôts et taxes affectés, les prestations prises en charge.

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n° 2000 - 25/26 - janvier février 2000

L’impact de ces transferts sur lecalcul des indicateurs des ré-gimes (taux d’annuité instanta-nés, RBE) variera selon que lesassurés contribuent ou non au fi-nancement de ces transferts :

• Si les assurés des régimes necontribuent pas au finance-ment de ces transferts via lesorganismes qui les versent, cestransferts peuvent être inter-prétés comme une subventionfinancée par les autres caté-gories de contribuables que lesassurés des régimes, subven-tion qui permet de porter lesRBE des régimes au delà de ceque l’équilibre actuariel desrégimes exigerait,

• Si les assurés des régimescontribuent, en partie ou entotalité, au financement deces transferts via les orga-nismes qui les versent (Une-dic, ASF FSV, etc.), ilconviendrait de calculer enéquivalent taux de cotisationdes régimes la part du coût deces transferts qui leur sontimputés. Pour les régimescomplémentaires ARRCO etAGIRC, cela revient à direque le pourcentage d’appelest en fait beaucoup plusélevé que celui qui est affichéet en conséquence, que lesRBE sont inférieurs à ceuxqui sont présentés par ces ré-gimes.

L’ensemble de ces élémentsmontrent que la plupart des ré-gimes de retraite ne sont pascomplètement contributifs dansle sens où leurs taux de cotisationexprimeraient la totalité de l’ef-fort contributif réalisé par les as-surés pour acquérir des droits à laretraite. Autrement dit, le coûtde la retraite est beaucoup plusélevé que ce qu’indiquent lestaux de cotisation légaux oucontractuels.

Dans l’hypothèse où les assurésdes régimes contribuent en tota-lité aux transferts nets, les RBEcorrigés sont évidemment plusfaibles et plus proches des coef-ficients de conversion moyens :

Les RBE corrigés des régimes deretraite du secteur marchandsont quasiment identiques, maisà des niveaux qui restent encoreéloignés des coefficients deconversion moyens.

Réformer le systèmede retraite en France

en adoptant lacapitalisation virtuelle :quelques points de repères.

Le diagnostic réalisé par le rap-port Charpin “L’avenir de nos re-

traites” est à présent largementpartagé : à législation inchangée,tous les régimes de retraite debase connaîtront à l’horizon2040 des déséquilibres financiersde grande ampleur qui appellentdes mesures de réforme afind’éviter de trop fortes hausses destaux de cotisation. Les effetsconjugués de l’arrivée à l’âge dela retraite des générations dubaby boom et de l’allongementcontinu de la longévité indivi-duelle expliquent une grandepart de ces déséquilibres. Comme

on l’a vu dans le chapitre précé-dent, il est probable égalementque les paramètres des régimess’écartent de leur valeur d’équi-libre, ce qui signifie que ces ré-gimes ne sont pas actuarielle-ment équilibrés à long terme.

A côté des aspects financiers etdes modalités de financementdes besoins, le diagnostic doitégalement prendre en compteles conséquences des transfertsintergénérationnels massifs derevenus sur le coût des retraites

RBE corrigés en 1998 (en %)

RÉGIME RBE CORRIGÉARRCO 6,2 %AGIRC 6,3 %CNAV 6,1 %

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des générations successives. Ace sujet, la grande hétérogénéi-té du système de retraite fran-çais place les différentes catégo-ries sociales (salariés du secteurprivé, salariés des régimes spé-ciaux, non salariés) dans des si-tuations qui pourraient appa-raître inéquitables. Cet aspectouvre, à l’occasion d’une réformedu système de retraite, la ques-tion de la recherche d’une plusgrande harmonisation des mo-dalités d’acquisition et de reva-lorisation des droits à la retraitequel que soit le régime d’appar-tenance des assurés, afin d’éli-miner en partie ou en totalité lesfacteurs d’inéquité inter et in-tragénérationnelle tout en favo-risant l’équilibre à long terme dusystème de retraite.

Le rapport Charpin n’a abordéque partiellement cet aspect enraison des nombreuses difficul-tés méthodologiques et statis-tiques de comparaison des per-formances des différents régimesde retraite. En matière de réfor-me, il n’a également considéréqu’une seule modification, l’al-

longement de la durée d’assu-rance requise pour obtenir unepension à taux plein. Dans lesrégimes en annuités, cela signi-fie diminuer le taux d’annuité,les autres paramètres restant in-changés. Cette proposition dontle bien fondé est justifié par l’al-longement de la longévité indi-viduelle, a cependant le princi-pal inconvénient de conserverl’hétérogénéité du système deretraite français. C’est pourquoiil est apparu intéressant d’exa-miner comment le choix de lacapitalisation virtuelle pourraitpermettre d’unifier le système deretraite tout en introduisant desmécanismes automatiques de ré-gulation. Il s’agit d’emprunter lavoie ouverte par la Suède etl’Italie pour tenter d’éliminer lesprincipaux facteurs d’hétérogé-néité et construire un systèmede retraite enfin cohérent danslequel la valeur de l’effortcontributif est le même quel quele statut professionnel.

Après avoir présenté l’évolutionde l’espérance de vie en projec-tion, les coefficients de conver-

sion ont été calculés de 2000 à2020 par périodes quinquen-nales, pour apprécier de quellesmarges disposaient les pouvoirspublics, dans la configurationactuelle du système de retraite,pour fixer simultanément untaux de cotisation exogène àpartir duquel sont accumulés lesdroits à la retraite et un tauxd’annuité cible à un âge donné.

a. L’évolution de l’espérance devie au cours des 20 pro-chaines années.

Il s’agit de rappeler quelquesordres de grandeur de l’espéran-ce de vie au voisinage de l’âgede départ à la retraite. Ces ré-sultats sont issus des projectionsde population totale réaliséespar l’INSEE.

Espérance de vie après 55 ans entre 2000 et 2020

HOMMES FEMMES

Ages 2000 2010 2020 2000 2010 2020

À 55 ans 24,1 ans 25,5 ans 26,8 ans 30,2 ans 31,1 ans 33,0 ansÀ 60 ans 20,3 ans 21,6 ans 22,9 ans 25,7 ans 27,1 ans 28,4 ansÀ 65 ans 16,7 ans 17,9 ans 19,0 ans 21,3 ans 22,6 ans 23,8 ans

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L’espérance de vie à 65 ans de-vrait s’accroître d’environ 2,5années entre 2000 et 2020, soitun trimestre tous les deux anspour les deux sexes. En 2020,l’espérance de vie à 60 ans seraitcomprise entre 23 et 28,4 ans,c’est-à-dire d’une durée supé-rieure à la moitié de la duréed’activité potentielle.

b. Les coefficients de conver-sion à l’horizon 2020.

Les coefficients de conversionont été calculés en utilisant lestables de mortalité prospectivesétablies par l’INSEE pour lescinq années 2000, 2005, 2010,2015 et 2020. Ils incluent la ré-version au taux de 50 % et ont

été établis pour quatre taux d’ac-tualisation (s= 0 %, 1 %, 1,5 %et 2 %) dans la tranche d’âge 57-67 ans. A titre d’illustration, letableau suivant présente les ré-sultats pour le taux d’actualisa-tion s= 1,0 %.

Pour expliciter les effets de ladate et de l’âge de départ à la re-traite sur le niveau de la pensionliquidée qui se manifestent parl’intermédiaire de l’évolution del’espérance de vie, on considèrela carrière salariale d’un indivi-du (a,g) ayant les caractéris-tiques suivantes :

• elle se déroule durant N an-nées,

• le salaire brut individuel wa,g

croît annuellement au taux k %,

• le capital virtuel est revalori-sé annuellement au taux h %,

• le taux de cotisation tc estconstant durant toute la car-rière professionnelle,

Le capital virtuel Ka,g accumuléà la fin de la vie professionnelles’exprime en fonction du derniersalaire d’activité w(a,g),N :

1 + havec π = ––––––1 + k

Rappelons que les coefficientsde conversion s’appliquent aucapital virtuel accumulé pourdéterminer le montant de lapension liquidée :

Pa,g = ca,g* Ka,g

Le taux d’annuité Tana,g est égalà :

Ka, g = tc * w(a,g) N *1 - πN

1 - π

Coefficients de conversion au taux d’actualisation s = 1,0 % (en %)

2000 2005 2010 2015 2020

57 ans 4,0305 % 3,9460 % 3,8680 % 3,7970 % 3,7310 %58 ans 4,1405 % 4,0510 % 3,9690 % 3,8945 % 3,8260 %59 ans 4,2560 % 4,1625 % 4,0760 % 3,9975 % 3,9250 %60 ans 4,3795 % 4,2805 % 4,1900 % 4,1065 % 4,0305 %61 ans 4,5105 % 4,4060 % 4,3105 % 4,2230 % 4,1430 %62 ans 4,6500 % 4,5395 % 4,4390 % 4,3465 % 4,2625%63 ans 4,7995 % 4,6830 % 4,5765 % 4,4790 % 4,3900 %64 ans 4,9590 % 4,8360 % 4,7235 % 4,6210 % 4,5275 %65 ans 5,1310 % 5,0000 % 4,8815 % 4,7730 % 4,6740 %66 ans 5,3150 % 5,1770 % 5,0515 % 4,9365 % 4,8315 %67 ans 5,5135 % 5,3675 % 5,2345 % 5,1130 % 5,0020 %

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Tana,g = ca,g* tc

Le taux de remplacement par lapension du dernier salaire d’ac-tivité, noté Tra,g, a alors une ex-pression qui dépend du tauxd’annuité Tana,g et des taux h etk :

Pour un taux d’actualisationdonné, les coefficients de conver-sion ont deux caractéristiques :ils varient avec l’âge à la liqui-dation de la pension et au coursdu temps :

• Pour une année donnée, plusle départ à la retraite est re-tardé, plus élevé est le mon-tant de la pension liquidée, àla fois parce que le capital vir-tuel accumulé est plus impor-tant mais également parce quele coefficient de conversion

est plus élevé :

ca + 1, g > ca,g

Ka + 1, g > Ka,g

⇒ Pa + 1, g > Pa,g

• Pour un âge donné, les coeffi-cients de conversion décrois-sent entre 2000 et 2020 parceque l’espérance de vie s’ac-croît :

ca,g > ca, g + i ∀ i > 0

Cette diminution n’induit pasnécessairement une baisse dumontant de la pension liquidéeà un âge donné par les généra-tions successives. Considéronsen effet deux individus apparte-nant aux générations g et g+1ayant le même profil de carrièresalariale et liquidant leur pen-sion à l’âge a. En notant par x° letaux de croissance de la variablex, on a :

Il suffit donc que la diminutiondu coefficient de conversion soitplus que compensée par le tauxde croissance en termes réels dusalaire brut individuel pour quela pension liquidée à un âgedonné par les générations suc-cessives croisse en termes réels 9. Comme le montre le tableau sui-vant, au cours des vingt pro-chaines années, les coefficientsde conversion devraient dimi-nuer en moyenne de 0,4 à 0,5 %par an. Pour un profil de carriè-re salariale identique, la pensionliquidée par les générations suc-cessives ne sera croissante entermes réels à un âge donné quesi le taux de croissance du salai-re individuel est supérieur enmoyenne annuelle à 0,4/0,5point.

Pa° WN

°ca°~~ +

Tra, g = ca,g*tc*1 - πN

1 - π

9 Avec les hypothèses retenues, on a en effet : Ka,g + 1 = (1 + k)* Ka,g, k étant le taux de croissance du salaire individuel.

Taux de décroissance annuel moyen des coefficients de conversion (taux d’actualisation s = 1 %)

Âge De 2000 à 2005 De 2005 à 2010 De 2010 à 2015 De 2015 à 2020

57 ans - 0,42 % - 0,40 % - 0,37 % - 0,35 %58 ans - 0,44 % - 0,41 % - 0,38 % - 0,35 %59 ans - 0,44 % - 0,42 % - 0,39 % - 0,37 %60 ans - 0,46 % - 0,43 % - 0,40 % - 0,37 %61 ans - 0,47 % - 0,44 % - 0,41 % - 0,38%62 ans - 0,48 % - 0,45 % - 0,42 % - 0,39 %63 ans - 0,49 % - 0,46 % - 0,43 % - 0,40 %64 ans - 0,50 % - 0,47 % - 0,44 % - 0,41 %65 ans - 0,52 % - 0,48 % - 0,45 % - 0,42 %66 ans - 0,52 % - 0,49 % - 0,46 % - 0,43 %67 ans - 0,54 % - 0,50 % - 0,47 % - 0,44 %

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Ces chiffres montrent bien quelest le “coût” de l’allongement del’espérance de vie : le vieillisse-ment individuel “absorbe” del’ordre d’un demi-point de crois-sance de la productivité du tra-vail pour maintenir les pensionsliquidées par les générations suc-cessives constantes au cours dutemps. Ils montrent égalementa contrario qu’il n’y a pas une fa-talité pour que les pensions li-quidées diminuent dans le futur :à condition que les progrès deproductivité du travail soientsuffisants, les générations suc-cessives de retraités verront leurniveau de vie s’améliorer.

Cette mesure indirecte du coûtdu vieillissement individuel metaussi en relief l’intérêt du méca-nisme de la capitalisation vir-tuelle qui tient compte explici-tement de l’effet de l’augmenta-tion de l’espérance de vie dans lecalcul de la pension : ce sont eneffet directement les bénéfi-ciaires de l’augmentation de lalongévité individuelle qui en“prennent en charge” le coût.Dans les régimes en annuités ouen points actuellement en vi-gueur, ce “coût”, d’une part,n’est pas individualisé et, d’autrepart, est laissé pour l’essentielsoit à la charge des cotisants desgénérations suivantes via leshausses de cotisation nécessairespour le financer, soit à la chargede l’ensemble des retraités vial’absence de revalorisation en

termes réels des pensions.

c. L’introduction d’un méca-nisme de capitalisation vir-tuelle en France.

L’objet de cette partie n’est pasde proposer un dispositif totale-ment bouclé concernant tous lesrégimes de retraite dans la me-sure où aucune projection desperspectives financières de cesrégimes n’est réalisée. Il s’agitplutôt de déterminer la valeurdes indicateurs d’intérêt (tauxd’annuité, taux de remplace-ment, taux de cotisation, etc.)dans l’hypothèse où le mécanis-me de la capitalisation virtuelleétait introduit dans les deuxprincipaux régimes de base dusystème de retraite français, à sa-voir le régime général et les ré-gimes des fonctions publiques.Le contrepoint de cette ap-proche est évidemment le conte-nu des propositions d’ajuste-ment développées par le rapportCharpin, principalement l’al-longement de la durée d’assu-rance portée à 42,5 années pourobtenir une pension à tauxplein. Hormis la modification dece paramètre, le rapport laissepour l’essentiel inchangées lesautres caractéristiques des ré-gimes (choix de la période decalcul du salaire de référence,règles d’indexation des pen-sions, etc.).

L’intérêt porté au mécanisme de

la capitalisation virtuelle dansle cadre du système de retraitefrançais s’appuie sur les argu-ments suivants :

• Unifier les conditions d’ac-quisition des droits à la retrai-te : le système de retraite fran-çais est morcelé et particuliè-rement hétérogène, ce qui in-duit probablement des inégalitésentre catégories de salariés enmatière de niveau de la re-traite. La capitalisation vir-tuelle permettrait d’unifier lesconditions d’acquisition desdroits à la retraite,

• Corriger automatiquementl’effet de l’allongement del’espérance de vie : les coeffi-cients de conversion sont pré-cisément calculés pour prendreen compte l’allongement de ladurée de service de la pension,

• Fixer les paramètres des ré-gimes de sorte que soit res-pectée la “règle d’or” de l’équi-libre d’un régime de retraite, àsavoir que le rendement im-plicite soit au plus égal au tauxde croissance de l’assiette descotisations : le choix de l’in-dicateur de revalorisation ducapital virtuel permet d’intro-duire cette référence,

• Rendre flexible l’âge de départà la retraite : l’assuré choisitsa date de départ à la retraiteen fonction de son arbitrage

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entre accroître son capital vir-tuel en poursuivant son acti-vité professionnelle ou liquidersa pension. Un âge minimalde départ à la retraite peutêtre fixé comme en Suède. Lesproblèmes liés à la cessationprogressive d’activité ou auxincitations propices à la pour-suite de l’activité sont résolus,

• Instaurer une totale contribu-tivité en ce sens que tout ver-sement de cotisation ouvre ef-fectivement des droits à la re-traite et que tout droit à la re-traite liquidé a eu pour contre-partie le versement préalablede cotisation. Cette notion decontributivité signifie que lescotisations retraite versées ali-mentent le capital individuelde chaque assuré mais égale-ment que toutes les opérationsde redistribution des régimesde retraite, habituellementrangées dans la catégorie desopérations de solidarité tellesque par exemple la validationdes périodes de chômage ou leversement d’avantages fami-liaux, ont donné lieu à verse-ment d’un équivalent cotisa-tions au moment où elles sontapparues. Le financement deces opérations de solidaritépeut être extérieur aux ré-gimes de retraite mais il estimportant que ces droitssoient d’une part explicite-ment définis et individualiséset, d’autre part, financés au

moment où ils naissent. De lasorte, le capital virtuel accu-mulé est effectivement un ca-pital retraite,

• Introduire des règles explicitesde revalorisation des pensionsvia le choix du taux d’actuali-sation pour le calcul des coef-ficients de conversion.

c.1) Le choix des hypothèses etdes objectifs.

Le calcul des principaux indica-teurs a été réalisé pour les ré-gimes de base des salariés, le ré-gime général et les régimes desfonctions publiques. Le premierdevrait au terme de la réformede 1993 offrir à partir de 2003un taux d’annuité de 1,25 %pour une durée d’assurance de40 années, quel que soit l’âge dedépart à la retraite après lesoixantième anniversaire et jus-qu’à 65 ans. Ce taux d’annuités’applique à un salaire de réfé-rence qui devrait être égal, àpartir de 2008, à la moyenne dessalaires plafonnés des 25 meilleuresannées de la carrière salariale.Le second régime offre un tauxd’annuité de 2 % pour une duréed’assurance de 37,5 années et unâge de départ à la retraite, saufcas particuliers, fixé à partir dusoixantième anniversaire. Cetaux d’annuité s’applique au sa-laire moyen des six derniers moisprécédant le départ à la retraite.

Pour déterminer les indicateursliés au mécanisme de la capita-lisation virtuelle, on a choisi dene présenter qu’un seul scéna-rio, essentiellement pour mettreen lumière la démarche et la mé-thode. Des scénarios différentspeuvent être facilement envisa-gés et calculés. Dans le scénarioproposé, les principales hypo-thèses sont les suivantes :

• L’année de référence à partirde laquelle on détermine lesvaleurs d’équilibre des para-mètres est l’année 2020. Lechoix de cette année est in-termédiaire parce que son ho-rizon n’est pas trop éloigné etparce qu’elle se situe immé-diatement après le passage à laretraite des générations lesplus nombreuses du babyboom,

• On a retenu les coefficients deconversion moyens avec ré-version de l’année 2020 avecl’hypothèse d’un taux d’ac-tualisation de 1 %. Ce choix si-gnifie qu’une revalorisationannuelle de 1 % de la pensionpendant toute sa durée de ser-vice est attribuée à l’assurélorsqu’il liquide sa pension(cf. supra).

L’objectif d’une réforme du sys-tème de retraite n’est pas néces-sairement de diminuer la pen-sion liquidée par rapport à la si-tuation qui prévalait avant la ré-

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forme. Comme avec le mécanis-me de la capitalisation virtuelle,l’âge de la retraite est flexible etle montant de la retraite aug-mente avec la duré d’activité,l’objectif retenu a été de consi-dérer un taux d’annuité cible àun âge donné, les assurés ayantensuite la liberté de déterminerleurs préférences lors de l’arbi-trage entre poursuivre l’activitésalariée ou liquider immédiate-ment la pension. Plus précisé-ment, on est parti de la formuledu taux d’annuité d’un régimeen capitalisation virtuelle :

Tana,g = ca,g*tc

Celui-ci est égal au produit ducoefficient de conversion et dutaux de cotisation. Le coeffi-cient de conversion dépend del’âge à la liquidation et de la gé-nération alors que le taux de co-tisation est une variable exogè-ne représentative de l’équilibreà long terme du régime. A l’aidede cette formule, on a considé-ré que les pouvoirs publics pou-vaient avoir pour objectif d’avoirun taux d’annuité cible à un âgeà la liquidation fixé à 65 ans :

• Pour le Régime général, viserle taux d’annuité que préco-nise le rapport Charpin pourune durée d’assurance de42,5 années, soit un tauxd’annuité de 1,1765 % 10,mais à l’âge de 65 ans, c’est-à-dire Tan 65,g = 1,1765 %,

• Pour les régimes des fonctionspubliques, viser un taux d’an-nuité de 1,765 % 11 égalementà l’âge à la liquidation de 65ans, c‘est-à-dire Tan65,g =1,765%.

Avec cette hypothèse, on en dé-duit ensuite, à l’aide de la for-mule précédente, le taux de co-tisation de chacun des deux ré-gimes, taux utilisé pour l’accu-mulation du capital virtuel :

(1,1765 %)65, gtc = –––––––––––––––––––

c 65, g

pour le régime général

(1,765 %)65, gtc = –––––––––––––––––––

c 65, g

pour les régimes des fonctionspubliques

Ces taux de cotisation étantfixés, on calcule ensuite les tauxd’annuité pour des âges de li-quidation compris entre 57 et 67ans. Dans un deuxième temps,les taux de remplacement dudernier salaire sont calculés enfaisant des hypothèses sur ladurée de la carrière salariale, letaux de croissance du salairebrut noté k et le taux de revalo-risation du capital virtuel noté hà l’aide de la formule déjà éta-blie :

1 + havec π = ––––––1 + k

Pour le Régime général, on pré-sente les taux de remplacementpar rapport au salaire moyen des25 meilleures années, situationqui sera atteinte en 2008, afinde rendre comparables les résul-tats avec la législation actuelle.

Les taux de cotisation calculéssont une variable importantepuisqu’ils doivent être fixés pourune période très longue et êtrereprésentatifs de l’équilibre àlong terme des régimes.

c.2) Les résultats : taux de co-tisation et taux de rem-placement.

Les taux de remplacement ontété calculés pour trois durées decarrière professionnelle, 38 ans,40 ans, 42 ans, et deux profils decarrière salariale :

• Le premier profil (noté H1)est établi sur l’hypothèse derevalorisation du capital vir-tuel au taux annuel h = 1,7 %et une croissance annuelle dusalaire brut individuel au tauxk = 2,2 % . L’hypothèse detaux de revalorisation du ca-pital virtuel reprend en faitune des hypothèses macroé-conomiques du rapport Char-pin, à savoir le taux de crois-sance annuel du salaire moyenet de la productivité du tra-vail. Le taux de croissance dusalaire brut individuel intègreun effet carrière (technicité et

Tra, g = ca,g*tc*1 - πN

1 - π

10 50 %/42,5 = 1,1765 %.

11 75 %/42,5 = 1,765 %.

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vieillissement) de 0,5 pointpar an.

• Le second profil (noté H2) estétabli sur la même hypothèse detaux de revalorisation du capi-tal virtuel, h=1,7 %, mais avecune croissance du salaire brutindividuel à un taux annuel plusfaible, k=1,2 %, pour représen-ter les profils de carrière sala-riale relativement plats.

Les assurés qui liquideront leurpension en 2020 auront en faitréalisé une partie de leur carriè-re avant 2000, c’est-à-dire qu’ilsauront connu un taux de crois-sance de leur salaire brut sansdoute différent des hypothèsesretenues en matière de profil decarrière. Le scénario présenté estdonc simplifié sans que celanuise toutefois à sa pertinence.

Les taux de remplacement pourle Régime général ont été cal-culés par référence au salaire

moyen des 25 meilleures annéesde la carrière salariale. Avec leshypothèses retenues, il s’agit dusalaire brut moyen plafonné des25 dernières années de la car-rière. Ces taux de remplacementsont à comparer au taux de rem-placement de 50 % du salaireplafonné offert le Régime géné-ral. Pour les régimes des fonc-tions publiques, les taux de rem-placement sont relatifs au der-nier salaire d’activité et sont àcomparer au taux de remplace-ment de 75 % actuellement of-fert par ces régimes.

1.1) Le Régime général.

Dans le Régime général, le tauxde cotisation qui permetd’avoir un taux d’annuité de1,1765 % à 65 ans en 2020 estégal à 25,17 points. Comme lemontre le tableau suivant, lestaux de remplacement attei-gnent des valeurs acceptables auregard de la durée de la carrière

professionnelle et de l’âge de dé-part à la retraite :

• Pour le profil de carrière H1, letaux de remplacement du sa-laire brut moyen des 25meilleures années est de d’en-viron 50 % entre 63 et 64 anspour une durée de carrière de38 ans, à 62 ans pour une decarrière de 40 ans et entre 60et 61 ans pour une durée decarrière de 42 ans.

• Pour le profil de carrière H2qui correspond à une carrièrerelativement plate, les taux deremplacement sont plus éle-vés parce que le taux de reva-lorisation du capital virtuelest supérieur au taux de crois-sance du salaire individuel. Letaux de remplacement atteint50 % à 61 ans pour une duréede carrière de 38 ans, à 59 anspour une durée de carrière de40 ans, à 57 ans pour unedurée de carrière de 42 ans.

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Ces résultats montrent bien l’in-térêt du mécanisme de la capi-talisation virtuelle : l’âge de dé-part à la retraite peut être tota-lement flexible et, pour un tauxde remplacement donné, plus lacarrière professionnelle estlongue, plus ce départ peut êtreprécoce. Par ailleurs, les car-rières salariales plates sont avan-tagées en ce sens que les assuréspeuvent obtenir des taux deremplacement plus élevés ou

bien partir plus tôt à la retraite.

1.2) Les régimes du secteurpublic.

Dans les régimes des fonctionspubliques, le taux de cotisationqui permet d’avoir un tauxd’annuité de 1,765 % à 65 ansen 2020 est égal à 37,76points. Les taux de remplace-ment sont exprimés en fonctiondu dernier salaire d’activité. Le

tableau suivant montre que pourle profil de carrière H1, il n’estpas possible d’obtenir un taux deremplacement de 75 % entre 57et 67 ans. Pour le profil de car-rière de carrière H2, le taux deremplacement de 75 % est obte-nu entre 65 et 66 ans pour unedurée de carrière de 38 ans,entre 63 et 64 ans pour unedurée de carrière de 40 ans et à62 ans pour une durée de carriè-re de 42 ans.

Régime général. Taux d’annuité et taux de remplacement en 2020

Coefficients conversion Taux d’annuité 38 ans 40 ans 42 ans 38 ans 40 ans 42 ans(s = 1 %)

57 ans 3,7310 % 0,939 % 41,9 % 43,9 % 45,8 % 45,0 % 47,6 % 50,3 %58 ans 3,8260 % 0,963 % 42,9 % 45,0 % 47,0 % 46,2 % 48,8 % 51,5 %59 ans 3,9250 % 0,988 % 44,0 % 46,1 % 48,2 % 47,3 % 50,1 % 52,9 %60 ans 4,0305 % 1,014 % 45,2 % 47,4 % 49,5 % 48,6 % 51,4 % 54,3 %61 ans 4,1430 % 1,043 % 46,5 % 48,7 % 50,9 % 50,0 % 52,9% 55,8 %62 ans 4,2625 % 1,073 % 47,8 % 50,1 % 52,4 % 51,4 % 54,4 % 57,4 %63 ans 4,3900 % 1,105 % 49,2 % 51,6 % 53,9 % 53,0 % 56,0% 59,1 %64 ans 4,5275 % 1,140 % 50,8 % 53,2 % 55,6 % 54,6% 57,8% 61,0 %65 ans 4,6740 % 1,176 % 52,4 % 54,9 % 57,4 % 56,4 % 59,7 % 63,0 %66 ans 4,8315 % 1,216 % 54,2 % 56,8 % 59,3% 58,3 % 61,7 % 65,1 %67 ans 5,0020 % 1,259 % 56,1 % 58,8 % 61,4 % 60,3 % 63,8 % 67,4 %

H1 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 2,2 % etune durée de carrière de ...

Taux de cotisation = 25,17 %H2 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 1,2 % etune durée de carrière de ...

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Le résultat concernant le profilde carrière H1 peut s’interpré-ter de la façon suivante. Avecun mécanisme de capitalisationvirtuelle, la méthode de calculdes droits à la retraite est iden-tique qu’un assuré cotise au Ré-gime général ou aux régimes desfonctions publiques. Cela se tra-duit par le fait que, pour un tauxd’annuité cible supérieur de 50%pour un assuré des fonctions pu-bliques par rapport à un assurédu Régime général (1,765 % /1,1765 % = 1,5), le taux de co-tisation appliqué à chacune desdeux catégories est lui-même su-périeur de 50 % (37,76 /25,17 =1,5). Il y a donc équivalenceentre les deux types de régimes,

ce qui se traduit également parune équivalence entre les tauxde remplacement : à 62 ans etpour une durée de carrière de 40ans par l’exemple et le profil decarrière H1, l’assuré du Régimegénéral bénéficie d’un taux deremplacement de 50,1 % du sa-laire moyen des 25 meilleuresannées de sa carrière pour untaux de cotisation de 25,17points, ce qui est équivalent,pour l’assuré des fonctions pu-bliques à un taux de remplace-ment de 58,6 % du dernier sa-laire et un taux de cotisation de37,76 points.

En conséquence, à un âge à la li-quidation donné et pour une

durée et un profil de carrièreidentique, il n’est pas possiblede promettre un taux de rem-placement de 75 % du derniersalaire à un assuré du secteur pu-blic alors que l’assuré du Régi-me général recevrait un taux deremplacement de 50 % appliquéau salaire moyen des 25 meilleuresannées de carrière. Autrementdit, les assurés des fonctions pu-bliques sont actuellement avan-tagés par rapport aux assurés duRégime général en raison dumode de calcul de l’annuité. Laquestion est de savoir s’il existedes motifs pour laisser persisterce type d’inégalité entre les dif-férentes catégories de salariés auregard des droits à la retraite. La

Régimes des fonctions publiques. Taux d’annuité et taux de remplacement en 2020

H1 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 2,2 % etune durée de carrière de ...

Taux de cotisation = 37,76 %H2 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 1,2 % etune durée de carrière de ...

Coefficients conversion Taux d’annuité 38 ans 40 ans 42 ans 38 ans 40 ans 42 ans(s = 1 %)

57 ans 3,7310 % 1,409 % 49,0 % 51,3 % 53,6 % 58,7 % 62,1 % 65,6 %58 ans 3,8260 % 1,445 % 50,2 % 52,6 % 55,0 % 60,2 % 63,7 % 67,3 %59 ans 3,9250 % 1,482 % 51,5 % 54,0 % 56,4 % 61,8 % 65,4 % 69,0 %60 ans 4,0305 % 1,522 % 52,9 % 55,4 % 57,9 % 63,5 % 67,1 % 70,8 %61 ans 4,1430 % 1,564% 54,4 % 57,0 % 59,5 % 65,2 % 69,0 % 72,8 %62 ans 4,2625 % 1,610 % 55,9 % 58,6 % 61,2 % 67,1 % 71,0 % 74,9 %63 ans 4,3900 % 1,658 % 57,6 % 60,4 % 63,1 % 69,1 % 73,1 % 77,2 %64 ans 4,5275 % 1,710 % 59,4 % 62,2 % 65,1 % 71,3 % 75,4 % 79,6 %65 ans 4,6740 % 1,765 % 61,3 % 64,3 % 67,2 % 73,6 % 77,9 % 82,2 %66 ans 4,8315 % 1,824 % 63,4 % 66,4 % 69,4 % 76,1 % 80,5 % 84,9 %67 ans 5,0020 % 1,889 % 65,6 % 68,8 % 71,9 % 78,7 % 83,3 % 87,9 %

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raison économique la plus sou-vent avancée pour justifier la«générosité» du mode de calculde la pension dans le secteur pu-blic est relative à la différencede profil et de niveau des sa-laires, à qualification identique,entre les salariés du secteur privéet du secteur public : les retraitesplus élevées du secteur public“compenseraient” des niveauxde salaires plus faibles par rap-port au secteur privé. Il est dif-ficile de tester empiriquement

une telle hypothèse.

Une seconde explication pour-rait provenir du statut volontai-rement avantageux accordé auxagents du secteur public en rai-son des caractéristiques particu-lières de l’employeur : l’écart deretraite entre les assurés du sec-teur privé et ceux du secteur pu-blic serait la traduction de cesspécificités qui font ranger lesrégimes de retraite des agents dusecteur public dans la catégorie

des régimes spéciaux.

Il est possible de tester une hy-pothèse de maintien, dans lecadre d’un passage à la capitali-sation virtuelle, de cette carac-téristique du secteur public enmatière de retraite. Le tauxd’annuité cible est fixé à 2 % àl’âge à la liquidation de 65 ans en2020, c’est-à-dire Tan65,g = 2 %.Dans cette hypothèse, le tauxde cotisation est égal à 42,79points.

Pour le profil de carrière H1, untaux de remplacement de 75 %est obtenu entre 65 et 66 anspour une durée de carrière de 40

ans et entre 64 et 65 ans pourune durée de carrière de 42 ans.Pour le profil de carrière H2, ilest obtenu entre 61 et 62 ans

pour une durée de carrière de 38ans, entre 59 et 60 ans pour unedurée de carrière de 40 ans,entre 57 et 58 ans pour une

Régimes des fonctions publiques. Taux d’annuité et taux de remplacement en 2020. Variante 1

Coefficients conversion Taux d’annuité 38 ans 40 ans 42 ans 38 ans 40 ans 42 ans(s = 1 %)

57 ans 3,7310 % 1,60 % 55,5 % 58,1 % 60,7 % 66,56 % 70,42 % 74,31 %58 ans 3,8260 % 1,64 % 56,9 % 59,6 % 62,3 % 68,25 % 72,21 % 76,21 %59 ans 3,9250 % 1,68 % 58,4 % 61,2 % 63,9 % 70,02 % 74,08 % 78,18 %60 ans 4,0305 % 1,72 % 59,9 % 62,8 % 65,6 % 71,90 % 76,07 % 80,28 %61 ans 4,1430 % 1,77 % 61,6 % 64,5 % 67,5 % 73,91 % 78,19 % 82,52 %62 ans 4,2625 % 1,82 % 63,4 % 66,4 % 69,4 % 76,04 % 80,45 % 84,90 %63 ans 4,3900 % 1,88 % 65,3 % 68,4 % 71,5 % 78,31 % 82,85 % 87,44 %64 ans 4,5275 % 1,94 % 67,3 % 70,5 % 73,7 % 80,77 % 85,45 % 90,18 %65 ans 4,6740 % 2,00 % 69,5 % 72,8 % 76,1 % 83,38 % 88,21 % 93,10 %66 ans 4,8315 % 2,07 % 71,8 % 75,3 % 78,7 % 86,19 % 91,18 % 96,23 %67 ans 5,0020 % 2,14 % 74,4 % 77,9 % 81,4 % 89,23 % 94,40 % 99,63 %

H1 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 2,2 % etune durée de carrière de ...

Taux de cotisation = 42,79 %H2 : Taux de remplacementdu salaire moyen pour :h = 1,7 % et k = 1,2 % etune durée de carrière de ...

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durée de carrière de 42 ans. Onremarque que, pour le profil H1,il n’est pas possible d’atteindreun taux de remplacement de 75 %pour une durée de carrière de 38années.

La comparaison des résultats decette variante avec ceux de lapremière simulation donne uneindication du coût de l’avantagedonné aux agents du secteur pu-blic en matière de retraite quiles fait ranger dans la catégoriedes régimes spéciaux : l’écart detaux de cotisation est égal à 5points (=42,79-37,76). Ce sur-coût est en pratique à la chargede l’employeur, ce qui veut direque, dans l’hypothèse où la ca-pitalisation virtuelle seraitadoptée sans que soit rompul’avantage en faveur des agentsdu secteur public, il faudrait pré-voir un abondement supplé-mentaire de l’employeur équi-valent à 5 points de cotisation.

Quelques remarquesde conclusion.

Tout processus de réforme im-plique une phase de transitiondurant laquelle la nouvelle lé-gislation s’applique progressive-ment. C’est la principale diffi-culté que de fixer la longueur decette période et de déterminerquelles générations relèvent desnouvelles modalités d’acquisi-tion des droits à la retraite. Dans

les réformes qui ne modifientque certains paramètres sansfondamentalement changer lescaractéristiques des régimes deretraite existants, à l’exemple del’allongement de la durée requi-se pour liquider un pension àtaux plein, la question de laphase de transition est résoluede façon implicite. En effet, cetype de réforme s’appuie en gé-néral sur une seconde mesurequi consiste à indexer les pen-sions sur l’indice des prix à laconsommation. Le sens de cetype de mesure qui a le rende-ment financier le plus élevé estle suivant : il y a réforme des ré-gimes de retraite parce qu’ils nesont actuariellement équilibrés.Cela signifie qu’ils promettentdes droits à la retraite dont le fi-nancement risque d’être insou-tenable. L’indexation des pen-sions sur l’indice des prix à laconsommation est alors utiliséepour résorber l’excès de rende-ment implicite que portent lesdroits à la retraite acquis. La ré-forme du régime général de 1993et les mesures d’adaptationprises par les régimes complé-mentaires ARRCO et AGIRCen 1996 reposent principale-ment sur ce canevas où le coût dufinancement des retraites à lacharge des actifs est ralenti enraison du différentiel entre l’in-dice de revalorisation des re-traites et le taux de croissancede l’assiette des cotisations. Defait, ce sont directement les re-

traités qui supportent la plusgrande part de la réforme. Ilssont certes bénéficiaires de lagénérosité antérieure des ré-gimes mais à long terme, cechoix risque d’ajouter des in-équités entre catégories socialeset entre catégories d’âge.

Le principal inconvénient de cetype de réforme est qu’une solu-tion partielle est apportée auxcauses des déséquilibres finan-ciers des régimes de retraite sansque soient introduits des méca-nismes permettant de mettre cesrégimes sur un sentier d’équi-libre. Réformer un système deretraite doit être l’occasion de«repenser» son architecture etde corriger ses principales im-perfections pour l’adapter auxconditions socio-démographiqueset économiques des décennies àvenir. Ce choix comporte sansdoute un risque politique pourles pouvoirs publics mais il leurdonne la possibilité de prendredes décisions qu’eux seuls peu-vent exercer : il s’agit de la priseen compte du bien-être et desintérêts des générations futures,celles qui devront financer lesretraites. Le système de retraitefrançais est incohérent en rai-son de son hétérogénéité etcomporte de fait de nombreuxfacteurs d’inégalités dans le do-maine de la constitution du re-venu de la période de retraite.Ce n’est pas parce qu’il est diffi-cile de mesurer statistiquement

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ces inégalités qu’il faut conclu-re de leur absence. Une réformequi ne s’attaquerait pas à ces in-cohérences serait une occasionmanquée de construire enfin unsystème dans lequel chacunpourrait mesurer l’accumulationprogressive de ses droits à la re-traite avec la règle à effortcontributif identique, pensionidentique. Autrement dit, uneréforme doit en priorité concer-ner les actifs, même si transitoi-rement, les retraités doiventégalement être mis à contribu-tion.

Le mécanisme de la capitalisa-tion virtuelle répond en grandepartie à ces exigences. C’est lesens qu’il faut donner aux ré-formes suédoise et italienne.

Sans renoncer à la technique dela répartition et en conservantla structure du système de re-traite, ces deux pays ont unifié lemode de constitution des droitsà la retraite quelle que soit la ca-tégorie socio-professionnelle oustatutaire des assurés. À cettehomogénéité pour la constitu-tion du revenu de retraite, lesquestions relatives à l’âge de dé-part à la retraite et le traitementdes opérations dites non contri-butives (validation des périodesd’inactivité professionnelle tellesle chômage, les arrêts maladie,etc.) ont également reçu une ré-ponse qui respecte les principesde transparence et d’égalité detraitement. En particulier, l’âgede départ à la retraite est flexibleet dépend en grande partie des

préférences des individus. Enfin,la capitalisation virtuelle per-met de mettre en place des mé-canismes automatiques de régu-lation à long terme des régimespar répartition, via le mode re-valorisation du capital virtuel etla prise en compte de l’allonge-ment de l’espérance de vie dansle calcul de la pension liquidée.

Il ne faut pas sous-estimer lesmultiples avantages d’un systèmede retraite homogène. A l’instarde l’Italie dont le système de re-traite présentait certaines simi-litudes avec le système français,la France pourrait adopter la ca-pitalisation virtuelle pour remé-dier aux nombreuses incohé-rences de son système.

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