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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2008, N° 295 (2) 57 FORÊT SEMI-SÈCHE / LE POINT SUR… Jean-Michel Sarrailh 1 Tiana Madaule 2 Jean-Noël Rivière 2 1 Cirad, Upr Dynamique des forêts naturelles Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France 2 Cirad, Umr Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical 7, chemin de l’Irat 97410 Saint-Pierre la Réunion Étude de la forêt semi-sèche de la Réunion : application à la réhabilitation de la flore indigène La Ravine à Malheur. Photo J.-M. Sarrailh. À la Réunion, des travaux de restauration écologique – plus exactement de réhabilitation de la flore indigène – sont entrepris pour rétablir le fonctionnement de la forêt semi-sèche, souvent très dégradée. Afin d’aider les gestionnaires à choisir les sites prioritaires et les meilleurs moyens, des inventaires de la végétation ont été réalisés qui caractérisent la structure et l’état des forêts. Sur les cinq sites étudiés, crête et versant, 69 espèces indigènes (dont neuf protégées) et 22 exotiques ont été relevées. Des propositions sont faites pour la restauration de chacun des sites.

Étude de la forêt semi-sèche Jean-Michel 1 de la …bft.cirad.fr/cd/BFT_296_57-69.pdf · mise du fait de l’envahissement du milieu par les espèces exotiques. ... premiers temps

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 5 ( 2 ) 57FORÊT SEMI-SÈCHE / LE POINT SUR…

Jean-Michel Sarrailh1

Tiana Madaule2

Jean-Noël Rivière2

1 Cirad, Upr Dynamique des forêtsnaturellesCampus international de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5 France

2 Cirad, Umr Peuplements végétauxet bioagresseurs en milieu tropical7, chemin de l’Irat97410 Saint-Pierre la Réunion

Étude de la forêt semi-sèchede la Réunion : application

à la réhabilitation de la flore indigène

La Ravine à Malheur. Photo J.-M. Sarrailh.

À la Réunion, des travaux de restauration écologique – plus exactement de réhabilitation de la floreindigène – sont entrepris pour rétablir le fonctionnement de la forêt semi-sèche, souvent très dégradée. Afind’aider les gestionnaires à choisir les sites prioritaires et les meilleurs moyens, des inventaires de la végétation ontété réalisés qui caractérisent la structure et l’état des forêts. Sur les cinq sites étudiés, crête et versant, 69 espècesindigènes (dont neuf protégées) et 22 exotiques ont été relevées. Des propositions sont faites pour la restaurationde chacun des sites.

RÉSUMÉ

ÉTUDE DE LA FORÊT SEMI-SÈCHEDE LA RÉUNION : APPLICATION À LA RÉHABILITATION DE LA FLOREINDIGÈNE

Il ne reste plus sur l’île de la Réunionque 1 % de la forêt semi-sèche d’ori-gine. Ces reliques abritent de nom-breuses espèces endémiques proté-gées dont la régénération est compro-mise du fait de l’envahissement dumilieu par les espèces exotiques.Pour rétablir le fonctionnement decette forêt, souvent très dégradée,des travaux de restauration écolo-gique (plus exactement de réhabilita-tion de la flore indigène) sont entre-pris. Afin d’aider les gestionnairesdans le choix des sites prioritaires etdes meilleurs moyens à mettre enœuvre, des inventaires de la végéta-tion ont été réalisés permettant decaractériser la structure et l’état desforêts. Cinq sites ont été étudiés, enpartie en crête et sur versant. Malgréla superficie réduite des parcellesinventoriées, 69 espèces indigènes(dont neuf sont protégées) et 22 exo-tiques ont pu être relevées. À laRavine à Malheur, la densité des tigesest faible et la régénération compro-mise. La forêt de la Providence estplus riche et mieux structurée mais onobserve un fort envahissement parles espèces exotiques. Les forêts dela Grande Chaloupe et de la RavineMontauban ont une densité d’arbresimportante et une structure équili-brée. Le Piton Montvert situé à lalimite orientale de cette formationpossède la forêt la mieux préservée.Des propositions sont faites pour larestauration de chacun des sites.

Mots-clés : forêt semi-sèche, restau-ration écologique, fonctionnementde la forêt, île de la Réunion.

ABSTRACT

A STUDY OF SEMI-DRY FORESTS INLA RÉUNION AND ITS APPLICATIONSFOR THE REHABILITATION OFINDIGENOUS FLORA

The island of la Réunion has now lostall but 1 % of its original semi-dry for-est. These relic areas harbour numer-ous protected endemic specieswhose regeneration is jeopardized bythe encroachment of exotic species.In order to restore the functions ofthese often highly degraded forests,ecological restoration work (or, moreaccurately, the rehabilitation ofindigenous flora species) is beingundertaken. To help managerschoose priority sites and the bestmeans to be implemented, vegeta-tion inventories were carried out inorder to characterize the structureand condition of these forests. Fivesites were studied, partly on ridgesand partly on slopes. Despite thesmall size of the parcels listed, 69indigenous species (including 9under protection) and 22 exoticspecies were found. At Ravine à Mal-heur, stem density is low and regen-eration is unlikely. The forest at LaProvidence is richer and has a betterstructure, but is heavily encroachedby exotic species. Tree density in theforests at Grande Chaloupe andRavine Montauban is high and foreststructure is of better quality. PitonMontvert, at the eastern boundary ofthe formation, has the best preservedforest. Proposals are made for therestoration of each of these sites.

Keywords: semi-dry forest, ecologicalrestoration, forest function, island ofla Réunion.

RESUMEN

ESTUDIO DEL BOSQUE SEMISECO DE LA REUNIÓN: APLICACIÓN A LA REHABILITACIÓN DE LA FLORAAUTÓCTONA

En la isla de La Reunión sólo quedaun 1% del bosque semiseco original.Estas reliquias albergan muchasespecies endémicas protegidas queven peligrar su regeneración por lainvasión de especies exóticas en estemedio. Para restablecer el funciona-miento de este bosque, a menudomuy degradado, se ha establecido unprograma de restauración ecológica(más exactamente de rehabilitaciónde la flora autóctona). Con el fin deayudar a los responsables a elegir loslugares prioritarios y a implementarlos medios más adecuados, se efec-tuaron inventarios de la vegetaciónque permitieron caracterizar laestructura y el estado de los bos-ques. Se estudiaron cinco sitios, enzonas de crestas y laderas. A pesarde la reducida superficie de las par-celas inventariadas, se pudieronobservar 69 especies autóctonas(nueve protegidas) y 22 exóticas. Enel bosque de Ravine à Malheur, ladensidad de los troncos es baja y laregeneración difícil. El bosque de LaProvidence es más rico y mejorestructurado, pero se observa unafuerte invasión de especies exóticas.Los bosques de Grande Chaloupe yde Ravine Montauban tienen unadensidad de árboles importante yuna estructura equilibrada. El PitonMontvert, situado en el extremooriental de esta formación, posee elbosque mejor conservado. Se efec-túan propuestas para la restauraciónde todos los lugares. Palabras clave: bosque semiseco,restauración ecológica, funciona-miento del bosque, isla de LaReunión.

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FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

Jean-Michel Sarrailh,Tiana Madaule, Jean-Noël Rivière

Introduction

Les milieux naturels de laRéunion couvrent encore 37 % du cou-vert végétal existant avant la venue del’homme. Cela concerne essentielle-ment les milieux forestiers d’altitude,car il ne reste presque plus rien de laforêt semi-sèche (semi-xérophile) loca-lisée entre la frange littorale et lespentes ouest des volcans. Soumise àde nombreuses dégradations dès lespremiers temps de la colonisation del’île, elle a été presque entièrementdétruite pour la culture du café, l’ex-ploitation du bois et l’urbanisation. Cesforêts ne subsistent encore que sousforme de lambeaux dans des ravinesencaissées, difficiles d’accès pour lestroupeaux et les agriculteurs. Aujour-d’hui, ces reliques qui ne représententplus que 1 % de la superficie originellede la forêt sèche (Blanchard, 2000)sont souvent structurellement et fonc-tionnellement très dégradées. Si l’ex-tension actuelle de la canne à sucre,les invasions biologiques, les aména-gements routiers (et ferroviaires) et lesincendies constituent de sérieusesmenaces, près de la moitié de la sur-face de ces forêts se situe sur ledomaine bénéficiant du régime fores-tier. Des réserves biologiques ont déjàété mises en place ou sont sur le pointd’être créées (le Bras des Merles, laGrande Chaloupe, la Providence,Cilaos), et une grande partie se situedésormais dans le parc national.

La côte sous-le-vent de laRéunion subit une saison sèche bienmarquée et, de manière générale,une pluviosité annuelle inférieure à1 600 mm. La forêt semi-sèche estdonc localisée à l’ouest entre Saint-Pierre et Saint-Denis, de 150 à 800 md’altitude, sur des fortes pentes etsur des substrats rocheux (falaises,blocs d’éboulis) ou des sols peuépais sur roche-mère colluviale.

Cette forêt se distingue d’autresforêts sèches dans la mesure où lesarbres ne perdent pas leurs feuilles(forêt sempervirente). Le couvert y estsouvent de hauteur réduite, et parfoispeu dense. L’utilisation des arbres etdes arbustes pour le bois d’œuvre et

la pharmacopée a conduit à la raré-faction de nombreuses espèces, dontla plupart aujourd’hui sont protégées.Cette forêt est l’objet d’envahisse-ment à divers degrés par des espècesexotiques, certaines particulièrementagressives comme Furcraea foetidia,le choca vert, ou Hiptage benghalen-sis, la liane papillon.

Pour diminuer l’impact desespèces envahissantes, des opéra-tions dites de « restauration écolo-gique » sont menées par l’Onf(Triolo, 2005). Les auteurs préfèrentparler ici de réhabilitation de la floreindigène. L’état initial de cette forêtétant largement hypothétique, ilparaît en effet présomptueux de pré-tendre « favoriser le rétablissementd’écosystèmes antérieurs » (Aron-son et al., 2002). Ces actions sontencore limitées dans ce milieu etconcernent surtout la lutte contre l’in-vasion par Lantana camara (galabert)et Hiptage benghalensis. Des inter-ventions plus larges sont projetées,mais la fragmentation du milieu com-binée aux dégradations fait dechaque site un cas particulier. Pourchoisir avec pertinence les prioritésdans le choix des zones d’interven-tion et les procédés à utiliser, il est

nécessaire de comprendre commentfonctionne cette forêt, de connaîtresa dynamique et celle des espècesprésentes ainsi que de faire le bilandes perturbations qu’elle a subies.

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La Grande Chaloupe. Photo J.-M. Sarrailh.

Mesure des diamètres pendant l’inventaire. Photo T. Madaule.

Sites d’étude

Ce travail a été réalisé en 2006en faisant l’inventaire des ligneuxdans la forêt semi-sèche (Madaule,2006). Pour rendre compte de ladiversité du milieu et face à la diffi-culté de trouver des reliques suffi-samment préservées, il n’a pas étépossible de mettre en place uneunique parcelle d’inventaire. L’étudede plusieurs sites a donc été néces-saire afin d’obtenir une surface totalereprésentative (6 100 m2).

La dégradation des forêts,l’abondance des espèces exotiques,en particulier d’une agavaceae,Furcraea foetidia (choca vert), ainsique l’accessibilité malaisée en zonesde très fortes pentes ont rendu lechoix des parcelles et la réalisationdes inventaires assez difficiles. Cechoix a finalement porté sur cinqsites différents : la Ravine à Malheur(2 000 m2), la Providence (500 m2), laGrande Chaloupe (700 m2), la RavineMontauban (1 400 m2) et le PitonMontvert (1 100 m2) (figure 1). Parsouci d’homogénéité, deux situa-tions topographiques ont été distin-guées : zones de crête et versant.

Protocole d’étudede la structure de

la forêt

La structure de la forêt a été étu-diée grâce à des inventaires cartogra-phiques par parcelles de 10 x 10 m.Dans chaque parcelle, les ligneux fontl’objet d’un relevé dès 20 cm de hau-teur : identification, coordonnées (X,Y), classe de hauteur et circonférencedes plus gros individus (> 25 cm).

Lantana camara (galabert). Photo J.-M. Sarrailh.

Figure 1. Situation des inventaires de la forêt semi-sèche.

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FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

Résultats

Inventaire flor istique

L’inventaire floristique est pré-senté de façon complète dans lestableaux I (espèces indigènes) et II(espèces exotiques) : pour chaqueespèce rencontrée, nous donnons lenombre de tiges ramené à l’hectare.Pour les espèces rares et protégées, lenombre indiqué est celui observé dansles placettes, l’extrapolation ne pou-vant correspondre à la réalité. (L’arrêtédu 24 février 1995, Journal officiel du11 avril 1995, p. 5693, fixe la liste desespèces végétales sauvages des dépar-tements d’outre-mer dont le ramas-sage, la récolte ainsi que la cession àtitre gratuit ou onéreux peuvent êtreinterdits ou autorisés par arrêté préfec-toral.) (Gargominy, 2003).

Malgré la petite taille de l’es-pace inventorié, l’étude a dénombré69 espèces indigènes (dont neufespèces rares et protégées) et 22espèces exotiques. Elles sont répar-ties en 34 familles d’espèces indi-gènes et 19 d’espèces exotiques(dont dix familles distinctes desespèces indigènes), la prépondé-rance des espèces indigènes sur lesespèces exotiques étant encore nette.

Certaines espèces se dégagentnettement par leur omniprésence surtous les sites (ou presque). Ce sontles arbustes dominants de la forêtsemi-sèche. Il s’agit, pour les indi-gènes, de Cossinia pinnata (bois dejudas), Doratoxylon apetalum (boisde gaulette), Eugenia buxifolia (boisde nèfles), Olea lancea (bois d’oliveblanc) et Securinega durissima(corce rouge). Les espèces exotiquesles plus courantes sont Breyniaretusa (bois corbeau), Lantanacamara (galabert) et Litsea glutinosa(avocat marron).

D’autres espèces ne sont pré-sentes que sur un seul site. Parexemple, Clerodendrum heterophyl-lum (bois de chenilles), Diospyrosborbonica (bois noir des hauts) ouHibiscus columnaris (mahot rempart)ne se rencontrent qu’à la Ravine àMalheur. Sur le Piton Montvert, site le

plus à l’est et le plus arrosé, apparais-sent des espèces non rencontrées surles autres sites. Nous pouvons citer,par exemple, Calophyllum tacama-haca (takamaka) et Gaertnera vagi-nata (losto café). La présence d’es-pèces rares et protégées est observéeessentiellement sur la Ravine àMalheur (quatre espèces), la RavineMontauban (trois espèces) et laGrande Chaloupe (trois espèces).

Structure verticale

La distribution des espèces parclasse de hauteur permet de caracté-riser la structure verticale de la forêtétudiée (figure 2, en crête, et figure 3,sur versant).

Erythroxylum hypericifolium (bois d’huile). Photo T. Madaule.

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Tableau I. Inventaire floristique des sites étudiés – espèces indigènes. (Les lignes en jaune concernent les espèces protégées.)

Espèces indigènes Familles Grande Chaloupe Piton La Ravine à Ravine Montvert Providence Malheur Montauban

Crête Versant Versant Crête Crête Crête Versant

Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre/ha /ha /ha /ha /ha /ha /ha

Poupartia borbonica Anacardiaceae 2

Xylopia richardii Annonaceae 1

Carissa spinarum Apocynaceae 1

Smilax anceps Asparagaceae 86 225 1 073 40 150

Hubertia ambavilla Asteraceae 71 75

Hubertia multifoliosa Asteraceae 18

Psiadia dentata Asteraceae 29 30

Stoebe passerinoides Asteraceae 14

Rhipsalis baccifera Cactaceae 571 75 335 70 50

Cassine orientalis Celastraceae 43 675 150

Pleurostylia pachyphloea Celastraceae 657 150 145 80 230 200

Grangeria borbonica Chrysobalanaceae 50

Calophyllum tacamahaca Clusiaceae 200

Cnestis glabra Connaraceae 9

Dracaena reflexa Dracaenaceae 186 400 40 15 200 225

Diospyros borbonica Ebenaceae 5

Agauria salicifolia Ericaceae 100 75 300

Erica arborescens Ericaceae 557

Erythroxylum hypericifolium Erythroxylaceae 9 6 3 5 18 3

Erythroxylum laurifolium Erythroxylaceae 14 75 164

Erythroxylum sideroxyloides Erythroxylaceae 57 300 545 110 25

Claoxylon parviflorum Euphorbiaceae 600

Drypetes caustica Euphorbiaceae 1

Phyllanthus casticum Euphorbiaceae 130

Phyllanthus phillyreifolius Euphorbiaceae 18

Securinega durissima Euphorbiaceae 2 971 2 775 2 182 1 040 100 4 160

Aphloia theiformis Flacourtiaceae 29 100 773

Casearia coriacea Flacourtiaceae 27

Homalium paniculatum Flacourtiaceae 129 25 164 25

Scolopia heterophylla Flacourtiaceae 2 3

Apodytes dimidiata Icacinaceae 109 25

Ocotea obtusata Lauraceae 55

Nuxia verticillata Loganiaceae 14

Dombeya acutangula Malvaceae 105

Dombeya acutang x D. delislei Malvaceae 25 20

Dombeya delislei Malvaceae 50

Hibiscus boryanus Malvaceae 1

Hibiscus columnaris Malvaceae 15

Memecylon confusum Melastomataceae 2 073 200

Ficus mauritianus Moraceae 25

Ficus reflexa Moraceae 20 10 25

Ficus rubra Moraceae 14 60

Maillardia borborbonica Moraceae 755

Eugenia buxifolia Myrtaceae 300 1 250 91 80 2 120 3 630 5 025

Eugenia mespiloides Myrtaceae 14 125 9 550

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FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

La Ravine à Malheur (en crête)Le nombre d’individus est parti-

culièrement faible (environ 6 700 tigesà l’hectare), répartis de façon presqueidentique entre indigènes et exo-tiques. La distribution des classes dehauteur montre un milieu très perturbéavec des effectifs faibles dans lesclasses de hauteurs inférieures, lastrate la plus représentée étant celledes arbustes de 2 à 4 m de hauteur(1 440 tiges/ha d’espèces indigènes).Dans cette forêt, la régénération estréduite et les arbres supérieurs à 4 msont rares (250 tiges/ha d’espècesindigènes).

Six espèces dominent ennombre la végétation :

▪ trois indigènes, Eugenia buxifolia,Rhipsalis baccifera (une petite cacta-cée qui colonise les rochers et priseen compte dans l’inventaire) etDoratoxylon apetalum ;▪ trois exotiques : Hiptage bengha-lensis, Leucaena leucocephala (cassi)et Litsea glutinosa.

Les espèces rares et protégéessont bien représentées puisqu’ontrouve 15 Hibiscus columnaris dontquatre dans la strate 4-8 m, deuxPoupartia borbonica (zevi marron)supérieurs à 8 m de hauteur, unErythroxylum hypericifolium (boisd’huile) dans cette même strate et unClerodendrum heterophyllum dans laclasse de hauteur 2-4 m.

La Providence (en crête)Le nombre de tiges est nettement

plus élevé qu’à La Ravine à Malheur(environ 13 200 tiges/ha) avec uneprépondérance des exotiques (75 %)sur les indigènes (25 %). La distribu-tion des classes de hauteur montre unmilieu moins perturbé : la classe dehauteur la plus représentée est celledes tiges inférieures à 1 m de hauteur(1 160 tiges/ha). Dans cette forêt, lesindividus d’espèces indigènes supé-rieurs à 4 m sont 2,5 fois plus nom-breux qu’à la Ravine à Malheur.

Ce sont en majorité des espècesexotiques : Litsea glutinosa, Rhuslongipes (faux poivrier blanc),Schinus terebinthifolius (faux poi-

Tableau I. (suite) Inventaire floristique des sites étudiés – espèces indigènes. (Les lignes en jaune concernent les espèces protégées.)

Espèces indigènes Familles Grande Chaloupe Piton La Ravine à Ravine Montvert Providence Malheur Montauban

Crête Versant Versant Crête Crête Crête Versant

Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre/ha /ha /ha /ha /ha /ha /ha

Syzygium cymosum Myrtaceae 236

Olax psittacorum Olacaceae 45

Olea europaea ssp. africana Oleaceae 5

Olea lancea Oleaceae 1 129 1 000 636 320 5 1 050 100

Pandanus sylvestris Pandanaceae 86 175 1 045 110 225

Pittosporum senacia Pittosporaceae 143 100 418 660 1 250

Scutia myrtina Rhamnaceae 14 9 55 10 500

Antirhea borbonica Rubiaceae 443 550 2 364 40 110 1 275

Coffea mauritiana Rubiaceae 9 25

Danais fragrans Rubiaceae 243 25 291 10 125

Gaertnera vaginata Rubiaceae 1 436

Myonima obovata Rubiaceae 29 25 127 30 75

Pyrostria orbicularis Rubiaceae 14

Tarenna borbonica Rubiaceae 10

Toddalia asiatica Rutaceae 29 225 9 40

Vepris lanceolata Rutaceae 73

Cossinia pinnata Sapindaceae 43 300 691 260 5 1 130 1 400

Dodonaea viscosa Sapindaceae 143 60 0

Doratoxylon apetalum Sapindaceae 329 425 1 064 120 355 800 350

Molinaea alternifolia Sapindaceae 243 175 936 125

Labourdonnaisia calophylloides Sapotaceae 64

Mimusops maxima Sapotaceae 529 425 664 460 420 875

Sideroxylon borbonicum Sapotaceae 14

Clerodendrum heterophyllum Verbenaceae 1

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Tableau II. Inventaire floristique des sites étudiés – espèces exotiques.

Espèces exotiques Familles Grande Chaloupe Piton La Ravine Ravine Montvert Providence à Malheur Montauban

Crête Versant Versant Crête Crête Crête Versant

Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre Nombre/ha /ha /ha /ha /ha /ha /ha

Rhus longipes Anacardiaceae 3 400 1 171 1 960 2 910 1 250

Schinus terebinthifolius Anacardiaceae 3 018 4 340 10 25

Ehretia cymosa Boraginaceae 40

Jatropha curcas Euphorbiaceae 15

Breynia retusa Euphorbiaceae 271 257 560 20 240 1 075

Albizia lebbeck Fabaceae 45

Desmodium incanum Fabaceae 345

Leucaena leucocephala Fabaceae 1 920

Litsea glutinosa Lauraceae 2 200 1 343 18 3 080 490 3 990 6 000

Hiptage Benghalensis Malpighiaceae 380 830

Ficus pyrifolia Moraceae 9

Psidium cattleianum Myrtaceae 14 818

Syzygium jambos Myrtaceae 14 286 9 160

Ligustrum robustum Oleaceae 91

Passiflora edulis Passifloraceae 9

Grevillea robusta Proteaceae 9

Eriobotrya japonica Rosaceae 127 40

Rubus alceifolius Rosaceae 127 20 25

Trema orientalis Ulmaceae 9

Boehmeria macrophylla Urticaceae 20 25

Holmskioldia sanguinea Verbenaceae 20

Lantana camara Verbenaceae 343 57 227 180 50 100 25

64 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 )

FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

Figure 2. Distribution des tiges par classe de hauteur : situation sur crête.

Structure verticale de la forêt semi-xérophile

sur crête

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

< 1 1 à 2 2 à 4 > 4 < 1 1 à 2 2 à 4 > 4 < 1 1 à 2 2 à 4 > 4 < 1 1 à 2 2 à 4 > 4

Ravine à Malheur La Providence La Grande Chaloupe Ravine Montauban

Tige

s(n

ombr

e/ha

)

Hauteur (m)

Indigène

Exotique

vrier) et une espèce indigène,Securinega durissima, dont 64 % destiges se trouvent dans la strate 1(0,2-1 m). Mimusops maxima (grandnatte) qui se régénère assez maldans ce milieu relativement fermé(13 % strate 1 et 0 strate 2) devientmajoritaire parmi les espèces indi-gènes en strate 3 et 4. Une espècerare et protégée se rencontre dans cesite : Erythroxylum hypericifolium.

La Grande Chaloupe (en crête)La parcelle est constituée de

deux entités écologiquement diffé-rentes. Une zone de crête et un ver-sant. La zone de crête, dont le milieuest comparable aux deux forêts précé-dentes, a une densité d’arbres impor-tante (environ 15 500 tiges/ha), et ladistribution des classes de hauteur endécroissance en forme de L est carac-téristique d’un milieu non totalementfermé et sans perturbation majeure. Lenombre d’individus supérieurs à 4 mest élevé (572 tiges/ha).

Quelques espèces ont une bonnerégénération comme Securinega duris-sima et Doratoxylon apetalum. À l’op-posé, Mimusops maxima s’observeessentiellement sous forme d’individusde taille supérieure à 2 m. La présencedes espèces exotiques est importante

pour les trois strates inférieures. Lastrate 1 (0,2-1 m) est dominée large-ment par S. durissima pour les espècesindigènes et Rhus longipes pour lesexotiques. La strate 4 (4-8 m) est large-ment dominée par M. maxima.

La Ravine Montauban (en crête)Comme pour la Grande Chaloupe,

une zone de crête est distinguée. Danscette situation topographique, lesvégétaux ligneux ont une densitéimportante : 20 500 tiges/ha. La distri-bution des hauteurs est presque régu-lière et indique une bonne régénéra-tion de la forêt, particulièrement pourSecurinega durissima et Doratoxylonapetalum. Des jeunes Mimusopsmaxima (13 individus, 41 % de l’en-semble de cette espèce sur ce site) serencontrent dans la strate 1 (0,2-1 m),mais la strate suivante (1-2 m) est endéficit, les jeunes plants ne peuvent sedévelopper correctement dans cetteforêt trop fermée pour cette espèce. Enrevanche, il existe des individus âgéssupérieurs à 8 m de hauteur. Celaconcerne M. maxima, S. durissima etquelques individus exceptionnels deCossinia pinnata. Les espèces exo-tiques occupent une part importantedes jeunes individus, particulièrementLitsea glutinosa et Rhus longipes.

La Grande Chaloupe (sur versant)La densité des tiges augmente

légèrement sur versant puisque cettepartie de la parcelle totalise15 625 tiges/ha supérieures à 20 cmde hauteur, dont presque deux fois plusd’indigènes que d’exotiques. La distri-bution est à peu près régulière et lesarbres de plus de 4 m constituent unepart non négligeable de cette forêt.Quelques grands individus de Cassineorientalis (bois rouge) dominent laforêt, mais seulement 10 % des tigesdans la strate 1 (0,2-1 m). La présenced’Agauria salicifolia (bois de rempart)supérieurs à 2 m de hauteur indiqueune forêt en cours de fermeture. Lesdistributions de Securinega durissimaet Doratoxylon apetalum sont caracté-ristiques d’espèces se régénérant sansproblème. La part des exotiques estsignificative avec essentiellementLitsea glutinosa et Rhus longipes. Lesstrates inférieures sont dominées chezles espèces indigènes par S. durissimaet aussi dans une moindre mesure parEugenia buxifolia et Olea lancea. Dansla strate des arbres supérieurs à 4 m, sedistinguent particulièrement Cassineorientalis, Eugenia buxifolia et Mimu-sops maxima.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 65FORÊT SEMI-SÈCHE / LE POINT SUR…

Figure 3. Distribution des tiges par classe de hauteur : situation sur versant.

Structure verticale de la forêt semi-xérophile

sur versant

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< 1 1 à 2 2 à 4 > 4 < 1 1 à 2 2 à 4 > 4 < 1 1 à 2 2 à 4 > 4

La Grande Chaloupe Ravine Montauban Piton Montvert

Indigène

Exotique

Tige

s(n

ombr

e/ha

)

Hauteur (m)

La Ravine Montauban (sur versant)Par rapport à la crête, le versant a

un nombre de tiges légèrement supé-rieur (23 000 tiges/ha). Le nombreimportant d’individus indigènes supé-rieurs à 4 m de hauteur (2 900 tiges/ha)indique une forêt déjà bien évoluée.Deux espèces contribuent à la régéné-ration, principalement sous forme deplantules et de juvéniles : Cossinia pin-nata et Eugenia buxifolia. Dans cetteforêt, de nombreuses espèces sont pré-sentes en petit nombre comme parexemple Grangeria borbonica (bois depunaise), Pleurostylia pachyphloea(bois mussard) et Eugenia mespiloides(bois de nèfles à grandes feuilles).Cette dernière espèce, peu fréquente

mais non protégée, s’exprime plutôtdans les strates 3, 4 et 5 avec 8 indivi-dus par strate. Les exotiques ne s’ob-servent de façon importante que pourdes hauteurs inférieures à 2 m, avecprincipalement Litsea glutinosa. Danstoutes les strates se trouvent abon-damment Eugenia buxifolia, tandisqu’Antirhea borbonica (bois d’osto)domine la strate 4 (4-8 m).

Le Piton Montvert (sur versant)Seule la zone versant a été

inventoriée. Le nombre d’individus estélevé (environ 24 300 tiges/ha supé-rieures à 20 cm de hauteur), avecquatre fois plus d’indigènes qued’exotiques. Un déséquilibre apparaitdans la distribution des espèces indi-gènes pour la classe 3 (2-4 m) de hau-teur, qui comporte presque autant detiges que les deux classes précé-dentes. Notons chez les indigènesl’importance de Memecylon confusum(bois de balai), Securinega durissima,Gaertnera vaginata, Maillardia borbo-nica (bois de maman). Chez les exo-tiques, c’est Schinus terebinthifoliusqui domine dans toutes les strates.

Figure 4. Distribution des tiges par classe de diamètre (> 10 cm de diamètre) : situation sur crête.

Figure 5. Distribution des tiges par classe de diamètre (> 10 cm de diamètre) : situation sur versant.

Structure diamétrique de la forêt semi-xérophile sur crête

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10 à 20 20 à 30 > 30 10 à 20 20 à 30 > 30 10 à 20 20 à 30 > 30 10 à 20 20 à 30 > 30

Ravine à Malheur La Providence La Grande Chaloupe Ravine Montauban

IndigèneExotique

Tige

s(n

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Diamètre (cm)

Structure diamétrique de la forêt semi-xérophile sur versant

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10 à 20 20 à 30 > 30 10 à 20 20 à 30 > 30 10 à 20 20 à 30 > 30

La Grande Chaloupe Ravine Montauban Piton Montvert

IndigèneExotique

Tige

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Diamètre (cm)

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FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

Structure diamétr ique

La structure diamétrique (tigessupérieures à 10 cm de diamètre)des sites est représentée dans lesfigures 4 (en crête) et 5 (sur versant)..Avec, pour chaque site, le nombred’espèces exotiques et indigènes parclasse de diamètre de 10 en 10 cm.Le nombre d’individus par classe estramené à une surface d’un hectarepour faciliter la comparaison.

En crête, il existe une grandedisparité selon les sites. Le nombred’individus est particulièrementfaible à la Ravine à Malheur, alorsqu’à la Ravine Montauban les troisclasses sont bien représentées. Dansle cas de la forêt de la Providence, lastructure diamétrique est bien équili-brée pour les indigènes avec assezpeu de tiges supérieures à 10 cm dediamètre chez les exotiques. LaRavine Montauban (zone de crête) secaractérise par la faiblesse des exo-tiques et aussi par une structure dia-métrique bien équilibrée.

Sur versant, les individus à grosdiamètre sont peu nombreux, lesdeux dernières classes sont peureprésentées. Il existe une relativesimilitude, dans les allures des histo-grammes, pour les individus de laclasse 10-20 cm de diamètre, où lesespèces exotiques sont très peureprésentées (diamètres inférieurs à10 cm exclusivement) et où la struc-ture diamétrique est relativementéquilibrée, avec une forte proportionde diamètres inférieurs à 20 cm.

Discussion :propositions pour

la restaurationdes sites

Cette étude sur la structure de laforêt permet de caractériser pour cessites un certain nombre d’indicateurscomme la diversité spécifique, lenombre d’espèces protégées, l’abon-dance relative entre espèces indi-gènes et exotiques et la présenced’une régénération suffisante pour lerenouvellement des espèces indi-gènes (tableau III). Elle permet doncde proposer des actions de conserva-tion ou de restauration.

Différents modes de gestion peu-vent être envisagés : la conservationdes espèces rares peut être privilégiéeou, au contraire, la restauration desmilieux les moins dégradés envisagéeen priorité. Le cas de la Ravine àMalheur est significatif de ce para-doxe : c’est la parcelle qui renferme leplus d’espèces rares et protégées dontHibiscus columnaris (mahot rempart),représenté par 15 individus répartissur huit des 20 parcelles. Deux grandsindividus de Poupartia borbonica (zevimaron), un Clerodendrum heterophyl-lum (bois de chenilles) et unErythroxylum hypericifolium (boisd’huile) complètent le nombred’arbres de grand intérêt. Mais la pré-sence de ces espèces phares ne doit

Carissa spinarum (bois amer). Photo J.-M. Sarrailh.

Tableau III. Indicateurs de l’état de la forêt.

Ravine La Grande Ravine Piton à Malheur Providence Chaloupe Montauban Montvert

Nombre d’individus/ha > 0,20 m (indigènes) 3 400 2 620 0 0 19 444

Nombre d’individus/ha > 0,20 m (exotiques) 3 410 10 540 0 0 4 655

Nombre d’espèces indigènes 19 13 39 34 40

Nombre d’espèces protégées 4 1 3 3 2

Nombre d’espèces exotiques 8 8 6 8 13

Densité en tiges/ha > 10 cm de diamètre 205 740 1 165 1 645 735

Surface terrière en m2/ha crête-versant 4,2 21,9 8,9-27,4 19,4-18,6 17,5

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pas faire oublier que le nombre d’es-pèces indigènes n’est pas très élevé(18 espèces). Le choca vert (qui couvreplus de 40 % de la surface enmoyenne) et l’importance des rochersdiminuent le couvert végétal ligneux.La régénération des ligneux indigènesest limitée à quelques espèces commeEugenia buxifolia, Phyllanthus casti-cum (bois de demoiselle), Doratoxylonapetalum ou Ficus rubra (figuierrouge). Le vieillissement des arbres etla diminution du nombre d’espècessont facilement prévisibles du fait del’extension inéluctable d’Hyptage ben-galensis, qui finira par recouvrir l’en-semble de la végétation. La mise envaleur difficile de ce site nécessite destravaux de restauration importants quivont mobiliser des moyens financiersconséquents : il faut d’urgence réaliserl’éradication de la liane papillon et duchoca vert, et poursuivre par la des-truction progressive du cassi. Desplantations en essences indigènessont indispensables car la régénéra-tion naturelle de ces espèces est quasiinexistante (les méthodes nécessairesà la multiplication des espèces indi-gènes sont présentées dans un cédé-rom) (Sarrailh et al., 2007).

Autre cas de figure, la forêt de laProvidence, où se rencontre la plusrépandue des espèces protégées,Erythroxylum hypericifolium (boisd’huile). Le nombre d’espèces indi-gènes relevé est faible (13 espèces). Ladensité des tiges est nettement plus

élevée qu’à la Ravine à Malheur, maisavec une place importante prise par lesespèces exotiques. En effet, deuxespèces s’y multiplient de façon végé-tative (Litsea glutinosa et Schinus tere-binthifolius) et la liane papillon est pré-sente. Cela laisse prévoir unedégradation inexorable de cette forêt.Contrairement au site précédent, la pré-sence de nombreuses espèces indi-gènes dans les strates inférieures estsigne d’une bonne régénération. Si laprésence des exotiques ne semble pasperturber la structure de ce milieu, lamise en valeur nécessite l’éradicationde la liane papillon et l’élimination pro-gressive des autres espèces exotiques.La plantation n’est pas indispensable sila régénération d’espèces exotiques estmaîtrisée au fur et à mesure de l’appari-tion des juvéniles. Comme la diversitéspécifique est faible une plantationd’espèces rares peut être envisagée.

La Grande Chaloupe et la RavineMontauban sont structurellementassez semblables avec la présence deplusieurs espèces protégées dans lesdeux cas : Hibiscus boryanus (foulsa-pate), Scolopia heterophylla (bois detisane rouge) et bois d’huile à laGrande Chaloupe ; Carissa spinarum(bois amer), le bois de tisane rouge etle bois d’huile à la Ravine Montauban.La diversité spécifique est élevée sur-tout à la Grande Chaloupe où sur lacrête apparaissent des espèces pion-nières comme Hubertia ambavilla(ambaville), Psiadia dentata (bois col-lant) et Agauria salicifolia. La part desespèces exotiques est importante saufpour la strate supérieure à 4 m. Les tra-vaux peuvent donc se limiter à l’élimi-nation progressive des espèces enva-hissantes, la régénération abondanteen espèces indigènes semble assurée,il faudra simplement dégager ces juvé-niles de la présence des exotiques.

Le Piton Montvert est le milieule plus humide et le mieux préservé ;ces conditions favorisent la diversitédes espèces indigènes (40). Deuxespèces protégées, Drypetes caustica(corce blanc bâtard) et Xylopia richar-dii (bois de banane), ont été relevéesdans l’inventaire. Mais hors parcellesde mesure, plusieurs espèces proté-gées sont observables dont Hugoniaserrata (liane de clé) et de nom-breuses orchidées. La régénérationest assurée et la part des exotiquesest limitée. Aussi, dans cette forêt, ilfaut surtout veiller à éviter la venuede nouvelles espèces envahissantes(Ligustrum robustrum, troëne, identi-fié lors de l’étude), procéder à l’arra-chage du choca et au dégagementraisonné des espèces exotiques.

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FOCUS / SEMI-DRY FORESTS

Xylopia richardii (bois de banane). Photo J.-M. Sarrailh.

Eugenia mespiloides (bois de nèfles à grandes feuilles). Photo J.-M. Sarrailh.

Conclusion

La forêt semi-sèche de laRéunion est le milieu forestier lemoins préservé et le plus menacé del’île. Elle est en grande partie géréepar les collectivités, qui souhaitentfonder la gestion de cet écosystèmesur des critères scientifiques pour lesopérations de restauration écolo-gique. Ces opérations coûteuses sontrendues nécessaires pour luttercontre les espèces exotiques quienvahissent ce milieu et nuisent àleur fonctionnement.

La méthode d’inventaire utiliséea montré son apport indispensable àla connaissance de ces forêts et lesinformations précieuses sur l’étatdes sites étudiés permettent decaractériser un certain nombre d’in-dicateurs nécessaires au rétablisse-ment du système et une conservationdurable de ce milieu et des espècesqui le composent.

Il n’a pas été facile de procéderà un échantillonnage exhaustif decette forêt, les difficultés de mise enœuvre sont en effet nombreuses. Ladiversité des cas étudiés donne,cependant, une bonne image de l’en-semble de cette formation végétale.Il doit être donc possible à partir deces données de transposer ces infor-mations à l’ensemble des sites où lamise en œuvre de travaux de restau-ration écologique s’avère nécessaire.

Au besoin, des inventaires dumême type sur des surfaces limitéespourront préciser l’état du milieu etles méthodes à prescrire.

Référencesbibliographiques

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 8 , N ° 2 9 6 ( 2 ) 69FORÊT SEMI-SÈCHE / LE POINT SUR…

Hibiscus columnaris (mahot rempart). Photo J.-M. Sarrailh.