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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS Groupement d’Intérêt Public 1 Rue Etienne Gourmelen BP 1705 29107 QUIMPER CEDEX Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce d’un cancer. « Le ciel m’est tombé sur la tête. » Paroles de Mr LR U.E.3.4, U.E.5.6, U.E.6.2 du semestre 6. Françoise KERVEADOU CRAS Promotion 2012/2015 Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Sylvain PETIT

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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS

Groupement d’Intérêt Public 1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705

29107 QUIMPER CEDEX

Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce

d’un cancer.

« Le ciel m’est tombé sur la tête. » Paroles de Mr LR

U.E.3.4, U.E.5.6, U.E.6.2 du semestre 6.

Françoise KERVEADOU CRAS Promotion 2012/2015

Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Sylvain PETIT

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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS

Groupement d’Intérêt Public 1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705

29107 QUIMPER CEDEX

Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce

d’un cancer.

« Le ciel m’est tombé sur la tête. » Paroles de Mr LR

U.E.3.4, U.E.5.6, U.E.6.2 du semestre 6.

Françoise KERVEADOU CRAS Promotion 2012/2015

Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Sylvain PETIT

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Note au lecteur « Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou

partie sans l’accord de son auteur »

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Remerciements

Au travers ce mémoire, qui signe la fin de mes trois années à l’IFSI de Quimper, je tenais à remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée, soutenue, conseillée tout au long de ma formation.

Avant tout, je voudrais remercier de tout cœur ma famille et mes amis proches.

Un immense merci à Cyrille, mon conjoint. Merci de m’avoir épaulée, supportée, aidée tout au long de ce parcours, qui a été extrêmement difficile surtout au cours de cette 3ème année.

Merci à vous nos enfants, Katell et Erwann. Je suis fière de vous, car avoir une maman étudiante vous a demandé de vous adapter.

Merci à toi Maman. Chaque jour qui passe, tu es pour moi un modèle de courage et d’amour.

Merci à toi Fan, ma fidèle supportrice, et de tout cœur bravo pour cette force qui est en toi. Merci à mes nièces adorées, Morgane et Nolwenn.

Merci à mon beau-père, Jean, ainsi qu’à sa compagne Michelle.

Enfin j’ai une pensée toute particulière pour mon père et mon frère Jean-Pierre. Ces trois ans ont été marqués par votre départ, chaque jour vous êtes là à mes côtés, et vous me donnez la force de continuer.

Merci à mes amis, Michèle, David et Christelle, Philippe; s’en oublier les ex de Girex, chacun a fait sa route, mais notre amitié nous lie à jamais. Merci aussi à Sophie et Thierry pour leur aide et leurs conseils.

A l’IFSI, ce sont aussi de belles rencontres. Alors merci à Sophie, ma fidèle co équipière, et merci à Lydie, Marine, Isa, Fabienne, Halima, et tous ceux avec qui j’ai pu partager de bons moments.

Je remercie sincèrement les formateurs de l’IFSI. En particulier Philippe Desoignies, mon formateur référent, toujours à l’écoute, disponible et encourageant tout au long de ces 3 ans, ainsi que Sylvain Petit pour ses conseils et son aide dans la réalisation de ce mémoire.

Et enfin, je remercie les professionnels de santé pour m’avoir accordé du temps afin de recueillir leurs expériences de terrain, indispensables à la réalisation de ce mémoire.

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Sommaire Pages

Introduction .................................................................................................................. 3

Situations d’appel ......................................................................................................... 4

I- La colère de Mr P .................................................................................................. 4

II- L’angoisse de Mr LR ............................................................................................. 6

III- Les larmes de Mme C .......................................................................................... 6

L’analyse de ces situations ........................................................................................... 8

I- L’analyse ............................................................................................................... 8

II- Réflexions, interrogations et motivations pour ce sujet ......................................... 9

III- Questions de départ ...........................................................................................10

Cadre conceptuel ........................................................................................................11

I- Le cancer et ses représentations ..........................................................................11

I.1- La pathologie et quelques chiffres ..................................................................11

I-2 Les images ambigües du cancer, nos représentations ....................................13

II- L’annonce et ses enjeux ......................................................................................15

II-1 Le dispositif d’annonce aujourd’hui ................................................................15

II-2 Le moment de l’annonce ................................................................................16

III- Relation soignant-soigné post annonce, associée à la notion de pertes .............19

III-1 La réalité de la relation soignant-soigné post annonce ..................................19

III-2 La relation dans le soin .................................................................................20

III-3 Les mécanismes de défense .........................................................................22

III-4 Maladie cancéreuse et processus de deuil ....................................................23

IV- Problématique, questions de recherche .............................................................24

Présentation de la méthodologie utilisée .....................................................................25

I- Présentation du dispositif et des modalités d’enquête ...........................................25

I.1 Choix et construction de l’outil d’enquête ........................................................25

I.2 Choix des lieux et des populations ..................................................................25

I.3 Limites et déroulement de l’enquête ................................................................25

Analyse des données recueillies .................................................................................26

Synthèse : points forts, limites et réflexions .................................................................38

Conclusion ..................................................................................................................42

Bibliographie ...............................................................................................................44

Annexes ........................................................................................................................ I

Sommaire des annexes ............................................................................................. I

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Citation d’auteur « Un diagnostic de cancer c’est brutalement le futur qui s’obscurcit, tous les projets remis en cause, et, surtout, la pensée d’une mort prématurée que malades et entourage chassent de leur conscient, de leur parole, et qui pourtant revient à chaque instant. »1

1 Dr SOLAL-CELIGNY, Philippe. Cancer. Pourquoi moi Docteur ? p.5

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Introduction

A l’issue de nos 3 années de formation en soins infirmiers, il nous a été demandé de réaliser un mémoire de fin d’études. Aujourd’hui appelé MIRSI, mémoire d’initiation à la recherche en soins infirmiers, ce travail est un travail réflexif méthodique et rigoureux à partir d’une situation en lien avec la profession infirmière. Il s’inscrit dans une démarche de professionnalisation et de développement de la recherche en soins infirmiers.

En ce qui me concerne et compte tenu de mes différentes expériences de stage, j’ai choisi de traiter de la relation soignant-soigné dans un contexte récent d’annonce de cancer. En effet, suite à mon stage de 10 semaines au semestre 5 en pneumologie, le sujet de mon mémoire s’est peu à peu précisé. Durant ce stage, il y avait chaque semaine des annonces de cancer. C’est sans doute ce qui m’a le plus marqué et aussi le plus interpellé. Dans ces situations toutes singulières les unes des autres, il y avait bien, dans la relation soignant-soigné, un Avant et un Après l’annonce. Et en tant que future professionnelle je trouvais intéressant d’analyser à postériori ces situations, afin de répondre à mes interrogations et de mieux comprendre tout l’enjeu qui se jouait à cet instant. In fine, ma recherche infirmière a pour but de m’apporter des connaissances supplémentaires, afin de tenter au mieux d’accompagner la façon toujours singulière qu’un homme ou une femme traverse ce moment de crise, de bouleversement que représente l’annonce de la pathologie cancéreuse.

Partant de trois situations vécues durant mon stage en pneumologie, je ferai ainsi émerger des réflexions et interrogations, et en retirerai un questionnement de départ, fil conducteur de mon travail de recherche. Puis j’exposerai le cadre conceptuel, et développerai, au travers mes recherches théoriques, les concepts clés en lien avec mon sujet. Après un rappel de la problématique, suivra la présentation de mon enquête de terrain auprès de trois professionnels de santé. A la suite de cette enquête de terrain, je présenterai l’analyse des entretiens, afin d’aboutir à la synthèse mettant en évidence les points forts, les limites, et les réflexions résultant de ma recherche.

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Situations d’appel

Description de mes situations d’appel

Les situations qui m’ont inspirées mon travail de recherche se sont déroulées durant mon stage de 10 semaines dans le service de pneumologie. Je décrirai un peu plus longuement la première situation concernant Mr P patient de 68 ans, que je prenais en soins depuis une semaine. Puis j’évoquerai deux autres situations de soins, celles de Mr LR et de Mme C. Ces trois situations m’ont interpellées et m’ont permis d’élaborer mon questionnement de recherche, c’est pourquoi je trouvais important que toutes les trois figurent ici.

I- La colère de Mr P

« Ras l’bol, fichez moi tout çà en l’air… »

Ce matin Mr P était pensif, sa colère de la veille s’était apaisée, même si au fond de lui je sentais bien qu’il y avait un Avant et un Après cette annonce de son cancer, qu’il nommait lui-même « l’électrochoc » de hier.

Hospitalisé depuis une semaine en pneumologie pour un épanchement pleural gauche et un pneumothorax droit, Mr P retraité et jusque là en pleine forme, se retrouvait cloué dans un lit d’hôpital passant chaque jour des examens différents. Il commençait à trouver le temps long, se demandant ce qui allait être finalement décidé. Ses douleurs étaient bien soulagées par les antalgiques palier 1, il était en air ambiant et présentait « juste » une dyspnée d’effort. D’un point de vue hémodynamique son état était stable et non inquiétant. Néanmoins je trouvais que l’angoisse de Mr P grandissait. Je tentais de le rassurer en lui expliquant bien qu’après avoir subi une première ponction évacuatrice, le médecin souhaitait maintenant avoir tous les éléments médicaux afin de décider de la suite. C’est pourquoi après les radios pulmonaires successives, il avait passé un Scanner thoracique, eu une fibroscopie bronchique et une biopsie pleurale.

Aux transmissions du lundi 3 Novembre 2014, le médecin annonçait qu’il venait de recevoir les premiers résultats des prélèvements suite à la ponction évacuatrice. Ces résultats révélaient la présence de cellules suspectes mais sans conclusion possible. Le Scanner thoracique, quant à lui, mettait en évidence la découverte d’une masse suspecte inférieure droite avec deux adénopathies. Dans l’attente des prochains résultats (biopsie pleurale et prélèvements de la FB2 envoyés à l’anapath3), le médecin allait lui poser un drain thoracique à droite pour son pneumothorax. Pour son angoisse, j’en parlais au médecin qui jugea bon de prescrire de l’Alprazolam 0.25mg si besoin.

Dans la matinée le médecin et moi-même informions Mr P de la pose du drain. Il était calme et comprenait bien la situation, le but étant que les deux feuillets pleuraux se recollent et qu’il se sente mieux pour respirer.

2 FB : fibroscopie bronchique

3 Anapath : anatomo-pathologie

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Les jours suivants la pose du drain, Mr P était beaucoup plus algique (du Tramadol était prescrit), il supportait difficilement ce repos strict à cause du drain en aspiration continue, qui l’empêchait de bouger, et de bien dormir. Chaque jour il avait une radio pulmonaire en chambre afin de vérifier l’évolution. Il prenait son Alprazolam en soirée pour être moins angoissé la nuit. En journée il me disait prendre son mal en patience, je lui expliquais l’importance que son drain soit en aspiration tant qu’il y avait la persistance du décollement. Il se montrait coopérant, mais très impatient, et posait de plus en plus de questions, surtout : combien de temps çà va durer? Comme la télé était souvent allumée, il aimait aussi me parler des reportages qu’il regardait, il adorait les voyages et la lecture. Chaque jour il me parlait d’un nouveau pays. En chambre double il s’entretenait aussi beaucoup avec son voisin.

Et puis il y a eu cet après midi du 6 Novembre. Quand je suis rentrée dans la chambre de Mr P, j’ai bien senti que quelque chose n’allait pas. A mon bonjour aucune réponse, il me tournait le dos, regardant dehors. Ce n’était pas à son habitude, toujours accueillant, et jovial, je ne le reconnaissais pas. Est-ce le fait que son voisin de chambre s’en aille justement cet après midi ? C’est vrai, ils s’entendent bien tous les deux. Ou y a t-il vraiment autre chose ? Je m’approche de lui, lui souris et c’est alors qu’il explose : « Enlevez moi tout çà. Ras l’bol, fichez moi tout çà en l’air…J’en ai plus rien à foutre de tout ce bazar. De toute façon tout çà est de ma faute. Ce que je veux c’est partir, retrouver mes potes, boire une bonne bière et fumer une bonne cigarette. » J’essayai de le résonner, mais rien n’y faisait. Je lui disais que c’était le médecin qui décidait du retrait du drain. Et c’est là qu’il me répondit : « Ah, parlons en du médecin. Il vient justement de sortir de la chambre. J’ai bien compris, il s’agit bien du cancer. Ce mot qu’on ose à peine prononcer et qui fait peur à tout le monde. Maintenant que je sais, je veux qu’on me laisse tranquille, qu’on m’enlève tout ce bazar et que je m’en aille. Fini, vous entendez fini. »

Je savais que les derniers résultats confirmaient un cancer pulmonaire, mais j’ignorais que l’annonce par le médecin venait d’être faite. Je suis restée un instant silencieuse, puis j’ai fini par lui dire que je comprenais cette colère, et que sa façon de réagir était tout à fait normale. Il m’a alors répondu : « C’est dommage, je n’ai rien contre vous, mais vous comprenez c’est trop…çà fait plus d’une semaine que je suis là et vlan il m’annonce çà comme çà. Je savais bien qu’il y avait un truc. » Je lui ai dis que j’allais en parler avec le médecin, et s’il souhaitait je pouvais lui donner un Xanax pour l’apaiser un peu, çà lui ferait du bien. Il accepta en me disant : « Donnez moi ce que vous voulez, un truc qui me fera oublier… » Après quoi, je sortis de la chambre en lui disant à tout à l’heure, il était encore très remonté mais je trouvais que le ton de sa voix était un peu descendu.

Le soir il était plus calme, nous avons même parlé de Valparaiso au Chili, il avait vu un reportage à la TV. Ancien marin de la marine marchande, il connaissait pleins de pays. Il m’annonça alors que maintenant il ne voyagerait plus, que çà aussi c’était fini. Avant de sortir de la chambre, je lui ai dit que parfois il n’y avait pas besoin de partir très loin pour vivre de bons moments et voir de très belles choses. Il m’a répondu : « Oui c’est vrai, nous avons la chance d’être dans une belle région. » Et il m’a souri…

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II- L’angoisse de Mr LR

« Cette semaine…Le ciel m’est tombé sur la tête. »

Je me souviens alors de Mr LR patient de 72 ans entré pour un bilan d’opacité hilaire gauche dans un contexte d’encombrement bronchique avec dysphonie et dyspnée depuis 5 semaines. Mis sous aérosols et corticoïdes, le scanner thoracique mit en évidence une tumeur hilaire gauche infiltrative avec métastases pulmonaires, hépatiques, surrénales et épanchement pleural. Les résultats des prélèvements de la FB par l’anapath confirmèrent là aussi l’adénocarcinome pulmonaire, et l’annonce de cancer au patient fut réalisée dans le bureau du médecin. Suite à l’annonce, Mr LR demeura calme mais sa douleur morale était prégnante. Il était triste, la tête baissée. Il me disait : « C’est dur de vieillir, on a travaillé dur toute notre vie et maintenant voilà… Cette semaine… Le ciel m’est tombé sur la tête. » L’annonce de son cancer avait majorée son angoisse, au point que cela lui provoquait des crises de dyspnées la nuit. Il me disait : « la nuit j’ai peur de ne plus pouvoir respirer. » Très angoissé depuis l’annonce, il avait été mis sous Hydroxyzine et Alprazolam, et chaque jour je restais un plus longtemps parler avec lui car il avait besoin d’être rassuré et écouté. Il souhaitait que ses enfants soient informés.

Et puis un jour, suite à sa rencontre avec l’infirmière d’annonce, il me sembla qu’il s’était décidé à prendre les choses en main, d’attaquer de front comme il me disait. Ancien infirmier il menait ses recherches de son côté, se documentait, me parlait d’un ami qui avait lui aussi un cancer du poumon et qui était en radiothérapie. Il était clair qu’il voulait reprendre les rennes, afin de vouloir maitriser la situation. Il me montrait alors ses notes prises et son classeur de suivi, les rendez-vous pour la pose de PAC (port à cath) puis le début de la chimio. Tout était bien noté. Il était fier de me le montrer.

III- Les larmes de Mme C

« J’en peux plus, je veux mourir… »

Mme C patiente de 65 ans était entrée pour douleurs lombaires intenses. A la suite de plusieurs examens médicaux, le diagnostic était tombé : adénocarcinome pulmonaire avec métas surrénaliennes, pelviennes et osseuses, entrainant une compression médullaire à l’origine de ses très fortes douleurs. Tout était allé très vite. L’annonce de son cancer plongeait Mme C dans un chagrin immense et une perte d’espoir : « Si les médecins n’ont plus d’espoir comment voulez vous que j’en ai. J’ai l’impression qu’ils m’abandonnent. J’en peux plus, je veux mourir… » Les médecins à ce moment là devaient discuter entre eux du projet thérapeutique. Pour Mme C, l’attente était longue.

Alitée elle sonnait très souvent. Certains soignants étaient un peu agacés. Parfois je la retrouvais en larmes parce qu’elle trouvait que certains soignants étaient durs avec elle. J’essayais alors de la réconforter, et de trouver un petit quelque chose qui pouvait lui redonner goût à la vie. Elle adorait les enfants, elle avait déjà sept petits enfants. Ils lui avaient fait des bracelets et colliers en perle et lui avaient envoyé un joli message. Ce jour là en me lisant le petit mot de sa petite fille, elle avait les larmes aux yeux, moi aussi j’étais émue, à cet instant en lui touchant l’épaule, je lui ai dit qu’il fallait qu’elle s’accroche pour eux.

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Puis les médecins en RCP4 décidèrent d’un transfert sur Brest en neurochirurgie pour une éventuelle kyphoplastie5. Cette intervention consiste à gonfler un ballonet en silicone au sein du corps vertébral tassé, puis à injecter un ciment acrylique dans cette cavité osseuse.

Le médecin informa la patiente et son conjoint de l’éventuelle intervention, donna les explications, et la date de son transfert en neurochirurgie, là bas la décision finale de l’opération incombait aux neurochirurgiens. Les jours qui suivirent, et dans l’attente de son départ sur Brest, je remarquai qu’elle portait chaque jour un collier ou un bracelet différent. Pour moi c’était un signe.

4 RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire

5 INTERVENTIONAL RADIOLOGY. Fiche kyphoplastie [en ligne] (consulté le 06/04/15). Disponible sur : http://www.info-radiology.com › ESPACE PRO › Espace manipulateurs

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L’analyse de ces situations

C’est parce qu’il n’y a pas un mais des cancers, c’est parce qu’il n’y a pas une réaction mais bien des réactions toutes différentes les unes des autres à l’annonce de la maladie, que j’ai choisi de présenter ces trois situations rencontrées lors de mon stage en pneumologie. Ces situations de soins ont fait émerger mon questionnement et ont motivé mon travail de recherche.

I- L’analyse

Avant l’annonce, l’attente et les interrogations des patients

Avant l’annonce du diagnostic par le médecin, les patients passent un tas d’examens complémentaires : bilans biologiques, imagerie, chirurgie exploratoire. Cette attente, comme dans le cas de Mr P est souvent difficile à contenir. Dans ces moments, l’imaginaire continue à travailler et l’angoisse est souvent palpable. C’est à nous soignants d’essayer de les rassurer et de les informer dans la limite du cadre réglementaire qui entoure l’exercice professionnel infirmier. Parfois nous connaissons le diagnostic, mais le médecin n’a rien annoncé au patient. Devant les questions parfois récurrentes des patients leur répondre est essentiel même si l’on sait très bien que ce n’est pas cela qu’ils attendent. En tant que soignant cela peut nous mettre dans des situations délicates, alors quand l’impatience du patient devient trop grande, il est important d’en faire part au médecin.

Les moments et les jours qui suivirent l’annonce

Suite à l’annonce du cancer je remarquai de mon côté que la relation soignant-soigné s’en trouvait modifiée. J’avais été complice de ce chagrin, j’avais entendu cette colère, j’avais senti cette angoisse. Il était évident que l’annonce de cette maladie tant redoutée impliquait par la suite un contact différent et propre à chacun. Dans ces moments il me semblait que la relation soignant-soigné s’en trouvait modifiée car plus intense, plus sensible et plus intime parfois. Il me semblait alors que le « prendre soin » prenait ici tout son sens, car plus qu’avant, les soins devenaient prétexte à l’échange, à l’écoute, mais aussi à rassurer, expliquer, et réconforter. En un sens, je percevais que cette relation soignant-soigné permettait de maintenir un lien avec tout le reste et pas seulement avec le mode organique seul.

Ainsi cette relation soignant-soigné insufflait chaque jour des idées nouvelles pour aider les patients à continuer à y croire. Cette relation était faite de ces tous petits riens qui apportaient l’apaisement et le soutien. Au fil des jours, il y avait chez les patients petit à petit l’envie de se raccrocher à quelque chose. Parfois en prenant son courage à deux mains comme disait Mr LR et surtout ne pas se laisser faire, parfois aussi comme Mme C en puisant son énergie auprès des siens, ses enfants et petits enfants qui l’entouraient, et puis parfois comme Mr P en rêvant de voyages et de jolis paysages. Chacun à leur façon tentait de faire face à cette épreuve.

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Jusque là en pleine santé et voulant tous pleinement profiter de leur retraite, la vie de ces patients sexagénaires et septuagénaires se retrouvait brutalement bouleversée. Avec l’annonce du cancer l’angoisse de mort surgissait. Tout perdre sans se perdre tel était pour moi l’image du défi qu’ils se fixaient, et tout l’enjeu des soins que je pouvais leur apporter.

II- Réflexions, interrogations et motivations pour ce sujet

Durant ce stage en pneumologie, il y avait chaque semaine des annonces de cancer. C’est sans doute ce qui m’a le plus marqué, mais aussi qui m’a mise le plus en difficulté pour différentes raisons :

L’annonce de cancer était dite aux transmissions par les médecins, tant qu’ils ne voyaient pas une voie thérapeutique à proposer, l’annonce au patient n’était pas faite. Il fallait donc faire comme si, devant des patients qui attendaient leurs résultats.

Et puis quand avait eu lieu l’annonce du diagnostic par le médecin, il y avait à chaque fois la réaction singulière du patient à laquelle je devais m’adapter, et devant laquelle je me sentais parfois démunie.

L’annonce de cancer mettait le patient face à ses représentations, face à ses peurs. Je trouvais qu’il était donc primordial pour nous soignant d’être à son écoute, de lui permettre de laisser libre cours à ses pensées, en un mot de cheminer pas à pas à ses côtés en lui laissant le temps.

Ainsi les jours suivants l’annonce, la relation soignant-soigné s’en trouvait modifiée. Comment ? Je n’arrive pas trop bien à le décrire, mais oui, il y avait bien un Avant et un Après l’annonce.

Ainsi quels sont chez ces patients les mécanismes de défense mis en œuvre devant un tel chaos ?

A chaque moment dans ces situations quels sont aussi pour nous soignants les ressources à notre disposition ? Sur quoi pouvons nous nous appuyer afin d’apporter le soutien et l’accompagnement le plus adapté à chaque personne ? Quelle attitude devons-nous adopter face à l’impatience des patients, à des réactions de colère, et de désespoir ?

Et quelles sont les limites dans la relation soignant-soigné afin de nous protéger, nous soignant ?

Suite à l’annonce, comment alors définir la posture soignante ?

C’est pour toutes ces raisons et ces interrogations que j’ai trouvé intéressant de développer ce sujet dans ma réflexion de fin d’études. D’une part analyser ces situations à postériori, me permet d’avoir aujourd’hui une posture plus réflexive, et d’autre part, travailler sur ce thème m’apportera des atouts majeurs pour ma future pratique infirmière. Le cancer est une pathologie que l’on rencontre dans tous les services et qui touche toutes les classes d’âge et toutes les classes sociales.

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III- Questions de départ

Toutes ces réflexions et interrogations s’inscrivent donc dans une démarche de recherche, au regard, comme cité par Walter Hesbeen6, « d’une perspective soignante, porteuse de sens et aidante pour la personne soignée. » Et m’amène à mon questionnement initial de mon MIRSI :

En quoi l’annonce d’un diagnostic de cancer impacte par la suite la posture du soignant dans sa relation à la personne ?

Autrement dit, en quoi le soignant doit adapter sa relation au patient après l’annonce d’un diagnostic de cancer ?

6 HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital, p.2

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Cadre conceptuel

Le cadre conceptuel

Afin de développer le sujet de mon mémoire, bâtir un cadre conceptuel est fondamental, car il permet d’initier le travail de recherche et de le contextualiser. Au regard de mes situations d’appel, mon analyse et mon questionnement, j’ai mis en évidence trois thèmes importants. Ces thèmes en lien avec les concepts fondateurs de la démarche soignante (la santé, la personne, la maladie, le soin) seront :

- le cancer et ses représentations.

- l’annonce du diagnostic et ses enjeux : le dispositif d’annonce aujourd’hui.

- la relation soignant-soigné post annonce, associée à la notion de pertes.

I- Le cancer et ses représentations

I.1- La pathologie et quelques chiffres

Qu’est-ce qu’un cancer ?

Le mot « cancer » désigne un groupe de maladies très différentes les unes des autres. Ainsi nous ne devrions pas parler du cancer, mais des cancers (au pluriel). La science des cancers s’appelle la cancérologie ou encore appelée l’oncologie.

Un cancer est une tumeur maligne, qui correspond à « la multiplication anarchique de certaines cellules normales de l’organisme, échappant aux mécanismes normaux de différenciation et de régulation de leur multiplication. Ces cellules sont capables d’envahir le tissu normal avoisinant, en le détruisant, puis de migrer à distance pour former des métastases. »7

« En l’absence de traitement, l’évolution du cancer mène au décès qui résulte :

-des complications aigües provoquées par le cancer (hémorragies, compression cérébrale, dyspnée majeure).

-de l’insuffisance de fonctionnement progressive des organes vitaux du fait de l’abondance des métastases (insuffisance respiratoire, insuffisance hépatique, insuffisance rénale).

-de la dégradation massive de l’état général du patient (cachexie) »8.

7 Dr ARNAUD, Bertrand. Cancérogénèse. Cours : processus tumoraux : U.E.2.9 : IFSI Quimper,

2015. 8 Ibid.

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Les chiffres du cancer en France

Chiffres de la fédération UNICANCER9, fédération nationale des centres de lutte contre le cancer d’après le rapport de l’INCa10. L’INCa (Institut National du Cancer) est un groupement d'intérêt public français chargé de coordonner la recherche scientifique et la lutte contre le cancer.

« Nombre de nouveaux cas : 355 000 nouveaux cas de cancers estimés en 2012, 200 000 hommes et 155 000 femmes. L’âge médian au diagnostic en 2012 est de 68 ans chez l’homme et 67 ans chez la femme.

Mortalité : la mortalité par cancer a diminué au cours des vingt dernières années11. Sur la période 2005-2009, le cancer reste néanmoins la première cause de mortalité chez l'homme et la seconde chez la femme.

En 2012, 148 000 décès par cancer ont été estimés. 85 000 chez l’homme et 63 000 chez la femme. Chez l’homme, le cancer du poumon est la principale cause de décès, suivi par les cancers du côlon-rectum et de la prostate. Chez la femme, le cancer du sein est à l'origine du plus grand nombre de décès, devant le cancer colorectal et celui du poumon.

Survie : la survie relative à 5 ans varie selon le type de cancer (de 6 à 95 %). Le nombre de personnes de 15 ans et plus en vie en 2008 et ayant eu un cancer au cours de leur vie est de l’ordre de 3 millions : 1 570 000 hommes et 1 412 000 femmes. »

« Cancers les plus fréquents chez l’homme : Données 2012

prostate (53 000 nouveaux cas par an - chiffres 2009) poumon (28 000 cas) côlon-rectum (23 000 cas) »

« Cancers les plus fréquents chez la femme : Données 2012

sein (49 000 cas) côlon-rectum (19 000 cas) poumon (11 000 cas) »

9 UNICANCER. Les chiffres du cancer en France [en ligne] (consulté le 01/02/15). Disponible

sur : http://www.unicancer.fr 10

Institut National du Cancer [en ligne] (consulté le 30/01/15). Disponible sur : http://www.e-cancer.fr

11

Cf annexe I : Chiffres de l’Institut National du Cancer [en ligne] (consulté le 22/02/15). Disponible sur : http://www.e-cancer.fr

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13

I-2 Les images ambigües du cancer, nos représentations

Cette description succincte de la pathologie cancéreuse, suivi des chiffres, témoigne de l’omniprésence de cette maladie dans notre société. Le cancer touche chaque famille de manière directe ou indirecte, et représente un impact psychologique, social, familial, professionnel et financier. C’est pour ces raisons que l’on ne peut pas faire l’économie des représentations que véhicule notre monde contemporain sur le cancer, et qu’il est essentiel de parler des retentissements psychiques de la maladie cancéreuse.

Quand je parle de représentations, j’entends par là des images, des sensations, des évocations. Ces idées reçues foisonnent dans l’imaginaire collectif, elles viennent complexifier les choses, et concernent les causes et les thérapeutiques.

Comme cité par Etienne Garand12, psychologue clinicien au réseau Onco’Kerne à Quimper, voici quelques représentations collectives du cancer qu’il n’est pas rare d’entendre au travers des médias, dans les conversations : « C’est la maladie du siècle ». Dans beaucoup d’ouvrages traitant du cancer, je retrouve cette idée à l’exemple de cette phrase : « Le cancer a été déclaré cause nationale en France, grand chantier de ce début de siècle. Les chiffres sont là : c’est la première cause de mortalité chez les hommes et la deuxième chez la femme (après les maladies cardiovasculaires).»13 Le cancer renvoie donc à un fantasme de contagion et à la maladie mortelle.

« C’est le crabe, qui grignote »14. Maladie décrite depuis l’antiquité, le mot cancer vient du grec Karkinos et Karkinoma. C’est Hippocrate (460-377 avant J-C) qui le premier compare le cancer à un crabe. En Allemand aussi le mot « Krebs » signifie à la fois crabe et maladie cancéreuse. Cette comparaison est justifiée par l’aspect de certaines tumeurs, dont les prolongements rappellent celles de l’animal.

Il y a aussi parfois la notion de faute et de dette à payer : « C’est une punition », la personne se posant la question « mais qu’est ce que j’ai fait pour ? » Ou encore la notion « que l’on se fabrique son cancer », à cause de problèmes (conflits familiaux, professionnels…) que l’on n’a pas pu surmonter.

Et puis, forcément il y a la représentation que le cancer « c’est la mort » et que l’on n’en guérit jamais. Cette idée est certainement la plus préjudiciable, car elle donne au patient l’idée qu’il n’y a pas d’issue. Or j’ai envie de dire, de façon imagée, que, comme pour les trains, on n’entend pas parler de ceux qui arrivent à l’heure. En effet, ici encore, on ne voit pas les patients qui en guérissent. Il est donc important de garder toujours cela en mémoire.

Enfin d’autres représentations perdurent, comme celles par exemple, « que pour s’en sortir il faut changer » (théories de la rédemption), ou encore « que le moral, c’est la guérison », ou enfin « que le cancer c’est une métamorphose » avec cette idée d’épreuve initiatique.

12

GARAND, Etienne. Retentissements psychiques de la maladie cancéreuse. Cours :

cancérologie : U.E.2.11 : IFSI Quimper, 2015.

13 DELEHEDDE Maryse. Que sait-on du cancer ? p.111

14

Op. Cit. pour les représentations suivantes citées.

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14

Toutes ces théories sont des mythes qui viennent complexifier la réalité médicale car elles entrainent des retentissements psychiques importants, mais elles sont aussi compréhensibles car elles viennent donner un sens au cancer, dont l’origine demeure mal connue. Ainsi chacun y va de ses propres théories, l’humain ne supportant pas le non sens.

Par ailleurs, je me rends bien compte que dans ce domaine de soins qu’est l’oncologie, la sémantique et le poids des mots sont tenaces.

Comme écrit par Gilles Freyer15, médecin cancérologue, dans cette pathologie, « le poids des maux est aussi celui des mots ». Rien que le terme « chimio » fait évoquer tout de suite la perte des cheveux, les nausées, les vomissements. Celui de la radiothérapie, les brûlures dues aux rayons et l’atteinte de l’intégrité de la peau. Celui de la chirurgie, la mutilation et la perte d’autonomie. Celui des métastases, le cancer généralisé et l’insuffisance progressive des organes fonctionnels.

Face à ces représentations tenaces et le poids des mots, quelle réponse peut adopter le soignant ? Comment aider le patient à continuer à vivre ? Et comment l’accompagner au mieux dans son cheminement ?

Dans mes situations de soins je retrouve beaucoup de représentations évoquées précédemment. Ainsi chez Mr P j’ai ressenti tout de suite cette notion de culpabilité. Fumeur, il me dit tout de suite « tout çà est de ma faute ». Il veut alors quitter l’hôpital et retrouver ses copains. Sa colère est dirigée vers le médecin. L’annonce du diagnostic peut, c’est vrai nous poser question, et j’y reviendrai par la suite. Mais au travers cette colère, il veut aussi nous dire que nous n’avons pas vu les signaux d’alerte. L’idée de sa finitude est immédiatement présente, dans sa colère il veut me dire aussi que le temps pour lui est maintenant compté.

Au moment de l’annonce, il est bien question d’un choc, d’un traumatisme. Ici j’ai évoqué la colère de Mr P, mais il est bien clair qu’il n’y a pas de manière d’être à cet instant, chacun réagissant à sa façon, permettant au sujet de s’adapter. Ainsi, Les réactions à l’annonce d’un diagnostic sont toutes variables et propres à chacun : c’est l’intersubjectivité. Et cela est vraiment en lien avec cette peur qu’entraine le mot cancer, à l’image des paroles de Mr P ; « ce mot qu’on ose à peine prononcer et qui fait peur à tout le monde. »

Je reprends alors les propos de l’écrivain, Eric-Emmanuël Schmitt : « J’aimerais que le mot « cancer » soit intégré au cours de nos vies, de nos réflexions, qu’il ne provoque pas la panique mais une saine inquiétude.»16 En effet, ces croyances peuvent représenter des freins, des dangers. Il est donc primordial pour nous soignants de remettre les choses en place, de ne pas les nier mais d’en discuter avec les patients quand le temps est venu. Et ainsi de leur permettre de tenter de s’en détacher, en disant bien que le cancer est avant tout une maladie multifactorielle, et qu’aujourd’hui plus que hier on en guérit. Dans cet accompagnement la notion de temporalité est

15

FREYER, Gilles. Faire face au cancer : l’espoir au quotidien. p.28 16

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. p.8

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15

fondamentale, il faut laisser le temps au temps. Et tout en respectant les réactions singulières face au choc de l’annonce, accompagner les patients et cheminer pas à pas à leurs côtés constituent le socle de la relation d’aide (présentée dans la 3ème partie du cadre conceptuel).

II- L’annonce et ses enjeux

II-1 Le dispositif d’annonce aujourd’hui

Du point de vue législatif

Quand on parle d’annonce on parle forcément de l’information au patient. Si l’on revient en arrière c’est un concept qui est nouveau, puisque dans les années 1960 ce qui domine encore c’est « le mensonge bien attentionné »17, comme l’évoque l’auteur Marie-Capucine Diss dans son livre « Le soin en situation ».

C’est principalement la loi Kouchner du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui a permis d’améliorer l’information au patient, donc de le rendre acteur de sa prise en charge. C’est dans cette même loi qu’apparait la désignation de la personne de confiance.

L’article L1111-2 du code de la santé publique précise bien que : « L’obligation d’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. »

Puis c’est sous la demande pressante des patients que le dispositif d’annonce voit le jour en 2004. C’est la mesure phare du plan cancer 2003-2007 : « L'annonce d'une maladie grave constitue toujours un traumatisme pour le patient. Le dispositif d'annonce a pour objectif de permettre à la personne malade de bénéficier des meilleures conditions d'information, d'écoute et de soutien. Ceci, en lui assurant un temps médical d'annonce et de proposition de traitement, un temps soignant de soutien et de repérage de ses besoins et un accès à des soins de support. »18

Deux grands principes encadrent ce dispositif d’annonce, à savoir :

-tout patient atteint de cancer doit pouvoir bénéficier, au début de sa maladie et/ou en cas de récidive, d’un dispositif d’annonce, qui doit être mis en place dans tous les établissements traitant les patients atteints de cancer.

-améliorer le vécu des malades grâce à la coordination interprofessionnellle et la communication relationnelle avec les patients et leurs proches.

17

DISS, Marie-Capucine. Le soin en situation : la relation antre patients et soignants sous le regard des écrivains, p.13-18

18

Institut National du Cancer. Dispositif d’annonce [en ligne] (consulté le 02/02/15). Disponible sur : http://www.e-cancer.fr

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16

Le dispositif d’annonce comporte 4 temps forts qui sont :

1-L’annonce médicale du diagnostic.

2-Le passage du dossier médical du patient en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire).

3-La consultation médicale d’annonce (CMA) où le médecin présente au patient la stratégie thérapeutique.

4-La consultation paramédicale d’annonce réalisée par une IDE ou MER (manipulateur en électro radiothérapie).

Ces différents temps d’annonce constituent pour le patient des repères temporels pour pouvoir se projeter et l’aider à cheminer. Ayant assisté à des consultations d’annonce médicale et paramédicale, je développerai dans le paragraphe suivant ces deux temps forts du dispositif d’annonce.

II-2 Le moment de l’annonce

L’annonce d’un cancer modifie une vie à jamais. Comme précisé dans la revue Le Mook autrement, « l’annonce est toujours mal reçue par le patient, la façon dont elle est formulée s’avère pourtant déterminante pour le vécu ultérieur de la maladie et des traitements. C’est pourquoi un dispositif d’annonce a été établi. En cours de généralisation dans les établissements de santé, il permet une prise de conscience par les professionnels de santé de l’importance à lui accorder.»19

En effet comme le précise Marie-Frédérique Bacqué, psychologue, qui a écrit un ouvrage sur l’annonce20, « l’annonce joue un rôle fondamental pour la suite de la maladie. Cela concerne aussi bien l’acceptation du cancer que la prise des traitements, le fait de supporter la chronicisation de la maladie, d’accepter la guérison ou la non-guérison, ainsi que la gestion des relations avec les proches. »21 Elle rajoute aussi que les conditions de l’annonce sont essentielles pour la facilitation de l’alliance thérapeutique entre les soignants et le malade.

Ce point de vue est également partagé par le docteur Mario Di Palma, oncologue, qui souligne que « c’est de la consultation d’annonce que va découler ou pas la confiance que le malade et ses proches vont nous accorder. »22 Une confiance « génératrice d’espoir »23 comme en parle si justement le professeur de médecine Henri Pujol, cancérologue et ancien président de la ligue nationale contre le cancer.

19

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. p.59

20

BACQUE, Marie-Frédérique. Annoncer un cancer : diagnostic, traitements, rémission,

rechute, guérison, abstention…Paris : Springer, 2011, 174 p.

21

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. p.60 22

Ibid. 23

Ibid.

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17

Ainsi au regard de mes situations d’appel je me rends compte qu’il existe encore parfois des failles dans l’annonce de la maladie. Alors que Mr LR a pu bénéficier d’une annonce du diagnostic par le médecin dans son bureau, c'est-à-dire d’un temps dédié et prévu par le dispositif d’annonce ; il n’en avait pas été de même pour Mr P, qui a appris son cancer dans sa chambre double sans avoir été averti du passage du médecin, ce dernier n’ayant pas non plus prévenu le personnel soignant de son intention d’informer ce jour Mr P.

Quoiqu’il en soit une annonce de cancer demeure toujours douloureuse et mal vécue quel que soit l’endroit et le temps pris. Néanmoins, plus cette annonce est préparée, attentive à la personne qui la reçoit, et plus à mon sens le médecin et l’équipe soignante tisseront d’emblée une relation destinée à perdurer, la relation de confiance, évoquée précédemment.

Ayant pu assister à des consultations d’annonce médicale et paramédicale, ces expériences ont été pour moi l’occasion de mieux comprendre les enjeux qui se jouaient de part et d’autre à ces moments là.

L’annonce médicale du diagnostic :

Avant de pouvoir assister à une consultation médicale d’annonce, Docteur C, médecin pneumologue, m’a donné des informations essentielles sur le sujet. A savoir qu’à chaque fois ce moment est toujours singulier, difficile aussi pour le médecin, elle me dit que petit à petit avec l’expérience on est mieux préparé. Néanmoins l’hospitalisation alourdit le contexte. Elle rajoute ensuite que sa priorité est le patient et quel que soit son âge (âgé ou pas) il faut d’abord en parler au patient. Ensuite elle est liée au secret médical et il arrive parfois que certains patients ne souhaitent pas en informer la famille, elle doit alors respecter ce choix.

Elle me dit que ce temps de l’annonce est un moment particulier où l’on se pose, dans un bureau ou une chambre seule mais jamais au milieu d’un couloir. Et elle ne décide de l’annonce du cancer que lorsqu’elle a un projet thérapeutique derrière. Elle n’annonce jamais au patient sa maladie sans avoir une orientation de traitement, ni jamais en fin de journée, ni un vendredi soir : l’important étant de ne pas laisser le patient seul avec son angoisse.

Durant l’entretien elle fait preuve d’empathie et utilise des mots clairs et compréhensibles pour le patient. Elle pose toujours le mot cancer ou parfois lésions cancéreuses. Elle me signale qu’elle doit toujours faire très attention aux mots prononcés, car parfois ses paroles peuvent être vite transformées et interprétées, d’autant plus qu’aujourd’hui avec internet les patients mènent leur propre enquête.

Elle est consciente aussi que du fait du choc de l’annonce, le patient n’entend pas tout et devient au fil de l’entretien de moins en moins réceptif, c’est ce qu’on appelle la surdité psychique. D’où l’importance du relai dans le service par les soignants, qui sont là pour accompagner le patient et répondre à ses questions. De ce fait elle souligne également l’importance de la consultation d’annonce infirmière, consultation qui est proposée au patient environ trois jours après et avant le début de ses traitements.

Car oui, si l’infirmière n’est pas impliquée directement dans l’annonce du diagnostic de la maladie, elle joue un rôle important dans l’information et le suivi des patients.

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18

Comme le stipule l’article R4312-32 du code de la santé publique : « L’infirmier ou l’infirmière informe le patient ou son représentant légal, à leur demande et de façon adaptée, intelligible et loyale, des moyens et techniques mis en œuvre. Il en est de même des soins à propos desquels il donne tous les conseils utiles à leur bon déroulement. »

On retrouve bien dans cet article un des objectifs de la consultation d’annonce infirmière, car comme le souligne Marie-Frédérique Bacqué, « le cancer et les changements fréquents de la prise en charge et de l’évolution entrainent un effort permanent d’adaptation. L’idée de faire suivre la consultation médicale d’un entretien avec une infirmière permet justement de réguler cette adaptation. En reprenant ce qui a été dit par le médecin, mais provenant cette fois de la bouche du patient, l’infirmière met en évidence ce qui va changer. »24

D’une part il faut laisser au patient le temps de cheminer, et lui proposer régulièrement des possibilités de soulagements tant physiques que psychologiques, et d’autre part l’infirmière représente une personne plus abordable que le médecin, plus proche des malades, donc vers qui, il sera plus facile de se tourner pour verbaliser ses craintes.

La consultation d’annonce infirmière :

Au cours des consultations d’annonce infirmière auxquelles j’ai pu assister, l’infirmière commence toujours par évaluer l’état des connaissances du patient, elle prend en compte l’état affectif et le contexte familial et social dans lequel il vit. Ainsi elle s’adapte à chaque patient, s’ajustant au plus près à ses besoins, lui répondant de façon adaptée, lui montrant s’il le désire le matériel (comme par exemple une chambre implantable, une aiguille de gripper, un infuseur…), lui expliquant les effets indésirables de certains traitements toujours avec prévenance, lui présentant aussi les soins de support et les différents professionnels autour de lui (psychologue, assistante sociale…). Enfin si le patient le désire, l’infirmière lui fait visiter le service d’oncologie.

Ce moment est donc structuré par plusieurs objectifs :

- l’écoute et la compréhension d’une histoire singulière : qui est-il ? Que sait-il déjà ? Y a-t-il dans son entourage des personnes qui ont eu un cancer ? Comment il vit aujourd’hui ? Toutes ces questions, afin d’évaluer ce que le patient a compris suite à la consultation médicale, ce qu’il sait ou croit savoir, et de connaître son histoire de vie et son environnement.

- Les informations sur le parcours thérapeutique : que veut-il savoir ? Que refuse t-il de savoir ? Elle redonne des explications sur le programme personnalisé de soins (PPS) et revient avec lui sur la mise en place et le déroulement des prochains rendez vous. Il faut un message soignant avec des mots qui laissent place à l’espoir, et des mots accessibles pour le patient.

- Le soutien : en instaurant un climat de confiance et une relation d’aide, basés sur l’évaluation de l’état émotionnel et psychologique du patient, ainsi que de ses ressources individuelles et familiales : que peut-il entendre pour l’instant ? L’important

24

BACQUE Marie-Frédérique, BAILLET François. La force du lien face au cancer. p.246

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étant toujours de laisser libre cours au patient de poser librement ses questions, et d’exprimer ses émotions.

Tout du long de ce moment, il s’agit vraiment d’un dialogue autour de l’annonce du cancer, où l’important est de ne jamais oublier qu’un patient ne se réduit pas à une maladie, et qu’au-delà d’un corps malade il y a toujours un sujet inscrit dans une histoire de vie, familiale et sociale.

Concernant mes situations d’appel, je me souviens de mon entretien avec Mr LR suite à sa consultation d’annonce infirmière. J’ai eu l’impression ce jour là que son angoisse s’était apaisée. Il me parlait de sa maladie, de son ami atteint lui-même d’un cancer pulmonaire. Et comme je le dis dans ma situation : « il me sembla qu’il s’était décidé à prendre les choses en main, d’attaquer de front comme il me disait. » Je n’avais pas pu assister à la consultation. Mr LR me disait, qu’avec l’infirmière, ils avaient parlé de la maladie et des traitements de chimiothérapie à venir. Il me montrait alors ses notes prises et son classeur de suivi. Je ressentais nettement un changement positif d’état d’esprit, cette consultation avec l’infirmière avait été bénéfique, avait libéré sa parole. Cela m’évoque alors la phrase du cancérologue Jean-Yves Bobin : « Parler clairement de cancer et de ses traitements, c’est extirper l’aspect mortifiant et mystérieux de celui-ci. » Ainsi Mr LR avait commencé à cheminer, à s’adapter, pour continuer à vivre malgré le poids de la maladie. Pour moi, il avait fait un pas important.

III- Relation soignant-soigné post annonce, associée à la notion de pertes

III-1 La réalité de la relation soignant-soigné post annonce

Comme nous l’avons évoqué précédemment, au moment de l’annonce du diagnostic par le médecin, il se produit chez le patient quelque chose de l’ordre d’un choc, on parle même du traumatisme de l’annonce. Où le patient peut être abasourdi, comme Mr LR me disant que « Le ciel lui est tombé sur la tête » ou encore comme Mr P me parlant lui-même « d’un électrochoc » et exprimant sa colère. Les réactions de chacun face à l’annonce sont diverses, car comme cité dans le livre du professeur Régis Aubry et Marie-Claude Dayde, infirmière, « la maladie fait souffrance : avoir mal, perdre son sentiment d’invulnérabilité, rencontrer la question de sa finitude est une source de souffrance. »25 Et cette souffrance entraine des réactions diverses en fonction de chaque personne. Ainsi face à l’annonce de cancer, le patient réagit en fonction de lui, de ses pensées, de sa situation personnelle, de son environnement et de son histoire de vie.

Dans mes situations présentées, l’annonce du diagnostic a provoqué une situation de crise caractérisée par la colère chez Mr P, le chagrin chez Mme C et l’angoisse importante chez Mr LR. Cette crise met en évidence une désorganisation psychique majeure, et provoque dans tous les cas une hausse de l’anxiété, mais aussi parfois un sentiment de colère, de peur, d’impuissance, une angoisse profonde. Cet état de crise déstructure et demande par conséquent une adaptation.

25

AUBRY Régis, DAYDE Marie-Claude. Soins palliatifs : éthique et fin de vie, p.122

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20

C’est dans ce contexte de soins que se construit mon étude sur la relation soignant-soigné. Car suite à l’annonce de la pathologie cancéreuse, la relation soignant-soigné s’établit bien entre deux réalités.

D’un côté la réalité médicale, scientifique, objective et de l’autre la réalité subjective, c'est-à-dire la façon dont le patient vit les choses (un drame, une vraie blessure…). Le soignant se retrouve donc toujours dans cet équilibre entre ces deux réalités, comme nous l’avait présenté Etienne Garand26 psychologue clinitien.

Voici donc toute la complexité de la relation d’aide à mettre en place suite à l’annonce. Le soignant doit combiner entre ces deux réalités. Il a à la fois des connaissances soignantes à transmettre au patient, et en même temps il doit tenir compte de la réalité subjective du patient, sans pour autant ne pas se situer que de ce côté. Car si le soignant ne se place qu’ici, il ne peut pas soigner. A trop vouloir épargner le patient, on peut aussi échouer, et surtout en ne disant pas, on ne donne pas les moyens au patient pour comprendre et donc avancer.

En effet comme le précise Martine Ruszniewski, psychanalyste au sein de l’institut Curie à Paris, « les patients veulent une réalité médicale, soutenable et porteuse d’espoir qui laisse au malade la possibilité de construire sa vérité. » Cela me renvoie alors aux paroles de Mme C : « Si les médecins n’ont plus d’espoir comment voulez vous que j’en ai. J’ai l’impression qu’ils m’abandonnent. » Ces paroles traduisent à elles seules le fait que si l’on supprime à quelqu’un toute opportunité d’espoir, celui-ci se vit comme déjà mort.

III-2 La relation dans le soin

La relation d’aide :

Le concept « Rogérien »27 de relation d’aide définit celle-ci comme étant « une relation duelle dont la visée est d’accompagner la personne dans la résolution d’un problème de santé, social ou existentiel. Le précepte fondamental de cette approche qualifiée d’humaniste est de ne pas faire à la place de la personne, mais d’accompagner celle-ci dans ses choix en respectant ses valeurs, ses désirs, son rythme »28. La relation d’aide est fondée sur l’instauration d’un climat de confiance entre le soignant et le soigné, et elle vise un changement chez le patient.

La relation de confiance :

Ainsi, la relation de confiance est indispensable au bon déroulement de la prise en soins, et pour cela l’empathie, l’écoute active, l’authenticité, la considération positive, et l’absence de jugement, sont essentiels Définissons ces concepts :

26

GARAND, Etienne. Retentissements psychiques de la maladie cancéreuse. Cours : cancérologie : U.E.2.11 : IFSI Quimper, 2015.

27

Carl Rogers (1902-1987) : psychologue humaniste Américain, qui a développé l’approche centrée sur la personne. 28

ARGENTY, Jean. Précis de soins relationnels. p.56

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21

« Selon Carl Rogers, l’empathie est une disposition d’esprit du soignant dans la relation qui lui permettrait de percevoir et de ressentir les affects vécus par le soigné sans pour autant qu’ils deviennent les siens. »29

« L’écoute est qualifiée d’active dans le sens où le soignant participe à l’évocation verbale des affects, des émotions qu’il perçoit chez le soigné. La reformulation est utilisée dans le cadre de l’écoute active. »30

L’authenticité et son application déterminent « la base d’une relation honnête, c'est-à-dire, franche, sans mensonge ni artifice. »31

La considération positive et l’absence de jugement signifie que « le soignant accepte le patient tel qu’il est, sans jugement sur ce qu’il fait ou dit. »32

Comme présenté dans le livre d’Alexandre Manoukian33, ces concepts « déterminent la manière dont s’y prendra le soignant, afin de créer une ambiance favorable tant à l’instauration d’un climat de confiance qu’à l’émergence d’une parole propre au sujet. »

Dans mes trois situations présentées, chaque soin devenait prétexte à l’échange. Suite au traumatisme de l’annonce de la maladie, échanger permettait au patient d’évacuer des tensions, des chagrins, et à moi soignant de l’accompagner dans son cheminement en lui portant une attention toute particulière, en répondant à ses interrogations et lui donnant toujours des pistes, des idées de pensée plus positives, à l’image d’une ouverture, d’une perspective.

Dans cette relation soignant-soigné post annonce, il y avait aussi avec chaque patient des moments de silence importants. Plutôt que de vouloir combler ces instants à tous prix, les respecter était à mon sens primordial, et témoignait au patient toute l’empathie que je ressentais à ces instants. Car Mme C, Mr P ou Mr LR avaient chacun besoin de ce temps pour devenir un ou une patiente, qui allait désormais vivre dans le monde médical, et avec le cancer.

Souvent aussi, comme traitées dans mon premier concept, les représentations de la maladie faisaient brusquement surface dans leurs paroles. Ne pas les nier était une évidence et en même temps en discuter avec eux pouvait leur permettre de s’en détacher progressivement. En tant que soignant il fallait donc combiner avec tout çà. De cette façon, j’accompagnais le soin d’une relation d’aide en développant une forme de soutien adaptée aux besoins du patient, à son individualité.

La relation de soin :

In fine, ce type de relation décrit la relation de soin, qui inclut à la fois les soins relationnels et les autres actes de soins du soignant, pour aboutir au fait que la relation est bien indissociable de la pratique infirmière.

29

ARGENTY, Jean. Précis de soins relationnels. p.59 30

Ibid. p.64 31

MANOUKIAN, Alexandre. La relation soignant-soigné. p.55 32

Ibid. 33

Ibid.

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22

En effet, d’après Walter Hesbeen34, « ce qui fait l’essence de la pratique soignante qui permet de prendre soin d’une personne, c’est la démarche interpersonnelle entre une personne soignée, qui nécessite de l’aide, et une personne soignante qui a pour mission d’être aidante et ce, dans une situation de vie dans laquelle le soignant est appelé à intervenir. »

Dans le contexte de mon étude, la gravité de la pathologie fait que l’on se trouve face à une relation soignant-soigné extrêmement fragile, imprévisible, et forte émotionnellement. Qui demande à chaque instant une adaptation du soignant face à la réaction toujours singulière du patient. De part et d’autre de cette relation, chacun développe alors ses propres mécanismes de défense.

III-3 Les mécanismes de défense

Comme cité par Marie-Frédérique Bacqué35, les mécanismes de défense définissent des « processus psychiques qui ont pour fonction l’organisation et le maintien des conditions psychiques optimales, pouvant aider le Moi du Sujet à affronter et à éviter l’angoisse et le malaise psychique. Ces mécanismes participent ainsi aux tentatives d’élaboration du conflit psychique. Chaque patient va réagir d’une manière qui lui est propre. »

Une bonne connaissance des mécanismes de défenses mis en place par le sujet face à une telle annonce s’impose. On ne s’improvise pas. Il faut respecter la réaction du patient face à cette annonce, il va passer par plusieurs phases à différents temps qu’il est important, pour nous soignants, de respecter et d’accompagner. Ceci afin de favoriser chez le patient son adaptation à cette situation de crise.

Concernant les patients confrontés à la maladie grave, Martine Ruszniewski36, précédemment citée, précise bien que « les réactions des malades sont souvent fluctuantes, imprévisibles et déconcertantes. Elles sʹopposent ainsi à lʹorganisation quasi obsessionnelle de lʹhôpital. » Selon Martine Ruszniewski, les mécanismes de défense rencontrés chez les malades sont:

« La dénégation : le malade refuse de toutes ses forces de reconnaître la réalité traumatisante, préférant refouler sa souffrance et enfouir, en le niant, ce savoir encore trop douloureux.

34

HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital : inscrire le soin dans une perspective soignante.

p.64

35 BACQUE, Marie-Frédérique. Annoncer un cancer : diagnostic, traitements, rémission,

rechute, guérison, abstention…p.124

36

RUSZNIEWSKI, Martine. Les mécanismes de défense dans la relation médecin-malade : confrontation à la maladie grave. Pédiadol [sur www.pediadol.org] 18è Journées La douleur de l’enfant. Quelles réponses ? Décembre 2011 [Format PDF] (Consulté le 18/02/2015) Disponible sur : http://www.pediadol.org/IMG/pdf/U2011_ruszniewski.pdf

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La sublimation et la combativité : le malade essaie de rendre constructive son épreuve en maintenant un continuum de vie. Le déplacement : le malade focalise sa peur sur une autre réalité en transférant lʹangoisse inhérente à sa maladie sur un élément substitutif. Les rites obsessionnels : le malade se sentira moins vulnérable sʹil pense pouvoir encore comprendre son mal et en maîtriser le processus. Il sʹattachera ainsi à certains rites, précis et obsessionnels, respectant scrupuleusement toutes les prescriptions. »

Puis Martine Ruszniewski rajoute qu’« il semble également nécessaire dʹaccepter de considérer les mécanismes de défense comme légitimes face à lʹangoisse de la mort, sans négliger le fait quʹinterpréter ces mécanismes de défense ne permet pas de les lever. Au contraire, si un patient est violenté dans ses défenses psychiques, celles‐ci peuvent sʹen trouver renforcées. » De la même façon, Martine Ruszniewski évoque les mécanismes de défense adoptés par les soignants, tels que la fuite ou la fausse réassurance, leur permettant dʹatténuer lʹimpact de la souffrance dans leur relation avec le malade.

III-4 Maladie cancéreuse et processus de deuil

Dans la pathologie cancéreuse, la notion de pertes est omniprésente. Et quelle que soit la perte en cause, nous retrouvons les mécanismes du deuil, dont l’étude a été menée voici déjà une trentaine d’années par Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre : « Tout être humain affronté à la perspective de sa fin tend à réagir selon un schéma assez simple. C’est ce mécanisme qui va lui permettre de surmonter la crise déclenchée par cette annonce.»37

Ainsi la première réaction est celle du déni (le choc), le refus de croire à l’annonce. Vient ensuite la colère, puis quand celle ci s’estompe un temps de marchandage. Ensuite devant le caractère inéluctable, la tristesse voire la dépression s’installe, et quand la personne sort de cette phase c’est le temps de l’acceptation.

En fait ce processus de deuil est un mécanisme normal que chacun met en œuvre devant toute frustration, toute perte.

Pourquoi est-il important pour le soignant d’avoir ces étapes en tête ?

Parce que c’est un moyen de décoder ce qui se passe chez l’autre. Ceci dit son déroulement complet n’est en rien obligatoire, le but n’est nullement d’arriver à l’acceptation. Ce mécanisme est très labile, très fragile, et tout le monde ne le parcourt pas nécessairement dans l’ordre, ni en entier, il peut y avoir des retours à des étapes antérieures. C’est vraiment propre à chacun.

Comme décrit par Michel Cavey-Lemoine38, médecin gériatre, « Le deuil est d’abord un processus d’évolution, d’adaptation, le deuil a un but : permettre au sujet d’acquérir la

37

CAVEY-LEMOINE Michel. Deuils et pertes chez le sujet âgé [en ligne] (consulté le 03/02/15).

Disponible sur : http://www.michel.cavey-lemoine.net 38

Ibid.

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possibilité de vivre en l’absence de ce qu’il a perdu. Autant dire qu’il s’agit d’un processus positif. »

Et c’est bien dans ce processus d’adaptation que se situe la relation soignant-soigné suite à l’annonce d’un cancer.

IV- Problématique, questions de recherche

Au fur et à mesure de la réalisation de mon cadre conceptuel, j’ai été amené à mettre en évidence les questions importantes, qui vont constituer la trame de mon travail de recherche :

Comment en tant que soignant aider le patient à prendre du recul face à ses représentations ?

En quoi les conditions de l’annonce vont être déterminantes pour la suite ?

Comment le soignant fait-il pour s’adapter à la réaction toujours singulière du patient ?

Comment se protège t-il lui aussi ? Se sent-il parfois démuni et impuissant ?

Quels sont alors ici les limites du soin ?

A ce moment de mon MIRSI, je ne sais pas encore si je pourrai traiter toutes ces questions, mais en tout cas, elles vont me permettre d’élaborer mon travail d’initiation à ma recherche infirmière, et de tenter de répondre à mon questionnement initial que je rappelle ici :

En quoi l’annonce d’un diagnostic de cancer impacte par la suite la posture du soignant dans sa relation à la personne ?

Autrement dit, en quoi le soignant doit adapter sa relation au patient après l’annonce d’un diagnostic de cancer ?

Il m’a paru intéressant de garder cette 2ème formulation, car quand j’ai été amenée à présenter mon thème de recherche aux soignants, il m’a toujours semblé que cette 2ème question était pour eux plus compréhensible, du moins plus rapidement que la 1ère formulation. Du coup, mon questionnement initial comporte ces deux interrogations.

Et enfin, la réalisation des nombreuses recherches théoriques m’a aussi permis de dégager une nouvelle question importante, une question centrale :

Face à cette crise situationnelle, de quelle manière le soignant peut intervenir pour favoriser l’adaptation du patient, pour l’aider à cheminer?

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Présentation de la méthodologie utilisée

I- Présentation du dispositif et des modalités d’enquête

Il s’agit d’une enquête de terrain, qui consiste à aller à la rencontre des professionnels pour ensuite confronter leurs propos aux recherches réalisées dans le cadre conceptuel. Ainsi le but de cette enquête est d’établir des liens entre la pensée des auteurs et le ressenti des professionnels, afin d’enrichir nos références théoriques, poser un regard nouveau sur les situations de départ. In fine, s’ouvrir à d’autres horizons que ceux de départ et asseoir notre positionnement professionnel en mettant en lumière nos valeurs soignantes.

I.1 Choix et construction de l’outil d’enquête

Pour réaliser cette enquête, j’ai choisi d’interroger des infirmiers dans le cadre d’entretiens semi-directifs. Pour ce faire j’ai élaboré un guide d’entretien qui se trouve en annexe II. Il comporte une huitaine de questions au regard de mes objectifs fixés. Ces questions ouvertes permettent de laisser libre cours à la pensée de l’interviewé et donc de recueillir un maximum d’informations, permettant de développer l’analyse.

I.2 Choix des lieux et des populations

J’ai fait le choix de réaliser trois entretiens auprès de trois infirmières, dont l’exercice professionnel est en rapport étroit avec le sujet de mon MIRSI. Ces personnes interviewées constituent « l’échantillon ». Elles exercent dans différents établissements de santé et différents services de soins, qui sont des services de médecine. Dans le respect de l’anonymat, ces infirmières seront nommées : infirmière A, infirmière B, et infirmière C.

L’infirmière A exerce dans un service de pneumologie dans un hôpital. L’infirmière B occupe un poste de coordination ville-hôpital via un réseau en cancérologie, associé avec la consultation d’annonce infirmière à l’hôpital. L’infirmière C travaille en clinique en ambulatoire et chimiothérapie, elle réalise aussi des consultations d’annonce infirmière. Il me semblait important de mener mon enquête dans des services différents et des structures de soins différents, car cela me permettait d’élargir ma réflexion aussi bien en fonction du poste occupé que de la structure en question.

I.3 Limites et déroulement de l’enquête

Sans hésitation, c’est surtout une limite de temps avec laquelle il a fallu « jongler ». Car étant en formation, alternant les périodes de stages et de cours à l’IFSI, çà n’a pas toujours été simple de trouver une date pour les entretiens. Par ailleurs étant donné que j’interrogeais des professionnels exerçant dans un hôpital, il fallait aussi que je demande au préalable un accord à la Direction des soins pour mener mes entretiens. Heureusement celle-ci m’a répondu rapidement. J’ai également demandé l’accord des cadres de services. Et les infirmières, que j’ai sollicitées, ont acceptées immédiatement de participer à mon travail de recherche, ce qui était vraiment un point positif.

Ainsi avant chaque entretien, j’ai réalisé une présentation succincte de mon travail de recherche et j’ai demandé à chaque infirmière de me présenter son parcours professionnel, puis nous commencions l’entretien enregistré et anonymanisé.

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Analyse des données recueillies

Les trois entretiens réalisés auprès des professionnels se trouvent en annexe39, ils ont tous été réalisés en suivant le guide d’entretien présenté en annexe II. Avant chaque retranscription, le parcours professionnel de l’infirmière est détaillé.

Puis grâce à une grille d’analyse, placée en annexe VI, j’ai relevé les mots et éléments clés figurant dans les réponses des trois infirmières interrogées. Cette grille m’a ainsi permis de mener à bien l’analyse des données recueillies. Cette analyse est réalisée dans l’ordre des questions pour davantage de lisibilité, et l’objectif de chaque question est rappelé à chaque fois.

Question 1

Si je vous dis le mot cancer, quels sont les 3 mots qui vous viennent spontanément à l'esprit?

Ici, l’objectif de ma question est d’identifier les représentations des soignants sur la maladie cancéreuse. Après avoir mis en évidence dans la grille d’analyse les réponses des soignants, les mots qui leur viennent spontanément à l’esprit sont : « Maladie, traitement et mortalité-mort ». Ces mots figurent 2 fois sur 3, puis viennent les mots « peur, angoisse, chronicité et difficulté psychique ou perturbation psychique. » Dans la réponse des soignants, nous retrouvons bien les éléments majeurs décrivant le cancer et ses conséquences. Quand on parle de maladie, on entend bien « altération de la santé, des fonctions des êtres vivants »40. Et comme décrit dans le cadre conceptuel, en l’absence de traitement l’évolution du cancer mène au décès. Les 3 mots les plus donnés spontanément par les professionnels prennent donc ici tout leur sens, caractérisant bien la pathologie cancéreuse. Les autres mots cités mettent en avant d’une part l’idée d’une maladie qui dure longtemps, définit par le terme « chronicité » (par opposition à aigu), et d’autre part entrainant un retentissement psychique important caractérisé par les mots de l’infirmière A parlant de « difficulté psychique ou perturbation psychique ». Enfin, les termes « peur et angoisse » caractérisent à eux seuls l’idée décrite par Marie-Frédérique Bacqué41, psychologue, comme quoi : « Le cancer commence par un rendez vous avec la mort. La mort fantasmatique, certes, mais la mort rapprochée sans aucun doute. » Il est donc tout à fait normal t’entendre spontanément ces mots de la part des soignants qui traduisent bien là, comme le précise l’infirmière C le sentiment des patients, et donc plus largement de la société en général.

39

L’entretien infirmière A en annexe III L’entretien infirmière B en annexe IV L’entretien infirmière C en annexe V 40

Le petit Larousse illustré 2012. Paris : Larousse, 2011. p.649.

41

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. p.60

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Question 2

Et les patients, quelles perceptions ont-ils le plus souvent de leur maladie ?

Ici, l’objectif de ma question est d’identifier dans leurs expériences professionnelles, comment les patients perçoivent la maladie.

Nous retrouvons toujours dans les réponses de l’infirmière A et de l’infirmière B les mots « peur » et « décès ». Même si c’est vraiment « au cas par cas », comme le dit l’infirmière C, néanmoins ce qui ressort dans les réponses de l’infirmière A et de l’infirmière C, c’est aussi ce sentiment d’espoir chez les patients, « on va se battre », « on va se traiter ». L’infirmière C emploie les adjectifs « confiants » et « combatifs », pour décrire les patients.

Et ceux-ci comme le dit l’infirmière A, ont aussi « besoin de savoir ce que l’on va leur proposer ». Comme quoi, ici l’un ne va pas sans l’autre, à savoir l’espoir et la volonté de se battre seraient bien en lien avec une proposition de projet thérapeutique ou médical. Avoir un but constitue pour le patient une issue, une ouverture, la condition sine qua non de son combat. Le patient a absolument besoin de pouvoir se raccrocher à quelque chose, à l’image de Mme C ou de Mr LR, dans mes situations d’appel, ou comme évoqué dans les propos de Martine Ruszniewski, dans mes recherches théoriques (au chapitre III, paragraphe III-1), qui parle « d’une réalité médicale porteuse d’espoir. »

Si je reviens sur le mot « peur » cité par l’infirmière B, elle précise bien que c’est lié à « ce qui est inconnu ». Elle dit bien qu’aujourd’hui « le cancer est moins tabou, les gens en parlent plus facilement », « via les médias, internet ». De ce fait « les gens voient, entendent beaucoup de choses », sous entendant donc que cela peut aussi favoriser ce sentiment de peur. Tout comme cela peut également entrainer le risque de transfert qu’elle évoque, à l’image « d’une personne lambda qui a déjà vécu et qui va forcément donner son ressenti », or celui-ci comme elle le dit, « ne sera pas forcément et heureusement le même que le patient. »

L’infirmière B, au travers son expérience professionnelle, met donc en avant le constat qu’aujourd’hui des tas de choses sont véhiculés autour du mot cancer. C’est bien là ce qu’elle observe et perçoit au quotidien chez les patients, et donc avec lequel aussi, elle doit composer. Je retrouve alors ici, l’idée développée dans le cadre conceptuel, comme quoi, aujourd’hui dans notre société, nous ne pouvons pas faire l’économie de ces représentations véhiculées autour du mot cancer. Et c’est pourquoi en tant que soignant il est essentiel d’expliquer, montrer pour aider le patient à se faire sa propre réalité.

Questions 3 et 4

Question 3 :

En cancérologie, pensez-vous que plus qu’ailleurs le poids des mots et les représentations sont tenaces ? Pourquoi ?

Question 4 :

Et pensez vous que cela puisse être un obstacle dans la prise en soin ? Pourquoi ?

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Ici, l’objectif de mes questions est de repérer les freins et dangers que peuvent représenter les croyances concernant la pathologie cancéreuse dans la prise en charge du patient.

Analyse de la question 3 :

Les trois infirmières ont été unanimes à ce sujet, répondant « oui » toutes les trois à cette question, preuve une fois de plus que les représentations et le poids des mots en cancérologie sont vraiment ancrées. L’infirmière C a d’ailleurs tout de suite rebondi là-dessus en me disant qu’« en tant que soignant on doit peser nos mots ». Elle met alors en avant que chez ces gens chez qui eux soignants savent très bien que l’espérance de vie n’est pas très grande, il faut faire attention quand les patients parlent de leurs projets. L’infirmière C illustre alors ses propos par un exemple, et cela me fait alors dire qu’aller dans le sens du patient est aussi essentiel à son maintien, parce que ce projet qu’il a en tête, c’est ce qui le porte, ce qui le tient. Et que parfois, écouter le patient en demeurant neutre représente le juste équilibre à avoir pour l’accompagner, et l’aider à continuer de vivre. Une fois de plus, et comme souligné dans le cadre conceptuel au chapitre III, nous sommes ici dans ce juste dosage entre d’un côté la réalité médicale, objective et la réalité subjective du patient, comment il vit les choses. Et c’est bien au soignant de composer avec toute cette complexité. Et si le soignant doit peser ces mots c’est bien parce que l’idée de mort est omniprésente dans cette pathologie. Et on aura beau dire, beau écrire, cette image du « crabe » comme évoquée par l’infirmière B, qui vous « ronge… à l’intérieur », reste ; ou encore l’idée que le cancer pour les gens « c’est la mort » comme le dit l’infirmière A et que « forcément çà fait peur ce mot là. ». On voit bien ici toute l’importance des mots et cette connotation noire qui plane tout le temps. Ainsi l’infirmière A cite des exemples de ce que les gens s’imaginent dès que le mot cancer est prononcé, et elle conclut en disant bien que les gens en général « ont une image vraiment noire du cancer et surtout des traitements… ils se disent que l’issue va être fatale. ». L’infirmière B la rejoint sur ce thème disant qu’il y a « beaucoup de représentations autour du mot cancer… la maladie, le traitement, le vécu du traitement, les soins palliatifs … la mort », et que « c’est très tenace ». Néanmoins concernant les mots, l’infirmière C trouve qu’aujourd’hui le mot chimiothérapie par exemple est dit plus facilement qu’il y a quelques années, le médecin parlant avant de traitement et non de chimio. Et elle rajoute « y a eu des avancées… y a eu des mots. » J’arrive alors à cette analyse que mettre des mots, employer les bons mots permet chaque jour dans notre quotidien à mieux les apprivoiser. En tant que soignants nous devons contribuer à rendre ces mots plus « entendables », de façon à ce qu’ils soient « intégré au cours de nos vies », comme évoqué par l’écrivain Eric-Emmanuël Schmitt dans le cadre conceptuel. Cela va de pair aussi avec une autre phrase, citée dans mes recherches théoriques, du cancérologue Jean-Yves Bobin : « Parler clairement de cancer et de ses traitements, c’est extirper l’aspect mortifiant et mystérieux de celui-ci. » Ainsi, malgré le poids des mots autour des maux du cancer, les dire et surtout les expliquer permet de donner du sens, et de les dédramatiser.

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Ayant comme objectif de repérer les freins et dangers que représentent les croyances concernant la pathologie cancéreuse dans la prise en soin, je pose donc à la suite la question n°4 à propos des représentations : Pensez vous que cela puisse être un obstacle dans la prise en soin ?

Analyse de la question 4 :

L’infirmière C me répond que « çà peut, mais c’est à nous de leur dire que chaque cas est différent. » Elle s’appuie ici sur la notion de la singularité des êtres vivants, et toute l’importance de le dire et le redire au patient, afin d’éviter justement le risque de transfert, elle parle alors de « recadrer. » A cette question 4, l’infirmière A et B me répondent toutes les deux « oui ». L’infirmière B disant bien que « ces images… ces idées… sont lourdes de conséquences »; à l’exemple de la situation, présentée par l’infirmière A, d’une patiente dont les représentations l’ont bloquées. Cette patiente refusait tout traitement au départ, car une personne de sa famille était décédée d’un cancer. Ainsi l’infirmière A précise bien qu’il y a en effet « les représentations, mais aussi ce que les patients ont vécu et ce qu’ils sont. » Ainsi il y a les représentations sociétales, mais aussi les représentations que chacun se fait en fonction de son histoire de vie, familiale et sociale. Et ces représentations peuvent donc, en effet, être dommageables pour la suite et constituées un véritable frein dans la prise en soins. Cela est regrettable, car l’infirmière A et B mettent aussi en parallèle des pronostics favorables, des rémissions (infirmière A), de grands progrès réalisés en matière de traitement (infirmière B). Ainsi l’infirmière B parle de « découvertes formidables », « d’améliorations des traitements anti émétiques, et de la prise en charge globale autour du traitement ». De ce fait, elle rapporte que « le vécu du traitement est meilleur et la qualité de vie s’en ressent ». Par conséquent « des images disparaissent », « les représentations ont évolué ». Depuis 2012 qu’elle fait des consultations d’annonce, l’infirmière B observe que « les personnes ont moins cette chape de plomb sur la tête quand elles arrivent ». Et surtout elle précise « qu’on peut très bien vivre avec un cancer. Le cancer se soigne ». Cela rejoint alors les chiffres du cancer notés dans mes recherches théoriques, avec un taux de mortalité par cancer tous âges et toutes localisations confondus, qui a diminué entre 1980 et 2012, alors que l’incidence, elle, est en augmentation. L’infirmière B évoque aussi cette incidence en hausse, qui fait que du coup on parle davantage du cancer. Selon elle, le sujet est devenu moins tabou aujourd’hui et les patients ne « transfèrent plus forcément leur vécu… sur celui du voisin » … « ils savent que chaque personne est différente ». Je relève vraiment ici un point positif concernant la communication autour du cancer. Certes il y a le risque de transfert évoqué à la question 2, ceci dit cette communication a permis aussi de diffuser les progrès majeurs réalisés en matière de traitement, donc de faire évoluer les représentations, et de favoriser à juste titre cette notion essentielle de l’individualité. A savoir qu’il n’y a pas un mais des cancers et que chacun vivra sa pathologie, son traitement de façon différente, rejoignant donc ici les propos de l’infirmière C analysés au départ.

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Question 5

Pensez vous que la façon dont le patient va vivre son cancer va être étroitement liée aux conditions dans lesquelles l’annonce va être réalisée ? Et pourquoi ? Ici, l’objectif de mes questions est d’identifier ce qui se joue lors de l’annonce du diagnostic de la maladie. Les trois infirmières sont persuadées que « oui çà joue », « çà influence ». D’ailleurs, comme le souligne l’infirmière B, des études l’ont montré, et pour elle « la manière dont l’annonce a été faite a certainement une incidence sur le vécu au quotidien de la maladie, et du traitement. »

Ceci dit, étant au début du traitement, l’infirmière B dit ne pas avoir assez de recul pour vraiment réussir à évaluer l’impact entre la manière dont l’annonce a été faite et le vécu au quotidien de la maladie et du traitement. Pour cela, un audit auprès d’un groupe de patients serait selon elle à envisager. Néanmoins, rencontrant les patients en consultation d’annonce, elle entend parfois des patients lui dire que « çà a été effroyable la manière dont on leur a annoncé ». Cette illustration est surement, pour l’infirmière B, la preuve que la douleur de ce moment est encore bien palpable chez ces patients et donc « qu’il y a certainement un impact psychologique ».

Ainsi, s’appuyant sur des études, l’infirmière B parle d’annonces faites « très brutalement ou très maladroitement », « dans un couloir… par une personne pas forcément habilitée ». Elle emploie alors le terme « tsunami » pour caractériser l’état d’esprit du patient, et précise bien que « du coup le cheminement psychologique de la personne est différent ». Elle décrit alors que le patient « va rester figé sur cette maladresse de l’annonce », ayant « du mal à se projeter ». Pour les soignants « c’est plus difficile » aussi, car ils ont eux du mal à « récupérer toute cette maladresse », « à amener le patient à avancer dans le traitement ».

Par conséquent on constate bien ici que le moment de l’annonce peut représenter un impact psychologique avec des conséquences importantes pour la suite, à l’exemple « d’un blocage »comme le dit l’infirmière B. Ce moment de l’annonce est donc un moment déterminant, un temps où il faut faire preuve d’empathie, être à l’écoute, être dans le prendre soin, comme le dit l’infirmière C.

Cependant l’infirmière A indique bien qu’il n’y a « pas de manière correcte » d’annoncer un cancer, même si les choses sont amenées petit à petit (découverte d’une « masse ou d’une anomalie » annoncée les jours d’avant), l’annonce en soi demeure toujours « un choc pour le patient », et surtout « le fait de l’annoncer çà devient réel. » L’infirmière A précise, par ailleurs, que personne ne vivra l’annonce de manière identique, et cette annonce justement doit être adaptée en fonction du patient, qui a besoin de sentir la sécurité d’être pris en charge. Ainsi pour elle, les conditions de l’annonce semblent importantes : prendre son temps, endroit isolé, expliquer et répondre aux questions. Là où elle exerce, les annonces ne sont pas faites le Vendredi pour qu’il y ait, toujours après, du monde autour du patient, pour que les soignants puissent revoir avec la famille si besoin, pour reformuler les choses. Pour l’infirmière A, il est donc important suite à l’annonce que le patient sente cet « entourage autour de lui », un entourage « disponible et adapté de façon individuelle ».

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Les réponses des infirmières sont totalement en accord avec mes recherches théoriques concernant l’annonce et ses enjeux. Ainsi, l’annonce d’un cancer est bien un moment singulier, propre à chacun, un moment vécu comme un choc qui s’inscrira pour toujours dans le psychisme du patient. Néanmoins même si l’annonce d’un cancer demeure toujours un moment douloureux, les conditions, dans lesquelles l’annonce va être réalisée, sont essentielles afin de construire avec le patient une alliance thérapeutique, comme cité par Marie-Frédérique Bacqué au chapitre II. Sinon, à l’image des réponses de l’infirmière B, il peut y avoir à ce moment là un blocage psychologique, préjudiciable pour la suite de la prise en soins, et donc le vécu de la maladie par le patient. Enfin, je reviens aussi sur une phrase importante de l’infirmière A, qui dit que « le fait de l’annoncer çà devient réel. ». Nommer marque en effet la fin d’une attente souvent angoissante pour le patient et surtout rend ce verdict de l’annonce concret. L’infirmière A dit bien que « çà c’est assez difficile pour eux » ; parce qu’en effet cet instant marque pour le patient une rupture avec sa vie d’avant. L’accompagner, « être dans le prendre soin » (infirmière C) et de façon « adapté » (infirmière A), sont alors les caractéristiques de la posture soignante dans ces moments là pour aider le patient à pouvoir « se projeter » (infirmière B) par la suite. Question 6

A la suite de l’annonce de cancer à un patient, dans quel état d’esprit allez-vous à sa rencontre ? Comment définiriez-vous votre attitude à cet instant ? Ici, l’objectif de mes questions est de repérer l’attitude soignante après l’annonce de la maladie à un patient. Là encore l’infirmière A dit bien que cela « dépend des patients » et en fonction des contacts et échanges qu’elle a pu avoir avant avec eux, donc de la connaissance de la personne. A ce moment là, elle aborde souvent le patient tout en prenant une saturation par exemple. Il s’agit donc bien ici, comme décrit dans le cadre théorique, de la relation de soin, qui inclut à la fois les soins relationnels et les autres actes de soins, et où l’acte technique devient donc prétexte à... L’infirmière A pose alors des p’tites questions, j’ai envie de dire qu’elle tend des perches, afin justement de voir, comme elle dit, si le patient a envie ou pas d’en parler. Si oui, l’infirmière aura alors « un rôle d’écoute », revenant avec le patient sur ce que le médecin lui a dit et surtout ce que lui a compris, et répondant aussi à ses interrogations. Ou si elle voit que le patient n’a pas envie de parler, elle le laisse, « il faut qu’il digère ». Respecter ce temps, son temps est aussi l’idée mise en avant par l’infirmière B. Dans son travail d’infirmière d’annonce, elle dit bien que c’est à elle de s’adapter à la personne qui est devant elle. Souvent au départ, elle laisse ainsi au patient un temps de parole, un temps pour parler d’eux. A mon sens, cela lui permet de pouvoir justement adapter son comportement au patient, car, comme elle le dit, en laissant parler les gens, on a énormément de détails sur leur ressenti. Et puis, cela lui permet de savoir ce qu’il a retenu de son parcours de soins.

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Ce qui ressort des réponses des infirmières A et B c’est vraiment cette notion de respect (respect de temps, respect de parole), et que c’est bel et bien au cas par cas. Un respect, qui s’explique aussi par le fait que la personne passe par un tel bouleversement, qu’il s’agit bien, là aussi, de prendre en compte « l’étape du deuil » comme l’évoque l’infirmière A. Au moment de la rencontre avec le patient suite à l’annonce de son cancer, l’infirmière C évoque, quand à elle, son état d’esprit plutôt positif, me disant bien qu’elle n’associe pas le mot cancer au mot mort, et donc qu’elle va essayer de transmettre de la confiance, et d’être rassurante, « je dis jamais qu’on va guérir, mais j’dis qu’on est là pour soigner. » Ceci dit, elle relate bien le fait que parfois quand le pronostic est engagé, intérieurement elle va être touchée, alors elle va essayer de ne pas le montrer et de rester neutre.

Décrivant leur attitude à cet instant, l’attitude d’écoute vient en premier pour toutes les trois, puis il y a aussi l’attitude d’empathie pour l’infirmière B et une attitude de présence pour l’infirmière A et C. L’infirmière C me parle d’être dans la réalité. Ainsi en écho au fait d’être rassurante, elle veut préciser ici qu’il s’agit bien de ne pas faire croire des choses, surtout ne pas mentir. Son attitude est bien « d’essayer d’apporter un certain réconfort », tout en demeurant vraie, authentique. En lien avec mes recherches théoriques je retrouve ici des concepts majeurs (en gras) de la relation d’aide, qui permettent de construire une relation de confiance. Et si dans leurs réponses figurent les mots d’écoute, ou « juste de présence », cela me permet aussi de mettre en avant toute l’importance du non verbal, et du respect des silences dans ces situations. Corroborant l’analyse précédente, je retrouve, chez l’infirmière A et l’infirmière B, la notion de respect, qui semble véritablement un élément clé et primordial de leur attitude à cet instant. Ainsi l’infirmière A parle de « laisser les gens faire à leur rythme », et l’infirmière B parle du « respect du moment ou du stade où ils en sont », idée déjà rencontrée par l’infirmière A quand elle parlait précédemment de « l’étape du deuil ». L’infirmière B dit bien qu’on n’accepte jamais d’avoir un cancer, mais elle observe que certaines personnes ont progressé, ont cheminé. Elle veut ainsi montrer qu’elle adapte son attitude en fonction de là où ils en sont, et des questionnements ou représentations qu’ils ont. En effet, elle dit bien que « dès fois ils s’imaginent tout et n’importe quoi », comme les perfusions qu’ils assimilent à un « poison » qu’ils vont recevoir. Là encore, on voit que les représentations sont bien présentes, et les images sont parfois très fortes. Il faut donc réussir pour le soignant de faire en sorte que le patient ne reste pas avec cette vision, dommageable pour la suite. Ainsi, tout en respectant leur temps, l’infirmière B leur explique, leur montre, cela permet de dédramatiser, de s’écarter de ces représentations et donc permettre à la personne de pouvoir avancer, de cheminer en construisant sa réalité.

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En conclusion, dans cette partie les infirmières ont mis en évidence les éléments essentiels décrivant leurs états d’esprit et leurs attitudes à cet instant. Leurs réponses sont en accord avec mes recherches théoriques concernant la relation dans le soin, l’importance de la notion de temporalité et du processus de deuil. L’évocation des représentations est en phase avec les analyses précédentes et le cadre conceptuel. Tout au long de ce questionnement n°6, leurs réponses souvent se croisent et se complètent mettant en évidence cette notion essentielle du respect : respect du temps, respect de la parole, respect du processus de deuil. Question 7

Dans la prise en soin, quels sont les repères essentiels qui vous permettront de vous adapter à la réaction singulière du patient ? Vous arrive t-il de vous sentir démuni ? Ici, l’objectif de mes questions est d’identifier les éléments de repérage du soignant pour adapter sa posture aux réactions du patient. L’infirmière A va se baser avant tout sur ce que le patient a compris et sur ce qu’il a besoin. Pour l’infirmière C c’est davantage la façon de parler du patient, et son regard, qui vont lui permettre d’adapter sa posture et donc voir s’il a envie ou pas de communiquer. Enfin l’infirmière B va être sensible aux émotions. Pour cette question, toutes les trois ont répondu différemment. Mais leurs trois réponses ont du sens puisqu’elles découlent toutes du vécu subjectif du patient, c’est à dire de ce que le patient leur transmet à cet instant. Et c’est bien là l’essentiel. Ainsi en fonction de leur sensibilité propre à chacune, chaque infirmière adapte sa posture aux réactions du patient par rapport à ce qu’il lui transmet verbalement (infirmière A), ou émotionnellement (infirmière B) ou encore visuellement (infirmière C). Ensuite à ma question « Vous arrive t-il de vous sentir démuni ? ». La encore leurs réponses divergent. Pour l’infirmière A çà peut arriver dans des situations avec des patients de son âge ou l’âge de ses parents. Ici çà peut être la projection de l’image qui rend la prise en charge plus difficile pour elle, d’ailleurs elle illustre ses propos par un exemple très concret. Pour l’infirmière B çà peut éventuellement être le cas dans des situations peu fréquentes avec des réactions de colère et d’agressivité. Cependant la situation qui l’a le plus marqué depuis qu’elle fait de la consultation d’annonce, concerne une personne qui ne voulait absolument pas se faire traiter, qui ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi elle était là, et qui est restée finalement sur sa position. Pour l’infirmière B cette situation a été difficile, frustrante, d’ailleurs le ton de sa voix à cet instant montre bien que ce moment a été éprouvant. Finalement, dans ce cas, elle dit bien « on ne peut que respecter le choix du patient. » Pour l’infirmière C il y a parfois des mots qui sont durs à entendre, ou des questions qui peuvent surprendre. Là aussi elle cite en exemple des situations concrètes. Mais pour elle, avec l’expérience qu’elle a aujourd’hui, cela lui permet d’avoir une distance et de pouvoir prendre du recul. Donc le terme démuni est selon elle un peu fort. Dans ce passage l’infirmière A et l’infirmière B évoquent aussi le cas de personnes qui verbalisent peu. Pour l’infirmière A, qui se base sur le verbal, c’est dans ce cas beaucoup plus complexe pour avoir des points de repères, elle dit bien « on ne sait pas vraiment où ils en sont ».

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Pour l’infirmière B, lors de la consultation d’annonce, face à une personne qui verbalise très peu, elle l’informe quand même sur le déroulement des traitements, sur les risques des effets secondaires et sur la prévention des complications. Et cela dans le but « d‘amener la personne à entendre ces choses là ». Le dire c’est permettre au patient de mieux comprendre, prendre de la distance par rapport à ses représentations, et donc pouvoir cheminer, tout en respectant son temps comme elle le souligne. L’infirmière B est consciente que le patient peut ne pas être réceptif, ne pas être prêt, à ce moment, mais comme souvent le patient est accompagné, cette personne entend aussi les informations. L’infirmière prend donc en compte ici l’entourage du patient, qui est une personne ressource. De la même façon quand l’infirmière parle au patient des soins de support, elle présente les autres professionnels (psychologue, diététicien, assistant social…) sur lesquels le patient peut aussi s’appuyer. Ainsi elle lui présente toute la chaine humaine autour de lui, car ce qui compte c’est que le patient se sente soutenu, aidé. Dans cette prise en soins complexe, à un moment où les patients viennent d’apprendre leur maladie, il est donc important, pour les professionnels, de s’appuyer à la fois sur l’entourage médical et familial, dans le but d’accompagner au mieux la personne. Enfin, pour le soignant, ne pas se sentir démuni face à une situation, c’est aussi pouvoir faire appel à tous ces professionnels qui gravitent autour du patient et qui peuvent à un moment ou un autre venir aussi en soutien à un autre professionnel. C’est d’ailleurs ce que l’infirmière B évoque quand elle parle de sa situation difficile à vivre, et où elle a eu besoin de verbaliser avec sa collègue et auprès de la psychologue. L’infirmière B en consultation d’annonce rencontre des personnes angoissées, en pleurs, apeurées. Son parcours professionnel lui a permis d’acquérir les qualités requises pour ce poste. Et aujourd’hui elle dit que la satisfaction qu’elle en retire c’est vraiment quand les gens lui disent que çà leur a fait du bien de la rencontrer, qu’ils vont moins dramatiser. Pour l’infirmière B, la consultation d’annonce a alors été positive, a permis à la personne d’avancer, et lui a surement permis d’arriver à sa première séance de chimiothérapie dans un autre état d’esprit. Et j’y reviendrai dans la synthèse. Finalement, avec cette question je ne pensais pas que j’aurais pu développer l’importance de ce travail en réseau, où chaque professionnel est un maillon, comme dit l’infirmière B, dans la prise en soins du patient. Ce sont finalement les réponses de l’infirmière B qui m’ont permis de parler ici de ce sujet. D’ailleurs, dans des réponses précédentes, le médecin généraliste (infirmière B) et la psychologue (infirmière A) avaient déjà été évoqués, représentant justement des maillons essentiels. A ce poste d’infirmière d’annonce et au sein d’un réseau de soins en cancérologie, l’infirmière B met ici en évidence tout le travail de « coordination »42 qui demeure aujourd’hui le « maître mot » en cancérologie. Je retrouve alors ici les points essentiels de la mesure phare du plan cancer 2003-2007, développé au chapitre II du cadre conceptuel, et aussi un des principes du dispositif d’annonce qui est : « Améliorer le vécu des malades grâce à la coordination

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L’infirmière magazine. Malakoff : Initiatives Santé. Avril 2015, hors-série. p.3

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interprofessionnellle et la communication relationnelle avec les patients et leurs proches. » Ce passage m’aura permis d’aborder ce sujet, comme quoi parfois, une question entraine une nouvelle réflexion intéressante, rendant vivant l’analyse et venant compléter les recherches. Quand aux réponses des infirmières concernant les repères essentiels leur permettant d’adapter leur posture au patient, j’ai eu la chance d’avoir pour chacune d’entre elles des réponses différentes mettant bien en évidence la dimension de l’observation clinique dans l’exercice infirmier. Ainsi, face au patient, par le biais de ce que nous ressentons, voyons, entendons, nous analysons la situation, et pouvons nous adapter au mieux à sa réaction toujours singulière. Nos sens sont donc mis en exergue. Là encore, les réponses des infirmières viennent étoffer mes recherches concernant la relation dans le soin, et mettent en évidence ce qui constitue la base de la démarche clinique infirmière. Question 8

Selon vous face à cette situation de crise que vit le patient, de quelle manière en tant que soignant pouvez-vous intervenir pour favoriser son adaptation, pour l’aider à cheminer ? Ici, l’objectif de ma question est de mettre en évidence les ressources du soignant pour aider le patient à s’adapter, à cheminer. « Il faut leur laisser le temps », le ton de la voix de l’infirmière A à cet instant est clair, indiscutable, et met bien en avant ce respect du temps si précieux, qui est fonction de chacun, comme elle le dit en fin de réponse. Pour elle aussi comme pour l’infirmière C, l’écoute est importante, ainsi que la présence. Citer les paroles de l’infirmière C, « savoir qu’il y a du monde… qu’on s’occupe de soi… proposer une aide psychologique », revient à démontrer, une nouvelle fois, la valeur de cette chaîne humaine médicale, paramédicale présente autour du patient, pour l’accompagner au mieux et favoriser son adaptation. Dans les réponses des infirmières A et C je remarque aussi cet état d’esprit positif qu’elles veulent transmettre au patient quand elles évoquent les propositions de traitement pour le soigner. Car comme redit l’infirmière A « ils ont besoin de se projeter » Mais pour pouvoir se projeter « ils ont aussi besoin de savoir… besoin de repères… besoin d’images », poursuit l’infirmière A. En effet comme le rapporte l’infirmière B « l’inconnu fait peur, et c’est normal ». D’où l’importance pour l’infirmière B « d’essayer de dédramatiser ». Lors de la consultation d’annonce infirmière, dont fait référence aussi l’infirmière A, prendre le temps d’expliquer aux patients, leur montrer le service, l’équipe médicale, voir d’autres patients, tout cela contribue à favoriser son cheminement. Et c’est ce que relate l’infirmière B dans ses propos. En effet, ayant participé à des consultations d’annonce, j’ai visité avec le patient et l’infirmière d’annonce le service d’hospitalisation de jour d’oncologie. Et à chaque fois, j’ai vraiment eu ce sentiment que voir d’autres patients confortablement installés, nous sourire; nous dire un p’tit mot, en train de lire, de plaisanter, ou regarder la télé ; tout

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cela changeait radicalement le visage du patient à qui nous faisions visiter le service. Il avait l’air plus ouvert, plus souriant, se faisant la réflexion « ah c’est bien, c’est clair, et on peut lire tranquillement ». Selon les mots de l’infirmière B « çà dédramatise », et à mon sens cela montre bien que nous sommes ici du côté de la vie. Et çà c’est extrêmement important. Pendant cette visite du service, l’infirmière B précisait également au patient que certains aimaient parler entre eux ou d’autres au contraire rester tranquille avec le casque sur les oreilles ; chacun faisait comme il voulait. L’infirmière prend donc en compte le caractère individuel de chacun, et le spécifie bien au patient. En accord avec cela, elle dit bien ici, « chaque personne vit les choses différemment… le ressenti, leur vécu va être individualisé. » Et c’est vraiment ce que de mon côté j’ai pu aussi observer. En conclusion, suite à l’annonce de la maladie au patient, les réponses des infirmières (en gras) révèlent tout ce qu’elles mettent en œuvre pour favoriser son adaptation, pour l’aider à se projeter. Dans leurs réponses à cette question n°8, je retrouve une concordance avec le cadre conceptuel concernant l’annonce et ses enjeux. Le fait aussi d’avoir pu participer à des consultations d’annonce m’a donné des éléments clés et une expérience concrète pour mener à bien mes recherches à ce sujet. Riches de leurs expériences professionnelles, les propos des trois infirmières sont venus une fois de plus enrichir les recherches réalisées sur les différents sujets de mon cadre conceptuel. Question 9

Avant de conclure l’entretien : Avez-vous quelque chose à rajouter ?

A cette question, seules les infirmières A et B ont souhaité rajouter quelques précisions.

L’infirmière A veut compléter le fait que dès l’annonce du diagnostic, « leur vie ne sera plus jamais comme avant ». Et elle précise que même s’il y a rémission, ce moment marque bien une rupture dans leur vie, il y a toujours « un avant et un après cancer. » Cette maladie entraine un « chamboulement psychologique », où « il faut passer par toutes les étapes du deuil… pour accepter… enfin accepter, vivre au mieux avec cette maladie ». Puis elle confirme la place importante des représentations dans la société.

L’infirmière B finit l’entretien en évoquant son parcours, qui lui a permis d’acquérir « une certaine manière d’être, un savoir être », en développant des habiletés en matière d’observation et de communication. Aujourd’hui étant à l’aise avec les protocoles, elle dit bien être davantage orientée sur la personne, et parle d’une relation différente.

Au travers les paroles de l’infirmière A, je retrouve l’analyse que j’avais réalisée à la suite de mes situations d’appel. Quand à accepter, il est bien clair, comme l’avait déjà dit l’infirmière B à la question 6, que l’on accepte jamais d’avoir un cancer, il s’agit donc bien pour les patients de vivre du mieux possible.

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Concernant les étapes du deuil, développées au chapitre III du cadre conceptuel, je voulais juste repréciser que le but de ce mécanisme normal n’est nullement d’arriver à l’acceptation. Il s’agit d’un mécanisme d’adaptation pas forcément ordonné, car propre à chacun, très fluctuant, et aussi très fragile.

Enfin lors de la consultation d’annonce il est vrai que la relation est différente dans le sens où ce temps est un temps dédié, et donc un temps propice à l’écoute. En étant centré sur le patient, Il est important de lui permettre d’exprimer ses émotions, de pouvoir poser librement ses questions. Et il le fera d’autant plus que l’infirmière instaurera un climat de confiance par l’empathie, une écoute active, son authenticité, et la considération positive, comme relevé dans mes recherches.

« Se savoir être » de l’infirmière se définit donc par des qualités humaines, d’écoute, de compréhension, de patience, de franchise, de calme ; associé à cela des connaissances de la maladie et des traitements. Ainsi, au cours de cette consultation la manière d’être de l’infirmière aide le patient à se projeter à son rythme, le rendant acteur de sa santé, à l’image de Mr LR dans une de mes situations d’appel.

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Synthèse : points forts, limites et réflexions

Les résultats apportés par la rencontre avec les infirmières a été un bon moyen de mettre en avant ce qui reflète sur le terrain et donc de pouvoir mettre leurs réponses en parallèle aux recherches théoriques réalisées.

Je constate alors que les infirmières interrogées ont une vision similaire aux concepts développés, qu’elles viennent ici illustrer et argumenter, rendant leurs témoignages de terrain riches de sens et très explicites. Je noterai qu’au cours de mes entretiens je n’ai pas eu la nécessité de poser les questions « pourquoi ? », elles-mêmes justifiant leurs propos tout naturellement.

Dans cette synthèse il s’agit bien de revenir sur les points forts de ces entretiens, ainsi que d’explorer les limites de ma recherche, pour ensuite l’élargir vers de nouvelles réflexions.

Les points forts de cette recherche :

Quand on parle de cancer, c’est sans nul doute cette idée omniprésente de la mort qui fait surface. Pour les patients, le fait de se savoir atteint d’un cancer entraine une proximité nouvelle avec la mort, et les professionnelles interrogées le perçoivent bien. C’est pourquoi l’annonce de la maladie est toujours une rencontre terrible.

Et même si l’on souhaiterait que cela crée « une saine inquiétude à la place de la panique », comme cité par l’écrivain, Eric-Emmanuël Schmitt dans le cadre conceptuel, je pense, qu’aujourd’hui encore, nous en sommes loin, face à tant de représentations tenaces véhiculées d’une part dans notre société, et d’autre part au travers l’histoire de vie de chacun.

En effet, au regard de mes situations d’appel et des réponses des professionnels, l’annonce de la maladie demeure un choc, un véritable tsunami, que chaque patient vivra et exprimera différemment.

Confirmé par les soignants, les conditions de l’annonce sont alors déterminantes afin d’éviter un impact psychologique préjudiciable sur le vécu au quotidien de la maladie et des traitements.

Dans l’accompagnement du patient à la suite de l’annonce de son cancer, les infirmières interrogées ont mis alors en avant une notion essentielle, la notion du respect : respect du temps, de la parole et du processus de deuil.

Partant toujours du vécu subjectif du patient, l’observation clinique des infirmières va leur permettre d’adapter leur attitude à la réaction toujours singulière de la personne. Et ainsi pouvoir l’accompagner au mieux dans cette épreuve difficile en créant un climat de confiance, où l’écoute, l’empathie, la présence et l’authenticité sont indispensables. Etre dans le prendre de soin, de façon adapté sont alors les caractéristiques de la posture soignante dans ces moments, pour permettre au patient de pouvoir se projeter à son rythme.

Puis l’espoir et la volonté de se battre du patient vont alors être étroitement liés à la proposition d’une voie thérapeutique ou médicale. Néanmoins cette entrée dans le

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parcours de soins est angoissante, car inconnue pour le patient alors en proie à tant de discours et de représentations autour de lui à cet instant.

Dédramatiser, en expliquant, en montrant, en répondant à ses inquiétudes est alors essentiel afin de laisser libre cours au patient de construire sa vérité. Chaque soignant y contribue à son niveau de compétences. Une autre notion essentielle apparait alors ici. Celle, comme quoi, tout au long de l’accompagnement du patient, la parole fait partie intégrante du soin.

Dans le dispositif d’annonce mis en place aujourd’hui, la consultation d’annonce infirmière a toute son importance, car ce temps dédié permet au patient une meilleure compréhension de la maladie et du projet thérapeutique, donc une meilleure adhésion au traitement. Par ailleurs, le patient prend conscience de cet entourage médical, paramédical, personnalisé autour de lui. « On n’accepte jamais d’avoir un cancer », comme précisait l’infirmière B, mais être accompagner par une équipe bien coordonnée entre elle dans le partage des savoirs permet, à mon sens, de rassurer le patient, de l’aider à cheminer, afin de vivre au mieux avec la maladie.

Aujourd’hui grâce à une communication plus positive autour de la maladie, le sujet est devenu moins tabou et les représentations ont évoluées. Mais le chemin est encore long à parcourir pour que certaines images disparaissent.

En conclusion suite aux entretiens menés auprès des infirmières, l’analyse réalisée a été vaste et riche d’enseignements importants. Par leurs témoignages; j’ai ainsi pu répondre concrètement à mes questions de recherche tant dans l’attitude que dans la manière d’être du soignant pour favoriser l’adaptation du patient suite à l’annonce de son cancer. Les apports rappelés ici dans la synthèse, viennent affiner mes recherches théoriques et constituent des fondamentaux pour demain, en tant qu’infirmière, tenter d’accompagner au mieux la façon toujours singulière qu’un patient vivra cette épreuve.

Les limites de cette recherche :

Dans ce juste dosage entre d’un côté la réalité médicale objective et la réalité subjective du patient, le soignant doit composer au mieux, en pesant ces mots, et en tenant compte aussi du contexte social et familial du patient.

Apparait alors ici une limite dans ma recherche, car j’aurai justement aimé inclure davantage cet aspect si important que représente l’accompagnement des proches dans ce contexte de soins. En effet, aborder ce sujet aurait été très intéressant, car comme noté au cours de mon analyse ce sont des personnes ressources, qui jouent un rôle primordial pour accompagner, conseiller et réconforter le patient.

Néanmoins, traiter ce sujet aurait élargi sans doute un peu trop le sujet de mon mémoire. C’est pour cette raison que j’ai décidé de concentrer ma recherche sur la relation soignant-soigné. Mais il est bien évident que dans la prise en charge globale du patient, il est essentiel d’avoir en tête ce rôle indispensable des proches, face à une maladie, où les périodes de découragements sont fréquents, et où la souffrance psychique et la gestion des incertitudes sont omniprésentes de part et d’autre. Peut-être serons nous, alors, amené à échanger aussi sur ce sujet lors de ma soutenance.

Une autre limite réside autour de la gestion des émotions par les soignants. Là encore explorer davantage autour de ce domaine aurait étendu le sujet de mon mémoire.

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Néanmoins la question « vous arrive t-il de vous sentir démuni ? » a permis d’aborder le sujet. A l’évocation de leurs situations j’ai senti encore beaucoup d’émotions chez les infirmières interrogées. D’où l’importance pour elles de pouvoir en parler par la suite entre elles et avec la psychologue, comme évoquait l’infirmière B. Quand au fait d’essayer « de rester neutre », comme le dit l’infirmière C, met bien en évidence toute la complexité émotionnelle que suppose aussi ce contexte de soins.

Enfin le sujet de mon mémoire, sur l’étude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce d’un cancer, m’imposait aussi de respecter une limite contextuelle dans mes recherches, mon exploration de terrain et mon analyse.

Réflexions :

J’observe qu’au cours des entretiens réalisés il n’a jamais été fait référence aux mécanismes de défense que j’avais développés dans le cadre théorique. Adaptant leurs attitudes à ce que le patient leur transmet verbalement, visuellement ou émotionnellement, les infirmières ont cependant évoqué implicitement ces mécanismes de défense à cet instant.

Devant une angoisse majeure, tout individu développe des mécanismes de défense, tels que le refoulement, la colère, le déni... Ces mécanismes de défense sont inconscients et indispensables à l’adaptation du sujet. Les repérer nous permet pour nous soignants de mieux comprendre ce qui se passe chez l’autre, et donc d’adapter notre attitude. Enfin les respecter est essentiel pour aider le patient à cheminer.

Suite à mon entretien avec l’infirmière B, elle me parle également des bénéfices de la consultation d’annonce sur la relation soignant-soigné. Cette discussion en aparté n’a pas été enregistrée, mais, avec l’accord de l’infirmière, il me paraissait intéressant d’y faire allusion.

En effet, l’infirmière B m’évoque le fait, que les soignants lui disaient qu’ils voyaient nettement les patients, qui avaient pu bénéficier de la consultation d’annonce infirmière par rapport à ceux qui ne l’avaient pas eu. Selon elle, vraisemblablement, grâce à cette consultation, il y a donc déjà eu tout un cheminement de réalisé, une dédramatisation amorcée. Par conséquent, il y a moins d’angoisse, de peur quand les patients viennent pour la première fois en chimiothérapie.

L’infirmière B rajoute que pour le soignant c’est alors plus facile, car il peut orienter le patient vers d’autres sujets de discussion. Or, quand le patient n’a pas été préparé, pour le soignant c’est souvent plus difficile, car il est pris dans son geste technique, et en même temps il ressent aussi la peur, l’appréhension du patient qui n’a jamais vu l’aiguille par exemple. Donc, la consultation d’annonce infirmière permet bien d’initier un cheminement, et le soignant par la suite, le ressent de façon positive dans la relation soignant-soigné.

Enfin, comme évoqué au cours de l’entretien, mon enquête exploratoire aura aussi inspiré, à l’infirmière B, l’idée de mener une enquête auprès des patients. Elle souhaite en effet, analyser leur vécu, en fonction de leur passage ou pas en consultation d’annonce infirmière, et donc d’investiguer sur les bénéfices de cette consultation.

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Au travers cette recherche, les échanges auprès des professionnels, et ces derniers propos de l’infirmière B, cela m’amène alors à suggérer un nouveau questionnement, se situant toujours suite à l’annonce de cancer à un patient.

Ainsi, en quoi peut-on dire que l’infirmière d’annonce joue un rôle pivot dans la coordination de la prise en charge du patient suite à l’annonce de la maladie ?

Et en quoi la consultation d’annonce infirmière peut-elle influencer par la suite la relation soignant-soigné ?

Même si au cours de mes recherches théoriques et mon exploration de terrain, j’ai déjà commencé à répondre à ce sujet, l’approfondir, en restant davantage centré sur cet exercice infirmier, me semble une suite cohérente et intéressante.

Preuve en est qu’une recherche en appelle une autre, et que l’exercice infirmier est un exercice professionnel en perpétuel mouvement et en constante réflexion.

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Conclusion

Selon Axel Kahn43, médecin « l’annonce du cancer est le moment où vivre quand même se pose avec une telle acuité que tous les défis s’enchaînent, à quelque stade que l’on soit de la progression de la maladie. Etre confronté aux défis et les relever, c’est l’une des plus grandes caractéristiques de la vie humaine. Le cancer est à ce point une éprouvante mise à l’épreuve. »

Et ces défis à relever les patients nous l’ont démontré, car c’est bien par leur cri de souffrance, que le dispositif d’annonce a vu le jour, afin d’accompagner humainement et dignement la personne dans cette épreuve. Le symbole est fort, car inspiré par les patients eux même. Grâce à ces héros ordinaires, il y a donc eu une évolution, voire une « révolution », qui montre bien, comme écrit par Claude Curchod44infirmier enseignant, que « soignants et soignés ont besoin les uns des autres pour assurer un maximum de chances de succès aux soins et aux traitements ». C’est ici un enseignement important que ce travail de recherche m’a permis de mieux découvrir, et il est certain que demain, cet enseignement constituera un élément majeur dans ma future pratique professionnelle.

S’il arrive encore parfois que l’annonce d’un cancer soit maladroite, comme celle vécue par Mr P dans ma première situation, je ressens malgré tout à l’issue de ce travail une volonté énorme de la part des professionnels de santé de poursuivre les efforts menés et encore et toujours de mieux prendre en compte la dimension relationnelle des soins.

Aujourd’hui, riche de cette recherche menée, cela me permet de me projeter et de réfléchir à ma propre identité d’infirmière où les valeurs humaines de respect, de dignité et d’éthique, occupent une place importante. Par ailleurs, cultiver la culture du doute me tient aussi à cœur, car cela permet de progresser et d’enrichir mes connaissances tout au long de mon parcours.

A cette heure j’ignore encore où j’exercerai. La cancérologie est un domaine qui m’attire et que je peux rencontrer dans beaucoup de services. En effet, comme je l’évoquais au début de ce mémoire, le cancer est une pathologie que l’on rencontre partout et qui touche toutes les classes d’âge. Réaliser cette recherche infirmière a constitué énormément de travail, et je reste persuadée que cela m’apportera des atouts importants tout au long de mon parcours professionnel où qu’il soit.

Enfin, comme précisé dans l’article de l’infirmière magazine45 d’Avril 2015, aujourd’hui subsistent encore des inégalités dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer. « Trop de patients n’ont pas accès à une consultation d’annonce ou à des soins de support »46. Et dans le même temps « le nombre de nouveaux cas progresse en rapport avec l’augmentation et le vieillissement de la population », comme écrit à la une du quotidien Ouest France ce 4 février 2015, à l’occasion de la journée mondiale contre le cancer.

43

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. p.8

44

CURCHOD, Claude. Relations soignants-soignés : prévenir et dépasser les conflits. p 4

45 L’infirmière magazine. Malakoff : Initiatives Santé. Avril 2015, hors-série. p.3

46

Ibid.

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43

Face à ce constat, des défis restent à relever, afin que tous les patients puissent bénéficier d’une même qualité d’écoute, de suivi et de coordination dans leur parcours. Ainsi, où que ce soit, en secteur urbain ou rural, hospitalier ou libéral, l’infirmière a donc un rôle capital à jouer, en matière d’informations auprès du patient et de collaborations auprès de tous les acteurs de soins.

Alors que le 3ème plan cancer 2014-2019 affiche ses objectifs en l’occurrence la diminution de l’incidence des cancers, la baisse de la mortalité et l’amélioration de la qualité de vie des personnes touchées, les efforts pour un égal accès aux soins pour tous doivent aussi se poursuivre.

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Bibliographie

Texte officiel

LOI n°2002-303 du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Code de la santé publique. Journal officiel, 5 Mars 2002, n°1.p.4118.

Ouvrages

ARGENTY, Jean. Précis de soins relationnels. Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2012.122 p.

AUBRY Régis, DAYDE Marie-Claude. Soins palliatifs : éthique et fin de vie. 2ème éd. Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2013. 253 p.

BACQUE, Marie-Frédérique. Annoncer un cancer : diagnostic, traitements, rémission, rechute, guérison, abstention… Paris : Springer, 2011. 174 p.

BACQUE Marie-Frédérique, BAILLET François. La force du lien face au cancer. Paris : Odile Jacob, 2009. 396 p.

CURCHOD, Claude. Relations soignants-soignés : prévenir et dépasser les conflits. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2009. 212 p.

DELEHEDDE, Maryse. Que sait-on du cancer ? Les Ulis : EDP sciences, 2006. 207 p.

DISS, Marie-Capucine. Le soin en situation : la relation antre patients et soignants sous le regard des écrivains. Paris : Editions Seli Arslan, 2013. 175 p.

Dr SOLAL-CELIGNY, Philippe. Cancer. Pourquoi moi Docteur ? Paris : Hachette, 2010. 214 p.

FREYER, Gilles. Faire face au cancer : l’espoir au quotidien. Paris : Odile Jacob, 2008. 231 p.

HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital : inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris : Masson, 1997. 195 p.

MANOUKIAN, Alexandre. La relation soignant-soigné. 4ème éd. Rueil-Malmaison : Editions Lamarre, 2014. 201 p.

Dictionnaire

Le petit Larousse illustré 2012. Paris : Larousse, 2011. 1910 p.

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Revues

Le Mook autrement, série « questions sociétales », le cancer à vivre, à vaincre. Paris : Editions Autrement. Juin 2011.

L’infirmière magazine. Malakoff : Initiatives Santé. Avril 2015, hors-série.

Document non publié

Dr ARNAUD, Bertrand. Cancérogénèse. Cours : processus tumoraux : U.E.2.9 : IFSI Quimper, 2015.

GARAND, Etienne. Retentissements psychiques de la maladie cancéreuse. Cours : cancérologie U.E.2.11 : IFSI Quimper, 2015.

Document audiovisuel

CASTELLANO, Ivan. Au cœur du combat. Paris : Les Films à Fleur de Peau et Didaxis production, 2011. 1H33min.

Documents internet

CAVEY-LEMOINE Michel. Deuils et pertes chez le sujet âgé [en ligne] (consulté le 03/02/15). Disponible sur : http://www.michel.cavey-lemoine.net

Institut National du Cancer [en ligne] (consulté le 31/01/15, le 02/02/15 et le 22/02/15). Disponible sur : http://www.e-cancer.fr

INTERVENTIONAL RADIOLOGY. Fiche kyphoplastie [en ligne] (consulté le 06/04/15). Disponible sur : http://www.info-radiology.com › ESPACE PRO › Espace manipulateurs

RUSZNIEWSKI, Martine. Les mécanismes de défense dans la relation médecin-malade : confrontation à la maladie grave. Pédiadol [sur www.pediadol.org] 18è Journées La douleur de l’enfant. Quelles réponses ? Décembre 2011 [Format PDF] (consulté le 18/02/2015).

Disponible sur : http://www.pediadol.org/IMG/pdf/U2011_ruszniewski.pdf

UNICANCER. Les chiffres du cancer en France [en ligne] (consulté le 01/02/15). Disponible sur : http://www.unicancer.fr

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I

Annexes

Sommaire des annexes

Annexe I ................................................................................................................... II

Annexe II ................................................................................................................. IV

Annexe III ................................................................................................................ VI

Annexe IV ............................................................................................................. XVII

Annexe V ............................................................................................................ XXXI

Annexe VI ....................................................................................................... XXXVIII

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II

Annexe I

Epidémiologie des cancers en France métropolitaine

Chiffres de l’Institut National du Cancer [en ligne] (consulté le 22/02/15). Disponible sur : http://www.e-cancer.fr

Évolution de la mortalité (taux standardisé monde) par cancer de 1980 à 2012 selon le sexe

Date de dernière mise à jour : 17/11/2014

Sources : Estimation nationale de l'incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 - Tumeurs solides Traitement : INCa 2013

Année 1980 1990 2000 2005 2010 2012

Homme 214.6 209.3 183.2 164 142.3 133.6

Femme 100.4 93.6 85.2 80.6 75.3 73.2

Le taux de mortalité par cancer tous âges et toutes localisations confondus a diminué entre1980et2012. Le taux masculin (standardisé monde) a baissé de 38 %, passant de 214,6 à 133,6 décès pour 100 000 hommes.

Le taux féminin (standardisé monde) a diminué de manière moins importante (- 27 %), passant de 100,4 à 73,2 décès pour 100 000 femmes entre1984-88 et 2004-08. Le net recul de la mortalité cancéreuse masculine s’accompagne d’une réduction au cours du temps de l’écart entre le taux de mortalité par cancer masculin et le taux de mortalité par cancer féminin.

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III

Évolution de l’incidence (taux standardisé monde estimé) des cancers de 1980 à 2012 selon le sexe

Sources : Estimation nationale de l'incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 - Tumeurs solides Traitement : INCa 2013

Année 1980 1990 2000 2005 2010 2012

Homme 283.5 317.8 351.7 396.1 364.6 362.6

Femme 176.4 203.2 234.9 248.8 251.2 252

L’évolution des cancers en France au cours des dernières années est marquée par des divergences : le taux d'incidence tous cancers confondus a augmenté chez l’homme comme chez la femme entre 1995 et 2005 (respectivement +14% et +17%) alors que le taux de mortalité a diminué entre les périodes 1994-98 et 2004-08, de manière plus marquée chez l’homme (-17%) que chez la femme (-8%).

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IV

Annexe II

Guide d’entretien

Questions générales : âge, année du DE, expériences professionnelles, choix ou non de travailler dans ce service.

Cadre conceptuel Objectifs de recherche Questions

Le cancer et ses représentations.

Identifier les représentations des soignants sur la maladie cancéreuse. Identifier dans leurs expériences professionnelles, comment les patients perçoivent la maladie. Repérer les freins et dangers que peuvent représenter les croyances concernant la pathologie cancéreuse dans la prise en charge du patient.

Si je vous dis le mot cancer, quels sont les 3 mots qui vous viennent spontanément à l'esprit? Et les patients, quelles perceptions ont-ils le plus souvent de leur maladie ? En cancérologie, pensez-vous que plus qu’ailleurs le poids des mots et les représentations sont tenaces ? Pourquoi ? Et pensez vous que cela puisse être un obstacle dans la prise en soin ? Pourquoi ?

L’annonce du diagnostic et ses enjeux : le dispositif d’annonce aujourd’hui.

Identifier ce qui se joue lors de l’annonce du diagnostic de la maladie.

Pensez vous que la façon dont le patient va vivre son cancer va être étroitement liée aux conditions dans lesquelles l’annonce va être réalisée ? Et pourquoi ?

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V

La relation soignant- soigné post annonce, associée à la notion de pertes.

Repérer l’attitude soignante après l’annonce de la maladie à un patient.

Identifier les éléments de repérage du soignant pour adapter sa posture aux réactions du patient.

Mettre en évidence les ressources du soignant pour aider le patient à s’adapter, à cheminer.

A la suite de l’annonce de cancer à un patient, dans quel état d’esprit allez- vous à sa rencontre ? Comment définiriez-vous votre attitude à cet instant ? Dans la prise en soin, quels sont les repères essentiels qui vous permettront de vous adapter à la réaction singulière du patient ? Vous arrive t-il de vous sentir démuni ? Selon vous face à cette situation de crise que vit le patient, de quelle manière en tant que soignant pouvez- vous intervenir pour favoriser son adaptation, pour l’aider à cheminer ?

Avant de conclure l’entretien : Avez-vous quelque chose à rajouter ?

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VI

Annexe III

Entretien infirmière A

Description du parcours professionnel :

L’infirmière A a eu son DE en Décembre 2008, et elle est venue tout de suite travailler sur l’hôpital. Elle a travaillé pour commencer en médecine onco, où elle a fait beaucoup de pneumo et un peu de gastro. Puis elle a travaillé pendant 2 ans en long séjour, et depuis 3 ans elle est en pneumologie. Au départ positionnée dans ce service, c’est aujourd’hui un choix de sa part de travailler en pneumologie. Et elle est titulaire de son poste depuis 2 ans.

Retranscription de l’entretien :

Moi : « Très bien, donc on va commencer l’entretien sur, voilà, sur le cancer et ses représentations. Et, donc si je te dis le mot cancer, en fait, quels sont les trois mots qui te viennent spontanément à l’esprit ? »

IDE A : « Alors y a, euh, mortalité, traitement, euh et euh […] Comment dire euh. J’arrive pas vraiment à trouver le mot. Euh, dif, enfin, difficulté psychologique, enfin je sais pas comment. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Ouais. »

Moi : « D’accord, euh crise psychique ou difficulté. »

IDE A : « Quelque chose comme çà, voilà. »

Moi : « D’accord OK. »

IDE A : « Perturbation euh… »

Moi : « Psychique. »

IDE A : « Psychique, ouais. »

Moi : « Retentissement. D’accord. Et, et les patients que tu rencontres euh quelle perception ont-ils le plus souvent de leur maladie ? »

IDE A : « Alors çà dépend des patients. Mais je pense que les trois quart, euh, les trois quart, donc euh, dans un premier temps, s’disent bon ben, ils savent enfin qu’ils ont des forts risques de décès, mais y en a quand même beaucoup qui, disent, ben voilà, on va quand même se battre, on va se traiter, euh voilà. »

Moi : « D’accord. »

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VII

IDE A : « Y a pas. Ils n’baissent pas forcément les bras, ils se rendent bien compte que c’est souvent pessimiste, mais y a quand même l’espoir de, ben peut-être que, le traitement va marcher sur moi, ou peut-être que… »

Moi : « D’accord, d’accord. »

IDE A : « Voilà. »

Moi : « Donc ce que tu / »

IDE A : « Espoir. »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Espoir et quand même. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Espoir et puis pro / »

Moi : « Projection quand même avec le traitement et… »

IDE A : « Oui. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Oui voilà, ils ont besoin de savoir, euh. »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Assez rapidement, une fois que l’annonce est faite, en fait, ils ont besoin, souvent besoin de savoir qu’est ce qu’on va leur proposer. »

Moi : « D’accord, d’accord, très bien. En cancérologie, penses tu que, plus qu’ailleurs, en fait, dans d’autres domaines médicaux, le poids des mots et les représentations sont tenaces ? »

IDE A : « Euh, oui, parce qu’en fait les gens, ils ont quand même une représentation du cancer. Le cancer, en général, pour eux c’est la mort, c’est la maladie avec laquelle on décède, donc forcément çà fait peur ce mot là. Dès qu’on vous dit on a un cancer, forcément on s’imagine, euh, euh, les gens ont les images de, euh, de gens qui perdent leurs cheveux avec la chimiothérapie, euh, qui vomissent, euh, qui sont au fond de leur lit qui n’peuvent plus bouger, euh. Voilà ils ont une image vraiment noire du cancer, et surtout des traitements. Et en général ils se disent que, euh, que euh, l’issue va être fatale / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Cà c’est en règle générale. »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Euh, c’est l’avis des, de la population, je pense qu’on peut interroger des gens, euh… »

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VIII

Moi : « Oui voilà, ouais c’était un peu le but de ma question en fait, mais c’est vrai, que oui, en fait, les représentations sont bien tenaces autour de cette maladie. Et, et du coup, penses tu que cela peut-être un obstacle dans la prise en soins, parfois ? »

IDE A : « Euh, oui parce que y a des cancers par exemple qui, qui, bon au niveau pulmonaire c’est un peu plus compliqué, y a moins de rémisssion, moins d’opération, chose comme çà, mais y a quand même des cancers qui se traitent euh / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Dont les gens sont en rémission, et qui y a, y a un pronostic favorable / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Au final. Après je pense que, au niveau, euh, espoir en fait pour le patient, se dire, ben voilà, je vais mourir, y en a qui, du coup, non pas envie d’essayer de se traiter ou qui n’émette même pas cette hypothèse là. »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Y en a peu, parce que le plus souvent ils veulent quand même un traitement / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Mais y a certains, qui pour eux c’est tellement dur d’entendre l’annonce, de se dire, ben voilà, je vais mourir, que, ben, qui sont, ils sont submergés par çà / »

Moi : « Hum »

IDE A : « Et du coup, ils n’arrivent pas forcément entendre et voir ce qu’on va leur proposer, et c’qui peut voilà / »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Y a des patients qui décident d’emblée, euh, je me rappelle d’une dame qui me disait : ben, façon, moi j’veux, j’n’veux pas de traitement, j’n’veux pas de chimio ; je veux rien du tout, çà c’était son, dans un premier temps. Parce que je pense qu’euh, euh, y a quelqu’un de sa famille qui était décédée d’un cancer, enfin y a tout çà, y a aussi c’est l’entourage / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « Ce que les gens ont vécu, euh, toutes leurs représentations, ce qu’ils ont vécu, et c’qu’ils sont / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Et du coup dans un premier temps, elle nous avait dit çà j’ n’ veux pas m’traiter, et puis quelque temps après, ben, elle a cheminé puis elle s’est dit, ben en fait, qu’est c’ que qu’est c’que vous pouvez me proposer donc du coup elle a fini par faire de la, un p’tit peu de chimiothérapie cette dame / »

Moi : « D’accord, ouais. »

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IX

IDE A : « Mais dans un premier temps, voilà, ses représentations l’ont bloquées et elle s’est dit ben, pour moi c’est pas possible, j’ai pas envie de, puisque c’est ce qu’elle nous disait, euh voilà, ses images c’était çà : j’ai pas envie de passer les derniers temps qui me restent, alors que je suis à peu près bien là maintenant, à vomir ou à perdre mes cheveux, ou à plus pouvoir rien faire. »

Moi : « Ouais d’accord, ouais OK. »

IDE A : « Ses représentations vraiment / »

Moi : « Etaient. »

IDE A : « Influençaient sur le traitement qu’on pouvait lui proposer, quoi. »

Moi : « Ouais, ouais, ouais. D’accord, et du coup, c’est vrai qu’aujourd’hui y a le dispositif d’annonce qui est mis en place, et penses tu que la façon dont le patient, en fait, va vivre son cancer, va être étroitement liée aux conditions dans lesquelles l’annonce va être, euh, réalisée ? »

IDE A : « […] Euh, oui, je pense que çà influence, parce que, euh, déjà nous ici on essaie de ne pas annoncer le vendredi soir, euh, voilà puisque, euh, pour qui y ait du monde pour que on puisse, euh, euh, retravailler avec le patient c’qu’il a compris, c’qu’il a entendu / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Qu’on puisse revoir avec sa famille, s’il a besoin que la famille soit vu en même temps que lui / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « Et forcément si cette, si cette annonce est faite, j’ai envie de dire correctement puisqu’il n’y a pas de manière correcte / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Pour l’annoncer c’est, c’est un choc pour le patient, i enfin il prend çà, même si les patients qui s’en doute un p’tit peu, parce que au départ on leur a parlé, ben voilà, on a trouvé une masse, une anomalie, enfin on amène les choses, euh, p’tit à p’tit quand même, même si ils s’en doutent un petit peu le fait de l’annoncer en fait çà devient réel. »

Moi : « Hum hum. »

IDE A : « Et çà, c’est assez difficile pour eux, et, du coup, je pense que si c’est fait au mieux en fait cette annonce en fonction du patient, puisque on n’a pas tous, euh, l’annonce on la vivra pas tous de la même façon euh.»

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Si elle était faite pareille de A à Z, et je pense que du coup çà influence sur ben, la sensation de sécurité d’être pris en charge euh, de ben que, on a quelque chose à m’proposer que de savoir en fait. »

Moi : « Hum d’accord, ouais d’accord. »

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X

IDE A : « La façon dont c’est fait quoi, si on a pris le temps de, de le faire voilà dans un petit bureau, pour les patients qui sont en chambre double de l’avoir isolé, de voilà, lui expliquer les choses, de répondre aux questions, et puis de dire surtout qu’on est prêt à voir la famille pour expliquer avec lui. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Que si on a besoin dans les jours à venir de reformuler, on est tout à fait disponible, enfin voilà. »

Moi : « Hum d’accord, qu’il sente en fait vraiment une, un entourage autour de lui / »

IDE A : « Un entourage / »

Moi : « Médical / »

IDE A : « Que c’est adapté en fonction de / »

Moi : « De ses besoins / »

IDE A : « De façon individuelle. »

Moi : « Ouais d’accord, ouais d’accord, très bien. Euh, dans, à la suite, en fait, de l’annonce de cancer à un patient, euh, dans quel état d’esprit, en fait, euh, tu vas à sa rencontre. On vient de te dire, par exemple, aux transmissions, voilà le médecin vient de lui annoncer. Toi, tu ne l’as pas vu depuis quelques jours, par exemple ce patient, voilà. Comment est ce que, si tu peux, juste me décrire un p’tit peu comment tu vas aller à sa rencontre. Ouais. »

IDE A : « Alors, après çà dépend des patients, puisqu’il y a des patients avec qui la communication est plus facile ou on connait depuis plusieurs jours, plusieurs semaines, on a échangé différemment / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « Et puis, euh, donc déjà, çà dépend du patient / »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « En règle générale, euh, on va aller en faisant notre premier tour, par exemple, en, on peut utiliser euh, moi j’utilise çà souvent, par exemple le fait de prendre la saturation / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « De lui demander comment il va. Est-ce que le, voilà, et souvent, en fait, s’ils ont envie d’en parler, euh, là du coup ne ce reste que de demander comment allez vous / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « La matinée çà enfin, vous avez vu le docteur ce matin, des petites choses comme çà, en fait. Soit, après on voit il a envie d’en parler / »

Moi : « Hum. »

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XI

IDE A : « Et, là du coup, c’est plutôt dans un premier temps un rôle d’écoute, de savoir qu’est ce que le médecin lui a dit, mais surtout, qu’est ce que lui il en a compris. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « C’est plus dans un premier temps un rôle d’écoute, de répondre après aux questions, euh, auxquelles on peut répondre, parce que on ne peut pas répondre à toutes les questions que les patients se posent, y a des questions pour lesquelles on n’a pas de réponse. Donc de répondre, de voir avec lui, euh, c’qu’il a, c’qu’il a besoin, en fait / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Et puis après y a des patients, ou ben, on voit que, ils ont pas envie d’en parler / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Donc, ben, on les laisse dans un premier temps, voilà. Il faut qu’il digère, euh, le truc / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « Après, euh, des fois quand on voit que c’est un peu difficile, et qu’ils arrivent pas à verbaliser, euh, enfin même quasiment tout le temps, on propose, euh, la psychologue, d’au moins aller se présenter. »

Moi : « D’accord, ouais. »

IDE A : « Après les patients voient s’ils ont, s’ils en ont, ressentent le besoin ou pas. Mais, euh, voilà, on propose assez facilement la psychologue / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Ou, au moins elle va se présenter, en fait, c’est au cas par cas. Puisque, voilà, les patients ne digèrent pas les choses de la même façon. Y a l’étape du deuil. Après y a certains qui sont dans la colère, y en a d’autres qui vraiment sont effondrés, euh, enfin, voilà. »

Moi : « D’accord. OK. Donc, en fait, peut-être, mais juste, comment t’arriverais à définir ton attitude à cet instant ? »

IDE A : « Euh. Attitude d’écoute. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « D’écoute, de, et des fois juste de présence en fait. »

Moi : « Oui, ouais d’accord…Etre là.»

IDE A : « Etre là, présent, et puis ben pas forcément chercher à…Voilà. »

Moi : « A…Oui, ouais. »

IDE A : « Laisser les gens faire à leur rythme aussi, quoi. »

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XII

Moi : « D’accord, d’accord. Hum. Dans la prise en soins, quels sont donc, ben là mais tu m’en as dit une partie, mais quels ont les repères essentiels qui vont te permettre, en fait, d’adapter ta réaction, d’adapter en fait ta posture à la réaction singulière du patient ? »

IDE A : « Ben, c’est plutôt çà / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Voir c’qu’il a compris / »

Moi : « Voilà. »

IDE A : « C’qu’il a, qu’est qui n’est…Enfin qu’est ce qu’il a besoin…Qu’est ce que… »

Moi : « D’accord, ouais, OK. Et, est c’que il t’arrive de te sentir parfois démunie, quoi ? »

IDE A : « Euh, oui. Ca arrive, euh. On avait une patiente, une jeune femme, euh. En fait, on avait découvert son cancer d’une manière assez, euh, assez fortuite en fait / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « Elle s’était présentée aux urgences, avec que…On pensait qu’elle faisait un AVC. C’était, c’est une très jeune femme, euh, de moins de trente ans, et euh, on pensait qu’elle faisait un AVC, elle allait aux urgences. Et en fait aux urgences, ils ont découvert une grosse masse cérébrale. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Euh, elle a été opérée de cette masse assez rapidement, et en fait on a découvert un, un gros primitif pulmonaire avec des métastases partout. Et, euh, c’était assez difficile parce que c’était une jeune femme, ben, qui était dans une situation, euh, familiale précaire, euh, elle venait de se séparer de son compagnon qui l’a battait, elle avait un petit garçon, euh non, une petite fille c’était, une petite fille de deux ans, y avait ses parents à elle qui étaient très présents. Et, euh, quand elle est arrivée, cette dame est arrivée un après-midi, elle nous a dit : voilà, je sais que j’ai un cancer, euh, mes parents arrivent cet après-midi, je voudrais que vous soyez là pour l’annoncer avec moi. Et là, c’était assez difficile en fait de…de prendre en charge puisque / »

Moi : « Hum.»

IDE A : « Voilà, c’est une femme jeune, avec des enfants, des choses comme çà. Donc je pense qu’il y a la projection, euh, voilà / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « De l’image, de…Ben de notre image…/ »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Notre projection. Donc çà, çà peut-être des fois, un peu difficile. Ou, ben quand, il, c’est des gens qui ont notre âge, l’âge de nos parents. »

Moi : « Hum. »

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XIII

IDE A : « Des choses comme çà, en fait »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Se projeter un p’tit peu, çà peut être un peu difficile de … »

Moi : « De pouvoir / »

IDE A : « De prendre en charge, et de pouvoir être empathique / »

Moi : « Ouais, oui. »

IDE A : « Tout en étant soignant, quoi. »

Moi : « Ouais. En fait, c’est l’écho, quoi auquel çà renvoie. »

IDE A : « Oui, c’est çà. »

IDE A : « Et puis après, ben y a des patients malheureusement, ou on n’arrive pas à échanger parce que euh, parce qu’ils ont pas envie. »

Moi : « D’accord. Ouais, d’accord. »

IDE A : « Et du coup, là c’est un peu difficile de les prendre en charge parce qu’on sait pas, on sait pas vraiment où ils en sont / »

Moi : « Hum. »

IDE A : « En fait comment c’est pour eux, est ce que c’est dur, est ce que…On n’arrive pas trop bien à savoir euh / »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Comment ils vivent çà en fait. »

Moi : « Ils n’ te renvoient pas forcément / »

IDE A : « Non. »

Moi : « Donc du coup, t’as moins de repères pour savoir vraiment. »

IDE A : « Oui, C’est çà. Et puis même y a des patients on essaie de leur parler un peu, on voit que ils ont pas, qu’ils ont pas envie. »

Moi : « D’accord, ouais d’accord. Hum. Et selon toi, face à cette situation de crise que vit le patient, de quelle manière en tant que soignant, donc, tu peux intervenir pour favoriser son adaptation, son cheminement. Continuer à vivre, en fait. Voilà. »

IDE A : « Ben je pense que, euh, faut, faut leur laisser le temps. »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Faut leur laisser le temps. »

Moi : « Ouais. »

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XIV

IDE A : « Faut les écouter, faut… Etre présent, après euh… Voilà, faut proposer aussi c’qu’on peut faire un traitement ou des choses comme çà, qu’ils ont besoin, un peu de projeter, de se projeter. De se dire, ben oui. Soit se dire oh ben oui, je suis en soins palliatifs et comment çà peut se passer après. Donc y a des patients, une fois qu’ils ont accepté le fait euh, d’être en, d’avoir la maladie du can…, d’être cancéreux, par exemple les patients qui sont en soins palliatifs. Ceux qui ont accepté d’être en soins palliatifs, parce qu’on a des découvertes qui sont quasiment tout de suite en soins palliatifs des fois / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Et ben, ils demandent mais euh plus d’éclaircissement sur qu’est c’que, qu’est c’que c’est le soin palliatif ? Donc là, on peut leur expliquer que c’est pas pareil que la fin de vie, les soins palliatifs peut durer plus longtemps, qu’ y a des structures, ils se demandent mais comment çà va se passer à la maison ? Est ce qu’ils peuvent euh, est ce qui…Ils ont besoin de savoir est ce, est ce qu’ils vont mourir à la maison / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Est-ce, est ce qu’ils vont mourir à l’hôpital ? Est-ce qu’il y a des structures, donc, avoir besoin un peu de repères. Mais; là déjà il faut qu’ils aient accepté / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Accepter le diagnostic et compris que voilà…Après, euh, y a les patients, ben, c’est juste leur dire, ben voilà, on peut proposer un traitement, leur expliquer en quoi consiste le traitement, les effets secondaires. Donc y a la consult d’annonce infirmière qui est faite avec une infirmière, euh, euh, qui n’est pas du service. Qui vient, qui leur euh, une fois le protocole a été décidé avec la RCP, qui vient et qui leur explique, euh, tout le protocole / »

Moi : « Oui. »

IDE A : « Après c’est, euh, c’est des p’tites choses toutes bêtes, euh, y a la pose de chambre implantable, souvent des choses comme çà en fait. Tout se bouscule pour les patients, euh, souvent ils nous disent, ben voilà que, ils ont trouvé long, euh, du moment où on a commencé les premiers examens à avoir le diagnostic, souvent ils ont l’impression que c’est une perte de temps, et euh, un temps, euh, hyper long. Et une fois que le diagnostic est posé, souvent ils sont assez submergés, ils ont l’impression que tout va trop vite / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Parce qu’on pense à parler de chimiothérapie assez, assez vite quand même / »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Surtout sur les p’tites, surtout les cancers à petites cellules où faut traiter par chimiothérapie assez rapidement. / »

Moi : « Ouais. »

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XV

IDE A : « Donc y a la pose de chambre implantable, y a le, quand y a la radiothérapie y a le scanner, en fait ils ont l’impression d’être, euh, envahi avec, euh, tout çà un p’tit peu / »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « Et c’est çà. Leur expliquer, leur montrer, ben, la chambre implantable c’est comme çà. Donc là on peut leur montrer, on leur montre les aiguilles, on leur explique, euh, ils ont hâte d’être rassurés en fait aussi. »

Moi : « D’accord, d’accord. »

IDE A : « D’être rassurés. De voir de / »

Moi : « Car oui tout se bouscule un peu quoi, ouais, çà va vite / »

IDE A : « Et ils ont besoin d’avoir des images, voilà, c’est important pour eux de se dire, bon ben , la chambre implantable, ah oui, c’est comme çà, çà va se poser comme çà, enfin… »

Moi : « D’accord. Ouais, d’accord. »

IDE A : « Voilà. »

Moi : « Et donc au fur et à mesure, comme çà, en, en discutant, en montrant, au patient, en fait, du coup il, lui aussi évolue en fait. »

IDE A : « Voilà, il fait son cheminement. »

Moi : « Voilà. Oui. »

IDE A : « Après ils n’le font pas tous au même rythme et euh. »

Moi : « Ouais. »

IDE A : « Et, euh, chacun a besoin de son temps après. Pour Ecouter, rassurer, euh expliquer / »

Moi : « D’accord. Ouais. »

IDE A : « Parce que quand on sait c’est plus facile de …De, d’être moins angoissé quoi. »

Moi : « Voilà. »

IDE A : « Quand on… »

Moi : « Ouais, oui, oui, tout à fait. Bon ben, du coup, juste avant de conclure, en fait, l’entretien, est ce que tu as quelque chose à, à rajouter, par rapport, voilà à mes questions, oui ? »

IDE A : « Je pense que oui, de toute façon à partir du moment où y a l’annonce du diagnostic, de toute façon, leur vie elle ne sera plus jamais, euh. C’est une psychologue qui nous avait, voilà j’avais été à une formation, et qui disait bien que de toute façon, leur vie, qu’il y ait une rémission ou pas en fait, même s’il y a une

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XVI

rémission, leur vie n’ sera plus jamais comme avant. Qu’il y a vraiment un avant cancer et un après cancer. »

Moi : « D’accord. »

IDE A : « C’est un chamboulement psychologique, euh, voilà, où faut passer par toutes les étapes du deuil, euh, pour accepter, euh, enfin accepter, vivre au mieux cette maladie. Mais euh voilà. Et que les représentations, oui, ont une place importante dans, dans… »

Moi : « La société. »

IDE A : « Dans la société. Ouais. »

Moi : « Ouais, ouais, d’accord. »

IDE A : « Voilà »

Moi : « Merci beaucoup. »

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XVII

Annexe IV

Entretien infirmière B

Description du parcours professionnel :

L’infirmière B est âgée de 48 ans. Auparavant aide-soignante à l’hôpital, elle a ensuite suivi la formation infirmière et est diplômée depuis 1996. Au sein de l’hôpital où elle exerce, elle a été dans différents services : rééducation, moyen séjour, service de néphrologie, service de médecine interne, service d’hématologie et d’oncologie. Puis elle est restée en onco-hémato, et au moment où le service a été séparé, elle a choisi l’oncologie. Elle a fait, pendant environ une dizaine d’années, de l’hospitalisation continue en oncologie, associée à des lits identifiés soins palliatifs. Puis elle s’est dirigée sur l’hôpital de jour oncologie, où elle a travaillé pendant 4 ans. A la suite de çà, elle a eu l’opportunité de postuler sur un poste de coordination ville-hôpital via le réseau en cancérologie, ce poste est associé avec la consultation d’annonce infirmière, pour laquelle elle s’est formée sur le terrain avec sa collègue. Elle occupe ce poste depuis 2012, précisant bien que son parcours professionnel lui a vraiment permis d’acquérir l’expérience requise pour ce travail.

Retranscription de l’entretien :

Moi : « Alors, voilà, je voulais te demander, pour commencer, euh, si euh, si tu dois donner, enfin, si, euh, si je te dis le mot cancer, quels sont les trois mots qui te viennent spontanément à l’esprit ? »

IDE B : « Euh, maladie, peur, angoisse, euh, chronicité. »

Moi : « D’accord. Et les patients que tu rencontres, quelles perceptions ont-ils le plus

souvent, d’la maladie ? »

IDE B : « Euh…La peur, peur, peur d’un euh. Peur de c’qui euh, c’qui est inconnu en

fait, hein. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Tout ce qui est véhiculé autour du mot cancer. »

Moi : « hum. »

IDE B : « Tout ce qui est euh, surtout véhiculé maintenant par les médias, via

internet. »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Euh…Donc du coup euh, ils voient, ils entendent beaucoup de choses. Et

puis, bon maintenant, le cancer euh, est beaucoup moins tabou qu’il n’a été y a

quelques années, donc les gens en parlent plus facilement, donc euh, y a aussi ce

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XVIII

transfert qui peut être, euh, fait, euh, entre, lors de l’annonce d’une maladie, euh, par,

par quelqu’un d’autre, par un…Une personne lambda. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Qui a déjà vécu et qui va forcément aller, euh, donner son ressenti sur son

vécu à lui / »

Moi : « Hum / »

IDE B : « Qui est pas forcément euh, qui ne sera pas forcément et heureusement le

même que le patient euh, qui, à qui on a découvert le cancer. »

Moi : « D’accord. Et, en cancérologie euh, penses tu que plus qu’ailleurs, dans

d’autres domaines méd, dans un autre domaine médical, le poids des mots et les

représentations sont tenaces ? »

IDE B : « Oui. Le crabe, le fameux crabe, cette image là, elle reste euh. C’a été, ç’a été

très très mal véhiculée, l’image elle n’a pas été très euh…C’est l’image souvent hein

que que les personnes euh reprennent, euh, par euh ils se représentent souvent ce

crabe là, intérieur, donc qui les ronge, qui, euh, mais euh…C’est quelque chose, oui il y

a des représentations euh. Y a beaucoup de représentations autour de du mot cancer

/ »

Moi : « Hum, hum. »

IDE B : « Sur euh, ben…Le traitement, le, la maladie, la maladie en elle-même, le

traitement, le vécu du traitement, euh euh, les soins palliatifs, euh, le mot palliatif par

exemple / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « La mort après, enfin voilà, c’est tout / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Donc c’est vrai c’est, c’est très tenace, hein. »

Moi : « Oui. Donc, euh, tu penses que cela peut être un obstacle dans la prise en

soins, parfois ? »

IDE B : « Je pense qu’euh…Oui. Dès le début euh, quand on annonce à…A une

personne qu’elle a un cancer, euh euh, tout toutes ces images, tout, tout, toute cette

euh, ces idées que qu’on a sur, sur le cancer, et sur euh, sur la prise en charge, sur les

traitements, lourds pour certaines euh, personnes, euh, sont euh, comment dire, sont

lourdes hein, de conséquences / »

Moi : « Hum. »

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XIX

IDE B : « Euh. Je trouve aussi, que peut-être que maintenant euh le fait que euh, hélas

qu’il y ait de plus en plus de cancers, euh, il est moins, euh euh, on en parle

davantage… »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Donc euh, les personnes arrivent aussi, euh, euh, par le biais donc de de…,

De pouvoir verbaliser c’qui leur arrive, leur ressenti, pas pas forcément, leur, enfin, au

niveau de la cellule familiale, ou euh amicale. Enfin voilà, c’est quelque chose qui est

quand même plus…Comment je pourrais dire, on communique plus. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Autour de ce mot là, chose que l’on ne faisait pas y a quelques années / »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Donc du coup la personne qui était atteinte de de...De cette maladie, de la

maladie de d’un cancer, elle était euh, quelque part honteuse. On retrouve encore hein

, au jour d’aujourd’hui on retrouve encore ces mots là euh… »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Mais, moi, d’puis bon, je fais de la consultation depuis fin euh, non depuis

début 2012, je trouve quand même que, euh lors de cette consultation là, les

personnes euh euh, sont moins euh, comment dire, ont moins cette, cette chape de

plomb sur la tête quand elles arrivent. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Elles savent euh euh, elles savent aussi que bon on peut, on peut très bien

vivre avec un cancer. On peut. Le cancer se soigne. »

Moi : « Hum hum. »

IDE B : « Euh. Que les traitements, euh, les traitements sont, beaucoup plus…Moins,

moins émétisants. Moins, moins lourds de conséquences. Y a des images qui, qui

disparaissent hein. Comme euh, cette image où euh…Souvent on m’avait dit, bon

quand je revois les personnes après, après leur traitement, ils me disent : han, je

m’imaginais avec mon haricot / »

Moi : « Hum. »

IDE B : « En train de, de vomir. D’avoir des nausées, alors que bon, çà s’est très très

bien passé, parce que ben les les molécules aussi euh…Ont évolué / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « On a fait des découvertes euh…Formidables par rapport aux anti-émétiques,

donc voilà / »

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XX

Moi : « Oui. »

IDE B : « Le vécu, le vécu du traitement est meilleur, donc euh, ben la qualité de vie

s’en ressent / »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Et du coup, tout çà, çà commence à être véhiculé aussi, hein euh… »

Moi : « D’accord, ouais, ouais. »

IDE B : « Donc c’est plus plus un sujet tabou comme çà été où euh… »

Moi : « Oui, oui / »

IDE B : « Sais pas si je résume… »

Moi : « Si si quand même. Si parce que en fait, y a des représentations et puis y a eu

aussi des progrès qui ont fait que / »

IDE B : « Oui voilà / »

Moi : « Les représentations ont évoluées en fait. »

IDE B : « Tout à fait. Voilà, ouais. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Et puis les gens maintenant euh avec, bon, avec les médias aussi les gens

euh, souvent maintenant euh, transfèrent plus forcément leur vécu sur celui euh…Du

voisin, ou de du membre de la famille, qui a eu le même vécu. Enfin voilà / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Ils savent que euh, chaque chaque personne est…Différente. Et que les

réactions n’vont pas être forcément les même que, voilà, et que les traitements d’y a

dix ans sont plus les même que…Que ceux de maintenant. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Euh, voilà, qu’après y a eu des améliorations euh, tant au niveau des des

traitements anti-émétiques, que…Que, comment dire euh, de la prise en charge

globale autour du traitement quoi. »

Moi : « Ouais, oui. »

IDE B : « Parce qu’après c’est vrai qu’y a maintenant beaucoup de personnes qui vont

sur des p’tites médecines parallèles, phytothérapie, homéothérapie. Alors est-ce que

c’est psychologique, çà sais pas, mais voilà, le vécu du traitement, de ses effets

secondaires est beaucoup moins dramatisé qu’il n’était euh, y a quelques années. »

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XXI

Moi : « D’accord, d’accord. »

IDE B : « Ouais. »

Moi : « Euh, penses tu, euh, que la façon dont le patient va vivre son cancer euh, va

être étroitement liée aux conditions dans lesquelles l’annonce va être réalisée ? »

IDE B : « Alors y a des études, hein, qui ont montré que oui. Euh…Je pense que oui

que euh, y a une incidence entre l’annonce euh, que…La manière dont l’annonce a été

faite, y a certainement une incidence sur le vécu au quotidien de euh, de la maladie,

et…Et du traitement. Alors, moi j’ai pas assez de recul par rapport à, parce que ben du

coup, moi je me retrouve euh, au début des traitements / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Après certaines fois, j’ai la chance de rencontrer des personnes quand ils ont

fini leur traitement, mais pas sur une, un nombre de patients euh…Qui pourraient me

certifier que y a un impact47 entre l’annonce et la manière dont çà çà a été annoncé. Et

euh, le ressenti et le vécu au quotidien pendant le traitement et euh. Mais après c’est

vrai qu’on a, on a, on entend des personnes qui nous disent çà été effroyable euh la

manière dont on me l’a annoncé, et puis voilà mais euh. Y a certainement un impact

psychologique euh…Sur la suite après de du traitement par rapport à, à la manière

dont a été faite l’annonce. »

Moi : « D’accord, ouais, d’accord. »

IDE B : « Mais voilà, après il me manque euh… »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Il me manque une p’tite euh… »

Moi : « Ben oui. »

IDE B : « J’peux pas euh… »

Moi : « Oui c’est vrai. Oui. »

IDE B : « Faudrait qui, faudrait à la limite faudrait faire enfin un audit, un audit auprès

des, d’un groupe, un focus par exemple de patients pour savoir comment s’est passé

/ »

Moi : « Comment ils ont vécu. »

IDE B : « Comment s’est passé l’annonce, comment elle a été annoncée et comment

ils ont vécu. »

Moi : « Hum, oui, c’est vrai. »

47

Au cours de ce passage, sons approbateurs de ma part.

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XXII

IDE B : « Mais euh, mais c’est vrai hein, y a des études qui montrent, euh, si l’annonce

a été faite euh, très brutalement ou très maladroitement euh, dans un couloir, ou

dans…Par une personne qui n’était pas forcément habilitée à faire, à lui faire

l’annonce, parce que çà se voit encore des radiologues ou euh, des personnes qui

n’sont pas forcément habilitées à à annoncer le fond et puis euh, du coup c’est là c’est

vraiment, c’est le tsunami qui, qui arrive à ce moment là, et puis ben, comme on dit

pour récupérer toute cette maladresse qui a été faite, euh, parce que du coup le

cheminement psychologique de la personne est différent aussi, hein / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Il reste. Il va rester figé sur cette euh, sur cette maladresse de l’annonce, qui

n’a pas été faite forcément ou euh enfin forcément euh, p’t-être pas, parce que des

fois, l’annonce a été faite par des oncologues qui ont été maladroits, ou…Voilà, qui.

Mais euh, le plus souvent euh, quand l’annon, quand le le la, comment dire l’annonce

est mal perçue, c’est parce qu’elle a pas été faite par la personne euh, la la bonne

personne en fait / »

Moi : « La bonne personne, ouais, ouais. »

IDE B : « Parce qu’on retrouve encore des personnes, qui nous disent ben moi je le

savais avant de venir chez l’oncologue hein que….Bon ben après j’dis pas…Je ne

parle pas du médecin généraliste parce qu’il est aussi un maillon dans…Mais je parle

de de personnes à côté qui ont fait des examens complémentaires et qui ont plus ou

moins euh, annoncé euh alors que bon / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Euh. C’était pas forcément de leur compétence de le faire. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Donc du coup après, c’est vrai que, chez certaines personnes il peut y avoir

un blocage dès ce moment là / »

Moi : « C’est quelque chose qui reste quoi. »

IDE B : « Voilà, et il a du mal après à se projeter, on a du mal à, à le conduire, à l’aider,

à l’amener à, à avancer dans dans dans dans le traitement en fait. »

Moi : « Hum. Voilà c’est çà / »

IDE B : « Dès qu’il y a une annonce qui a été mal faite, voilà, c’est plus difficile / »

Moi : « Oui d’accord oui, ouais. Euh, à la suite euh de l’annonce de cancer à un patient

euh, toi tu les vois donc suite à leur, l’annonce du diagnostic euh, dans quel état

d’esprit tu vas à leur rencontre ou voilà quand tu les reçois ou c’est juste si tu pouvais

me décrire un p’tit peu voilà ton… »

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XXIII

IDE B : « Moi dans quel… »

Moi : « Etat d’esprit un p’tit peu voilà. Tu as juste en fait que le dossier médical c’est çà

/ »

IDE B : « J’ai que le courrier du médecin, et puis le protocole donc euh »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Voilà. Euh…Après euh, dès que je reçois la personne en consultation, c’est à

moi de m’adapter devant la personne qui est devant moi. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Hein. De respecter euh…Ben son temps euh, j’aime beaucoup leur laisser un

temps, le temps de parole. Souvent je, dès le départ de l’annonce euh…Parce qu’on.

Le but c’est de revoir un peu le parcours euh, sur lequel il est projeté hein…Ce qu’on

appelle PPS, le plan personnalisé de soins, et savoir lui ce qu’il a retenu du parcours.

Et on se rend compte qu’en laissant parler les gens euh euh…, ben on a énormément

de de détails sur leur ressenti, par exemple une mauvaise annonce par exemple, si on

le savait pas, ben, c’est le moment où, là ils vont nous dire, ben çà été annoncé là euh,

si çà s’est mal passé, ils vont aussi nous l’dire. Et puis on va, ils vont réussir eux aussi

à se projeter dans leur traitement s’il y a une association radiothérapie-chimiothérapie

par exemple ou s’ils vont faire la chimiothérapie, ils vont faire la radiothérapie après, ou

hormonothérapie, voilà. Donc cette période euh, dès le départ, dès le moment de

l’entretien euh, souvent c’est un temps je leur laisse euh, je les laisse un peu euh

parler d’eux et de…Et je leur demande c’qu’ils ont retenu de la consultation. Donc du

coup après ben voilà ils commencent à… »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Mais euh…Après euh, y a euh, selon la personne qui est devant moi, je suis

aussi obligé d’adapter donc moi mon comportement, si je vois que la personne est

incapable, ou elle veut pas ou elle peut pas ou elle sait pas. Ce sera à moi de

m’adapter et l’amener à se projeter quoi. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Hein. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Y a tous, tous les les différents cas euh... »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Possibles euh, voilà. »

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XXIV

Moi : « Ouais. Donc, à ce moment là, comment t’arriverais à définir ton attitude, juste

au moment voilà, où tu la rencontres pour la première fois en fait…C’est une attitude

euh… »

IDE B : « Euh, ben d’empathie hein / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « D’empathie. D’écoute euh…Faut toujours ouais, d’écoute et puis euh

euh…Dès, voilà souvent çà serait ces deux là, ces deux mots là que je dirai, dès les

premiers instants en fait. »

Moi : « D’accord, ouais. »

IDE B : « Hein / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Et après, après c’est le respect aussi. Le respect de euh, euh du moment ou

du stade où ils en sont. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Y a des personnes qui euh, qui euh, qui ont accepté c’qui leur arrivait, enfin

on n’accepte jamais d’avoir un cancer mais qui sont dans, qui qui ont progressé, qui

ont cheminé dans leur euh, euh, dans leur maladie et qui sont prêts à débuter un

traitement. Y en a d’autres euh, qui euh ben sont angoissés, qui vont pleurer, qui vont

euh, parce que ben, la chimiothérapie leur fait peur. Ils euh, autour du mot

chimiothérapie euh, ils ont beaucoup de euh, d’images euh, plein de de, comment dire

de…Euh, pleins d’idées euh, autour de ce mot chimiothérapie euh, qui font que ben ils

sont plus ou moins paralysés, çà les empêche de / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « De cheminer, donc après, le but aussi de cette consultation c’est d’essayer

de dédramatiser chez ces personnes là. Alors souvent, ben c’est pour çà qu’on leur

montre hein, ce que c’est, parce que des fois ils s’imaginent tout et n’importe quoi, au

niveau des perfusions, ils nous parlent de poison euh, çà c’est un mot qui revient

souvent / »

Moi : « Ah d’accord. »

IDE B : « Euh, ils ont, on a l’impression que ils ont, ils nous disent hein certains : vous

allez m’empoisonner parce qu’en fait c’est que du poison que je vais recevoir, çà va

m’détruire et puis j’comprends pas, j’suis bien maintenant et puis ben quand je vais

débuter mon traitement euh, je vais être complètement détruit. Enfin voilà, çà peut être

pleins de choses comme çà. »

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XXV

Moi : « D’accord, ouais d’accord. Donc là, mais t’as peut-être répondu un p’tit peu mais

/ »

IDE B : « Ah ! »

Moi : « C’est pas grave. Dans la prise en soins, quels sont les repères essentiels qui te

permettent de de t’adapter à la réaction singulière du patient ? »

IDE B : « Alors émotions en fait, hein, c’est voilà. »

Moi : « Hum, d’accord. »

IDE B : « Euh, après euh, il faut même si la personne elle est muette euh, alors après y

a tous les cas de figure / »

Moi : « Oui ; »

IDE B : « Mais si la personne, on prend une personne qui qui qui verbalise très très

peu, le but quand même de lui expliquer comment va se dérouler le traitement,

les…Risques possibles des effets secondaires qu’il peut rencontrer pendant le

traitement. Et euh, du coup qu’est c’qu’on va faire pour éviter justement que, qu’il y ait

toutes ces complications, voilà. Le but c’est quand même de l’amener à entendre ces

choses là, hein. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Alors souvent, c’est très rare que la personne soit seule en consultation

d’annonce, elle est souvent accompagnée donc euh, du coup aussi çà permet euh,

nous çà nous permet aussi ben de pouvoir projeter, enfin de projeter, de pouvoir

avancer des choses parce qu’on sait que la personne qui a accompagné le patient qui

va subir le traitement a entendu. »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Parce que même euh, on se rend compte que, même, nous on trav, après

notre entretien de consultation d’annonce infirmière, ils ont pas forcément tout compris

non plus, hein parce qu’il leur faut, il faut respecter ce temps euh, leur temps, il faut du

temps à certaines personnes pour euh, pour cheminer et puis pour comprendre. Alors

après tout le monde n’a pas la même faculté intellectuelle de de s’approprier euh tous

ces détails hein quoi. »

Moi : « Oui. »

IDE B : « C’est pas…voilà. »

Moi : « Oui, d’accord, ouais. »

IDE B : « Après nous on est, on fait, on est aussi un maillon, mais bon après faut s’dire

aussi que le patient euh, va rencontrer d’autres professionnels qui vont l’aider aussi, çà

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XXVI

peut être des infirmières, des psychologues, des diététiciens, enfin voilà. Y a toute, y a

tous les soins de support qui suivent derrière / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Pour les aider à cheminer, quoi. »

Moi : « Oui, oui. »

IDE B : « Et si il n’a pas tout entendu, bon nous on a le support euh…Le document

qu’on leur remet, mais euh voilà, parce que y a des personnes qui vous disent oui euh

c’est bon. On peut aussi être amener à rencontrer des personnes euh qui vous diront

oui à tout. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Oui oui c’est bon j’ai compris et puis, et au final quand on essaie de les faire

reprendre un peu euh, euh…C’qu’on leur a dit, on se rend compte que ils ont rien …Ils

ont rien intégré quoi. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Mais bon parce que peut-être eux non plus à ce moment ils sont pas euh… »

Moi : « Réceptifs. »

IDE B : « Ils sont pas réceptifs, ils sont pas prêts à entendre ce qu’on va leur dire,

voilà. »

Moi : « Oui, ouais, ouais, ouais, ouais. Est c’qu’il t’est déjà, voilà, est c’qu’il t’est arrivé

de te sentir démunie ? »

IDE B : « Euh…Oui, peut-être sur des situations euh qui sont p’être moins fréquentes

comme la colère, l’agressivité. Cà çà peut arr, enfin j’ai rarement euh, j’ai rarement

connu de consultations avec des personnes agressives, mais euh…Ou alors une

personne qui avait accepté la consultation, çà çà m’est arrivé, qui avait accepté la

consultation, et qui euh, dès le début de l’entretien euh… Ne comprenait pas, enfin

n’avait pas, ne comprenait pas pourquoi elle était là parce que ben…Euh, de, elle ne

voulait pas se faire traiter, en fait. Y avait eu alors euh. En fait l’oncologue euh l’avait

amené à me rencontrer parce que ben il voulait aussi euh, il espérait pouvoir euh, euh,

qu’on, qu’on puisse convaincre cette personne là de faire le traitement / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « La personne moi quand j’l’ai rencontrée, était toujours convaincue qu’elle

euh, qu’elle ne voulait pas se faire traiter. Et alors euh…Là on essaie de, de, d’écouter

la personne, de toute façon qu’est c’qu’on peut faire à part…C’est pas à nous de la

convaincre et…Euh, on essaie de l’écouter et on a plus qu’à respecter son, son, son

souhait. Mais du coup quand la personne sort de, de cet entretien là, et que elle a

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XXVII

décidé euh…De maintenir son, son désir de n’pas être traitée, quelque part pour nous,

c’est euh… »

Moi : « Hum. »

IDE B : « […]Voilà, c’est c’est difficile donc bon / »

Moi : « C’est frustrant / »

IDE B : « C’est frustrant donc du coup la le / »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « On a aussi la possibilité d’être euh, d’être aidé avec nos, les psychologues

du réseau, donc euh voilà / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Voilà, çà peut / »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Cà çà peut. On peut en parler, on verbalise, avec ma coll, mon binôme on

verbalise aussi bon, euh, en fait, on n’peut que respecter le choix du patient / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Hein, dans ces cas là. »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Mais euh…Euh, on se dit que si l’oncologue a voulu euh…Et lui a proposé,

qu’il a accepté de venir et que malgré tout au sortir de cette consultation là, ben…On

n’a pas réussi à le convaincre non plus. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Bon. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Voilà. »

Moi : « Ouais. »

IDE B : « Mais euh…Voilà çà c’était une de mes consultations les plus difficiles, sinon

dans l’ensemble, les consultations euh…Euh…Sont bon, y a euh, y a des pleurs, y a

des personnes qui sont angoissées, y a des personnes qui sont apeurées, euh…Après

euh…La satisfaction qu’on a, c’est que bon, elles, au début de l’entretien elles sont

complètement apeurées, elles verbalisent hein leur leur peur, leur appréhension, et

puis au final euh, quand elles sortent de l’entretien, elles vous disent : oh ben, çà m’a

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XXVIII

fait du bien euh, euh, je vais moins dramatiser, enfin voilà. Donc du coup, là du coup,

on sent que, on a quand même été euh… »

Moi : « Y a eu du positif / »

IDE B : « Voilà. La consultation a été positive / »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Et a permis aussi à la personne de de de… »

Moi : « D’avancer. »

IDE B : « D’avancer et puis euh, surement d’arriver le jour de la, de sa première

séance de chimiothérapie, d’arriver dans un autre euh… »

Moi : « Etat d’esprit. »

IDE B : « Etat, d’esprit. »

Moi : « Oui, oui. »

IDE B : « Cà, c’est important. »

Moi : « Ouais, euh. Selon toi, face à cette situation de crise que vit le patient euh, de

quelle manière, en tant que soignant, donc, tu peux intervenir pour favoriser son

adaptation, pour l’aider à cheminer ? »

IDE B : « Alors, on va essayer de dédramatiser hein / »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Bon après euh…C’est vrai que comme j’ai dit tout à l’heure chaque personne

euh, vit différemment les choses et euh, les le ressenti, leur vécu va être individualisé,

mais, euh, cette consultation, je trouve qu’elle permet euh…Ben comme, de

dédramatiser, de projeter le patient. Dédramatiser parce qu’euh…On leur explique qu’il

y a un risque possible sur les effets secondaires, on leur donne des conseils sur euh,

comment éviter, prévenir ces risques là. On leur explique que ben, certaines

prescriptions médicales sont faites pour justement prévenir et éviter. Euh…Voilà,

maint, cette consultation elle a, elle a…Cette consultation, je pense, elle aurait, elle

permet euh…Comment dire, d’euh…Alors. La personne restera toujours quelque peu

angoissée, parce que l’inconnu quand, l’inconnu fait toujours peur et c’est normal.

Après le fait aussi de présenter le service, présenter euh, euh, le, la pièce où la

personne va, va, va être accueillie, de présenter l’équipe euh, médicale, les infirmières.

Cà permet aussi de de dédramatiser et que le patient puisse se projeter sur euh ben, la

manière où, enfin le lieu où çà va se dérouler, les personnes qui vont, qui vont le

prendre en charge. En fait, le fait de voir tout çà, çà permet de dédramatiser un peu

euh… »

Moi : « D’accord, comme si çà, çà le sécurise en fait. »

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XXIX

IDE B : « Oui je pense, je pense. »

Moi : « Oui, d’accord. »

IDE B : « Et puis euh…Le fait de voir les autres aussi, parce que bon, inévitablement

on croise d’autres patients qui sont en soin. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Et le fait de voir que ben y a certaines personnes qui plaisantent euh, qui

regardent la télé, qui bouquinent, qui voilà. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Cà çà dédramatise aussi parce que y a des personnes qui restent encore

avec des des idées euh, et des images préconçues sur euh, euh, sur qu’est, sur

c’qu’on leur a dit ou sur c’qu’ils ont vu, ben voilà. »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Donc euh… »

Moi : « Oui. »

IDE B : « Y a tout çà, mais, je pense que cette consultation là, elle a pour euh, objectif,

ben de, d’aider euh…D’aider à avancer, mais euh. Et de dédramatiser un peu ce

qu’est, ce que peut / »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Ce qu’peut être la chimiothérapie. »

Moi : « D’accord, OK. Euh. Hum, juste avant de conclure l’entretien, est ce que tu as

quelque chose à rajouter ? »

IDE B : « Alors, j’espère que j’ai été assez concise enfin / »

Moi : « Oui, oui / »

IDE B : « Moi, c’est vrai qu’on, le vécu de ma… »

Moi : « Oui. Mais c’est bien. »

IDE B : « Voilà, mais. Je pense que euh, le fait de faire, mon parcours précèdent, le fait

d’avoir été en hospitalisation en onco euh, continue, ayant fait un peu de palliatif et

euh, de la chimiothérapie en hôpital de jour, je pense que euh, çà m’a permis

d’acquérir euh, euh, une certaine manière d’être, de savoir être en fait. »

Moi : « Hum. »

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XXX

IDE B : « Hein, parce qu’on est dans les savoirs, euh, on avait le savoir faire, mais y a

le savoir faire aussi visuel euh, l’écoute, l’empathie, euh voilà. Et euh, ce savoir là, euh

j’ pense que je l’ai acquéri, euh, au décours de mes années d’expériences en onco

euh, soit en hospitalisation ou euh… »

Moi : « Oui, c’est sur. »

IDE B : « Voilà. »

Moi : « C’est précieux, c’est / »

IDE B : « Oui et puis et bon euh. Et le fait de bien connaitre les protocoles euh, en tant

que professionnelle çà nous dégage aussi, du coup on est plus orienté sur la personne

/ »

Moi : « Hum. »

IDE B : « Elle-même, et pas sur le protocole, les explications, le document euh voilà.

Euh… »

Moi : « D’accord. »

IDE B : « Cà nous permet aussi de pouvoir euh… »

Moi : « Avoir une relation différente. »

IDE B : « Différente, voilà. »

Moi : « Oui, oui, oui, d’accord, bon, merci beaucoup. »

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XXXI

Annexe V

Entretien infirmière C

Description du parcours professionnel :

L’infirmière C est âgée de 45 ans, elle a obtenu son DE en 1990. Elle a travaillé pendant 2 ans à Paris en réanimation chirurgicale digestive et greffe hépatique. Puis elle a suivi son conjoint dans le Finistère, et exerce au sein d’une clinique depuis 1995. Et depuis 2001 elle travaille en ambulatoire et en chimiothérapie, elle réalise aussi des consultations d’annonce infirmière.

Retranscription de l’entretien :

Moi : « Alors, du coup, nous allons commencer l’entretien. Et je voulais te demander, si

je te dis le mot cancer, quels sont les trois mots qui te viennent spontanément à

l’esprit ? »

IDE C : « Maladie, traitement, […] euh, maladie, traitement. La mort, aussi parce que

c’est le mot que, qui, vient à l’esprit des, de beaucoup d’patients. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Pas pour moi spécialement / »

Moi : « Oui. »

IDE C : « Mais voilà, parce que je sais très bien cancer égal euh/ »

Moi : « D’accord / »

IDE C : « Voilà. »

Moi : « D’accord. C’est un peu ma question qui venait après en fait. Et les patients

quelles perceptions ont-ils le plus souvent de de leur maladie ? »

IDE C : « […] Alors c’est vraiment au cas par cas. Y a des patients qui euh, euh, disent

on va se battre, on va se battre. Voilà, qui sont très […]. Je trouve que moralement les

patients qui viennent ici sont assez sereins, je dirai. »

Moi : « Hum, hum. »

IDE C : « Enfin, serein est un bien grand mot, mais euh, sont assez confiants, sont,

sont combatifs, voilà. »

Moi : « D’accord. »

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XXXII

IDE C : « Même si quelque fois ils sont dans une situation euh, très délicate euh, euh,

on sent que, ils prennent, pour beaucoup, je trouve, ils prennent en charge leur, leur

traitement, leur maladie. Enfin voilà. Ils sont dedans quoi.

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Ils se laissent pas faire. »

Moi : « D’accord. Et, en cancérologie, penses tu que plus qu’ailleurs, dans un autre

domaine médical, le poids des mots et les représentations sont tenaces ? »

IDE C : « Oui hum. Euh, nous en tant que soignant, on doit peser nos mots. Faut faire

atten, on peut avoir, çà peut arriver, d’avoir une parole euh, mais avec des gens qui

sont pas euh, qui n’ont pas une espérance de vie euh, importante on le sait très bien

que çà va arriver, on fait attention à ce qu’on dit quand ils parlent de leurs projets. Alors

çà me fait penser à un monsieur, qui est décédé l’année dernière, qui était assez

jeune, qui était, qui était, oui, une quarantaine d’années, et qui pre, faisait le projet de

partir en, faire le tour du monde en bateau. Euh, voilà. Nous, on l’écoute, enfin moi je

l’écoutais, mais jamais je euh, j’acquiesçais pas, je, j’écoutais. Voilà il il faut faire

attention C’était pas à moi de lui dire, ben non, enfin voilà.

Moi : « Hum. »

IDE C : « J’estimais que je j’en, j’en n’avais pas le droit et puis voilà. »

Moi : « Ouais. »

IDE C : « Voilà, c’est pas mon rôle. Mais euh, oui, c’est peser les mots, faire

attention. »

Moi : « D’accord, d’accord. »

IDE C : « Juste, je trouve que maintenant le mot chimiothérapie est dit facilement. Y a

encore quelques années quand on faisait de la chimio, quand on faisait ces traitements

d’la chimiothérapie, on parlait de traitement, parce que le médecin, par exemple ici

parlait de traitement, et pas de chimio. »

Moi : « Ah, oui. »

IDE C : « Donc nous, voilà. Donc y a eu des avancées, je trouve. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Y a eu des mots. »

Moi : « D’accord, très bien, et hum, penses tu que parfois, en fait, les représentations

qu’ont les gens, çà peut être un obstacle dans la prise en soins ? »

IDE C : « […] çà peut, mais c’est à nous de leur dire que chaque cas est différent.

C’est qu’on, c’est c’qu’on fait. Quand on a des consultations d’annonce, on dit que.

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XXXIII

Parce qu’y a des gens qui disent : ben tiens on m’a dit que j’allais perdre mes cheveux,

que j’allais vomir, que j’allais. Chaque cas est différent, chaque traitement est…Enfin

c’est adapté en fonction de la pathologie. Donc euh, euh, c’est à nous aussi de

recadrer, enfin on recadre un p’tit peu les choses auprès des patients / »

Moi : « D’accord, oui, d’accord / »

IDE C : « Et puis voilà / »

Moi : « Oui. »

IDE C : « On leur dit s’ils ont des questions à poser, c’est à nous, au médecin

oncologue qui les suit et qui sera à même euh, de leur dire c’qu’il en est vraiment et

pas euh… »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Et pas euh, la voisine euh, voilà. »

Moi : « Oui, oui. hum, penses-tu que la façon dont le patient va vivre son cancer va

être étroitement liée aux conditions dans lequel l’annonce va être réalisée ? »

IDE C : « Cà joue, ah oui, çà joue. Euh, euh, là il faut faire preuve d’empathie, euh,

celle, enfin en général ici c’est, je trouve que c’est le cas, maintenant il peut y avoir

des impairs, mais je trouve qu’il y a beaucoup d’empathie de la part du de l’oncologue.

Et nous, dans les consultations d’annonce on essaie de rester euh, sur cette même

ligne. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Mais euh, on écoute, on, on essaie vraiment d’être dans le prendre soin et çà

c’est important. »

Moi : « D’accord, hum, OK. Euh, à la suite de l’annonce de cancer à un patient, dans

quel état d’esprit, du coup, tu vas à sa rencontre ? »

IDE C : « […] Euh. Je me dis. Enfin, moi je me dis, j’associe pas le mot cancer au mot

mort. Donc euh, je me dis qu’il y a des traitements, que c’est vrai que, euh, […], bon,

je, enfin, çà dépend maintenant si je sais que le pronostic est, est engagé euh, c’est

vrai que, intérieurement on va avoir une certaine euh, ben on va être touché. Mais on

va essayer de ne pas le montrer, on va essayer de rester neutre hein. Maintenant, si

on sait que, voilà y a des traitements et puis on va voir c’que çà va donner. Moi je suis

quelqu’un d’assez positive et puis je, j’essaie de transmettre de la confiance. Je m’, je

dis jamais qu’on va guérir, mais j’dis qu’on est là pour soigner, et que euh, voilà

j’essaie de rassurer. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Et d’être rassurante, enfin, d’être rassurante. »

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XXXIV

Moi : « Oui, d’accord. Donc euh, ben peut-être tu vas, voilà, c’est peut-être les derniers

mots là que tu viens de me dire, comment tu définirais du coup ton attitude à cet

instant ? »

IDE C : « […] A l’instant ? »

Moi : « A l’instant où tu vas justement, comme tu me dis à, où tu le rencontres quoi,

cette personne

IDE C : « Ouais, ouais, c’est d’l’écoutche / »

Moi : « Tu m’as dit rassurance / »

IDE C : « Euh. Ouais. Il faut pas être trop. Enfin non plus, faut pas, il faut pas être euh,

faire croire des choses qui ne sont, voilà / »

Moi : « Oui. »

IDE C : « Etre enfin, être dans la, tout en étant dans la réalité enfin / »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Voilà. On va pas, on n’est pas là pour, il faut surtout pas mentir. »

Moi : « Hum, hum. »

IDE C : « Donc voilà. Etre là pour euh, ben, écouter euh, dire quand ils peuvent poser

des questions qu’on est toujours là, qu’ils peuvent nous appeler, que quand ils seront

en traitement qu’ils nous dérangent pas on est là pour çà. Etre présent. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « Et essayer d’apporter un certain réconfort. »

Moi : « D’accord. Hum, hum, très bien. Dans la prise en soins quels sont les repères

essentiels qui vont te permettre de d’adapter à la réaction singulière du patient ? »

IDE C : « […] »

Moi : « Je sais pas si…J’entends par là les repères, les éléments qui ben, qui vont te

dire, par exemple çà sert à rien à ce moment ci que je lui explique parce que il n’est

pas réceptif ou / »

IDE C : « Hum. »

Moi : « Tu vois des choses comme çà, sur quoi un p’tit peu tu te bases pour dire euh,

euh, voilà, pour adapter un p’tit peu ta posture. »

IDE C : « […] Je oui. La façon de parler d’un patient, le regard. Enfin. »

Moi : « D’accord. »

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XXXV

IDE C : « On sait si un patient à envie de de, enfin de, d’avoir, enfin de communiquer

ou pas. »

Moi : « Hum. »

IDE C : « Il va regarder ailleurs ou il va te regarder, il va te, il va poser des questions,

enfin. Y a des...Cà me fait penser à un patient qui est fermé et, et, on lui d’mande si çà

va, il va dire : ouais, ouais. Bon enfin voilà. Mais on sait que qu’il n’a pas envie, donc

çà reste très voilà. Il a envie de, il n’a pas envie de parler, et bon, voilà. »

Moi : « D’accord. »

IDE C : « On fait notre travail au mieux et puis voilà. »

Moi : « Oui. »

IDE C : « On lui dit que ben s’il a besoin de quoi que ce soit qu’il nous appelle et sinon

on le laisse tranquille. »

Moi : « Oui. Hum. »

IDE C : « Voilà. »

Moi : « D’accord. Est-ce qu’il t’arrive parfois de te sentir démunie ? »

IDE C : « […] Par rapport à la pathologie des gens ? »

Moi : « Oui, ou par rapport à la réaction singulière du patient, par rapport à sa réaction

propre, quoi. »

IDE C : « Démunie, c’est pas euh. Avec l’expérience, enfin y a toujours des choses qui

sont durs à entendre / »

Moi : « Oui, bien sur. »

IDE C : « mais avec l’expérience on arrive à euh, à avoir une distance, à prendre du

recul, donc euh. Bon y a des questions quelque fois qui peuvent surprendre, ou des

mots qui peuvent surprendre. Cà me fait penser à une dame qui (elle m’avait dit)48, et

qui est décédée, qu’elle avait organisé tout euh, son enterrement, tout çà. Bon voilà.

Euh, je l’avais regardé, elle me disait ben oui, enfin voilà, et j’l’ai pas contredis bien sur,

j’lui ai dis : d’accord bon. Mais euh, oui çà, c’était, c’est pas surprenant, mais c’est la,

mais euh, bon j’m’y attendais pas ; »

Moi : « Oui. »

IDE C : « Voilà. Mais démunie. Non. Enfin. »

Moi : « Oui. »

48

Difficulté de retranscription.

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XXXVI

IDE C : « C’est, c’est un bien grand mot je pense, voilà. »

Moi : « Oui, un peu parfois gênée comme par exemple par rapport à cette dame,

embarrassée / »

IDE C : « Oui. »

Moi : « Un peu gênée quoi. »

IDE C : « Oui. »

Moi : « Ouais. »

IDE C : « Mais d’un autre coté, c’était, elle savait et voilà / »

Moi : « Oui. »

IDE C : « On n’était pas là pour mentir donc / »

Moi : « Donc euh / »

IDE C : « Voilà. »

Moi : « Ouais. »

IDE C : « Donc ben voilà j’ai pas été euh, on n’est pas resté parler de çà. »

Moi : « Hum. »

IDE C : « Cette organisation. Mais voilà, elle m’avait dit qu’elle sentait qu’elle allait

partir sans tarder, donc voilà. Mais cette même dame m’avait dit quelque temps

auparavant, qu’elle entendait une voix qui l’appelait la nuit. Enfin voilà, elle savait

qu’elle allait partir, donc euh, bon. »

Moi : « Oui, oui. Selon toi, face à cette situation de crise que vit le patient, de quelle

manière en tant que soignant, tu peux intervenir pour favoriser son adaptation, l’aider à

cheminer, à continuer à faire des projets justement, peut-être, à continuer à vivre ? »

IDE C : « [...] L’écouter, essayer de, de, de lui dire qu’on va faire les traitements pour le

soigner. Enfin, çà peut être, çà peut avoir un côté euh. Enfin savoir qu’on s’occupe,

enfin je me mets à la place, savoir qu’on s’occupe de soi, déjà, c’est çà peut aider, et

puis si vraiment le le patient est psychologiquement, a du mal euh, euh, lui proposer

une aide psychologique, moi je suis pas psychologue. Donc euh, prendre rendez vous

pour lui ou lui donner les coordonnées. Enfin voilà. »

Moi : « D’accord. Oui lui montrer que en en autour de lui y a toute une équipe en fait. »

IDE C : « Y a du monde voilà, ouais. »

Moi : « D’accord, ouais, ouais, oui. Euh, avant de conclure, du coup, l’entretien, est ce

que tu aurais quelque chose à rajouter ? »

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XXXVII

IDE C : « Euh non. Je vois pas. Je vois pas. »

Moi : « Bon. »

IDE C : « Si toi t’as une question ? »

Moi : « Non çà va. Merci, merci beaucoup. »

IDE C : « Je t’en pris. »

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XXXVIII

Annexe VI

Grille d’analyse des entretiens

Entretien

infirmière A

Entretien infirmière B Entretien

infirmière C

Question 1

Si je vous dis le mot cancer, quels sont les 3 mots qui vous viennent spontanément à l'esprit ?

Mortalité

Traitement

Difficulté

psychologique,

perturbation

psychique

Maladie

Peur, angoisse

Chronicité

Maladie

Traitement

Mort… parce que

c’est le mot qui

vient à l’esprit de

beaucoup de

patients.

Pas pour moi

spécialement

Question 2

Et les patients, quelles perceptions ont-ils le plus souvent de leur maladie ?

Forts risques de

décès

On va se battre

On va se traiter

Espoir

Besoin de savoir

ce qu’on va leur

proposer

La peur… peur de c’qui

est inconnu

Le cancer est moins

tabou, les gens en

parlent plus facilement

Transfert

Au cas par cas

On va se battre

Confiants

Combatifs

Question 3

En cancérologie, pensez-vous que plus qu’ailleurs le poids des mots et les représentations sont tenaces ? Pourquoi ?

Oui

Cancer = mort

Cà fait peur

Image noire du

cancer et surtout

des traitements

Oui

Le crabe

Beaucoup de

représentations

La mort

Oui

En tant que

soignant on doit

peser nos mots

Espérance de vie

/ Projets

Le mot

chimiothérapie dit

plus facilement :

avancées.

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XXXIX

Question 4

Et pensez vous que cela puisse être un obstacle dans la prise en soin ? Pourquoi ?

Oui

Rémission /

Pronostic favorable

Je vais mourir /

Submergés

Leurs

représentations, ce

qu’ils ont vécu, ce

qu’ils sont

Je ne veux pas me

traiter… puis

quelques temps

après elle a

cheminé

Ses

représentations

l’ont bloquées…

influençaient sur le

traitement

Oui

Images, idées lourdes

de conséquences

On communique plus

autour de ce mot là

Ont moins cette chape

de plomb sur la tête

quand elles arrivent

On peut très bien vivre

avec un cancer. Le

cancer se soigne

Traitements moins

lourds de conséquences

/ Y a des images qui

disparaissent

Découvertes

formidables

Le vécu du traitement

est meilleur / La qualité

de vie s’en ressent

Plus un sujet tabou

comme çà a été

Les représentations ont

évoluées

Transfèrent plus

forcément leur vécu /

Chaque personne est

différente

Améliorations des ttt anti

émétiques… de la prise

en charge globale

autour du traitement

Vécu du traitement, de

ses effets secondaires

beaucoup moins

dramatisé

Cà peut

A nous de leur

dire que chaque

cas est différent

A nous aussi de

recadrer

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XL

Question 5

Pensez vous que la façon dont le patient va vivre son cancer va être étroitement liée aux conditions dans lesquelles l’annonce va être réalisée ? Et pourquoi ?

Oui, je pense que

çà influence

Pas un vendredi

soir / Pour qu’y ait

du monde

Revoir avec sa

famille

Puisqu’il n’y a pas

de manière

correcte

Un choc

Au départ… une

masse, une

anomalie

Le fait de

l’annoncer çà

devient réel

Annonce en

fonction du patient

/ L’annonce on la

vivra pas tous de la

même façon

Cà influence sur

sensation de

sécurité d’être pris

en charge

Si on a pris le

temps / petit

bureau / isolé /

expliquer les

choses / répondre

aux questions / voir

la famille pour

expliquer

Reformuler /

Disponible

Sente un

Y a des études qui ont

montré que oui. Je

pense que oui.

La manière dont

l’annonce a été faite a

certainement une

incidence sur le vécu au

quotidien de la maladie,

du traitement

Pas assez de recul

Des personnes nous

disent çà été effroyable

la manière dont on me

l’a annoncé

Impact psychologique

Faudrait un audit auprès

d’un groupe, un focus

Annonce faite très

brutalement, très

maladroitement /

Personne pas forcément

habilitée

C’est le tsunami

Récupérer toute cette

maladresse

Du coup le

cheminement

psychologique de la

personne est différent

Il va rester figé… sur

cette maladresse de

l’annonce

Médecin généraliste =

un maillon

Un blocage dès ce

moment là

Oui, çà joue

Faire preuve

d’empathie

Ecoute / Etre

dans le prendre

soin

Page 91: Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce d ... francoise.pdfmon sujet. Après un rappel de la problématique, suivra la présentation de mon enquête de terrain auprès

XLI

entourage / Adapté

de façon

individuelle

Du mal après à se

projeter, on a du mal à

le conduire, à l’aider, à

l’amener, à avancer

dans le traitement

Dès qu’il y a une

annonce qui a été mal

faite… c’est plus difficile

Question 6

A la suite de l’annonce de cancer à un patient, dans quel état d’esprit allez- vous à sa rencontre ? Comment définiriez-vous votre attitude à cet instant ?

Cà dépend des

patients

On peut utiliser par

exemple le fait de

prendre la

saturation

Lui demander

comment il va

Des petites choses

Envie ou pas d’en

parler

Un rôle d’écoute

Qu’est ce que le

médecin lui a dit

Surtout, qu’est ce

que lui il en a

compris

Il faut qu’il digère

On propose la

psychologue

C’est au cas par

cas

Y a l’étape du deuil

Certains sont dans

la colère… d’autres

sont effondrés

C’est à moi de

m’adapter devant la

personne qui est devant

moi

De respecter… son

temps

Leur laisser un temps, le

temps de parole

PPS : savoir lui ce qu’il a

retenu du parcours

En laissant parler les

gens… énormément de

détails sur leur ressenti

Si je vois que la

personne est incapable,

ou elle veut pas ou elle

peut pas ou elle sait

pas. Ce sera à moi de

m’adapter, et l’amener à

se projeter

Différents cas

Attitude d’empathie

D’écoute

C’est le respect aussi

Le respect du moment

ou du stade où ils en

sont

Moi je me dis,

j’associe pas le

mot cancer au

mot mort

Pronostic engagé

On va être

touché. Mais on

va essayer de ne

pas le montrer, de

rester neutre

Assez positive…

j’essaie de

transmettre de la

confiance

Je dis jamais

qu’on va guérir,

mais j’dis qu’on

est là pour

soigner…j’essaie

de rassurer

Etre rassurante

(Attitude)

d’écoute

Etre dans la

réalité

Il faut surtout pas

mentir

Etre là… écouter

Page 92: Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce d ... francoise.pdfmon sujet. Après un rappel de la problématique, suivra la présentation de mon enquête de terrain auprès

XLII

Attitude d’écoute

Des fois juste de

présence

Etre là présent…

pas forcément

chercher à…

Laisser les gens

faire à leur rythme

aussi

On n’accepte jamais

d’avoir un cancer

Y a des personnes qui

ont progressé, qui ont

cheminé

D’autres sont

angoissés… vont

pleurer… la

chimiothérapie leur fait

peur

Pleins d’idées autour de

ce mot qui font… ils sont

plus ou moins paralysés,

çà les empêche de

cheminer

Le but de cette

consultation c’est

d’essayer de

dédramatiser

On leur montre

Des fois ils s’imaginent

tout et n’importe quoi…

perfusions = poison

Etre présent

Essayer

d’apporter un

certain réconfort

Question 7

Dans la prise en soin, quels sont les repères essentiels qui vous permettront de vous adapter à la réaction singulière du patient ? Vous arrive t-il de vous sentir démuni ?

Voir c’qu’il a

compris

Qu’est ce qu’il a

besoin

Jeune femme

Manière fortuite

Ils ont découvert

une grosse masse

cérébrale… et en

fait gros primitif

pulmonaire avec

métastases partout

Emotions

Tous les cas de figure

Personne qui verbalise

très peu

Le but : lui expliquer

comment va se dérouler

le traitement, les risques

possibles des effets

secondaires

Le but c’est quand

même de l’amener à

entendre ces choses là

La façon de parler

d’un patient, le

regard

On sait si un

patient à envie de

communiquer ou

pas

S’il a besoin de

quoi que ce soit

qu’il nous appelle

et sinon on le

laisse tranquille

Y a toujours des

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XLIII

Assez difficile

parce que c’était

une jeune femme,

situation familiale

précaire, une petite

fille

Difficile de prendre

en charge

La projection de

notre image

Des gens de notre

âge, l’âge de nos

parents

Difficile de prendre

en charge, et de

pouvoir être

empathique tout en

étant soignant

Patients

malheureusement

on n’arrive pas à

échanger… ils ont

pas envie

Difficile de les

prendre en

charge… on sait

pas vraiment où ils

en sont

Moins de repères

Rare que la personne

soit seule / Pouvoir

projeter / La personne

qui a accompagné le

patient a entendu

Ils ont pas forcément

tout compris

Il faut respecter ce

temps, leur temps…

pour cheminer et puis

pour comprendre

Nous = un maillon

Le patient va rencontrer

d’autres professionnels

Tous les soins de

support

Ils sont pas réceptifs, ils

sont pas prêts à

entendre ce qu’on va

leur dire

Oui, peut être sur des

situations moins

fréquentes comme la

colère, l’agressivité

Personne qui avait

accepté la

consultation … ne

comprenait pas pourquoi

elle était là… elle ne

voulait pas se faire

traiter... convaincue

C’est pas à nous de la

convaincre… on essaie

de l’écouter et on a plus

qu’à respecter son

souhait

Elle a décidé… de

maintenir son désir de n’

choses qui sont

durs à entendre

Avec l’expérience

on arrive à avoir

une distance, à

prendre du recul

Des questions,

des mots qui

peuvent

surprendre

Mais démunie

non

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XLIV

pas être traitée

Pour nous… c’est

difficile… C’est frustrant

Possibilité d’être aidé

par les psychologues

On verbalise avec mon

binôme

On n’ peut que respecter

le choix du patient

Y a des pleurs

Personnes

angoissées…apeurées

La satisfaction… elles

disent çà m’a fait du

bien… je vais moins

dramatiser

La consultation a été

positive, a permis à la

personne d’avancer

Surement d’arriver le

jour de sa première

séance de

chimiothérapie dans un

autre état d’esprit

Question 8

Selon vous face à cette situation de crise que vit le patient, de quelle manière en tant que soignant pouvez- vous intervenir pour favoriser son adaptation, pour l’aider à cheminer ?

Faut leur laisser le

temps

Faut les écouter

Etre présent

Proposer c’qu’on

peut faire un

traitement

Ils ont besoin de se

projeter

Leur expliquer

Essayer de

dédramatiser

Chaque personne vit

différemment les choses

Le ressenti, leur vécu va

être individualisé

De dédramatiser, de

projeter le patient

L’inconnu fait toujours

peur et c’est normal

L’écouter

Essayer de lui

dire qu’on va faire

les traitements

pour le soigner

Savoir qu’on

s’occupe de soi,

çà peut aider

Proposer une

aide

psychologique

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XLV

Ils ont besoin de

savoir

Besoin un peu de

repères

La consult

d’annone infirmière

Des p’tites choses

toutes bêtes

(Avant) ils ont

trouvé long / Perte

de temps

(Après) tout se

bouscule /

Submergés

Leur montrer

Etre rassurés

Besoin d’avoir des

images

Il fait son

cheminement

Après ils n’le font

pas tous au même

rythme

Chacun a besoin

de son temps

Quand on sait c’est

plus facile… d’être

moins angoissé

Présenter le service,

l’équipe médicale

Voir les autres patients

Y a du monde

(autour)

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XLVI

Question 9

Avant de conclure l’entretien : Avez-vous quelque chose à rajouter ?

A partir du moment où y a l’annonce du diagnostic, leur vie elle ne sera plus jamais…

Même s’il y a une rémission, leur vie n’ sera plus jamais comme avant

Y a vraiment un avant cancer et un après cancer

Un chamboulement psychologique

Où faut passer par toutes les étapes du deuil

Pour accepter… enfin accepter, vivre au mieux cette maladie

Les représentations, oui, ont une place importante dans la société

Mon parcours… m’a

permis d’acquérir une

certaine manière d’être,

de savoir être

Le savoir faire visuel,

l’écoute, l’empathie

Bien connaitre les

protocoles… çà nous

dégage aussi… on est

plus orienté sur la

personne

Cà nous permet (d’avoir

une relation) différente

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Nom : KERVEADOU CRAS Prénom : Françoise

Titre (en anglais) : Study of caregiver-patient relationship after a diagnosis of cancer

Statistics speak volumes. Cancer is the main cause of death among men and ranks second among women. Every family has been affected by it, either directly or indirectly. It has clear repercussions on professional, social and family life. It also impacts psychological health and financial status. Being diagnosed with cancer is always a trauma, a shock that will change life forever. Each patient will go through different phases, reacting in his or her own way and develop defense mechanisms. The purpose of this work is to analyze the caregiver-patient relationship after a diagnosis of cancer and identify what the caregiver could do to help the patient adapt to new situational crisis. Theoretical research was first carried out to develop a conceptual framework, for a better understanding of the disease and the patient’s context, in regards to his or her preconceptions, the moment the diagnosis is actually revealed and the feeling of loss thus arising.

Then, three nurses were interviewed specifically about their relationship to the patient in the caregiving situation. Their responses were analyzed and compared to the theoretical framework. The findings of this research indicated that an authentic presence, empathy and strong listening skills are essential. What matters the most in the caregiver-patient relationship is definitely giving time for a liberated speech. Nurses adapt their behavior according to what the patient has formulated. Thus nurses earn the trust of their patients who can then allow themselves to express their feelings, worries and questions. In conclusion, with so many preconceptions around cancer including the omnipresent idea of death, caregivers’ skills and the coordination of the medical team provide a day-to-day help to the patient accompanying him or her on the way to a better acceptance of the disease and a stronger fighting spirit.

Key words : cancer, caregiver-patient relationship, diagnosis, loss, preconceptions

Titre en Français : Etude de la relation soignant-soigné suite à l’annonce d’un cancer

Les chiffres sont parlants. Première cause de mortalité chez l’homme et seconde chez la femme, le cancer touche chaque famille de manière directe ou indirecte, et représente un impact psychologique, social, familial, professionnel et financier. L’annonce d’un cancer constitue toujours un choc, un traumatisme, qui change à jamais votre vie. Chaque patient va passer par différentes phases, réagissant à sa façon et développant ses propres mécanismes de défense. Le but de ce travail est d’analyser la relation soignant-soigné à la suite de l’annonce d’un cancer et d’identifier de quelle manière le soignant peut intervenir pour favoriser l’adaptation du patient face à cette crise situationnelle. Dans un premier temps des recherches théoriques ont été menées afin de développer un cadre conceptuel, pour mieux comprendre la maladie et le contexte, au regard des représentations, de l’annonce du diagnostic, et de la notion de pertes qui en résulte.

Puis, trois infirmières ont été interrogées sur la relation soignant-soigné dans cette situation de soins. Leurs réponses ont été analysées et comparées au cadre théorique. Les résultats de cette recherche révélèrent qu’une présence authentique, de l’empathie, et de réelles habilités d’écoute sont essentielles. Dans cette relation, respecter le temps est sans nul doute ce qui permettra à la parole de se libérer. Les infirmières adaptent leur attitude en fonction de ce que leur transmet le patient. Elles créent ainsi une relation de confiance permettant au patient de pouvoir exprimer ses émotions, ses inquiétudes et ses interrogations. En conclusion, face à tant de représentations autour du mot cancer et l’idée de mort omniprésente, le savoir être des soignants et l’entourage d’une équipe médicale coordonnée contribuent au quotidien à aider le patient à cheminer, à se projeter pour vivre au mieux la maladie et avoir la force de mener ce combat.

Mots clés : annonce, cancer, perte, relation soignant-soigné, représentations

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS QUIMPER-CORNOUAILLE 1 rue Etienne Gourmelen – BP 170 29107 QUIMPER TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – Année 2012/2015