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Originalarbeiten . Original Papers Laboratoire de Biologie vegetale nO 5, Universite Pierre et Marie Curie, Paris, et Laboratoire de Biologie et Physiologie vegetales, Poitiers, France Etude de Quelques Modalites de la Croissance des Bourgeons AxiIIaires de la Feve V icia faba L. Liberes de la Contrainte Apicale Growth of Axillary Buds Released from Apical Dominance in Vicia /aba 1. JEANNE COUOT-GASTELIER Avec 6 figures Ie 16 decembre 1977 . Acceptc Ie 10 mars 1978 Summary In intact plants of Vicia faba, buds are only partially inhibited. Cotyledonary buds and buds in the axil of the second leaf are more inhibited than the buds in the axil of the first leaf. Decapitation leads to the growth of all the buds. The intensity of this phenomenon depends on the state of the bud in the intact plant. The cellular elongation begins first in the older leaves of the bud and, later, in the axis. Mitotic reactivation is the first step observed: it appears one hour after the decapitation for the buds in the axil of leaves and four hours for the cotyledonary buds. In the reactive buds, it is the base of the axis which shows the most intense reactivity. Mitosis always pre- cedes cell elongation. These results show that the first events which occur after a rupture of correlations are localized at the base of the bud and particularly at the level of its mitotic activity. Key words: Apical dominance, axillary buds outgrowth, mitotic index, Vicia faba. Introduction Chez les vegetaux herbaces, les bourgeons axillaires presentent souvent une crois- sance faible ou nulle par suite des inhibitions qu'ils subissent. Les premiers evenements morphologiques, cytologiques ou biochimiques qui surviennent lorsqu'on les soustrait a ces inhibitions, que! que soit Ie moyen employe pour y parvenir (suppression du bourgeon terminal ou application de divers traitements physiques ou chimiques), ont ete decrits dans un nombre encore restreint de cas. De telles etudes sont Ie plus souvent effectuees sur un seul bourgeon. Les donnees concernant la reactivation d'un ensemble ou de la totalite des bourgeons sont encore plus rares mais s'accordent cependant sur la rapidite de la reponse d'un bourgeon axillaire libere des inhibitions qu'il subit. La feve, bien qu'elle ait ete frequemment choisie four des travaux de cyto- Z. Pflanzenphysiol. Bd. 89. S. 189-206. 1978.

Etude de quelques modalités de la croissance des bourgeons axillaires de la fève Vicia faba L. liberés de la contrainte apicale

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Originalarbeiten . Original Papers

Laboratoire de Biologie vegetale nO 5, Universite Pierre et Marie Curie, Paris, et Laboratoirede Biologie et Physiologie vegetales, Poitiers, France

Etude de Quelques Modalites de la Croissance des BourgeonsAxiIIaires de la Feve V icia faba L. Liberes de la Contrainte Apicale

Growth of Axillary Buds Released from Apical Dominance in Vicia /aba 1.

JEANNE COUOT-GASTELIER

Avec 6 figures

Re~u Ie 16 decembre 1977 . Acceptc Ie 10 mars 1978

Summary

In intact plants of Vicia faba, buds are only partially inhibited. Cotyledonary buds andbuds in the axil of the second leaf are more inhibited than the buds in the axil of the firstleaf. Decapitation leads to the growth of all the buds. The intensity of this phenomenondepends on the state of the bud in the intact plant. The cellular elongation begins first inthe older leaves of the bud and, later, in the axis.

Mitotic reactivation is the first step observed: it appears one hour after the decapitationfor the buds in the axil of leaves and four hours for the cotyledonary buds. In the reactivebuds, it is the base of the axis which shows the most intense reactivity. Mitosis always pre­cedes cell elongation.

These results show that the first events which occur after a rupture of correlations arelocalized at the base of the bud and particularly at the level of its mitotic activity.

Key words: Apical dominance, axillary buds outgrowth, mitotic index, Vicia faba.

Introduction

Chez les vegetaux herbaces, les bourgeons axillaires presentent souvent une crois­sance faible ou nulle par suite des inhibitions qu'ils subissent. Les premiers evenementsmorphologiques, cytologiques ou biochimiques qui surviennent lorsqu'on les soustrait

a ces inhibitions, que! que soit Ie moyen employe pour y parvenir (suppression du

bourgeon terminal ou application de divers traitements physiques ou chimiques), ont

ete decrits dans un nombre encore restreint de cas. De telles etudes sont Ie plus

souvent effectuees sur un seul bourgeon. Les donnees concernant la reactivation d'un

ensemble ou de la totalite des bourgeons sont encore plus rares mais s'accordent

cependant sur la rapidite de la reponse d'un bourgeon axillaire libere des inhibitions

qu'il subit. La feve, bien qu'elle ait ete frequemment choisie four des travaux de cyto-

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logie, de morphologie et de physiologie, n'a pas encore ete a notre connaissanceetudiee sous cet angle. Avant d'engager des recherches visant acomprendre les meca­nismes de regulation impliques lors de l'inhibition et de la reactivation des bourgeons,il nous a paru indispensable de bien connahre l'etat dans lequel se trouvent les bour­geons inhibes et la sequence seIon laquelle se deroulent les differentes manifestationsde leur reprise d'activite. Comme Ie notaient GUERN et USCIATI (1976) recemment,«on manque de donnees sur les cinetiques de reactivation des ceHules dans les diversterritoires du bourgeon axillaire, sur les parts respectives prises par l'elongation etla multiplication cellulaires dans la croissance globale ..., declenchees par les diffe­rents effecteurs positifs». II est devenu evident en effet que l'allongement, critere Ieplus frequemment utilise, fournit des informations beaucoup trop tardives. De plus,Ie bourgeon axillaire etant, par sa structure, un organe tres heterogene, nous avonsete amenee aconsiderer un certain nombre de parametres pour evaluer l'etat d'inhibi­tion ou d'activite dans lequel il se trouve. C'est la raison pour laquelle nous avonsrestreint notre etude a un groupe de bourgeons.

Materiel et techniques

Apres une hydratation germinative de 24 heures, les graines de Vicia faba L., varietcAguadulce (Vilmorin), sont mises a germer sur du coton humidifie pendant 3 jours et sont

F,

o,,Ii.• 0

: I

Fig. 1. Fig. 2.Fig. 1: Representation schematique des plantes sur lesquelles ont ponees les experimentations.A et B situent les deux niveaux auxquels a ete pratiquee l'ablation de l'axe principal.C: cotyledons; FI et F2 : feuilles epicotylaires simples; F3 et F4 : feuilles epicotylaires bifo­liolees. Les deux premieres feuilles (FI et F2) sont reduites a des ecailles et correspondentaux «Niederblatter» de TROLL (1937) et aux «prHeuilles» de nombreux auteurs.Fig. 2: Aspect morphologique d'un bourgeon axille par la deuxieme feuille epicotylaire encoupe longitudinale axiale.A: apex; F2 : feuille axillante; F'I: feuille de rang 1; T: axe principal; sF'j: premier segmentfoliaire; a, b, c: delimitation des niveaux auxquels a ete effectue Ie calcul des index mito­tiques de l'axe rameal.

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ensuite plantees dans de la vermiculite. Elles sont cultivees en armoires conditionnees a22 DC ± 2 et res:oivent pendant 16 heures un eclairage artificiel de 2,7 Watts/me. Elles sontquotidiennement arrosees par de l'eau du robinet. Au 11eme jour de culture, les plantes sontselectionnees pour leur uniformite. Elles comportent en position alterne distique les deuxfeuilles epicotylaires tres reduites FI et Fe, deux feuille etalees Fa et F4 et cinq jeunes feuillesentourant Ie bourgeon terminal (fig. 1).

Les observations ont porte sur des plants temoins intacts et sur des plants chez lesquelsetait pratiquee, au 11eme jour de culture, l'ablation de l'axe principal, soit a 5 mm au-dessusde la deuxieme feuille epicotylaire F2 , soit immediatement au-dessus des cotyledons (A et B,fig. 1).

Les bourgeons axillaires de ces trois categories de plants sont preleves au bout de tempsvaries et fixes par Ie FAA ou par Ie liquide de Bouin-alcoo!. Le fragment soumis a l'observa­tion comprend Ie bourgeon axillaire, la base de la feuille axillante et Ie fragment de la tigeprincipale ou ils SOnt tous deux inseres. Apres inclusion dans la paraffine, des coupes longi­tudinales axiales, epaisses de 7 ,urn, sont realisees perpendiculairement au plan foliaire etsoumises a la reaction nucleale de Feulgen.

Plusieurs parametres de croissance ont ete retenus:a) longueur totale moyenne des bourgeons, determinee sur des plantes vivantes et observees

sous la loupe binoculaire depuis Ie temps 0 (temoin) jusqu'au 14eme jour qui suit la decapita­tion.

b) longueur moyenne de l'axe rameal - depuis l'apex jusqu'a la base du bourgeon - et dusegment foliaire de la feuille de rang 1, tels qu'ils sont schematises sur la figure 2. Ces mesuresont ete effectuees, durant les 48 premieres heures qui ont suivi la decapitation, sur des coupeslongitudinales axiales observees au microscope.

c) determination des pourcentages de noyaux en mitose par rapport au nombre total decellules (index mitotique) dans les differentes zones du bourgeon. Les releves des noyauxinterphasiques et en mitose ont ete pratiques sur les trois coupes les plus axiales au temps 0(temoin) et 1, 2, 4, 6, 12, 24 et 48 heures apres la decapitation.

La comparaison des donnees numeriques, obtenues sur des lots de 20 plantes par traitement,est realisee selon les techniques statistiques classiques.

Resultats experimentaux

I. Analyse cinhique de la croissance des bourgeons axillaires de plants intactset de plants decapites

A. Evolution de la longueur totale des bourgeons axillaires

Cette analyse a ete realisee sur les bourgeons cotyledonaires et sur les bourgeonsaxilles par les feuilles epicotylaires FI et Fe de plants intacts et de plants decapitesiges de 11 jours. Les courbes des figures 3 et 4 indiquent les resultats obtenus. Deleur examen il ressort que:

a) chez les plants intacts, tous les bourgeons s'accroissent entre Ie 11eme et Ie 1gemejour: leur longueur double en 8 jours (fig. 3). Ensuite, I'allongement se ralentit etpermet de differencier les divers bourgeons entre eux. Les bourgeons cotyledonaireset I'axillaire de rang 2 sont totalement arr&tes dans leur croissance. Par contre, Iebourgeon axille par F, poursuit sa croissance: en 6 jours, sa longueur se trouve &tremultipliee par un facteur de 1,4. C'est Ie seul bourgeon dont la croissance n'est pastotalement stoppee au 25eme jour de culture.

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b) chez les plantes decapitees au-dessus de fa 2eme feuille epicotylaire, l'allonge­ment des trois types de bourgeons est fort different (fig. 4). L'evolution dans Ie

L em

5

4,-

3

2

axf'..!

~-a~c .-----191311 25 Jours

Fig. 3 et 4: Evolution de la longueur des bourgeons cotyledonaires, ax C, ec axillaires, axFt

et axF2, de plants intacts entre Ie Ileme et Ie 25eme jour comptes apartir de la germination(fig. 3) ou apres I'ablation de la tige, soit au-dessus de la deuxieme feuille epicotylaire (A),soit au-dessus des cotyledons (B) (fig. 4).axFt : bourgeon situe aI'aisselle de la Iere feuille epicotylaire; axF2 : bourgeon situe a I'aissellede la 2eme feuille epicotylaire; ax C1 et ax C2 : bourgeons cotyledonaires.

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temps de la longueur des bourgeons cotyledonaires est la m~me que celle observeechez des plantes entieres. Au 1geme jour (8 jours apres I'excision de I'axe principal),leur elongation atteint un palier: les bourgeons cotyledonaires SOnt totalement in­hibes. Par contre, pendant les 8 premiers jours qui suivent la decapitation, la crois­sance des axillaires de rang 1 et 2 est tres importante: I'allongement de axF l est mul­tiplie par 18 et cclui de axF2 par 9. La preseance du premier bourgeon epicotylaire

16

15

Lcm ,I

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II

II

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II

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II

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10

5

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Fig. 4.

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14Jours

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peut &tre decelt~e a partir du 2eme jour. Si, pendant les deux premiers jours, les al­longements des deux categories de bourgeons sont tres voisins (X 2,9 et X 3,6), entreIe 2eme et Ie Seme jour, des differences tres nettes font leur apparition. La vitessede croissance augmente plus vite pour axF1 que pour axF2• Un ralentissement s'instalIeau 1geme jour de culture: Ie facteur d'alIongement de axF1 et axF2 n'est plus respec­tivement que de 1,5 et de 1,3.

La comparaison de ces elongations a celIes fournies par les plants intacts montreque la croissance des bourgeons epicotylaires de plants decapites est deux fois plusrapide durant les deux premiers jours et six fois plus pendant la periode etudiee. Cesbourgeons, soustraits des inhibitions qu'ils subissent sur la plante entiere, presententcependant une vitesse de croissance qui reste proportionnelle acelle qu'ils avaient surles plantes intactes. La longueur de axF1 reste superieure acelIe de axF2 • Par contre,la croissance des bourgeons cotyledonaires n'est pas affeetee par la decapitation etreste absolument identique acelle des temoins.

II faut noter la tendance basitone de la feve, tendance qui n'est pas uniquementdue au niveau de la decapitation. En effet, atitre de verification, nous avons observeque cette basitonie pouvait &tre facilement obtenue par une suppression stricte dubourgeon terminal de plantes agees de 15 jours et possedant trois feuilIes etalees(tableau 1). C'est l'axilIaire de rang 1 qui est, de loin, Ie plus developpe, malgre Iemaintien des competitions existantes entre des bourgeons plus nombreux et plus jeunes.

Tableau 1: Longueur moyenne (en millimerres) des bourgeons axillaires de 30 plantesdecapitees depuis 15 jours: bourgeons situes a l'aisselle des cotyledons (cot1, cot2) et desfeuilles epicotylaires F1 ••• Fs.

cot1

7

cot2

10

F1

135

F2

38

Fs

8

F4

3

Fs

Les manifestations de la preseance du bourgeon de la premiere feuilIe epicotylairesur les autres bourgeons plus jeunes, si visibles ala suite d'une decapitation, sont pre­existantes sur la plante intacte. ElIes n'ont ete qu'accentuees par la rupture des cor­relations d'inhibition provoquee par la suppression de la partie sommitale de l'axeprincipal.

c) l'excision de l'epicotyle au-dessus des cotyledons entra~ne une levee d'inhibitiondes deux bourgeons cotyledonaires. lIs s'alIongent tres rapidement et montrent pre­cocement une preseance de l'un sur l'autre (fig. 4). En absence des bourgeons plusjeunes, l'un d'eux peut se developper autant et m&me plus que axF1• Plus inhibes audepart, ces bourgeons passent par une phase de croissance lente plus longue que celleobservee pour les bourgeons epicotylaires: il faut attendre 7 jours avant qu'ilsn'entrent dans une phase de croissance rapide.

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B. Les modalites de la croissance axillaire

,Les resultats pnkedents indiquent que 48 heures apres l'ablation de l'axe principal,des preseances sont deja decelables. Nous avons tout d'abord recherche au cours des48 premieres heures les modalites de leur apparition. L'heterogeneite structurale des

L mm

axli(A)

7

6

5

a x!=2 (A)

axC2(B)4

3

2

,.""""""""",,," ".. axC1(B)

.-',' " ..." ...""" """,,'

"" , ..., ..., C(A)__________~' • ax. --""."

2 6 8 12 16 '4 48Heures

Fig. 5: Evolution pendant 48 heures de la longueur L de l'axe des differents bourgeonsaxillaires apres ablation de la tige soit au-dessus de la 2eme feuille epicotylaire (A), soit au­dessus des cotyledons (B).

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bourgeons nous a conduite a preciser la contribution des differentes parties qui lescomposent et asituer les evenements precoces qui suivent la decapitation. L'axe con­sidere dans son ensemble, Ie premier segment foliaire sF'j de la feuille de rang 1 etla feuille la plus ~gee du bourgeon F'j ont ainsi ete mesures a intervalles reguliersentre 0 et 48 heures. Les resultats sont consignes dans res figures 5 et 6.

LmmF'1

axe

7

6

5

4

3

2

sF'1

,',. axe-sF;"""""""""""...".,-"

,--",

.",-"":,,~

482412-1668:lHeures

Fig. 6: Evolution des longueurs de l'axe considere dans son entier (axe), du premier segmentfoliaire (sFj), de la premiere feuille (Fj), de l'axe au-dessus de sFj (axe-SFj), du bourgeonaxille par la premiere feuille epicotylaire, au cours des 48 heures qui suivent la decapitation.

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Apres decapitation, I'elongation des bourgeons axil1es par les deux feuil1es epico­tylaires est rapide et simultanee; elle debute apres la 8eme heure (fig. 5). La prisede preseance de axFt sur axF2 est precoce: des 12 heures.

L'etude realisee permet de verifier ici que les bourgeons cotyledonaires ne mani­festent aucune reaction a I'ablation de I'axe principal pratiquee au-dessus de ladeuxieme feuil1e epicotylaire. Par contre, s'ils sont laisses seuls en competition, ilss'al1ongent au bout de 12 heures. La dissymetrie dans leur croissance apparah alorstres tet. C'est entre 12 et 24 heures que I'un d'eux va ~tre favorise et va devenir dansles jours suivants dominant; en 36 heures, I'un double sa longueur initiale tandis queI'autre la triple.

La comparaison de l'al1ongement des differentes parties qui constituent un bour­geon axil1aire montre que c'est la feuil1e la plus agee qui reagit Ie plus precocementa la levee de dominance apicale (fig. 6). Son elongation debute des la 4eme heure,et sa longueur initiale se trouve doublee en moins de 20 heures.

L'axe rameal reagit plus tardivement: aune phase de croissance tres lente qui dure8 heures succede une phase de croissance rapide: entre 8 et 24 heures, la longueurinitiale est alors doubJee.

Si l'on compare l'elongation de la partie basale a cel1e de la partie sommitale del'axe, on constate que c'est la base du bourgeon qui contribue Ie plus a l'elongationde l'axe rameal. Si ces elongations sont sensiblement egales pendant les 12 premieresheures, plus tard (entre 12 et 24 heures apres la decapitation), Ie segment foliairesFt du bourgeon va se developper a un rythme plus rapide que la partie sommitalede I'axe.

L'acceleration de croissance que subissent les bourgeons de plants decapites semanifeste, par ordre chronologique, dans la feuil1e la plus agee, puis dans I'axerameal, Ie premier segment foliaire contribuant plus particulierement a l'al1ongementdu bourgeon apres 12 heures. Cette sequence se trouve pour tous les bourgeons, ycompris pour ceux, comme axF2, dont la croissance est moins rapide.

Ces observations mettent en relief un point important: la croissance d'un axil1aireprovoquee par une rupture de correlation est d'autant plus precoce et rapide qu'iletait moins inhibe sur la plante entiere.

C. Precisions sur les modalites de croissance du premier segment foliaire

Dans l'al1ongement de l'axe rameal, l'elongation du premier segment foliaire estdecelable apartir de 8 heures pour les bourgeons axil1es par les feuil1es epicotylaires.La croissance de cette partie de I'axe fait intervenir deux processus differents: lamultiplication et l'al1ongement des cel1ules. Afin de determiner quel1e est la part prisepar I'un et I'autre de ces phenomenes, nous avons effectue une etude de la repartitiondes mitoses et de l'al1ongement des cel1ules epidermiques du premier segment foliairede bourgeons epicotylaires. II existe en effet, comme MILLET (1970) I'a montre, uneetroite correlation entre Ie developpement des tissus superficiels et celui des tissusprofonds dans la croissance des entre-noeuds du Vicia faba L. Le tableau 2 donne,

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durant les 48 heures qui suivent la decapitation, l'evolution de la longueur du premiersegment foliaire et la repartition des cellules epidermiques.

:La croissance de ce segment est nulle de 0 a 6 heures; elle augmente legerementde 6 a 12 heures et plus rapidement de 12 a 48 heures. Quant au nombre de cellulesepidermiques, il est constant entre 0 et 6 heures et croIt principalement entre 24 et48 heures. Par contre, c'est des 2 heures que l'index mitotique augmente tres brutale­ment. Les divisions apparaissent done tres tot apres la decapitation. Les index mito­tiques restent tres eleves pendant les 12 premieres heures. Puis, entre 12 et 24 heures,les divisions cellulaires se ralentissent alors que l'allongement cellulaire devient pre­dominant. La determination du nombre de cellules contenues dans des segments epi­dermiques de 200 ,am observes de la base au sommet de sF l permet de localiser plusprecisement encore l'elongation cellulaire: elle apparaIt 24 a 48 heures apres la de­capitation et se situe au sommet et a la base du segment foliaire. C'est la une localisa­tion d'allongement identique a celie decrite chez la feve par MILLET (1970), dans unentre-noeud de tige principale. Cet allongement ne peut done hre considere commeune reaction primaire a la rupture d'inhibition, mais plutot comme Ie processus nor­mal de l'accroissement en longueur d'un axe caulinaire.

Ces resultats montrent que de nombreuses mitoses ont lieu bien avant que debutel'allongement de l'axe rameal et des cellules qui le constituent.

II. Evolution des index mitotiques dans les differents bourgeons axillaires apresdecapitation

Nous venons de mettre en evidence que les premieres manifestations consecutivesa la levee d'inhibition se situent, sur la base des elongations, dans la feuille la plus;igee, puis dans Ie premier segment foliaire de l'axe rameal des bourgeons axillaires.Mais, l'augmentation tres precoce des index mitotiques a la base du bourgeon nousa conduite a determiner la cinetique precise de la reactivation mitotique dans l'en­semble des territoires qui constituent les bourgeons axillaires liberes de la dominanceapicale.

Les index mitotiques ont ete determines dans trois zones du bourgeon: a l'apex,au niveau des faisceaux vasculaires de l'axe rameal et dans les feuilles.

1. Le meristeme apicalLes index mitotiques ont ete etahlis dans I'apex sensu stricto, c'est-a-dire dans la

zone meristematique situee au-dessus du dernier initium foliaire, sans tenir comptede la zonation apicale, comme l'ont fait NOUGAREDE et RONDET (1975 a et b). Unindex mitotique moyen de l'apex considere dans son entier suffit a nous donner lesprecisions que nous recherchons. Le tableau 3 donne l'evolution des index mitotiquesdes differents meristemes, de 0 a 48 heures apres I'ablation de la tige, qu'elle soiteffectuee au-dessus de la deuxieme feuille epicotylaire (A), au-dessus des cotyledons(B). A titre de reference, l'activite de l'apex principal se traduit par un index mito­tique eleve egal a 10,8.

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Tableau 2: Evolution de la longueur moyenne du premier segment foliaire de axF 2 etrepartition des cellulcs epidermiques entre °et 48 heures aprcs ablation de la tige. (Etudeeffectuee sur sept bourgeons.) En caracteres gras, augmentation de I'un des parametresetudies par rapport a la valeur initiale.

Nbre d'heures

Nbre total de cellulesepidermiqucs

longueur du segment foliaireen mm

index mitotique en Ofo

°78

0,8

3,86

2

72

0,8

10,18X2,5

4

70

0,8

8,75X2,2

6

79

0,8

8,13X2,1

12

89Xl,l

1Xl,2

8X2

24

109Xl,4

1,4Xl,7

3,66Xl

48

172X2,2

3X 3,7

3X0,7

Tableau 3: Valeurs des index mitotiques (LM.) des meristcmes des differents bourgcons axillaires, d~°a 48 heures apres I'ablatioa de l'axe soit au-dessus de la deuxieme feuille epicotylaire (A), soit au­dessus des cotyledons (B).Moyenne et erreur standard (ES) sont obtenues sur 10 echantillons. L'augmentation significative de lareactivation mitotique a ete calculee par Ie test de Student-Fischer, pour un coefficient de s~curite

de 95 0/0: e1le est indiquee par un asterique.Index mitotique de I'apex principal: 10,8 ±0,30.

Temps (A) Ablation au-dessus de la deuxieme prHeuille (B) Ablation au-dessusen heure des cotyIedons

ax cOt I ax cot2 axF I axF2 ax cot l ax cot2

LM. ± ES LM. ± ES LM. ± ES LM. ± ES LM. ± ES LM. ± ES

° 3,19 0,13 3,55 0,15 4,29 0,51 4,03 0,28 3,19 0,13 3,55 0,15

1 3,23 0,30 4,37 0,90 6,08':' 0,86 6,66'" 0,96 3,20 0,20 3,60 0,332 3,37 0,34 4,87 0,33 6,91 0,31 8,67 0,48 5,43'" 0,50 6,95':' 0,794 5,55'" 0,79 6,47" 0,71 7,50 0,60 8,60 0,54 7,7 0,33 8,00 0,326 5,23 0,32 6,44 0,40 9,23. 0,55 8,02 0,60 7,90 0,31 8,95 0,30

12 6,45 0,93 9,10 0,79 10,1 0,90 9,98 0,33 8.55 0.80 12,95 0,9024 7,53 0,90 10,40 0,91 10,9 1,06 9,90 0,93 9,48 0,90 11,41 0,9548 7,83 0,87 8,41 0,70 11,6 1,04 10,2 0,56 11,51 0,28 13,17 0,39

a) Chez Les pLantes intactes (to), la valeur des index mitotiques des bourgeonsaxillaires montre une activite faible par rapport l celie de l'apex principal; il y acependant maintien d'une certaine activite: l'inhibition des bourgeons est seulementpartielie. On peut reverifier ici que cette inhibition est plus forte pour les bourgeonscotyledonaires que pour les bourgeons epicotylaires.

b) Apres section de L'axe immediatement au-dessus de La deuxieme feuille epicoty­Zaire, l'activation mitotique se manifeste des Za premiere heure pour les bourgeons

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Tableau 4: Valeur des index mitotiques ca1cules au niveau des faisceaux conductcurs de l'axe ramealdes bourgeons axilles par les feuilles epicotylaires dans les premieres heures qui suivent la decapitatio:lde la plante.Moyennes et erreurs standard (ES) sont obtenues sur 10 echantillons.En caracteres gras augmentation de l'index mitotique par rapport ala valeur initiale.a - zone situee entre l'insertion du bourgeon et l'axe principal.b - zone correspondant au premier segment foliaire sF'j'c - zone situee entre sF' j et l'apex. La localisation de ces zones est indiquee figure 2.

Temps enheure

o 2 4 6

axF j

axF2

1M ES 1M ES 1M ES 1M ES 1M ES

a 2 0,31 8,1 1,07 9,97 0,72 6,02 1,55 6,95 1,02X4 X4,9 X3 X3,5

b 11,25 0,53 13,4 0,82 18,13 1,84 17,81 0,68 17 0,81Xl,2 Xl,6 XU X 1,5

c 9,5 0,76 18,5 1,39 21,15 1,99 19,45 1,63 15,70 1,20Xl,9 X2,2 X2 X 1,6

apex 4,29 0,51 6,08 0,86 6,91 0,31 7,50 0,60 9,23 0,55Xl,4 Xl,6 X 1,7 X2,2

a 1,81 0,23 7,5 1,34 9,15 0,94 6,75 1,34 4,64 1,31X4 X5 X3,7 X2,5

b 7,31 0,67 13,04 0,94 21,30 0,82 20,40 0,89 13,75 0,75Xl,7 X2,9 X2,7 Xl,8

c 8,22 0,68 15,04 0,95 15,21 1,39 20 0,91 20,5 0,92X 1,8 Xl,8 X2,4 X2,5

apex 4,03 0,28 6,66 0,96 8,67 0,84 8,60 0,54 8,02 0,60X 1,6 X2,1 X2,1 Xl,9

axilIes par Ies feuilles epicotylaires. Mais, a Ia difference des resultats obtenus re­posant sur Ie critere de I'allongement, c'est Ie bourgeon axille par la deuxieme feuilleepicotylaire qui manifeste I'activite Ia plus forte. La preseance de axF j ne s'effectuequ'au bout de 6 heures. Elle se maintiendra ensuite: I'index mitotique augmente puisdepasse, 48 heures apres Ia decapitation, celui de l'apex principal des plants temoins.

Quant aux bourgeons cotyledonaires, ils sont reactives a partir de 4 heures; cettereactivation atteint son maximum 24 heures apres la decapitation et se ralentit ensuite.

c) L'ablation de l'axe principal au-dessus des cotyledons conduit a une reactivationplus precoce et plus intense de I'apex des bourgeons cotyledonaires que dans Ie casprecedent. L'index augmente significativement des Ia deuxieme heure et devient apartir de 12 heures bien superieure a celui de l'apex principal.

L'examen comparatif des bourgeons cotyledonaires d'une m&me plante montrequ'ilsont reactives en m&me temps; par contre, I'index mitotique de l'un des bourgeonsest superieur a celui de I'autre. Ce fait est en accord avec Ia preseance deja signaleed'un des bourgeons (fig. 4).

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Apres decapitation, l'apex de tous les bourgeons axillaires est active au bout detemps et avec des intensites differents. Cette activation est d'autant plus precoce queIe bourgeon est plus jeune et situe pres de la section. C'est 6 heures apres la decapita­tion que la basitonie apparait, faisant suite a la prise de preseance du bourgeon axillepar la premiere feuille epicotylaire; l'activite mitotique des bourgeons cotyledonairesdecroit alors.

2. L'axe rameal

Le re1eve des mitoses a ete effectue au niveau des tissus conducteurs. Trois zonesont ete delimitees et sont indiquees sur la figure 2: la base du bourgeon proprementdite situee au niveau du noeud, a la jonction de la tige principale et de la base aupremier segment foliaire (a), une zone correspondant au premier segment foliaire sF',(b) et une zone comprise entre l'insertion de la premiere feuille F', et l'apex (c). Lesvaleurs des index mitotiques de ces trois territoires pendant les 6 heures qui suiventl'ablation de la tige au-dessus de la deuxieme feuille epicotylaire sont groupees dansIe tableau 4.

Chez les temoins (to), la base de l'axe ne presente pratiquement plus d'activitealors que les segments foliaires, et parmi eux, Ie plus age, sont encore tres actifset Ie sont beaucoup plus que l'apex.

Apres ablation de l'axe principal, on note une augmentation a la fois brutale etintense de l'activite mitotique ala base du bourgeon, au niveau du noeud: une heuresuffit pour que l'index mitotique quadruple. Ce fait permet de deduire que, chez lestemoins, Ie faible nombre de mitoses a ce niveau n'etait pas la consequence de ladifferenciation totale des cellules mais de la diminution de leur activite proliferatrice:l'inhibition affecte donc en premier lieu la base du bourgeon.

Les zones sus-jacentes sont beaucoup moins stimulees par la rupture experimentaledes correlations. Durant les premieres heures, leur activite reprend, mais avec une'moindre intensite: en une heure, la valeur de leur index mitotique double. Pendantles 4 heures suivantes, ces processus s'estompent; toutefois la base reste plus inten-

'sement stimulee puisque la valeur initiale de son index mitotique est multipliee par3 et 3,6 tandis que celle des zones superieures n'est multipliee que par 1,6 environ.

L'intensite de l'activation produite a la base du bourgeon est remarqua:ble; l'indexmitotique tres faible de cette region, dont certaines cellules sont en cours de diffe­renciation, devient, en une heure, superieur a ce1ui calcule dans la zone uniquementmeristematique qu'est l'apex du bourgeon.

N. B. II est a noter qu'a l'aisselle de dlaque feuille epicotylaire existent trois bourgeonsseriaux; nous n'avons effectue notre etude statistique que sur les plus grands, mais l'examendes index mitotiques des plus petits montrent que la cinetique de la reactivation est la m&mepour tous les bourgeons.

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3. Les feuilles

La grande hete:~rogeneite d'une feuille qui comprend a la fois des zones meriste­matiques et des zones differenciees rend tres difficile la comparaison des index mito­tiques que I'on peut y calculer. Cependant, afin d'evaluer I'activite proliferatricede ces organes, nous avons choisi de calculer les index mitotiques dans la troisiemefeuille et dans Ie primordium correspondant a la cinquieme feuille des bourgeonsaxilles par les deux feuilles epicotylaires. Les valeurs obtenues indiquent I'existenced'une activite mitotique dans les feuilles des pIantes temoins, et d'une tres netteaugmentation de cette activite dans les deux heures qui suivent la decapitation.

La levee d'inhibition a donc pour consequence, au niveau des feuilles, une activa­tion mitotique rapide.

L'ensemble des resultats obtenus montre qu'une decapitation entraine une augmen­tation tres rapide de l'activite proliferatrice des cellules. L'activation mitotique con­cerne tous les bourgeons axillaires, y compris les bourgeons cotyledonaires qui nepresentent pas d'allongements mesurables lorsqu'on les soustrait a la dominanceapicale. Cette reponse s'opere simultanement dans tout Ie bourgeon, aussi bien dansles feuilles que dans Ie meristeme ou dans l'axe rameal; elle est rapide. Mais, c'est leipartie la plus basale du bourgeon qui reagit, et de loin, Ie plus intensement.

Discussion et conclusions

Les mecanismes mis en jeu dans les phenomenes de correlation entre bourgeonsaxillaires restent mal connus. Les diverses theories, hormonales ou trophiques, nedonnent pas d'explications satisfaisantes de leur etat inhibc. Vne des raisons de cetechec reside dans Ie fait que I'on ignore encore si les traitements destines a reactiverles bourgeons provoquent des evenements nouveaux ou s'ils ne font qu'accelerer, ausein des bourgeons, des processus presents al'etat ralenti. La participation de I'elonga­tion et de la multiplication des cellules dans la croissance d'un bourgeon dont onleve experimentalement I'inhibition n'est, Ie plus souvent, pas precisee. Comme Iefont remarquer GUERN et USCIATI (1976), l'apport d'observations plus completespeut utilement orienter la nature des recherches aengager dans Ie but de decouvrir Iefacteur limitant la croissance d'un bourgeon laisse sur la plante entiere. i

L'etude des premieres manifestations de la levee d'inhibition provoquee par I'abla­tion de I'apex principal nous a permis de mettre en evidence un certain nombre defaits.

1. Une rupture de correlation provoquee par l'ablation de l'axe principal ne faitqu'aceentuer des processus de croissance existants

Les bourgeons axillaires de pIantes intactes ne sont pas totalement inhibes dansnos conditions de culture. lis presentent en outre des degres d'inhibition differents.Au 1geme jour de culture, la feve manifeste une tendance basitone. Seul, Ie bourgeon

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axille par la premiere feuille epicotylaire continue a s'allonger lentement. Mais, a cestade, tous les bourgeons axillaires presentent encore une activite mitotique faiblemais reelle.

Dans des etudes ulterieures, si l'on veut s'adresser au bourgeon Ie plus inhibe, ilfaudra choisir, soit axF2, soit les bourgeons cotyledonaires apres Ie 1geme jour deculture.

L'ablation de l'axe principal conduit a l'augmentation de la croissance de tous lesbourgeons. Cette croissance est alors proportionnelle a celle qu'ils avaient sur laplante intacte. La rupture de correlation va done seulement accelerer la croissanceinitiale. Comme Ie note CHAMPAGNAT (1969), il y a une correspondance etroite entrela vitesse de croissance initiale et Ie sens de reaction de l'ebauche axillaire.

Le temps de latence qui s'ecoule entre l'excision et l'allongement est fonction dudegre d'inhibition du bourgeon. Ainsi, apres ablation de la tige, la reactivation desbourgeons cotyledonaires est plus tardive que celle des bourgeons situes a I'aisselledes feuilles epicotylaires.

2. L'etude cinetique d'apparition des evenements declenches par la decapitationmontre que la multiplication des cellules debute avant leur elongation

L'analyse sequentielle des index mitotiques indique une augmentation significativedu nombre des mitoses avant qu'un allongement des differents organes puisse hredeteete. Cette activation mitotique est une reponse tres rapide: de 1 a4 heures suivantles territoires du bourgeon et suivant l'etat dans lequel il se trouve initialement, alorsque Ie temps de latence Ie plus bref constate, si l'on prend comme critere l'elongation,est de 4 heures pour la feuille de rang 1 et d'au moins 6 heures pour Ie premiersegment foliaire. Ce resultat est en accord avec ceux qui ont ete rapportes chezd'autres vegetaux (NAYLOR, 1958; WARDLAW et MORTIMER, 1970; USCIATI et CODAC­CIONI, 1971; NOUGAREDE et RONDET, 1974; CHENOU-FLEURY, 1975; PETERSON etFLETCHER, 1975), mais differe des conclusions tirees par Au et FLETCHER (1970) etNAGAO et RUBINSTEIN (1976), qui montrent que I'allongement debute avant la divi­sion cellulaire. C'est l'ensemble des bourgeons axillaires qui est ainsi frappe par ladecapitation. Les bourgeons cotyledonaires, dont I'allongement n'est pas visible, ontcependant une augmentation de leur activite mitotique.

Cependant, la vitesse de reactivation est en etroite relation avec Ie degre d'inhibi­tion du bourgeon sur les plants intacts. Ainsi, chez les bourgeons cotyledonaires, Ietemps de latence est d'au moins 4 heures alors qu'il n'est pas superieur a 1 heurepour les bourgeons partiellement inhibes axF1 et axF2 •

3. C'est la base du bourgeon qui ro?agit avec la plus grande amplitude

Si l'augmentation de l'activite mitotique peut &tre decelee au bout d'une heure danstous les bourgeons epicotylaires, son amplitude a permis de differencier les zones qui

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Ie constituent: base, sommet de I'axe rameal, feuille, apex, conduisant a penser qu'unprocessus de stimulation acropete est en jeu.

Au niveau de I'insertion du bourgeon sur la tige principale, la valeur de l'indexmitotique quadruple en une heure alors que pour Ie premier segment foliaire, Ie fac­teur de multiplication n'est que de 2 a 3, et que de 2 pour l'apex. C'est done la basequi est la plus sensible, comme on a pu a contrario Ie constater chez les temoins:l'inhibition conduit a I'inactivite totale de ce territoire basal alors que les zones plusjeunes, apex compris, manifestent encore une activite mitotique nette. L'inactivitede cette zone basale pourrait expliquer l'absence de penetration d'auxine, observee parBOURBOULOUX (1974), dans les bourgeons axillaires de plants intacts de Vicia faba L.apres transport a partir du bourgeon terminal d'AIA-14C.

Une telle rapidite de reponse au stimulus declenche par la decapitation n'est passans faire penser aux phenomenes d'augmentation de potentiel transmembranaire ne­gatif etudie par DESBIEZ et THELLIER (1975) sur les bourgeons cotyledonaires deBidens.

L'entree en mitose, des une heure, d'un grand nombre de cellules semble indiquerque ces cellules sont arr~tees en phase G2 • C'est a une conclusion similaire qu'ahou­tissaient USCIATI et a!. (1972) dans Ie bourgeon de eicer arietinum, et NOUGAREDEet RONDET (1975 a, b, 1976) dans Ie bourgeon de Pisum sativum. Si tel etait Ie cas,ce fait indiquerait que I'inhibition partielle des bourgeons observes sur des plantesentieres porterait, pour une fraction des cellules, sur une augmentation de la dureede G2 • Cependant, les etudes cytophotometriques, de plus en plus nombreuses,montrent un arr~t plus general en G, des populations cellulaires d'organes dormants(MICHAUX-FERRIERE, 1974; COTTIGNIES, 1974) ou inhibes par correlation (TOUPIOL,1976). Dans ce cas, la synthese du DNA est un prealable necessaire a la reprised'activite mitotique. Vne certaine heterogeneite des etats nucleaires a ete observeedans les differentes zones des bourgeons axillaires chez Ie Pisum sativum (NOUGAREDEet RONDET, 1975 b), et il est permis de penser que, selon l'etat d'inhibition des bour­geons, les proportions de cellules arrhees en phase G, et G2 varient. Les mecanismesprimaires contr81ant les differentes phases du cycle cellulaire restent peu connus, alorsque les effecteurs positifs de son activite sont nombreux: auxine, gibberelline, cyto­kinine, sucre, lumiere, froid.

4. La reprise de croissance par allongement se manifeste plus tardivement

La feuille la plus ~gee reagit en premier, des 4 heures; ensuite c'est I'axe, et plusparticulierement Ie premier segment foliaire, qui s'accroh entre 6 et 12 heures. L'al­Iongement des feuilles precede done celui de I'axe. On retrouve chez la feve un phe­nomene deja signale par NAGAO et RUBINSTEIN (1976) chez Ie Pois et parCHENOU­FLEURY (1975) chez une Fougere aquatique. L'allongement de l'axe rameal dans saportion basale a ete note par quelques auteurs: USCIATI et CODACCIONI (1971),CHAMPAGNAT et al. (1973), NOUGAREDE et RONDET (1974). Cette region parah pre­senter une certaine autonomie de croissance (USCIATI et a!., 1974). Une analyse de la

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reactivation mitotique de l'axe rameal, nous l'avons vu, a montre que les divisionsapparaissaient dans cette zone avec une intensite remarquable bien avant que l'al­longement y soit perceptible.

La reactivation mitotique precoce de la portion basale de l'axe semble, beaucoupplus que l'allongement, mettre en evidence Ie point d'impact du stimulus cree par ladecapitation.

L'ensemble des resultats exposes dans Ie present article conduit a orienter nosrecherches ulterieures vers une meilleure connaissance de la base du bourgeon, auniveau de son insertion sur l'axe principal, afin de preciser les modifications tresrapides qu'elle subit et leur nature, lors d'une levee de dominance apicale.

Remerciements

Nous tenons a exprimer notre gratitude a Mme L. SOSSOUNTZOV, Mahre de Recherchesau CNRS, pour les nombreux conseils qu'elle nous a donnes durant la realisation de ce travailet la redaction du manuscrit.

Nos remerciements vont egalement a M. Ie Professeur J. L. BONNEMAIN pour l'inter&tqu'il a toujours porte a nos recherches.

La collaboration technique de Melle C. BARBIER nous a ete tres precieuse; nous l'enremerClOns.

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