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1 LES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATIVES ET ADMINISTRATIVES RELATIVES AUX POPULATIONS AUTOCHTONES AU CAMEROUN Samuel Nguiffo et Nadine Mballa PARTIE I: INTRODUCTION A LA QUESTION DES POPULATIONS AUTOCHTONES, AU CAMEROUN ET A SON SYSTEME JURIDIQUE 1 Les communautés autochtones au Cameroun Le Cameroun se caractérise par l’extraordinaire diversité de ses peuplements, avec plus de 250 ethnies. Depuis l’indépendance, la politique gouvernementale s’est attelée à assurer l’unité nationale, et l’une des stratégies mises en place à cette fin a consisté en la promotion de « l’intégration nationale ». Celle-ci consiste en un effort de brassage des populations dans le but d’améliorer la compréhension entre elles, et de réduire les particularismes. 1.1 Aperçu sommaire de la situation des populations autochtones La constitution de janvier 1996 est la première à faire référence aux notions de « minorités » et de « populations autochtones ». Bien que ces deux notions semblent avoir, dans la constitution, une acception différente de celle admise dans la terminologie des Nations unies 1 . En l’absence d’une définition unanimement admise de la notion de « populations autochtones », il est indispensable de se référer aux critères internationaux d’identification desdites communautés pour établir leur existence au Cameroun. En s’appuyant sur les critères contenus dans la directive opérationnelle 4.20 2 de la Banque mondiale, il est aisé de reconnaître l’existence de communautés autochtones au Cameroun. On peut ainsi en citer deux (trois ?) grandes catégories : 1.1.1 Les communautés Mbororos : éleveurs nomades répartis sur l’ensemble du territoire national, avec de fortes concentrations dans les parties septentrionale et méridionale du Cameroun. Ils font partie d’un grand groupe que les Britanniques ont appelé les Fulani ou Peul en Français. Ils sont estimés à plus de 60 000 personnes. Ils habitent certaines parties des provinces de l’Adamaoua, de l’Est, du Nord-Ouest et de l’Extrême-Nord et aux frontières avec le Nigéria, le Tchad et la République centrafricaine. Ils sont subdivisés en trois principaux groupes, à savoir les Jafun, les Woodabe et les Aku. Ils sont plus nombreux dans la province du Nord-Ouest, avec une population estimée à plus de 38 000 personnes. 1.1.2 Les communautés de chasseurs-cueilleurs de la forêt, répartis en trois groupes distincts : Les Bakas, qui sont de loin le groupe le plus grand, avec une population estimée 70-100 milles âmes. Ils vivent dans le sud-est du Cameroun. o Compte près de 40 000 personnes et occupe 75 000 km² dans l’Est et le Sud du pays. Dans la province du Sud, on les retrouve particulièrement dans le département du Dja-et-Lobo, dans les arrondissements de Djoum, Mintom et Oveng. Dans la province de l’Est, on les retrouve dans les départements de la Boumba-et-Ngoko, du Haut-Nyong et de la Kadey. Une partie des Baka vit dans la mouvance transfrontalière, dans la Tri-Nationale de la Sangha, plus précisément entre les départements de la Boumba-et-Ngoko, du Dja et Lobo et du Haut- Nyong au Cameroun, le département de la Sangha au Congo et le département de la Sangha- Mbaéré en République Centrafricaine. Ils ont leur propre langue, le ‘Baka’ Les Bagyelis, dont la population oscillerait entre 10 et 30 mille, répartis entre les arrondissements de Bipindi, Lolodorf, Akom II, Kribi, Campo. o 3700 personnes et occupe 12 000 km² dans la partie méridionale de la région côtière. Ils sont voisins de diverses tribus Bantu, notamment les Elog Mpoo, Bassa, Bulu, Ewondo, 1 Citer le rapport de la Commission des Lois constitutionnelles, et comparer avec les définitions de l’ONU. 2 Cette Directive a été révisée et a été substituée par la Politique Opérationnelle PO/PB 4.10

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LES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATIVES ET ADMINISTRATIVES

RELATIVES AUX POPULATIONS AUTOCHTONES AU CAMEROUN Samuel Nguiffo et Nadine Mballa

PARTIE I: INTRODUCTION A LA QUESTION DES POPULATIONS AUTOCHTONES, AU CAMEROUN ET A SON SYSTEME JURIDIQUE 1 Les communautés autochtones au Cameroun Le Cameroun se caractérise par l’extraordinaire diversité de ses peuplements, avec plus de 250 ethnies. Depuis l’indépendance, la politique gouvernementale s’est attelée à assurer l’unité nationale, et l’une des stratégies mises en place à cette fin a consisté en la promotion de « l’intégration nationale ». Celle-ci consiste en un effort de brassage des populations dans le but d’améliorer la compréhension entre elles, et de réduire les particularismes. 1.1 Aperçu sommaire de la situation des populations autochtones La constitution de janvier 1996 est la première à faire référence aux notions de « minorités » et de « populations autochtones ». Bien que ces deux notions semblent avoir, dans la constitution, une acception différente de celle admise dans la terminologie des Nations unies1. En l’absence d’une définition unanimement admise de la notion de « populations autochtones », il est indispensable de se référer aux critères internationaux d’identification desdites communautés pour établir leur existence au Cameroun. En s’appuyant sur les critères contenus dans la directive opérationnelle 4.202 de la Banque mondiale, il est aisé de reconnaître l’existence de communautés autochtones au Cameroun. On peut ainsi en citer deux (trois ?) grandes catégories : 1.1.1 Les communautés Mbororos : éleveurs nomades répartis sur l’ensemble du territoire national, avec de fortes concentrations dans les parties septentrionale et méridionale du Cameroun.

• Ils font partie d’un grand groupe que les Britanniques ont appelé les Fulani ou Peul en Français. Ils sont estimés à plus de 60 000 personnes. Ils habitent certaines parties des provinces de l’Adamaoua, de l’Est, du Nord-Ouest et de l’Extrême-Nord et aux frontières avec le Nigéria, le Tchad et la République centrafricaine. Ils sont subdivisés en trois principaux groupes, à savoir les Jafun, les Woodabe et les Aku. Ils sont plus nombreux dans la province du Nord-Ouest, avec une population estimée à plus de 38 000 personnes.

1.1.2 Les communautés de chasseurs-cueilleurs de la forêt, répartis en trois groupes distincts :

• Les Bakas, qui sont de loin le groupe le plus grand, avec une population estimée 70-100 milles âmes. Ils vivent dans le sud-est du Cameroun.

o Compte près de 40 000 personnes et occupe 75 000 km² dans l’Est et le Sud du pays. Dans la province du Sud, on les retrouve particulièrement dans le département du Dja-et-Lobo, dans les arrondissements de Djoum, Mintom et Oveng. Dans la province de l’Est, on les retrouve dans les départements de la Boumba-et-Ngoko, du Haut-Nyong et de la Kadey. Une partie des Baka vit dans la mouvance transfrontalière, dans la Tri-Nationale de la Sangha, plus précisément entre les départements de la Boumba-et-Ngoko, du Dja et Lobo et du Haut- Nyong au Cameroun, le département de la Sangha au Congo et le département de la Sangha-Mbaéré en République Centrafricaine. Ils ont leur propre langue, le ‘Baka’

• Les Bagyelis, dont la population oscillerait entre 10 et 30 mille, répartis entre les arrondissements de Bipindi, Lolodorf, Akom II, Kribi, Campo.

o 3700 personnes et occupe 12 000 km² dans la partie méridionale de la région côtière. Ils sont voisins de diverses tribus Bantu, notamment les Elog Mpoo, Bassa, Bulu, Ewondo,

1 Citer le rapport de la Commission des Lois constitutionnelles, et comparer avec les définitions de l’ONU. 2 Cette Directive a été révisée et a été substituée par la Politique Opérationnelle PO/PB 4.10

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Ngoumba, Fang et autres. Les Bakola ou Bagyéli parlent leur propre langue et toutes les langues de leurs voisins Bantu.

• Les Bedzan, qui seraient moins d’un millier, localisés dans la zone de transition entre la savane et la forêt, au centre du Cameroun (région de Ngambé-Tikar). Il faut dire que la qualification de « populations autochtones » des Bedzang a été parfois été contestée dans la littérature3.

Added from Bigombe Logo’s report 1.1.3 Le terme « Montagnards » ou « Kirdi » désigne, contre leur gré, certaines communautés qui habitent les monts Mandara dans la province de l’Extrême-Nord, précisément dans les départements du Mayo-Sava et du Mayo-Tsanaga. Bien qu’on ne connaisse pas leur nombre exact, l’on peut tout de même retenir que : - l’arrondissement de Tokombéré avec ses 498 km² de superficie et 51 894 habitants, recèle la plus forte communauté des Montagnards, soit environ 75 à 80% ; - l’arrondissement de Mora compte 8421 habitants pour une superficie de 1758 km², il est couvert en partie par des plaines et en partie par des montagnes très peuplées ; - enfin l’arrondissement de Kolofata, avec ses 544 km² et ses 35 490 habitants, est un arrondissement de plaine. Ces communautés s’identifient comme autochtones. Il s’agit des Mafa, des Mofou, des Hide, des Tourou, des Poloko, des Mora et autres. Ces derniers auraient préféré rester dans les montagnes pour échapper aux invasions des cavaliers islamistes et esclavagistes Peuls La terminologie du Ministère des Affaires Sociales, compétent pour ces questions au Cameroun, parle plutôt de « populations marginales », concept plus large qui englobe, en plus de celles précitées, les populations des montagnes et les communautés insulaires4. Il est difficile de fournir des statistiques fiables de la population totale des communautés autochtones du Cameroun. Les chiffres sont basés sur des estimations faites pour les plus récentes au début de la décennie 78 par le Père Dhellemmes, notamment en ce qui concerne les populations Baka. Le Cameroun a connu trois recensements généraux de la population, en 1976, en 1987 et 2005, mais dans

3 Kai Schmidt-Soltau, « Plan de Développement des Peuples « Pygmées » pour le Programme National de Développement Participatif (PNDP) », Juin 2003 4 Abega, S.C et Bigombé, P., Eléments de synthèse des résultats de l’étude sur l’autopromotion des populations « pygmées » d’Afrique centrale, Yaoundé, février 2005.

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aucun des cas il n’a été possible de s’intéresser de manière spécifique aux communautés autochtones. Si le nomadisme des populations considérées peut indéniablement compliquer des efforts de recensement spécifique au sein de ces communautés, il ne peut, à lui seul, justifier la persistance de cette lacune statistique. L’attention de la Direction du Recensement avait en effet été attirée sur la nécessité d’accorder une attention particulière aux populations autochtones (au moins à celles de la zone forestière) à l’occasion du recensement général de 2005, et l’assistance du RACOPY5 avait été proposée à titre gracieux aux services de l’administration, qui n’ont pas donné de suite. De manière générale et en dépit des controverses, les Pygmées fondent leur statut d’autochtone, entre autres, sur une certaine « aboriginalité » ou mieux la conviction d’être les premiers habitants des forêts tropicales africaines ; alors que les Mbororo et les « Montagnards » s’identifient comme autochtones en raison, essentiellement, de leurs modes de vie et leurs cultures qui non seulement sont différents, jugés rétrogrades, mais aussi et surtout menacés d’assimilation par le mode de vie dominant. Les Mbororo et les Montagnards plus spécifiquement fondent également leur autochtonie sur le fait qu’ils sont les plus anciens occupants de leurs terres. Les modes de vie des communautés autochtones En de nombreux points les communautés autochtones se caractérisent par des modes de vie qui se distinguent de ceux des autres peuples du territoire national. Les principaux traits distinctifs de ces modes de vie sont les suivants :

• Le nomadisme. Dans l’univers des communautés camerounaises marquées par la sédentarité, le nomadisme comme mode de vie est inhabituel. Il caractérise uniquement les communautés autochtones, de la forêt ou des autres zones.

• Les spécificités culturelles. La culture des communautés autochtones du Cameroun se distingue de manière fondamentale de celles de leurs voisins. Quelques exemples illustrent ces différences. Ainsi, alors que la sédentarité et l’agriculture caractérisent les modes de vie des communautés au Cameroun, le système de production des populations autochtones est fortement dépendant des ressources naturelles : des produits de la chasse et de la collecte pour ce qui est des populations autochtones des forêts, et des ressources en pâturage pour les éleveurs Mbororos. Bien que les Mbororos ne soient pas les seuls éleveurs du Cameroun, ils présentent une spécificité par rapport aux autres ethnies d’éleveurs, notamment du fait de l’étendue de leur itinéraire de transhumance. De plus, les communautés autochtones de la forêt se distinguent également, dans un univers social marqué par la polygamie et la chosification de la femme, par le rôle central reconnu aux femmes dans la société. Ainsi, la polygamie est plutôt rare au sein de ces communautés, et les conflits entre conjoints sont résolus le plus rapidement possible, à l’initiative de l’homme. En effet, l’homme doit solliciter la bénédiction de son épouse, pourvoyeuse de chance, avant toute opération de chasse et de collecte. Ces opérations étant quotidiennes, l’homme doit en permanence pouvoir s’assurer de la bienveillance de sa conjointe. Enfin, la culture de la non-violence est suffisamment rare dans le contexte des sociétés africaines pour être mentionné : les communautés autochtones ne sont en effet pas belliqueuses, et règlent leurs différends par l’évitement. Ainsi, en cas de conflit dans un campement, il est fréquent de voir l’un des protagonistes se retirer pour créer un campement plus loin. De même, lorsque le conflit les oppose à des non autochtones (communauté bantoue, projet de conservation ou société privée), le mode d’expression non violent des peuples autochtones des forêts prévaut. Cette stratégie ne peut qu’être un trait culturel fort de ces communautés, puisqu’on la retrouve aussi bien dans les rapports intracommunautaires que dans les relations avec l’extérieur.

• La marginalisation. Elle est commune aux deux groupes, qui ont du mal à s’intégrer dans la communauté nationale. Les modes de fonctionnement de l’Etat ont en effet été conçus pour des peuples sédentaires, avec une économie monétaire. L’accès aux services sociaux de base leur est ainsi rendu particulièrement difficile.

5 Réseau Recherche Actions Concertées Pygmées

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• La religion. . La vie rituelle et religieuse est marquée par divers esprits ou mânes. La plupart, incarnés par des masques, apparaissent dans les campements et les villages pour présider des danses. Seuls les initiés peuvent les approcher. Il est ainsi de Kose qui préside à la danse de la divination du Nganga, de Joboko, l’esprit qui préside au rite Yéli, qui précède la chasse à l’éléphant. La religion participe de la cristallisation des échanges et des relations entre les hommes, les animaux et la forêt et de la construction d'un monde vivant où tous peuvent communiquer, donner et recevoir

Principales activités économiques Les caractéristiques économiques des populations autochtones de la forêt se distinguent, elles aussi, de celles des groupes sociaux dominants au Cameroun. En effet, alors que ces derniers sont actifs dans des activités de production (agriculture vivrière ou de subsistance), et très peu dans des activités de prélèvement (pêche par exemple), les peuples autochtones des forêts sont essentiellement des chasseurs et des collecteurs. Les principales sources de revenus sont : * La vente des produits de la chasse. Les peuples autochtones des forêts excellent dans la pratique de la chasse. Si le gibier est destiné à la consommation, il est également de plus en plus vendu, et cette activité constitue, dans certains campements, la principale source de revenus des communautés considérées. Il faut dire que cette activité traditionnelle est particulièrement controversée, en ce que les pratiques de chasse des autochtones sont contradictoires avec de nombreuses dispositions de la législation en matière de protection de la faune. Ainsi par exemple, les espèces de prédilection des autochtones (éléphants et autres grands mammifères) sont généralement protégées par la loi6. De plus, les techniques de chasse autorisées dans le cadre des droits d’usage aux communautés autochtones (chasse avec des outils traditionnels) ne sont pas toujours respectées, du fait du recours au collet d’acier dans le piégeage, à la lance et à la flèche dotées de bouts en fer, voire au fusil de chasse. Le gibier est généralement vendu au bord des pistes, frais ou boucané. Les trophées sont également parfois commercialisés par les chasseurs autochtones (pointes d’ivoire, peaux de panthères, os et mains de gorilles, crânes de chimpanzés, etc.). Ils sont utilisés à des fins de décoration ou thérapeutiques, dans la pharmacopée traditionnelle. * la vente des produits de la collecte. Il s’agit des écorces, racines, fruits sauvages, tubercules divers, collectés au cœur de la forêt par les communautés, et vendus soit dans les campements, soit par exposition le long des pistes. Ces produits sont destinés la consommation (comme condiments, médicaments ou aliments). * La vente de la force de travail, qui est de plus en plus observée dans les régions abritant des communautés autochtones. La force de travail est vendue dans les sociétés forestières (essentiellement comme pisteurs), les guides de chasse sportive, les projets de développement (généralement en qualité d’animateurs), et chez des particuliers comme manœuvres agricoles payés à la journée, voire comme braconniers. On observe une discrimination à l’égard des autochtones qui, à travail égal, sont généralement moins bien payés que les bantous. De plus, on constate une revendication récurrente des autochtones employés par les sociétés forestières, qui estiment que leur connaissance de la forêt contribue à l’identification des essences nobles, et que l’absence de diplôme ne devrait pas servir de justification à la faible rémunération qu’ils reçoivent. Ils veulent en effet recevoir un paiement proportionnel à leur rendement dans l’entreprise.

• La pharmacopée traditionnelle. Les autochtones tirent des revenus de leur connaissance de la pharmacopée traditionnelle. Leurs principaux clients payants sont leurs voisins bantous. De plus en plus, des patients viennent des grands centres urbains pour faire appel à leur science. Et parfois aussi, les soins prodigués vont largement au-delà de ceux destinés à soulager des maux physiques, et prétendent apporter des solutions aux problèmes spirituels de toute nature. Ainsi par exemple, la fabrication de philtres d’amour, de décoctions pour la protection de leurs utilisateurs, est également pourvoyeuse de revenus pour les autochtones.

• L’artisanat : L’artisanat constitue la cinquième plus importante activité sociale et économique chez les Bakola et Bagyéli de Lolodorf et Bipindi7. Il vient en troisième position comme source de revenus. Des résultats préliminaires du programme INDISCO au Cameroun révèlent

6 Arrêté n°0648/MINFOF du 10 décembre 2006 fixant la liste des animaux des classes de protection A, B et C. 7 Idem

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également que les Pygmées font de la vannerie, de la sculpture, des mortiers, des pilons, des planches à écraser, des tambours et autres matériels pour les danses traditionnelles, des nattes de raphia tressées pour toitures de cases, la construction des huttes, le tissage des nasses pour la pêche, la forge (couteaux, lances, flèches, haches), des lits et la confection d’objets en peaux de bêtes; la pratique des tresses traditionnelles est un art très développé chez certaines communautés Mbororo. Des salons de coiffure, des défilés de modes, et des modélistes copieraient des tresses Mbororo sans avoir à payer un centime. Plusieurs filles et femmes Mbororo sont employées dans ce secteur à Garoua et dans d’autres centres urbains du Cameroun, mais plusieurs d’entre elles se plaignent de percevoir des salaires insignifiants qui ne tiennent pas compte des longues heures de travail qu’elles effectuent et de la spécificité des tresses qu’elles offrent.

• L’élevage nomade (Mbororo) : , la vache représente non seulement une source de richesse, mais aussi et surtout une garantie de sécurité alimentaire et existentielle. Plus le troupeau est important et en bonne santé, mieux se portent les Mbororo. Le mode de vie de ces derniers est dynamique et s’adapte aux conditions d’un environnement en perpétuel changement. Dans le nord-ouest par exemple et en raison des fortes densités de population, le nomadisme traditionnel des Mbororo a fait place à la transhumance en réponse à la pression démographique dans cette région du pays qui se traduit par la restriction des aires de pâturage. L’agriculture y prend aussi une place de plus en plus importante comme source de revenu et comme moyen d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Pour ce qui est de l’importance de l’industrie locale des peuples autochtones au Cameroun, le cas du cheptel Mbororo est très éloquent. A eux seuls, les Mbororo détiennent 30 % du cheptel bovin camerounais estimé à plus de 5 millions de têtes, essentiellement localisées dans les provinces de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-nord. L’apport de l’élevage Mbororo à l’économie nationale camerounaise est évident, étant donné que dans son ensemble l’élevage contribue à concurrence de 2, 1 % du PIB camerounais8. Les Mbororo ont également une médecine vétérinaire traditionnelle bien développée

La question de la reconnaissance légale des autochtones On constate une ambiguïté en ce qui concerne la question de la reconnaissance légale des autochtones par l’Etat. La position officielle des pouvoirs publics est qu’il n’existe pas d’autochtones au Cameroun (ou que tous les habitants du territoire sont des autochtones). Ainsi, dans le souci de se démarquer de cette dénomination qui ne refléterait pas assez la complexité des réalités ethniques nationales, l’administration préfère fondre ces groupes sous le terme générique de « populations marginales », qui concerne également les populations des montagnes, des zones insulaires, etc. Pourtant, dans le cadre des projets financés par la Banque mondiale et dans lesquels la politique sur les populations autochtones devrait être actionnée, l’Etat leur reconnaît cette qualité, et met en place des mécanismes d’exécution et de suivi des plans pour les populations autochtones. On peut ainsi citer, au cours des 8 dernières années, le projet pétrolier entre le Tchad et le Cameroun, le Programme National de Développement Participatif (PNDP), et le Programme Sectoriel Forêts Environnement (PSFE). On constate donc, malgré l’illusion créée par la constitution, qu’il n’y a pas de reconnaissance légale formelle de la qualité d’autochtone, même si on a une reconnaissance administrative, diluée sous un vocable inhabituel (« les populations marginales »), avec d’autres groupes. 1.2. Les autochtones et les droits de l’Homme La situation des peuples autochtones du Cameroun a été présentée au FIPAC, en avril 2007, au Congo Brazzaville9. Il en ressort qu’en dépit des évolutions observées ces dernières années, les droits humains des peuples autochtones ne sont pas encore établis au Cameroun. Les communautés autochtones font face à de nombreuses violations des droits de l’Homme dans le contexte camerounais). On peut ainsi citer, sans prétention à l’exhaustivité :

8 Site Internet de promotion des investissements en zone Franc d’Afrique : http://www.izf.net/izf/ee/pro/index_frameset.asp?url=http://www.izf.net/izf/EE/pro/cameroun/5020_elevage.asp. 9 Forum International des Peuples Autochtones d’Afrique Centrale, Impfondo, Congo-Brazzaville, 10-14 avril 2007.

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• L’insécurité alimentaire particulièrement marquée au sein des communautés autochtones ; ainsi que la non-reconnaisance de leur usages coutumiers des ressources faunique (viande de brousse)

• L’absence de droits fonciers coutumiers. Le long des pistes, où sont installées les communautés autochtones des forêts, les bantous jouissent des droits fonciers coutumiers, et tolèrent la présence des autochtones. Au cœur de la forêt, où se trouvent leurs terres ancestrales, le droit forestier national a établi des aires protégées ou des forêts de production, sur lesquelles de nombreuses restrictions existent en ce qui concerne les droits des populations. La loi fondamentale protège les droits de propriété foncière quels que soient leurs sources, la coutume ou le droit écrit. Cependant la conception des peuples autochtones de la propriété de la terre ne s’accommode pas non seulement de celle de leurs voisins Bantu, mais aussi de celle de l’Etat. Pour les Pygmées et les Mbororo, la terre est un bien communautaire dont l’utilisation est non exclusive. Ils identifient clairement leurs terres ancestrales bien qu’il n’existe pas de nette démarcation entre leurs terres et celles des autres communautés.

• Collectivement, les communautés se plaignent de la non reconnaissance de leurs chefferies, et leur incorporation obligatoire dans les chefferies bantous voisines.

• Les difficultés d’accès aux redevances forestières annuelles, dues à toutes les communautés riveraines des forêts. On exige des communautés autochtones qu’elles disposent de chefferies de troisième degré pour pouvoir y accéder. Les mises en valeur des ressources naturelles par les peuples autochtones ne sont pas reconnues par les législations qui régissent la gestion des ressources naturelles. Dans certains cas, les grands projets de développement, comme le pipeline Tchad-Cameroun, impactent sur le foncier et le forestier des peuples autochtones ; mais les compensations qui leur sont versées sont mal gérées et peu culturellement adaptées

• L’absence d’autochtones dans les processus de décision, au niveau local et national ; En dépit de la permanence des politiques et pratiques d'équilibre régional, la représentation des Pygmées et des Mbororo à tous les niveaux de la fonction publique camerounaise est quasi nulle. Les cas de fonctionnaires autochtones sont rares; les comités de gestion des redevances forestières, les comités de valorisation des ressources fauniques et les associations de gestion des forêts communautaires gérés le plus souvent par les riverains bantu, quand ils n’ont pas purement et simplement écartés les populations autochtones riveraines (pygmées), les ont associé, non seulement en nombre très limité, à des positions de figurants ; ce qui fait que les pygmées qui y figuraient, n’ont pas tardé à se rendre compte qu’ils étaient inutiles

• Les projets d’exploitation des ressources naturelles ont tendance à bouleverser les modes de vie et les cultures des peuples autochtones. Les activités d’exploitation forestière industrielle a des effets sur le milieu et la vie des Pygmées. Les faits les plus importants bien qu’apparemment anodins portent, principalement, sur l’ouverture des routes et des pistes forestières et des ponts, la mise en place des infrastructures d’exploitation forestière et les opérations de coupe, etc. Ces activités rendent la forêt accessible à une multitude d’acteurs et d’intervenants qui dépassent le cadre restreint des populations autochtones. Les activités d’exploitation du milieu sont aussi affectées (chasse, cueillette, pêche, etc.), avec, à terme, l’ébranlement de l’équilibre alimentaire et nutritionnel des populations

• Les plaintes récurrentes pour brimades, du fait de l’administration. Il s’agit notamment des cas de brimades lors des contrôles de police, et lors des actions des brigades anti-braconnage. Les autochtones se plaignent, dans ce dernier cas, de subir des actes de répression, même lorsqu’ils ne pas en infraction avec la réglementation. C’est généralement le cas dans la périphérie des aires protégées du Sud et de l’Est.

• Les restrictions imposées aux autochtones dans la gestion des ressources et des espaces de la forêt. . Ceci constitue une violation de la Charte africaine qui stipule clairement que les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles10. Contrairement aux dispositions de la Charte africaine que suivant lesquelles tout peuple a droit à l’existence11, certaines des communautés de chasseurs-cueilleurs sont menacées de

10 Articles 21.1 et 21.2 11 Article 20.1

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disparition si les tendances actuelles de gestion monopolistique des ressources naturelles perdurent. L’exclusion et la marginalisation des terres et des ressources naturelles menace la survie tant économique, sociale et culturelle des communautés des pasteurs et chasseurs-cueilleurs autochtones et cela est une violation de l’article 22.1 de la Charte africaine qui stipule que tous les peuples ont droit à leur développement «économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l’humanité

• A côté de ces brimades d’agents de l’Etat, on constate également des plaintes pour traitements dégradants du fait des voisins bantous. Il s’agit d’injures, de bastonnades, de confiscation sans raison apparente de biens appartenant à des autochtones, etc.

• La destruction des campements des autochtones lorsqu’ils se déplacent. Ceci s’observe pour les Mbororos, et pour les autochtones de la forêt dans la périphérie des aires protégées

• L’accès difficile aux services sociaux de base. Les centres de santé sont généralement éloignés des campements, et le coût des soins est élevé. L’accès à l’école est également payant, et le prix des fournitures scolaires est prohibitif.

• L’absence de considération de l’ensemble de la société, y compris des autorités, à l’égard des autochtones. Ces derniers sont en effet très souvent considérés comme des « sous-hommes ».

• Le mépris des traditions des populations autochtones, et les tentatives de substitution par des normes, valeurs et pratiques étrangères.

• Les peuples autochtones sont aussi victimes du « colonialisme interne ». Les populations voisines tendent à les considérer comme une main d’oeuvre servile à leur disposition. Elles se posent en tuteurs, pères sociologiques et propriétaire des Pygmées ; ceci se traduit dans la réalité par le mépris et la banalisation des Pygmées et contribue à renforcer la marginalisation.

2. Présentation générale du Cameroun Situé au fond du Golfe de Guinée, et couvrant 475 000 kilomètres carrés, le Cameroun est souvent présenté comme une Afrique en miniature, en raison de son extraordinaire diversité culturelle et biologique. Il abrite en effet de nombreux écosystèmes : sahéliens et de savane dans la partie septentrionale, forestiers dans la partie méridionale, sur environ la moitié de la superficie nationale (22 millions d’hectares), et côtiers à l’ouest, avec une ouverture sur l’océan atlantique. La taille de la forêt du Cameroun le place au 4ème rang des Etats forestiers du continent, derrière la RDC, la République du Congo et le Gabon. Les forêts du Cameroun se caractérisent par leur fort taux d’endémisme12. Le Cameroun a une population estimée à 17 millions d’habitants, et une densité moyenne de 32 habitants au km2. La répartition de la population est inégale sur le territoire, avec des pics de plus de 80 habitants au kilomètre carré dans les hauts plateaux de l’ouest, et entre 0,5 et 2 habitants au kilomètre carré dans la zone forestière. Le Cameroun présente la particularité, parmi les Etats d’Afrique centrale, de n’avoir jamais été une colonie. Il a en effet été, tour à tour, un protectorat allemand (entre 1884 et 1916), un territoire sous mandat (1919-1939) puis sous tutelle (1945-1960) franco-britannique. Pendant cette période, toute personne originaire du territoire camerounais était appelée autochtone ou indigène. Le pays a connu de nombreuses migrations jusqu’aux premières années de l’indépendance, notamment sous la pression de la rébellion armée qui sévissait dans la partie occidentale du Cameroun (régions du Moungo et du Nkam). Après l’indepence, le terme « autochtone » faisait allusion aux africains « non civilisés ». Cette connotation était plus marquée au Cameroun, où le terme indigène pour le sens commun serait synonyme d’injure. Beaucoup de communautés autochtones vont refuser de se faire appeler par le terme « indigène » car, celui-ci reflétait l’image rétrograde et déshonorante de l’être humain Le principal défi de la première administration du Cameroun indépendant a été de construire l’unité nationale, à partir de la mosaïque de peuplements du territoire. Cette tâche ne s’est pas faite sans heurts, et des revendications identitaires subsistent encore de nos jours, notamment avec les mouvements sécessionnistes anglophones. Il est résulté de cette période une approche ambiguë de la question ethnique 12 IUCN, Netherlands Committee, An Overview Of Forests in Cameroon, Amsterdam, 1992.

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par les pouvoirs publics marquée, à la fois, par une grande frilosité à évoquer les particularismes ethniques et par l’affirmation d’une volonté de l’Etat à assurer la protection des minorités13. Le Cameroun est passé d’une forme fédérale à partir de 1961, avec deux Etats fédérés, constitués sur une base essentiellement linguiste, à un Etat unitaire en mai 1972. Depuis la constitution de 1996, il existe un cadre juridique destiné à accueillir un Etat plus décentralisé, avec des régions disposant d’une grande autonomie14. Structure Etatique :

• La Présidence de la République: le Président de la République du Cameroun est élu au suffrage universel direct, égal et secret, à la majorité des suffrages exprimés pour un mandat de sept ans. Il est rééligible15. En tant que chef de l’Etat, il incarne l’unité nationale, il définit la politique de la nation, il veille au respect de la constitution ; il assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l’Etat, du respect des traités et accords internationaux16. Les attributions du Président de la République s’exercent essentiellement dans le domaine de l’exécutif et du législatif.

• Le Gouvernement: chargé de la mise en œuvre de la politique de la nation telle que définie par le Président de la République. Il est composé du Premier Ministre, des Ministres et Secrétaires d’Etat. Il est responsable devant l’Assemblée nationale. En sa qualité de chef du gouvernement, le Premier Ministre dirige l’action de celui-ci17. La Constitution reconnaît au Président de la République certaines prérogatives législatives. Dans les rapports entre l’exécutif et le législatif, l’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et au Parlement18. Toutes les prérogatives législatives reconnues au Président de la République et taillées à la mesure de celles d’un « pontife présidentiel », ajoutées à la pratique législative au Cameroun, ont contribué à amenuiser considérablement la fonction législative du Parlement.

• Le Parlement: Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui comprend deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. L’Assemblée nationale propose les lois et amendements. Elle vote et adopte les lois et le budget. Le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées. Il vote et adopte les lois. En cas de doute ou de litige sur la recevabilité d’un texte, le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs saisit le conseil constitutionnel qui en décide. Le Parlement légifère et contrôle l’action du Gouvernement. Les deux chambres du parlement se réunissent aux mêmes dates en session ordinaire et extraordinaires19. Douze ans après l’entrée en vigueur de la constitution du 18 janvier 1996, le parlement camerounais reste monocaméral dans la pratique.

• Le Pouvoir judiciaire: Il a pour principale mission de garantir les libertés individuelles et collectives, veiller au respect des droits et libertés et dire le droit. Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, les cours d’Appel, les tribunaux. Il est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience. Le Président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le Conseil Supérieur de la Magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège20.

13 Le Préambule de la Constitution dispose : « L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». 14 L’article 1(2) de la Constitution dispose : « …La République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé… » 15 Voir article 6 (2) (nouveau) de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972. 16 Article 5 de la Constitution de la République du Cameroun 17 Article 12 (1) de la Constitution de la République du Cameroun. 18 Article 25 de la Constitution de la République du Cameroun 19 Article 14 de la constitution de la république du Cameroun 20 Article 37 de la Constitution de la République du Cameroun

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L’existence d’un pouvoir judiciaire au Cameroun apparaît très discutable dans la pratique car, le fait que la sanction positive ou négative du magistrat soit encore suspendue à la discrétion du décret présidentiel même après avis du Conseil supérieur de la magistrature, limite considérablement l’indépendance du juge et de la justice. Etant entendu que le Président de la République qui est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, préside également le Conseil Supérieur de la Magistrature.

o Le Conseil constitutionnel: Il est l’instance compétente en matière constitutionnelle et électorale. En attendant sa mise en place effective, ses prérogatives sont assumées par la Cour Suprême du Cameroun.

o La Haute Cour de Justice: Elle est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par le Président de la République, le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et les hauts cadres de l’administration.

Les Organes Consultatifs : Ces organismes devraient jouer un rôle important dans le fonctionnement de l’administration active. Mais à l’observation, on se rend compte que ce rôle est fortement édulcoré, surtout que l’administration active a tendance à prendre des décisions en ignorant complètement ceux-ci:

• Le Conseil économique et social (C.E.S): organisme constitutionnel21. Son statut est fixé par

l’ordonnance n° 72/9 du 26 août 1972 modifié par l’ordonnance n° 73/11 du 28 avril 1973. Le C.E.S a une double mission : il doit d’abord contribuer au renforcement de l’unité nationale en favorisant la collaboration entre les différentes régions et catégories professionnelles ; il doit ensuite assurer la participation de ces régions et catégories professionnelles à la politique économique du Gouvernement. Au-delà de cette mission noble et ambitieuse, le C.E.S n’est qu’une assemblée consultative et comme telle, il peut être saisi par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une saisine tantôt facultative, tantôt obligatoire.

• La chambre de commerce, d’industries et de mines: établissement public placé sous la tutelle des ministères en charge du développement industriel et du commerce. Elle représente en effet l’ensemble des intérêts du secteur privé auprès des pouvoirs publics. Elle est régit par le décret n° 86/231 du 13 mars 1986 et est consultée sur : les règlements relatifs aux usages commerciaux, sur les réformes du régime du commerce, de l’industrie de l’artisanat, des mines et des prestations de services, sur la création, la réglementation ou la suppression de bourses de commerce, des salles de vente, sur les taxes intérieurs de la consommation, les taxes et impôts frappant les activités commerciales, industrielles, artisanales, minières ou de prestations de service.

• La chambre d’agriculture, de l’élevage et de la faune (CAEF): établissement public doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière: Son statut est fixé par le décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 modifié et complété par le décret n° 84/004 du 10 janvier 1984.. Elle est placée sous la tutelle conjointe des ministères de l’agriculture, de l’élevage et des industries animales. La CAEF est auprès des pouvoirs publics, l’organe consultatif et représentatif des intérêts agricoles, pastoraux et forestiers.

• Le Conseil Supérieur de la Magistrature: son organisation et son fonctionnement sont régis par la loi n° 82/14 du 26 novembre 1982. Il est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice – président. Il donne son avis sur la carrière des magistrats, et sur l’exercice du droit de grâce par le Président de la République.

• Le Conseil Supérieur de la Fonction publique: institué par le décret n° 94/189 du 7 octobre 1994 portant statut général de la fonction publique de l’Etat. Il est présidé par le Premier ministre. Il émet des avis sur la fonction publique relative à son organisation et à son fonctionnement.

• Le Conseil National de la Communication: institué par le décret de 1992 portant organisation des services du Premier ministre auxquels il est rattaché. Il donne son avis sur le fonctionnement des organismes publics audiovisuels.

21 Article 54 de la Constitution de la République du Cameroun

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Rôle de la société civile et des médias Le phénomène associatif est relativement récent au Cameroun. La loi portant régime des associations de 1967 était en effet particulièrement restrictive, et soumettait leur création au régime de l’autorisation préalable, par le Ministre en charge de l’Administration Territoriale. Avec l’adoption des lois libéralisant la vie politique en décembre 1990, le Cameroun s’est doté d’une nouvelle loi portant régime des associations, qui prévoit le régime de la déclaration, auprès de la préfecture. Cette procédure simplifiée a donné lieu à une véritable éclosion du mouvement associatif, et l’on dénombre aujourd’hui plus de 1000 associations au Cameroun, actives autour d’une variété de problématiques (éducation, santé, environnement, accès aux services sociaux de base, formations, appui au développement local, etc.). A côté de ces associations, on également assisté, au niveau local, à un développement prodigieux du mouvement associatif, grâce notamment aux lois organisant les coopératives et les Groupes d’Intérêt Commun (GIC). Enfin, depuis 1999, le Cameroun dispose d’une loi sur les ONG, qui cohabite avec les précédentes, et qui met en place un régime plus restrictif auquel sont soumises les ONG. S’agissant plus spécifiquement des communautés autochtones, on peut identifier deux types d’associations :

• les associations autochtones. On note deux mouvements dans la création des associations d’autochtones.

o Les premières associations ont été crées au milieu de la décennie 90 dans la région de l’Océan, avec des communautés Bagyeli. Il s’agissait de la CODEBABIK, qui a connu des difficultés de fonctionnement, dues en partie à la faible compréhension, par les organisations d’appui, des spécificités de la représentation au sein des communautés Bagyeli.

o A partir du début des années 2000, on a assisté à la création de nouvelles associations d’autochtones au Cameroun. Il s’agit de MBOSCUDA chez les Mbororos, de l’ASBAK, CADDAP, ASSOBAKA, chez les Baka, etc.

• les associations d’appui aux communautés autochtones. Les quatre premières décennies après l’indépendance ont été marquées par l’action d’une poignée d’organisations dans l’appui aux communautés autochtones. Il s’agissait notamment de l’Eglise catholique (surtout dans le sud et l’est du Cameroun, au bénéfice des populations autochtones des forêts), et de la SNV (alors association néerlandaise de Volontaires). Par exemple, en 1968, un évêque nomme Van Haygen a crée un projet d’aide à la promotion des pygmées dans sa circonscription ecclésiastique dénommée « Projet Pygmées Est-Cameroun » (PPEC). Ce projet s’est mué plus tard en association, Appui à l’Autopromotion des Populations de l’Est-Cameroun (AAPPEC) qui a travaillé pendant près de quarante ans pour l’amélioration des conditions de vie des populations Baka de l’Est du Cameroun, avec l’appui de l’ONG Néerlandaise CORDAID. Depuis le milieu de la décennie 90, de nombreuses autres organisations se sont engagées dans cette problématique (projets de conservation, ONG internationales et nationales). La plupart de ces organisations sont regroupées au sein du Réseau Recherche-Actions Concertées Pygmées (RACOPY).

Tableau 1 : Organismes et associations privés de développement

présents dans la région

Numéro Nom de la structure

Droit/Origine Domaine d’action

Zone d’action

Principales actions menées

1 MUDICUS MUNDI

Espagnole Santé Lolodorf et Ngovayang

-Mise en place des Comités de santé -Equipement et construction des centres de santé

2 FEDEC Néerlandaise Environnement Lolodorf -Suivi évaluation environnementale

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sur le tracé du pipeline Tchad –Cameroun

3 SAILD Suisse Autopromotion des pygmées

Lolodorf et Bipindi

-Autopromotion des pygmées -Sensibilisation à l’entretien routier

4 PLANET SURVEY

Camerounaise Environnement- forêt et agriculture

Lolodorf et Bipindi

Droit à la citoyenneté -Sensibilisation VIH-SIDA

5 CED/FPP Camerounaise Environnement- forêt

Akom II et Campo

-Cartographie d’occupation de l’espace -Droit d’usage

6 CBCS Ngovayang Forest Project

ONG camerounaise

Environnement et gestion durable des ressources naturelles

Massif forestier de Ngovayang et alentours

-Renforcement des capacités des communautés locales en vue de la gestion durable des ressources naturelles -Amélioration du niveau de vie des populations

7 FONDAF ONG camerounaise

Education et formation

Bipindi Formation primaire des pygmées Bagyéli

Source : V. ACHANCHO& E. PANDONG. 2003 La presse a suivi à peu près le même cheminement que les associations. En effet, après une période quasi monolithique, elle est devenue résolument pluraliste au début de la décennie 90. En dehors des organises spécialisés (généralement des journaux contrôlés par des associations), elle accorde malheureusement bien peu d’importance aux questions relatives aux populations autochtones. Les rares allusions aux populations autochtones dans les journaux sont généralement anecdotiques. La même analyse est avalable pour les médias électroniques (radios et télévisions). Les médias s’inscrivent dans la dynamique folklorique qui considère les peuples autochtones comme des peuples rétrogrades, arriérés et inutiles ; et par conséquent intéressants pour le tourisme et l’exotisme. . Il n’y a que quelques journaux publiés par la société civile qui s’intéressent aux peuples autochtones. C’est le cas de Bubinga du CED. 3. Le système juridique au Cameroun Le Cameroun a subi des influences juridiques diverses, et le droit actuel de l’Etat est le reflet de cette diversité. Ainsi après le protectorat allemand (1884-1916), marqué par l’exportation d’un droit d’inspiration allemande au territoire, ont succédé un système de Common Law (sur le Cameroun sous mandat, puis sous tutelle Britannique) et un système de droit civil, dans le Cameroun sous administration française. Après l’indépendance (1960) et la création de l’Etat unitaire (1972), le législateur camerounais a tenté d’organiser une cohabitation entre éléments de chacun des deux systèmes dans un modèle hybride, unique en Afrique. Cette cohabitation s’est cependant rapidement muée en un mouvement

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d’uniformisation du droit, conduit au détriment du système anglo-saxon, et marqué par le recul de la règle du précédent et la prépondérance des textes législatifs et réglementaires. La Constitution du Cameroun fût adoptée par la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972. Certaines de ses dispositions ont été modifiées et complétées par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008. La Constitution du 18 janvier 1996 est l’une des rares, sinon la seule de l’Afrique subsaharienne à faire usage du mot « autochtone ». Elle dispose à cet effet dans son préambule que : « l'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Cette disposition de la loi fondamentale Camerounaise est renforcée par sa tradition orale reconnaissant à certaines communautés des droits immémoriaux sur certaines terres. La Constitution reconnaît en outre l’égalité de tous les Camerounais en droits et en devoirs et dispose que « l’Etat assure à tous les citoyens les conditions nécessaires à leur développement ». Et selon la lettre de l’article 2 de cette constitution, la République du Cameroun « reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à la loi ». Cela dit, il n’y a aucune loi de ce pays qui n’explicite pas ces dispositions constitutionnelles. Le droit objectif au Cameroun, entendu comme l’ensemble constitué par des règles générales et impersonnelles ayant vocation à régir la vie en société, n’est pas seulement composé du droit positif, mais aussi de la coutume. Cette dernière, qui peut être définie comme un usage ayant acquis un caractère juridiquement obligatoire, a longtemps été, avant la colonisation de ce pays, la source principale sinon unique du droit. Et le droit positif camerounais continue à le prendre en charge jusqu’aujourd’hui. L’article 4 du décret n° 4/DF/504 du 19 décembre 1969 fixe l’organisation et la procédure devant les juridictions traditionnelles du Cameroun oriental (modifié par le décret n° 71/DF/607 du 3 décembre 1971). Ce texte dispose d’une part que : « les tribunaux du 1er degré connaissent des procédures relatives à l’état des personnes, à l’état civil, au mariage, au divorce, à la filiation, aux successions et aux droits réels immobiliers » et d’autre part que « les tribunaux coutumiers connaissent des différends d’ordre patrimonial et notamment des demandes en recouvrement des créances civiles et commerciales et des demandes en réparation des dommages matériels et corporels et des litiges relatifs au contrat ». Ainsi donc, le droit coutumier demeure en principe applicable uniquement en matière civile et commerciale à l’exclusion du droit pénal Globalement, et dans le cas spécifique de l’accès à la terre et aux ressources naturelles par les peuples autochtones et nomades qui nous intéresse, on note un net recul des droits coutumiers sur le droit foncier moderne et le foncier forestier au profit de la législation forestière moderne22, laquelle est axée sur des logiques d’appropriation publique et de spécialisation des espaces forestiers (forêts permanentes, forêts non permanentes, aires protégées, etc.). Il en ressort que même les espaces du domaine national que l’État considère comme « vacants et sans maître » ne constituent rien d’autre que la propriété coutumière nationale. Bien plus, les droits d’usage coutumiers apparaissent comme des droits limités à l’autoconsommation, de ce fait sans véritable portée économique strictement réglementée, et sont donc en cela précaires. Un tel dispositif juridique ne peut être que discriminatoire, essentiellement pour les peuples autochtones forestiers qui ont tissé des liens séculaires avec la nature. Ainsi, en s’appropriant – à travers l’institution du domaine national – la terre ainsi que ses ressources naturelles, l’État a sensiblement réduit les chances qu’auraient les peuples autochtones et nomades d’en partager la gestion avec lui. Cette politique de monopole de la propriété du foncier et du foncier forestier par l’État, de même que la restriction de liberté d’en disposer à sa guise, sont des obstacles majeurs à l’épanouissement des peuples autochtones et nomades au Cameroun. L’organisation judiciaire au Cameroun est régie par la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006. Son article 3 cite les différents degrés de juridiction existant au Cameroun. On distingue deux ordres de juridiction :

22La loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

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Les tribunaux de l’ordre judiciaire On peut distinguer entre les juridictions traditionnelles et celles de droit moderne.

Les juridictions traditionnelles : * Le tribunal coutumier * Le tribunal du premier degré

Les juridictions de droit moderne Le Tribunal de Première Instance Le Tribunal de Grande Instance La Cour d’appel La Cour Suprême La justice administrative La justice administrative est organisée en 2 niveaux de juridiction :

• La Chambre Administrative de la Cour Suprême • L’Assemblée Plénière de la Cour Suprême, instance d’appel.

Les juridictions d’exception Il s’agit des tribunaux militaires, et du Conseil Constitutionnel. Malgré l’adoption de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel par l’Assemblée nationale et l’article 51 (nouveau) de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, le conseil constitutionnel reste un projeté dans la pratique. En l’état actuel des choses, c’est la Cour suprême qui statue en lieu et place du Conseil constitutionnel en matière constitutionnelle et électorale. La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par : Le Président de la République en cas de haute trahison ; le Premier Ministre, les autres membres du Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoirs23. 3.2. Sources de droit Les sources du droit camerounais sont classiques, et se regroupent autour :

• des sources écrites • des sources non écrites

Les sources écrites sont hiérarchisées, et comportent : • Les traités internationaux régulièrement ratifiés par le Cameroun • La constitution • Les lois • Les textes réglementaires

La coutume est la seule source non écrite. Les tribunaux peuvent y faire recours dans deux cas de figure :

• les parties à un différend choisissent explicitement de se faire appliquer la coutume, en optant pour le tribunal de premier degré, ou pour un tribunal coutumier

• le juge décide de faire recours à la coutume, sur une question non couverte par le droit écrit

Dans la pratique, le recours du juge aux coutumes des peuples autochtones est difficile, voire impossible, en raison de l’inexistence d’assesseurs originaires des ethnies autochtones dans les tribunaux de premier degré. Les seuls assesseurs représentant les coutumes locales sont issus des

23 Voir Article 53 (nouveau) de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.

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tribus bantoues majoritaires dans ces régions, et les références sont faites aux coutumes dominantes. Il faut également noter l’absence de traduction vers des langues autochtones, ce qui oblige ces derniers à faire face aux procès dans des langues qui ne sont pas les leurs (Boulou, Fang, Kozimé, Ewondo, etc.). 3.3 La place du droit international dans l’ordre juridique national est réglée par la Constitution, dont l’article 45 est ainsi libellé :

« Les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

Les conventions ratifiées créant des droits pour les autochtones, une fois qu’elles sont ratifiées par le Cameroun, s’imposent donc à tous, puisqu’elles sont au sommet de la hiérarchie des normes de l’Etat. L’ensemble des textes (constitution, lois, règlement) devrait donc refléter le contenu des engagements internationaux de l’Etat, ce qui n’est pas toujours le cas.

3.4 L’état de ratification de quelques conventions internationales des Nations unies, de l’OIT et conventions régionales

CONVENTION

DATE DE SIGNATURE

DATE DE RATIFICATION

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (CCPR)

27 juin 1984

Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels (CESCR)

27 juin 1984

Protocole facultatif au CCPR

27 juin 1984

Convention internationale sir l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD)

24 juin 1974

Article 14 du CERD

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)

23 août 1994

Protocole facultatif au CEDAW

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15

Convention relative aux droits de l’enfant (CRC)

11 janvier 1993

Protocole facultatif à la CRC concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

05 octobre 2001

Protocole facultatif à la CRC concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

05 octobre 2001

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW)

Article 77 CMW

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT)

19 décembre 1986

Article 22 CAT

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Convention relative à l'esclavage 1927

07 mars 1962

Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage 1956

27 juin 1984

Convention sur la diversité biologique

1996

ILO 29 (Forced labour)

07 juin 1960

03 septembre 1962

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16

ILO 105 (abolition of forced labour) ILO 100 (equal remuneration)

25 mai 1970

ILO 111 (discrimination in employment and occupation)

13 mai 1988

ILO 107 (indigenous and tribal peoples)

ILO 169 (indigenous people)

ILO 138 (minimum age)

13 août 2001

ILO 182 (worst forms of child labour)

05 juin 2002

African charter

29 juin 1989

African charter on the rights of the Child

05 septembre 1997

Protocol on the rights of women

Protocol on the African court

25 juillet 2006

Convention on Nature and Natural resources, 1968

18 juillet 1977

Revised convention on Nature and Natural resources, 2003

OAU Refugee convention 1969

10 septembre 1969

Cultural charter for Africa

29 juillet 1981

Les dispositions constitutionnelles, législatives et administratives relatives aux populations autochtones Statut des communications et des rapports de l’Etat Le Cameroun est partie à plusieurs instruments juridiques internationaux, contraignants ou non, organisant de manière directe ou incidente la protection des droits des peuples autochtones. Au nombre de ceux-ci, on peut citer le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, la Convention sur l’Elimination de la Discrimination Raciale, la Convention sur l’Elimination de la Discrimination à l’égard des Femmes, la Convention sur la Diversité Biologique, la Charte Africaine

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des Droits de l’Homme et des Peuples, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones… Ces différents instruments font partie de l’ordre juridique interne du Cameroun, conformément à l’article 45 de la Constitution du 18 janvier 199624. La mise en œuvre, considérée comme une « opération consistant à donner effet à la règle de droit, à un traité, à une disposition de celui-ci ou à une décision »25, est sans doute le volet le plus délicat en droit international. Le Cameroun comme de nombreux pays en voie de développement fait face à des obstacles certains dans ses efforts de mise en œuvre des conventions auxquelles il est partie. Ceux-ci ont trait à sa situation économique, à des difficultés d’ordre technique, et à l’absence d’harmonisation de la législation nationale avec les conventions internationales. Le Cameroun a ratifié la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des femmes le 23 Août 1974, sans formuler de réserve. Il a soumis son dernier rapport au Comité sur l’Elimination des Discriminations à l’égard des Femmes en 200026. Dans ce rapport, le Cameroun a fait état de mesures législatives susceptibles de défavoriser les femmes, de l’existence de mesures visant à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes au plan interne, de la persistance des violence à l’égard des femmes comme obstacles à la mise en œuvre de la convention... Le Comité a relevé le fait que l’allocation insuffisante de ressources en vue de la promotion des droits des femmes et l’exécution partielle des programmes et projets constituent des facteurs restrictifs à une plus grande prise en compte des droits des femmes. Il a à cet effet invité le Gouvernement camerounais à affecter des ressources suffisantes aux programmes de promotion des femmes, il a encouragé le Gouvernement camerounais à élever le taux d’alphabétisation chez les filles, à réduire le taux d’abandon scolaire qui demeure élevé, et à augmenter le taux de filles suivant un enseignement de base. Le Comité a également recommandé que l’accès égal aux processus de prise de décision soit assuré, pour la femme rurale, notamment dans les services sociaux de base (éducation, santé, eau potable, etc. ).

Dans son dernier rapport adressé au Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale

(CEDR) en 1997, le Cameroun affirme que l’encadrement des pygmées Baka/Bakola de l’Est et du Sud est effectif, à travers les projets d’intégration socio économique mis en œuvre par l’administration. Il fait également cas de la stabilisation de ces derniers dans leurs campements, de leur initiation aux activités agricoles, de l’amélioration et de l’humanisation des rapports interpersonnels entre les communautés autochtones et leurs voisins, de la construction de centres de santé, de l’initiation aux mesures d’hygiène et de salubrité, de la scolarisation des enfants Baka/Bakola, de l’octroi d’aides scolaires spéciales à ces certains d’entre eux. Le Comité a relevé la consécration des droits des « minorités » et des « populations autochtones » dans le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 et a félicité le Cameroun pour la ratification de diverses conventions de protection des droits de l’homme. Le Comité a par la suite relevé la nécessité d’une protection effective des minorités et des populations autochtones afin que soit pris en compte leurs modes de vie dans leur milieu plus particulièrement pour les Pygmées et les Mbororo, sujet de préoccupation au regard de l’article 2.2 de la Convention et de la Recommandation générale XXIII du Comité sur les droits des populations indigènes. Dans le but de protéger et de promouvoir les droits des minorités et des populations autochtones, le Comité a recommandé au Cameroun de prendre toutes les mesures appropriées, en particulier en ce qui concerne les activités de déforestation qui peuvent nuire à ces populations27. Le Cameroun a adressé en Avril 2000 un rapport périodique au Comité des droits de l’enfant28, qui s’est dit préoccupé par la différence de l’âge légal de mariage entre les filles et les garçons29 et par la baisse des fonds alloués à la mise sur pied des services sociaux en faveur de l’enfance. Le Comité a également relevé la situation insatisfaisante dans laquelle se trouvent les enfants de groupes

24 « Les traités et accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont dès leurs publications une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ». 25 Dictionnaire de la terminologie du droit international, 1960. 26 Voir A/55/38, paras.30-66. (concluding observations/comments) 27 20/03/98.CERD/C/304/Add.53 28 Voir CRC/C/15/Add.164 du 6 novembre 2001 29 18 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles

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marginalisés dont les droits n’étaient pas respectés notamment les droits aux soins de santé, à l’éducation, à la survie et au développement, l’absence de sensibilisation des groupes professionnels travaillant dans des domaines en rapport avec les enfants, l’absence d’enregistrement des enfants dès la naissance. Le Comité a recommandé au Gouvernement camerounais de prendre des mesures visant à mettre sa législation interne en conformité avec la convention, de mettre sur pied au plan national un seul organe ou un mécanisme de coordination en vue de l’application effective de la Convention. La nécessité de doter le dispositif de ressources humaines et financières adéquates a été évoquée, de même que l’importance de la participation des ONG et des autorités traditionnelles à des programmes visant à lutter contre les coutumes et traditions contraires à l’esprit de la convention. L’enregistrement des enfants à la naissance, l’amélioration de l’accès aux soins de santé primaire, la réduction de la mortalité maternelle et infantile, la prévention la malnutrition, notamment parmi les groupes d’enfants vulnérables et défavorisés, la mise en place d’un système de collecte de données avec des indicateurs conformes aux dispositions de la Convention sur les Droits de l’Enfant, ventilés par sexe, âge, groupes, …sont autant d’exigences de la convention que le Cameroun tarde encore à respecter. Le Comité estime qu’un accent particulier devra être mis sur les enfants vulnérables (enfants victimes de violence, de négligence ou de mauvais traitement, enfants handicapés, enfants appartenant à des groupes marginalisés tels que les enfants Mbororos et « pygmées », Mafa et d’autres enfants ayant besoin d’une protection spéciale).

Enfin, l’importance de la vulgarisation de la convention auprès des groupes analphabètes a été réaffirmée, de même que la nécessité d’en assurer la traduction dans les différentes langues nationales.

Le Comité a cependant reconnu que les difficultés de mise en œuvre de la Convention étaient liées au dualisme juridique30, à la coexistence du droit coutumier et du droit écrit, à l’éloignement et à l’inaccessibilité de certaines régions caractérisées par les disparités de développement entre elles.

Le Cameroun a ratifié le Pacte International relatif aux Droits Economiques, sociaux et

culturels le 16 décembre 1966. Dans son rapport de mai 199731, il a fait part entre autre au Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels de la reconnaissance des droits consacrés dans le Pacte à toute personne vivant sur le territoire national sans distinction de nationalité à l’exception des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires de sauvegarde de la souveraineté nationale. Il a affirmé à cet effet être partie à la Convention 111 de l’OIT concernant la discrimination d’emploi et de profession qui favorise l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, dispositions qui sont consacrées dans sa Constitution et dans son Code du Travail. Il a également fait cas au Comité de l’abondance de main d’œuvre non formée, de l’absence de discrimination en matière salariale. Le Comité a recommandé à l’Etat camerounais de prendre des dispositions afin d’assurer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, tels qu’énoncés dans le Pacte, à l’ensemble des camerounais y compris aux personnes vulnérables. Une attention particulière doit être accordée aux ouvriers des plantations agricoles. S’agissant de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, il est question que l’Etat le modifie, afin d’assurer une meilleure prise en compte des besoins des groupes vulnérables. La protection des populations Baka dans le cadre de la négociation des grands projets d’infrastructure a été également été évoquée. Les projets récents se sont en effet traduits par des impacts négatifs sur les modes de vie de ces communautés de nomades.

30 Droit civil et common law 31 Voir E/1990/5/Add.35 du 22 janvier 1998

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Institutions nationales des droits de l’homme La Commission Nationale des Droits de l’Homme

Créée par la loi n°2004/016 du 22 juillet 200432, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) est composée de trente membres, organisé autour de quatre sous commissions33. Elle a pour mission d’assurer la promotion, la protection, l’observation et la consultation en matière des droits de l’homme. Elle peut coopérer avec les ONG et associations nationales de protection des droits de l’homme dans l’accomplissement de ses missions. Ses activités de promotion consistent en la sensibilisation et la formation sur les droits de l’homme, l’éducation en milieux formels et informels, la recherche, la production d’études ainsi que la diffusion de la documentation et la vulgarisation par tous les moyens des instruments relatifs aux droits de l’homme. Les canaux utilisés par la CNDHL sont cependant peu appropriés pour les peuples autochtones dans la mesure où ceux-ci n’ont pas tenus compte de leur faible niveau d’instruction, de l’enclavement de certaines de leurs communautés34. Ceux-ci ont porté sur l’organisation de séminaires et ateliers, la mise sur pied de programmes radio, la diffusion du magazine de la CNDHL, la mise sur pied de programmes de stages de perfectionnement en coopération avec certaines Universités, les relations avec les partenaires nationaux et internationaux35…

Dans le cadre de ses activités de protection des droits de l’homme, la CNDHL reçoit des requêtes36 portant sur les cas de violation des droits de l’homme, procède à des investigations, à des visites dans les établissements pénitentiaires, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie. Elle peut également effectuer des médiations et conciliations dans des conflits dont elle est saisie. La Commission peut jouer le rôle d’observateur à l’occasion des élections. La CNDHL peut également sur sa propre initiative ou sur la base de requêtes, faire des propositions aux pouvoirs publics dans le domaine des droits de l’homme. Le fonctionnement de cette institution présente cependant quelques faiblesses. Ses interventions ne sont pas équitablement réparties sur l’ensemble du territoire national. Son siège est basé à Yaoundé, elle dispose actuellement de deux représentations dans les provinces du Nord Ouest37 et du Sud Ouest. Elle envisage de créer des antennes en 2008 et 2009 dans les provinces du sud, de l’Est, du Littoral, du Nord, de l’Extrême Nord et de l’Adamaoua. Son existence reste encore peu connue par la majorité des camerounais plus particulièrement en milieu rural. Son rôle se résume actuellement en l’examen de plaintes impliquant les personnes privées38, les exactions commises par les pouvoirs publics faisant difficilement l’objet de commentaires publics. Sa crédibilité est sérieusement entamée du fait des limitations de son mandat, de ses sources de financement39 et de la procédure de nomination de ses membres40. De plus, ses recommandations ne sont pas contraignantes pour les institutions auxquelles elles sont adressées.

32 La loi de 2004 a abrogé le décret n°90/1459 du 08 novembre 1990 instituant le Comité National des Droits de l’Homme et des Libertés. 33 Sous commission des droits civils et politiques, sous commission des sociaux économiques et culturels, sous commission des groupes vulnérables, sous commission des questions spéciales. Leurs attributions et leurs modalités de fonctionnement sont fixées par le règlement intérieur de la Commission 34 Cf. Rapport d’activités quadriennal 2003-2006 35 Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, « Rapport d’Activités Quadriennal 2003-2006 » 36 Verbales ou écrites 37 Province où est concentré le plus grand nombre de Mbororos au Cameroun 38 Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, « Rapport d’activités quadriennal 2003-2006 » P. 51 39 Aux termes de l’article 20 de la loi de 2004 créant la CNDHL prévoit que les ressources de la Commission proviennent : des dotations inscrites chaque année au budget de l’Etat, d’appuis provenant des partenaires nationaux et internationaux, des dons et legs. 40 Les nominations se font par décret présidentiel.

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La localisation de la Commission à l’extérieur des provinces abritant les populations autochtones est un obstacle supplémentaire à sa saisine par ces groupes, au moins en raison des coûts de déplacement. L’Observatoire indépendant dans le secteur forestier Pour améliorer le cadre de gestion des forêts au Cameroun, l’une des innovations les plus visibles a été la mise en place de deux observateurs indépendants. Le premier est l’Observateur Indépendant de l’attribution en 1999 ; sa mise en place coïncide avec la mise aux enchères des titres d’exploitation forestière permettant ainsi une plus grande transparence dans l’attribution des titres d’exploitation. Cet observateur composé dans son ensemble des membres de la société civile, avait pour rôle de superviser l’attribution des titres forestiers longtemps restée le fait du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Le deuxième est un observateur indépendant de contrôle qui est chargé d’observer et rapporter (monitor) à la fois l’allocation des ressources et l’application de la loi forestière et son utilisation dans la régulation des opérations forestières. Elections Cameroun (ELECAM) La création d’Elections Cameroun, six ans à peine après celle de l’ONEL (Observatoire National des Elections)41, marque la force de la revendication d’une structure neutre indépendante chargée de gérer le processus électoral, excluant l’administration active de l’Etat. ELECAM est donc « un organisme indépendant chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’ensemble du processus électoral et référendaire »42. Elle exécute ses missions dans le respect des dispositions de la constitution ainsi que des lois et règlements en vigueur. Elle est doté d’une personnalité juridique et jouit d’une autonomie financière. PARTIE 2 : LA PROTECTION JURIDIQUE DES POPULATIONS AUTOCHTONES DU CAMEROUN 2.1. Reconnaissance et identification La Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples consacre le droit de tout peuple à l’existence. Elle affirme le droit qu’a tout peuple à l’autodétermination ainsi que la possibilité qu’a ce dernier de déterminer librement son statut politique, son développement économique et social selon la voie qu’il a librement choisie43. le Cameroun fait partie des Etats ayant voté en faveur du projet de Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies le 29 juin 2006 et le 13 septembre 2007 devant l’Assemblée des Nations Unies. Le Gouvernement camerounais, de concert avec la communauté internationale a pour la première fois célébré la Journée Internationale des Peuples Autochtones le 09 Août 2008. Le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 consacre la préservation des droits des « populations autochtone »44conformément à la loi. Cette mention contribue à entretenir une certaine ambiguïté au plan interne du fait des divergences d’interprétations existantes autour de cette notion. La loi forestière de 1994 utilise à la fois les notions de « populations autochtones », « communautés villageoises », de « communautés », sans que celle-ci ne fassent spécifiquement allusion aux peuples autochtones tel que consacré dans les différents instruments juridiques internationaux de protection des droits de ces groupes. Une reconnaissance effective des droits des peuples autochtones implique d’une part l’affirmation de leurs droits au plan textuel, ce qui passe nécessairement par la définition de critères permettant de les identifier. Les communautés qui s’auto identifient comme étant autochtones bénéficient cependant du même statut que les diverses communautés locales qui vivent sur l’ensemble du territoire

41 Loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000, portant création d’un Observatoire National des Elections modifiée et complétée par la loi n° 2003/015 du 22 décembre 2003. 42 Article 1er alinéa 2 de la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’ « Elections Cameroun » (ELECAM). 43 Article 20 de la Charte. 44 « L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». il est important de préciser ici que le terme populations autochtones dénote d’une perception démographique et restreint le champ d’application de cette notion dans la mesure où le sens ici visé renvoie au natif par opposition à l’allochtone.

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camerounais. Si ce concept laisse clairement percevoir l’existence de groupes sociaux distincts, aucun texte législatif ou réglementaire ne vient en préciser le contenu au plan interne. Au Cameroun, deux groupes réunissent les caractéristiques de peuples autochtones conformément aux normes et standards internationaux de protection des droits de l’homme45. Il s’agit d’une part des pygmées46, chasseurs cueilleurs à l’origine qui fondent leur autochtonie sur l’antériorité de leur occupation des espaces forestiers47. Les droits fonciers de ces groupes ont été entachés depuis la période coloniale par la dépossession de leurs terres ancestrales,48 cet état de fait s’est accentué après les indépendances. D’autre part on observe les Mbororos49, éleveurs qui s’appuient sur l’attachement à leur culture et sur leur mode de vie menacé d’extinction50. Il est important de relever ici que le critère de l’auto identification demeure le critère subjectif en matière d’identification de ces deux groupes. Les revendications identitaires des peuples autochtones trouvent des difficultés d’insertion dans le dispositif judiciaire et administratif camerounais. Cet état de fait est marqué par le fait que les pouvoirs publics camerounais récusent à dessein l’appellation de « peuples autochtones ». Les Pygmées et Mbororo sont classés dans la catégorie des couches défavorisées et sont désignés par le vocable de « populations marginales » terme vague et englobant51 dont la portée juridique et revendicative est faible. Le décret n° 2004/ 320 du 08 décembre 2004 attribue des missions supplémentaires au Ministère des Affaires Sociales (MINAS). Son article 5 précise que, le MINAS a entre autres missions, « la facilitation de la réinsertion sociale et la lutte contre les exclusions et la promotion de la solidarité nationale, une stratégie visant à fédérer des efforts techniques, managériales, sociaux et économiques des partenaires publics, parapublics et privés, en vue de l’épanouissement des populations cibles ». Ces populations cibles étant les Pygmées, Mbororos, les populations des criques et des îles, les montagnards, les populations sinistrées déplacées du fait de catastrophes ou de la guerre, les populations transfrontalières. Cette assimilation unidimensionnelle des peuples autochtones et nomades dans la catégorie de populations marginales est un usage déplacé et brouillé de la notion de peuples autochtones. Ces derniers sont tenus pour indigents, incapables, en situation ‘d’alerte rouge’ et en péril de mort si la solidarité nationale, entendue ici comme la solidarité de la société dominante ne venait pas à leur secours. En raison de leur culture, de leurs traditions et de leurs modes de vie, les peuples autochtones et nomades au Cameroun sont assimilés à des populations non seulement marginales, mais aussi et surtout sinistrées à la manière des victimes des catastrophes et des guerres. Dans cet ordre d’idées, il ne s’agit pas pour eux d’être reconnus en tant que des individus possédant des droits qui ont besoin d’être pris en compte, mais comme des fardeaux de l’Etat et de la société dominante. La classification des Pygmées et Mbororo dans la catégorie des populations marginales peut être perçue comme une stratégie de l’Etat camerounais, qui manifeste à travers elle une volonté d’approche pragmatique de la question sur son territoire, faisant ainsi du concept de « peuple autochtone » une notion non juridiquement fonctionnelle. Seules des politiques52, programmes53,

45 Convention 169 de l’OIT, Rapport du groupe de travail d’experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les populations et communautés autochtones 46 Baka, Bakola, Bagyeli et Bedzang qui vivent dans les provinces du Sud, de l’Est et du Centre 47 Dr Albert K. Barume, « Etude sur le Cadre Légal pour la Protection des Droits des Peuples Indigènes et Tribaux au Cameroun » Organisation Internationale du Travail, 2005 P. 24-25 48 L’absence d’emprise réelle de ces groupes sur l’espace est à l’origine de la confiscation de leurs terres ancestrales celles-ci étant réputées « terra nullius » 49 On les retrouve dans les provinces du Nord Ouest, de l’Adamaoua, de l’Est et de l’Extrême Nord 50 Albert K. Barume up cite 51 Ce terme désigne à la fois les autochtones et les non autochtones considérés comme marginaux en distinguant les communautés nouvellement marginales à savoir les habitants des îles formées par les criques frontalières, les Koma des monts Atlantitika, les réfugiés tchadiens et rwandais, les populations déplacées de Bakassi et du Nord Ouest Cameroun de celles considérées comme traditionnellement marginales regroupant les Mbororo, les Pygmées, les montagnards agriculteurs. 52 Politique nationale de la population à travers la promotion de l’autosuffisance et de la sécurité alimentaire, la promotion de l’éducation pour tous notamment celle de la fille 53 Programme National de Développement Participatif, Programme Sectoriel Forêt Environnement

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stratégies et projets54 contribuent à sortir ces groupes sociaux de l’état de marginalisation dans lequel ils vivent. L’un des obstacles lié à l’identification des peuples autochtones réside dans la typologie de leurs modes de vie qui pour la plupart tendent à disparaître. Les projets initiés à leur endroit visent plus à les sédentariser qu’à les intégrer socialement. Certains d’entre eux ont accès à la modernité du fait de leur cohabitation avec leurs voisins Bantous, Foulbés... L’organigramme du Ministère des Affaires Sociales, Institution en charge de l’insertion sociale des peuples autochtones55 au Cameroun présente clairement les prérogatives aussi bien vis-à-vis de ces groupes que des autres franges sociales. Il s’agit notamment de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de prévention et d’assistance sociale, de la promotion de l’individu et de la famille, du respect des droits de la femme, de la promotion des droits de l’enfant. Depuis le 08 Août 1997, le Ministère des Affaires Sociales a initié de mettre sur pied une politique d’insertion sociale des populations marginales qui revêt à la fois une dimension socio économique56 et juridique qui vise l’élaboration et la mise en de textes portant sur la question foncière, le droit de tirer profit des ressources naturelles, le droit à l’éducation, à la santé, la lutte contre les comportements assimilateurs, la protection sociale orientée vers les groupes vulnérables tels que les enfants… A travers lui, le Gouvernement camerounais entend contribuer à l’instauration d’une justice sociale conformément à l’esprit du préambule de la Constitution à travers l’application du principe d’égalité de tous devant la loi. La reconnaissance implicite du statut d’autochtone aux communautés Pygmées et Mbororos au Cameroun est cependant marquée par l’influence des Institutions Internationales. Des acteurs aux intérêts divers se sont jusqu’ici mobilisés autours de la protection des droits de ces groupes. Certains par leur poids financier ont réussi à édicter des règles conditionnant l’obtention de leurs financements, c’est le cas de la Banque Mondiale à travers la politique 4.20 qui a par la suite été remplacée par la politique OP/BP 4.10 depuis le 10 mai 2005. Celle-ci recommande qu’un accent soit mis sur l’implication de ces communautés dans les différents processus de prise de décision, ainsi que le respect des droits fondamentaux avant et pendant la mise en œuvre de projets. Les directives contenues dans cette politique ont abouti à l’élaboration d’un Plan de Développement des Peuples Autochtones dans le cadre de la mise en œuvre du pipeline Tchad Cameroun. D’autres acteurs intervenant sur les questions environnementales à l’instar de l’Union Européenne participent par leurs actions à l’élaboration du droit international en attirant l’attention de la communauté internationale sur la situation de ces groupes tout en proposant des solutions en vue d’y remédier à travers le financement de projets, la mise sur pied de processus à l’instar du processus Forest Law Enforcement Governance and Trade (FLEGT). On note au Cameroun des tentatives de reconnaissance des peuples autochtones à travers diverses stratégies ou politiques qui visent soit à les intégrer au plan social soit à assurer la prise en compte de leurs droits en cas de mise en œuvre de projets tel est le cas du Plan pour les Peuples Autochtones Vulnérables qui prévoit la mise en œuvre d’activités telles que l’agriculture, l’éducation. Le problème relevé dans le cadre de ces activités à trait à l’adaptabilité de ces mécanismes qui renferment en eux des germes de sédentarisation voir d’acculturation pour les groupes pygmées. La mise en œuvre des politiques de la Banque Mondiale a conduit à l’élaboration de stratégies visant à sécuriser les droits fondamentaux de ces groupes sociaux, ce qui a conduit à réduire la pauvreté à travers l’insertion de ces groupes dans le secteur social et dans le circuit économique. Tel est le cas du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DRSP) élaboré pour concourir aux Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) auxquels a souscrit le Cameroun. Cette stratégie à l’avantage d’être revue au fur et mesure de sa mise en œuvre pour plus d’efficacité. Le premier DRSP a été finalisé en 2003 constitué de 7 axes stratégiques caractérisés par la non prise en compte des

54 Les projets impliquant les peuples autochtones sont généralement financés par l’Etat (c’est le cas du Projet socio économique des Baka/Bakola mené dans les provinces de l’Est et du Sud Cameroun ou en partenariat avec des Institutions ou Organisations Internationales à l’instar de la Coopération technique belge dans le cadre du Projet PADES Baka. 55 Cette prérogative est assurée par la Direction à la Solidarité Nationale. 56 Elle met un accent sur les difficultés quotidiennes que rencontrent les peuples autochtones à savoir : la déforestation, les effets néfastes de certaines pratiques pastorales, l’utilisation des infrastructures sociales, les formations sur le fonctionnement des infrastructures socio économiques dans les domaines variés.

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spécificités de ces groupes ni dans les orientations stratégiques (sectoriels et ministériels) ni dans les dispositifs existants (institutionnels, opérationnel, statistique et de suivi évaluation). Cet état de fait était notamment lié à l’absence d’implication de ces groupes dans la phase d’élaboration de cette version. Ce qui a conduit les divers acteurs en présence à entamer l’élaboration d’une nouvelle version avec pour principaux résultats : « une nouvelle version du DRSP qui mettrait prioritairement l’accent sur la croissance et l’emploi »57 Des actions sont également entreprises dans le cadre de partenariats entre l’Etat et les organismes de coopération à travers la mise en œuvre de projets de développement, c’est le cas du Projet d’Appui au Développement Economique et social des Baka (PADES Baka) mis en œuvre dans le cadre d’un partenariat entre le Gouvernement camerounais et la coopération technique belge afin d’améliorer l’accès à la santé à travers la construction de cases de santé , la fourniture de médicaments essentiels, l’éducation sanitaire, l’amélioration du niveau d’instruction des Baka des localités de Djoum, Mintom et Oveng… C’est également le cas du projet Pro 169 du Bureau International du Travail (BIT) qui vise à améliorer les politiques existantes en vue de garantir un travail décent aux membres de communautés autochtones à travers la publication d’études sur la législation nationale, l’élaboration de stratégies visant la préservation des droits coutumiers des peuples autochtones ainsi que des activités contribuant à la reconnaissance de leurs droits fondamentaux, du projet API financé par le Gouvernement français à Dimako. Il est important de préciser que les projets spécifiques aux peuples autochtones dans le cadre du Programme National de Développement Participatif (PNDP) et du Programme Sectoriel Forêt Environnement (PSFE) restent insuffisants et ont des résultats limités sur ces derniers. Certaines ONG jouissant d’une assise nationale à l’instar du Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) ont contribué à travers ses actions de promotion et de protection des droits des communautés Baka et Bagyéli à favoriser une plus grande prise en compte des conditions de ces groupes sociaux au Cameroun en jouant le rôle de facilitateur entre l’Etat et les peuples autochtones. La négociation avec les communautés voisines aux Bagyelis fait partie des stratégies utilisées par le CED et ses partenaires afin d’assurer un accès à la propriété foncière à ces groupes qui ne bénéficient pas souvent de droits fonciers coutumiers sur les terres qu’ils occupent. Les divers projets menés au sein de cette organisation portent sur la reconnaissance des villages pygmées. Cette activité a conduit récemment à l’installation de chefs de communautés Bagyeli par les sous préfets de la localité d’Akom II et Bipindi dans le Sud Cameroun. (Campo Ma’an, cartographie participative, installation de chefs).

L’existence d’espaces protégés sur lesquels vivent les populations autochtones a abouti à la mise en œuvre de la cartographie participative qui a permis à ces derniers de réclamer le respect de leurs droits fonciers coutumiers sur des parcelles de terres occupées par des projets de conservation. Des formations sur l’usage du GPS et l’enregistrement système d’information géographique (GIS) a permis à des communautés vivant autours de réserves de mettre sur pied des cartes permettant de repérer leurs domaines d’activités. Ce mécanisme a joué en faveur des communautés vivant autours de la réserve de Campo Ma’an et a abouti à la reconnaissance d’un droit d’accès à la réserve après une réunion de concertation avec le WWF et le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) sous réserve que ces derniers mènent des activités strictement traditionnelles dans la zone (référence). Bien que toute équivoque ne soit pas encore levée autours du vocable « activités strictement traditionnelles », l’accès à la réserve par les Baka de la zone peut être considéré comme une avancée majeure dans le processus de reconnaissance des droits fonciers ancestraux de ce peuple et devrait être étendu aux différentes aires protégées existantes sur le territoire nation. L’influence des politiques s’est matérialisée par la collaboration étroite avec des Organisations Intergouvernementales (WWF, UICN…) et divers bailleurs de fonds à l’instar de la Banque Mondiale. Les actions de plaidoyers auprès de la Banque Mondiale dans le cadre du projet de construction de l’oléoduc Tchad Cameroun ont abouti avec l’appui d’autres organisations de la société civile à travers la création d’une plate forme regroupant les ONG, l’Etat à travers le Comité de Pilotage et de Suivi des Pipelines (CPSP) et la société pétrolière COTCO afin d’assurer une meilleure prise en compte des droits des « Pygmées » et Mbororo vivant le long du tracé de l’oléoduc. La reconnaissance de la citoyenneté aux peuples autochtones notamment pygmées procèdent ici non seulement de l’appui à l’obtention des pièces d’état-civil, avec l’établissement des actes de

57 CTSE-DRSP, Révision du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Termes De Référence, 2007

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naissance et des cartes nationales d’identité, mais aussi de la création des chefferies de communauté ou de 3e degré et de la sécurisation des droits fonciers des Pygmées. La création des chefferies de communauté ou de 3ème degré dans les régions où les « Pygmées » sont sédentarisés, de longue date, participe de la reconnaissance, de l’affirmation et de la reconnaissance de leur citoyenneté. Elle est un préalable à la sécurisation durable des droits fonciers des « Pygmées ». La chefferie ayant une base territoriale, toute création de chefferie, de 3ème degré notamment, entraîne une délimitation du territoire physique et spatial dans lequel le chef sera appelé à exercer son pouvoir. La création de la chefferie et l’accès à la propriété foncière étatique sont donc liés en droit public Camerounais. La récente nomination de Monsieur Jacques NGOUN au poste de juge assesseur du tribunal coutumier de Ndtoua dans la province du Sud est un exemple encourageant de reconnaissance. La mise en place des chefferies de communauté, pour avoir des effets déterminants et durables sur la citoyenneté des « Pygmées » et l’accès à la terre, doit aboutir, à terme, à la création des chefferies de 3ème degré. Elle constitue une phase transitoire importante et une évolution considérable dans les rapports vécus entre l’Etat et les communautés « Pygmées » et entre elles et les populations Bantu voisines. Les négociations foncières entre les Pygmées et les Bantu marque aussi une évolution novatrice dans la condition des « Pygmées ». A cette date, dix-neuf (19) communautés Pygmées Bagyéli de l’arrondissement de Bipindi ont obtenu une reconnaissance légale des terres qu’elles occupent. En fonction des pressions foncières locales, les superficies concédées varient entre 0,4 hectare pour Log Diga et 1 500 hectares pour Bokwi. Ces résultats ont été obtenus grâce à des négociations tripartites impliquant les autorités administratives et religieuses locales, les populations Bantu et « Pygmées » et les organisations non gouvernementales58. Ces actions pratiques sur le terrain ont été appuyées, au plan intellectuel, par des séminaires de formation des responsables et animateurs des organisations non gouvernementales, organisés par Forest People Project, sur la sécurisation des droits fonciers des peuples autochtones et le système africain de protection des droits humains, respectivement en février et octobre de cette année59. En dépit des changements qu’induisent ces différentes actions, pionnières et novatrices, pour la plupart, il faudra bien encore attendre la sédimentation sociologique et l’adhésion effective de ces évolutions au sein des communautés Bantu et leur validation par les pouvoirs publics, au plus haut niveau, pour espérer et conclure qu’elles s’inscrivent dans une logique durable. 2.2. Non discrimination L’article 5 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples consacre le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Quant à l’article 19 de la même Charte, il prévoit que tous les peuples sont égaux et qu’ils jouissent de la même dignité. Le Préambule de la Constitution du 18 Janvier 1996 dispose : « Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique ou morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Le même Préambule consacre l’égalité de tous les citoyens en droit et en devoirs. L’utilisation du mot « peuples » dans la Charte africaine des droits de l’homme marque sa position favorable à la reconnaissance de ces droits collectifs aux peuples autochtones60 l’objectif étant pour ses auteurs de présenter une conception africaine des droits de l’homme. Ce vide est d’autant plus marqué par l’existence de textes au plan interne qui ont tendance à considérer les peuples autochtones

58Pour une analyse exhaustive des résultats de ce projet à l’échelle de tout le pays, lire HANDJA (Georges Thierry), 2007. La reconnaissance des droits des communautés Pygmées du Sud Cameroun sur les ressources naturelles, communication à l’atelier RRI, Douala, Cameroun, décembre; KIM (Noëlle Brice), 2007. « Avant nous avions les yeux clos, maintenant nos yeux sont ouverts. Maintenant je m’exprime. Ce n’était pas le cas avant ». Une évaluation du programme de sécurisation des droits des Bakas, des Bagyélis et des Bakola (2004-2007), Yaoundé, juillet, 56 pages ; MEFOUDE (Sandra), 2007. Des Bagyéli propriétaires terriens, in Bubinga, n° 117, juillet, pp. 6-7 et NELSON (John) 2007. Securing indigenous land rights in the Cameroon oil pipeline zone, London, Forest People Programme, July, 24 pages. 59 Voir Forest People Project, 2007. Les droits fonciers des peuples autochtones : normes et mécanismes internationaux dans une perspective africaine, Londres, février, 77 pages et TREVA BRAUN et MULVAGH (Lucy), 2007. Le système africain des droits humains : un guide pour les peuples autochtones, Londres, octobre, 180 pages. 60 « Rapport du groupe de travail d’Experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les Populations/Communautés Autochtones », International Work Group For Indegenous People, Commission Africaine des Droits de l’homme et des peuples, p. 80

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au même titre que les autres communautés locales ce qui constitue une menace pour la pérennité de ces groupes et par ricochet à leur participation à la vie publique. La non discrimination à l’égard des peuples autochtones a trait à toutes mesures visant à pallier à « toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice dans des conditions d’égalité , des droits de l’homme des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique »61. la discrimination peut ne pas nécessairement constituer le résultat recherché de l’action, l’inaction peut également être considérée comme une forme de discrimination manifestée par l’Etat. La Convention sur l’Elimination de la Discrimination Raciale à laquelle le Cameroun est partie prohibe les actions et omissions qui ont pour effet la discrimination. Le succès de la cause autochtone est basé sur l’idéologie de l’Etat de droit cependant, la situation de ces groupes est de plus en plus critique au Cameroun. Si aucun texte de loi en vigueur au Cameroun ne fait explicitement cas de leur mise à l’écart en matière des droits de l’homme, il est important de relever que ces derniers sont noyés dans la généralité mais aussi dans l’oubli par les politiques d’intégration mises en œuvre au niveau national. Les discriminations vécues par les peuples autochtones sont de deux ordres au Cameroun, elles sont orchestrées d’une part par les groupes de la société dominante et d’autre part par l’Etat. Celle-ci se traduit plus concrètement par des discriminations de fait et de droit. A l’origine basés sur la collaboration, les rapports entre les pygmées et leurs voisins ont très vite déviés vers la subordination et la domination. Considérés comme une main d’œuvre servile par leurs voisins Bantous, ces derniers se posent en propriétaires des pygmées, leurs font subir dans certains cas des traitements dégradants. Les Mbororos quant à eux dénoncent les sévices corporels de leurs voisins qui les considèrent non seulement comme des paresseux car ne pratiquant pas l’agriculture mais qui n’hésitent pas à confisquer leur bétail une fois que ce dernier se trouve sur leurs terres. Les membres de communautés Mbororo sont parfois obligés d’échanger leur bétail contre de petites portions de terres, d’aucuns en arrivent même à se retrouver pasteurs de leurs anciennes bêtes contre de maigres salaires. Les Peuples autochtones souffrent de négligence et vivent dans un état de pauvreté extrême Leur apparence physique fait d’eux des catégories à part. Les rapports entres ces derniers et leurs voisins sont marqués par des inégalités sociales et l’exploitation. Ils sont victimes de préjugés et sont considérés par les non autochtones comme réfractaires du fait de leur mode de vie perçu par la société dominante comme arriéré. Ces derniers se replient sur eux-mêmes, se réfugiant ainsi dans la marginalité ce qui se traduit par des pratiques telles que la consommation de drogues, d’alcool, la criminalité, la prostitution, la clochardisation… A l’échelle nationale, les mesures de lutte contre la discrimination à l’égard des groupes vulnérables que sont les pygmées et les Mbororos restent isolées et sont marquées par des actions ponctuelles des pouvoirs publiques. Le projet de politique sur les populations marginales tarde à être finalisé, ce qui laisse ces groupes en proie à de nombreux maux. L’absence de reconnaissance officielle du statut d’ « autochtone » aux pygmées et Mbororos du Cameroun constitue la principale source de discrimination de ces groupes sociaux par l’Etat camerounais. A ce jour, on note une adhésion sélective du Cameroun aux instruments juridiques internationaux de protection des droits des peuples autochtones62. En dépit des conventions ratifiées, aucune mesure n’a été prise en vue d’abroger, modifier, ou annuler des dispositions juridiques discriminatoires à l’égard des peuples autochtones. Il en est de même des mesures spéciales visant à leurs garantir l’accès dans des conditions d’égalité à l’exercice de leurs droits fondamentaux. Si le préambule de la Constitution affirme l’inaliénabilité des droits de la personne humaine, de nombreuses pratiques contribuent à avilir ces groupes. La politique de sédentarisation promue depuis la période coloniale a sérieusement contribué à leur acculturation. De plus, les textes en vigueur ne tiennent pas compte de leurs spécificités tel est le cas de l’accès à la terre et aux ressources naturelles, aux infrastructures sociaux de base...

61 Article 1 (1) de la Convention internationale sur l’Elimination de la Discrimination Raciale 62 Le Cameroun comme tous les pays africains n’a pas toujours ratifié la convention 169 de L’OIT, spécifiquement consacrée aux peuples autochtones

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Aucune mention n’est explicitement faite de la mise à l’écart de ces groupes dans les textes législatifs et règlementaires cependant, une lecture en diagonale de ceux-ci laisse clairement ressortir des règles édictées sans que l’on ne tienne compte de leurs spécificités63, tel est également le cas des projets de développement les impliquant. L’application rigide du principe d’égalité de tous devant la loi joue malheureusement au détriment des peuples autochtones qui dans bien des cas sont très peu imprégnés du contenu de ces textes et de leur application. En dépit des quelques actions menées à la fois par l’Etat et quelques personnes morales de sérieux efforts restent à faire en vue de leur intégration64. L’enclavement de leurs villages constitue une source de marginalisation. Ces groupes connaissent une double pression : les effets nuisibles des projets de développements qui ont conduit à la destruction de leurs habitats naturels, les déplacements forcés, la disparition du gibier… et les projets de conservation qui restreignent leurs droits. Leur situation est critique et les méthodes visant à les protéger sont inadéquates. Cet état de fait est renforcé par l’absence de sensibilisation ou de formation des fonctionnaires et élus sur leurs spécificités. Les peuples autochtones occupent une position charnière particulièrement vulnérable au Cameroun. Ces groupes partagent les mêmes langues, religions, cultures et autres traits caractéristiques ainsi qu’un lien à un territoire spécifique mais sont infériorisés par leur mode de vie distinct. Leur perception de la nature est considérée comme un mythe plutôt que comme une réalité sociale avérée. L’Etat camerounais et les Organisations en charge de la protection de l’environnement entretiennent une ambiguïté en matière de conservation et de durabilité, choisissant ainsi d’ignorer le rôle significatif que ces derniers pourraient jouer dans les stratégies et politiques conçues à cet effet. Si les Mbororo évalués aujourd’hui à 1.8 millions de personnes65 maîtrisent plus ou moins les langues officielles que sont le français et l’anglais, tel n’est pas le cas des pygmées qui en même temps ne maîtrisent pas véritablement les Institutions de la modernité. Quelques mesures spéciales ont cependant été prises par le Gouvernement camerounais notamment les conditions d’entrée dans certaines écoles à l’instar de l’Ecole Normale des Instituteurs Adjoints de l’Est où le Certificat d’Etudes Primaires (CEP) est exigé aux Baka/Bakola tandis que le Brevet d’Etudes… (BEPC) est requis pour ce qui est des non autochtones. Ces mesures qui sont mises en œuvre de manière isolées nécessitent que soient mises sur pied des modalités d’exercice de traitements différents non disproportionnées au profit de ces groupes afin d’assurer l’égalité des chances entre les autochtones et les non autochtones. L’institutionnalisation d’une Direction de la Solidarité Nationale subdivisée en Sous direction de Lutte contre l’Exclusion Sociale et en Sous direction de la Promotion de la Solidarité Nationale constitue une avancée majeure dans le cadre de la protection des peuples autochtones au Cameroun, en dépit du nombre insuffisant de personnel et d’un budget limité. 2.3. Autogestion Le Cameroun, comme les autres pays d’Afrique centrale, est opposé à toute idée d’autodétermination des populations autochtones installées sur son territoire. Il faut dire que cette question est susceptible de remettre à l’ordre du jour le débat, plus délicat, des revendications territoriales et identitaires et pourrait, à terme, conduire à une remise en cause de l’intangibilité des frontières66. Sans remettre en cause la forme unitaire de l’Etat, les communautés autochtones disposent cependant de possibilités d’organiser la gestion de leurs institutions, de manière autonome. La liberté d’association est l’une des libertés garanties au peuple Camerounais par la Constitution. Cette liberté d’association proclamée par le préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la loi n° 90/53 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association. Selon cette loi, la liberté d’association est « la faculté de créer une association, d’y adhérer ou de ne pas y adhérer. Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur l’ensemble du territoire national »67. L’association est définit ici comme la convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices. 63 Loi foncière, loi forestière 64 C’est le cas des Synergies Africaines contre le SIDA et les Souffrances qui ont organisé des formations sur les NTIC, ont assuré la délivrance d’actes de naissance et de mariage… aux Baka à l’Est Cameroun 65 Tchoumba, « Peuples Indigènes et Tribaux et Stratégies de Réduction de la Pauvreté » ; 2005 66 Cette position avait été exprimée par des officiels d’Afrique centrale à l’occasion du premier Forum International des Populations Autochtones d’Afrique centrale, tenu à Impfondo (République du Congo) en 2005. 67 Article 1er de cette loi.

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Chez les Bakola-Bagyéli, quelques initiatives associatives ont eu un effet remarquable et connu une durabilité au sein des communautés Bakola-Bagyéli de Bipindi et de Lolodorf. Certaines de ces associations suscitées par le programme APE (Autopromotion des pygmées dans leur environnement) du SAILD. Elles étaient structurées en secteurs et en cellules. Les cellules, véritables organes de base de l’association correspondent aux hameaux. Les deux principales associations sont :

- ‘Subi baba y dila lan’ (SUBIBABA) qui veut dire ‘l’union fait la force’ en Bakola implantée à Ngovayang et

- ‘Nkowa wu buke na li dsilo’ qui signifie également ‘l’union fait la force’ en Bagyéli. Cette dernière association est plus connue sous le nom de CODEBABIK (Comité de développement des Bagyéli des arrondissements de Bipindi et de Kribi), créé en 1996.

Ces deux associations auraient eu des sympathisants bantu. A ces deux grandes associations, on peut associer deux autres : l’association féminine Mavouamayo ou « Réveil du sommeil » de Bandévouri. En ce qui concerne les Baka, plusieurs associations existent : ASBAK à Lomié, CADDAP à Abong-Mbang, OKANI à Bertoua, ABAGUENI (Cherchons), ABAWENI (Changeons), ADEKABA (Association pour le Développement des Baka) à Djoum, Mintom et Oveng dans le département du Dja-et-Lobo, province du Sud. ASBAK (Association des Baka de Lomié) œuvre à la promotion des droits socio-économiques de ses membres. En dehors de ces associations suscitées, on constate que les Pygmées participent très peu aux actions organisées. Il y a visiblement un manque d’initiative et une volonté de ne pas vivre sous la contrainte. Les Mbororos essaient de s’organiser pour se prendre en charge eux-mêmes et pour défendre leurs droits humains collectifs et individuels. A travers la Mbororo Social and Cultural Developement Association (MBOSCUDA), les problèmes des Mbororo ont un meilleur écho aussi bien sur le plan national qu’international. Cette association tente aussi d’apporter quelques solutions aux problèmes existentiels de ce peuple. Dans la province du nord-ouest, de nombreuses initiatives sont développées en vue de renforcer les capacités organisationnelles et économiques des populations et des communautés. Un système de micro-crédit facilite l’accès des femmes au financement des activités qu’elles ont elles-mêmes identifiées. MBOSCUDA apporte aussi une assistance légale aux populations et les aide à défendre leurs droits et à rechercher des solutions négociées aux conflits agriculteurs-éleveurs. Cette association apparaît comme une véritable organisation représentative des Mbororo et un partenaire incontournable dans la lutte contre la pauvreté chez ces populations.

En dehors des formes d’institutions dont la création est prévue par la loi (associations, coopératives, GIC), les communautés autochtones disposent de la possibilité de conduire leurs activités associatives et de contrôler leurs institutions lorsqu’elles ne sont pas en contradiction avec les lois nationales ou l’ordre public. Ainsi, toutes institutions traditionnelles restent sous le contrôle des autochtones. Le cas le plus connu est sans doute le libandi, instance culturelle rassemblant les populations Baka sur un territoire donné, qui a une fonction de régulation des rapports sociaux et de perpétuation de la culture.

Bien que la décentralisation prévoie que une dévolution des compétences de gestion aux niveaux les plus bas, on constate que les communautés autochtones auront du mal à mettre en place des institutions politiques et à les gérer en toute autonomie. Cette difficulté est liée au faible niveau d’alphabétisation des communautés autochtones, qui ne leur permet pas de peser sur la vie politique locale. On constate ainsi par exemple que le nombre d’autochtones dans les conseils municipaux et dans les instances locales des partis politiques reste faible. Et quand ils sont présents, le rôle qui leur est assigné est proche de la figuration. Pour ce qui est de la gestion des ressources forestières et fauniques, la réforme forestière inaugurée au Cameroun en 1994 a posé les jalons de la gestion participative et décentralisée des forêts. Cette réforme a débouché notamment sur l’opportunité, pour les populations locales, de valoriser l’exploitation de leurs ressources forestières et fauniques au sein d’une forme de foresterie communautaire, foresterie communale et de zones d’intérêt cynégétique à gestion communautaire. La participation des populations introduite par les pouvoirs publics dans cette réforme est donc apparue comme vecteur potentiel du développement durable en milieu rural, d’autant plus que l’appropriation des ressources par l’Etat a longtemps occasionné la marginalisation des communautés villageoises et leur relégation en périphérie des espaces de prise de décision et d’accès aux bénéfices. Pourtant, dans les institutions locales de gestion des ressources naturelles, on constate que les cas de forêts communautaires ou de zone de chasse communautaires associant les Bantous et

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les communautés autochtones accordent très peu d’importance aux priorités, intérêts et besoins de ces derniers. Le meilleur exemple de cette difficulté est fourni par les COVAREF, organes de gestion des zones de chasse à gestion communautaire du sud est du Cameroun. Alors qu’il s’agit du seul arrondissement du Cameroun dans lequel les autochtones sont majoritaires, on remarque qu’ils restent largement minoritaires dans les instances de direction des COVAREF68. Il est important de relever l’existence de forêts communautaires exclusivement gérées par des communautés autochtones (Baka), dans la région du Haut Nyong. Ces expériences ont été conduites avec un appui d’ONG et de projets, et permettent surtout de constater qu’il n’existe pas d’objection de principe de l’administration à l’autogestion par les communautés autochtones. Elles confirment que le principal obstacle est lié aux capacités desdites communautés à assumer leurs fonctions, dans le cadre défini par la loi. Enfin, il faut remarquer un intérêt croissant des communautés autochtones dans la création de chefferies traditionnelles, assises sur un territoire donné. Les chefferies sont régies par le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles, et fait des chefs des auxiliaires de l’administration. Les modalités d’organisation et de gestion des chefferies sont régies par le droit traditionnel des communautés considérées. Les autorités administratives locales ont été particulièrement favorables à la création de ces chefferies, qui offrent un cadre légalement reconnu à l’autogestion. 2.4. Participation et consultation Le droit de participer et d’être consulté est consacré par la constitution camerounaise : « chacun doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges publiques » et par divers instruments internationaux ratifiés par le Cameroun. Divers textes, à l’instar de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (A.18-19), le PIDCP (A.25), et de la Convention 169 de l’OIT69 réaffirment le droit des peuples autochtones à se faire représenter lors de la phase de négociation précédant la mise en œuvre de projets les impliquant. L’article 74 de la loi n°96/12 du 05 août 1974 portant loi cadre relative à la gestion de l’environnement dispose : « la participation des populations à la gestion de l’environnement doit être encouragée notamment à travers : des mécanismes de consultation permettant de recueillir l’opinion et l’apport des populations, la représentation des populations au sein des organes consultatifs en matière d’environnement, la production de l’information environnementale, la sensibilisation, la formation et la recherche environnementale ». L’émancipation et la reconnaissance politique sont importantes pour s’assurer que les peuples autochtones participent à la vie politique et sont représentés dans tous les processus politiques. La reconnaissance et la dévolution des responsabilités au pouvoir traditionnel par les articles 1 et 5770 de la Constitution camerounaise renforcent également le droit des communautés locales, qui pour la plupart continuent d’être rattachées à leurs institutions traditionnelles, à être consultées et à participer à la gestion des affaires publiques. Les chefferies traditionnelles, entendues comme entités administratives sans personnalité juridique placées sous l’autorité des chefs traditionnels dont la mission consiste à jouer le rôle de canal de communication et de dialogue entre le pouvoir central et les communautés locales71 manquent cruellement à l’organisation politique des peuples autochtones. Les exigences du principe de consultation72, à savoir la prise en compte des institutions représentatives des communautés autochtones, le respect des procédures, l’éducation, la formation ainsi que l’information du public, ne sont pas toujours respectées par l’Etat camerounais, les organismes de conservation ou les projets de développement dans le cadre d’activités ayant des répercussions sur le mode de vie des peuples autochtones. La consultation des communautés autochtones suppose que ces dernières soient informées sur les contours et les implications des activités à mener dans leurs zones d’activités. L’information devrait

68 Voir sur ce point CEFAID, XXXXXXXX, 2006. 69 Articles 14(3) et 15, 16 70 L’article 1er alinéa 2 de la constitution dispose que la République du Cameroun reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à la loi. L’article 57 quant à lui dispose que certains membres des conseils régionaux doivent être des représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. 71 Décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles. 72 Confère convention 169

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être apportée d’une manière qui soit compatible avec leur culture. On constate toutefois que les outils et méthodes auxquels ont recours les promoteurs de projets ne tiennent cependant pas toujours compte de la forte tradition orale du bas niveau d’alphabétisation des groupes considérés. Il faut dire que les textes législatifs et réglementaires nationaux ne rendent pas toujours la tâche facile à ces communautés, en prescrivant des modes de communication qui ne correspondent pas à leur mode de vie. C’est le cas de l’information par voie d’affichage, consacrée dans le décret n° 95/591 fixant les modalités d’application du régime des forêts73. L’affichage est ainsi consacré comme le mode privilégié d’information des communautés lors des procédures de classement des concessions et des aires protégées. Les Mbororos et les communautés autochtones des forêts ne sont la plupart du temps pas suffisamment informés sur les impacts potentiels des projets prévus dans les zones qu’ils occupent. C’est le cas lors de la création des aires protégées, dont l’impact sur leurs déplacements et leur accès aux ressources naturelles et aux lieux de culte est parfois important. Le cas de la réserve du Dja, d’une superficie d’environ 526 000 hectares répartie sur six arrondissements, en est une parfaite illustration. Les communautés Baka de cette zone n’ont jamais été consultées avant sa mise sur pied74, et subissent les brimades et privation de toutes natures, de la part des écogardes et des agents de l’administration des forêts et de la faune. La réserve de Campo Ma’an quant à elle fait partie des compensations environnementales du projet Pipeline Tchad Cameroun. Sa création a conduit à une aggravation de la disette alimentaire dans les campements situés dans sa proximité immédiate. L’article 5(2) du décret fixant les modalités d’application du régime de la faune prévoit qu’une indemnisation soit versée aux communautés concernées suivant la règlementation en vigueur en cas de création ou d’extension d’un parc national, d’une réserve écologique intégrale. A ce jour, aucune communauté autochtone n’a jamais été dédommagée75. Il faut reconnaître qu’à la suite des exercices de cartographie participative conduits par le CED, et des discussions avec la Banque mondiale, un droit d’accès à la réserve a été reconnu aux communautés Bagyeli par le WWF et le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF). Ce droit se limite à la conduite des activités purement traditionnelles, et les observateurs estiment qu’il pourrait, sans grande conséquences sur la biodiversité, être étendu aux autres aires protégées du pays abritant des populations autochtones76. Dans le cadre de nombreux grands projets d’infrastructure, la consultation des communautés autochtones est une exigence des agences de financement. Ainsi, les projets financés par la Banque mondiale actionnent la politique 4.20 sur les populations autochtones, qui impose la consultation des communautés autochtones. Ce fut le cas du projet pétrolier et d’oléoduc entre le Tchad et le Cameroun, qui traversait les terres abritant les Bagyeli du Sud Cameroun, et les Mbororos dans le nord. Curieusement, alors que les Bagyeli avaient fait l’objet d’une consultation, les Mbororos avaient été ignorés… Bien plus, le plan pour les peuples autochtones vulnérables mis en place par le projet pour atténuer les effets du projet sur ces communautés était consacré aux seuls Bagyeli. Ce n’est qu’à la fin de la phase de construction que les Mbororos reçurent une allocation unique, versée en dehors de toute planification. Cette position du consortium pétrolier a sans doute inspiré les promoteurs du barrage de Lom Pangar, qui ont récemment estimé que les communautés Mbororo de la zone ne 73Article 18(3), qui prévoit que l’acte de classement d’une forêt fait l’objet d’un avis au public dans les préfectures, sous préfectures, mairies et services de l’Administration en charge des forêts dans les régions concernées ou par toutes autres voies utiles. 74 Samuel Nguiffo, « Une Seule Forêt Pour deux Rêves. Les contraintes des Baka de Miatta face à la réserve de faune du Dja », Yaoundé Mai 2001, Centre pour l’Environnement et le Développement 75 Joseph Claude Owono, « Le degré d’implication des Bagyeli dans le plan d’aménagement de la réserve de Campo Ma’an » in « Les peuples autochtones et les aires protégées en Afrique », Forest People Programme, Juillet 2001, P. 251 76 Le Centre pour l’Environnement et le Développement a initié des formations en cartographie participative auprès des communautés pygmées de la zone, actions qui ont abouti à l’élaboration de cartes présentant les terres coutumières des Baka. Celles-ci ont servi de support durant la phase de négociations.

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pouvaient être considérées comme des « peuples autochtones vulnérables », du fait de leur implication dans des activités rentables leur permettant de subvenir à leurs besoins. Il s’agit là d’une bien curieuse conception du critère de l’autochtonie. De même, dans la préparation du Programme Sectoriel Forêts Environnement (PSFE), les communautés autochtones de la forêt furent consultées, et un plan pour les peuples autochtones vulnérable fut préparé. Il en fut de même pour le Plan National de Développement Participatif (PNDP). Des projets spécifiques aux groupes autochtones ont été élaborés dans le cadre de ces programmes, mais ils restent inadaptés, et d’un effet limité, voire nul sur les bénéficiaires. On peut toutefois déplorer que la consultation dans ces processus semble davantage constituer une formalité qu’une véritable volonté de participation. Ainsi, dans le cadre du projet d’oléoduc entre le Tchad et le Cameroun, les résultats de la consultation semblaient assez éloignés des cultures et pratiques des communautés Bagyeli. L’un des axes prioritaires retenus pour le plan de développement des Bagyeli de la région était l’agriculture, pourtant absente des traditions des communautés bénéficiaires, et difficile à conduire dans un contexte marqué par l’absence de droits fonciers. S’agissant des politiques, la consultation et la participation des populations sont restées bien faibles, voire inexistantes. Ainsi, lors de l’élaboration du premier Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DRSP), les peuples autochtones n’ont pas été consultés en dépit de la méthodologie participative adoptée par le Gouvernement lors de son élaboration. Un Plan de Développement pour les Peuples Autochtones (PDPA) a pourtant été élaboré dans ce cadre. Leurs préoccupations n’ont été en compte ni dans les lignes stratégiques, ni dans les stratégies de secteur, ni dans le cadre des dépenses à moyen terme des différents Ministères. Le Gouvernement camerounais a entamé une phase de révision du DSRP depuis février 2007. Du 10 au 20 mars 2008, des consultations impliquant différentes franges de la population camerounaise à l’instar des représentants de communautés Mbororos et Pygmées ont eu lieu. L’occasion a été donnée à ces derniers d’exprimer leurs points de vue sur le bilan des actions de lutte contre la pauvreté et de faire part de leurs besoins et attentes, afin qu’ils soient reflétés dans les projets. Ce DSRP de seconde génération devra couvrir la période 2008-2012. Cette révision a entre autre pour objectif de recueillir des suggestions d’amélioration des politiques menées afin de promouvoir la croissance au niveau national. Consacrée dans la loi cadre portant gestion de l’environnement77, La participation suppose que tout citoyen soit préalablement informé sur les implications que toutes activités auraient sur l’environnement y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses. Ce principe implique également que chaque citoyen veille à la sauvegarde et à la protection de l’environnement et que les décisions concernant l’environnement soient prises après concertation avec les secteurs d’activités ou groupes concernés ou après un débat public lorsqu’elles ont une portée générale. Au Cameroun, la participation ne bénéficie pas d’un encadrement juridique spécifique aux groupes autochtones. La participation des communautés à la gestion des ressources naturelles suppose que leur point de vue soit pris en compte au moment de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des projets les impliquant. Elle passe par la reconnaissance des propriétés coutumières et des droits d’usage de ces groupes. L’un des problèmes lié à la participation des peuples autochtones provient de la mise à l’écart systématique de ces communautés dans les processus de prise de décision relatifs aux projets susceptibles d’avoir des répercussions sur leurs modes de vie. Le résultat 4 du Programme Sectoriel Forêt et Environnement (PSFE) prévoit que les communautés participent à la prise de décision et profitent régulièrement des retombées financières de l’exploitation des forêts et de la faune afin de répondre aux besoins de développement de celles-ci. La procédure de classement des forêts du domaine forestier permanent78 prévoit également que les « comités paysans

77 Article 9 78 Décision n°135/D/MINEF/CAB du 26 novembre 1999 fixant les procédures de classement des forêts du domaine forestier permanent de la République du Cameroun

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forêts » sont les porte- paroles des communautés lors de la commission de classement. Ce comité est constitué : du chef de village, d’un membre du comité de développement du village, d’un représentant des élites intérieures et d’un représentant des élites extérieures79. La participation suppose également la contribution effective de tous les citoyens à la prise de décisions, ce qui passe nécessairement par la représentation des différentes couches sociales aux différents postes de décision. Les membres de communautés « Pygmées » par exemple ne sont représentés ni à l’Assemblée Nationale, ni au sein de l’Administration. Cette défaillance s’explique, à la fois par le faible niveau d’alphabétisation observé dans ces communautés, et pas l’absence d’une politique de discrimination positive en leur faveur. 2.5. Accès à la justice Consacré à l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, l’accès à la justice qui est un droit individuel suppose tout d’abord que soit reconnu le droit de chaque individu de saisir les juridictions nationales compétentes en cas de préjudice subit, le droit de se faire représenter et le droit d’être jugé dans des délais raisonnables. Le principe d’égalité de tous devant la loi est consacré par le préambule de la Constitution de 1996 qui prévoit que : « La loi assure à tous les hommes le droit de se rendre justice ». Le Code Pénal camerounais en son article 1 dispose que : « la loi pénale s’impose à tous ». Des dispositions sont prises par le législateur camerounais afin d’atténuer les inégalités par l’instauration de procédures telles que l’assistance judiciaire80. Cette procédure vise à assurer l’accès gratuit aux services de la justice dans le cadre de dépenses susceptibles d’être effectuées lors de toutes procédures judiciaire en dispensant l’assisté du paiement des frais de justice81 à l’exception de la taxe en cas de pourvoi82. L’assistance judiciaire garantit au justiciable qui la sollicite une assistance gratuite et nécessite que des conditions d’admission soient préalablement remplies83.

En dépit de toutes ces dispositions prises par le législateur, il est important de souligner que le déclenchement d’un procès implique nécessairement que des fonds soient déboursés par chaque partie, ce mécanisme contribue tout simplement à réduire les coûts de procédure84 et nécessite que le justiciable dispose de fonds, ce qui n’est pas le cas des communautés autochtones qui vivent dans un état de précarité extrême. Le déficit d’accès à l’information ainsi que la localisation des juridictions, qui se trouvent généralement dans les chefs lieu de départements, assez loin des villages autochtones, constituent des facteurs limitant l’exercice de ce droit par les individus membres de ces communautés. De plus, il faut disposer de papiers officiels (carte nationale d’identité) pour pouvoir aller en justice. Le défaut de carte d’identité est une infraction suivant le droit camerounais, passible d’une amende de 6000 francs CFA. Enfin, l’exigence de la qualité pour agir pourrait être difficile à remplir pour les communautés, au cas où elles voudraient ester en justice pour certains de leurs principaux sujets de préoccupation. Il s’agit par exemple des questions foncières et d’accès aux ressources naturelles. L’Etat est considéré, par le

79 Cette disposition est particulièrement restrictive pour les peuples autochtones qui ne disposent pas d’élites du fait de leur manque d’instruction et de leur état de pauvreté. La non reconnaissance de leurs villages constitue également un des problème majeur auquel ils font face 80 Décret n°76/0521 du 9 novembre 1976 81 Droit de timbre, d’enregistrement, de greffe et frais de consignation 82 L’article 8 (3) de la loi n° 75/16 du 8 décembre 1975 dispose : « sauf en ce qui concerne les pourvois contre les arrêts en matière sociale et en matière pénale ou lorsque le pourvoi émane du Ministère public ou de l’Etat, le demandeur est tenu même s’il obtient le bénéfice de l’assistance judiciaire, de verser une somme de 5000 FCFA de taxe à pourvoi » 83 Faire partie d’une catégorie donnée de personnes : indigent, hommes de rang, personnes soumises à l’impôt minimum fiscal… elle nécessite que le justiciable ait une action à faire valoir en justice, qu’une insuffisance en ressources soit approuvée par la Commission d’assistance judicaire et qu’une demande écrite ou orale soit adressée au secrétaire de la Commission d’assistance judiciaire 84 Roger Sockeng : Les Institutions Judiciaires au Cameroun, Collection « Lebord », Troisième Edition, Mise à jour année 2000.

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droit national, comme le propriétaire des terres et des forêts85. Les communautés ne peuvent donc pas ester en justice contre les auteurs de l’exploitation forestière illégale, même s’il est établi qu’elle leur est préjudiciable. L’organisation judiciaire camerounaise distingue les juridictions de droit moderne des juridictions de droit traditionnel. Le droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice est protégé par le Code Pénal en ses articles 1, 140, 143 et 147. L’article 5 de la Convention sur l’Elimination de la Discrimination Raciale consacre l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de race, de couleur, d’origine nationale ou ethnique devant les tribunaux et tout organe en charge de trancher des litiges. De sérieuses lacunes subsistent quant à la reconnaissance des spécificités de ces groupes dans le système judiciaire camerounais. C’est le cas de l’absence des assesseurs86 de coutumes et des interprètes s’exprimant en langues Baka, Bakola ou Bagyeli auprès des tribunaux coutumiers de l’Est et du Sud Cameroun, ce qui oblige ces derniers dans bien des cas à s’exprimer dans la langue de leurs voisins Bantous. 2.6. Les droits culturels et linguistiques La violation des droits culturels est une autre forme particulière de violation de droits humains infligée aux peuples autochtones. Cette violation est contraire à la Charte africaine qui reconnaît à tous les peuples le droit à une culture et à l’identité87. Elle est aussi contraire à l’article 2 qui prévoit que « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou social, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » L’une des caractéristiques des communautés autochtones est l’existence d’une culture distincte de celles des groupes dominants. Au Cameroun, la richesse de la culture des communautés autochtones est reconnue. Mais au-delà de la présentation parmi les attractions touristiques du pays, on n’a pas l’impression que des mesures particulières soient prises pour en assurer la protection formelle. La perte de principales ressources de production a négativement influé sur les cultures des peuples autochtones, les privant du droit à maintenir le mode de vie de leur choix et de conserver et développer leurs cultures et leur identité culturelle selon leur propre volonté. Dans un cadre général, l’Etat assure la liberté de conscience et de religion, et ce droit constitutionnel s’étend aux communautés autochtones. On peut toutefois déplorer que le droit n’impose pas de manière spécifique une prise en compte de la culture et des langues autochtones dans la vie publique. Ainsi, la communication entre l’administration et les communautés autochtones se fait en français, avec une traduction dans les langues des bantous voisins des communautés autochtones. Il en est de même devant les tribunaux. Enfin, les programmes et le calendrier scolaires sont totalement inadaptés aux modes de vie nomades des communautés autochtones, et au calendrier de leurs activités. Le tissage traditionnel d’habits à partir des fibres de coton est une activité culturelle chez les Montagnards. Ce métier, comme bien d’autres, est cependant menacé de disparition à cause du nombre décroissant de personnes âgées qui continuent de le pratiquer et d’un désintéressement de la part des jeunes générations. Et pourtant l’importance culturelle de cette activité est incontestable. Chez les Mofou, par exemple, c’est avec des étoffes produites selon ces techniques que sont enterrés les morts, et que doivent être recouvertes les jeunes mariées. 2.7. Education La Constitution du 18 janvier 1996 prévoit que « L’Etat assure à l’enfant le droit à l’instruction. L’enseignement primaire est obligatoire. L’organisation et le contrôle de l’enseignement à tous les degrés sont des devoirs impérieux de l’Etat ». Le Cameroun a adopté depuis 1998 une loi portant

85 Article 12 (1) loi de 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche 86 Notable siégeant auprès du Président du Tribunal durant une audience et doté de connaissances sur les us et coutume de l’une ou l’autre partie au cours d’un procès. 87 Article 22

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orientation de l’éducation88. Ce texte consacre l’éducation de l’enfant avec la prise en compte de facteurs socioculturels, économiques, politiques et moraux. Il garantit également à tous les citoyens l’égalité des chances à l’éducation sans discrimination religieuse, linguistique, culturelle, de sexe… Depuis l’année 2000, le Cameroun a institué le principe de la gratuité de l’enseignement primaire dans les écoles publiques, sur toute l’étendue du territoire national. Le Cameroun a également adopté en 2000, une stratégie sectorielle de l’éducation nationale dont le contenu est repris dans le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DRSP). Ses objectifs visent essentiellement la mise en œuvre de la qualité des enseignements, améliorer la gestion et la gouvernance dans le système éducatif, le développement d’un partenariat efficace avec le secteur privé. On constate un faible niveau d’instruction chez les enfants autochtones, plus particulièrement chez les filles, et un nombre élevé d’enfants accuse plusieurs années de retard au niveau du primaire. Les enfants issus de ces groupes sont victimes de sévices corporels et d’humiliation de la part de leurs camarades et des enseignants, ce qui favorise l’accroissement du taux d’abandon scolaire auprès de ces groupes. Ajouté à cela, l’éducation primaire n’est jusqu’à présent pas gratuite pour tous sur l’étendue du territoire national et notamment dans les zones où vivent ces derniers. Il est également important de signaler l’absence de cadres tant formels qu’informels visant à assurer l’éducation à la fois des jeunes et des adultes appartenant aux communautés autochtones, plus particulièrement des « Pygmées ». Les pratiques coutumières des Mbororos sont fondées sur l’idée de l’infériorité des femmes ou d’un rôle stéréotypé des femmes et des hommes constituent des défis à relever ce dans la mesure où ils constituent de sérieuses entraves à l’accès à l’éducation des filles et femmes autochtones. Chez les Mbororos particulièrement, le faible taux d’alphabétisation trouve ses origines entre autres dans la relation historique entre le système éducatif camerounais et l’introduction du christianisme dans ce pays. Pour les Mbororos, l’école était considérée par plusieurs communautés essentiellement musulmanes, comme une voie d’intrusion du mode de vie occidental dans les cultures locales. Il y a un risque d’avoir des taux d’abandon élevés à cause de la discrimination par les professeurs et les autres élèves ou étudiants. L’absence de données désagrégées et actualisées sur les peuples autochtones constitue un obstacle certain à l’amélioration de leurs conditions de vie. Le Comité pour les droits de l’enfant a recommandé au Gouvernement camerounais de poursuivre les efforts entrepris dans le cadre de projets d’enseignements spéciaux pour les enfants appartenant à des groupes marginalisés à l’instar des « pygmées », le système éducatif en vigueur au Cameroun à l’heure actuelle demeure cependant inapproprié pour les peuples autochtones dans la mesure où il ne tient pas compte de leurs particularités, c’est le cas de l’usage des langues maternelles, de la prise en compte de leurs savoirs traditionnels ou des diverses cultures de ces groupes89. On note quelques expériences préscolaires menées par des ONG locales et l’église catholique90 marquées par des enseignements en langues maternelles en vue d’aboutir à des inscriptions dans des établissements scolaires modernes. Celles-ci ont révélés des difficultés de passage des enfants autochtones d’un type d’enseignement à l’autre. Vecteur du droit à la différence, les droits culturels des peuples autochtones ne sont pas pris en compte dans l’ordonnancement juridique interne camerounais91. Cet état de fait se matérialise par l’absence de programmes d’éducation conçus à leur intention. Les enseignements sont dispensés en français ou en anglais sans que soit prises en comptes leurs langues maternelles ou certains aspects de leurs savoirs et de leurs cultures. En marge de cela, l’état de précarité dans lequelle vivent ces communautés est restrictif pour ces derniers qui connaissent de sérieuses difficultés financières et ne peuvent par conséquent pas toujours envoyer leurs enfants à l’école. Ces derniers quand bien même ils y parviennent sont victimes de préjugés de la part de leurs camarades et du corps enseignant. Généralement installés dans des zones enclavées, l’une des difficultés que rencontrent ces groupes est l’absence d’établissements scolaires. Ceux-ci quand bien même ils existent sont quelques fois situés à de nombreux kilomètres, ce qui nécessite la création d’écoles dans les zones où ils sont majoritaires,

88 Loi n°98/004 du 14 avril 1998 portant orientation de l’éducation 89 Les familles « pygmées » ont pour coutume de quitter leurs campements pendant les périodes de chasse 90 A travers la méthode ORA (Observer, Réfléchir, Agir). 91 Les articles 26 à 31 de la Convention 169 insistent sur l’éducation des enfants autochtones et l’usage des langues autochtones.

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l’élaboration d’un calendrier suffisamment flexible tenant compte de leurs activités culturelles ainsi que la mise à la disposition de moyens humains. Malgré l’important rôle joué par le système d’éducation de base axé sur les techniques « ORA », ce système souffre encore d’un manque de reconnaissance et d’appui suffisants du Gouvernement de la République. De manière globale, des insuffisances quantitatives et qualitatives aussi bien dans les CEB que dans les établissements scolaires en termes d’infrastructures, de ressources humaines et de fonctionnement ont été enregistrées et méritent une attention particulière des autorités camerounaises. 2.8. Le foncier, les ressources naturelles et l’environnement Avant la colonisation, l’ensemble des terres du Cameroun est régi par le droit coutumier des ethnies qui les occupent. Il n’existe alors pas de « terra nullius » au territoire, les communautés revendiquant des droits, de nature et de degré divers, sur les terres, même les plus éloignées du lieu de leur habitation. L’introduction du droit écrit en matière foncière au Cameroun date de la fin du 19ème siècle. C’est en effet en 1896 qu’un décret impérial érige toutes les terres « non occupées » en possessions de la Couronne allemande. Ce texte marque le point de départ d’un conflit séculaire entre le droit traditionnel, surtout des communautés autochtones, et le droit de l’Etat colonial, puis post-colonial. Le nouveau droit introduit au Cameroun se caractérise par la création de nouvelles catégories juridiques, qui cohabitent avec celles existantes, en les affaiblissant. Cette érosion des droits des populations locales et autochtones est constatée en matière de gestion des espaces et des ressources. Les droits nouveaux sont ainsi créés par amputation des droits des populations. De plus, les droits qui leur sont reconnus au titre de la propriété coutumière sont désormais soumis à des conditions inédites jusque là. La réduction des droits des populations par amputation de l’étendue On assiste, avec l’avènement du droit colonial, à une réduction de l’étendue géographique et matérielle des droits des populations du territoire. Le droit colonial crée deux nouvelles catégories de droits fonciers, constitués par retranchement de ce qui était jusque là considéré par les populations comme relevant de leur propriété coutumière, ou tout simplement inconnu d’eux. Il s’agit des terres sous le contrôle de l’Etat et des terres relevant de la propriété exclusive de personnes privées, matérialisées par un acte d’immatriculation à leur bénéfice.

Dans la substance des droits des communautés L’étendue matérielle des droits des communautés a également été affectée par le régime foncier colonial. On note ainsi une hypertrophie de l’importance de l’agriculture dans la détermination des droits des populations et une marginalisation, voire une ignorance des autres usages locaux de la terre et des ressources. En effet, la reconnaissance par l’administration coloniale de droits fonciers des natifs du territoire est tributaire de leur implication dans des activités agricoles. Cette vision, qui dénote une méconnaissance des pratiques foncières de l’ensemble des peuples du territoire, déterminera fortement l’avenir du droit foncier national. La marginalisation des usages fonciers non agricoles sera profondément préjudiciable aux populations autochtones, généralement nomades, chasseurs collecteurs ou éleveurs. Les droits fonciers coutumiers ainsi délimités feront l’objet d’une reconnaissance par l’administration coloniale allemande. Cette reconnaissance des droits fonciers coutumiers restera constante dans le droit colonial au Cameroun, et sera confirmée dans la loi du 17 juin 1959 portant organisation domaniale et foncière, dont l’article 3 est ainsi libellé :

« Sont confirmés les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur toutes les terres à l’exception de celles qui font partie des domaines public et privé (…) et de celles qui sont appropriées selon les règles du code civil ou du régime de l’immatriculation (…). Nulle collectivité, nul individu ne peut être contraint de céder ses droits si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste compensation »

Bien que les droits fonciers coutumiers soient reconnus, les titulaires sont tenus d’en apporter la preuve pour espérer bénéficier de tous les avantages attachés à la propriété. Ceci se fait dans le cadre

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d’une procédure de constatation des droits fonciers, qui est écrite, et hors de la portée intellectuelle de la majorité des paysans du Cameroun. La situation est encore plus complexe lorsqu’il s’agit d’apporter la preuve d’une emprise sur des terres utilisées à des fins non agricoles, en raison de la difficulté à matérialiser l’emprise sur la terre et les ressources. Après l’indépendance, la réunification de l’Etat en 1972 donne l’occasion aux dirigeants de l’Etat unitaire d’adopter un régime foncier et domanial unique pour l’ensemble du territoire. Ils le feront à travers trois grandes ordonnances prises le 6 juillet 197492, que des textes postérieurs se contenteront soit de corriger, soit de compléter. Elle se traduit par une quasi négation des droits des populations locales et surtout autochtones sur leurs terres. La propriété coutumière des terres est supprimée, et l’immatriculation devient le mode exclusif d’accès à la propriété foncière. Les conditions d’immatriculation sont difficiles à remplir par les populations et autochtones Les conditions d’immatriculation sont pratiquement impossibles à remplir pour des communautés autochtones. Elles ne peuvent en effet obtenir l’immatriculation de leurs terres que si elles les ont mises en valeur. L’article 11 alinéa 3 du Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 portant modification et complément de certaines dispositions du décret n° 75/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, frappe en effet d’irrecevabilité les demandes d’immatriculation portant sur les terres libres de toute occupation ou de toutes exploitations. La mise en valeur se réalise soit par l’occupation, soit par l’exploitation. Dans le cas spécifique des populations autochtones, elle leur enlève tout droit à l’immatriculation et par conséquent tout droit à la propriété des terres parce que leur mode d’habitation essentiellement nomade et leur mode de vie, fait de chasse et de cueillette les empêche d’occuper ou d’exploiter une terre. La procédure d’immatriculation est difficile à suivre pour les populations autochtones Bien que l’article 17 de l’ordonnance 74/1 ouvre la possibilité de se constituer en collectivité, même de fait, pour immatriculer, les communautés autochtones pourraient difficilement bénéficier de ces dispositions. La procédure d’immatriculation des terres au Cameroun est prévue par le décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005. D’après ces deux textes, toute collectivité locale ou autochtone ou membre de celle-ci qui veut transformer son ancienne propriété coutumière en propriété ou plus exactement qui veut récupérer sa terre confisquée par l’Etat grâce aux ordonnances de 1972, doit constituer un dossier comprenant : -Une demande en quatre exemplaires dont l’original est timbrée, indiquant ses noms et prénoms, filiation, son domicile, sa profession, son régime matrimonial, sa nationalité, le nom sous lequel l’immeuble doit être immatriculé - la description de l’immeuble (situation, superficie, nature de l’occupation ou de l’exploitation, estimation de sa valeur, indication des charges qui le grèvent). La demande signée ne doit viser qu’un seul immeuble composé d’une seule parcelle. Si une route ou une rivière traverse le terrain, celui-ci fait l’objet d’autant de demandes qu’il y a des parcelles distinctes. La procédure est écrite, longue et coûteuse, et ne peut être facilement suivie par les populations autochtones. S’agissant des ressources naturelles, les communautés autochtones en dépendent fortement pour leur survie quotidienne. Il s’agit essentiellement, en plus du foncier, des ressources forestières. La politique forestière de 1993 prévoit une plus grande implication des communautés locales dans la gestion des forêts. La loi forestière de 1994 et ses textes d’application organisent les modalités de leur association aussi bien à la gestion des espaces (forêts communautaires et territoires communautaires de chasse

92 Cf. Ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier, ordonnance n° 74/2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial et ordonnance n° 74/3 du 6 juillet 1974 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette dernière a été remplacée par la loi n° 85/09 du – juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

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notamment) que des ressources financières issues de l’exploitation industrielle du bois (redevances forestières).

A l’analyse, on remarque cependant que les dispositions prévues par la loi dans le but d’assurer la prise en compte des droits et intérêts des communautés locales dans la gestion des forêts sont inopérantes dans le cas des populations pygmées, en raison des spécificités culturelles de ces communautés. Telle qu’elle est pratiquée en ce moment, l’exploitation forestière industrielle contribue à la marginalisation des populations indigènes de la gestion de cette ressource vitale. Ces communautés sont en effet ignorées à toutes les étapes du processus. Ainsi, la définition des superficies ouvertes à l’exploitation ne tient aucun compte ni des aires de chasse, ni des zones de migration des « pygmées ». Seuls les critères de rentabilité économique sont pris en compte dans la détermination des forêts de production, à l’exclusion de toute considération sociale. On remarque ainsi, par exemple, que la plupart des forêts de production de l’est-Cameroun recouvrent des forêts primaires, vers lesquelles se réfugient les Bakas fuyant l’exploitation forestière industrielle. Ces groupes ethniques ne sont jamais consultés lors des principales étapes de la mise en œuvre de l’exploitation forestière :

• la définition des modalités de l’exploitation (essences exploitables, « ceinture » de sécurité autour de l’exploitation)

• l’attribution des concessions relève également exclusivement de l’administration, et la procédure exclut toutes les communautés marginales. On a ainsi remarqué que les « pygmées » étaient parfois exclus, par les bantous, des « tenues de palabres » ou des réunions d’information prévues par la loi, et au cours desquelles l’industriel recueille les doléances des communautés riveraines de la zone d’exploitation.

L’exploitation industrielle du bois a un effet négatif sur les populations « pygmées » : elle ouvre un accès à la forêt, avec toutes les conséquences que l’intrusion d’acteurs nouveaux entraîne dans le système socio-écologique. De plus, elle contribue à la destruction de la culture des peuples de la forêt, et altère les bases de leur vie. L’exploitation forestière ouvre un accès à la forêt Les pistes forestières ont permis un accès à la forêt aux braconniers, qui peuvent procéder à des prélèvements massifs de gibier, en se servant des pistes pour leur évacuation. Ce faisant, ils contribuent à augmenter la rareté des ressources fauniques, ce qui a un impact direct sur la qualité de vie des peuples autochtones des forêts.

L’exploitation industrielle altère les bases de la vie des populations autochtones De nombreuses essences à forte valeur commerciale ont également une importance culturelle pour les communautés pygmées. Il s’agit par exemple du Moabi, du Bubinga, etc. Le prélèvement de ces essences par les industriels contribue à l’altération des bases de la vie de populations autochtones, et contribue à la destruction de leurs cultures.

La foresterie communautaire Depuis la loi forestière du 20 janvier 1994, les communautés villageoises riveraines du domaine national jouissent du droit d’y obtenir des forêts communautaires. Une forêt communautaire est une portion de forêt du domaine national, libre de tout titre d’exploitation forestière, et ayant une superficie maximale de 5000 hectares, sur laquelle l’Etat concède une convention de gestion à une communauté villageoise. L’Etat conserve la propriété du sol, mais confie pour une durée de 25 ans renouvelable la gestion des ressources forestières à la communauté villageoise concernée. La convention passée entre l’Etat et la communauté bénéficiaire est assortie d’un plan simple de gestion auquel doivent se conformer toutes les activités menées dans la forêt communautaire. L’administration jouit d’un pouvoir de contrôle de la gestion de la forêt communautaire, et de sanction des communautés récalcitrantes, pouvant aller jusqu’à l’exécution d’office des travaux contenus dans le plan de gestion, aux frais de celles-ci, ou à la résiliation de la convention de gestion (loi, art. 38(2)).

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Les produits forestiers de toute nature résultant de l’exploitation de la forêt communautaire appartiennent entièrement à la communauté (loi, art 37(3) et 67(2). L’exploitation peut se faire soit en régie, soit dans le cadre d’un contrat de sous-traitance (loi, art. 54).

Les communautés « pygmées » peuvent difficilement obtenir une forêt communautaire, pour les raisons suivantes :

• L’un des préalables à l’obtention d’une forêt communautaire est la légalisation d’une institution représentative de la communauté. Les communautés « pygmées » ne disposent en général pas d’un niveau d’instruction susceptible de leur permettre de se satisfaire à cette exigence.

• Le dossier de demande d’une forêt communautaire est complexe, et comporte de nombreux éléments techniques (cartographie et plan simple de gestion par exemple), qu’il serait difficile d’attendre de communautés « pygmées ».

• La forêt communautaire ne peut être sollicitée que sur des espaces sur lesquels la communauté jouit de droits fonciers coutumiers. En général, les pygmées installés le long des pistes n’y disposent pas de droits fonciers coutumiers, ceux-ci revenant aux Bantous qui les accueillent. Et dans le domaine forestier permanent, où sont localisés les droits coutumiers « pygmées », la loi n’autorise pas l’obtention des forêts communautaires. Il s’agit donc d’une exclusion de fait des « pygmées » du bénéfice de cette innovation.

• La superficie maximale des forêts communautaires et des territoires communautaires de chasse (5000 ha) est inadaptée au mode de vie des « pygmées », dont l’itinéraire de collecte est généralement supérieur à cette superficie.

Les droits d’usage Selon la loi forestière de 1994, “ le droit d'usage ou coutumier est [...] celui reconnu aux populations riveraines d'exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l'exception des espèces protégées, en vue d'une utilisation personnelle ”. Il est également aisé de constater que les modalités d’exercice du droit d’usage sont préjudiciables aux populations « pygmées ». Des droits concentrés dans le domaine forestier non permanent

Bien que la loi du 20 janvier 1994 garantisse les droits d'usage des populations riveraines aussi bien dans le domaine forestier permanent (art. 26, al. 1 et art.30, al 2) que dans celui non permanent (art. 36 et 38, al. 2), aucun texte d’application ne précise les modalités et conditions de l’exercice de ces droits dans le domaine forestier permanent. Il existe cependant de nombreuses limitations des droits d’usage des communautés dans certaines portions du domaine forestier permanent (aires protégées et forêts de production). Ainsi par exemple, les communautés « pygmées » vivant dans les aires protégées souffrent de restrictions importantes des droits d’usage en matière de chasse. De plus, ils ne peuvent obtenir ni forêt communautaire ni territoire communautaire de chasse sur ces espaces. Des droits limités à l’autoconsommation Dans le cadre de l’exercice des droits d’usage, les communautés peuvent prélever les produits non spéciaux de la forêt, sans avoir besoin d’une autorisation, et à titre gratuit. Ces produits doivent toutefois être exclusivement destinés à une utilisation personnelle non lucrative. Il est donc interdit d’en assurer la commercialisation. Ces dispositions apparaissent d’autant plus irréalistes que la commercialisation de divers produits prélevés de la forêt dans le cadre de l’exercice des droits d’usage, tels que le bois de chauffage, le gibier, l'Okok (Gnetum africanus), le Njansang (Ricinodendron heudelotii), le miel, les plantes médicinales, le rotin, le bambou, fait partie des formes les plus courantes d’activités économiques des populations rurales de la zone forestière. Les communautés autochtones tirent la plus grande partie de leurs revenus de la vente des produits de la chasse et de la collecte. Interdire la commercialisation des produits issus de l’exercice des droits d’usage les prive donc de revenus, ou les oblige à fonctionner dans l’illégalité.

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Des droits précaires Selon la loi forestière, le Ministre chargé des forêts, de la faune et de la pêche peut, pour cause d'utilité publique et en concertation avec les populations concernées, suspendre temporairement ou à titre définitif l'exercice des droits d'usage, lorsque la nécessité s'impose (art 8 al. 2). Malgré la concertation prévue avec les populations concernées, les membres du gouvernement cités par la loi sont en réalité les seuls juges de la nécessité de suspendre les droits d'usage. Du fait de leur vulnérabilité, les communautés « pygmées » seront les principales victimes de mesures de cette nature. On a ainsi constaté, avec la création du Parc National de Campo, une restriction sévère et subite des droits d’usage des communautés « pygmées » dans la région, qui s’est traduite par une dégradation sensible de leurs conditions de vie. La situation n’est guère meilleure dans les aires protégées. La loi impose pourtant que les aménagistes tiennent compte des droits et intérêts des communautés dans la planification de l’utilisation de l’espace. L’article 26(1) de la loi de 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche dispose en effet :

« L’acte de classement d’une forêt domaniale tient compte de l’environnement social des populations autochtones qui gardent leurs droits normaux d’usage. Toutefois, ces droits peuvent être limités s’ils sont contraires aux objectifs assignés à ladite forêt. Dans ce dernier cas, les populations autochtones bénéficient d’une compensation… ». Les plans d’aménagement ne tiennent pas compte de ces droits93, et aucune compensation n’a jamais été prévue pour atténuer les restrictions imposées aux communautés autochtones riveraines des aires protégées. Il en résulte une négation des droits et usages de ces communautés, qui n’ont alors le choix qu’entre la migration et l’illégalité… 2.9. Droits socio économiques L’exercice des droits sociaux économiques, est garanti par la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples à son article 22. Ces droits sont constitués du droit au logement, du droit au travail, du droit à la santé et du droit à l’éducation. L’environnement socio économique discriminatoire dans lequel vivent les peuples autochtones du Cameroun ne favorise malheureusement pas la réalisation de ces droits, ce qui explique les raisons du peu de succès de certaines réformes auprès de cette frange de la population camerounaise. Le travail forcé et l’esclavage sont réprimés au Cameroun au regard des instruments juridiques internationaux dûment ratifiés, telles la convention sur la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, la convention relative à l’esclavage94, la convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage et des conventions n° 29 sur le travail forcé et n° 105 sur l’abolition du travail forcé du Bureau International de Travail. L’article 20 de la convention 169 prévoit des mesures spéciales assurant la protection efficace des travailleurs, la lutte contre la discrimination, les conditions d’accès à l’emploi y compris l’emploi qualifié ainsi que les mesures de promotion et d’avancement, la rémunération égale pour un travail à valeur égale, l’assistance médicale et sociale, la sécurité et la santé au travail, ainsi que toutes les prestations de sécurité sociale, ou tous autres avantages découlant de l’emploi ainsi que le logement, le droit d’association. La Constitution du 18 janvier 1996 prévoit que « Tout homme a le droit et le devoir de travailler ». En outre, la loi n°92/007 du 14 Août 1992 portant Code du Travail précise en son article 2 que « le droit au travail est reconnu à chaque citoyen comme droit fondamental… ». Le Cameroun a également 93 Un cas mérite toutefois d’être mentionné : il s’agit du Parc National de Campo-Ma’an, dont le plan d’aménagement initial préparé par le WWF interdisait l’accès des communautés autochtones au Parc. Lesdites populations n’avaient pas été consultées dans la détermination des limites du Parc, et un exercice de cartographie participative mené avec l’appui du Centre pour l’Environnement et le Développement montrait les nombreux usages de ces communautés à l’intérieur du Parc. Le CED a obtenu la révision du Plan, et la reconnaissance (encore limitée à une profondeur de 5 km à l’intérieur du Parc) des droits des populations. Il s’agit d’une grande première en Afrique centrale, qui a le mérite de montrer qu’il n’existe pas d’incompatibilité de principe entre la conservation et les usages communautaires. 94 Signée à Genève le 25 septembre 1926 et amendée à New York le 7 décembre 1953

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ratifié par décret du 17 avril 2001 la convention n° 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi. 95. L’article 61 (2) dispose : « A conditions égales de travail, d’aptitude professionnelle, le salaire est égal pour tous les travailleurs quel que soient leur origine, leur sexe, leur âge, leur statut et leurs confessions religieuse… ». L’article 98 (1) du même Code, prévoit l’organisation d’un service médical et sanitaire au profit des travailleurs, aussi bien pour toute entreprise ou pour tout établissement public ou privé, laïc ou religieux, civile ou militaire que pour tous ceux rattachés à l’exercice de la profession libérale et ceux dépendants d’associations ou de syndicats professionnels. Quant à l’article 2 (3), il dispose que : « le travail forcé ou obligatoire est interdit de façon absolue ». Cette infraction est également sanctionnée par le Code Pénal d’un emprisonnement de cinq ans et par une amende de 10 000 FCFA à 500 000 FCFA ou de l’une de ces peines seulement. Les autochtones sont généralement employés dans les plantations de leurs voisins bantous, et ils restent attachés à ces « maîtres » en raison d’un système pervers de dettes, qui peuvent se transmettre de génération en génération. Le revenu du travail d’une journée ne suffit pas à assurer la pitance quotidienne de l’ouvrier agricole autochtone. Il a donc besoin de gager une partie de son revenu du lendemain pour se nourrir. La croissance de son endettement est donc exponentielle, et le remboursement devient impossible. Cette situation donne aux bantous des « droits » importants sur la personne de son créancier, voire sur sa famille. On note l’absence de cadre assurant la mise en œuvre de ces dispositions en milieu rural, plus particulièrement au sein des sociétés forestières qui emploient à la fois les Bantous et les Pygmées. Les employés dans la plupart des cas ne sont généralement pas munis d’équipements protecteurs à l’instar des casques anti-bruits, des masques à nez, des gants. De plus, les accidents de travails sont arbitrairement constatés par les sociétés forestières qui retiennent dans certains cas le montant des soins de santé dans le salaire des employés96. L’absence de données statistiques sur les différentes franges de la population au Cameroun constitue un des obstacles certains à la réalisation des Objectifs de Développement du Millénaire. Les préjugés et les discriminations constituent les obstacles majeurs auxquels font face les peuples autochtones dans leur quête de l’emploi au Cameroun. Les peuples autochtones au Cameroun vivent dans un état de marginalisation économique et social avancé du fait de l’accès difficile aux ressources financières. La situation des femmes autochtones est plus complexe dans la mesure où leurs sources de revenus sont très peu variées. La baisse de la production des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) du fait de l’intensification de l’exploitation forestière industrielle a de graves conséquences sur leurs activités, et les oblige à parcourir de longues distances dans leurs activités de collecte, du fait de la disparition de certaines essences. De plus en plus, certaines femmes autochtones s’adonnent à la prostitution afin de pallier à leur état de pauvreté. L’article 16 (2) de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples consacre le droit à la santé pour tout individu. La loi n°96/03 du 04 janvier 1996 portant loi cadre dans le domaine de la santé consacre la gestion décentralisée des ressources humaines, financières, et matérielles affectées au système de santé. Depuis 1998, le Cameroun a adopté un Plan d’Action National de Lutte contre les Mutilations Génitales Féminines. Le droit à la santé reste l’un des droits le moins exercé par les peuples autochtones en raison des problèmes liés à leurs conditions à l’instar de l’enclavement de leurs zones d’habitation et de l’absence de moyens financiers. Le système de santé est basé au Cameroun sur le paiement à l’avance des consultations et des médicaments. L’incapacité des communautés autochtones à générer de l’argent est souvent à l’origine de leur déficit d’accès aux soins de santé. Les enfants et les femmes demeurent comme pour la population camerounaise en général les groupes les plus exposés aux risques de mortalité infantile et maternelle. Ces groupes font face à de nombreuses maladies causées ou aggravées par la pauvreté : tuberculose, malnutrition, bronchite, maladies diarrhéiques, rougeole, maladies inconnues pour la plupart avant leur sédentarisation. Des programmes de lutte en vue de l’éradication de maladies telles que le paludisme, la tuberculose… sont régulièrement mis sur pied par le gouvernement camerounais sans grands résultats chez les peuples

95 Art 292 du Code Pénal. 96 Forests Monitor, « La forêt prise en otage, la nécessité de contrôler les sociétés forestières transnationales : Une étude Européenne », 2001.

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autochtones du fait de l’enclavement de leurs zones d’habitation, de la non prise en compte de leurs modes de vie97 ce qui ne favorise pas toujours l’accès de ces groupes à ces divers programmes. Le cas des femmes autochtones est particulier en ce sens qu’elles hésitent à se faire ausculter ou à se faire accoucher par des hommes dans des centres de santé, ce qui nécessite la mise sur pied de programmes culturellement adaptés aux réalités de ces groupes sociaux. La stratégie de santé mise sur pied par l’Etat camerounais connaît également quelques balbutiements du fait de l’absence ou de l’insuffisance des équipements sanitaires, de l’insuffisance qualitative et quantitative du personnel de santé, surtout dans les zones rurales qui abritent les communautés autochtones. Le développement de systèmes de santé des communautés autochtones est l’œuvre de missions catholiques ou des ONG locales à travers des projets. L’exemple du projet Dzanga-Sanga mis en œuvre en République Centrafricaine auprès des Aka peut être considéré comme faisant partie des bonnes pratiques à suivre par le Cameroun. Ce dernier a mis sur pied des cliniques mobiles constituées de personnes ayant en charge de former les membres de communautés Aka vivant en plein cœur de la forêt, de garder un contact permanent avec ces derniers même lors de leurs divers déplacements. Les membres des communautés ont l’obligation de débourser des frais de consultation contre des médicaments qui leurs sont délivrés gratuitement. L’absence de données désagrégées sur ces groupes sociaux contribue à entretenir un flou autour de leurs conditions de vie notamment l’accès aux soins de santé en dépit de leur attachement à la pharmacopée traditionnelle. La perte de leurs espaces vitaux du fait des nombreuses expropriations est un obstacle majeur à l’exercice de ce droit, l’accès aux plantes médicinales étant difficile. La richesse de la pharmacopée autochtone n’est plus à démontrer. Celle-ci n’a jusqu’aujourd’hui pas fait l’objet de recherches ou d’utilisation en vue de l’amélioration de la santé de ces communautés. La sédentarisation forcée des peuples autochtones des forêts a favorisé la survenance de maladies jusqu’ici inconnues pour ces derniers. C’est le cas par exemple du paludisme avec pour principale cause : l’exploitation forestière, les déguerpissements forcés liés à l’attribution des terres ancestrales aux organismes de conservation ou la transformation de leurs terres en plantation industrielle. Cet état de fait contribue à leur faire perdre leur pouvoir économique et spirituel et favorise l’accroissement de leur dépendance économique à l’égard de leurs voisins. 2.10. Egalité et Genre La situation du point de vue de l’égalité entre les genres est, elle aussi paradoxale. On constate en effet un décalage net entre les droits proclamés, et la réalité quotidienne vécue par les femmes autochtones. Le Cameroun a ratifié la Convention des Nations Unies sur l’Elimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes, et la Constitution fournit un reflet fidèle de cet engagement. Le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 contient en effet de nombreuses références, explicites ou non, à la non discrimination à l’égard des femmes. Ainsi proclame-t-il que « l’être humain sans distinction de … sexe… possède des droits inaliénables », et « la Nation protège la femme… ». Les textes législatifs et réglementaires ne sont malheureusement pas allés dans la même direction, et le droit reste au Cameroun encore peu favorable aux femmes98. Il y a certes eu quelques avancées notables au cours des deux dernières décennies, mais elles ne portent pas sur des questions susceptibles de modifier de manière fondamentale le quotidien des femmes autochtones les plus défavorisées99. La loi continue ainsi de consacrer la polygamie comme système matrimonial possible au Cameroun. Dans ce système, les hommes jouissent du droit d’avoir plus d’une femme, sans que l’inverse soit possible. De plus, le régime de la répression de l’adultère reste particulièrement favorable aux hommes. L’adultère de l’homme n’est en effet établi que dans le cas d’une relation suivie, hors mariage, avec la même partenaire. Pour la femme, le droit est plus strict, et même en l’absence de récidive, l’adultère peut être établi100.

97 Il est difficile d’envisager le succès de telles opérations en milieu autochtones si le système mis en place ne tient pas compte des contraintes du nomadisme des bénéficiaires. 98 Voir sur ce point Luc Sindjoun, La biographie sociale du sexe, Paris, Karthala, 2000. 99 Les avancées concernent l’interdiction de l’autorisation maritale pour se faire établir un passeport, ou pour voyager en dehors du Cameroun, ou encore pour ouvrir un compte au nom d’une femme mariée. 100 Article 361 du Code Pénal

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Le code civil a tout de même prévu qu’en l’absence d’un contrat de mariage (ce qui est le cas pour l’écrasante majorité d’autochtones), et dans le cadre d’une union monogamique, la communauté réduite aux acquêts, régime matrimonial de droit commun, s’applique. Il prévoit que l’ensemble des biens du couple acquis après le mariage appartient conjointement aux deux époux. Dans la pratique, peu de couples autochtones formalisent leur union, excluant donc de fait l’application du droit écrit à leur situation particulière, qui est dès lors soumise au droit coutumier101. Celui-ci est particulièrement défavorable aux femmes. Dans de nombreuses coutumes, la femme fait en effet partie de la propriété de son époux, au même titre que les autres biens. Elle ne peut donc prétendre hériter, et les biens de son conjoint passent sous le contrôle de la famille de ce dernier en cas de décès. Pour le moment, la plupart des projets et de programmes mis en place en milieux autochtones par le Gouvernement camerounais accordent peu ou pas d’importance aux approches genre. Sur le plan de la citoyenneté, le Gouvernement œuvre pour la sensibilisation à l’acquisition des actes de naissance, des cartes nationales d’identité, des cartes d’électeur, des actes de mariage. Mais l’on ne dispose d’aucune statistique sur le nombre de femmes autochtones qui ont eu des cartes d’identité, des actes de naissance, etc. La femme autochtone souffre doublement. D’abord en tant que femme camerounaise, ensuite en tant que femme autochtone. Elle souffre des privations et discriminations particulières qui découlent des préjugés à l’égard des peuples autochtones qui existent dans la société en général. Certaines pratiques traditionnelles pourraient avoir un impact sur son statut économique. Paradoxalement, la tradition n’a pas que des aspects négatifs pour la femme. Ainsi, chez les Bakas, la femme occupe une place importante dans la société. Les hommes sont chasseurs et collecteurs, et la chance détermine le succès d’un homme dans ses entreprises et, partant, sa place dans l’ensemble de la communauté. La femme est pourvoyeuse de chance pour son mari. Le départ à la chasse ou à la cueillette étant quasi-quotidien, l’homme est fréquemment en quête de la bienveillance de sa conjointe, ce qui le pousse à régler au plus vite d’éventuels conflits qui les opposeraient. Les violences conjugales et autres mauvais traitements à l’égard des femmes sont donc particulièrement rares dans cette ethnie. Il existe un ministère en charge des affaires sociales, qui a dans son champ de compétence les populations dites marginales (dont les communautés autochtones) et les femmes. Le fait qu’une même administration ait la charge de la gestion des affaires relatives aux autochtones et aux femmes donne la possibilité d’avoir plus de cohérence dans l’action des autorités gouvernementales en matière de prévention des discriminations affectant la femme autochtone. 2.11. Droits des enfants autochtones Une étude récente de l’OIT sur l’impact du travail des enfants autochtones sur leur éducation précise que la marginalisation, les discriminations, la non protection de leurs droits fonciers ancestraux, leur extrême pauvreté, la non prise en compte de leurs besoins et aspirations, ainsi que leur non participation aux affaires de l’Etat sont à la base du problème éducatif qui affecte plusieurs peuples autochtones. Hormis les provisions du DSRP, il ne semble pas exister au Cameroun, un texte juridique adopté spécifiquement pour assurer une égale jouissance du droit à l’instruction pour les filles et les garçons. Cette situation est accentuée en milieux autochtones en raison de la double discrimination dont souffrent les enfants autochtones de sexe féminin. Le Cameroun est parti ou a approuvé divers instruments juridiques internationaux reconnaissant implicitement ou expressément les droits des enfants autochtones : la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations Raciales, la Charte

101 Cette situation s’explique par le coût du mariage, et les formalités administratives qu’il implique. De plus, peu d’autochtones connaissent le droit, ou perçoivent les avantages concrets d’une formalisation de leur union devant l’administration. De plus en plus, on observe des mariages groupés, organisés par l’administration ou par des politiciens locaux ou nationaux.

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Africaine sur les Droits et le Bien Etre de l’Enfant, la Convention 138 de l’OIT sur l’âge minimum, la Convention 182 de l’OIT sur les pires formes de travail de l’enfant, la Déclaration mondiale et le Plan d’Action en faveur de la survie, de la protection et du développement de l’enfant, le Programme Action 21102, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones… qui énoncent notamment le droit à la santé, à l’éducation, au logement, la protection des droits sociaux culturels… La loi n°2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre la traite et le trafic des enfants réprime à la fois l’exploitation des enfants103, la traite des enfants104, la mise en gage des enfants ainsi que le trafic des enfants. La loi n° 83/013 relative à la protection des personnes handicapées et son Décret d’application fixent les modalités d’exercice du droit à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’intégration socio économique, à l’emploi, des activités sportives et des loisirs et d’aide sociale des personnes handicapées. Le Cameroun a mis en place une Commission Nationale pour la Protection de l’Enfance en Danger Moral, Délinquante et Abandonnée en 1990, un Comité de Coordination des Programmes relatifs à Coopération Cameroun en 2001. Depuis 1998, siège le Parlement des Enfants mis sur pied avec l’aide du Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF). Constitué de 180 titulaires et 20 suppléants, aucun enfant autochtone n’est cependant membre. Les peuples autochtones des forêts du Cameroun ont fait l’objet de nombreuses expulsions, ce qui les a contraint à quitter leurs terres ancestrales. Aujourd’hui, plusieurs enfants autochtones sont contraints de quitter leurs communautés à la recherche d’un emploi ou pour poursuivre leurs études. L’absence de prise en compte des périodes de chasse, des périodes d’initiation à leurs rites105 dans le calendrier scolaire contribuent à les éloigner de leur culture et de leurs identités. L’intérêt des peuples autochtones pour l’école est établi. Dans toute la zone d’intervention de la FEDEC, toutes les personnes interviewées ont reconnu l’importance et la nécessité d’envoyer les enfants à l’école. Au moins deux raisons essentielles ont été avancées pour justifier ce choix : le besoin de connaître et de comprendre le monde dans lequel vivent les Pygmées et la nécessité de communiquer avec le monde extérieur. L’alphabétisation et l’ouverture au monde extérieur constituent les piliers de l’adhésion au processus de scolarisation. En fait, le bilan des quatre dernières décennies de scolarisation des enfants Pygmées a montré que la scolarisation a contribué au recul de l’analphabétisme chez les Pygmées et à l’émergence d’élites scolarisées servant d’interfaces avec le monde extérieur et d’éducateurs d’autres générations de scolarisés. Toutefois, malgré l’intérêt et l’engouement manifeste pour la scolarisation, l’utilité et l’efficacité du modèle actuel de scolarisation posent encore de nombreux problèmes. L’école coupe l’individu des réalités de son milieu et ne lui donne pas les moyens de réintégrer plus ou moins harmonieusement ce milieu. Elle n’apporte pas de réponses concrètes et palpables aux problèmes et aux besoins de l’individu scolarisé. L’amélioration du taux de scolarisation des enfants Pygmées et Bororos ne sera possible que si l’efficacité de l’école est établie et reconnue. Les principales actions à mener dans ce cadre sont deux ordres : le développement et la mise en œuvre d’un modèle de scolarisation endogène et intégré et le suivi-accompagnement des diplômés Pygmées. Les diplômés ont besoin d’être suivis et accompagnés. Il ne suffit pas de former les gens. Il faut encore savoir ce qu’ils deviennent après la formation. Et, dans la mesure du possible, on peut les soutenir dans le processus d’insertion ou de réinsertion dans le circuit économique. En plus des problèmes d’accès à l’éducation, aux soins de santé, les enfants autochtones sont confrontés à des mauvais traitements, aux violences domestiques, de violence et de divers types d’exploitation.

102 Chapitre 25 103 Proxénétisme de l’enfant ou toute forme d’exploitation sexuelle, exploitation du travail des enfants ou des services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues 104 Recrutement, transfert, hébergement ou accueil des enfants aux fins d’exploitation, par menace, recours à la force ou à d’autres formes de contraintes par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou de mise à profit d’une situation de vulnérabilité ou par offre ou acceptation d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur l’enfant. 105 Rite d’initiation à l’ « Ejengui » ou au « Beka » chez les Pygmées par exemple

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4.12. Les communautés autochtones des zones frontalières Comme les autres peuples africains, les communautés autochtones souffrent du caractère arbitraire du tracé des frontières, qui ont divisé de nombreuses ethnies, et qui n’ont pas tenu compte des zones d’influence de ces peuples nomades. Ainsi, dans le cas du Cameroun, on note la présence de communautés autochtones dans des zones frontalières, et des fréquents mouvements de communautés de part et d’autre des frontières étatiques. Ainsi, l’itinéraire de transhumance des populations Mbororos s’étend aux territoires du Nigéria, du Tchad et de la République centrafricaine, tandis que ce que l’on pourrait désigner comme l’aire culturelle Baka recouvre des portions des territoires du Cameroun et du Gabon, tout comme les Bagyeli/Bakola se meuvent de part et d’autre de la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale. Il est également important de relever que bien que les peuples autochtones des forêts en République du Congo et en République centrafricaine ne soient pas de l’ethnie Baka, on note des déplacements des Baka vers ces territoires. Une étude du professeur Léopold Donfack constate : « La liberté d’aller et venir est un principe d’affirmation ferme parce que constante dans les textes juridiques (en vigueur dans les Etats d’Afrique centrale). Elle connaît toutefois une mise en œuvre variable et parfois contrastée, voire problématique »106. La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ratifiée par l’ensemble des Etats de la sous région, en consacre le principe dans son article 12. Il faut ici relever qu’il ne s’agit pas d’une simple reprise de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui véhicule une conception restrictive de la liberté de circulation, en en cantonnant l’exercice à l’intérieur des frontières de l’Etat d’établissement. La Charte Africaine des Droits de l’Homme étend cette liberté au droit de quitter tout pays (y compris le sien) et de revenir dans son pays. Elle prévoit enfin que les seules restrictions à l’exercice de cette liberté doivent être formellement prévues par la loi, et ne peuvent être justifiées que par la nécessité de la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique107. Le traité instituant la CEMAC108, celui créant la CEEAC109, et l’accord donnant naissance à la Commission du Golfe de Guinée110 garantissent la libre circulation des personnes au sein des espaces ainsi créés. Au-delà de l’affirmation, la mise en œuvre effective de ce principe reste problématique, et on continue d’observer des restrictions aux mouvements des personnes dans la sous région. Elles se justifient par les limites de la capacité d’absorption des demandeurs d’emploi par les économies les plus florissantes (Gabon et Guinée Equatoriale notamment). A priori, les communautés autochtones vivant dans les zones frontalières ne souffrent d’aucune restriction dans leurs déplacements. Les migrations se font en effet, le plus souvent, en marge des canaux classiques, et les chemins empruntés sont, la plupart du temps, des pistes de forêt, qui les mettent à l’abri de tout contrôle. De plus, le lieu de leur établissement, généralement temporaire, dans le pays d’accueil, se situe en zone rurale, voire au cœur de la forêt, dans les régions habitées par les communautés autochtones du pays d’accueil. Ces régions échappent au contrôle permanent des autorités administratives, qui ne sont finalement pas toujours informées de la présence d’étrangers sur leur territoire. Enfin, la motivation principale des migrations des autochtones n’est pas économique, au sens où le redoutent les autorités de certains des principaux pays d’accueil de la région (recherche d’un emploi salarié dans les grandes villes). La pratique des migrations transfrontières est intense au sein des communautés autochtones du Cameroun. On a ainsi constaté, dans de nombreux campements du Sud et du Sud-Ouest du Cameroun la présence de ressortissants de pays voisins (Guinée Equatoriale et Gabon notamment), et les absences de quelques membres de la communauté s’expliquaient par leur déplacement chez les

106 Léopold Donfack, « La liberté d’aller et venir dans la sous région du Golfe de Guinée », African Yearbook of International Law, 2002, Vol. 10, pp.323-363. 107 Article 12(2), Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. 108 Traité du 16 mars 1996 à Ndjaména 109 Voir l’article 40 du Traité du 18 octobre 1983 à Libreville. 110 Traité du 3 juillet 2001 à Libreville, instituant la Commission du Golfe de Guinée

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« frères » vivant de l’autre côté de la frontière. Les manifestations culturelles et rituelles, les visites, ou des menaces sont les principales justifications de ces déplacements111. La situation dans le sud-est est particulière : la région frontalière abrite en effet trois aires protégées regroupées au sein de la Trinationale de la Sangha (Réserve de la Lobeke au Cameroun, le parc national de Dzanga-Sangha en RCA, et le Parc National Nouabale Ndoki en République du Congo). Ce régime particulier de la zone frontalière rend difficiles les déplacements des populations, soupçonnées de braconnage lorsqu’elles se retrouvent à l’intérieur d’une aire protégée. Il ne s’agit en réalité pas d’une restriction de droit au principe de la libre circulation entre pays voisins, mais d’une limite de la liberté d’aller et de venir au sein des aires protégées, à l’intérieur des frontières d’un Etat. Ce qui rend la situation exceptionnelle dans ce cas, c’est la proximité entre ces trois aires protégées, et leur localisation à la frontière des trois pays, qui limite considérablement les possibilités de déplacement des communautés autochtones nomades dans ces régions. Partie III: Conclusions et recommandations Conclusions A l’analyse, on constate une ambiguïté de la position du Gouvernement du Cameroun à l’endroit des populations autochtones du Cameroun. Celle-ci se manifeste par un engouement pour les textes internationaux à portée politique, comme la Déclaration des Nations unies sur les populations autochtones, signée par le Cameroun, et des réticences dans la signature des instruments juridiques internationaux assurant de manière spécifique la protection desdits groupes (comme la convention 169 de l’OIT). Cette position peut s’expliquer, au moins en partie, par la nécessité d’éviter, par la singularisation d’un groupe ethnique, de raviver les revendications identitaires dans des Etats à l’unité nationale encore en construction. Le Cameroun n’a pas encore donné de définition formelle de la notion de populations autochtones. Le Gouvernement préfère tend à formaliser une identification des peuples fondée sur la marginalité. Ce choix participe de la volonté du pays de laisser la latitude aux peuples/et aux communautés d’exprimer leurs identités culturelles respectives. Il est aussi lieu au fait qu’il y a une pratique politique qui consiste à se méfier de tous les particularismes. Les conventions générales relatives aux droits de l’Homme accordent elles aussi une reconnaissance de droits aux populations autochtones, mais ceux-ci tardent à être traduits dans les textes législatifs et réglementaires, même lorsqu’ils internalisés par la Constitution. La mise en œuvre des principes constitutionnels n’est en effet pas aisée, en l’absence de textes en organisant de manière précise les modalités. Cette lacune du droit est préjudiciable aux communautés autochtones, les politiques et projets étant conçus sans tenir compte de leur spécificité culturelle. Il en résulte une marginalisation de fait dans les domaines de la santé, l’éducation, la gestion des ressources naturelles et la vie politique nationale. Il faut dire que ces problèmes sont surtout créés par une méconnaissance des modes de vie des populations autochtones, qui conduit les décideurs publics à imaginer des solutions inadaptées, voire contraires à leurs cultures et pratiques traditionnelles. Bien plus, on constate des éléments d’une marginalisation par le droit, à travers des textes conçus directement contre les populations autochtones. Il s’agit notamment des textes relatifs aux aires protégées, qui limitent considérablement les possibilités d’exercice des droits d’usage dans ces espaces. Cependant, derrière ce tableau sombre se cache des actions qui commencent à faire sens. Il s’agit des actions en faveur ce la reconnaissance de la citoyenneté des peuples autochtones. Ces actions concernent l’établissement des actes de naissance et des cartes nationales d’identité, mais aussi de la création des chefferies de communauté ou de 3e degré et de la sécurisation des droits fonciers des 111 Recherchés par les autorités pour leur implication présumée dans des activités de braconnage, des Bagyelis se sont parfois enfuis, temporairement, vers la Guinée Equatoriale.

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pygmées, la nomination d’un Pygmée Bagyéli au poste de juge assesseur d’un tribunal coutumier de Ndtoua dans la province du Sud est un exemple encourageant de reconnaissance. Enfin, on remarque que même en l’absence de textes, des expériences éparses tentent de proposer des solutions à la marginalisation, par des modèles de gestion adaptés à la culture des populations autochtones. C’est surtout dans les domaines de l’accès aux ressources naturelles, y compris dans les Parcs nationaux, l’accès au foncier, dans le cadre de la reconnaissance des droits fonciers coutumiers, la création de forêts communautaires propres aux autochtones. Le succès de ces initiatives doit beaucoup à l’engagement d’autorités administratives locales et ouvre des perspectives à l’ensemble des communautés autochtones du pays. Les tentatives de reconnaissance des peuples autochtones se matérialisent par le prise en compte de leurs droits dans les politiques, programmes et projets nationaux de développement mis en place : le PPAV (Plan pour les peuples autochtones et vulnérables) ; le Programme national de développement participatif (PNDP) ; le Plan de Développement des Peuples Autochtones « Pygmées » du PNDP ; le Programme sectoriel forêt environnement (PSFE) ; le Projet de Politique Nationale des Populations Marginales; le Plan de Convergence de la COMIFAC ; le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique ; le référentiel de certification FSC adapté au Cameroun. Recommandations : Le défi de l’intégration des populations autochtones dans la communauté nationale est loin d’être surmonté dans les pays d’Afrique centrale, et au Cameroun. La quête de l’équilibre explique les atermoiements de l’Etat, qui hésite à aller aussi loin que le souhaitent les instruments juridiques internationaux destinés à assurer la protection des droits desdites communautés. En attendant que les positions évoluent au sein de l’Etat, et que les réticences s’estompent, on peut envisager des pistes d’action susceptibles d’améliorer, parfois de manière considérable, la situation de ces peuples, et de mettre l’Etat en conformité avec ses engagements conventionnels actuels, et avec son droit national. On pourrait ainsi envisager deux catégories de recommandations :

1. Les recommandations d’ordre général a. Conduire une réflexion sur la question foncière et la gestion des ressources naturelles,

afin de s’assurer que les droits fonciers des autochtones et leurs modes de vie sont protégés, dans le cadre d’une réforme du droit qui ne bouleversera pas de manière fondamentale le droit foncier national. On pourrait ainsi envisager de consacrer la reconnaissance du droit des autochtones à jouir de droits d’usage dans les aires protégées

b. Imposer, dans le cadre des études d’impact, un volet social avec des dispositions précises relatives aux communautés autochtones : les opérateurs devront avoir l’obligation d’analyser l’impact spécifique de leurs opérations sur les communautés autochtones, et de fournir un plan d’atténuation

c. Les attributions de la Commission des Droits de l’Homme devraient être élargies, afin de lui donner un mandat spécifique dans le suivi des questions relatives aux droits des minorités. Elle pourrait rédiger chaque année un rapport sur les droits des autochtones au Cameroun.

d. Un mécanisme devrait être mis en place pour assurer la participation des autochtones à la vie politique nationale. Le Sénat devrait accueillir au moins deux représentants des communautés autochtones, et les Régions prévues dans le cadre de la décentralisation de la vie politique nationale devraient également réserver une place aux populations autochtones.

e. Conduire des études participatives sur les obstacles à l’épanouissement des communautés autochtones au Cameroun, et mettre en place une politique nationale sur la base des résultats de ces études.

2. Les recommandations spécifiques à des secteurs précis de la vie nationale a. En matière de santé

i. La formation des agents de santé autochtones devrait être assurée

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ii. La gratuité des soins de santé maternelle et infantile jusqu’à l’âge de 5 ans doit être assurée pour tous les enfants autochtones (soins et médicaments)

b. Dans le domaine de l’éducation

i. Assurer la réalité de la gratuité de l’école pour les autochtones. On pourrait étendre ce droit au secondaire et au supérieur, afin d’encourager les enfants autochtones à assurer leur éducation scolaire. On pourrait également penser que l’Etat pourrait assurer la gratuite des fournitures scolaires aux enfants de ces communautés.

ii. Le calendrier scolaire pourrait être adapté au calendrier des activités des autochtones

iii. Les programmes scolaires des établissements fréquentés par des autochtones pourraient également prévoir des enseignements plus pratiques, et des cours de et en langues autochtones

c. La gestion des forêts i. Assurer la protection des zones à haute valeur culturelle dans le cadre des

opérations d’exploitation forestière ii. Assurer la protection des ressources utilisées par les communautés

autochtones iii. Modifier le cadre juridique des droits d’usage, afin de permettre la

commercialisation des produits prélevés légalement par les communautés autochtones

Part IV: Bibliography Abega et Bigombé, S et P (2005) Eléments de Synthèse Générale des Résultats de l’Etude sur l’Autopromotion des Populations « Pygmées » d’Afrique Centrale Bahuchet et Maret, S et P (1993) Situation des Populations Indigènes des Forêts Denses Humides, Projet CCE DG XI Environnement Situation des Populations des Forêts Tropicales Barume, A (2004) Cadre Juridique et Coutumier pour la Protection des Droits des Peuples Indigènes et Tribaux Au Cameroun : Points d’entrée: Bureau International du Travail Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (2007) Avis Juridique de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones Commissions Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (), Rapport du Groupe de Travail d’Experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les populations/communautés autochtones Daou, V (2001) La Question des Pygmées dans le Processus de Gestion Participative des Aires Protégées, Projet Jengi/WWF, Sud – Est Cameroun, Rapport WWF Cameroun Programme Donfack, L (2002) La Liberté d’Aller et de Venir Dans la Sous Région du Golfe de Guinée: African Yearbook of International Law Forest Monitor (2001) La Forêt Prise en Otage, la nécessité de contrôler les sociétés forestières transnationales: Une étude européenne Guiffo, J (2008) Le Titre Foncier au Cameroun : Editions de l’Essoah Guiffo, J (2007) Le Statut International du Cameroun 1921-1961 : Editions de l’Essoah

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