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État des lieux du cadre normatif et institutionnel du système semencier et de la place des semences paysannes et des droits des agriculteurs au Mali Semences, Normes et Paysans ÉTUDE JUIN 2016

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État des lieux du cadre normatif et institutionnel du système semencier et de la place des semences paysannes et des droits des agriculteurs au Mali

Semences, Normes et PaysansÉTUDE

JUIN 2016

L’Institut de recherche et de promotion des alternatives endéveloppement (IRPAD/Afrique) est une association de droit malien, à vocation scientifique et pédagogique, créée en 2004 et reconnueofficiellement en 2007. L’institut développe une expertise sur lesquestions de politiques agricoles, de sécurité et souverainetéalimentaires. L’IRPAD est membre fondateur de la Coalition pour laProtection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN), un réseaud’organisations de la société civile qui depuis 10 ans veille à la biosécurité et à la valorisation du patrimoine génétique africain.

Biodiversité : échanges et diffusion d’expériences (BEDE) est uneassociation de solidarité internationale française fondée en 1994.BEDE exerce officiellement au Mali depuis une coordinationdécentralisée à Ségou. En lien avec différents réseaux européens,ouest africains et internationaux, BEDE contribue à la protection età la promotion des agricultures paysannes en soutenant desinitiatives de valorisation des systèmes semenciers autonomes.BEDE est membre du Réseau Semences Paysannes français quiabrite une veille juridique sur les semences.

Ensemble ces organisations animent le processus “SemencesNormes et Paysans” qui cherche à créer un cadre de concertationmulti-acteurs sur le cadre normatif des semences et les droits despetits producteurs au Mali et à faire reconnaitre la place dessemences paysannes.

La rédac�on de l’étude a été coordonnée par Mohamed Coulibaly avec les contribu�onsde Mamadou Goïta, Anne Berson et Robert Ali Brac de la Perrière.

Le projet a obtenu le sou�en financier du Bureau de la Coopéra�on Suisse au Mali, de Misereor et du CCFD ‐ Terre Solidaire.

Contacts :Mohamed Coulibaly : [email protected] Goita : [email protected] Berson : anne@bede‐asso.orgR.‐A. Brac de la Perrière : brac@bede‐asso.org

Ce document est le rapport final de l’étude de la première phase du projet“Construire un cadre de concertation multi-acteurs sur le cadre normatif des semences et les droits des petits producteurs au Mali” qui s’est déroulé de janvier à juin 2016 dans le cadre d’une collaboration entre l’IRPAD et BEDE.

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ETUDE SEMENCES, NORMES ET PAYSANS (IRPAD / BEDE, JUIN 2016)

Sommaire

Introduction 2

1. Présentation du secteur semencier au Mali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.1. Le système des semences certifiées : ses acteurs et ses normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.2. Le système des semences paysannes ou traditionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

2. Cadre juridique applicable au système semencier au Mali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.1. Textes relatifs à la commercialisation des semences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.2. Textes relatifs aux droits de propriété intellectuelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.3. Textes relatifs sur la biosécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.4. Textes relatifs aux ressources génétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

3. Analyse du cadre juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293.1. Le cadre juridique accorde peu de place aux semences paysannes et aux droits des agriculteurs qu’il a du mal à définir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293.2. Le cadre juridique prépare le terrain au secteur privé et à l’industrie semencière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313.3. Le cadre juridique favorise le transfert des compétences du gouvernement malien vers des organisations sous régionales, éloignant les acteurs nationaux des centres de décisions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Recommandations et conclusion 34

Sigles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

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La semence est l’un des facteurs essentiels de production en matière agri-cole dont la qualité joue un rôle crucial dans l’amélioration de la produc-tion. L’un des objectifs de développement agricole des autorités

maliennes est la mise à disposition de semences de qualité au profit des paysans. Pource faire, un système de production et de diffusion de semences améliorées certifiéesest mis en place. Dans ce système, les variétés sont mises au point par les structuresde la recherche publique agronomique, notamment l’institut d’économie rurale (IER).Ces variétés sont homologuées et inscrites au catalogue officiel pour être produites etcommercialisées sur le territoire national. Toutes les semences issues des variétés inscrites au catalogue subissent un contrôlede qualité sanctionné par la certification, les rendant ainsi commercialisables au Mali.Un autre aspect du système semencier certifié est l’autorisation du droit de propriétéintellectuelle sur les semences. L’outil de protection utilisé en droit malien, ainsi quedans beaucoup de pays africains, est le droit d’obtention végétale (DOV) matérialisépar le certificat d’obtention végétale (COV). Parallèlement à cette filière de semences certifiées, il existe une autre filière de semences traditionnelles et paysannes produites et diffusées à travers les pratiquespaysannes. Ces pratiques sont basées sur le principe de souveraineté alimentaire, undéveloppement rural fonde sur une agriculture écologique non dépendante d’intrantsextérieurs et soucieuse de garantir l’autonomie des paysans dans l’accès et la distri-bution des semences. La caractéristique principale des variétés paysannes est leuradaptabilité grâce à leur hétérogénéité. Il s’agit de variétés populations dont la riche diversité leur donne une grande plasticité face aux changements climatiques.Cette caractéristique maintenue par les communautés paysannes en fait la ressourcegénétique principale des sélections modernes.

Introduction

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Ce sont les variétés paysannes qui sont dans les banques de gènes, et qui sont la basede toutes les variétés de la recherche. La variété paysanne est, dans certains cas, seulement épurée dans la station expérimentale pour la rendre conforme aux critèresd’homologation et de certification. Parfois ces variétés paysannes sont croisées pourdonner naissance a de nouvelles variétés. Cette situation suscite un autre débat autourdes droits des agriculteurs sur les variétés traditionnelles qu’ils ont conservées, et surles nouvelles variétés épurées ou croisées issues des premières.Les deux systèmes semenciers sont soutenus par un cadre juridique national, sous régional et international qui mérite d’être clarifie et compris par tous les acteurs. Auniveau national, ce cadre ne semble prendre en compte que les semences certifiées,et se trouve peu adapté aux variétés traditionnelles et paysannes. Les droits des agri-culteurs sur ces variétés qu’ils ont conservées et diversifiées s’en trouvent fragilisés. Ilapparaît donc important de réfléchir à un mode de protection de ces droits et des ressources génétiques sur lesquelles ils portent. Des textes internationaux auxquels leMali a adhéré comportent des éléments intéressants visant cette protection. La miseen œuvre de ces instruments au niveau national pourrait offrir des pistes de solution àcette situation.C’est dans ce cadre que l’Institut de recherche et de promotion des alternatives en dé-veloppement (IRPAD), et l’association Biodiversité, échanges et diffusion d’expériences(BEDE) ont initié un processus de réflexion intitulé “Semences, Normes et Paysans :Construire un cadre de concertation multi-acteurs sur le cadre normatif dessemences et les droits des petits producteurs au Mali”. L’objectif final de cette initiative est d’arriver à mettre en place un espace de dialoguequi puisse dégager un cadre juridique consensuel protégeant les droits des petits producteurs maliens sur les semences traditionnelles/paysannes.La présente étude se situe dans le cadre de ce processus de réflexion enclenché parl’IRPAD et BEDE. Elle vise à présenter le cadre juridique applicable déterminant les règles et institutions impliquées dans la gouvernance des semences au Mali, ainsi qu’àévaluer la place des semences paysannes et des droits des petits producteurs dansledit cadre. La démarche méthodologique a comporté trois phases, à savoir, (i) la revuedocumentaire et l’analyse des textes juridiques pour l’élaboration d’un rapport d’étudeprovisoire, (ii) la restitution aux acteurs et leur consultation à travers 4 ateliers succes-sifs, et (iii) une étude approfondie suivie de l’analyse des informations collectées lorsdes débats au cours des différent ateliers.Le rapport est structuré en quatre parties. Après l’introduction, la première partie présente le système semencier, en mettant l’accent sur les acteurs et leurs rôles. Ladeuxième partie présente tel quel le cadre juridique qui sous-tend le système. La quatrième partie, quant à elle, fait une analyse critique du système ainsi que du cadrejuridique présenté dans la troisième partie. La troisième partie porte sur les recomman-dations et les conclusions tirées de cette étude.

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AuMali, le secteur semenciercomporte deux catégoriesde semences autour des‐

quelles les acteurs de la produc�on végé‐tale se retrouvent : les semences cer�fiéesissues des variétés homologuées, et les semences de variétés tradi�onnelles aussiappelées semences paysannes.1

Le système des semences cer�fiées est,comme son nom l’indique, composé desacteurs impliqués dans les ac�vités liées aucommerce des semences cer�fiées confor‐mément aux normes et lois en vigueur auMali. Il comporte l’ensemble des acteurschargés des différentes ac�vités liées à laproduc�on semencière – de la sélec�on va‐riétale à la mise à disposi�on de la dernièregénéra�on de semence au dernier u�lisa‐teur – ainsi que l’ensemble des normes ettextes juridiques encadrant lesdits acteurset leurs ac�vités. Ces ac�vités se retrou‐vent à l’intérieur de trois fonc�ons essen‐�elles, à savoir : la sélec�on (la recherche),la mul�plica�on, et la distribu�on des semences.2 Une fonc�on transversale restecelle de l’encadrement et du contrôle pourréglementer le secteur et assurer la qualitédes semences.Quant au système semencier paysan, il est

organisé de façon horizontale par des producteurs qui sélec�onnent, mul�plient,échangent des variétés depuis des généra‐�ons selon des règles d’usage qu’ils définissent eux‐mêmes. La grande diversitédes semences des variétés ainsi entrete‐nues est considérée comme un patrimoine,dont les ressources géné�ques servent àalimenter les programmes de sélec�on dessemences cer�fiées. Le système semencierpaysan représente environ 75% des se‐mences des différentes variétés u�liséesau Mali. Il est difficile d’évaluer avec précision la part des semences paysanneset tradi�onnelles dans l’u�lisa�on globaledes semences au Mali, mais les donnéessont suffisamment claires pour affirmerque ces semences sont la source principaled’approvisionnement des paysans.

1. Présentation du secteur semencier au Mali

1/ Ainsi, on parle de deux systèmes semenciers : lesystème des semences certifiées, appelé parfois aussi“système formel” qui cohabite avec le systèmesemencier paysan parfois qualifié d’“informel”.2/ Définition adaptée de “Manuel de Production deSemences de Riz” ; Ministère de l’Agriculture, DirectionNationale de l’Agriculture ; Avril 2012. Voir, pour les troisfonctions : Laboratoire d’innovation FSP - Document deTravail N° Mali-2015-3 “Revue du système semencier auMali” (Déc. 2015) ; p.9.

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Ainsi, des chiffres plus récents font étatdes sta�s�ques suivantes :

� pour les céréales, les taux d’u�lisa‐�on des semences améliorées sont les suivants : 35 % pour le maïs ; 28 % pour lesorgho ; 26 % pour le mil ; 22 % pour l’ara‐chide et 14 % pour le riz pluvial ;

� pour la pomme de terre, il n’y aqu’une seule variété locale dans la régionde Sikasso qui semble toujours cul�véeprincipalement pour l’autoconsomma�on.Le reste de la produc�on est assuré par lessemences importées, soit près de 100% desemences cer�fiées ;

� la même source parle de 100% de se‐mences améliorées pour les maraîchères.Il faut noter à ce niveau que pour certainesespèces, tel que le gombo, les semencesaméliorées sont issues de variétés tradi‐�onnelles, ce qui rela�vise les chiffres.Mais comme men�onné, les chiffres nesont pas assez fiables à défaut d’une étudeplus poussée. Il conviendrait de faire une brève présen‐ta�on des deux composantes du systèmesemencier malien, à savoir : celui des se‐mences cer�fiées, et celui des semencestradi�onnelles paysannes.

A ce niveau, il s’agit du système régle‐menté par des textes juridiques et réglementaires me�ant en vigueur desnormes et des règles à respecter danstoutes les ac�vités liées aux semences enRépublique du Mali. Il repose sur diffé‐rents règlements techniques élaboréspour garan�r la pureté des variétés et lesqualités germina�ves et sanitaires des semences vendues aux agriculteurs. Lesnouvelles variétés d’un tel système sont

homogènes, elles sont mieux valoriséesdans les agrosystèmes intensifs plus exigeants en intrants, ce qui ne permet pasleur adapta�on à tous les systèmes agri‐coles du pays. Dans ce système, les semences sont classées en 5 catégories, de la premièregénéra�on (G0) à la dernière reproduc�on(R2) :

• Catégorie 1 : semence de souche (ma‐tériel parental issu de l’ac�vité de sélec�onG0) ;

• Catégorie 2 : semence de pré‐base(trois généra�ons après le G0, soit G1, G2et G3) ;

• Catégorie 3 : semence de base (qua‐trième généra�on après la G0 et issue deG3, appelée G4) ;

• Catégorie 4 : semence cer�fiée depremière reproduc�on (R1) ;

• Catégorie 5 : semence cer�fiée dedeuxième reproduc�on (R2).Les acteurs peuvent être catégoriséscomme suit : les structures de gouver‐nance et de contrôle ; les structures de recherche, les structures de mul�plica�on,les structures de distribu�on des semences,les structures d’accompagnement, ainsique les agriculteurs qui sont considéréscomme les u�lisateurs finaux des se‐mences.

1.1. Le système des semences certifiées : ses acteurs et sesnormes

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� Les structures de gouvernance et decontrôle

Les structures de gouvernance et decontrôle sont celles chargées, d’une partde l’élabora�on (en concerta�on avec lesautres acteurs) et de la mise en œuvre dela poli�que semencière du Mali, ainsi quedes textes législa�fs et réglementaires en‐cadrant les semences cer�fiées, et d’autrepart, celles chargées du contrôle et de lacer�fica�on des semences. Les services concernés par la fonc�ond’encadrement (dans le sens de ges�on) etde contrôle sont : la Direc�on na�onale del’agriculture et le Laboratoire des se‐mences d’origine végétale (Labosem).

La Direc�on na�onale de l’agriculture –DNA

Créée par la loi N°05‐012 du 11 février2005, la DNA est un service central ayantpour mission d'élaborer “les éléments dela poli�que na�onale en ma�ère agricoleet d'assurer la coordina�on et le contrôlede sa mise en œuvre”. Il convient de noterici que la poli�que na�onale en ma�èreagricole est fixée par la loi d’orienta�onagricole (LOA) adoptée en 2006. Ainsitoutes les poli�ques sectorielles, comme

par exemple la poli�que foncière agricole(PFA) ou la poli�que semencière, cons�‐tuent des éléments de la poli�que na�o‐nale en ma�ère agricole. C’est à ce �treque la DNA se voit confier le rôle de piloterl’élabora�on et de suivre la mise en œuvrede la poli�que semencière, ainsi que lestextes juridiques qui en découlent.Selon l’ar�cle 5 du décret N°09‐186/P‐RM,la DNA est composée de deux bureaux etde quatre divisions parmi lesquelles la Division législa�on et contrôle phytosani‐taire (DLCP) qui, à son tour, est composéede deux sec�ons : la sec�on contrôle dequalité et suivi des professionnels du secteur, et la sec�on législa�on et normes.La DLCP est chargée, entre autres, de :

� élaborer la législa�on en ma�ère deproduc�on végétale, de contrôle phytosa‐nitaire et des intrants agricoles et veiller àen assurer l’applica�on ;

� par�ciper à l’élabora�on des normesen ma�ère de produc�on végétale, decontrôle phytosanitaire et d’intrants agri‐coles ;

� contrôler la qualité des semencesd’origine végétale.La DNA comporte aussi cinq services ra�a‐chés dont le Service semencier na�onal(SSN) qui joue un grand rôle dans la produc�on semencière. Le SSN a pour mission l’élabora�on et la mise en œuvrede la poli�que semencière au niveau na�onal. Il coordonne les ac�vités de pro‐duc�on de semences des services de l’Étatà l’échelle du pays. II recense les besoinsen semences des structures d’encadre‐ment, soumet le programme de produc‐�on de semences de base à l’Ins�tutna�onal de la recherche agronomique(IER), établit le programme de produc�onde semences et le fait exécuter à traversson réseau de paysans semenciers pour laproduc�on de semences cer�fiées R1 etR2 dont il assure la distribu�on.

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Le Laboratoire d’analyse de qualité des se‐mences (Labosem)

Le Labosem assure le contrôle et la cer�fi‐ca�on des semences à travers des agentsassermentés. La loi autorise tout labora‐toire agréé au Mali à analyser les semenceset à donner des résultats. Cependant, avecun système semencier dominé par le secteur public, c’est la DNA, à travers le Labosem, qui assure ce rôle. En outre, le Labosem coordonne l'élabora�on du cata‐logue officiel des espèces et des variétés enrapport avec le Comité na�onal des semences d’origine végétale (CNSOV), sou‐vent appelé Comité na�onal des variétés(CNV). Le Labosem suit également les testsd’homologa�on des variétés en collabora‐�on avec les sta�ons de recherche de l’IER.

Le Comité na�onal des semences d’originevégétale – CNSOV

Le CNSOV est considéré comme l’espace degouvernance principal du secteur semen‐cier, car regroupant l’ensemble des acteurset prenant un certain nombre de décisions.Il est présidé par le représentant du minis‐tre de l’agriculture et son secrétariat est assuré par la DNA. Il est composé commesuit (ar�cle 32 du décret d’applica�on de laloi sur les semences d’origine végétale) :• un représentant du ministère chargé del’Environnement ;• un représentant du ministère des Fi‐nances ;• un représentant du ministère chargé duCommerce ;• un représentant de la DNA ;• un représentant de l’IER ;• un représentant des produc�ons et desindustries animales ;• un représentant de l’IPR/IFRA de Ka�bou‐gou ;• un représentant de l’Université de Bamako ;

• un représentant de l’Associa�on semen‐cière du Mali (ASEMA) ;• un représentant de la Coordina�on desprganisa�ons paysannes – CNOP ;• un représentant de l’Associa�on des Organisa�ons professionnelles paysannes(AOPP) ;• le Chef de l’Unité des ressources géné‐�que (URG) de l’IER.Le CNSOV est consulté, selon l’ar�cle 31 dudécret, sur toutes ques�ons rela�ves auxsemences, notamment :

� les principes et orienta�ons généralesde la réglementa�on des semences ;

� les mesures suscep�bles de contri‐buer à la normalisa�on, à la défini�on et àl’établissement des condi�ons et modalitésde produc�on et d’emploi des semences ;

� l’homologa�on de nouvelles variétéset leur inscrip�on au catalogue ;

� la valida�on des résultats et de la cer�fica�on des semences produites et importées avant leur mise sur le marché.

� Les structures de recherche

Deux structures publiques de recherche assurent la sélec�on variétale au Mali : l’IERet l’IPR/IFRA. Ce�e ac�vité concerne lacréa�on de nouvelles variétés, et le déve‐loppement de paquets techniques accom‐pagnant l’u�lisa�on des semences. Ellesme�ent à la disposi�on des services demandeurs des semences de pré‐baseet/ou des semences de base3 de la variétécréée homologuée (inscrite au catalogueofficiel). Les structures de recherche assurent aussi la responsabilité de conser‐va�on/maintenance des semences desouche et la mul�plica�on de semencespré‐base pour chaque variété homologuée.

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3/ La loi reconnait les catégories de semencessuivantes : souche, pré-base, base, R1 et R2. Article 2 dela loi semencière du Mali.

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Ins�tut d’économie rurale – IER

L’IER est chargé de la sélec�on, la créa�onvariétale et de la produc�on des semencesde souche et de pré‐base dont il assure laconserva�on. Avec la libéralisa�on du secteur des semences à travers la loi sur lessemences végétales de 2010, l’IER n’a plusle monopole de la recherche variétale.Ce�e ac�vité est ouverte à toutes les struc‐tures de recherche publiques ou privées. Lalibéralisa�on a aussi ouvert la produc�onde semences de base à d’autres structures,y compris les sociétés semencières. Maismalgré ce�e libéralisa�on, l’IER cons�tue,encore en 2016, le principal pourvoyeur desemences de pré‐base et de base au Mali. Les semences sont produites par l'IER et aunom de la mission de service public qu’ilexerce, elles ne sont généralement pas ven‐dues4. L’IER assure aussi la conserva�on etla ges�on durable des ressources phytogé‐né�ques à travers son Unité des ressourcesgéné�ques (URG). Il s’occupe aussi de laforma�on des acteurs de la filière semen‐cière, ainsi que de la conduite d’études surlesdites filières.

Ins�tut polytechnique rural / Ins�tut de forma�on rurale appliquée – IPR/IFRA

L’IPR/IFRA intervient dans le développe‐ment des variétés à travers son programmede biotechnologie végétale. Il a davantageun rôle de forma�on des cadres maliensdans le domaine de l’agronomie et toutautre domaine connexe. Il joue actuelle‐ment un rôle prépondérant dans le projetvisant à assurer la produc�on locale des semences de pomme de terre au Mali.

En plus des structures publiques, il existeau Mali d’autres structures interna�onalesimpliquées dans la sélec�on variétale. Ils’agit notamment de : l’ICRISAT, l’AVRDC,Africa Rice et du CIRAD. Toutes ces struc‐tures interviennent dans la sélec�on varié‐tale, et ont contribué à la diversité desvariétés dans les filières céréalières et maraichères au Mali.Aussi, avec la libéralisa�on, la rechercheprivée pourrait aussi intervenir dans la sélec�on variétale. Ainsi, dans le cadre deprojets de sélec�on mul�‐acteurs, l’on as‐siste à la naissance de structures privéesmixtes telles que coopéra�ves intéresséespar la sélec�on. La sélec�on par�cipa�veini�ée par le CIRAD en partenariat avecl’IER, l’IRD, l’ICRISAT, l’AOPP, le CNRA etdeux ONG maliennes : AMEDD et GRAADE‐COM, en est un exemple. Après avoir réussià inscrire une variété de sorgho au cata‐logue des variétés, les acteurs impliquésdans ce projet ont mis en place une coopé‐ra�ve appelée Ges�on durable de la biodi‐versité agricole (GDBA) pour la con�nuitédu travail ini�é. La GDBA élaborera etconduira des projets de recherche‐ac�onou de développement en rela�on avec lasélec�on par�cipa�ve et la produc�on desemences notamment de sorgho.5

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4/ Laboratoire d’innovation FSP, supra note 2. Confirmépar un chercheur de l’IER lors d’une interview avecl’auteur.5/ Voir le site web de Cirad pour plus d’information sur laGDBA : http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/articles/2014/science/gdba-cooperative-de-valorisation-biodiversite-agricole-locale-au-mali

� Les structures de mul�plica�on et dedistribu�on

Au Mali, la mul�plica�on des semences estassurée par le Service semencier na�onal(SSN) déjà présenté plus haut, ainsi que pardes coopéra�ves, des paysans semenciersorganisés ou non au sein des organisa�onspaysannes, et par les entreprises semen‐cières. Ces mêmes acteurs assurent la distri‐bu�on des semences, certains le faisantmieux du fait de leur meilleure organisa�onet de leur présence géographique à l’échelledu territoire na�onal. En effet la loi ma‐lienne reconnait que toute personnephysique ou morale ayant reçu un agrémentdu ministère de l’Agriculture peut produireles semences en République du Mali (ar�cle5 de la loi sur les semences végétales et ar‐�cle 5 de son décret d’applica�on). Ce�eproduc�on ne concerne pas cependant lessemences de souche et de pré‐base qui sontproduites par les structures de recherche.

Les coopéra�ves, GIE, et associa�ons de pro‐duc�on semencière

Les coopéra�ves, les groupements d’intérêtéconomique (GIE) et autres associa�ons pro‐duisent les semences de base, les R1 et aussiles R2. Elles assurent aussi la commercialisa‐�on et la distribu�on de ces semences cer�fiées. Les coopéra�ves existent dans dif‐férentes régions du Mali et assurent dansleurs zones de couverture respec�ves la pro‐duc�on de semences et la commercialisa�ondes semences cer�fiées R1 et R2. Un recen‐sement de la DNA (2012) en a iden�fié plusde 200 sur l’étendue du territoire na�onal6. Un réseau important de coopéra�ves semencières a été mis en place par l’associa‐�on des organisa�ons professionnelles pay‐sannes (AOPP). Ce réseau comporte seizecoopéra�ves au total : 8 à Ségou réunies ausein de l’union régionale assurant la distri‐bu�on de semences cer�fiées dans la région

de Ségou ; 4 à Koulikoro, et 4 à Sikasso. L’ob‐jec�f de ce�e ini�a�ve est de produire dessemences améliorées en milieu paysan afind’améliorer l’accès des paysans aux se‐mences de qualité et à moindre coût.

Les entreprises semencières

Les entreprises semencières produisent,elles aussi les semences de base R1 et R2. Elles ont leurs propres champs de pro‐duc�on, et peuvent signer des contrats demul�plica�on avec des paysans‐mul�plica‐teurs ou des coopéra�ves. Elles assurentaussi la commercialisa�on et la distribu�ondes semences. Compte tenu de leur butcommercial, elles sont mieux organisées quele secteur public en terme de commerciali‐sa�on, et profitent de mieux en mieux de lalibéralisa�on progressive du secteur des semences que la loi de 2010 a consacrée.Les sociétés semencières bénéficient aussides aides publiques et de financements extérieurs car elles par�cipent à la libérali‐sa�on du secteur, longtemps souhaité etpromu par les bailleurs de fonds, notam‐ment la Banque mondiale, l’Alliance pourune révolu�on verte au Mali (AGRA), etc.

Les producteurs semenciers individuels

En plus des coopéra�ves, associa�ons et sociétés semencières, il y a aussi des produc‐teurs semenciers individuels. Ceux‐ci produi‐sent les semences généralement sousl’encadrement des structures d’appui‐conseil (DRA, Offices, ONG), et assurent lacommercialisa�on et la distribu�on dansleurs sphères d’interven�on beaucoup plusréduites que celles des sociétés semencièresou des associa�ons et autres OP.

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5/ Voir le site web de Cirad pour plus d’information sur laGDBA : http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/articles/2014/science/gdba-cooperative-de-valorisation-biodiversite-agricole-locale-au-mali6/ Direction Nationale de l’Agriculture, Bulletin N°1d’information sur les semences d’origine végétale:Semences de riz ; Janvier 2012.

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� Les agriculteurs‐producteurs

Il convient de dis�nguer, d’une part, lesagriculteurs‐mul�plicateurs des semencescer�fiées sous contrat dans un cadrecontrôlé et, d’autre part, les agriculteursacheteurs des semences cer�fiées quis’approvisionnent chaque année auprèsdes distributeurs. Ici, il est fait allusion auxpaysans acteurs du système semencier entant qu’u�lisateurs de semences cer�fiées.Il faut ajouter que la loi ne fait pas obstacleà ce que les paysans puissent réu�liser lessemences améliorées dans leurs champsmême en cas de protec�on de la variétépar un droit d’obten�on végétale (DOV)(ar�cle 16 de la loi sur les semences végé‐tales et ar�cle 30 de l’annexe 10 de l’Accord de Bangui), sauf pour les plantesfrui�ères, ornementales et fores�ères.(Voir encadré N°3, infra page 33)D’autres acteurs non moins importants du système des semences cer�fiées se retrouvent dans les ONG et les autres partenaires techniques et financiers accompagnant les acteurs directs, à savoirle gouvernement, les chercheurs, les paysans. Certains de ces acteurs indirectsont une grande influence sur l’évolu�on ducadre juridique soutenant le système se‐mencier. Il s’agit notamment de la Banquemondiale, d’AGRA, de Syngenta, etc. A �tred’exemple, nous notons le financement duprogramme semencier ouest‐africain(PSOA/WASP) par l’USAID pour accroître ladisponibilité en semences cer�fiées à 25%,au terme des cinq ans du projet (2012 ‐2017), dont l’objec�f est de contribuer àl'améliora�on de la produc�vité agricoledans sept pays : Bénin, Burkina Faso,Ghana, Mali, Niger, Nigéria et Sénégal. Le système semencier cer�fié inclut, defaçon théorique, aussi les semences OGM.Le cadre ins�tu�onnel de la biosécurité auMali, présenté dans la deuxième par�e durapport, doit aussi être considéré comme

un élément du système officiel en ce quiconcerne la produc�on et la diffusion dessemences d’organismes géné�quementmodifiés.

Le réseau des producteurs de semences pay‐sannes, appelés parfois systèmes semenciersinformels, se compose des communautéspaysannes qui dé�ennent les différentesfonc�ons : la sélec�on, la conserva�on, ledéveloppement, la mul�plica�on, la distri‐bu�on, les échanges, le commerce, ainsi queles dons des semences. Ce système de pro‐duc�on concerne les semences paysannesde variétés tradi�onnelles non homogèneset bien diversifiées. Elles ne peuvent pasêtre inscrites au catalogue car ne répondantpas aux critères de dis�nc�on‐homogénéité‐stabilité (DHS) expliqués plus loin dans cerapport. Un aspect important à retenir ici estque ce système semencier paysan entre�entet fournit les ressources géné�ques des variétés du système semencier cer�fié. Il représente donc un vivier important pour lesystème officiel dont les semences cer�fiéesdeviennent, à la fin, chères pour les paysansqui ont été à l’origine des variétés dévelop‐pées.La plupart des pe�ts producteurs trouventles semences de nouvelles variétés à par�rde leur communauté. Le système d’approvi‐sionnement en semences paysannes se faità travers7 :

� Les semences des paysans provenantde leurs propres exploita�ons

A la récolte le chef de l’exploita�on (parfoisplusieurs personnes de la communauté paysanne par�cipent au choix) procède à la

1.2. Le système des semencespaysannes ou traditionnelles

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7/ Inspiré du document de la DNA “Manuel de Productionde Semences de Riz” ; supra note 2.

sélec�on massale des semences selon descritères qui portent sur la précocité, la taillede la panicule, la longueur de l’épi, l’état sanitaire, la couleur, la grosseur. Les critèresde sélec�on portent aussi sur le goût. Lesfemmes introduisent aussi des critères liés àla transforma�on et aux usages culinaires oumédicinaux. Le niveau de diversité de la variété peut donc être modifié à par�r de lapollinisa�on croisée entre les variétés locales et aussi entre variétés locales et variétés introduites.

� Les semences provenant du systèmecommunautaire d’approvisionnement

Les communautés cons�tuent les princi‐pales sources d’approvisionnement en se‐mences. Ce système d’approvisionnementcomprend les échanges de semences entreles paysans basés sur les rela�ons de pa‐renté, de voisinage, d’ami�é, etc. Ils peuventêtre enrichis par des échanges entre com‐munautés plus éloignées géographiquementlors de voyages, de foires, de forum.Les semences du système semencier paysanne sont pas produites en vue d’une exploi‐ta�on commerciale mais comme une étapeindispensable d’un mode de culture auto‐nome le plus souvent écologique et à faiblesintrants. Les échanges horizontaux de semences entre pairs sont fréquents, parfoiscomplétés de manière occasionnelle par desventes dans les marchés de proximité.

Après la descrip�on du système semencier etde ses acteurs, il convient de présenter les rè‐gles juridiques encadrant le fonc�onnementdu système et régissant les ac�ons des acteurs.

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Encadré N°1 : Caractéristiques du secteur semencier au Mali

La présentation du système semencier malien dansson ensemble fait ressortir deux constats :

� Le premier porte sur l’attention accordée parles décideurs aux semences certifiées sur la base de l’argumentaire courant que les variétésaméliorées sont plus rentables que les variétés paysannes. Cette attention a tendance à faire fi dela qualité réelle d’adaptation (écologique, agrono-mique et sociale) des systèmes paysans qui restent majoritaires au Mali malgré le peu d’appuidont bénéficient les communautés paysannes im-pliquées dans ces systèmes.

� Le deuxième constat concerne le rôle margi-nal de l’agriculteur dans le système des semencescertifiées. En effet, les agriculteurs sont tradition-nellement de très bons sélectionneurs. Or dans lesystème des semences certifiées, ils sont réduits à la fonction d’utilisateurs/consommateurs des semences de la recherche, ce qui est très réducteurde leur capacité réelle d’interaction sensible et experte en matière de semences. Seule une recon-naissance officielle du système traditionnel paysanavec des modalités de fonctionnement particulièrespourrait permettre de lever ces problèmes.

AuMali, le cadre juridique en‐cadrant les semences d’ori‐gine végétale comporte

quatre régimes indépendants les uns desautres. Chacun de ces régimes sécrète, ence qui le concerne, des règles des�nées à régir un secteur spécifique ayant des aspects touchant aux ac�vités liées aux semences. Ces régimes sont : les règles decommercialisa�on de la semence (1), lesdroits de propriété intellectuelle (2), la bio‐sécurité (3), ainsi que les textes de ges�ondes ressources géné�ques (4).

En ma�ère de commercialisa�on des semences, les textes per�nents sont : leRèglement C/REG.4/05/2008 de la CE‐DEAO sur les semences, la loi N° 10‐032 du12 juillet 2010 rela�ve aux semences d’ori‐gine végétale, et le décret N° 10‐428 /P‐RM fixant les modalités d’applica�on dela loi de 2010 rela�ve aux semences d’ori‐gine végétale. D’autres textes sont prévus mais ne sontpas encore adoptés début 2016 : • Arrêté sur les condi�ons et les modalitésdu contrôle de qualité ;• Arrêté interministériel (Finance et Agri‐culture) fixant le prix des frais de cer�fica‐�on des semences ;• Spécifica�ons techniques et les modali‐tés de délivrances des é�que�es ;• Modalités et condi�ons de l’enregistre‐

ment pour les producteurs de semences ;• Règlement technique de produc�on dessemences ;• Règlement technique, normes de qua‐lité, et inscrip�on/radia�on au catalogue.

La loi sur les semences d’origine végétalepose les condi�ons dans lesquelles les se‐mences peuvent être produites et com‐mercialisées au Mali. Ce�e loi a étéélaborée dans le cadre de la mise enœuvre de la loi d’orienta�on agricole (LOA)adoptée en 2006, mais aussi dans le cadrede la mise en conformité du cadre législa�fmalien aux disposi�ons du règlement CE‐DEAO sur les semences. Ainsi la loi pose lescondi�ons suivantes pour la produc�on etla commercialisa�on des semences :

� Les semences sont sélec�onnées parles chercheurs à par�r des semences tra‐di�onnelles paysannes ou du croisementavec d’autres semences améliorées (Ar�‐cle 3 de la loi sur les semences végétales).

2.1. Textes relatifs à la commercialisation des semences

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2. Cadre juridique applicable au systèmesemencier au Mali

Schéma du cadre juridique applicableaux semences végétales au Mali

Semencesd’originevégétale

Règles applicables àla commercialisa�on

des semences

Droits de propriété

intellectuelle ‐ DPI

Biosécurité ‐ règles applicables

aux OGM

Règles applicablesaux ressources

géné�ques

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� La nouvelle variété obtenue estd’abord homologuée et inscrite au cata‐logue na�onal des espèces et variétés ho‐mologuées. Ce catalogue est un documentofficiel contenant la liste de toutes les espèces et variétés autorisées à être pro‐duites au Mali. Aucune semence ne seracommercialisée si elle n’est pas inscrite aucatalogue (Ar�cles 9 et 12 de la loi semen‐cière, et Ar�cle 8 du décret d’applica�on).Le catalogue a été établi au Mali en 1987,et fait l’objet de mises à jour régulières, ladernière en date ayant été faite en 2013.Il est disponible au niveau du Labosem quicherche à en assurer régulièrement l’édi‐�on en fonc�on des financements dispo‐nibles, surtout avec l’appui de bailleursinterna�onaux. La dernière édi�on a, parexemple, été soutenue par AGRA.

� Pour être admises au catalogue offi‐ciel, les semences doivent sa�sfaire troisexigences fondamentales : elles doiventêtre “dis�nctes”, “homogènes” et “sta‐bles” (DHS), (Règlement technique,normes de qualité, et inscrip�on/radia�onau catalogue, prévus par l’ar�cle 7 de la loisur les semences végétales). Pour les es‐pèces de grandes cultures, une secondeexigence porte sur les critères VATE (Valeuragronomique, technologique et environ‐nementale).

� Une fois inscrites au catalogue, lessemences font l’objet de mul�plica�on et de cer�fica�on pour être distribuées(distribu�on qui inclut commercialisa�on).

� La cer�fica�on est l’abou�ssementdu processus de contrôle de qualité. Ellepermet, selon la loi, de s’assurer que lessemences sont conformes aux normes mi‐nimales de pureté variétale fondées sur lafilia�on généalogique et sur un système desélec�on conservatrice de leurs caractéris‐�ques variétales, selon les disposi�ons desrèglements techniques en vigueur (établispar l’IER).

� La semence produite et diffusée doitêtre accompagnée d'un cer�ficat phytosa‐nitaire et d'une é�que�e de qualité encours de validité (ar�cle 8 de la loi semen‐cière).

� Toute personne souhaitant faire dela produc�on et/ou de la mul�plica�on envue d’une distribu�on des semences cer�fiées est obligée de s’inscrire sur unregistre tenu par l’administra�on publique(la DNA). L’administra�on vérifie si elleremplit les condi�ons pour lui délivrer unagrément à renouveler tous les trois ans(ar�cle 5 de la loi semencière et 5 du décret d’applica�on).

On note à la suite de ces différentes condi‐�ons que les semences qui ne remplissentpas les condi�ons requises pour l’inscrip‐�on au catalogue ne peuvent faire l’objet

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de commercialisa�on sur le territoire na‐�onal, ou dans l’espace CEDEAO, puisqueles normes sont harmonisées à l’échellesous‐régionale perme�ant ainsi une librecircula�on des semences entre les 15 paysde la CEDEAO et les deux autres pays duCILSS, le Tchad et la Mauritanie.

Les droits de propriété intellectuelle trou‐vent leur fondement dans le droit de pro‐priété tel que défini en droit civil. Ce droitde propriété se définit comme le droit dejouir des choses de la manière la plus absolue à condi�on de ne pas en faire un

usage contraire à la loi. Il porte donc surun bien, et comporte trois composantes :l’usus (droit d’u�liser le bien), le fructus(droit de �rer profit du bien), et l’abusus(droit de disposer du bien, c’est‐à‐dire dele vendre, le donner ou même le détruire). La propriété intellectuelle, quant à elle,porte sur une nouvelle catégorie de biensfondée sur l’appropria�on du savoir danstous les domaines de l’ac�vité humainenotamment l’industrie, l’agriculture, l’ar�‐sanat, la science, etc. Elle comporte deuxbranches : la propriété li�éraire et ar�s�que d’une part, et la propriété indus‐trielle, d’autre part. Le présent rapports’intéresse à la seconde branche qui com‐porte des droits pouvant couvrir les semences de variétés végétales.La propriété industrielle comporte desdroits qu’on peut classer en trois groupes :les créa�ons industrielles, les signes dis�nc�fs et la protec�on contre la concur‐rence déloyale. Les créa�ons industriellescouvrent les inven�ons, les modèles d’u�‐lité, les dessins ou modèles industriels,ainsi que les obten�ons végétales. Quantaux signes dis�nc�fs, ils portent sur lesmarques, noms commerciaux et les indi‐ca�ons géographiques. Dans ce rapport, les trois types de protec‐�on qui intéressent plus par�culièrementles semences relèvent toutes de la propriété industrielle. Il s’agit : des droitsd’obten�on végétale (DOV), des brevetsd’inven�on, et des indica�ons géogra‐phiques. La reconnaissance de ces droitspar les pays en développement résulte engrande par�e de leur adhésion au traitéfondateur de l’Organisa�on mondiale ducommerce (OMC), organisa�on à laquellele Mali a adhéré en 1995. L’Accord sur lesaspects des droits de propriété intellec‐tuelle touchant au commerce (AADPIC),adopté dans le cadre de ce traité, obligeles pays à me�re en place un système de

2.2. Textes relatifs aux droits de propriété intellectuelle

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protec�on de la propriété intellectuelle auniveau na�onal. L’Accord sur les ADPIC autorise les pays àexclure les végétaux de la brevetabilité,mais ils doivent les protéger par un sys‐tème sui generis (un système alterna�funique en son genre, et conforme aux intérêts et tradi�ons na�onales). Après untravail au niveau de l’Union africaine pourproposer au pays une loi modèle africaine,la plupart des pays ont finalement adoptéles DOV comme sui generis… Mais l’Accordsur les ADPIC n’exclut pas du domaine desbrevets les procédés microbiologiques etles procédés techniques ou non essen�el‐lement biologiques. Ce qui inclut les procédés du génie géné�que, procédésperme�ant d’isoler un gène de son envi‐ronnement naturel, ou de modifier le patrimoine géné�que d’un organisme notamment en introduisant un gène d’uneautre espèce.8

On se retrouve donc en présence de deuxsystèmes de protec�on possibles, l’unpour les variétés améliorées sans biotech‐nologie : le Droit d’obten�on végétal(DOV), et l’autre pour les plantes transgé‐niques, ainsi que les gènes et procédésayant permis leur obten�on : le brevet. Ilconvient d’analyser les deux systèmesdans le droit de l’Organisa�on africaine dela propriété intellectuelle (OAPI) qui setrouve être le droit na�onal malien,puisque le gouvernement du Mali a trans‐féré ce�e compétence à l’OAPI qui a sonsiège à Yaoundé (Cameroun).

� Les Droits d’obten�on végétale

La loi malienne de 2010 sur les semencesd’origine végétale reconnaît le Droitd’obten�on végétale sur les variétés ho‐mologuées (ar�cle 15). Le chercheur ayantobtenu une nouvelle variété avec les critères DHS se fait appeler “obtenteur” et

revendique une licence appelée Cer�ficatd’obten�on végétale (COV) lui perme�antde protéger sa variété DHS de concurrentsqui souhaiteraient en commercialiser lessemences. Cependant la loi applicable surles droits des obtenteurs est l’Accord deBangui révisé, un texte adopté en 1999 parl’OAPI.L’Accord de Bangui révisé s’applique direc‐tement dans 17 pays africains ayantadhéré à l’OAPI9. L’annexe X de cet accordreconnait le sélec�onneur (généralementla structure de recherche comme l’IER auMali, ou une entreprise semencière)comme le détenteur exclusif de lasemence sur laquelle porte le COV. Le sé‐lec�onneur dispose alors du droit d’inter‐dire à toute personne l’exploita�oncommerciale, c'est‐à‐dire l’u�lisa�on, lareproduc�on, en vue de la recherche duprofit. Il en résulte donc les implica�onssuivantes (selon les ar�cles 28 à 36 de l’an‐nexe X de l’Accord de Bangui révisé) :

� Les mêmes critères DHS doivent êtrerespectés, en plus de la nouveauté de lavariété, pour l’obten�on du COV. Ilconvient de noter ici que le test DHS pourl’inscrip�on sur la liste des variétés proté‐gées de l’OAPI est fait par une structureagréée par ce�e même organisa�on. LeMali ne dispose pas d’une telle structure,ce qui suppose que les variétés obtenuesau Mali seront testées ailleurs (au Sénégal,au Cameroun ou en Côte d’Ivoire) en vuede leur inscrip�on sur ladite liste.

� L’inscrip�on d’une variété se faitmoyennant paiement des frais d’inscrip‐�on dont le montant est fixé par l’OAPI. Ce

8/ Pour plus de détails sur l’évolution des règles deprotection d’obtention variétale, voir : Haut Conseil desBiotechnologies, “Biotechnologies végétales et propriétéindustrielle” ; 2014.9/ Les pays membres de l’OAPI sont : Bénin, BurkinaFaso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côted'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Mali,Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, et Togo.

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montant est de 590 000 Francs CFA par variété (plus une taxe de publica�on de lademande et de la dénomina�on proposées’élevant à 90 000 FCFA). Lorsque la demande est acceptée et le COV accordé,l’obtenteur paie aussi une taxe de publica‐�on dudit COV (75 000 FCFA). Le �tulairedu COV doit aussi payer une taxe annuellede 250 000 FCFA à l’OAPI pour maintenirson droit sur la variété protégée (ce mon‐tant devient 300 000 FCFA à par�r de lasixième année jusqu’à la vingt cinquième).

S’il ne le fait pas après être relancé parl’OAPI, son cer�ficat ne sera plus valable.10

Ainsi le montant global pour 25 ans de pro‐tec�on s’élèverait à huit millions cinq milleFrancs CFA (8 005 000 FCFA).

� L’octroi du COV accorde la protec�onde la variété pour une période de 25 ans àcompter de la date de l’octroi. Pendant ces25 ans, les autres u�lisateurs de la semence de la variété faisant l’objet duCOV ne peuvent exploiter ce�e semencesans le consentement de l’obtenteur (le sélec�onneur).

� Les agriculteurs peuvent, cependant,u�liser les semences de la variété protégéedans leurs propres champs (ar�cle 16). Ilsont aussi le droit d’échanger, de donner, lessemences de ladite variété faisant l’objetdu COV. Ces pra�ques ne violent le droit del’obtenteur que si elles sont faites dans unbut commercial, ce qui signifie que seule lavente de la semence est interdite ou auto‐risée avec l’accord de l’obtenteur.L’excep�on accordée aux agriculteurs etautres exploita�ons non commerciales ne s’étend pas aux variétés frui�ères, fores�ères et ornementales (ar�cle 30 del’Accord de Bangui révisé).

� Le �tulaire du COV a le droit d’enga‐ger une procédure judiciaire contre toutepersonne qui exploite sans son consente‐ment la semence faisant l’objet du COV.

� Le droit au COV pour une variété obtenue par un sélec�onneur salarié d’unservice public (comme l’IER) appar�ent àl’État (ar�cle 10 de l’Accord de Bangui révisé).

� Les semences protégées par le COVsont souvent issues de semences tradi‐�onnelles conservées par les paysans.Ainsi, certaines variétés issues des variétéstradi�onnelles ont fait l’objet d'un COV auprofit de l’IER, comme le sorgho Jacumbè(CMS 63E), le mil Toroniô ou encore l’échalote Marena.

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8/ Toutes les taxes en vigueur à l’OAPI peuvent êtreconsultées sur :http://www.oapi.int/index.php/fr/ressources/reglements/reglement-de-taxes

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On note ainsi que l’Accord de Bangui réviséétabli un régime fondé sur le modèle de laconven�on 1991 de l’Union interna�onalepour la protec�on des obten�ons végé‐tales (UPOV), avec des a�énua�ons au niveau du privilège du fermier et de l’autorisa�on de l’exploita�on non com‐merciale pour certaines espèces. Malgré les a�énua�ons, le DOV est difficilementapplicable au Mali et dans les autres paysmembres de l’OAPI, à cause d’un certainnombre de difficultés. Ces difficultés sontanalysées dans la troisième par�e du pré‐sent rapport.Il convient de rappeler ici que depuisl’adop�on de l’Accord de Bangui révisé en1999, aucune ac�on de revendica�on deDOV sur une variété végétale n’a été inten‐tée au Mali aux fins de réclamer des rede‐vances aux personnes qui auraientexploité ladite variété à des fins commer‐ciales sans le consentement du �tulaire. Ilfaut dire que le système peine à se me�reen place. L’Ins�tut d’économie rurale (IER),qui avait déposé une demande auprès del’OAPI et obtenu des DOV sur une cinquan‐taine de variétés de mil, de sorgho, de riz,de niébé, de gombo, d’échalote, de cotonet maïs, reconnait la difficulté d’assurer lepaiement des annuités liées au main�ende ces droits. L’IER, qui cherchait à proté‐ger ces variétés d’une appropria�on exté‐rieure, aurait abandonné ce�e protec�oncompte tenu de ce�e difficulté finan‐cière.11

Malgré ces difficultés, le système des DOVreste en vigueur et sera vraisemblable‐ment u�lisé lorsque le système semenciermalien aura complètement transité versune complète priva�sa�on avec des acteurs privés intervenants à tous lesmaillons de la chaine de produc�on de lasemence, à savoir : la sélec�on, la mul�‐plica�on, le condi�onnement/stockage, et la commercialisa�on. En a�endant, le

secteur reste pour le moment dominé parle secteur public qui devrait être davan‐tage guidé par la mission de service publicque par le profit. Mieux encore, le systèmepaysan reste encore fortement u�lisé parles paysans eux‐mêmes, ce qui nécessiteque l’État accorde plus d’a�en�on à cedernier.

Le Brevet d’inven�on

Le brevet d’inven�on est aussi reconnudans les pays membres de l’OAPI à traversl’annexe I de l’Accord de Bangui. Ce�e an‐nexe men�onne clairement en son ar�cle6.c) que les variétés végétales ne peuventfaire l’objet d’une protec�on par brevet. Cequi est logique puisque ces variétés sontprotégées, comme nous l’avons vu plushaut, par les DOV. Mais le même ar�clemen�onne que les procédés “[non] essen‐

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11/ Entretien avec un cadre de l’IER

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�ellement biologiques d’obten�on de végé‐taux ou d’animaux”, ainsi que les “procédésmicrobiologiques et produits obtenus parces procédés” peuvent être protégés parbrevet. Les plantes géné�quement modi‐fiées et leur matériel de mul�plica�on, lasemence en l’occurrence, sont donc proté‐geables au moyen d’un brevet d’inven�on.Ainsi, le droit malien reconnaît le brevetd’inven�on comme moyen de protec�ondes OGM et de leurs procédés d’obten�on.Le brevet accorde à son �tulaire le droitexclusif d’exploiter l’inven�on brevetée etd’interdire ce�e exploita�on aux �ers. Enoutre, il a le droit d’engager une procédurejudiciaire devant le tribunal du lieu d’exploita�on non autorisée contre toutepersonne qui exploiterait l’inven�on sansson consentent. Une loi sur la sécurité en biotechnologie aété adoptée en 2008. Au moment de la rédac�on du présent rapport, soit en juin2016, les essais sur les biotechnologies végétales n’ont pas encore débuté, mais lecadre est déjà en place et les acteurs sonten train d’être formés et sensibilisés pourpouvoir jouer leurs rôles respec�fs dansl’encadrement. Si d’aventure le gouverne‐ment malien accorde l’autorisa�on d’u�li‐ser les biotechnologies végétales à toutepersonne physique ou morale souhaitantle faire, le brevet aussi fera son entréedans les débats sur les droits de propriétéintellectuelle applicables aux semencesd’origine végétale.

Les indica�ons géographiques

Bien qu'elle soit prévue par l’Accord deBangui révisé, la protec�on des indica�onsgéographiques est une pra�que très récente au sein de l’OAPI. Elle remonteseulement à 2008, avec le Projet d’appui àla mise en place des indica�ons géogra‐phiques dans ces États (PAMPIG) mis en

place par l’OAPI avec l’appui financier del’AFD.L’indica�on géographique est un �tre depropriété intellectuelle qui réserve et protège l’usage du nom géographiqued’un produit qui présente des qualités spécifiques liées à son lieu d’origine. Il sertà iden�fier un produit comme étant origi‐naire du territoire, d’une région, ou d’unelocalité de ce territoire, dans les cas où unequalité, réputa�on ou autre caractéris‐�que déterminée du produit peut être a�ribuée essen�ellement à ce�e originegéographique. C'est la combinaison d'un milieu physiqueet biologique avec une communauté hu‐maine tradi�onnelle qui fonde la spécificitéd'un produit lié à une indica�on géogra‐phique. Le produit en ques�on peut être naturel, agricole, ar�sanal ou industriel. Ence qui concerne les semences, elles relèventdes produits naturels ou agricoles.Seules les personnes ayant qualité à u�liserl’indica�on géographique peuvent déposerune demande de protec�on auprès del’OAPI. Ce�e qualité est accordée par l’an‐nexe VI de l’Accord de Bangui aux personnes“qui pour des produits indiqués dans la de‐mande, exercent une ac�vité de producteurdans la région géographique indiquée dansla demande, ainsi que les groupes de tellespersonnes, les groupes de consommateurset toute autorité compétente”.Pour les produits naturels et agricoles, leproducteur est un agriculteur ou toutautre exploitant de produits naturels. Celasignifie qu’un paysan ou un groupe de paysans d’une même localité peuvent pro‐téger un produit originaire de leur terroirqui se dis�ngue par des qualités ou une réputa�on essen�ellement liées à ce ter‐roir, qualités ou réputa�on qui existent duseul fait de l’a�achement du produit audit terroir (qui en serait l’aire géographique indiquée).

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Selon l’ar�cle 15 de l’annexe VI précité,seuls les producteurs exerçant leurs ac�vi‐tés dans l’aire géographique indiquée auregistre ont le droit d’u�liser à des finscommerciales, pour les produits indiquésau registre, l’indica�on géographique en‐registrée, à condi�on que ces produitsaient les qualités caractéris�ques essen‐�elles indiquées au registre.Dans sa pra�que récente en ma�ère d’IG,cinq indica�ons géographiques ont étéprotégées à l’OAPI à la date de publica�ondu présent rapport (juin 2016), dont troisprovenant des États membres et deux del’étranger. Les trois produits originaires desÉtats membres sont : le poivre de Penja(Cameroun), le miel blanc d’Oku (Came‐roun), et du café Ziama Macenta (Guinée).Aucun produit originaire d’une région du

Mali n’a encore fait l’objet d’une telle pro‐tec�on.Dernière catégorie de droit de propriétéintellectuelle applicable aux variétés végétales, l’indica�on géographique restecertainement un domaine à développerdans le cadre du droit de l’OAPI. Comptetenu de son état encore embryonnaire, leprésent rapport n’en a présenté que les as‐pects perme�ant au lecteur d’en connaitrel’existence et son objet.À coté des deux premiers régimes juridiques applicables respec�vement à lacommercialisa�on des semences, et auxDPI, il y en a un troisième rela�f à la ques‐�on de la biosécurité, en ce qui concerneles semences OGM.

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Le Mali a adopté depuis 2008 une loi debiosécurité dans le cadre de la mise enœuvre du Protocole de Cartagena au niveau na�onal. La loi N°08‐042 rela�ve àla sécurité en biotechnologie en répu‐blique du Mali réglemente l’importa�on,l'exporta�on, le transit, l’u�lisa�on confi‐née, la libéra�on ou la mise sur le marchédes semences d’organismes géné�que‐ment modifiés (semences OGM). Ilconvient de noter que ce�e loi s’appliqueaux OGM et produits dérivés dans d’autresdomaines, y compris l’alimenta�on et lasanté, mais le présent rapport se limite àla dimension semencière.Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de donner une défini�on des

organismes vivant modifiés (OGM vivants)dont font par�e les semences et lesplantes. La loi du Mali comporte une défi‐ni�on différente de celle donnée par leProtocole de Cartagena qui en est lanorme de référence au plan interna�onal.Selon la loi malienne de biosécurité, on entend par Organisme vivant modifié :

� … toute en�té biologique capable detransférer ou de répliquer du matériel gé‐né�que, y compris des organismes stériles,des virus et des viroïdes, possédant unecombinaison de matériel géné�que inéditeobtenue par recours à la biotechnologiemoderne...

Quant au protocole de Cartagena, il définiun OVM comme :

� … tout organisme vivant possédantune combinaison de matériel géné�que

2.3. Textes relatifs à la biosécurité

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inédite obtenue par recours à la biotech‐nologie moderne; c’est à dire l'applica�onde techniques in vitro aux acides nu‐cléiques, y compris la recombinaison del'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'in‐troduc�on directe d'acides nucléiques dansdes cellules ou organites, ainsi que la fu‐sion cellulaire d'organismes n'appartenantpas à une même famille taxonomique, quisurmontent les barrières naturelles de laphysiologie de la reproduc�on ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques u�lisées pour la reproduc�onet la sélec�on de type classique.

La loi de biosécurité pour le cadre norma�fdes semences d’origine végétale au Malimet en place un cadre juridique de ges�onde toutes les ques�ons liées à l’u�lisa�ondes semences OGM. Ce cadre fixe les règles régissant trois éléments : • le cadre ins�tu�onnel de ges�on desOGM, • les mesures de préven�on des risquesliés à l’u�lisa�on des OGM, • ainsi que les mesures correc�ves en casde réalisa�on des risques et/ou de dom‐mages causés par l’u�lisa�on de ces OGM.

Le cadre ins�tu�onnel mis en place par laloi de biosécurité comporte trois ins�tu‐�ons clés :

� L’Autorité na�onale compétente(ANC), le ministère de l’Environnement,qui est chargée du suivi et du contrôle del’applica�on de la loi de biosécurité. Ses pouvoirs et ses tâches sont définis àl’ar�cle 5 de la loi de biosécurité. Elle estcompétente pour autoriser ou refusertoutes les ac�vités rela�ves aux OGM etleurs produits dérivés, conformément à laprocédure établie par la loi.

� Le Point focal na�onal/Correspon‐dant na�onal pour le Protocole de Carta‐gena. Il est le point de contact des

no�fica�ons d’introduc�on des OGM. Ilassure aussi la liaison avec le secrétariat duProtocole et avec le Centre d’échanges surla biosécurité (BCH), et facilite l’échanged’informa�on entre l’Autorité na�onalecompétente et les autres organes (art.4 dela loi sur la biosécurité).

� Le Comité na�onal de biosécuritéchargé de faire des recommanda�ons etde donner des direc�ves à l’ANC en ma‐�ère de biotechnologie et de biosécurité.Les organisa�ons de la société civile et lesorganisa�ons paysannes sont représen‐tées au niveau de ce comité.

Concernant les mesures préven�ves, ellesconcernent quatre aspects inclus dans laloi : (i) l’évalua�on et la ges�on des risques(ar�cles 31 à 42) ; (ii) la no�fica�on detoute ac�vité portant sur les OGM adres‐sée à l’ANC, lui perme�ant ainsi de donnerson accord préalable en connaissance decause (art. 8 à 11) ; (iii) la par�cipa�on dupublic à la prise de décision (art.13 à 17) ;et (iv) l’iden�fica�on des produits OGM àtravers l’é�quetage et l’emballage (art.46et 47).La loi prévoit aussi des mesures correc�veset puni�ves portant sur : la responsabilitéet la répara�on des dommages causés lorsde l’u�lisa�on des OGM (art. 57 à 66), lesmesures d’urgence en cas de libéra�on ac‐cidentelle (art. 44), ainsi que la sanc�ondes infrac�ons à la loi (art.67 à 73).Un texte communautaire est en coursd’adop�on au niveau de l’UEMOA sur lemême sujet, ce qui entrainera un partagede compétences entre le gouvernementdu Mali et la commission de l’UEMOA dansl’encadrement et la ges�on des semencesOGM. La dernière mouture du règlementcommunautaire de l’UEMOA portant pré‐ven�on des risques biotechnologiques enAfrique de l’Ouest (Septembre 2015) com‐porte les éléments suivants :

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• les règlements techniques et les procé‐dures d’évalua�on des semences OGMsont harmonisés à l’échelle des pays afinde faciliter la libre circula�on des OGM surle territoire communautaire (du Mali auBurkina par exemple) dès lors qu’elles ré‐pondent aux normes fixées par l’UEMOA ;• aucun État membre ne peut refuser l’en‐trée sur son territoire de semences OGMen provenance d’un autre état si l’OGM asa�sfait aux normes en vigueur dans cepays, car ces normes sont sensées êtreconformes à celles en vigueur dans le paysde des�na�on membre de l’UEMOA. Laseule excep�on possible est fondée surl’ar�cle 79 du Traité de l’UEMOA quicons�tue une clause de sauvegarde12 ;• une Autorité régionale de biosécurité(ARB) est créée dont le rôle est de coor‐donner les ac�ons menées par les États

membres en vue de la prise de décisionconcernant la dissémina�on de tout orga‐nisme vivant modifié dans l’environne‐ment ; • les États membres gardent leurs compé‐tences en ma�ère d’autorisa�on ou derefus d’un OVM (u�lisa�on en milieuconfiné aussi bien qu’en milieu ouvert) surleurs territoires, mais la décision pour l’au‐torisa�on de l’u�lisa�on en milieu ouvert,y compris la commercialisa�on et la misesur le marché, est condi�onnée à un avisde l’ARB.

Les ressources géné�ques sont des “maté‐riels géné�ques ayant une valeur effec�veou poten�elle”.13 Il s’agit des composantesdes espèces et des variétés issues de labiodiversité dont l’homme se sert pourme�re au point des produits pharmaceu‐�ques ou des produits végétaux u�les àl’agriculture et l’alimenta�on dans lemonde. C’est en se servant des ressourcesgéné�ques des variétés tradi�onnellesque les chercheurs ob�ennent de nou‐velles variétés dont les semences sont u�‐lisées dans la produc�on alimentairemondiale de nos jours. Mais il a fallud’abord que les paysans du monde aienteffectué un travail de fond dans la sélec‐�on de ces différentes variétés pour perme�re à l’humanité de se nourrir, etensuite aux chercheurs de poursuivre lasélec�on.

2.4. Textes relatifs aux ressources génétiques

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12/ Sur la base de l’article 79, un État peut refuserl’entrée d’un OVM sur son territoire s’il justifie, entreautres, que l’OVM présente un danger pourl’environnement, pour la santé humaine et animale, ou qu’il est contraire à la moralité publique.13/ Article 2 de la Convention sur la diversité biologique(CDB)

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Le débat sur les ressources géné�quess’est formalisé à l’échelle interna�onale à travers l’adop�on de la Conven�on sur la diversité biologique (CDB) lors de laconférence de Rio sur l’environnement et le développement (juin 1992). Il s’estpoursuivi dans le cadre plus restreint del’agriculture et de l’alimenta�on, avecl’adop�on en 2001 du Traité interna�onalsur les ressources phytogéné�ques pourl’agriculture et l’alimenta�on (TIRPAA).Ces deux conven�ons interna�onales posent les règles de base de la ges�on desressources géné�ques des plantes cul�‐vées, en incitant les États à prendre desmesures au niveau na�onal afin de me�reen applica�on ces différentes règles. L’essen�el des textes applicables aux semences d’origine végétale au Mali a étéadopté dans le cadre de la mise en œuvrede ces conven�ons, mais certains aspectsfondamentaux n’ont pas encore été claire‐ment légiférés.

� La Conven�on sur la diversité biolo‐gique ‐ CDB

Signée et ra�fiée par le Mali en 1994, laCDB a 3 objec�fs principaux contenus dansson ar�cle premier : i) la conserva�on dela diversité biologique ; ii) l'u�lisa�on du‐rable des composantes de la diversité bio‐logique, et iii) le partage juste et équitabledes avantages provenant de l'u�lisa�ondes ressources géné�ques. Le principe fon‐damental qui cadre les ac�ons de mise enœuvre de la conven�on est la souverai‐neté des États sur leurs propres ressourcesgéné�ques. En vertu de ce principe,chaque État met en place les condi�onsd’accès aux ressources de la biodiversité.Ce qui est contraire au principe qui prévalait avant l’adop�on de la CDB, selonlequel les ressources géné�ques cons�‐tuaient le patrimoine commun de l’huma‐

nité, et de ce fait, accessible à tous.Sans rentrer dans les détails des différentsobjec�fs et des engagements des États si‐gnataires pour les a�eindre, ce rapports’intéresse aux ressources géné�ques pourl’alimenta�on et l’agriculture (RPGAA), au‐trement dit la biodiversité cul�vée ainsiqu’à la place des communautés locales etdes agriculteurs dans le texte.S’agissant de la biodiversité cul�vée, lesdisposi�ons per�nentes de la CDB sontl’ar�cle 8 sur la conserva�on in situ (dansle milieu naturel), ainsi que l’ar�cle 9 surla conserva�on ex situ (en dehors du mi‐lieu naturel). L’ar�cle 8 encourage les Étatsà accorder la plus grande importance à laprotec�on des ressources biologiquesdans leur milieu naturel. Pour les res‐sources géné�ques pour l’alimenta�on et

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l’agriculture, la conserva�on in situ se faitdans les champs. Cela signifie l’adop�onpar les États de poli�ques, lois et autresmesures per�nentes favorisant le main�ende la diversité de ces ressources. Celapasse d’abord par le main�en de systèmesde produc�on paysans conformément auparagraphe j) de l’ar�cle 8 qui dispose que,sous réserve des disposi�ons de sa législa‐�on na�onale, chaque État :

� respecte, préserve et main�ent lesconnaissances, innova�ons et pra�quesdes communautés autochtones et localesqui incarnent des modes de vie tradi�on‐nels présentant un intérêt pour la conser‐va�on et l'u�lisa�on durable de la diversitébiologique et en favorise l'applica�on surune plus grande échelle, avec l'accord et lapar�cipa�on des dépositaires de cesconnaissances, innova�ons et pra�ques et

encourage le partage équitable des avan‐tages découlant de l'u�lisa�on de cesconnaissances, innova�ons et pra�ques.

La ques�on est de savoir comment le Malimet en œuvre ce�e disposi�on de la CDBau niveau na�onal. Nous y reviendronsplus loin dans ce rapport.Quant à l’ar�cle 9 de la conven�on, ilconcerne la conserva�on des ressourcesgéné�ques dans les banques de gènes auniveau na�onal ou au niveau des commu‐nautés. Il favorise le développement de larecherche en vue de l’obten�on de nou‐velles variétés visant à résoudre des pro‐blèmes auxquels sont confrontés lesagriculteurs comme les maladies, la séche‐resse et d’autres facteurs pouvant limiterle rendement des producteurs. La poli�que semencière du pays doit sou‐tenir ces différents objec�fs de la conser‐va�on et de l’u�lisa�on des ressourcesphytogéné�ques.Un autre aspect non moins important de la CDB est la ques�on de l’accès aux ressources biologiques en général et phy‐togéné�ques en par�culier. L’ar�cle 15 dela CDB dispose, à cet effet, que les paysdoivent créer les condi�ons facilitant “l’accès aux ressources géné�ques aux finsd’u�lisa�on écologiquement ra�onnellepar d’autres par�es”. Le même ar�cleajoute que l'accès est régi par des condi‐�ons convenues d'un commun accord etest soumis au consentement préalabledonné en connaissance de cause. Ce�e disposi�on a donné lieu à l’adop�ond’un accord interna�onal ra�aché à la CDBpour donner plus de contenu à la ques�onde l’accès et des conséquences liées à l’u�‐lisa�on de la ressource à laquelle l’accèsaura été accordé. Il s’agit du Protocole deNagoya sur l’accès et le partage des avan‐tages découlant de l’u�lisa�on des res‐sources de la biodiversité. Cet accord n’a

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pas encore été ra�fié par le Mali, mais lepays reste obligé par l’ar�cle 15 de la CDB.Ainsi, la loi malienne de 2010 sur les se‐mences végétales parle de la ques�on del’accès, ainsi que du partage des avantagesconformément aux conven�ons interna‐�onales signées par le Mali. On en déduitdonc que le Mali s’est déjà mis sur la voiede ce que le Protocole de Nagoya est venuclarifier.

� Le Traité interna�onal sur les res‐sources phytogéné�ques pour l’alimenta‐�on et l’agriculture – TIRPAA

Le TIRPAA a pour objec�f de préserver labiodiversité des semences d’origine végé‐tale “pour une agriculture durable et pourla sécurité alimentaire” (ar�cle 1er). Il a étéadopté par les États membres de la FAO en2001 et est entré en vigueur en 2004 aprèsra�fica�on par une centaine d'États (leMali l’a ra�fié en 2005). Il vise à souteniraussi les deux formes de conserva�on (exsitu et in situ) de la biodiversité cul�vée, ycompris par la reconnaissance de la contri‐bu�on des agriculteurs (et de leurs droitsqui en découlent) à conserver, ressemer,protéger et vendre leurs semences. Le TIR‐PAA vise aussi à promouvoir l'u�lisa�ondurable des ressources phytogéné�queset à assurer un partage juste et équitabledes avantages découlant de leur u�lisa‐�on, en harmonie avec la CDB.Les disposi�ons per�nentes du TIRPAApour la ges�on des semences et les droitsdes paysans sont contenues dans ses ar�‐cles 5, 6 et 9. Selon l’ar�cle 5 :

� Chaque État signataire, sous réservede sa législa�on na�onale, […], promeutune approche intégrée de la prospec�on,de la conserva�on et de l’u�lisa�on dura‐ble des ressources phytogéné�ques pourl’alimenta�on et l'agriculture et s’emploieen par�culier, selon qu'il convient, à :

c) [...] encourager ou soutenir, selon qu'ilconvient, les efforts des agriculteurs etdes communautés locales pour gérer etconserver à la ferme leurs ressources phy‐togéné�ques pour l’alimenta�on et l’agri‐culture ;

Quant à l’ar�cle 6, il porte sur l’u�lisa�ondurable des RPGAA. Il encourage les États à élaborer des poli�ques et des disposi�ons juridiques appropriées pourpromouvoir l’u�lisa�on durable desditesressources. Le même ar�cle ajoute quel’u�lisa�on durable peut inclure :

� [L’élabora�on] des poli�ques agri‐coles loyales encourageant, selon qu'ilconvient, la mise en place et le main�ende systèmes agricoles diversifiés qui favo‐risent l’u�lisa�on durable de la diversitébiologique agricole et des autres res‐sources naturelles ;

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Pour ce qui est de l’ar�cle 9, il concerne lesdroits des agriculteurs sur les RPGAA. Cetar�cle met d’abord un accent par�culiersur la contribu�on passée, présente, et future des communautés locales et autochtones, ainsi que des agriculteurs de toutes les régions du monde à laconserva�on et à la mise en valeur des ressources phytogéné�ques qui cons�‐tuent la base de l’agriculture et de l’ali‐menta�on mondiales. Après avoir reconnuque les droits des agriculteurs sur lesRPGAA est du ressort des gouvernements,l’ar�cle 9 précise que ces derniers doiventprendre des mesures pour protéger et promouvoir ces droits. Ce�e protec�onconcerne aussi les éléments suivants :• la protec�on des connaissances tradi‐�onnelles présentant un intérêt pour lesRPGAA ;• le droit de par�ciper équitablement aupartage des avantages découlant de l'u�‐lisa�on des RPGAA ;• le droit de par�ciper à la prise de déci‐sions, au niveau na�onal, sur les ques�onsrela�ves à la conserva�on et à l'u�lisa�ondurable des RPGAA.L’ar�cle 9 conclut en clarifiant que le Traiténe fait aucun obstacle à la reconnaissancedes droits des agriculteurs de conserver,d'u�liser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de mul‐�plica�on, sous réserve des disposi�onsde la législa�on na�onale et selon qu'ilconvient.Là aussi, il convient de voir quelles sont les mesures prises par le gouvernementmalien pour me�re en œuvre ses engage‐ments dans le cadre du TIRPAA. À ce ni‐veau, il faut reconnaitre que legouvernement n’a pas adopté de textespécifique sur les ressources phytogéné‐�ques, mais la loi rela�ve aux semencesd’origine végétale de 2010 comportequelques disposi�ons (quatre ar�cles au

total) touchant à ce sujet sous l’angle desvariétés tradi�onnelles contrairement àl’ancienne loi semencière de 1995 qui criminalisait l’u�lisa�on de ces variétés.On re�ent de ces disposi�ons ce qui suit :

� Ar�cle 3 : […] la loi ne s’applique pasaux produits dont l’usage est libre sous réserve des disposi�ons législa�ves et réglementaires en vigueur en Républiquedu Mali.La loi rela�ve aux semences d’origine vé‐gétale ne définit pas ce qu’il faut entendrepar “produits dont l’usage est libre”. Ilpourrait s’agir des semences ne répondantpas aux critères d’inscrip�on sur le cata‐logue et qui, de ce fait n’accèdent pas à lacer�fica�on et donc au commerce tel queréglementé par la loi. Les semences desvariétés tradi�onnelles et paysannes tom‐bent dans ce�e catégorie, et pourraientdans ce cas être librement u�lisées par lespaysans. Ce�e interpréta�on est d’autantplus plausible que la loi de 2010 romptavec la criminalisa�on que l’ancienne loisemencière (1995) faisait de l’u�lisa�on deces semences en autorisant uniquementles semences inscrites au catalogue. Sansse limiter à l’autorisa�on du libre usage deces variétés sur le territoire na�onal, la loiintègre quatre autres disposi�ons pourfaire une tenta�ve de transposi�on desconven�ons interna�onales traitant de cesressources au plan na�onal.

� Ar�cle 4 : Les variétés tradi�onnellescons�tuent un patrimoine na�onal. Ellesdoivent être gérées conformément auxconven�ons interna�onales signées et ra‐�fiées par le Mali.Ici, il s’agit des deux conven�ons que nousavons présentées plus haut, y compris lesprotocoles qui s’y ra�achent. Ce renvoi del’ar�cle 4 aux disposi�ons de ces conven‐�ons pourrait combler le vide juridique surla ges�on des semences paysannes de va‐riétés tradi�onnelles (elles font par�e des

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RPGAA) en a�endant que le pays se doted’une poli�que et d’une législa�on en lama�ère.

� Ar�cle 17 : L’État veille à la préserva‐�on des ressources phytogéné�ques tradi‐�onnelles en tant que patrimoine na�onaldans la perspec�ve de conserva�on de ladiversité biologique et de la protec�on desintérêts des popula�ons locales.Dans l’ar�cle 17, les termes “ressourcesphytogéné�ques” remplacent “variétés”.On y voit là un souci du législateur maliend'être en harmonie avec les conven�onsinterna�onales dont la plus per�nente surce�e ques�on par�culière reste le TIRPAA.Et conformément à la CDB, l’ar�cle essaiede concilier conserva�on et protec�on desintérêts des popula�ons locales.

� Ar�cle 18 : Aucune semence de va‐riété tradi�onnelle ne peut, pour des finsde recherche, sor�r du territoire na�onalsans une autorisa�on préalable des minis‐tères chargés de la Recherche, de la Fores‐terie, du Commerce et de l’Agriculture.

� Ar�cle 19 : Les avantages �rés de l’ex‐ploita�on des ressources phytogéné�questradi�onnelles doivent bénéficier aux popu‐la�ons locales u�lisatrices et gardiennes séculaires de ces ressources conformémentà la réglementa�on en vigueur.

Le Mali n’a pas encore de loi sur l’accès auxressources géné�ques conformément àl’ar�cle 15 de la CDB et de son protocolesur l’accès et le partage des bénéfices dé‐coulant de l’u�lisa�on de ces ressources.

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Cependant les ar�cles 18 et 19 de la loi surles semences d’origine végétale balisent leterrain en prévoyant une no�fica�on pourune autorisa�on donnée en connaissancede cause avant toute sor�e de ressourcesphytogéné�ques tradi�onnelles du terri‐toire na�onal à des fins de recherche, ainsique le partage des avantages avec les po‐pula�ons locales. Les mécanismes facili‐tant la mise en applica�on de cesdisposi�ons sont contenus dans le Proto‐cole de Nagoya sur l’APA adopté en 2010.Il apparait donc important que le Mali ra‐

�fie ce Protocole et prenne des mesurespour y donner effet au niveau na�onal. Les disposi�ons de la loi semencière tou‐chant au sujet des ressources géné�quescons�tue une ouverture pour engager laréflexion entre le gouvernement et l’en‐semble des acteurs du secteur semencierpour élaborer une poli�que et des textesper�nents pour la pleine reconnaissancedes droits des agriculteurs sur les res‐sources géné�ques locales, et organiserl’accès et le partage des avantages liés àl’u�lisa�on de ces ressources.

Encadré N°2 : Pluralité des régimes juridiques applicables aux semences d’origine végétale - Synthèse du cadre normatif des semences au Mali

Semences d’origine végétale

Commercialisa�on‐ Loi sur les semences

végétales‐ Catalogue (homologa�on)

‐ Cer�fica�on‐ Semences paysannes

exclues de la commercialisa�on

Les Droits de propriété intellectuelle

‐ Cer�ficat d’obten�onvégétale (COV)

Biosécurité‐ Biologique (CDB)

‐ Protocole de Cartagena‐ Loi portant sécurité en biotechnologie au Mali

‐ Règlement UEMOA en gesta�on

Ressources géné�ques

‐ CDB, TIRPAA, APA‐ Loi sur les semences végétales :

4 ar�cles portent sur les semences

tradi�onnelles

Droit des agriculteurs

DHS

Brevet

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Al’issue de la présenta�on du cadrejuridique des semences, un certainnombre d’éléments re�ent l’a�en‐

�on, à savoir :

La première chose à reprocher à la loi se‐mencière de 2010 est son laconisme ausujet des semences tradi�onnelles et l’im‐précision des rares disposi�ons qui y tou‐chent. Ainsi, on peut noter, d’entrée dejeu, une absence de défini�on du terme“variétés tradi�onnelles”. Ce�e défini�onparaît importante en ce qu’elle perme�rade dis�nguer celles qui sont “tradi�on‐nelles” et qui entrent dans le champ d’ap‐plica�on des ar�cles faisant men�on deces variétés. En outre, il existe des termesvoisins qui sont souvent u�lisés par les ac‐teurs du système semencier paysan quipourraient faire assimiler à tort certainesvariétés aux variétés tradi�onnelles. Ainsi,on entend des termes comme “variétés lo‐cales” ou “variétés paysannes”. On trouve une défini�on pour les variétéstradi�onnelles et locales dans le manuelde procédures pour l’inscrip�on des varié‐tés au catalogue na�onal des espèces etvariétés (DNA 2010). Selon ce document,on entend par variété tradi�onnelle “unevariété d’espèce qui a été améliorée par lesagriculteurs tradi�onnels mais qui n’a pasété influencée par la pra�que de sélec�onmoderne”, et par variété locale “une va‐

riété d’espèce développée, adaptée et cul‐�vée dans un environnement par�culierpendant une longue période”.La dis�nc�on fondamentale entre une va‐riété tradi�onnelle et une variété locale ré‐siderait dans l’a�achement de la secondeà un environnement, donc un territoiredonné. On pourrait en déduire que la va‐riété locale est une variété tradi�onnellea�achée/adaptée à une localité donnée.Ce qui semble refléter la réalité des com‐munautés paysannes dans les différenteszones agroécologiques du Mali. Ainsi, lesvariétés tradi�onnelles de sorgho qu’ontrouve dans la région de Mop� sont diffé‐rentes de celles qu’on trouverait dans larégion de Sikasso. Les premières sont desvariétés locales pour Mop� et les secondesdes variétés locales pour Sikasso. Mais les

3.1. Le cadre juridique accordepeu de place aux semences pay-sannes et aux droits des agricul-teurs qu’il a du mal à définir

3. Analyse du cadre juridique

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deux sont toutes des variétés tradi�on‐nelles du Mali de façon générale.14 Quiddes variétés paysannes ?Quant aux variétés paysannes, la loi n’enfait pas men�on, et aucune défini�on dansle manuel de procédure préparé par laDNA ne les concerne. Mais une tenta�vede défini�on a été donnée par les acteursdu Comité ouest‐africain des semencespaysannes (COASP‐Mali) lors d’une ren‐contre à Sikasso en mars 2016. Selon eux :

� “Les semences paysannes sont d’ori‐gine végétale, animale, ou issue de la biodiversité non cul�vée. Elles incluent lessemences tradi�onnelles et locales. Ellessont [des] ressources pour l’agriculture etl’alimenta�on. Les semences paysannessont reproduc�bles. Elles garan�ssent l’in‐dépendance et l’autonomie des produc‐teurs et productrices en agriculturepaysanne agroécologique pour la souve‐raineté alimentaire.“15

Ce�e défini�on inclut les semences desvariétés tradi�onnelles et locales dans lesvariétés paysannes. À ce niveau, il convientde noter qu’il s’agit de semences auxmains des agriculteurs transmises de généra�on à généra�on et améliorées parles paysans comme men�onné dans lapremière défini�on citée plus haut. La dis�nc�on fondamentale est que les se‐mences paysannes peuvent inclure aussides semences transmises entre agricul‐teurs d’un pays à un autre et adaptéesdans le système de produc�on paysannesans passer par la méthode de sélec�onde la recherche conven�onnelle. Ainsi, les semences tradi�onnelles ou lo‐cales échangées entre paysans maliens,sénégalais ou algériens sont des semencespaysannes indépendamment de leur ori‐gine. Mais elles cessent d’être locales outradi�onnelles lorsqu’elles qui�ent leurzone d’adapta�on ou d’a�achement, ou lepays dont elles sont originaires vers uneautre zone, vers un autre pays. On parleraalors de semences introduites de variétéspaysannes. Le statut de ces variétés aussidevrait être clarifié dans la loi.C’est ce�e dynamique que la loi semen‐cière du Mali ne cerne pas. Peut‐être quele législateur voulait se limiter au systèmedes semences cer�fiées, et reléguer les semences tradi�onnelles dans le régimedes ressources géné�ques tel qu’établi par les conven�ons interna�onales. Ce�ethèse semble plausible pour deux raisons.

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14/ Dans les différentes concertations organisées avecles acteurs du système semencier malien, la présenteétude a fait l’objet de présentation pour amélioration. Il est sorti des éléments de définition des trois types de variétés mentionnées ici, et celles données de“traditionnelles” et de “locales” ici reflètent vraiment ce que les paysans et leurs organisations ont faitressortir.15/ Définition donnée par 29 organisations maliennes du Comité ouest africain des semences paysannes Mali(COASP - Mali) en mars 2016. Rapport de la rencontredisponible auprès des auteurs du présent rapport.

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La première raison est que “les variétéstradi�onnelles cons�tuent un patrimoinena�onal […] [et] doivent être gérées dansl’intérêt de la na�on”. L’autre raison setrouve dans l’ar�cle 18 qui condi�onnel’accès aux variétés tradi�onnelles, à desfins de recherche, à l’obten�on d’une au‐torisa�on préalable des ministères compé‐tents. Et sur ce dernier point, Il sembleaussi que le législateur est plus préoccupéde la souveraineté na�onale sur les ressources géné�ques, vis à vis d’agentsextérieurs, que de sa�sfaire aux droits descommunautés et à la reconnaissance desdroits des agriculteurs.Il est donc nécessaire que le gouverne‐ment malien puisse adopter une loi spé‐cifique sur les semences issues desvariétés tradi�onnelles, ou qu’il révisecelle déjà existante pour y intégrer des disposi�ons clarifiant le statut et lesmodalités de produc�on, et de diffusiondes semences issues de ces variétés.Ce�e loi devrait refléter l’ensemble deséléments analysés et des recommanda‐�ons formulées plus loin dans ce rapport.

La priva�sa�on du système semencier auMali est en cours depuis le début des an‐nées 80 avec le programme d’ajustementstructurel imposé par les ins�tu�ons financières interna�onales (Banque mon‐diale et Fonds monétaire interna�onal).L’idée sous‐jacente est de sor�r d’un système dominé par le secteur public versun système dans lequel les entreprises pri‐vées et les diverses formes d’associa�onscollec�ves privées jouent des rôles de plusen plus prépondérants.

Le Projet d’appui à la filière semencière(PAFISEM) financé par la Banque africainede développement (BAD) a soutenu depuis2003 le désengagement de l’État du secteur semencier afin de favoriser l’émer‐gence d’un secteur privé présent à tous lesmaillons de la chaine de produc�on se‐mencière. Ce désengagement de l’Étatlaisse la place à un système de plus en plusau service des intérêts industriels exté‐rieurs qui rend difficile sa percep�on par la plupart des acteurs et notammentles agriculteurs. Le cadre norma�f des semences cer�fiées est soutenu en per‐manence par les bailleurs comme l’Agencefrançaise de développement (AFD),l’Alliance pour une révolu�on verte enAfrique (AGRA), la Banque mondiale, etc.pour en assurer l'opéra�onnalité, alorsque l’efficacité pour la sécurité alimentaireest faible, voir contreproduc�ve.Il en résulte donc la créa�on d’un marchépour les sociétés semencières et, plus tard,pour les mul�na�onales, car celles‐ci n’in‐terviendront que lorsque le système seracomplètement en place et bien opéra�on‐nel. C’est ainsi, qu’un financement de la Banque mondiale visait à encourager les structures de recherche à inscrire certaines variétés sur la liste des variétésprotégées pour obtenir auprès de l’OAPIdes DOV sur ces variétés, système en placedepuis 15 ans sans être opéra�onnel. Parallèlement, l’État omet de prendre desmesures protégeant les droits des agricul‐teurs sur leurs semences (les semencestradi�onnelles, locales et paysannes).Aucun appui ne se fait sen�r envers le sys‐tème semencier paysan autour duquel semanifestent ces droits. Les paysans sont aucontraire encouragés à aller vers le système officiel encadré par les textes pré‐sentés plus haut. Ce qui risque de conduireà un affaiblissement, voir à la dispari�ondes variétés tradi�onnelles paysannes si

3.2. Le cadre juridique prépare le terrain au secteur privé et à l’industrie semencière

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elles ne sont plus produites, comme celas’est produit dans nombre de pays plus in‐dustrialisés.En plus de l’accéléra�on de la priva�sa�ondu secteur semencier malien, un autre élé‐ment important dans le cadre juridiqueconcerne le déplacement des centres dedécisions vers le niveau régional, commeanalysé ci‐dessous.

En schéma�sant les régimes juridiques ap‐plicables aux semences végétales, on re�ent que les décisions concernant lesdifférents aspects techniques et organisa‐�onnels sont prises hors du pays et lais‐sent peu de choix au gouvernement duMali, ce dernier ayant transféré sa compé‐

tence à des organisa�ons suprana�onalesqui se subs�tuent à lui, ou qui tracent lavoie à suivre. De plus, la voix des paysansmaliens se fait inaudible dans ces ins‐tances de décisions qui s’éloignent dupays. Ainsi, on peut noter ce qui suit :

� Pour les ques�ons de DPI, la struc‐ture compétente est l’OAPI située àYaoundé au Cameroun. Ce�e organisa�onpourrait être remplacée par une organisa‐�on panafricaine de la propriété intellec‐tuelle (OPAPI)16 qui prendra le relais etdont le siège serait en train de se négociervers l'Afrique du Sud. Les décisions d’ac‐corder ou pas un DOV sur telle ou telle va‐riété ou un brevet sur d’autres sont prisespar l’OAPI. Les tests DHS en vue de l’ins‐crip�on d’une variété sur la liste des varié‐tés protégées sont faits par les structureshabilitées par l’OAPI au Cameroun, au Sé‐négal et en Côte d’Ivoire, et il n’en existepas au Mali en ce moment (juin 2016).

3.3. Le cadre juridique favorise le transfert des compétences du gouvernement malien versdes organisations sous régionales,éloignant les acteurs nationauxdes centres de décisions

16/ Voir les projets de statuts pour l’OPAPI ici :http://hrst.au.int/en/sites/default/files/PAIPO%20STATUTE%20FRENCH.pdf

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� Pour le commerce des semences, lesdécisions sont prises au Mali, mais sur labase de ce qui est décidé par la commis‐sion de la CEDEAO dont le siège se trouveà Abuja, au Nigéria.

� Pour la biosécurité, les décisions se‐ront aussi prises par le Mali, mais sur labase de ce qui sera décidé au niveau de lacommission de l’UEMOA (dont le siège està Ouagadougou au Burkina Faso) avecl’adop�on du règlement sous régional debiosécurité.

� Pour les ressources géné�ques, lesdécisions rela�ves aux conven�ons inter‐na�onales sont prises à Rome (pour le TIR‐PAA) et à Montréal (pour la CDB).

Tout cela rend le fonc�onnement du système officiel difficile et onéreux, nepouvant s’autofinancer et donc dépendanten permanence de financements externesdes bailleurs, des entreprises ou de prêtsextérieurs qu'il faudra rembourser. Quelle indépendance pourrait‐on espérerpour le système semencier dans ce�e situa�on ? Il convient de rappeler que la ques�on semencière est un élément clé de la souveraineté d’un État en ma�ère de produc�on agricole et d’alimenta�onpour ses popula�ons. Qu’adviendrait‐il de ces deux secteurs sile système semencier devrait dépendreexclusivement de l’extérieur ?

Encadré N°3 : Confusion dans les textes à propos du privilège des agriculteurs

Le privilège des agriculteurs, c'est-à-dire l’utilisa-tion sans autorisation des variétés protégées parles agriculteurs dans leurs champs est différem-ment présentée dans la loi semencière malienne(article 16) et dans l’accord de l’OAPI (article 30.d).Alors que la loi semencière du Mali étend ce privi-lège à toutes les variétés protégées, l’Accord deBangui dispose qu’il ne s’applique pas aux plantesfruitières, forestières et ornementales. Cettecontradiction pose la question de la primauté oupas des lois régionales sur la loi nationale. Une ana-lyse des deux textes oriente vers la réponse sui-vante :Sur la question spécifique du COV, le droit spécialest l’Accord de Bangui, et la loi semencière resteune loi d’ordre général prenant en compte toutesles questions applicables aux semences (le droitcommun). En cas de contradiction entre les dispo-sitions des deux textes, le droit spécial prime sur ledroit général ou le droit commun. En outre, en plusd’être un droit spécial en matière de droit de propriété intellectuelle, l’Accord de Bangui est unaccord international. Il a, de ce fait, primauté sur laloi semencière qui est un texte de droit interne (na-tional), en vertu de l’article 116 de la Constitutiondu Mali qui dispose que les accords internationauxsignés et ratifiés par le Mali ont toujours une primauté sur les lois nationales. Enfin, on peut logiquement penser que le Mali nepeut pas signer un texte international en transfé-rant toute sa compétence en matière de propriétéintellectuelle (et cela concerne tous les droits de PI)pour après prendre une loi au niveau nationalcontredisant les dispositions du texte supranatio-nal. La conclusion ici est que le législateur maliena dû omettre de prendre en compte l’exception desplantes fruitières, forestières et ornementales, aux-quelles aucune exception au DOV de l’obtenteurn’est possible.

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La reconnaissance officielle des semences de variétés traditionnelles et paysannes devient de plus en plus une nécessité au Mali, compte tenu dela prépondérance du système semencier traditionnel paysan qui assure

75% de la sécurité semencière des principales cultures vivrières (mil, sorgho, niébé, ara-chide…).

Ce système se révèle beaucoup plus robuste et efficace pour les producteurs, mais setrouve marginalisé par les institutions, sans reconnaissance des droits collectifs, et exposé aux risques de contamination et à la biopiraterie. C’est souvent par ignorancedu rôle historique et culturel, des caractéristiques agronomiques et nutritionnelles, quela valeur des variétés paysannes traditionnelles a été dépréciée par les techniciens etque le système semencier paysan a été relégué au statut de système informel. Pourtant, de nombreuses études scientifiques prouvent aujourd’hui que ces semencespaysannes qui sont indissociables des connaissances traditionnelles, sont à la base d’uneproduction agroécologique adaptée à différentes localités et à des systèmes alimentaires favorables à une diversité nutritionnelle nécessaire à la bonne santé despopulations.17

Recommandations et conclusions

17/ Voir, à titre d’exemple, le rapport du Groupe International d’Experts sur les Systèmes AlimentairesDurables : “From Uniformity to Diversity : A paradigm shift from industrial agriculture to diversifiedagroecological systems” ; disponible sur : http://www.ipes-food.org/images/Reports/UniformityToDiversity_FullReport.pdf

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De plus les systèmes semenciers paysans autonomes sont au cœur de la souverainetéalimentaire promue par la Loi d’orientation agricole du Mali. Leur consolidation par uneloi positive devient alors une nécessité.

Il apparaît donc impératif pour le gouvernement malien de mettre en place unnouveau cadre réglementaire du système semencier intégrant le système traditionnel / paysan à part entière. Cela passe d’abord par le dialogue entreles acteurs sur le développement de ce nouveau système. Le projet Semences,normes et paysans (SNP) initié par l’IRPAD et BEDE se veut une initiative allantdans ce sens et pourrait accompagner le gouvernement dans son travail de réforme du système semencier.

Le présent rapport est le fruit d’une recherche et de consultations auprès de plusieursacteurs du système semencier, y compris les organisations paysannes dont la CNOP,l’AOPP, la dynamique d’organisations qui promeuvent les semences paysannes qui seconstruit progressivement au Mali à travers le COASP-Mali, les ONG, ainsi que les struc-tures étatiques impliquées dans la gestion des semences d’origine végétale au Mali. Un certain nombre de recommandations pertinentes sont sorties de ces différentesconsultations. Une étude antérieure au processus SNP a aussi recommandé des mesures se rapprochant desdites recommandations18.

La synthèse des différentes recommandations se présente comme suit :� promouvoir et affirmer la participation effective des organisations paysannesdans toutes les instances de gouvernance qui touchent aux semences : CNSOV,Comité de biosécurité etc. ;� accompagner les communautés rurales dans un mécanisme participatif etinclusif d’identification et de caractérisation des variétés traditionnelles et paysannes ; � renforcer la conservation/préservation in situ notamment des semences tra-ditionnelles et paysannes (évolution permanente et gestion dynamique à laferme) ;� encourager la sélection paysanne avec la collaboration des chercheurs engagés derrière les paysans autour de véritables programmes collaboratifs respectifs des us et coutumes des localités en matière de semences ; � faciliter la multiplication des semences traditionnelles et paysannes, ainsique leur diffusion (échanges, ventes) au sein des réseaux paysans ; � informer/sensibiliser de façon constante sur l’agroécologie paysanne et laplace centrale des semences paysannes pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire qui passe par une souveraineté semencière ; � renforcer le cadre juridique en adoptant des mesures sur les droits des agriculteurs et l’établissement des registres communautaires de biodiversitécontenant les variétés traditionnelles et paysannes. Ces mesures devraient per-mettre de :

18/ Didier Bazile,  “State-Farmer Partnerships ForSeed Diversity in Mali” ; IIED, 2006.

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• clarifier le statut des semences issues des variétés traditionnelles etpaysannes ;• encadrer leur production et leur distribution en fonction des réalités so-cioculturelles du pays ; • réglementer l’accès aux variétés traditionnelles et paysannes, et définir les modalités en matière de partage des bénéfices issus de l’utilisation de ces variétés ;• adapter les normes de commercialisation en fonction des catégories desemences afin de s’adapter aux spécificités des variétéstraditionnelles/locales/paysannes d’une part, et des variétés amélioréesd’autre part, y compris la mise en place d’un système de contrôle de qua-lité des semences paysannes au sein des réseaux paysans.

Des actions concrètes ont aussi été identifiées par les mêmes acteurs afin de permettrela mise en pratique des recommandations :

� un débat inclusif sur la gouvernance semencière au Mali, y compris la question des semences paysannes et les droits des agriculteurs ; � le partage de l’information régulière et actualisée pour préparer le débat,ainsi que la diffusion des résultats de la présente étude et du processus SNPauprès des acteurs : OP, ONG et services techniques… ;� un atelier multiacteur impliquant tous les acteurs, y compris le secteur privé,autour des principaux enjeux pour les semences paysannes traditionnelles etlocales et les droits des agriculteurs ;� une réunion préparatoire pour les OP afin de leur permettre de coordonnerleurs différentes positions et opinions lors de l’atelier multi-acteurs ;� le portage institutionnel du débat et du processus de réforme qui pourraiten être, par les ministères clés impliqués dans la gestion et la gouvernance se-mencière au Mali : les Ministères du développement rural, de l’environnementet de la recherche scientifique ;� inclure la question des semences d’origine animale : éclairer les organisa-tions paysannes sur le cadre juridique relatif aux semences d’origine animale,évaluer la place des semences paysannes en matière d’élevage, de diversitédes races locales et de droits des agriculteurs et éleveurs.

Tous ces éléments devraient permettre l’animation et l’alimentation, de façon objectiveet transparente, du cadre de concertation permanent regroupant tous les acteurs du sys-tème semencier.

Ce cadre de concertation, quant à lui, permettra d’arriver progressivement à uncadre juridique et réglementaire reflétant les préoccupations des acteurs, no-tamment les producteurs et utilisateurs des semences paysannes et tradition-nelles qui ne bénéficient pas, pour le moment, d’un statut clair dans la législation actuellement en vigueur.

AADPIC : Accord sur les aspects des droitsde propriété intellectuelleADN : Acide désoxyribonucléique AFD : Agence française de développementAGRA : Alliance pour une révolu�on verteau Mali AGRA : Nouvelle alliance pour la révolu�onverte en AfriqueAMEDD : Associa�on malienne d'éveil audéveloppement durableANC : Autorité na�onale compétenteAOPP : Associa�on des organisa�ons pro‐fessionnelles paysannes ARB : Autorité régionale de biosécurité ASEMA : Associa�on semencière du Mali AVRDC : World Vegetal CenterBAD : Banque africaine de développement BCH : Centre d’échanges sur la biosécurité BEDE : Biodiversité, échange de diffusiond’expériencesCCFD ‐ Terre Solidaire : Comité catholiquecontre la faim et pour le développementCDB : Conven�on sur la diversité biologiqueCEDEAO : Communauté économique desÉtats de l'Afrique de l'OuestCILSS : Comité permanent inter‐États delu�e contre la sécheresse dans le SahelCIRAD : Centre interna�onal de rechercheagricole pour le développementCNOP : Coordina�on des organisa�ons pay‐sannesCNRA : Comité na�onal de recherche agri‐cole CNSOV : Comité na�onal des semencesd’origine végétale CNV : Comité na�onal des variétés COASP‐Mali : Comité ouest africain des se‐mences paysannesCOPAGEN : Coali�on pour la protec�on dupatrimoine géné�que africain. COV : Cer�ficat d’obten�on végétale DHS : Dis�nc�on homogénéité stabilité

DLCP : Division législa�on et contrôle phy‐tosanitaire DNA : Direc�on na�onale de l’agricultureDOV : Droit d’obten�on végétale FAO : Organisa�on des Na�ons unies pourl'agriculture et l'alimenta�onGDBA : Ges�on durable de la biodiversitéagricoleGIE : Groupements d’intérêt économiqueGRAADECOM : Groupe de recherches d’ac‐�ons et d’assistance pour le développe‐ment communautaireICRISAT : Ins�tut interna�onal de recherchesur les cultures des zones tropicales semi‐aridesIER : Ins�tut d’économie ruraleIPR/IFRA : Ins�tut polytechnique rural deforma�on et de recherche appliquéeIRD : Ins�tut recherche et développementIRPAD : Ins�tut de recherche et de promo‐�on des alterna�ves de développement enAfriqueLOA : Loi d’orienta�on agricole OGM : Organisme géné�quement modifiéOMC : Organisa�on mondiale du commerce PAFISEM : Projet d’appui à la filière semen‐cièrePAMPIG : Projet d’appui à la mise en placedes indica�ons géographiquesPFA : Poli�que foncière agricoleRPGAA : Ressources phytogéné�ques pourl'alimenta�on et l'agricultureSSN : Service semencier na�onal TIRPAA : Traité interna�onal sur les res‐sources phytogéné�ques pour l’agricultureet l’alimenta�on UEMOA : Union économique monétaired'Afrique de l’OuestURG : Unité des ressources géné�ques USAID : Agence des États‐Unis pour le dé‐veloppement interna�onalVATE : Valeur agronomique, technologiqueet environnementale

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Sigles

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Ce document est le rapport final de l’étude de la première phase du projet“Construire un cadre de concertation multi-acteurs sur le cadre normatif dessemences et les droits des petits producteurs au Mali” qui s’est déroulé dejanvier à juin 2016 dans le cadre d’une collaboration entre l’IRPAD et BEDE.