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Évaluation ex-post Projet PD 9/99 Rev. 2 (F) Aménagement durable et participatif des ressources forestières de la forêt classée de Missahoé et des collectivités villageoises environnantes en vue d’une production optimale de bois d’œuvre (Kpalimé, Togo) Juan E. Sève, Astrid Bergqvist et Marc Dourojeanni 39RFM-11 23 Octobre 2006

Évaluation ex-post Projet PD 9/99 Rev. 2 (F) … · géologique de la région de Missahoé appartient à la chaîne des Dahomeyides. Sous l’aspect pédologique on y trouve des

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Évaluation ex-post

Projet PD 9/99 Rev. 2 (F)

Aménagement durable et participatif des ressources forestières de la forêt classée de Missahoé et des collectivités villageoises environnantes en vue

d’une production optimale de bois d’œuvre (Kpalimé, Togo)

Juan E. Sève, Astrid Bergqvist et Marc Dourojeanni

39RFM-11 23 Octobre 2006

Table des matières Acronymes utilisés Première partie : Résumé analytique Deuxième Partie : Rapport d’évaluation 1. Contexte du projet

1.1 Antécédents du projet 1.2 Le projet OIBT 1.3 Contexte géographique et socio-économique du projet 1.4 Stratégie

2. Portée, approche et méthodologie de l’évaluation 3. Résultats de l’évaluation

3.1 Évaluation du document de projet original 3.1.1 Fondements de la proposition 3.1.2 Structure et présentation de la proposition

3.2 Évaluation de la mise en oeuvre du projet 3.2.1. Efficience et efficacité du projet 3.2.2. Techniques appliquées 3.2.3. Gestion, contrôle financier, administration 3.2.4. Facteurs externes – problèmes et circonstances imprévus

3.3 Évaluation des résultats du projet 3.3.1 Résultats prévus 3.3.2 Résultats imprévus ou inattendus 3.3.3 Évaluation sur le plan de la durabilité écologique et économique 3.3.4 Réalisations d’ensemble et résultats attendus à l’avenir 3.3.5 Bénéficiaires et évaluation des effets du projet et hors-projet sur les communautés 3.3.6 Qualité technique et scientifique des résultats et leur diffusion 3.3.7 Participation actuelle des communautés et des autorités constituées aux activités du

projet 3.3.8 Situation après-projet

4. Rapport avec les objectifs et politiques du Togo et de l’OIBT/AIBT Troisième partie : Conclusions et recommandations 1. Leçons apprises 2. Conclusions 3. Recommandations

1. Recommandations portant sur une éventuelle nouvelle phase 2. Recommandations pour les organisations d’exécution 3. Recommandations pour l’OIBT

Annexes Annexe 1. Programme de la mission d’évaluation de Missahoé

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Acronymes utilisés

AIBT Accord International des Bois Tropicaux BO Bois d’œuvre CIBT Conseil international des bois tropicaux CGPM Comité de gestion et de protection de la FCM CLGPM Comités Locaux de Gestion et de Protection de la FCM DPCEF Direction de la Protection et du Contrôle de l’Exploitation de la Flore FCM Forêt classée de Missahoé ODEF Office de développement et d’exploitation des forêts OIBT Organisation Internationale des Bois Tropicaux ONG Organisation non gouvernementale PAFN Plan d’Action Forestier National du Togo PFNL Produits forestiers non ligneux

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Première partie : Résumé analytique Antécédents Les antécédents du projet se rapportent, en général, à la situation actuelle du secteur forestier togolais, et en particulier, à la situation de la Forêt classée de Missahoé (FCM), située dans la préfecture de Kloto dans le Sud-ouest du pays. Selon des chiffres de 1995, sur un besoin de 48 000 m3 de bois d‘œuvre, le Togo en a importé 22 000. Cette situation s’explique par la dégradation croissante du couvert forestier. Pour faire face à cette situation, le Togo a établi en 1994 le Plan d’Action Forestier National du Togo (PAFN). Parmi ses orientations figurent la gestion conservatoire et participative des forêts naturelles et le développement des plantations forestières. Dans la zone du projet, l’exploitation de bois d’œuvre a été l’une des principales sources de revenus de la préfecture de Kloto. Toutefois, cette exploitation s’est faite d’une façon anarchique. Une conséquence directe en est la dégradation des conditions écologiques de la zone de Missahoé. Par ailleurs, la pénurie de bois, la baisse du revenu agricole et la perte du pouvoir d’achat ont amené les communautés de la zone à prendre conscience, et avec l’aide de l’administration forestière, envisager la restauration de la Forêt classée de Missahoé et des collectivités villageoises environnantes. En vue de soutenir ces efforts, et dans le cadre de la coopération avec l’OIBT, le Gouvernement togolais a soumis l’avant-projet PPD 11/96 Rev. 2(F) « Identification et planification des mesures pour une gestion durable des forêts communautaires de Kloto à partir de la Forêt classée de Missahoé avec la participation des communautés paysannes ». C’est dans le cadre de cet avant-projet que la proposition du projet PD 9/99 a été élaborée. La Forêt classée de Missahoé comporte une superficie de 1 057 ha et se trouve dans la préfecture de Kloto, à 6 km de Kpalimé, chef-lieu de la préfecture. Elle se situe dans les cantons d’Agomé, Hanyigba et Kouma. La zone de Missahoé est située entre le 6è et le 7è parallèle Nord et 0° et 1° de longitude Est, région des plateaux, et jouit d’un climat subéquatorial, qui comporte une saison des pluies de février à octobre, avec une interruption en août. La pluviométrie varie de 1 300 à 1 700 mm. La température moyenne mensuelle varie de 22,6°C (juillet) à 26,3°C (février). Contexte géographique et socio-économique du projet La région de Missahoé comprend des montagnes dont l’altitude varie de 400 à 800 m, et des plaines au sommet et au pied des montagnes. De nombreux cours d’eau baignent la région du projet. Le substrat géologique de la région de Missahoé appartient à la chaîne des Dahomeyides. Sous l’aspect pédologique on y trouve des sols d’érosion, des sols d’apport colluvial et alluvial, et enfin des sols ferralitiques et hydromorphes. La région du projet est située dans la zone écofloristique IV subhumide de moyenne altitude (300 – 900 m). La végétation comprend des forêts mésophiles ou semi décidues. La faune sauvage est considérablement réduite suite à la chasse illicite pratiquée par les populations et il ne reste actuellement que de rares exemplaires. La population de la zone selon dénombrement de 1996/97 est de 18 581 habitants pour les trois cantons (Agomé, Kouma et Hanyigba) avec un taux de croissance de 2,8 % par an. La zone est caractérisée par une homogénéité ethnique dominée par les Éwé, fondateurs des trois cantons.

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Plus de la moitié de la population pratique l’agriculture itinérante sur brûlis utilisant des méthodes culturales inappropriées, et l’exploitation forestière anarchique. On y produit des tubercules, des céréales, des fruits, du café et du cacao. L’élevage de type familial y est aussi pratiqué et il concerne les ovins, les caprins et les volailles. La tenure des terres est basée sur le système de gestion traditionnelle. Les droits d’usage reconnus aux populations riveraines sont le ramassage de bois mort et la recherche limitée de plantes médicinales pour l’usage individuel. La récolte de régimes de palmiers à huile y est aussi autorisée, ainsi que la chasse de jour, sous certaines restrictions. Stratégie La stratégie du projet comporte notamment les motifs du choix; les leçons du passé; et les aspects techniques, scientifiques, économiques, environnementaux, sociaux, et ceux relevant de la gestion. Un des principaux motifs du choix a été l’engagement du Gouvernement à restaurer une partie du patrimoine forestier national en collaboration avec la population, et ainsi augmenter la production de bois d’œuvre et redonner à la forêt son rôle de moteur du développement dans la zone de Missahoé. Cette stratégie repose sur une collaboration entre les acteurs qui est fondée sur des principes qui mettent l’accent sur le rôle de l’État comme responsable, les droits et obligations des populations, les consultations, la participation, la discipline financière, les incitations au reboisement, et la production des plants forestiers par la population. Quant aux leçons du passé, on doit signaler l’échec des tentatives antérieures d’aménager les forêts de façon traditionnelle, et le besoin impérieux de trouver de nouvelles approches. Ces nouvelles démarches doivent tenir compte des moyens modestes de l’État et de la nécessité de convaincre les populations de l’importance primordiale de l’aménagement durable. Concernant les aspects techniques, les cadres de l’administration possèdent les compétences nécessaires. Par contre, la stratégie met l’accent sur l’organisation des populations pour assurer un travail de qualité sur le terrain. Du point de vue économique la stratégie consacre une importante partie du budget du projet arrivant directement aux populations. Par ailleurs, l’apport de main d’œuvre sera compensé par les options de cultures vivrières et de rente en association avec les reboisements, ainsi que la création d’emplois par la production des plants. Enfin, la création d’un Fonds Forestier Missahoé est proposée pour faire face aux frais récurrents et autres dépenses. En matière environnementale la stratégie met l’accent sur un plan d’affectation des terres basé sur une approche de zonage, appuyé par l’approche participative et par l’application de méthodes culturales appropriées dans les différentes zones. Pour ce qui est des aspects sociaux, la population riveraine sera directement concernée par la mise en œuvre de l’aménagement. Enfin, en matière de gestion, la stratégie met l’accent sur les rôles des organisations issues des populations en tant qu’autorités de l’organisation et l’exécution des travaux de terrain. Par ailleurs, le rôle d’encadrement et d’appui conseil correspond aux des cadres du projet. La mission d’évaluation La mission a eu lieu au Togo du 14 au 18 août 2006. Après des discussions avec les responsables du projet et autres fonctionnaires de l’administration forestière à Lomé, une tournée de trois jours a été effectuée pour visiter la Forêt classée de Missahoé avec séjour à Kpalimé. L’équipe a rencontré des membres des Comités de Gestion et de Protection, ainsi que des fonctionnaires de la région. Des tournées de terrain ont été organisées afin d’examiner les réalisations. Après la visite à Kpalimé, l’équipe est retournée à Lomé. Pendant le retour, l’équipe a eu l’occasion de visiter deux pépinières ainsi que des plantations de teck. De retour à Lomé, l’équipe a présenté ses conclusions aux représentants de l’administration forestière ainsi qu’au Ministre de l’Environnement et des Ressources

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Forestières, M. Issifou Okoulou Kantchati, et a examiné des actions de suivi avec M le Directeur Folly. Leçons apprises 1. Il y a eu une phase préparatoire du projet, de 9 mois ; cet avant-projet a été un fondement essentiel

pour le projet : un bon résultat à travers une bonne planification. 2. Il est essentiel que les équipes de projet comportent des cadres forestiers avec une bonne

compétence en matières techniques, autant qu’en aspects sociaux et de gestion de projets. 3. L’existence d’un Fonds Forestier pourrait être aussi un facteur déterminant pour assurer la

continuité des activités ; même si le Fonds n’est pas alimenté pour le moment, il est légalement constitué et représente un élément structurel pour les éventuels efforts de suite.

4. La présence, l’attention et le dévouement constants de l’agence forestière afin d’assurer la

continuité des activités ont encore été des facteurs déterminants des réussites. 5. Une haute intensité de communication entre les techniciens et les villageois est une nécessité pour

transmettre des idées techniques, sociales et de gestion. Conclusions 1. Les limites de la forêt classée de Missahoé ont enfin été établies après 53 ans de classement. 2. Les travaux de plantation ont dépassé les résultats attendus avec 596 ha dans la forêt classé et 288

ha dans les terroirs riverains, les essences principales étant Terminalia, Cordia, et Khaya. Terminalia et Cordia sont supérieurs dans cet environnement, alors que les Khaya sont fortement attaqués par des insectes.

3. La protection de la zone et le comportement actuel des villageois semble suffisant pour éviter les

feux de brousse, restaurer la végétation et permettre l’écoulement de l’eau en permanence. 4. On constate un haut niveau de participation des communautés moyennant des comités formels qui

actuellement continuent d’être actifs. 5. On constate une bonne planification du projet à travers la compatibilité des intérêts entre les

communautés et les autorités forestières. 6. Le Fonds Forestier Missahoé sera un facteur important pour la gestion des plantations à l’avenir à

condition qu’il soit rendu opérationnel. 7. Les plantations sont proprement établies, et les taux de croissance sont bons malgré un manque

d’activités de nettoiement, d’éclaircies et d’élagage. 8. Le plan d’aménagement est incomplet mais conceptuellement solide. 9. Les actions forestières et agro forestières, y compris l’espacement des arbres et les systèmes de

production séquentiels sont efficaces et acceptés par les paysans. 10. Il s’agit d’un projet hautement efficient par rapport aux coûts (évidemment réalisé avec des

moyens modestes) ; en outre, un financement pour des activités de suite, a été obtenu, dont 75 000 $EU (€ 59 300) pour des « cure-dents » et 10 000 $EU pour la collecte de papillons.

11. Un grand enthousiasme envers le projet a été exprimé par les communautés.

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12. Un groupement des femmes a pris à sa charge une petite pépinière commercialement réussie, à

petite échelle mais visiblement très efficace. 13. En conclusion, bien que les participants des communautés n’aient pas encore reçu de bénéfices

économiques significatifs, les résultats de ce projet permettent d’espérer que dans un avenir proche il atteindra pleinement son objectif de développement.

Recommandations 1. Recommandations portant sur une éventuelle nouvelle phase

Continuer sur une deuxième phase pour consolider les réalisations. Compléter et mettre au point le plan d’aménagement et l’inclure dans la deuxième phase.

Inclure dans les activités a suivre dans la deuxième phase certaines composantes du projet

« Samba » - en particulier la pépinière.

Une nouvelle phase doit inclure des procédures pour assurer la permanence du Fonds Forestier.

Une bonne analyse économique des options d’investissement sera indispensable dans la

préparation d’une nouvelle phase. 2. Recommandations pour les organisations d’exécution

En ce qui concerne le partage des bénéficies, des arrangements contractuels seraient plus incitatifs que des réglementations rigides et peu équitables.

Au cas où l’OIBT financerait une nouvelle phase, chercher à obtenir des fonds d’autres

sources pour les activités agricoles d’accompagnement (p. ex., les champignons).

Sur la base des excellents rendements enregistrés au Ghana, essayer le Cedrela parmi les espèces de plantation.

3. Recommandations pour l’OIBT

Malgré les réussites de ce projet, les acquis ne sont pas encore consolidés ; il est donc important que l’OIBT considère sérieusement des périodes d’exécution plus longues, notamment de 5 ans ou plus.

Au cas où il y aurait une requête pour une deuxième phase, il est recommandé à l’OIBT d’en

assurer rapidement l’approbation afin de profiter des acquis à ce jour et de la bonne disposition des bénéficiaires.

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Deuxième Partie : Rapport d’évaluation 1. Contexte du projet

1.1 Antécédents du projet Les antécédents du projet sont constitués d’une part par la situation actuelle du secteur forestier togolais, particulièrement sous ses aspects de production de bois d’oeuvre, et d’autre part par la situation de la Forêt classée de Missahoé (FCM), située dans la préfecture de Kloto dans le Sud-ouest du pays. Selon des chiffres de 1995, sur un besoin domestique de 48 000 m3 de bois d‘œuvre, le Togo en a importé 22 000, ce qui correspond à une dépense considérable de devises. Cette situation s’explique en grande partie par une dégradation continuelle du couvert forestier national. Pour faire face à cette situation, la République Togolaise a établi en 1994 le Plan d’Action Forestier national du Togo (PAFN). Parmi les orientations du PAFN figurent la gestion conservatoire et participative des ressources forestières naturelles du pays et le développement des plantations forestières, visant à long terme l’autosuffisance en produits ligneux. Dans le cas spécifique de la zone du projet, l’exploitation forestière avec production de bois d’œuvre a été l’une des principales sources de revenus et de prospérité de la préfecture de Kloto. Toutefois, cette exploitation s’est faite typiquement d’une façon anarchique en l’absence des règles élémentaires d’aménagement forestier. Une conséquence directe de cette dynamique est la dégradation des conditions écologiques de la zone de Missahoé. Par ailleurs, la pénurie de bois, la baisse nette du revenu agricole et la perte du pouvoir d’achat des populations ont amené les communautés de la zone de Missahoé à prendre conscience, et avec l’aide de l’administration forestière togolaise, envisager la restauration de la Forêt classée de Missahoé et des collectivités villageoises environnantes. En vue de soutenir ces efforts, et dans le cadre de la coopération avec l’OIBT le Gouvernement togolais a soumis à l’OIBT l’avant-projet PPD 11/96 Rev. 2(F) « Identification et planification des mesures pour une gestion durable des forêts communautaires de Kloto à partir de la Forêt classée de Missahoé avec la participation des communautés paysannes ». C’est dans le cadre de cet avant-projet que la proposition du projet PD 9/99 a été élaborée.

1.2 Le projet OIBT Les résultats du Projet PPD 11/96 Rev. 2(F) constituent un des points de départ du projet à évaluer, et la participation des populations à sa conception en forme un deuxième. La participation de bénéficiaires a été assurée moyennant des séances de reconnaissance du terrain, ce qui a permis aux paysans de développer leur propre perspective sur les problèmes de dégradation de leur milieu. Par ailleurs, des agents de plusieurs organismes nationaux et régionaux des secteurs forestier et rural ont aussi été associés à la conception du projet. Sur la base de ce processus de conception participative, le Gouvernement togolais a soumis un dossier de requête à l’OIBT pour le financement du Projet PD9/99 Rev. 2(F) « Aménagement durable et participatif des ressources forestières de la forêt classée de Missahoé et des collectivités villageoises environnantes en vue d’une production optimale de bois d’œuvre ». Le dossier a été approuvé par le Conseil international des bois tropicaux (CIBT) lors de sa XXVIè séance, pour être mis en œuvre sur une période de trois ans, avec un financement total de 508 994 $EU, dont 384 524 $EU à la charge de l’OIBT et 124 470 $EU sous la responsabilité du Gouvernement du Togo et de la population de Missahoé. L’accord de projet a été signé le 17 juillet 1999 et la mise en œuvre a démarré le 11 décembre 1999 avec une date d’achèvement prévue pour le 11 décembre 2002. Des prolongations sans effet budgétaire ont été accordées et le projet a fermé ses comptes le 29 avril 2003.

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La finalité du projet est exprimée dans son objectif de développement, à savoir, « Améliorer la production nationale de bois d’œuvre par la reconstitution et l’aménagement durable et participatif des domaines forestiers tout en créant les conditions favorables à l’amélioration des conditions de vie des populations. » Les actions du projet devaient être guidées par l’objectif spécifique suivant : « En vue d’une production optimale de bois d’œuvre, la forêt classée de Missahoé et les forêts communautaires avoisinantes sont restaurées et aménagées de manière participative et durable. » En somme, le projet devait reboiser et aménager une partie importante de la forêt de Missahoé ainsi que des forêts communautaires voisines avec la participation des populations locales. Le caractère participatif de ce projet a impliqué la collaboration de plusieurs acteurs, notamment : La Direction de la Protection et du Contrôle de l’Exploitation de la Flore (DPCEF), représentant

de l’État, organe d’exécution du projet. Elle a été l’animatrice principale de la structure de la mise en œuvre du projet.

La population avoisinante, qui a été associée à toutes les décisions, et a eu pour mission principale l’exécution des travaux de plantation, la production de plants et la protection du périmètre. La population a été organisée en comités de protection et de gestion avec l’assistance de la DPCEF.

Les entreprises, sociétés ou associations locales prévues à intervenir dans les activités de sous-traitance.

Le projet a prévu une intervention en deux volets :

La restauration et l’aménagement de la forêt classée sur une base consensuelle entre tous le partenaires concernés.

La promotion des reboisements forestiers et agro forestiers de bois d’œuvre sur les terroirs riverains de la Forêt classée.

Le projet a prévu une réalisation de 550 ha de nouvelles plantations forestières par les méthodes de plantation en plein, d’enrichissement ou d’agroforesterie dans la Forêt classée ; la réalisation de 100 ha de plantations villageoises en plein ou en association agro forestière ; la formation de 180 personnes aux pratiques de reboisement ; et l’établissement de six pépinières gérées par les populations.

1.3 Contexte géographique et socio-économique du projet La Forêt classée de Missahoé comporte une superficie de 1 057 ha1 et se trouve dans la préfecture de Kloto, à 6 km de Kpalimé, chef-lieu de la préfecture. Elle se situe dans les cantons d’Agomé, Hanyigba et Kouma. La zone de Missahoé est située entre le 6è et le 7è parallèle Nord et 0° et 1° de longitude Est, région des plateaux, et jouit d’un climat subéquatorial, qui comporte une saison des pluies de février à octobre, avec une interruption en août. La pluviométrie varie de 1 300 à 1 700 mm. La température moyenne mensuelle varie de 22,6°C (juillet) à 26,3°C (février). La région de Missahoé comprend une succession de montagnes dont l’altitude varie de 400 à 800 m ; des plaines sont situées au sommet et au pied des montagnes. De nombreux cours d’eau de débits variés baignent la région du projet. Le substrat géologique de la région de Missahoé appartient à la chaîne des Dahomeyides. Suivant la classification française, il a été mis en évidence dans cette région : les sols évolués d’érosion, les sols peu évolués d’apport colluvial, les sols peu évolués d’apport alluvial, et enfin les sols ferralitiques et les sols hydromorphes très peu représentés.

1 Selon l’arrêté de classement nº 185-53/EF du 17 mars 1953 la superficie de la forêt est de 1 450 ha. Cependant, une estimation planimétrique effectuée en 1998 donne une surface de 1 057 ha.

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La région du projet est située dans la zone écofloristique IV subhumide de moyenne altitude (300 – 900 m). La végétation comprend des forêts mésophiles ou semi décidues, normalement avec trois strates arborées. Dans la strate arborée supérieure on trouve des essences telles que Khaya grandifolia, Antiaris africana, Milicia excelsa, et Terminalia superba entre autres. La faune sauvage est considérablement réduite suite à la chasse illicite pratiquée par les populations et il ne reste actuellement que de rares exemplaires de quelques espèces. L’avifaune est représentée par une diversité d’oiseaux réfugiés au sommet des grands arbres et dans les zones difficilement accessibles. La population de la zone du projet selon le dernier dénombrement de 1996/97 est de 18 581 habitants pour les trois cantons d’Agomé, de Kouma et de Hanyigba avec un taux de croissance de 2,8 % par an. C’est une population très jeune : un peu plus de la moitié (51,24 %) des résidants ont moins de 15 ans alors que 6,28 % seulement ont plus de 55 ans. Les hommes comportent 49,46% et les femmes le 50,54 % restant. La zone est caractérisée par une homogénéité ethnique dominée par les Éwé, fondateurs des trois cantons et des villages. Plus de la moitié de la population pratique l’agriculture itinérante sur brûlis utilisant des méthodes culturales inappropriées, et l’exploitation forestière anarchique ce qui explique la forte pression exercée par ces populations résidantes ou environnantes. On y produit des tubercules, des céréales, des fruits, du café et du cacao. L’élevage de type familial y est aussi pratiqué et il concerne les ovins, les caprins et les volailles. La tenure des terres est basée sur le système de gestion traditionnelle, les propriétaires terriens confiant leurs terres à exploiter aux métayers et la récolte est partagée entre les deux. Les droits d’usage reconnus aux populations riveraines de la forêt sont le ramassage de bois mort et la recherche limitée de plantes médicinales pour l’usage individuel. La récolte de régimes de palmiers à huile y est aussi autorisée, ainsi que la chasse de jour, sous certaines restrictions, en période d’ouverture. Il est aussi noté dans le document de projet que des feux de brousse parcourent la région tous les ans, détruisant ainsi le couvert végétal et les cultures, ce qui accentue l’aridité des sols.

1.4 Stratégie La stratégie de l’opération à évaluer, telle que décrite dans le document de projet, comporte un nombre d’éléments, y compris les motifs du choix ; les leçons du passé ; et les aspects techniques, scientifiques, économiques, environnementaux, sociaux, et ceux relevant de la gestion. Un des principaux motifs du choix a été l’engagement de la part du Gouvernement à restaurer durablement une partie du patrimoine forestier national en étroite collaboration avec la population riveraine, et ainsi augmenter la production locale de bois d’œuvre et redonner à la forêt le rôle de moteur de développement dans la zone de Missahoé. Plus spécifiquement, la stratégie du projet se base sur une action à deux entrées, notamment : i) la restauration de la FCM, et ii) la promotion des reboisements en milieu rural environnant la FCM. Cette stratégie repose sur une forte collaboration entre les acteurs concernés qui est fondée sur un nombre de principes qui mettent l’accent sur le rôle de l’État comme responsable principal, les droits et obligations des populations, l’importance des consultations, le rôle du Comité de gestion et de protection de la FCM (CGPM) et des 11 Comités locaux (CLGPM), la discipline financière, les incitations au reboisement, et la production des plants forestiers par la population. Quant aux leçons du passé, le document de projet mentionne l’échec de toutes les tentatives antérieures d’aménager les forêts depuis l’indépendance, et le besoin impérieux de trouver de nouvelles approches. Ces nouvelles démarches doivent tenir compte des moyens modestes à

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disposition de l’État et de la nécessité essentielle de convaincre les populations en vue d’un aménagement forestier durable. Concernant les aspects techniques, la stratégie considère que les cadres de l’administration forestière possèdent les compétences nécessaires. Par contre, vu l’approche nécessairement participative, la stratégie met l’accent sur l’organisation des populations pour assurer un travail de qualité sur le terrain. La sensibilisation, la formation de cadres en gestion d’équipes, la constitution de structures participatives de gestion, et enfin un système de suivi-évaluation constituent les principaux éléments de cet effort d’organisation. Du point de vue économique, la stratégie mentionne une importante partie du budget du projet arrivant directement aux populations. Par ailleurs, le document discute l’importance de l’apport de main d’œuvre qui sera compensé par les options de cultures vivrières et de rente en association avec les reboisements, ainsi que la création d’emplois par la production des plants. Enfin, la création d’un Fonds Forestier Missahoé est proposée pour faire face aux frais récurrents et autres dépenses. En matière environnementale la stratégie met l’accent sur un plan d’affectation des terres basé sur une approche de zonage, appuyé par l’approche participative et par l’application de méthodes culturales appropriées dans les différentes zones. Cette approche, liée à la présence permanente des bénéficiaires fortement impliqués dans les travaux d’aménagement devrait créer les conditions nécessaires à la réhabilitation de l’environnement et à sa conservation durable. Pour ce qui est des aspects sociaux, le document de projet note que la population riveraine de 18 000 personnes sera directement concernée par la mise en œuvre de l’aménagement de la FCM. Les populations semblaient enthousiastes et engagées depuis l’avant projet, tout en attendant un partage raisonnable des fruits de l’aménagement. Enfin, en matière de gestion, la stratégie met l’accent sur les rôles du CGPM et des 11 CLGPM en tant qu’autorités de l’organisation et l’exécution des travaux de terrain. Par ailleurs, le rôle d’encadrement et d’appui conseil correspond aux cadres du projet. 2. Portée, approche et méthodologie de l’évaluation Le but principal de l’évaluation était de fournir un diagnostic concis du projet afin de signaler les réussites et les échecs, les raisons des succès et des défaillances, et les contributions des projets à l’Objectif 2000 de l’OIBT et au Plan d’action de Yokohama. Il s’agissait aussi de tirer des leçons qui pourraient être utiles pour améliorer des projets similaires à l’avenir. L’équipe d’évaluation a été chargée d’analyser et d’examiner les éléments suivants :

1) Le rôle général et la contribution du projet à la lumière des politiques sectorielles, et des programmes, priorités, et exigences de développement afin d’atteindre la participation communautaire dans la gestion forestière durable ;

2) L’état actuel de la participation communautaire dans la gestion forestière durable dans la zone d’influence du projet, l’efficacité de la mise en œuvre du projet, et son efficacité dans la facilitation des pratiques durables de conservation et de gestion forestière ;

3) L’efficacité de la diffusion des résultats du projet et de la situation d’ensemble d’après projet dans sa zone d’influence.

4) Les effets et impacts inattendus, qu’ils soient favorables ou défavorables, et les raisons de leur manifestation ;

5) L’efficience économique dans la mise en œuvre du projet, y compris les aspects techniques, financiers et de gestion ;

6) Les actions de suivi afin d’améliorer l’assimilation des résultats, et les succès ou échecs relatifs du projet, y compris une synthèse des principales leçons apprises et l’identification de problèmes ou questions qui devraient être pris en compte dans la conception et la mise en œuvre des projets similaires à l’avenir.

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L’équipe d’évaluation devait aussi analyser et examiner la contribution d’études spécifiques préparées par le projet dans diverses disciplines relatives à la foresterie, concernant la réalisation de la gestion forestière durable dans la zone d’influence du projet, ainsi que les résultats et impacts potentiels de recherches appliquées effectuées par le projet, et sa contribution à la connaissance en général de la participation communautaire à la gestion forestière durable dans la région. L’évaluation ex-post s’est basée d’abord sur une étude de la documentation établie pendant la préparation et l’exécution du projet. Une visite au Togo a été effectuée du 14 au 18 août 2006. Après des discussions avec les responsables du projet et autres fonctionnaires de l’administration forestière à Lomé, une tournée de trois jours a été effectuée dans la Préfecture de Kloto pour visiter la FCM avec séjour à Kpalimé. Pendant la visite l’équipe a rencontré des membres des Comités de Gestion et de Protection, ainsi que des fonctionnaires de l’administration forestière de la région. Des tournées de terrain ont aussi été effectuées afin d’examiner les réalisations. Après la visite à Kpalimé, l’équipe est retournée à Lomé. Pendant le retour, l’équipe a eu l’occasion de visiter deux pépinières (dont une gérée par un groupement de femmes, et l’autre parrainée par l’ancien projet OIBT/Samba) ainsi que des plantations de teck gérées ou établies par l’Office de développement et d’exploitation des forêts du Togo (ODEF). De retour à Lomé, l’équipe a présenté ses conclusions aux représentants de l’administration forestière ainsi qu’au Ministre de l’Environnement et des Ressources Forestières, M. Issifou Okoulou Kantchati, et a examiné des actions de suivi avec M le Directeur Folly. 3. Résultats de l’évaluation

3.1. Évaluation du document de projet original Cette rubrique examine en premier lieu un nombre de questions du contenu de la proposition, et deuxièmement certains aspects structurels qui auraient pu être abordés autrement.

3.1.1. Fondements de la proposition La proposition de projet a été élaborée selon les normes de l’OIBT pour la conception des projets. Il s’agit d’un document très complet et riche d’informations qui en toute évidence a bénéficié des résultats de l’avant-projet PPD 11/96 Rév.2 (F). Il comporte aussi tous les éléments d’un document de projet tels qu’approuvés par les structures de l’OIBT et le Conseil de l’AIBT. Par ailleurs, les aspects relatifs à la participation des populations sont sérieusement traités avec beaucoup de profondeur et de détails. Toutefois certains points sont à soulever concernant le contenu de la proposition. La structuration dans l’espace et dans le temps des systèmes de production aurait pu être abordée

avec plus de détail. Ceci est important dans le sens où les investissements pour le bois d’œuvre ne donneront des revenus qu’au bout de plusieurs années et que les populations ont besoin de revenus tout au long de cette période.

Le partage des bénéfices des investissements issus du projet est abordé mais reste loin d’être résolu.

La suggestion d’un Fonds Forestier Missahoé se tient comme idée ; toutefois quelques précisions sur ses objectifs, son volume, son alimentation et ses modalités d’intervention auraient renforcé la proposition.

Bien que le document mentionne la distribution de la capitalisation de l’expérience du projet au public intéressé, il n’y a pas d’activité prévue pour envisager une telle distribution.

3.1.2. Structure et présentation de la proposition

La proposition contient dans l’ensemble les éléments sous les titres et sous-titres exigés par le manuel de formulation de projets de l’OIBT. Par ailleurs, tel que signalé ci-dessus, il s’agit d’un document complet, très détaillé et bien rédigé.

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La partie A présente en premier lieu le contexte du projet en fonction des rapports avec les objectifs les critères et le plan d’action de l’OIBT, suivi des rapports du projet avec les politiques nationales, notamment celles du secteur forestier (y compris les orientations du PAFN), ainsi que le cadre institutionnel et juridique auquel le projet sera soumis. Une partie B, constituant le corps du document fait suite. Elle comporte plusieurs éléments essentiels tels que : l’origine du projet, les objectifs, la justification (y compris l’analyse du problème, la description de la zone du projet, et une stratégie détaillée entre autres), une ébauche des produits attendus, une description des activités et apports, le cadre logique, le plan de travail, le montage institutionnel, les conditions préalables, et les éventuelles actions futures. Dans cette partie, certains points structurels doivent être soulevés. Premièrement, alors que l’objectif de développement donne une bonne orientation d’ensemble, l’objectif spécifique est trop général et devrait donner des dimensions quantitatives sur les finalités à atteindre. En fait, il aurait été convenable de songer à plus d’un objectif spécifique, surtout avec une stratégie qui recommande une action à deux entrées, tel que discuté plus haut. Deuxièmement, les objectifs sont présentés avant l’analyse des problèmes à traiter, alors que les objectifs devraient guider le processus de solution des problèmes, qui sont d’ailleurs posés avec pertinence, précision, et surtout focalisés sur la zone du projet. Dans la longue discussion consacrée à la stratégie du projet, et plus spécifiquement sous le sous-titre « aspects économiques », il est question d’un « Fonds forestier Missahoé ». Tel que mentionné plus haut, ceci est un concept louable, mais il n’y a pas d’analyse quantitative pour l’appuyer. D’une manière plus générale, la partie stratégique de la proposition souffre de l’absence d’un travail analytique rigoureux et détaillé, nécessaire à la sélection de la meilleure option stratégique parmi des solutions possibles au problème posé. Ceci est d’une importance particulière concernant les aspects économiques et sociaux : la proposition ne présente aucune analyse des coûts et avantages économiques attendus des investissements issus du projet. Concernant les produits qui seront générés par le projet afin de satisfaire à l’objectif spécifique, ils sont formulés comme suit : Produit 1 : La forêt classée de Missahoé est sécurisée et aménagée sur une base consensuelle Produit 2 : Les activités de reboisement forestier et agroforestier sont développées sur le terroir

riverain de la Forêt classée. Deux problèmes se posent avec ces produits. D’abord plutôt que de produits, il s’agit de déclarations générales sans aucune précision sur ce que le projet cherche à « produire ». Afin de préciser les produits escomptés, on aurait pu songer à plusieurs produits précis (4 ou 5, par exemple) en s’appuyant sur la situation prévue à l’achèvement du projet et la description détaillée de l’« action à deux entrées » dans la partie stratégie. Deuxièmement, ils ne comportent aucune dimension quantitative permettant de déterminer dans quelle mesure les produits ont été livrés. Le reste de la partie B est consacré principalement à des procédures de planification opérationnelle y compris les activités et les apports nécessaires pour les réaliser, le cadre logique, le plan de travail, et le montage de la structure de gestion, tout selon les normes de la structure des projets de l’OIBT. En général, ces parties comportent un contenu, une logique, et un niveau de détail appropriés. Concernant le cadre logique, quelques observations sont offertes : i) Alors que pour les résultats, les indicateurs sont exprimés spécifiquement et même quantitativement en termes de réalisations, les activités présentent parfois des indicateurs d’intrants et parfois des indicateurs de réalisations. Ce mélange est à éviter et il est toujours préférable de se concentrer sur les réalisations ; ii) Les conditions critiques doivent être exprimées, soit en termes de situations qui feraient obstacle à la mise en œuvre des activités (contraintes ou conditions défavorables), soit en termes de conditions qui doivent être satisfaites pour qu’une activité puisse avoir lieu. La plupart des tiroirs comportent souvent des

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descriptions des activités, plutôt que des éventuels obstacles ou conditions nécessaires à leur réalisation. Quant au plan de travail, une amélioration possible serait de définir la séquence des activités et de spécifier les liens entre elles. Alors que certaines activités peuvent être exécutées de façon indépendante ou en parallèle avec d’autres, plusieurs d’entre elles ne pourront pas démarrer avant l’achèvement de celles dont elles dépendent. Une brève partie C est consacrée aux disciplines de suivi-évaluation. Elle aurait pu être plus étoffée avec un plan complet de rapports opérationnels et financiers, indiquant les destinataires et leurs responsabilités, ainsi qu’un programme de réunions de contrôle indiquant les participants et leurs rôles. Par ailleurs, pour les rapports, autant que pour les réunions, le plan devrait indiquer l’objet, le contenu et un calendrier provisoire. Enfin une partie D complète le dossier avec un budget détaillé, d’abord selon les rubriques standard de l’OIBT, ensuite par activité, et enfin par année selon les rubriques majeures. Alors que dans l’ensemble la proposition satisfait aux normes de l’OIBT, une de ses faiblesses est l’absence d’une perspective après projet, au-delà de la situation escomptée à son achèvement. Dans cet ordre d’idées, deux options majeures se présentent : a) le projet constitue une première étape dans un processus plus long nécessaire pour affronter les problèmes à résoudre ; et b) les activités soutenues par l’appui extérieur se terminent avec le projet. Dans le premier cas, la proposition devrait contenir une vision d’ensemble de ce que pourrait être une phase ultérieure. Dans le second cas, elle devrait considérer une « stratégie de sortie » moyennant laquelle les activités du projet seraient transférées aux bénéficiaires afin qu’ils puissent assurer la continuité des structures et fonctions créées par le projet en tant que facteurs de développement et d’un bien-être amélioré.

3.2. Évaluation de la mise œuvre du projet

3.2.1. Efficience et efficacité du projet Dans cette partie, l’efficience et l’efficacité sont évaluées sous leurs aspects conventionnels, c’est à dire, par rapport à l’atteinte des résultats prévus, et pas en termes de satisfaction de l’objectif de développement. L’exécution des travaux est documentée dans un rapport annuel d’activités couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2001, et deux rapport semestriels, le premier allant du 1er janvier au 30 juin 2002, et le second 1er juillet 2002 au 28 février 2003.2 Ces rapports sont très clairs et assez détaillés, et indiquent les réussites autant que les défauts dans la mise en œuvre du projet. Dans l’ensemble il apparaît que le projet a été géré de façon efficiente et efficace par l’administration forestière. Ceci est démontré par les nombreux résultats de terrain (dont les principaux ont dépassé les prévisions), les excellentes relations de travail entre l’administration et les bénéficiaires, et l’enthousiasme solide des populations riveraines après l’achèvement du projet. Par ailleurs, selon les rapports d’activités, l’exécution du projet a sérieusement suivi le calendrier prévisionnel du plan de travail. Sur le plan de la concertation et du transfert des capacités, le projet a organisé plusieurs ateliers et événements de formation, qui ont assuré les capacités techniques et de gestion, la cohésion interne des bénéficiaires, et la collaboration entre le projet et les autorités locales. Par ailleurs, plusieurs voyages d’études on été organisés, autant au Togo que dans des pays voisins, afin d’examiner des expériences pertinentes, dont les bénéficiaires ont pu tirer d’importants avantages. Toutes ces actions ont fortement contribué à la réussite du projet sous plusieurs aspects.

2 Il n’y a pas de rapport disponible pour la première année du projet.

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Dans le dernier rapport semestriel il est indiqué que les activités quantifiables réalisées ont été largement supérieures aux prévisions, en l’occurrence les reboisements, autant ceux dans la FCM que ceux en milieu rural. Quant aux activités non quantifiables, telles que l’organisation des populations, le degré d’enthousiasme des ces populations, et leur esprit d’équipe, et les actions menées dans ce sens, ajoutées à la démarche consensuelle adoptée, permettent une opérationnalité et une durabilité des structures mises en place. Enfin, l’équipe d’évaluation constate qu’un des principaux facteurs des bons résultats obtenus par le projet a été la présence et le dévouement constants d’un cadre forestier compétent dans les éléments techniques, sociaux et de gestion nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de foresterie communautaire.

3.2.2. Techniques appliquées Malgré les traditions de reboisement de cette région d’Afrique de l’Ouest qui privilégient le teck depuis l’époque coloniale, les cadres de l’administration forestière ont appliqué leurs compétences pour sélectionner des essences proprement adaptées au milieu. C’est ainsi que l’accent a été mis sur des essences de croissance rapide telles que le Framiré (Terminalia ivorensis), le Fraké (Terminalia superba), le Gmelina et le Cordia, et celles à croissance plus lente comme le Khaya et l’Afzelia. D’une manière générale, le but recherché pour les deux catégories d’essences est la production de bois d’œuvre. Dans certaines interventions d’agroforesterie on note aussi la présence de Coffea robusta, de Xylopia (condiment local) et de Garcinia, cette dernière essence servant à la production de cure-dents. L’équipe d’évaluation a pu voir surtout des plantations des deux espèces de Terminalia, de Cordia et de Khaya. Alors que les Terminalia et le Cordia montrent des performances qui vont de bonnes à excellentes, les Khaya sont en général attaqués par la tordeuse (Hypsipyla) et leur avenir n’est pas assuré. L’équipe a constaté aussi que les espacements initiaux des plantations même « en plein » sont particulièrement larges, normalement de 5m x 5m. Ceci est le résultat de négociations avec les paysans : un tel espacement leur permet de réaliser des cultures intercalaires en vue d’obtenir des revenus supplémentaires. Selon des discussions tenues sur le terrain même, le coordonnateur du projet a signalé que les paysans n’auraient pas accepté des espacements plus serrés. Du point de vue de la collaboration entre les parties prenantes un tel espacement a facilité les accords. Par ailleurs, du point de vue technique les jeunes peuplements se montrent bien portants, avec les avantages qu’ils restent raisonnablement propres, et une première éclaircie (normalement coûteuse et non rentable) peut être évitée. Cependant, l’entretien des jeunes plantations pourrait être amélioré, surtout en ce qui concerne le désherbage. Ceci est essentiel pour la prévention des feux de brousse et même du point de vue de la concurrence que les herbes présentent aux jeunes plants. C’est ainsi que des désherbages fréquents sont recommandés dans la littérature (parfois plus d’une fois par an), jusqu’à la troisième et parfois la quatrième année. Il convient d’ajouter que selon le plan d’aménagement préparé à la fin du projet, les plantations réalisées sont constituées de petites parcelles hétéroclites allant de 0,3 à 7,6 ha. Ces parcelles ne sont pas clairement individualisées sur le terrain à cause de leur âge, du manque de marquage des limites entre parcelles, et de la grande diversité de leur taille. Pour une de gestion adéquate du périmètre, il serait indispensable de distinguer nettement ces parcelles sur le terrain. Quant au plan d’aménagement, il a été présenté juste au moment de l’achèvement du projet. Il s’agit d’un document conceptuellement solide, bien rédigé et bien organisé. Toutefois, l’avis de l’équipe d’évaluation est qu’après un bon démarrage le travail doit être complété. Bien que le document présente une bonne carte de zonage, il manquerait une carte synthétique des peuplements actuels

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indiquant les essences prépondérantes et les classes d’âge, et plus important encore, la carte d’aménagement, qui doit d’abord indiquer la différence ente les parties de production et celles d’intérêt écologique et autres, et puis synthétiser les lieux où se dérouleront les principales interventions au cours de la période de validité de l’aménagement (10 ans dans le cas de la FCM). Effectivement l’établissement d’une carte d’aménagement (ainsi que d’autres aspects essentiels de la démarche) dépendent de l’établissement d’un parcellaire. Bien que le besoin de l’établir soit signalé par le rapport, il n’est pas établi.3 Par ailleurs, il y a lieu de signaler que l’aménagement forestier, surtout quand l’objectif déterminant est la production ligneuse, consiste à organiser un système de production dans l’espace et dans le temps afin d’assurer la durabilité de la ressource. De là le fait que le parcellaire soit d’une importance primordiale. Le parcellaire constituera la base de la séquence (où et quand) des activités à entreprendre, telles que les coupes, les nouvelles plantations, les travaux d’entretien, les élagages, les éclaircies, les routes et pistes, les travaux de protection et restauration, et autres qui auront lieu pendant la durée de l’aménagement. Il est à noter aussi que dans la rubrique « plan de gestion » du rapport d’aménagement plusieurs de ces activités sont sommairement ébauchées, mais il manque toujours leur organisation détaillée. Enfin, bien que le rapport d’aménagement présente un bilan synthétique des coûts des actions à entreprendre, il serait nécessaire d’éclater ces dépenses prospectives, année par année. Il faudrait aussi procéder à une estimation des avantages économiques, également au fil des années. Enfin, il faudrait des prospectives de coûts et avantages à long terme. Cette analyse permettrait d’abord d’estimer la rentabilité des investissements pendant la période de l’aménagement, et ensuite la durabilité à long terme de la FCM du point de vue économique.

3.2.3. Gestion, contrôle financier, administration Apparemment, le projet a été proprement géré sans rencontrer de problèmes sérieux, et sa mise en œuvre a été caractérisée par une bonne collaboration entre l’administration responsable et les populations, et aussi entre la structure de gestion et les autres parties prenantes. D’une part, les réalisations concrètes déjà ébauchées, en quantité autant qu’en qualité, témoignent d’une bonne gestion, et d’autre part, l’aspect participatif a aussi fait ses preuves. La dynamique participative a démarré avec la mise en place du CGPM et des 11 CLGPM. Ces comités ont assuré d’abord la sensibilisation dans leur villages respectifs, et au fil du temps ils ont eu un rôle de plus en plus significatif dans la gestion des interventions sur le terrain. Les CLGPM se sont groupés au cours du premier semestre de 2002 en créant l’Union pour la gestion et la protection de la forêt de Missahoé (UGPFM). Au cours du deuxième semestre de la même année il y a eu un retrait progressif de l’équipe du projet dans la coordination de certaines activités au profit de l’Union, qui avec les CLGPM avait crée des petits fonds afin d’assurer une autonomie de fonctionnement. Au moment de l’évaluation, trois ans après l’achèvement du projet, l’Union est encore active et attend des appuis supplémentaires. Une étude pour la consolidation des bases juridiques de gestion participative de la forêt FCM a été rédigée. L’étude a été étalée sur plusieurs mois après la signature du contrat en vue d’assurer la compréhension partagée des orientations des textes avec la population, et la convergence des points de vue sur ces questions sensibles qui détermineront l’avenir du projet.

3 Il est évident qu étant donné la condition actuelle de la FCM, l’établissement d’un parcellaire n’est pas une chose simple. Toutefois, du fait qu’un aménagement forestier ne se fait pas sans une organisation de la forêt par unités de gestion, il faudrait établir un parcellaire complet, même à titre provisoire, quitte à réviser l’aménagement au moment où de nouvelles expériences le demanderont.

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Dans son utilisation des ressources financières le projet a aussi montré son efficacité, comme l’indique le rapport d’audit des comptes pour la période du 01/02/2002 au 29/04/2003.4 Ce rapport certifie, entre autres, que les dépenses effectuées sont celles prévues au budget et sont appuyées de justificatifs, que les travaux, fournitures et services ont été engagés en respect des objectifs du projet, et que les états financiers présentent fidèlement la situation des ressources et des emplois du projet conformément aux principes comptables généralement admis. La conclusion du contrôle des comptes est que : i) l’utilisation des fonds est conforme aux objectifs du projet ; ii) les acquisitions de biens, fournitures et services sont conformes aux dispositions mises en place ; et iii) le niveau de réalisation des objectifs du projet est conforme au document du projet.

3.2.4. Facteurs externes – problèmes et circonstances imprévus Une situation imprévue d’importance qui a même changé le cours du projet a été l’exploitation illégale des peuplements mûrs naturels. Sur la base des études réalisées pendant la phase d’avant projet, il a été estimé qu’un total de 3 000 m3 de BO pouvaient être exploités sur l’ensemble de la FCM.5 Les revenus de cette exploitation devaient permettre de payer l’exploitant, de contribuer à la construction de trois km de pistes carrossables et de trois km de pistes forestières, et d’alimenter le Fonds Forestier Missahoé destiné aux travaux d’aménagement de la FCM. Cette exploitation a été rendue impossible à réaliser du fait qu’entre la phase de planification et l’organisation effective des populations en CLGPM des exploitants clandestins ont scié le bois exploitable en n’épargnant que les zones difficiles d’accès. Du coup, l’activité est devenue très onéreuse d’une part, et d’autre part l’exploitation de ces sites allait compromettre la diversité biologique dans les peuplements naturels restants. Un effet direct de cette situation imprévue a été qu’aucune piste n’a été ouverte ni réfectionnée. Cependant les pistes existantes ont toujours été entretenues par les populations. Un autre élément imprévu a été le faux démarrage de la culture de champignons en tant que mesure d’accompagnement. Cette initiative, qui n’était pas prévue au plan de travail initial, a été entreprise à la fin de 2001 par l’équipe du projet dans le souci d’améliorer les conditions de vie des paysans. Cette activité a bien démarré, avec des efforts de formation théoriques et sur le terrain, et même avec des perspectives commerciales encourageantes. Toutefois, l’initiative n’a pas réussi ayant eu des problèmes de constitution et de discipline d’équipes de travail, en plus de la contrainte technique du manque de mycélium, base de la production des champignons, qui n’est pas produit au Togo.

3.3 Évaluation des résultats du projet

3.3.1 Résultats prévus Pour ce qui est des résultats prévus, il convient d’abord de soulever une question de type structurel : tel qu’indiqué ci-dessus, étant donné que le document présente les résultats attendus de façon trop générale, afin de pouvoir évaluer les effets du projet l’équipe estime qu’il vaut mieux se référer aux principales rubriques parmi les activités à entreprendre. Autrement dit, il y aurait 8 activités sous le Résultat attendu 1, et 3 activités sous le Résultat 2, total 11 activités à examiner. Sur la base de cette structure, les résultats attendus et atteints sont synthétisés dans le Tableau 1, qui porte aussi l’appréciation des évaluateurs. Il y a lieu de mentionner que l’opinion des évaluateurs peut ne pas coïncider avec ce qui est porté dans les rapports du projet.

4 Le rapport a été établi par le cabinet Universal Audit & Consulting 5 Selon des entretiens soutenus avec des agents de l’administration forestière le volume de 3 000 m3 est probablement une surestimation de la présence de bois sur pied avant les coupes illicites.

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Tableau 1. Résultats attendus et atteints selon la mission d’évaluation ex post Résultats attendus Résultats atteints selon évaluation ex post

A1.1 Mettre en place le système de gestion provisoirement identifié en cours d’exécution de l’avant projet

Résultat atteint. Le projet a organisé les populations bénéficiaires pour une prise en charge future des acquis et de la gestion du domaine, et a facilité l’installation de 11 CLGPM dans les villages, ainsi que leur groupement en Union.

A1.2 Matérialiser les limites de la FCM Résultat atteint moyennant la délimitation, le bornage et l’installation de panneaux de signalisation.

A1.3 Sécuriser les 5 zones d’affectation des terres Résultat partiellement atteint dans la mesure où le plan d’aménagement exprime des réserves par rapport au respect des zones d’affectation.

A1.4 Préparer et adopter les plans d’aménagement et de gestion

Résultat partiellement atteint dans la mesure où le plan d’aménagement reste incomplet.

A1.5 Exploiter 3 000 m3 de bois d’œuvre sur l’ensemble du terroir de la FCM

Résultat non atteint du fait que le bois a été prélevé illicitement avant le démarrage du projet.

A1.6 Mettre en place des reboisements Résultat atteint et même dépassé. La surface cible à reboiser était de 560 ha en FCM et 100 en milieu rural. À l’achèvement du projet il y avait 596 ha en FCM et 288 en milieu rural.6

A1.7 Réfectionner et compléter les pistes de desserte Résultat non atteint du fait que les fonds prévus devaient provenir de l’exploitation programmée au point A1.5.

A1.8 Mettre en place et organiser le siège et la direction du projet

Résultat atteint vers la fin du projet moyennant un remaniement du budget afin de bâtir un bureau pour l’Union des CLGPM.

A2.1 Informer et former les personnes aux pratiques de la foresterie rurale

Résultat atteint. Un total de 350 personnes ont été formées dans l’établissement de pépinières, le reboisement et la gestion des plantations. Par ailleurs, d’autres efforts de formation ont eu lieu en culture de champignons, en disciplines de gestion pour les CLGPM, et autres sujets, ainsi que plusieurs voyages d’étude.

A2.2 Appui à l’installation des pépinières forestières Résultat atteint et même dépassé avec l’établissement d’une pépinière commerciale gérée par un groupement de femmes qui reste rentable à ce jour.

A2.3 Mettre en place les mesures d’incitation Résultat partiellement atteint dans la mesure où la question du partage des bénéfices nets issus des investissements du projet reste encore en instance.

Un résultat de première importance dans ce projet a été l’établissement du Fonds Forestier Missahoé. Il fut établi en prélevant un modeste pourcentage des salaires payés aux paysans participant aux travaux de reboisement. C’est remarquable que les paysans aient accepté volontairement cette option. Ce Fonds existe encore à ce jour, et malgré des problèmes actuels d’alimentation, il constitue un fondement essentiel de la pérennisation des activités.

3.3.2 Résultats imprévus ou inattendus Un résultat inattendu est sans doute l’établissement, avec l’appui du projet, d’une pépinière sous forme d’entreprise autonome entièrement gérée par un groupement de femmes. Il s’agit d’une installation de petite échelle qui a démarré même avec un financement autonome, le projet ayant assuré la facilitation pour l’obtention d’un prêt de démarrage, ainsi que l’encadrement technique. Actuellement la pépinière se concentre sur le teck mais élève aussi d’autres essences telles que Terminalia (deux espèces), Khaya, Cordia, Garcinia et Cassia. L’opération est solidement rentable et écoule ses produits surtout auprès de paysans locaux, mais aussi de l’administration forestière.

6 Ces chiffres se trouvent dans les rapports du projet. Toutefois selon des entretiens soutenus avec les cadres de l’administration forestière il y aurait plus de 700 ha en FCM et environ 288 en milieu rural.

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Deux autres éléments pourraient être considérés comme résultats inattendus. Il s’agit d’abord de la collecte, l’élevage et la commercialisation de papillons. Bien que cette activité n’ait été ni prévue ni vraiment entreprise par le projet, elle a fait l’objet d’un petit financement supplémentaire après l’achèvement. En deuxième lieu, la plantation de Garcinia en vue de la production de cure-dents, qui a été abordée pendant la période du projet, a fait aussi l’objet d’un financement modeste d’après projet.

3.3.3 Évaluation sur le plan de la durabilité écologique et économique Afin d’évaluer la durabilité des activités d’un projet de terrain il est important d’avoir des données représentatives de son point de départ (c-à-d, les contenances des différents types de végétation, celle des activités agricoles, des cartes des sols, etc.). Ceci nécessiterait entre autres, soit des photos aériennes, soit des images satellitaires. Bien que la documentation fournie par l’OIBT (notamment le document de projet et le plan d’aménagement) comportait quelques cartes, celles-ci étaient très sommaires et de petite échelle. Par ailleurs au cours de la visite, des cartes ou des états indiquant la distribution des plantations avec leurs années d’établissement n’étaient pas disponibles. Malgré ce manque d’information initiale, le projet a déjà fait ses preuves sous certains aspects de la durabilité écologique. Alors que dans le passé plusieurs sources d’eau étaient taries, on en trouve aujourd’hui de vives avec des débits permanents. Cette récupération des ressources hydriques est due en grande mesure à la protection contre les incendies qui a permis le retour de la végétation naturelle, et aux interventions de reboisement lancées par le projet. Par ailleurs, certaines interventions agro forestières, surtout en milieu rural présentent des peuplements avec une grande variété d’espèces, issues d’une démarche de plantation séquentielle. Cette approche a le double avantage de maintenir le couvert végétal en permanence tout en produisant des biens consommables, et de continuer à produire des biens chaque année au fur et à mesure que les différentes espèces atteignent leur âge productif. Du point de vue économique, une analyse de rentabilité à long terme des investissements proposés par le projet aurait dû être effectuée au stade de l’avant projet. Ceci aurait permis une meilleure conception des interventions, permettant de choisir les plus avantageuses, autant du point de vue de la rentabilité à long terme que des sources de revenus pendant la période d’attente de l’exploitabilité des peuplements de bois d’œuvre. Cette analyse aurait probablement révélé aussi la non viabilité de certaines essences telles que les Khaya, vu leur susceptibilité aux attaques d’insectes. Encore sur le plan économique, il est à noter que le Fonds Forestier Missahoé est un facteur déterminant pour assurer la continuité des activités. Donc, l’alimentation du Fonds Forestier est une nécessité pour assurer l’aménagement de la FCM et sa durabilité économique. En fin de compte, étant donné la réussite de plusieurs espèces forestières, ainsi que la discipline et la cohésion des communautés on peut s’attendre à une durabilité écologique autant qu’économique, pourvu qu’une phase suivante assure la continuité des démarches et pratiques établies par le projet jusqu à l’atteinte d’une gestion autonome par les populations organisées.

3.3.4 Réalisations d’ensemble et résultats attendus à l’avenir Bien que un rapport final n’ait pas été mis à la disposition de l’équipe d’évaluation, ce qui aurait donné un aperçu des résultats d’ensemble, à travers la révision des autres documents disponibles ainsi que des réunions et des visites de terrain, on peut enregistrer en particulier résultats suivants : (1) le projet a été bien conçu et a concerté de façon consciencieuse et efficace les intérêts de l’administration forestière avec les communautés villageoises ; (2) le projet a établi un fonds forestier afin d’assurer l’entretien des réalisations après l’achèvement du projet ; (3) les plantations visitées étaient de bonne qualité présentant des taux de croissance plus forts qu’espérés ; (4) l’opinion unanime est que depuis le début du projet, tel qu’on le voit présentement, la végétation a été mieux préservée des incendies et s’est considérablement récupérée, permettant ainsi des débits permanents dans plusieurs sources qui étaient taries auparavant ; (5) le plan d’aménagement préparé pour la Forêt classée de Missahoé, bien qu’incomplet, est solide du point de vue conceptuel ; (6) le projet a été particulièrement efficace par rapport à ses coûts, ayant atteint des résultats importants avec un budget relativement modeste ; (7) le

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projet a pu générer deux financements supplémentaires [75 000 $EU pour la plantation de Garcinia et 10 000 $EU pour la collecte de papillons] ; et (8) une association de femmes a pris en charge une petite pépinière forestière qui se rentabilise en vendant des plants à des paysans voisins. En somme, le projet offre des possibilités claires et encourageantes de réussite à condition que les autorités forestières restent engagées.

3.3.5 Bénéficiaires et évaluation des effets du projet et hors projet sur les communautés Dans le plan d’aménagement il est noté que dans la mise en œuvre du projet, les populations riveraines de la forêt classée de Missahoé ont été fortement impliquées. Aussi elles maintiennent un enthousiasme exceptionnel et poursuivent encore certaines activités initiées par le projet. Il est évident que tous les efforts de concertation et d’organisation des populations facilités par le projet ont motivé des changements de fond. Une observation importante concernant les projets de foresterie communautaire en général est que la restauration par plantation de zones sérieusement dégradées est à déconseiller. Il est fort probable que les résultats seront invariablement en dessous du potentiel économique acceptable aux paysans. D’une manière générale il est préférable de concentrer les efforts sur des plantations qui peuvent efficacement donner des rendements en termes de production ligneuse générant des bénéfices nets pour les populations. Inversement, les populations peuvent contribuer à des efforts de restauration modestes, basés sur la régénération naturelle appuyée par le contrôle des feux et la mise en défens, tel que l’a démontré le projet Missahoé. Enfin, la plus importante question en instance pour ce projet reste la détermination d’un partage équitable des bénéfices entre l’administration et les populations impliquées. Le 15% établi au niveau national est clairement défaillant dans ce cas particulier, compte tenu de l’investissement considérable des populations locales.

3.3.6 Qualité technique et scientifique des résultats et leur diffusion Selon l’avis de l’équipe d’évaluation, les autorités du projet ont manifesté une haute compétence autant en matières techniques que sur les aspects sociaux et la gestion. La présence constante, l’attention et le dévouement de l’administration forestière d’encadrer ainsi que de protéger les activités et leur continuité ont été parmi les principaux facteurs de la réussite de ce projet. Toutefois, bien que ce projet soit particulièrement riche en leçons d’expérience, et dans ses aspects biophysiques et techniques, et dans ses dimensions sociales, il n’a pas produit de publications ou de matériels de diffusion. Il s’agit ici d’une faiblesse à laquelle il sera urgent de remédier lors d’une prochaine phase.

3.3.7 Participation actuelle des communautés et des autorités constituées aux activités du projet

Dans les discussions avec les représentants communautaires il s’est manifesté, comme dans les discussions à Worobong au Ghana, un grand enthousiasme pour les réalisations du projet. En plus, les relations entre les représentants des autorités et ceux des communautés se sont présentées comme excellentes, créant une ambiance particulièrement favorable au travail participatif. Il existe toujours un haut niveau de participation effective dans les comités établis, même après la finalisation du projet. Toutefois, le manque de ressources dans le Fonds Forestier pourrait devenir un problème à l’avenir.

3.3.8 Situation après projet Malgré les résultats évidents sous la plupart de ses aspects, il est important de noter que le projet dans l’ensemble n’a pas encore généré de revenus mesurables pour la population, et dans l’absence d’un appui de suivi, ses réalisations restent vulnérables. Toutefois, étant donné la solidité de l’organisation sociale et du bon rapport entre les populations et l’administration, ainsi que la qualité des résultats sur

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le terrain, le potentiel d’avenir de ce projet semble évident, pourvu qu’il y ait des appuis techniques et financiers supplémentaires. D’autre part, dans le plan d’aménagement proposé pour l’avenir on note que malgré les différentes actions entreprises en matière sylvicole et organisationnelle, le périmètre de Missahoé n’est pas encore sécurisé. Le rapport note que ceci se traduit par des pressions toujours intenses sur la ressource forestière et le foncier dues aux prélèvements excessifs des principales essences de bois d’œuvre et de produits forestiers non ligneux, la pratique de cultures vivrières sur brûlis, le défrichement du sous-bois pour l’installation des champs de café et de cacao, et les déboisements dans les zones sensibles. Donc, la sécurisation de ce domaine passe nécessairement par la mise en place d’un cadre de gestion devant lui permettre d’assurer son rôle de production de biens et de services. L’équipe d’évaluation partage cette opinion et recommande la finalisation et la mise en application du plan d’aménagement de la FCM. Enfin de compte, vu les atouts du projet, le besoin de consolider les acquis et de corriger les erreurs, ainsi que l’ébauche d’un plan d’aménagement offrant une perspective pour le long terme, une nouvelle phase serait à considérer. 4. Rapport avec les objectifs et politiques du Togo et de l’OIBT/AIBT Le Plan d’Action Forestier National du Togo dans ses orientations concernant la lutte contre la désertification, met un accent particulier sur l’utilisation optimale et conservatoire de la ressource forestière en tenant compte de sa situation actuelle et des besoins à venir. À cet effet, le PAFN se propose d’assurer l’aménagement durable des formations forestières naturelles ainsi que l’extension du patrimoine forestier par le développement des plantations. En matière de production de bois d’œuvre le PAFN, s’est fixé comme objectif la réalisation de 20 000 ha de plantations en 10 ans et l’aménagement des forêts naturelles dont le potentiel le permet encore. Sur le plan stratégique, le PAFN s’est penché sur la mise en valeur des terres des forêts classées avec la participation motivée des communautés riveraines, progressivement responsabilisées à la gestion durable de leur environnement. Le projet, donc, cadre bien avec le PAFN et est intégré au sein des deux programmes, « reboisement » et « gestion des formations naturelles » dont il est fait cas. Du point de vue de l’OIBT, le document de projet se rapporte spécifiquement aux objectifs (c), (g), (j), et (l) établis sous l’Article premier de l’Accord international des bois tropicaux de 1994. Concernant les buts et objectifs de l’OIBT, le projet se situe dans les fonctions du Comité du reboisement et de l’aménagement forestier dans ses trois domaines de responsabilité, notamment le reboisement, la réhabilitation forestière et l’aménagement. Le projet est lié aux objectifs suivants sous l’ l’Article premier de l’Accord de 1994 : Objectif c) : Contribuer au développement durable ; Objectif g) : Développer et contribuer à des mécanismes visant à apporter des ressources

financières nouvelles et additionnelles et des compétences techniques dont il est besoin pour renforcer la capacité des membres producteurs d’atteindre les objectifs du présent accord ;

Objectif j) : Encourager les membres à appuyer et à développer les activités de reboisement en bois d’œuvre tropicaux et de gestion forestière, ainsi que la mise en état des terres forestières dégradées compte dûment tenu des intérêts des communautés locales qui dépendent des ressources forestières ;

Objectif l) : Encourager les membres à élaborer des politiques nationales visant à l’utilisation et à la conservation durable des forêts productrices de bois d’œuvre et de leurs ressources génétiques et au maintien de l’équilibre écologique des régions concernées, dans le contexte du commerce des bois tropicaux.

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Le projet répond aussi aux critères suivants de l’Article 25 de l’accord de 1994 : pertinence par rapport aux objectifs de l’accord de 1994 ; incidences écologiques et sociales ; rentabilité ; nécessité d’éviter les chevauchements des efforts.

Troisième partie : Conclusions et recommandations Leçons apprises 1. La phase préparatoire du projet, de 9 mois, a été un fondement essentiel pour le succès du projet:

un bon résultat à travers une bonne planification. 2. Ce projet a démontré que la réussite dépend beaucoup de la qualité des équipes de projet, qui

doivent comporter des cadres forestiers avec une bonne compétence en matières techniques autant qu’en aspects sociaux et de gestion de projets.

3. L’existence d’un Fonds Forestier pourrait être aussi un facteur déterminant pour assurer la

continuité des activités; même si le Fonds n’est pas alimenté pour le moment, il est légalement constitué et représente un élément structurel pour les éventuels efforts de suite.

4. La présence, l’attention et le dévouement constants de l’agence forestière afin de protéger les

activités et leur continuité ont encore été des facteurs déterminants des réussites. 5. Une haute intensité de communications entre les techniciens et les villageois est une nécessité pour

transmettre des idées techniques, sociales et de gestion. Conclusions 1. Les limites de la forêt classée de Missahoé ont enfin été établies après 53 ans de classement. 2. Les travaux de plantation ont dépassé les attentes avec 596 ha dans la forêt classé et 288 ha dans

les terroirs riverains, les essences principales étant: Terminalia, Cordia, et Khaya. Terminalia et Cordia sont supérieurs dans cet environnement, alors que les Khaya sont fortement attaqués par des insectes.

3. La protection de la zone semble suffisante pour éviter les feux de brousse, restaurer la végétation

et permettre l’écoulement de l’eau en permanence. 4. On constate un haut niveau de participation des communautés moyennant des comités formels qui

actuellement continuent d’être actifs. 5. On constate une bonne planification du projet à travers la compatibilité des intérêts entre les

communautés et les autorités forestières. 6. Le Fonds Forestier Missahoé sera un facteur important pour la gestion des plantations à l’avenir, à

condition qu’il soit rendu opérationnel. 7. Les plantations sont proprement établies, et les taux de croissance sont bons malgré un manque

d’activités de nettoiement, d’éclaircies et d’élagage. 8. Le plan d’aménagement est incomplet mais conceptuellement solide.

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9. Les actions forestières et agro forestières, y compris l’espacement des arbres et les systèmes de

production séquentiels sont efficaces et acceptés par les paysans. 10. Il s’agit d’un projet hautement efficient par rapport aux coûts (évidemment réalisé avec des

moyens modestes) ; en outre, un financement pour des activités de suite, a été obtenu, dont 75 000 $EU (€ 59 300) pour des « cure-dents » et 10 000 $EU pour la collecte de papillons.

11. Un grand enthousiasme envers le projet a été exprimé par les communautés. 12. Un groupement des femmes a pris à sa charge une petite pépinière commercialement réussie, à

petite échelle mais visiblement très efficace. 13. En conclusion, bien que les participants des communautés n’aient pas encore reçu de bénéfices

économiques significatifs, les résultats de ce projet permettent d’espérer que dans un avenir proche il atteindra pleinement son objectif de développement.

Recommandations 1. Recommandations portant sur une éventuelle nouvelle phase

1.1 Continuer sur une deuxième phase pour consolider les réalisations. 1.2 Compléter et mettre au point le plan d’aménagement et l’inclure dans la deuxième phase.

1.3 Inclure dans les activités a suivre dans la deuxième phase certaines composantes du projet

« Samba » - en particulier la pépinière.

1.4 Une nouvelle phase doit inclure des procédures pour assurer la permanence du Fonds Forestier.

1.5 Une bonne analyse économique des options d’investissement sera indispensable dans la

préparation d’une nouvelle phase. 2. Recommandations pour les organisations d’exécution

2.1 En ce qui concerne le partage des bénéficies, des arrangements contractuels seraient plus incitatifs que des réglementations rigides et peu équitables.

2.2 Au cas où l’OIBT financerait une nouvelle phase, chercher à obtenir des fonds d’autres

sources pour les activités agricoles d’accompagnement (p. ex., les champignons).

2.3 Sur la base des excellents rendements enregistrés au Ghana, essayer le Cedrela parmi les espèces de plantation.

3. Recommandations pour l’OIBT

3.1 Malgré les réussites de ce projet, les acquis ne sont pas encore consolidés ; il est donc important que l’OIBT considère sérieusement des périodes d’exécution plus longues, notamment de 5 ans ou plus.

3.2 Au cas où il y aurait une requête pour une deuxième phase, il est recommandé à l’OIBT d’en

assurer rapidement l’approbation afin de profiter des acquis à ce jour et de la bonne disposition des bénéficiaires.

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Annexes

Annexe 1. Programme de la mission d’évaluation de Missahoé Dimanche 13 août 2006 13h00 Arrivée à Lomé par la route 20h00 Réunion préliminaire avec M Sama Boundjow, Coordonnateur du projet Lundi 14 août 2006 09h00 Réunion à la Direction de l’ODEF avec MM Sama, Defly Kodjo (Directeur technique,

ODEF), et Djalogue Gounbéban (Directeur des eaux et Forêts) 14h00 Petite réunion de courtoisie avec M Djalogue et M le Directeur de la Faune avant de

partir sur le terrain 14h30 Départ sur Kpalimé 16h00 Accueil de la mission par les fonctionnaires locaux au bureau du projet Mardi 15 août 2006 08h30 Réunion avec les dirigeants des CLGPM 10h00 Départ sur Missahoé et tournée en forêt Mercredi 16 août 2006 09h00 Visite de la pépinière du groupement des femmes 10h00 Visite du projet Samba 11h00 Départ sur Lomé et visite d’exploitation et de nouvelles plantations de teck en cours de

route Jeudi 17 août 2006 10h00 Visite auprès du Ministre de l’Environnement et des Ressources Forestières 14h00 Visite auprès de M Folly, Directeur de l’inspection forestière et environnementale, et

ancien directeur du Projet Missahoé Vendredi 18 août 2006 09h00 Consultations et rédaction de rapports 18h00 Départ de Mme Astrid Bergqvist Samedi 19 août 2006 09h00 Consultations et rédaction de rapports 18h00 Départ de MM Marc Dourojeanni et Juan Sève

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