Evolution de La Loi de 1945

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  • Claudine DeltourBrigitte EvangelistaCatherine GodechotMichel Gout

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    IAE Master Administration des EntreprisesGestion des Entreprises Sociales et de Sant

    UE 1 Veille juridiqueAvril 2007

  • 1Sommaire

    Introduction p 2

    Chapitre I. Les fondements de lordonnance de 1945 p 31. Dun droit pnal unique la notion de discernement2. Au XIXe sicle, mergence de la notion dintrt de lenfant3. Une re nouvelle : celle de la prvention et de la protection

    Chapitre II. Lordonnance n45-174 du 2 fvrier 1945 relative p 16 lenfance dlinquante

    1. La primaut donne l'ducation dans la rponse judiciaire2. L'excuse attnuante de minorit et lindividualisation de la

    rponse par la connaissance de la personnalit du mineur3. La spcialisation des juridictions et des acteurs par le privilge

    de juridictionChapitre III. Lvolution de lordonnance du 2 fvrier 1945 p 23jusquaux annes 1990 : la priorit lducatif

    1. La cration de lEducation Surveille et des tablissementsspcialiss

    2. Lordonnance n 58-1301 du 23 Dcembre 1958 relative la protection de lenfance et de ladolescence en danger

    3. Evolution de lducation surveille4. Apoge et essoufflement de la culture ducative

    Chapitre IV. A partir des annes 90 : une inflation lgislative vers p 31une plus grande rpression

    1. Evolution du profil de la dlinquance2. La nouvelle tournure des rformes de lordonnance de 1945

    partir des annes 903. Un tournant sans prcdent

    Chapitre V. La loi du 5 mars 2007 relative la prvention de la p 39dlinquance

    1. Les orientations politiques partir de 20052. La loi de prvention de la dlinquance : 4 ans de gestation

    et un parcours lgislatif de cinq mois

    Chapitre VI. Que reste-t-il aujourdhui de lordonnance du p 512 fvrier 1945 ?1. La spcialisation des acteurs institutionnels et des juridictions2. La responsabilit pnale des mineurs3. Le traitement judiciaire de la dlinquance des mineurs 4. Les procdures

    Conclusion p 58

  • 2Glossaire p 59Bibliographie p 67

  • 3Introduction

    Quoiquil en soit, le problme de lenfance coupable demeure lun des problme les plusdouloureux de lheure prsente. Les statistiques les plus sres comme les observations lesplus faciles prouvent, dune part que la criminalit juvnile saccrot dans les proportions lesplus inquitantes, et dautre part, que lge moyen de la criminalit sabaisse selon unecourbe trs rapide .

    Ce constat, qui semble dactualit, est cependant extrait du trait de Droit pnal dEmileGaron de 1922. Les dbats sur cette question, dans notre socit actuelle, sont rgulirementles enjeux dune politique gouvernementale ou dune campagne lectorale. Cest pourquoi, ilapparat ncessaire de resituer le traitement de la dlinquance juvnile , dans la perspectivede son volution historique.

    La justice des mineurs telle que nous la connaissons aujourdhui en France, estessentiellement ne des textes, sur la prvention de la dlinquance et le traitement de lajeunesse dlinquante, partir de 1945.Elle est issue dune volution qui remonte pour une grande part au XIXe sicle : la distinctionentre jeunesse coupable et enfance victime, sest effectivement progressivement estompe, auprofit dune approche globale de lenfance en difficult.

    Lordonnance du 2 fvrier 1945, promulgue par le gouvernement provisoire, est laconscration de lide de protection du mineur par la justice : entre la socit, la victime et lecoupable, cest vers ce dernier que lattention se porte. Lun des premiers juges des enfants,Jean Chazel de Mauriac, se plaisait raconter que : Lorsquun enfant vole une bicyclette,cest lenfant que je mintresse .

    Le choix dune ordonnance a t fait au vu du contexte daprs-guerre, son prambuleaffirmant ainsi que : la France nest pas assez riche denfants pour quelle ait le droit dengliger tout ce qui peut en faire des tres sains .

    Lhistoire de la prise en charge de la dlinquance des mineurs nest pas linaire, et ne peut serduire une dclinaison du pire vers le meilleur. En effet, chaque priode comprend deslments rpressifs et des lments plus protecteurs. Ainsi, presque toutes les lois quistructurent ce champ particulier, mlent intimement ces deux aspects. Il existe donc unetension permanente dans ce champ entre ces deux lments qui voluent, souvent un rythmerapide, en fonction du contexte politique et social et du jeu des diffrents acteurs impliqus.Cette histoire de la prise en charge des jeunes dlinquants, doit toujours tre rapporte aucontexte politique (idologique) et social national, mais aussi lorganisation judiciaire et ses mutations, aux volutions lgislatives et rglementaire qui structurent le dispositif.

  • 4Chapitre 1

    Les fondements de lordonnance de 1945

    On ne saurait penser le prsent sans connaissance du pass. Dans les premires tablettes delpoque assyrienne, il tait dj fait tat des comportements insupportables dune certainejeunesse dlinquante. Celle-ci ne jouait pas le jeu classique et posait problme au groupesocial .1

    1. Dun droit pnal unique la notion de discernement

    Longtemps, il nexiste pas de droit spcifique des mineurs. Seul le statut dinfans lenfantg de moins de sept ans, qui nest pas apte comprendre la porte de ses actes - constitue uncritre dirresponsabilit absolue.Lenfant g de plus de sept ans est lui, considr comme un adulte en miniature , pouvanttoutefois bnficier dattnuation de peine, laisses au libre arbitre du juge.

    Une ordonnance de 1268 dispose que lattnuation de peine dpend des conditions du dlit etprvoit pour les enfants un rgime dans lequel les chtiments corporels tiennent une placeessentielle.

    En 1639, un dit royal pose le principe de la soumission de lenfant lautorit du pre, quidtient ds lors un droit de correction paternelle sur ses enfants et a la possibilit de les faireinterner par la puissance publique.

    Cest dans lesprit de la Dclaration des Droits de lHomme et du Citoyen (1789), que le codecriminel rvolutionnaire de 1791, objet des lois des 25 septembre et 6 octobre 1791, retient lgelgal de la minorit pnale seize ans et introduit la notion de discernement en prvoyantque tout mineur de 16 ans bnficie dune prsomption de non discernement laisse au librearbitre du juge.

    Article 66 : Lorsquun accus, dclar coupable par le jury, aura commis le crime pourlequel il est poursuivi avant lge de seize ans accomplis, les jurs dcideront, dans lesformes ordinaires de leur dlibration, la question suivante : le coupable a-t-il commis lecrime avec ou sans discernement ?.

    Elle offre alors la possibilit au juge de prononcer des mesures de rducation (remise auxparents ou placement en maison de correction jusqu vingt ans) ou des peines attnues.

    La Convention du 09 aot 1793 abolit le droit de correction paternelle. Les parents ont desdevoirs de protection envers leurs enfants et la Nation doit assurer lducation physique etmorale des enfants connus sous le nom denfants abandonns .

    1 H. Michard La dlinquance des jeunes en France Notes et tudes documentaires. La documentation

    franaise 1973

  • 52. Au XIXe sicle, mergence de la notion dintrt de lenfant

    Les principes des lois de 1791, sont repris par le code pnal de 1810, ou code Napolon.Il confirme lge de la majorit pnale en matire criminelle et correctionnelle seize ans, etdistingue en matire de mineurs:- les non discernants qui sont acquitts, remis leur famille ou lAdministrationPnitentiaire en vue dtre placs en maison de correction pour y tre duqus. Larticle 66de ce code, consacr aux dlits des mineurs, nonce que :

    Article 66 : Lorsque laccus aura moins de seize ans, sil est dcid quil a agi sansdiscernement il sera acquitt ; mais il sera selon les circonstances, remis ses parents ouconduit dans une maison de correction pour y tre lev et dtenu pendant tel nombredannes que le jugement dterminera et qui toutefois, ne pourra excder lpoque o il auraaccompli sa vingtime anne.

    De nombreux enfants dclars article 66 accroissent le flux des mineurs dclarscoupables, dans les prisons et les colonies pnitentiaires sans jamais avoir t jugs, et y sontparfois oublis jusqu lge de vingt ans.- les discernants qui, exclus de la voie ducative, sont condamns avec excuse attnuante deresponsabilit. Larticle 67 amnage le sort des condamns de moins de seize ans ayant agiavec discernement : il abolit la peine de mort, les travaux forcs ou la dportation lesenfants taient transports dans les concessions franaises dAmrique, afin dy travaillerpour les compagnies marchandes- ; il prvoit des dures demprisonnement rduites : entre letiers et la moiti de la peine qui serait inflige partir de seize ans.Deux consquences de ces dispositions du code pnal sont alors considrer :- le sort des mineurs ayant agi sans discernement nest gure plus enviable que celui desmineurs condamns, qui eux ont agi avec discernement.- pour viter de devoir les appliquer dans leurs dimensions rpressives, et au vu des effetsnfastes de lemprisonnement dnoncs, il est frquent que le juge dcide que le mineur a agien tat de non discernant.

    Les priodes qui suivent connaissent des bouleversements politiques importants et leproblme de la dlinquance des mineurs nest pas la principale proccupation des pouvoirsqui se succdent.La fonction ducative redevient lapanage exclusif de la puissance paternelle . Larticle376 du code civil de 1804, avait restaur la notion de puissance paternelle :

    Code civil article 376 : Lautorit des pres de famille doit tre l pour suppler les lois,corriger les murs et prparer lobissance.

    Sous la Restauration, un grand dbat sengage autour de la question de lemprisonnement. Lordonnance du 18 aot 1814 pose le principe de la cration de prisons damendementdestines aux jeunes difficiles.

    Au cours de annes 1820 1830, la socit franaise se modifie sous les effets delindustrialisation et de lurbanisation, bouleversant les modes de fonctionnement et depense. Cet essor favorise le proltariat urbain et la classe laborieuse est perue commedangereuse, corrompue et peu morale. La justice sintresse lenfant qui devient dans cecontexte, galement menaant pour la socit.

  • 6Bien que le principe de la maison de correction soit inscrit dans le code pnal de 1810, et lacration de prisons damendement, la mise en uvre de la sparation des enfants et desadultes dtenus reste difficile dans sa ralisation. La socit franaise sinquite delaugmentation de la criminalit et de la rcidive que lon attribue en partie la prison,considre comme lcole du crime . Celle-ci, au lieu de permettre la correction etlamendement des jeunes, conduit la prennisation des mauvaises habitudes et renforce larcidive.

    Ces annes voient la cration des quartiers de mineurs dans les prisons et lmergence dethories prconisant lloignement des enfants des villes et leur soumission un rgimedducation stricte.Deux idologies se ctoient, dmontrant lhsitation permanente entre la rpression : lapunition, la prison, voire le cellulaire pour les jeunes dlinquants, et la philanthropie : lecaritatif, lducatif et la rgnration par la colonie agricole.

    Les premires institutions dducation correctionnelle sont donc cres selon deux modlesinspirs respectivement du :

    - courant philanthropique

    Pour les philanthropes, les causes de lchec des prisons particulirement prjudiciable auxenfants et aux adolescents, sont dues lorganisation imparfaite de celle-ci. Ils amnent lideselon laquelle il faut loigner les enfants des dangers des villes et favoriser leur placementdans le monde rural. Le mouvement philanthropique va alors concevoir des solutionsalternatives fondes sur une critique du sort rserv aux enfants dans les prisons et sur lacroyance en des vertus morales attaches au travail de la terre et au contact avec la nature. Ilpropose de regrouper ces mineurs dans des institutions spcifiques, situes la campagne etde les occuper aux travaux des champs.

    Cette mme poque voit la cration et la multiplication des maisons du Bon Pasteur pour lesfilles, sous limpulsion de la Mre E. Pelletier. Ces maisons fonctionnent sur un mode mi-monacal, mi-pnitentiaire, o les notions de pnitence et de rachat priment sur cellesdducation.

    - courant pnitentiaire :

    Dans le climat social agit et le contexte de crise conomique de ces annes, lEtat souhaite uneprison plus rpressive. Il considre la question de la jeunesse dlinquante comme un problme social,et les premiers touchs par cette rigueur sont les jeunes.Dans les grandes centrales (Fontevrault en 1832 et Clairvaux en 1829), des quartiers distincts pourles jeunes dlinquants sont crs. A Paris, 300 jeunes regroups aux Madelonnettes sont transfrs la Petite Roquette, baptise maison dducation correctionnelle , en 1835. Les mineursdlinquants, vagabonds et relevant de la correction paternelle y sont majoritairement dtenus.

  • 7---oOOo---

    Le modle : la colonie agricole de Mettray (1838-1939)Un regard institutionnel Un regard critique

    "22 janvier 1840. 10 heures du soir. Par une belle nuit d'hiver, deux voitures, celle deMonsieur de Courteilles et une autre de location, quittaient Fontevraud pour prendre laroute menant Mettray. Le matin mme, trois heures, M. Demetz, fondateur de lacolonie, M. de Courteilles, donateur des terrains, et M. Blanchard, jeune moniteur quisera trente ans plus tard maire de Mettray, avaient quitt cette commune et taientarrivs midi Fontevraud. L, sous le prau de la maison centrale, M. Demetz avaitchoisi huit dtenus qui devaient former le noyau de la colonie naissant. M. Hello,directeur de la maison centrale, offrit tout le monde un dner l'htel de la Place, et lesjeunes garons ne furent pas les derniers tonns de se voir libres et admis la table detous ces honorables messieurs. Puis on se mit en route aux applaudissements de lapopulation mue. La nuit se passa en bavardages. On changea de voiture Azay-le-Rideau et il faisait grand jour quand on arriva Tours pour tre reu par M. Branger,pote et chansonnier clbre. A dix heures du matin, le 23 janvier, la caravane arrivait la colonie o le personnel fit aux nouveaux colons une rception toute fraternelle. Aprsune messe dite par l'abb Brault dans une petite chapelle, les huit garons s'installrentdans un pavillon nouvellement construit en bordure d'un immense chantier."

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    Mais linsubordination et les meutes conduiront la fermeture de la Petite Roquette, et sonremplacement par les colonies pnitentiaires.Ces tablissements soutiennent les mmes ides de protection des jeunes condamns de linfluencecorruptrice des autres dtenus, dapprentissage dun mtier utile, avec en outre lide dun salutaireretour la terre .

    Outre lagriculture, dautres activits professionnelles sont dveloppes dans les colonies : maritimescomme Belle-Ile-en-Mer, cre en 1880, et industrielles comme Aniane, cre en 1885.

    La loi du 5 aot 1850 sur lducation et le patronage des jeunes dtenus officialise la cration de cesinstitutions et prcise lorganisation de la dtention des mineurs en trois types dtablissements :

    - les tablissements pnitentiaires accueillent les mineurs enferms au titre de la correctionpaternelle et aux condamns une peine infrieure six mois demprisonnement ;

    - les colonies pnitentiaires publiques ou prives, sont destines aux mineurs acquitts pourmanque de discernement et aux jeunes condamns une peine comprise entre six mois et

  • 8deux ans demprisonnement. Ils y sont levs en commun et employs au travail deschamps ou de lartisanat, en mme temps quon leur dispense une instruction lmentaire,sous une discipline svre et rigoureuse.

    - Les colonies correctionnelles sont destines aux jeunes condamns plus de deux ansdemprisonnement et aux insoumis ou rebelles des colonies pnitentiaires.

    Cette loi est indissociable du contexte de peur sociale et des traumatismes rsultant des vnementsinsurrectionnels de juin 1848. La loi du 5 aot est une loi dordre social, la fois rpressive(redresser) et ducative (duquer et moraliser), suivant les valeurs de lpoque. Elle favorise unimportant mouvement denfermement des mineurs et la multiplication des colonies. Les annes 1830 1880 sont les annes de lenfance coupable, punir donc.Mais, faute de moyens financiers suffisant de lEtat, les colonies agricoles prives ou publiques,issues de la loi daot 1850, se dgradent et les chtiments et lisolement ont raison des prtentionsducatives et moralisatrices de ces institutions. Certaines sont dnonces, par la presse nationale,pour leurs pratiques (mauvais traitements enfants, violences, insuffisance de linstruction, etc) etpour la promiscuit qui y rgne. Les vasions, mutineries et rvoltes y sont nombreuses : ce sont des bagnes denfants . Nombre dentre eux, dorigine prive doivent fermer.

    Quelques innovations se mettent en place, comme les coles de rformes , mais elles apparaissenttrs insuffisantes. Des alternatives lenfermement des mineurs, voient le jour par la cration desocits de patronage, et loption est prise de confier des institutions relevant de linitiative prive,du monde de la charit et de la bienfaisance, ou un tiers digne de confiance , les mineursdestins ladministration pnitentiaire. Malheureusement, ces innovations ne sont pas assorties demoyens financiers ni de contrle.

    A la fin du XIXe sicle, on commence parler des droits des enfants. La notion denfant victime (deses parents, de son milieu social) protger, se substitue peu peu celle denfant coupable. Elle estsoutenue par les comits de dfense des enfants traduits en justice et les premiers travaux depsychologie de lenfantCette vision se traduit par certains changements dans le traitement des mineurs et permet la mise enplace dune justice plus protectrice.

    La loi du 24 juillet 1889 dite Roussel porte sur les enfants maltraits ou moralementabandonns . Elle est la premire grande loi dassistance lenfance. Elle est dpose par ThophileRoussel ds 1881, mais ne sera vote, aprs de multiples projets successifs quen 1889.Contrairement la correction paternelle, lenfant peut tre victime, la famille coupable.Son article 2 prcise que seront dchus :

    Article 2 : les pre et mre qui par leur ivrognerie habituelle, leur inconduite notoire etscandaleuse ou par de mauvais traitements compromettent soit la sant, soit la scurit soit lamoralit de leurs enfants.

    La loi du 19 avril 1898 vient complter et amliorer celle de juillet 1889. Cette loi concerne Larpression des violences, voies de fait et attentats commis envers les enfants . Amende linitiative du snateur Ren Brenger, elle prsente une double nature : rpressive envers les parentsviolents, abusifs, exploiteurs de leur enfant, et protectrice envers les jeunes victimes et coupables.Elle rforme larticle 66 du code pnal : le jeune nest plus remis sa famille (souvent tenue pourresponsable), ni emprisonn pour de courtes peines, ou encore envoy dans une maison decorrection, souvent considre comme nfaste son avenir. Le juge peut en confier la garde desinstitutions charitables, dpourvues de tout caractre pnal, ou lAssistance Publique (qui peu peu

  • 9se dsengagera, jugeant cette population trop difficile), et cela dans tous les cas de crimes et dlitscommis (par des enfants ou sur des enfants).

    3. Une re nouvelle : celle de la prvention et de la protection

    Les pnitenciers et coles de rformes sont remplacs par les coles de bienfaisance. Labienfaisance, la charit, la protection, la prvention doivent dsormais lemporter sur la rpression.Cela saccompagne sur le plan juridique dune dcriminalisation : abandon des notions deresponsabilit et de discernement. Lenfant coupable est dsormais envisag plutt comme un enfanten danger quil faut protger, contre son milieu, contre sa famille. Sous la pression des associationsprives daide lenfance malheureuse, lEtat promulgue les premires grandes lgislationsprotectrices qui visent largir le champ de la prise en charge et transformer les institutions ainsique les programmes ducatifs.

    Ces textes sont :

    La loi du 12 avril 1906 tend le bnfice de la minorit pnale la tranche dge de 16 18 ans, etconsacre limportance du rgime ducatif sur celle du rgime rpressif.

    Le 13 mars 1911, ladministration pnitentiaire est rattache au ministre de la justice. Jusque l, lescolonies pnitentiaires, dans lesquelles les mineurs pouvaient tre placs jusqu leur majorit,relevaient de ladministration pnitentiaire qui, elle-mme, dpendait du ministre de lintrieur.

    Inspire des expriences menes entre autre aux Etats-Unis et en Angleterre, la loi du 22 juillet 1912opre une volution dcisive autour de deux ides centrales qui vont poser le socle des futures lois delenfance :

    - Lenfant doit tre jug par des juges spciaux et suivant des procdures spciales,- Lenfant doit chapper au rgime des courtes peines et tre soumis un traitement

    dducation plutt qu un rgime pnal.

    Ce texte donne la possibilit au juge de disposer pour la premire fois de sanctions pnales autresque les placements en colonies. Il dfinit les mineurs de moins de 13 ans comme pnalementirresponsables, invalidant ainsi le critre du discernement en matire dvaluation de laresponsabilit des moins de treize ans. Elle prvoit dans son article 1er:

    Article 1er : Le mineur de lun ou de lautre sexe de moins de treize ans, auquel est impute uneinfraction la loi pnale, qualifie de crime ou dlit, nest pas dfr une juridictionrpressive, il pourra tre soumis, suivant le cas, des mesures de tutelle, de surveillance,dducation, de rforme et dassistance qui seront ordonnes par le tribunal civil statuant enchambre du conseil.

    Pour les mineurs gs de treize ans dix-huit ans, la loi institue, sans crer un corps de magistratsspcifique (essentiellement pour des raisons dordre budgtaire), la spcialisation des juges de droitcommun qui sigent en audience correctionnelle :

  • 10

    Expos des motifs : il importe que les juges qui, par une pratique de quelques mois, ont acquislexprience de lenfant, soient maintenus plusieurs annes de suite dans un poste o cetteexprience est ncessaire, quils deviennent de plus en plus des spcialistes, sachant parler auxjeunes coupables, obtenir des aveux, connaissant aussi la valeur des diverses sanctions dont ilsdisposent

    Toutefois, les mineurs de plus de seize ans, accuss dun crime continuent relever de la courdassises de droit commun, et ceux ayant commis leur mfait avec des majeurs, relvent desjuridictions ordinaires.Ce texte instaure la libert surveille, une mesure de milieu ouvert : le mineur reste dans sa famille,mais il est assist et surveill par un dlgu. Cette personne, bnvole choisie pour ses qualitsmorales et ducatives, est charge de suivre le mineur au sein de sa famille et denquter sur sasituation matrielle et morale. Il rend compte au juge des enfants au travers de rapports priodiques,du comportement de celui-ci. En cas de mauvaise conduite du mineur, le magistrat peut dcider deson placement dans un tablissement spcialis ou en maison darrt.Cette loi novatrice na que peu t suivie deffet, la premire guerre mondiale survenant, et les outilsnouveaux imagins reposant essentiellement sur les bonnes volonts. Malgr cela, elle amne desides nouvelles dans la prise en charge de la dlinquance des mineurs, telles que lorientation et ledpistage en instituant lenqute sociale et en prconisant lexamen mdico-psychologique et poseles fondements dune lgislation encore venir et dun rgime ducatif appel se renforcer.

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    Mais, si novatrice quelle ft, la loi de 1912 comportait des imperfections et des lacunes.Les auxiliaires des magistrats rapporteurs et dlgus la libert surveille taient uniquement despersonnes bnvoles et sans formation. Les examens de personnalit n'taient pas obligatoires pourle juge. La libert surveille semblait elle-mme une mesure bien imparfaite. Et la guerre de 1914-1918 allait retarder encore l'application de cette loi.

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    La loi du 24 mars 1921 institue le dlit de vagabondage lgard des mineurs qui ayant quittsans cause lgitime le domicile de leurs parents, seront trouvs soit errants, soit logs en garnis etnexerant aucune profession, soit tirant leurs ressources de la dbauche ou de mtiers prohibs .

    En 1927, les colonies disciplinaires changent de nom pour devenir les maisons dducationssurveilles pour les garons (plus communment connues sous les appellations maisons deredressement ou maisons de correction ), et les coles de prservation pour les filles.

  • 11

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    De 1920 1927, malgr les efforts du secteur priv pour crer de nouvellesinstitutions, les moyens financiers manquent, et ladministration pnitentiaire elle-mme se voit contrainte de fermer certains de ses tablissements. Ceux qui restentsont laisss dans un tat de semi abandon.

    En proie de vives critiques de la part du gouvernement, ladministration se dfenden attaquant certaines oeuvres prives. Ces dernires rtorquent en accusant lescolonies pnitentiaires de participer de manire indirecte la recrudescence de ladlinquance.

    Dans ce contexte peu propice la reconstruction, dbute en 1924 une campagne depresse anime par Louis Roubaud, journaliste au Quotidien de Paris, qui conclutaprs son enqute dans diffrentes colonies pnitentiaires : Ces colesprofessionnelles sont tout simplement lcole du bagne.

    Le juge Henri Rollet, fondateur doeuvres de patronage diverses et crateur despremiers comits de dfense des enfants traduits en justice, dpeint en 1927 lnormemalaise qui touche toute la rducation, secteur priv et secteur public confondusdans un commun naufrage.

  • 12

    En 1930, Jacqueline Albert-Lambert sinterroge dans lIntransigeant : Que sepasse-t-il la colonie de Mettray ? Ses prises de position, si elles entretiennent uncertain malaise ne suffisent cependant pas rveiller lopinion publique. Il fautattendre lt 1934 et la rvolte des jeunes colons de Belle Ile en Mer pour quenfinsoit rvl le scandale des bagnes denfants .

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    En 1934, les rvoltes de colons attirent lattention de la presse, le personnel deladministration pnitentiaire est mis en cause : linstitution de Belle-Ile fait la une desjournaux lorsque ses pensionnaires se rvoltent et prennent le pouvoir en faisant prisonniersleurs geliers. Une vive campagne de presse mene notamment par Alexis Danan, dnonceces bagnes denfants , amenant la remise en cause et la fermeture progressive descolonies de Mettray et dEysses et une rforme profonde de certains tablissements. Lescolonies agricoles comme les colonies industrielles ou la colonie maritime de Belle-Ile enMer peuvent tre qualifies dinstitutions totalitaires. Quelle quest pu tre lintentionducative et philanthropique du projet, la drive disciplinaire immdiate des colonies, permetde les classer dans les tablissements de dtention, mme si leur histoire particulire nepermet pas de les assimiler la prison. On parle alors bien denfermement de mineurs dejustice .1

    1 Jean-Jacques Ivorel, Actes du colloque Mineurs dlinquants , 15 et 16 mai 2006 lENAP, Agen

  • 13

    ---oOOo---La campagne de presse

    Extrait de larticle de A. Valrie paru dans Le Courrier du soir, le 12 novembre 1934 : Les rcents incidents qui se sont produits la colonie pnitentiaire de Belle Ile ont attirune fois de plus lattention sur le sort rserv lenfance malheureuse, sur la situation faiteaux petits dshrits de la vie, orphelins nayant personne pour les recueillir, enfants trouvsdans le ruisseau ou au coin d'une porte; enfants que les mres, souvent lchementabandonnes, ont laiss lAssistance publique aprs leur dlivrance survenue lamaternit, sans espoir de les revoir jamais mais aussi parfois, le coeur gros, les yeux pleinsde larmes la pense de ne pouvoir lever le petit tre n dune faute mais dont lexistenceconstituerait pour un maigre budget une charge trop lourde moins qu'il ne soit un jour, letrop vivant tmoignage d'un pass quil convient parfois de faire oublier...

    Extrait dun reportage dAlexis Danan paru dans Paris Soir, le 26 octobre 1934 : Jai travaill comme une bte. Jai reu des coups de poing, des coups de bton. Jai jenet tourn en rond dans ma cellule des jours et des jours. Jai connu le supplice de la camisolede force, les bras remonts derrire le dos, comme a, vers lomoplate. Vous ne pouvez passavoir ce que a fait mal... Non, voyons, laissez-moi pleurer tranquille : a soulage. Une fois,je suis reste camisole cinq heures. Je criais, jimplorais grce. Personne ne venait. J'ai vucamisoler et battre des pupilles enceintes. Je lai vu. Je vous jure.

    Belle Ile en Mer, cest dabord laffaire dun homme : Alexis Danan,journaliste Paris-Soir. Cest par lui, par sa renomme, et par sonenttement aussi, quest entretenue la campagne de presse parfois exagremais salutaire puisque, en 1941, elle fait crire Jean Bancal, inspecteurgnral de ladministration :

  • 14

    Au cours des annes 1936 et 1937, au moment o leffort demodernisation des maisons dducation surveille tait le plus vigoureux,le moindre incident tait dmesurment grossi et la vrit odieusementtravestie. Rien na t pargn, mme pas les photos truques... Quimportela vracit des faits pourvu que les midinettes sarrachent la sixime dition cause de son gros titre mouvant sur trois colonnes.

    ... Mais il faut avoir le courage de reconnatre que ceux qui prtendaientque les colonies pnitentiaires taient des coles de contamination moraleet un bouillon de culture, o se dveloppaient les plus mauvais instincts,navaient pas toujours tort... Il faut maintenant prononcer la dchance deladministration pnitentiaire.

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    Le 30 octobre 1935, trois dcrets-lois sont promulgus:

    - le premier abroge la loi du 24 mars 1921 sur les peines de colonies pnitentiaires etcorrectionnelles pour les mineurs coupables du dlit de vagabondage. La fugue nest plusune infraction. Cependant, selon le code civil :

    Article 371-3 : lenfant ne peut, sans permission des pre et mre, quitter la maison familialeet il ne peut tre retir que dans le cas de ncessit que dtermine la loi.

    En cas de fugue, la police a pour mission de rechercher le jeune et de le ramener sondomicile. En cas de danger, le juge peut tre saisi.

    - le deuxime substitue la correction paternelle le placement en maison dducationsurveille ou en institution.

    - le troisime dispose que lorsque la scurit, la moralit ou lducation sont gravementcompromises ou insuffisamment sauvegardes par le fait des pre et mre, une mesure desurveillance ou dassistance peut tre prise par le prsident du tribunal (cest lamorce desfutures lois de protection de lenfance), et prvoit le placement des mineurs en attentedaudience, dans un dpt spcial.

    A la mme poque, en Belgique, une lgislation permet la cration dun centre dobservation.Cette dernire repose sur lenqute sociale, lexamen mdico-psychologique et lobservationdu comportement. Ce centre et sa mthode deviennent la rfrence europenne en matiredobservation des mineurs. Les premires expriences franaises se mettent en place partirdu tribunal pour enfants et adolescents.Une circulaire du garde des sceaux en 1936, parle dinstitutions daccueil dobservation etde triage.Une nouvelle circulaire, relative la dtention prventive des mineurs est promulgue le21 mars 1942. Elle marque la volont politique dorienter les mineurs en attente dinstructionvers ces institutions, en invitant les : substituts rechercher, au sige du tribunal ou dans

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    les environs immdiats, un tablissement public ou priv, ou encore une personne charitable,susceptible de prendre en charge l'enfant en attendant que l'autorit judiciaire statue sur soncas . C'est ainsi que l'on pourra faire appel sans qu'aucune habilitation spciale cet effetsoit ncessaire, aux centres provisoires d'accueil, aux oeuvres prives de patronage, auxcentres urbains et ruraux de jeunesse, aux organismes scolaires, ainsi qu'au zle despersonnes charitables et des femmes qui, en tant que membres d'assembles municipales oudpartementales, sont plus particulirement charges des questions d'assistance etd'enfance .1.Ces institutions sont parfois juges trs svrement : Il nest pas exagr de prtendre quela cration de ces derniers tablissements na t quune suite dimprovisations htivesdictes par les circonstances du moment et probablement sous la pression de certainspersonnages de Vichy qui ignorent totalement ou, voulant ignorer les rformes en coursdepuis lavant guerre, reprenaient zro tout le problme de lenfance dlinquante .2

    A partir de 1942, la dtention provisoire des mineurs en attente dinstruction, va seffectuerdabord dans les centres de triage : Lorsque le mineur est interpell, il est emmen aucommissariat d'arrondissement. Il y passe un ou deux jours, ml aux adultes hommes etfemmes. Il sera ensuite transfr au "dpt" dans l'attente (quarante-huit heures) de sacomparution devant le magistrat instructeur. Selon la dcision il sera confi, via la prison dela Sant, un centre de triageIl est ensuite orient vers un tablissement daccueil et dobservation : Le temps de l'accueilsera celui de l'investigation (sociale, somatique, psychiatrique).Ce travail fournira, venu le temps de la comparution devant la juridiction, une fiche derenseignements succincte mais complte, portant sur :

    La loi du 27 juillet 1942 relative aux tribunaux pour enfants et adolescents et aux centresdobservation, va dans le sens dune spcialisation plus grande du tribunal pour enfants etadolescents. Ses principales dispositions sont :- Le renoncement la question du discernement.- L'information pralable obligatoire avait t introduite par la loi de 1912. La loi de 1942applique cette rgle tous les mineurs, quelle que soit la nature des actes poss.- Les mesures provisoires. La loi de 1942 dispose donc que, pendant la dure de l'instruction,la garde du mineur pourra tre confie : 1) ses parents ; 2) une personne digne deconfiance ; 3) une oeuvre habilite ; 4) un tablissement hospitalier ; 5) une institutionrelevant de l'ducation nationale- La procdure : le mineur comparat devant la chambre du conseil du tribunal civilcompose de trois magistrats professionnels, qui statue huis clos aprs avoir entendu lemineur, les tmoins, les parents ou tuteur, le ministre public, le dfenseur. L'accent est alorsmis sur la recherche de responsabilit plutt que sur la culpabilit.- Le tribunal pour enfants et adolescents est compos de trois magistrats spcialiss : unmagistrat de cour d'appel le prside, assist de deux magistrats de premire instance. En outre,lorsque le tribunal est appel juger un mineur inculp de crime, aux magistrats sont adjointsdeux assesseurs choisis parmi les personnes figes de plus de 30 ans remplissant lesconditions gnrales d'accs la fonction publique et qui se sont dj signales par l'intrtqu'elles portent aux questions concernant l'enfance .

    1 Christian Sanchez, les centres daccueil et de triage de lEducation surveille : 1941-1950, Revue dHistoire de

    lEnfance Irrgulire , n1, 1998 Vaucresson2 Ibid, F. Dhalienne, Rapport M. linspecteur gnral Pinatel, archives

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    - Les mesures. Elles peuvent tre : soit le prononc dune sanction pnale, lorsqu'au vu d'uneexceptionnelle gravit des faits le tribunal l'estime ncessaire, soit une mesure de protectionet de redressement dont la svrit et la dure sont gradues depuis la remise ses pre,mre ou tuteur ou le placement chez une personne digne de confiance, jusqu'au placementdans une institution d'ducation surveille du ministre de la Justice ou une coloniecorrective du ministre de la Justice .

    Il rsulte que la loi du 27 juillet 1942 constitue un vritable code de l'enfance dlinquante.Elle abroge et remplace non seulement la loi du 22 juillet 1912 mais galement les articles 66,67, 68 et 69 du code pnal, ainsi que la loi du 5 aot 1850 sur l'ducation et le patronage desjeunes dtenus.Mais ses dispositions ne seront, pour lessentiel, jamais mises en uvre. Elle nest suiviepour des raisons essentiellement politiques daucun dcret dapplication, le rgime de Vichyet les difficults de loccupation lempchant.La priode de la seconde guerre mondiale est pourtant propice aux expriences ducativesdans le domaine de lenfance dlinquante. La jeunesse est au cur des proccupations dugouvernement, dans un souci qui volue entre endoctrinement et encadrement.

    Au lendemain de la seconde guerre mondiale le contexte, marqu par les ncessits de lareconstruction, est propice une rforme du droit pnal des mineurs. Le garde des Sceaux,Franois de Menthon, met en place une commission prside par lavocate HlneCampinchi. La commission aboutit la rdaction du projet de lordonnance du 2 fvrier 1945.

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    Chapitre II

    Lordonnance n 45-174 du 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante

    Promulgue par le gouvernement provisoire de la Rpublique, lordonnance du 2 fvrier1945, amne donc une nouvelle conception de la minorit pnale. Dans l'expos des motifs, lelgislateur dclare son intention.

    Expos des motifs : se dgager des cadres traditionnels de notre droit, dont on est d'accordpour juger qu'ils ne sauraient assurer utilement le relvement de l'enfance.

    Il convient mme que celui-ci prenne en compte :

    Expos des motifs :Le progrs de la science pnitentiaire dune part, les donnesexprimentales fournies par lapplication de la loi dautre part, les conceptions nouvelles quise sont fait jour sur le plan psychologique et pdagogique et ont rvl quil y avait dans uneloi vieille de plus de trente ans des principes encore trop rigoristes quil conviendraitdassouplir et des dispositions dsutes abolir.

    Elle abroge les lois du 22 juillet 1912 et du 22 juillet 1942, abolit la pratique du triage, et leplacement en centre dobservation devient une des mesures ducatives que peut, comme nousallons le voir, prononcer le juge des enfants.Ce texte constitue une rupture entre le droit de lenfance dlinquante et le droit pnal desadultes. Il restructure les juridictions et proclame la prminence de lducatif sur le rpressif.Malgr les modifications nombreuses dont elle a fait lobjet, avec des connotations parfoisplus rpressives quducatives, lordonnance reste aujourdhui le texte majeur de la justice desmineurs.

    Expos des motifs : Il est peu de problmes aussi graves que ceux qui concernent laprotection de lenfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de lenfance traduite enjustice. La France nest pas assez riche denfants pour quelle ait le droit de ngliger tout cequi peut en faire des tres sains. La guerre et les bouleversements dordre matriel et moralquelle a provoqu ont accru dans des proportions inquitantes la dlinquance juvnile. Laquestion de lenfance coupable est une des plus urgentes de lpoque prsente.

    Ainsi dbute lexpos des motifs de lordonnance du 2 fvrier 1945 relative lenfancedlinquante, marquant ainsi la volont dune volution profonde des rponses apportes ladlinquance juvnile.

    Le texte repose sur trois principes essentiels qui structurent la justice des mineurs:- Un rgime de protection (selon la formule issue de lexpos des motifs), dont lefondement prsuppose que la priorit doit tre donne aux mesures de protection,dassistance, de surveillance et dducation (article 2) sur le prononc des peines et, enparticulier sur lincarcration. La socit entend ainsi modifier le comportement du mineurdlinquant plutt que de se limiter sanctionner les actes dlictuels.- Une prise en charge par des professionnels spcialiss.

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    - Lexcuse attnuante de minorit et une personnalisation de la rponse judiciaire, carlducation est incompatible avec une rponse indiffrencie.

    1. La primaut donne l'ducation dans la rponse judiciaire

    Le droit pnal franais fait prvaloir les mesures ducatives sur les peines. Ces mesures,prononces par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants, peuvent sappliquer tousmineurs sans distinction dge.

    Lexpos des motifs de lordonnance met en avant que ce quil importe de connatre :

    Expos des motifs : avant tout, beaucoup plus que la nature du fait reproch, lesantcdents dordre moral, les conditions dexistence familiale et la conduite passe,susceptibles de dterminer la mesure de relvement approprie.

    Ceci amenant lide de prendre en direction des mineurs des mesures appropries, commenonc dans larticle 2 de lordonnance :

    Article 2 : le tribunal pour enfants prononcera, suivant les cas, les mesures de protection,dassistance, de surveillance, dducation ou de rforme qui sembleront appropries.

    Selon ce mme article, le tribunal pour enfants peut prononcer soit des mesures ducatives enfaveur de tous les mineurs, soit des sanctions pnales lencontre des seuls mineurs gs deplus de treize ans. Les magistrats disposent parmi un ensemble de mesures la solutionducative adapte aux besoins spcifiques de chaque mineur : admonestation, remise parents, libert surveille (art. 8), le mineur reste alors dans son environnement habituel ; lejuge peut aussi dcider un loignement du milieu naturel du mineur en prononant une mesurede placement provisoire en le confiant :

    Article 10 : un centre daccueil, une uvre prive habilite ; lassistance publique ou un tablissement hospitalier ; un tablissement ou une institution dducation , deformation professionnelle ou de soin, de lEtat ou dune administration publique , habilits.

    Ces mesures ne peuvent se poursuivre au-del de la majorit, fixe alors 21 ans.Toutefois, le mineur de plus de treize ans, prvenu de crime, peut tre condamn par letribunal pour enfants ou la cour dassises de mineurs une peine de prison dans un quartierspcial (article 11).Ainsi, le droit pnal applicable aux mineurs allie les principes de prvention, protection et derpression pour un mme tre, qui peut tre dlinquant et victime. Le dlit cesse dtreessentiel et la sanction cde le pas la vise ducative. La primaut de lducatif doitlemporter sur le rpressif.

    2. L'excuse attnuante de minorit et lindividualisation de la rponse par laconnaissance de la personnalit du mineur.

    - Le juge dispose de temps et des moyens ncessaires une rponse individualise.

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    Lordonnance impose de connatre la personnalit du mineur avant dapporter une rponse linfraction commise. Linfraction doit tre considre comme le symptme duneinadaptation sociale quil convient de traiter. Ainsi, le juge peut procder des mesuresdinvestigation, par un examen approfondi tant de la situation personnelle du mineur que de sapersonnalit, en recueillant dans lintrt du mineur

    Article 8 : des renseignements par des moyens dinformations ordinaires et par une enqutesociale complte par un examen mdical et mdico-psychologique.

    Ceci afin de permettre au magistrat de prendre les mesures propres assurer sonrelvement, ou de classer laffaire si linfraction nest pas tablie.

    - La rponse judiciaire est module en fonction de lge et de lvolution du mineur.Lexpos des motifs de lordonnance, nonce que :

    Expos des motifs : Dsormais, tous les mineurs jusqu' l'ge de dix-huit ans auxquels estimpute une infraction la loi pnale [... ] ne pourront faire l'objet que de mesures deprotection, d'ducation ou de rforme, en vertu d'un rgime d'irresponsabilit pnale qui n'estsusceptible de drogation qu' titre exceptionnel et par dcision motive. La distinction entreles mineurs de moins de 13 ans et les mineurs de moins de 18 ans disparat comme aussi lanotion de discernement qui ne correspond plus une ralit vritable.

    A la diffrence de la loi de 1942, qui renonait la question du discernement, le lgislateur de1945 abolit donc la notion de discernement.

    Avec la suppression du critre du discernement, les mineurs bnficient dune prsomptiongnrale dirresponsabilit qui nest susceptible de drogation qu titre exceptionnel pour lesmineurs de treize dix-huit ans, irresponsabilit qui cependant nexclut pas quil soit statusur leur culpabilit :- Pour les mineurs de moins de treize ans, cette prsomption dirresponsabilit est absolue, lajuridiction comptente devant faire le choix de mesures ducatives, sans pouvoir opter pourdes sanctions pnales, articles 15 et 30.- Pour les mineurs de plus de treize ans, la prsomption dirresponsabilit est simple (articles15, 16 et 30). La juridiction doit opter pour des mesures ducatives mais peut choisirexceptionnellement des sanctions pnales :

    Article 2 : Il pourra cependant, lorsque les circonstances et la personnalit du dlinquant luiparatront lexiger, prononcer lgard du mineur g de plus de treize ans unecondamnation pnale par application des articles 67 et 69 du code pnal. Il pourra dcider lgard des mineurs gs de plus de seize ans, et par une disposition spcialement motive,quil ny a pas lieu de retenir lexcuse attnuante de minorit.

    En tout tat de cause:

    Article 34 modifiant larticle 341 du code dinstruction criminelle : Si laccus a moins de dixhuit ans, le prsident posera peine de nullit, les deux questions suivantes : 1 Y a-t-il lieudappliquer laccus une condamnation pnale ? 2 Y a-t-il lieu dexclure laccus dubnfice de lexcuse attnuante de minorit ?.

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    Lide est de mettre en place une responsabilit pnale attnue afin de favoriser les mesuresducatives. Il sagit de lexcuse attnuante de responsabilit obligatoire pour les mineurs detreize seize ans et facultative pour ceux de plus de seize ans, le tribunal pour enfants nepouvant lcarter que par une dcision spcialement motive, comme prcis par les articles29 et 33 modifiant larticle 67 du code pnal. Dans cette hypothse :

    Article 33 modifiant larticle 69 du code pnal : la peine qui pourra tre prononce contre luidans les conditions de larticle 67 ne pourra, sous la mme rserve, slever au dessus de lamoiti de celle laquelle il aurait t condamn sil avait eu dix-huit ans.

    3. La spcialisation des juridictions et des acteurs par le privilge de juridiction.

    Avec la spcialisation dun juge unique, le juge des enfants, la loi du 22 juillet 1912 trouveson aboutissement.Le tribunal pour enfants tait, sous le rgime de la loi de 1942, prsid par un magistrat decour d'appel, assist de deux magistrats de premire instance. Sous le rgime de l'ordonnancede 1945, il ne constitue plus une juridiction distincte ; il est prsid par le juge des enfants,magistrat de premire instance assist de deux assesseurs non magistrats. Les assesseurs sont :

    Article 12 : choisis parmi les personnes de l'un ou l'autre sexe, ges de plus de trente ans,de nationalit franaise et s'tant signales par l'intrt qu'elles portent aux questionsconcernant l'enfance.

    En effet, avec lordonnance de 1945, les mineurs sont jugs par des juridictions spcialises :le juge des enfants ; le tribunal pour enfants, prsid par le juge pour enfants et deuxassesseurs bnvoles qui manifestent un intrt pour les questions de lenfance, est comptenten matire correctionnelle ; la cour dassises des mineurs, dirige par le prsident du tribunalpour enfants, est comptente en matire criminelle.Larticle 1er pose le principe selon lequel :

    Article 1er : les mineurs auxquels est impute une infraction qualifie crime ou dlit ne serontpas dfrs aux juridictions pnales de droit commun et ne seront justiciables que destribunaux pour enfants.

    La volont dapporter une rponse fonde non seulement sur les faits, mais aussi sur leparcours antrieur de lenfant et de son caractre explique le cumul des fonctions dinstructionet de jugement. Ce rle la fois protecteur et rpressif du juge sinscrit galement dans uneperspective ducative.Ces juridictions concentrent des pouvoirs distribus habituellement entre plusieurs acteursdans les mains du seul juge des enfants. Par drogation au principe de sparation desfonctions dinstruction et de jugement, le juge dispose des pouvoirs :- dinstruction :

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    Article 8 : Le juge des enfants pourra en mme temps entendre le mineur, ses parents, sontuteur, la personne qui en a la garde et toute personne dont laudition lui paratra utile. Ilrecueillera des renseignements par les moyens dinformation ordinaires et par une enqutesociale

    - de jugement, art. 1er et 2,

    - de rvision des dcisions dans le but, selon lexpos des motifs, de la continuit de vues etdaction .

    Article 28 : Le juge des enfants et, au tribunal de la Seine, le prsident du tribunal pourenfants pourront statuer sur tous les incidents, instances en modification de placement ou degarde, demande de remise de garde. Ils pourront ordonner toutes mesures de protection ou desurveillance utiles, rapporter ou modifier les mesures prises.

    Les affaires pnales concernant des mineurs et des majeurs sont dsormais traitessparment :

    Article 7 et 9 : Lorsque le mineur de dix-huit ans est impliqu dans la mme cause quun ouplusieurs inculps gs de dix huit ans, la poursuite qui le concerne sera disjointepour trejuge par le tribunal pour enfants.

    Larticle 10 prcise lui que le mineur doit tre assist et qu :

    Article 10 : dfaut de choix dun dfenseur par le reprsentant lgal ou le gardien dumineur , le juge des enfants et le juge dinstruction dsigneront ou feront dsigner par lebtonnier un dfenseur doffice.

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    Ordonnance du 2 fvrier 1945texte original (premire page) de l'ordonnance

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    Chapitre III

    Lvolution de lordonnance du 2 fvrier 1945 jusquaux annes 1990 :la priorit lducatif

    1. La cration de lEducation Surveille et des tablissements spcialiss

    a) Lordonnance n 45-1966, du 1er septembre 1945 portant institution ladministration centrale du ministre de la justice dune direction de lEducationsurveille

    Cette ordonnance, prise en complment de la prcdente, cre au sein de ladministrationcentrale de la justice, une direction de l'Education Surveille et supprime la sous directioncorrespondante qui relevait de l'Administration pnitentiaire.LEducation Surveille devient avec ce texte une direction autonome dont la mission nestplus rpressive, mais ducative. Elle assure directement ou par lintermdiaire du secteurassociatif habilit, la prise en charge des mineurs dlinquants et la protection de ceux dontlavenir apparat gravement compromis en raison des insuffisances ducatives et des risquesqui en rsultent.Elle propose une formation professionnelle aux mineurs et met en place un systme progressiffond sur le franchissement ou non dtapes par le jeune. Les directeurs des InstitutionsPubliques dEducation Surveille (IPES) (internats) ont alors un poids considrable dansllaboration des orientations pdagogiques.

    Mais ce dispositif demande dans sa mise en place effective du temps, dautant que denombreux personnels nouvellement intgrs au cadre ducatif continuent malgr leur bonnevolont, perptuer de longues traditions pnitentiaires .1De plus les IPES sont installs le plus souvent dans danciennes colonies pnitentiaires,dont on a fait tomber le mur denceinte. Ils reoivent 200 jeunes, placs par les juges avec unobjectif professionnel (deux trois ans) et de socialisation par une vie de groupe, anime pardes ducateurs. Ces institutions non fermes cherchent rduquer .2 Par ailleurs, dautresproblmatiques interviennent : pour le personnel de ces tablissements, la proccupationducative est largement domine par la prvention et la lutte contre les fugues et la violenceinstitutionnelle est une rgle implicite. Le mitard, vritable cachot est prsent dans tous lesIPES .3

    b) La loi n 51-687 du 24 mai 1951

    La loi n 51-687 du 24 mai institue la Cour dassise des mineurs pour les jeunescriminels de plus de 16 ans et permet dadjoindre une mesure de libert surveille unepeine.

    1 J. Bourquin, Deux contributions la connaissance des origines de lducation surveille, Vaucresson 1986

    2 J. Bourquin, Le fantme des maisons de redressement

    3 D. Turbelin, La justice a-t-elle besoin dducateur ?

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    Cette loi prvoit galement dans larticle 23 que ces mineurs pourront tre placs dansdes tablissements spciaux pour des peines suprieures 10 mois.Le dcret du 12.04.1952 donne ces tablissements spciaux le nom dInstitution SpcialedEducation Surveille (ISES).Les jeunes condamns doivent avoir moins de 20 ans. Si leur peine est infrieure 12 mois,ils ne vont pas en ISES, mais sont regroups dans des quartiers de mineurs en maison darrt.Les ISES intgrent une prise en charge psychiatrique.Nous donc, en ce qui concerne les peines les plus longues, dans une logique ducative.Cependant la direction de lEducation Surveille semble rticente cette rforme qui pourelle, entretient la confusion entre peine et mesure ducative.La premire ISES est ouverte en 1952, la deuxime en 1954, mais on ne trouvera dans ceslieux aucun mineur condamn. En fait, lISES permettra la direction de lducationsurveille de trouver une solution aux inluctables.

    2. Lordonnance n 58-1301 du 23 Dcembre 1958, relative la protection de lenfanceet de ladolescence en danger

    Cette ordonnance complte le volet pnal de lordonnance de 1945 par un volet du code civilinstituant lassistance ducative dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse. Lejuge des enfants, jusquici spcialiste de lenfance dlinquante, devient galement lespcialiste de lenfance en danger.

    Lexpos des motifs fait tat du paradoxe de la prise en charge curative des mineurs parlinstitution judiciaire et de la non prise en compte prventive des mineurs en danger.Lordonnance de 1958 renforce donc la protection civile des mineurs en danger, refonde lalgislation complexe et modernise ses dispositions en les regroupant en un seul texte.Dsormais, le juge des enfants peut intervenir rapidement et efficacement en faveur de toutjeune dont lavenir est compromis ; il exerce une fonction tutlaire, protge et sanctionne tout la fois.En 1958, le code de lorganisation judiciaire raffirme la spcialisation des juridictions et desrgles de procdures relatives aux mineurs. Il prvoit notamment la dsignation de substitutset de juges dinstructions spcialement chargs des affaires de mineurs. La liste des moyensdinvestigation sallonge.

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    Ordonnance du 23 dcembre 1958texte original (premire page) de lexpos des motifs

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    Lordonnance de 1958 peut tre rsume en quatre points :

    a) Lextension des dispositions de 1945 aux mineurs de 21 ans

    Art. 375.- Les mineurs de vingt et un ans dont la sant, la scurit, la moralit sontcompromises peuvent faire lobjet de mesures dassistance ducative prvues aux articles375-1 382 ci aprs.Art.375-1. Le juge des enfants du domicile ou de la rsidence du mineur, ou gardien ou, dfaut, le juge des enfants du lieu o le mineur aura t trouv, est saisi par une requte dupre, de la mre qui na pas lexercice du droit de garde sur lenfant, moins quil nait tdchu de ce droit. Le juge des enfants peut galement se saisir doffice. Le procureur de la Rpublique, quand il na pas lui-mme saisi le juge, est avis sans dlai.

    b) Lintroduction de ltude de personnalit

    Art.376.- Le juge des enfants avise de louverture de la procdure les parents ou gardienquand ils ne sont pas requrants, ainsi que les mineurs sil y a lieu. Il les entend et consigneleur avis sur la situation du mineur et son avenir.Le juge des enfants fait procder une tude de la personnalit du mineur, notamment par lemoyen dune enqute sociale, dexamens mdicaux, psychiatriques et psychologique, duneobservation du comportement, et sil y a lieu, dun examen dorientation professionnelle. Ilpeut toutefois, sil possde les lments suffisants nordonner aucune de ces mesures ou neprescrire que certaines dentre elles.

    c) Linstauration des mesures de protection de lenfance

    Art.376.- Le juge des enfants peut, pendant lenqute, prendre lgard du mineur parordonnance de garde provisoire, toutes mesures de protection ncessaires. Il peut dcider la remise du mineur : 1 A celui des pre et mre qui na pas lexercice du droit de garde ; 2 A un autre parent ou une personne digne de confiance ; 3 A un centre daccueil ou dobservation ; 4 A tout tablissement appropri ; 5 Au service de lAide Sociale lEnfance. 6 Il peut, lorsque le mineur est laiss ses parent ou gardien, ou lorsquil est lobjet dunedes mesures de garde provisoire prvues aux 1,2,3,4 ci-dessus charger un servicedobservation, dducation ou de rducation en milieu ouvert de suivre le mineur dans safamille.

    d) La possibilit pour le juge des enfants qui a statu, tout moment, de modifier sadcision

    Art.379.- Le juge des enfants qui a primitivement statu peut tout moment modifier sadcision. Il se saisi doffice ou agit la requte du mineur, des parents ou gardien, ou du procureurde la Rpublique ;

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    Il peut dlguer sa comptence au juge des enfants du domicile ou de la rsidence desparents ou gardien ou du mineur. Quand il nagit pas doffice, il doit statuer, au plus tard, dans les trois mois qui suivent ledpt de la requte.

    3. Evolution de lducation surveille

    Jusquen 1958, la structure de la direction de lducation surveille reste sensiblement lamme.

    En 1960, les moyens sont encore limits (300 ducateurs venant de ladministrationpnitentiaire et de lducation nationale, 8 internats de rducations, 4 centres dobservations)Le secteur priv associatif gre dj un potentiel important.

    En 1961, le IVme plan prvoit la mise en route dun grand nombre dtablissements basssur des conceptions diffrentes :- de gros tablissements limage du pass, situs en zone rurale (les Instituts Professionnelsde lEducation Surveille et les Institutions Spciales de lEducation Surveille).- de petites structures, auprs des tribunaux afin de mettre en uvre des actions en milieuouvert (Consultation dorientation et daction ducative).

    La crise de 1968 conduit ladministration de lEducation Surveille faire le pari, delducation en milieu ouvert. Les grands internats ruraux commencent se convertir encentres polyvalents tandis quun nouveau plan dquipement privilgie les petites structuresen ville. Ces dispositions ne seront gure modifies par la suite malgr les rformes proposespar les nombreuses commissions dont les prconisations taient principalement de donner lapriorit aux solutions ducatives.

    Larrt du 7 dcembre 1976 met en place dune part des services dEducation Surveille etdes Etablissements Publics dun dpartement, et dautre part des dlgations rgionale delEducation Surveille. Paralllement intervient en 1979 une rorganisation de la direction(arrt du 27 mars 1979) de lEducation Surveille (sous direction de laction ducative et deladministration).

    En 1987, sont crs les Service Educatif Auprs du Tribunal (SEAT) afin que chaquejuridiction pourvue dun tribunal pour enfants puisse disposer des services permanents dunestructure administrative permettant de conseiller les magistrats. En outre, pour assurer unecohrence et une coordination du tout, les services ducatifs dpartementaux laissent la placeen 1988 aux directions rgionales et dpartementales de lducation surveille. Limplicationde lducation surveille dans laction coordonne de lensemble des services de ltat seprcise (en 1985, premire circulaire conjointe entre lducation surveille et lducationnationale pour lutter contre la toxicomanie).

    Les lois de dcentralisation mettent en place un contrle permanent et conjoint de lEtat et lesconseils gnraux, sur les plans pdagogique et financier.En 1986, la structure de la direction est une nouvelle fois modifie afin damliorer la liaisonentre laction ducative et les dcisions de justice :- la sous direction de la prvention et de la protection judiciaire de la jeunesse- la sous direction des affaires administratives et financires.

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    Par un dcret du 21 fvrier 1990, la direction de lEducation Surveille devient la ProtectionJudiciaire de la Jeunesse (PJJ).

    4. Apoge et essoufflement de la culture ducative

    La loi du 5 juillet 1974 porte la majorit civile 18 ans. Cette disposition est transpose danslarticle 488 du code civil.

    Jusquau milieu des annes 1970, la socit est dans une vision positive de la jeunesse. Cestpoque de dynamisme conomique de plein emploi, de consensus sur les valeurs dudveloppement qui nourrissent une confiance relativement solide dans lavenir et dans lescapacits dintgration de la socit.Les annes 1970 portent dailleurs la proccupation de dvelopper une pnologie propre auxmineurs. Le ministre de la justice veut rompre avec lenfermement. Les institutionspubliques dEducation Surveille sont progressivement fermes (la dernire en 1979 par AlainPeyrefitte). Lintervention ducative fonde sur la contrainte est rejete ; lincarcration desmineurs augmente considrablement, les tribunaux pour enfants mettant en prison les mineursrcidivistes ou qui refusaient lintervention ducative.Entre 1956 et 1973, le nombre des mineurs incarcrs est multipli par dix pour les 16-18 ans,par quatorze pour les 13-16 ans.

    Lapparition de la crise et les difficults persistantes quelles engendrent, fragilise et prcarisela socit franaise qui tend se mfier de ses jeunes et les rendre responsables duneinscurit quelle ressent beaucoup plus vivement. Cest dans ce contexte que le comit dtude sur la violence, la criminalit et la violenceprsid par Alain Peyrefitte rend en juillet 1977 ses conclusions dans un rapport intitul Rponse la violence . Ce rapport, aprs voir fait le diagnostic du sentiment gnralisdinscurit, prconise le redploiement des forces de police et de gendarmerie. Le rapportprne la cration des lotages (petit poste de police dans les quartiers) afin damliorer lesrelations entre la police et les citoyens.

    A partir de la fin des annes 1970, la dlinquance juvnile augmente rgulirement et volue.Les statistiques des services de police et de gendarmerie tmoignent de laugmentation de ladlinquance des mineurs mesure partir des mineurs mis en cause. De la seconde guerremondiale 1975, la progression des vols est considrable, passant de 4,5 pour mille 23,8pour mille tandis que les violences restent assez stables, passant de 1,4 pour mille 1,7 pourmille.

    Les annes 1980 voient un approfondissement de la rflexion sur le sens du travail ducatif etune limitation du recours la dtention provisoire.En 1983, la commission Martaguet sur la rforme du droit pnal des mineurs , aboutit une rupture du monopole du juge des enfants, en instaurant la complmentarit de sesinterventions avec celle du parquet des mineurs, du juge dinstruction spcialis et dudfenseur, dont la spcialisation est elle aussi souhait. Ainsi, en 1983, la procdureinquisitoire de lordonnance 1958 est acquise, et complte par lorganisation ducontradictoire, la ncessit dune dfense. Cest galement le dbut de la politique de la villeavec le rapport Bonnemaison intitul : Face la dlinquance : prvention, rpression,solidarit , labor par la commission des maires sur la scurit et remis le 13 janvier 1983

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    Mr Pierre Mauroy. Ce rapport marque lmergence dune scne locale de la scurit. Ilprconise une coopration entre lEtat et les collectivits territoriales pour mener despolitiques de prvention sappuyant sur le tissu associatif. Il fait de la justice des mineurs et dela prvention laffaire de tous, et non plus de quelques spcialistes. Suite ce rapport, vonttre cres les conseils de prvention de la dlinquance au niveau, national, dpartemental etcommunal. A partir, de cette priode, le traitement de la dlinquance des mineurs va tretroitement li avec les politiques de la ville.

    Cependant les lois mises pendant cette priode ne refltent pas encore le contexte scuritairequi apparat dans la socit ; elles concernent essentiellement les droits individuels du mineur.

    - La loi n70-643 du 17 juillet 1970 renforce la garantie des droits individuels descitoyens.

    Section VIIDu contrle judiciaire et de la dtention provisoireArt.19.- I le troisime alina de larticle 8 de lordonnance du 2 fvrier 1945 relative lenfance dlinquante est modifi comme suit : Il pourra dcerner tous mandat utile ou prescrire le contrle judiciaire en se conformant auxrgles du droit commun, sous rserve des dispositions de larticle11. II - Le premier alina de larticle 11 de lordonnance susvise du 2 fvrier 1945 estmodifi comme suit : Le mineur g de plus de treize ans ne pourra tre plac provisoirement dans une maisondarrt, soit par le juge des enfants, soit par le juge dinstruction, que si cette mesure paratindispensable ou encore sil est impossible de prendre tout autre disposition.Toutefois le mineur g de moins de treize ans ne pourra tre dtenu provisoirement, enmatire correctionnelle, que pour une dure nexcdant pas dix jours, aux fins de recherchedun placement ducatif.

    - La loi du 10 juin 1983 tend la peine de travail dintrt gnral aux mineurs gs de16 18 ans.

    - La loi n 84-576 du 9 juillet 1984 instaure le dbat contradictoire entre lavocat et leparquet avant lincarcration du mineur de plus de 16 ans.

    - - La loi du 30 dcembre 1985 impose aux services de lducation surveille la rdactiondun rapport sur le jeune ainsi que des propositions ducatives ; ce service est consultobligatoirement avant toute rquisition ou placement en dtention provisoire.

    Art.93.- Le chapitre II de lordonnance n 45-174 du 2 fvrier 1945 relative lenfancedlinquante est complt en fine par un article 12 ainsi rdig :Art.12.- Le service de lducation surveille comptent tabli, la demande du procureur dela Rpublique, du juge des enfants ou de la juridiction dinstruction, un rapport critcontenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi quune propositionducative. Lorsquil est fait application de larticle 5, ce service est obligatoirement consult avanttoute rquisition ou dcision de placement en dtention provisoire du mineur. Le rapport prvu au premier alina est joint la procdure.

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    - La loi du 30 dcembre 1987 introduit pour les mineurs de moins de 16 ans leplacement en dtention provisoire en matire correctionnelle.

    Art.2.- Larticle 137 du code de procdure pnale est complt par cinq alinas : Il ne peut y avoir placement en dtention provisoire en matire correctionnelle du mineurg de moins de seize ans ou lorsque la loi interdit que le prvenu ou laccus soit condamn une peine privative de libert. Le placement en dtention provisoire est prescrit par une chambre dnomme chambre desdemandes de mise en dtention provisoire. Cette chambre est compose de trois magistrats dusige ; ne peuvent y siger que le juge dinstruction saisi et tout magistrat ayant connu delaffaire en qualit de juge dinstruction.

    - La loi du 6 juillet 1989 permet, si le mineur tait absent lors de sa condamnation unepeine demprisonnement de six mois ou plus et sil ne peut plus faire appel au recours,de remplacer sa peine par un Travail dIntrt Gnral.

    Art.16.- Il est insr aprs larticle 747-7du code de procdure pnale, un article 747-8 ainsirdig : art.747-8.- La juridiction ayant prononc hors la prsence du prvenu, pour un dlit de droitcommun, une condamnation comportant un emprisonnement ferme de six mois et plus, peutlorsque cette condamnation nest plus susceptible de faire lobjet dune voie de recours par lecondamn, ordonner quil sera sursis lexcution de cette peine et que le condamnaccomplira, au profit dune collectivit publique, dun tablissement public ou duneassociation, un travail dintrt gnral non rmunr dune dure qui ne pourra treinfrieure quarante heures ni suprieure deux cent quarante heures.Lexcution de lobligation daccomplir un Travail dintrt gnral est soumise auxprescriptions des troisime et quatrime alinas de larticle 747-1 et des articles 747-2 747-5.La juridiction est saisie par le juge de lapplication des peines au moyen dun rapportmentionnant quaprs avoir t inform du droit de refuser laccomplissement dun travaildintrt gnral, le condamn a expressment dclar renoncer se prvaloir de ce droit. Lerapport ne peut tre prsent que si la peine demprisonnement nest pas en coursdexcution. Son dpt a pour effet de suspendre, jusqu' la dcision de la juridiction saisie,lexcution de la peine. La juridiction statue en chambre du conseil sur les conclusions du ministre public, lecondamn ou son avocat entendus ou convoqus. Si la personne pour laquelle le sursis estdemand se trouve dtenue, il est procd conformment aux dispositifs de larticle 712. La dcision est porte sans dlai la connaissance du juge de lapplication des peines ; elleest notifie par ce magistrat au condamn lorsqu elle a t rendue hors la prsence de celui-ci. Elle est seulement susceptible dun pourvoi en cassation qui nest pas suspensif. Sous rserve des prescriptions de larticle 747-6, le prsent article est applicable aux mineursde seize dix-huit ans.

    Art.17.- Il est insr, aprs le 1alinas de larticle 11 de lordonnance n45-174 du 2 fvrier1945 relative lenfance dlinquante, cinq alinas ainsi rdigs : En matire correctionnelle, lorsque la peine encourue nest pas suprieure sept ansdemprisonnement, la dtention provisoire des mineurs gs dau moins seize ans ne peutexcder un mois. Toutefois, lexpiration de ce dlai, la dtention peut tre prolonge, titreexceptionnel, par une ordonnance motive comme il est dit au 1 alina de larticle 45 ducode de procdure pnale et rendue conformment aux dispositions du 4 alina de larticle

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    145-1 du mme code, pour une dure nexcdant pas un mois ; la prolongation ne peut treordonne quune seule fois. Dans les autres cas, les dispositions du premier alina de larticle 145-1 du code deprocdure pnale sont applicables, en matire correctionnelle, aux mineurs gs dau moinsseize ans ; toutefois la dtention provisoire ne peut tre prolonge au-del dun an.En matire criminelle, la dtention provisoire des mineurs gs de plus de treize ans et demoins de seize ans ne peut excder six mois. Toutefois, lexpiration de ce dlai, la dtentionpeut tre prolonge, titre exceptionnel, par une ordonnance rendue conformment auxdisposition du quatrime alina de larticle 145-1 du code de procdure pnale et comportantpar rfrence au premier et deuxime de larticle 144 du mme code, lnonc desconsidrations de droit et de fait que constituent, le fonctionnement de la dcision ; laprolongation ne peut tre ordonn quune seule fois. Les dispositions de larticle 145-2 du code de procdure pnale sont applicable aux mineursgs dau moins 16 ans, toutefois, la dtention provisoire ne peut tre prolonge au del dedeux ans.

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    Chapitre IV

    A partir des annes 1990 :une inflation lgislative vers une plus grande rpression

    Longtemps oriente autour de la primaut de lducatif, la justice des mineurs, confronte laugmentation du sentiment dinscurit et la progression des atteintes aux biens, connatune srie dinflexions partir des annes 90.

    1. Evolution du profil de la dlinquance

    Le rapport de la commission denqute n340 (2001-2002) de M. Carle et Schosteck intitul La Rpublique en qute de respect pointe 5 modifications fondamentales de ladlinquance partir des annes 90.

    a) Massification de la dlinquance des mineurs

    Si la dlinquance juvnile est un phnomne extrmement ancien, la massification de cetteforme de dlinquance date, quant elle, du dbut des annes 1990.

    Les statistiques des services de police et de gendarmerie montrent quentre 1977 et 1992 lenombre de mineurs mis en cause est pass de 82 151 98 864, soit une augmentation de20.4%. Entre 1992 et 2001 ce nombre a encore augment de 79% pour atteindre le chiffre de177 017 en 2001.En outre, la dlinquance des mineurs na pas seulement progress en nombre mais aussi entaux : la part des mineurs impliqus dans les diffrents types dinfractions a cr plusrapidement que celle des majeurs, sauf en matire dhomicides.

    b) Rajeunissement de lge dentre dans la dlinquance

    En 2001, les mineurs de moins de 16 ans reprsentent 12% des personnes interpelles par lascurit publique et prs de 49% des mineurs en cause. Sur lensemble des mineurs mis encause, la part des moins de 12 ans augmente rgulirement.

    c) Aggravation des actes de dlinquance

    On note partir de la fin des annes 70 une explosion du nombre de mineurs mis en causepour des vols avec violence, des viols, des coups et blessures volontaires et des destructionsde biens publics ou privs. On voit apparatre paralllement la traditionnelle dlinquancedappropriation une dlinquance violente et gratuite.

    d) Dveloppement dune dlinquance dexclusion

    A partir des annes 90 merge un nouveau profil de dlinquance que Denis Salas (AncienJuge des Enfants) qualifie de dlinquance dexclusion . Elle coexiste avec les modlesantrieurs de dlinquance initiatique o ladolescent a besoin de se confronter la loi, etde dlinquance pathologique lie des troubles de personnalit.

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    Cette dlinquance nouvelle peut tre qualifie de massive, territorialise, lie aux quartiers dela relgation et marque pas le chmage de longue dure. Elle se caractrise par ladaptation des formes de survie, la dbrouille individuelle, les lois du business et finit par former unemanire de vivre. Des jeunes cherchent une reconnaissance en embrassant une carriredlinquante. La dlinquance prend ainsi une dimension plus collective.

    e) Explosion des incivilits

    La notion dincivilit apparat dans les annes 90 et correspond une petite dlinquancequi reste souvent impunie et qui est trs mal vcue au quotidien par les citoyens.Certaines incivilits ne constituent pas des infractions au sens du code pnal, mais ellestmoignent dun nom respect des rgles de la vie en socit (abandon dobjets dans lespacepublic -bouteilles de bire, salets- rassemblement de jeunes dans les halls dimmeubles).Ce sont ces incivilits, et non les formes plus graves de dlinquance, qui empoisonnent le plusla vie des citoyens et sont en grande partie responsables du sentiment dinscurit.

    2. La nouvelle tournure des rformes de lordonnance de 1945 partir des annes 90

    La lutte contre la dlinquance devient partir des annes 90 une priorit nationale. En 1990,lors de llaboration du nouveau code pnal, le Gouvernement labore un avant-projet de loirefondant compltement le droit applicable aux mineurs et abrogeant purement et simplementlordonnance de 1945. Mais ce texte ne sera jamais dpos sur le bureau des Assembles.

    Lordonnance de 1945 va subir de nouvelles modifications tournes vers une plus grandecoercition et lacclration des procdures.

    a) Une nouvelle conception de la responsabilit des mineurs

    Dans les annes 1990, la demande sociale de reconnatre davantage de responsabilit auxmineurs se prcise.

    - La loi du 4 janvier 1993 donne naissance la mesure de rparation pnale, qui peut treprononce aussi bien par le parquet que par le juge dinstruction ou le juge des enfants.Elle a pour objectif de faire prendre conscience au mineur de l'illgalit de son acte et de luiproposer de rparer le tort caus la collectivit ou directement la victime (si elle estd'accord) par une prestation adapte ses capacits : excuses la victime, remise en tat de cequi a t abm, ou activits caractre social, humanitaire, ou d'utilit publique (entretiend'espaces verts, cours de scurit routire, travail de rflexion sur la violence, sur ladrogue).La mesure de rparation est pense comme une nouvelle pdagogie de la responsabilit :le jeune est considr comme un sujet responsable, contraint dintgrer une ncessairesociabilit et le besoin de rparation. Elle permet un nouvel quilibre de la rponse pnaleentre les intrts du mineur, ceux de la socit et ceux de la victime. Cette mesure sepositionne au dbut des annes 90 comme une solution innovante permettant de dpasser leclivage traditionnel entre ducation et rpression.

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    Loi n93-2 du 4 janvier 1993 art. 118 225 (JORF 5 janvier 1993).Le procureur de la Rpublique, la juridiction charge de l'instruction de l'affaire ou lajuridiction de jugement ont la facult de proposer au mineur une mesure ou une activitd'aide ou de rparation l'gard de la victime ou dans l'intrt de la collectivit. Toutemesure ou activit d'aide ou de rparation l'gard de la victime ne peut tre ordonnequ'avec l'accord de celle-ci.Lorsque cette mesure ou cette activit est propose avant l'engagement des poursuites, leprocureur de la Rpublique recueille l'accord pralable du mineur et des titulaires del'exercice de l'autorit parentale. Le procs-verbal constatant cet accord est joint laprocdure.La juridiction charge de l'instruction procde selon les mmes modalits.Lorsque la mesure ou l'activit d'aide ou de rparation est prononce par jugement, lajuridiction recueille les observations pralables du mineur et des titulaires de l'exercice del'autorit parentale.La mise en oeuvre de la mesure ou de l'activit peut tre confie au secteur public de laprotection judiciaire de la jeunesse ou une personne physique, un tablissement ou servicedpendant d'une personne morale habilits cet effet dans les conditions fixes par dcret. Al'issue du dlai fix par la dcision, le service ou la personne charg de cette mise en oeuvreadresse un rapport au magistrat qui a ordonn la mesure ou l'activit d'aide ou derparation.

    b) Vers une plus grande rpression

    A partir de la fin des annes 1990, la priorit change : laccent est port par la loi sur laprotection de la socit et sur lintgration des rgles, et on assiste une monte en puissancede lois plus rpressives.

    - La loi du 24 aot 1993 rtablit la possibilit de placer en garde vue les mineurs de 13 anspour des infractions graves. Mais cette disposition est dclare non conforme la Constitutionpar le Conseil Constitutionnel.

    - La loi du 1er fvrier 1994 prvoit la possibilit de retenir pendant une priode de 10 heuresrenouvelable une fois les mineurs de 10 13 ans souponns davoir commis un crime ou undlit puni dau moins 7 ans demprisonnement.

    - En 1996, les Units ducatives Encadrement Renforc (UEER) sont cres. Elles sontgres par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou des associationshabilites par le ministre de la justice. Leur vocation est d'accueillir des mineurs dont lescomportements violents, les transgressions et les passages l'acte ncessitent unaccompagnement ducatif de tous les instants.

    - La loi du 19 dcembre 1997 prvoit la possibilit de placer les mineurs sous surveillancelectronique

    - En juin 1998, le ministre de lIntrieur Jean-Pierre Chevnement propose une refontecomplte de lordonnance 1945 sur la dlinquance juvnile pour mettre un terme la primautde lducatif sur le rpressif. Il suggre la rouverture de centres clos pour mineursdlinquants multircidivistes et leur loignement durable des quartiers o ils svissent . Il

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    se lance aussi dans une critique svre de la double casquette du juge des enfants qui traite delenfance en danger et de lenfance dlinquante. Il remet en cause le principe de prsomptiondirresponsabilit des mineurs et suggre la mise sous tutelle de certaines prestations socialespour les parents de sauvageons .Mais ce discours scuritaire provoque le toll auprs des autres membres du gouvernement. EtLionel Jospin alors Premier Ministre, tranche en faveur de la politique prventive de sonministre de la Justice, Elisabeth Guigou.

    c) Lacclration des procdures et la remise en cause du principe de spcificit de lajustice des mineurs

    - La loi du 8 fvrier 1995 cre la procdure de convocation par officier de police judiciairedevant le juge des enfants aux fins de mise en examen, afin d'acclrer les procdures.

    - La loi du 1er juillet 1996 introduit la possibilit de comparution, sans quil y ait euinstruction pralable, devant le juge des enfants aux fins de jugement. Elle cre ainsi laprocdure de comparution dlai rapproch, destine permettre la comparution d'un mineurdevant le tribunal pour enfants dans le dlai d'un trois mois aprs l'infraction.

    - La circulaire du 15 juillet 1998 et celle du 6 novembre 1998 sur la politique pnale enmatire de dlinquance juvnile mettent laccent sur la ncessit dune rponse systmatique,rapide et lisible chaque acte de dlinquance. Cette ide de traitement de la dlinquance entemps rel est notamment exprimente Bobigny. Dans le cadre dune politique de tolrance zro , une rponse doit tre apporte chaque acte, le cas chant dans le cadredalternatives aux poursuites dcides par le parquet.

    Cette pratique ouvre une brche dans le principe de spcialisation de la justice des mineurs.Car cest une vritable justice parallle qui se dveloppe, avec sa propre gradation desrponses. Par exemple, Bobigny, un tiers des faits commis par les mineurs sont traitsdirectement par le parquet sans que le juge des enfants ne soit saisi.

    d) Quelques lois contrebalancent cependant le durcissement de la justice des mineurs

    - La loi du 17 juin 1998 redfinit la liste des peines complmentaires ne pouvant treprononces l'encontre des mineurs.

    - La loi du 15 juin 2000, renforce la protection de la prsomption d'innocence et les droitsdes victimes, et transfre du juge des enfants au juge des liberts et de la dtention le pouvoirde placer les mineurs en dtention provisoire.

    - La loi du 30 dcembre 2000 permet au juge des liberts et de la dtention de prononcer desmesures ducatives lorsqu'il refuse un placement en dtention provisoire.

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    3. Un tournant sans prcdent

    a) Le contexte des annes 2000

    Les annes 2000 sont marques par un fort accroissement et rajeunissement de la dlinquancejuvnile dans un contexte :- de mutations sociologiques (les repres traditionnels de la famille volent en clat)- de situation conomique et sociale difficile (lun des taux de chmage des jeunes les pluslevs des pays de lOCDE, concentration urbaine spcifique la France avec peu de mixitsociale)- dvnements marquants du dbut des annes 2000 (11 septembre 2001, les attentats du World Trade Center marquent le dclenchement de politiques scuritaires dans les paysoccidentaux ; avril 2002 : une campagne lectorale franaise dont lenjeu majeur estlinscurit ; 21 avril 2002 : M. le Pen accde au deuxime tour de llection prsidentielle).

    Source : ministre de la Justice, annuaire statistique, Calculs CESDIP

    b) La loi Perben I

    Cest la loi du 9 septembre 2002 dite Perben I ou loi dorientation et deprogrammation pour la justice, qui signe lvolution la plus importante de ces derniresannes. Elle marque un durcissement sensible de la rponse pnale la dlinquance desmineurs.

    Evolution de la rpartition par ge des condamns pour atteintes aux personnes (taux

    pour 100 000)

    050

    100150200250300

    -13 13-15 16-17 18-19 20-24 25-29 30-39 40-59 60Age

    198419902000

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    - Cration des sanctions ducatives applicables aux mineurs ds lge de dix ans

    Une nouvelle forme de sanction est introduite : la sanction ducative. Ses modalits revtentplusieurs formes : confiscation de lobjet ayant servi la commission de linfraction,interdiction de paratre dans certains lieux o linfraction a t commise, interdiction derentrer en relation avec les victimes ou avec les participants linfraction, mesure daide oude rparation, obligation de suivre un stage de formation civique. En cas de non respect dunesanction ducative, le Tribunal peut prononcer une mesure de placement.

    Aprs l'article 15 de l'ordonnance no 45-174 du 2 fvrier 1945 prcite, il est insr unarticle 15-1 ainsi rdig : Art. 15-1. - Si la prvention est tablie l'gard d'un mineur g d'au moins dix ans, letribunal pour enfants pourra prononcer par dcision motive une ou plusieurs des sanctionsducatives suivantes :1o Confiscation d'un objet dtenu ou appartenant au mineur et ayant servi la commission del'infraction ou qui en est le produit ;2o Interdiction de paratre, pour une dure qui ne saurait excder un an, dans le ou les lieuxdans lesquels l'infraction a t commise et qui sont dsigns par la juridiction, l'exceptiondes lieux dans lesquels le mineur rside habituellement ; 3o Interdiction, pour une dure qui ne saurait excder un an, de rencontrer ou de recevoir laou les victimes de l'infraction dsignes par la juridiction ou d'entrer en relation avec elles ; 4o Interdiction, pour une dure qui ne saurait excder un an, de rencontrer ou de recevoir leou les coauteurs ou complices ventuels dsigns par la juridiction ou d'entrer en relationavec eux ;5o Mesure d'aide ou de rparation mentionne l'article 12-1 ; 6o Obligation de suivre un stage de formation civique, d'une dure qui ne peut excder unmois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations rsultant de la loi et dont lesmodalits d'application sont fixes par dcret en Conseil d'Etat.Le tribunal pour enfants dsignera le service de la protection judiciaire de la jeunesse ou leservice habilit charg de veiller la bonne excution de la sanction. Ce service fera rapportau juge des enfants de l'excution de la sanction ducative.En cas de non-respect par le mineur des sanctions ducatives prvues au prsent article, letribunal pour enfants pourra prononcer son gard une mesure de placement dans l'un destablissements viss l'article 15.

    Les sanctions ducatives reprsentent, sagissant des mineurs gs de plus de treize ans, unseuil intermdiaire entre les mesures ducatives prvues larticle 15 de lordonnance du 2fvrier 1945 et les peines prvues par le Code pnal Les sanctions ducatives permettent desurcrot dlargir le champ des rponses susceptibles dtre apports la dlinquance desmineurs gs de 10 13 ans (Dcision du Conseil constitutionnel du 29 aot 2002 relative la loi du 9 septembre 2002).

    - Durcissement des rgles de procdure pnale applicables aux mineurs

    La loi du 9 septembre 2002 donne dsormais la possibilit de retenir pendant une priode de12 heures (10 heures auparavant) renouvelable une fois les mineurs de 10 13 anssouponns davoir commis un crime ou un dlit puni dau moins 5 ans demprisonnement (7ans auparavant).Les mineurs gs de 13 18 ans peuvent tre placs sous contrle judiciaire.

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    - Cration des centres ducatifs ferms (CEF) destins aux mineurs de 13 18 ans

    Les CEF, grs par les services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, constituent unenouvelle catgorie dtablissements publics dans lesquels les mineurs peuvent tre placspendant la phase dinstruction de leur dossier (c'est--dire dans le cadre dun contrlejudiciaire), dans le cadre dune condamnation avec sursis ou enfin leur sortie de prison, dansle cadre dune libration conditionnelle. Ces centres sadressent aux mineurs les plus difficiles(rcidivistes par exemple) et constituent pour eux une alternative lincarcration.

    La prise en charge propose repose sur une double logique rpressive (les centres sont ferms)et ducative (le mineur se voit proposer dlaborer un projet dinsertion professionnelle et desuivre des formations au sein de centre). En cas de non respect des obligations du placementen CEF, lincarcration du mineur peut tre prononce.

    L'article 33 de l'ordonnance no 45-174 du 2 fvrier 1945 prcite est ainsi rdig : Art. 33. - Les centres ducatifs ferms sont des tablissements publics ou des tablissementsprivs habilits dans des conditions prvues par dcret en Conseil d'Etat, dans lesquels lesmineurs sont placs en application d'un contrle judiciaire ou d'un sursis avec mise l'preuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l'objet des mesures de surveillance et decontrle permettant d'assurer un suivi ducatif et pdagogique renforc et adapt leurpersonnalit. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu desmesures qui ont entran son placement dans le centre peut entraner, selon le cas, leplacement en dtention provisoire ou l'emprisonnement du mineur. L'habilitation prvue l'alina prcdent ne peut tre dlivre qu'aux tablissements offrantune ducation et une scurit adaptes la mission des centres ainsi que la continuit duservice.A l'issue du placement en centre ducatif ferm ou, en cas de rvocation du contrlejudiciaire ou du sursis avec mise l'preuve, la fin de la mise en dtention, le juge desenfants prend toute mesure permettant d'assurer la continuit de la prise en charge ducativedu mineur en vue de sa rinsertion durable dans la socit.

    - Une rponse pnale en temps rel

    La procdure de jugement dlai rapproch est applicable ds lge de 13 ans. Elle permetnotamment de prononcer des peines demprisonnement fermes dans un dlai trs bref, sans lepralable dune mesure dinformation qui visait essentiellement recueillir desrenseignements sur la situation du mineur, sa personnalit et ses perspectives dvolution.

    - Renforcement de la responsabilisation des parents

    Une amende civile est cre lencontre des parents de mineurs poursuivis qui ne rpondentpas aux convocations des magistrats.

    La loi du 09 septembre 2002 a t fortement critique par une partie de lopinion publique,dont Claire Brisset, dfenseur des enfants en 2002. Elle sest notamment interroge sur lapossibilit de mener un vritable travail ducatif alors que les ducateurs se voient dans

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    l'obligation de dnoncer au juge tout manquement du mineur aux conditions du place