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- LETTRE À M. DE CAUMONT SUR UNE EXCURSION EN POITOU. MONSIEUR ET ET CHER DIRECTEUR, Me voici de retour de mou excursion en Poitou, et pour répondre à la mission dont vous m'avez honoré, je dois venir vous rendre compte du résultat de mes explorations. Je ne puis toutefois vous le dissiuj uler, au moment où je prends la plume pour coordonner les notes que j'ai recueillies, fixer mes impressions et mes souvenirs, formuler mes obser- vations, rédiger en un mot le Rapport. que je dois vous adresser, un embarras sérieux m'arrête dès le début. Le Poitou est un pays des plus riches en monuments de toutes les époques: l'archéologue y rencontre, presque à chaque pas, de nombreux sujets (l'étude ; mais ces trésors archéo- logiques ont été souventes fois exploités par de laborieux et intelligents travailleurs ; ces monuments ont été explorés à loisir, décrits avec soin, et plusieurs même ont été reproduits par le dessin et par ta photographie. Depuis l'époque Où vous avez créé en France la science archéologique , où vous en Document - O il il il il lU illi Il Ili Ili Ili O 0000005517916

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LETTRE À M. DE CAUMONT

SUR UNE

EXCURSION EN POITOU.

MONSIEUR ETET CHER DIRECTEUR,

Me voici de retour de mou excursion en Poitou, et pourrépondre à la mission dont vous m'avez honoré, je doisvenir vous rendre compte du résultat de mes explorations.Je ne puis toutefois vous le dissiujuler, au moment où jeprends la plume pour coordonner les notes que j'ai recueillies,fixer mes impressions et mes souvenirs, formuler mes obser-vations, rédiger en un mot le Rapport. que je dois vousadresser, un embarras sérieux m'arrête dès le début.

Le Poitou est un pays des plus riches en monuments detoutes les époques: l'archéologue y rencontre, presque à chaquepas, de nombreux sujets (l'étude ; mais ces trésors archéo-logiques ont été souventes fois exploités par de laborieux etintelligents travailleurs ; ces monuments ont été explorés àloisir, décrits avec soin, et plusieurs même ont été reproduitspar le dessin et par ta photographie. Depuis l'époque Où vousavez créé en France la science archéologique , où vous en

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4 LETTRE A M. DE CAUMONT

avez formulé les règles, établi les principes; depuis que, sousvotre active et incessante impulsion , cette science auparavantdédaignée et méconnue a pris un essor et un développementinouïs, les antiquaires Poitevins n'ont cessé de suivre la voieque ,vous avez ouverte aux hommes d'étude, et où vousmarchez si résolûment à tout' tète. Que me restait-il donc àrecueillir, à moi, pauvre glaneur , venu sur le tard dans lechamp de Booz pouvais-je espérer d'y rencontrer encorequelques maigres épis demeurés inaperçus aux enfants etaux serviteurs du père de famille? Un tel espoir, je le croisaurait été présomption bien vaine (4).

Pourtant, Monsieur et cher Directeur , déférant à votredésir, je me suis engagé à parcourir une partie du Poitou età vous transmettre le résultat de mes observations. J'ai làdevant moi, sur Le bureau où je vous écris , un copieuxbutin de notes de voyage, de pensées jetées çà et là aucourant de la plume; si je n'avais qu'à les réunir, à lesclasser, à leur donner un corps et tine farine, ma tâche neme paraîtrait pas si difficile, et du moins grâce à votre in-dulgence, j'aurais l'espoir de m 'en tirer vaille que vaille.Mais ce qui, en toute autte occasion, serait un motif de con-

(I) Ce passage, écrit il y a six mois, sera ma réponse à la lettrede M. de Lamariouze, insérée dans la dernière livraison du Bulletinmonument Cl de 1867. Si mon honorable confrère se fbt rendu un compteexact de ta mission qui m'était confiée, il eût jugé sa réclamation com-plètement inutile. Quant au dolmen de l3ournao, qui fait le sujet decette réclamation, j'ai été loin de prètendreque son existence fûtignoréde la savante Société des Antiquaires de ['Ouest. J'ai avoué seulement,à ma propre confusion, qu'il m'était demeuré inconnu jusqu'à l'andernier, bien que je n'en fusse éloigné que de quatre à cinq lieues.Après l'avoir visité, j'en ai donné la description pour le IJnl(elinmonumental, comme je le fais aujourd'hui pour les autres monumentsdu Poitou que j'ai explorés. -

(t" février 1868.)

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 5

fiance pour moi ,'tne devient en ce moment une cause d'em-barras. Je ne puis, ni ne dois vous donner une descriptiondétaillée de tous les monuments qui ont attiré mon attentionil me faut donc parmi toutes ces notes opérer un triageraisonné, faire un choix convenable, prendre ceci , laissercela ; faire en un mot, passez-moi cette comparaison quelquepeu ambitieuse, faire comme l'abeille qui dans sa ruche saitséparer le miel de la cire et composer ces rayons dorés quisourient à l'oeil et réjouissent le palais. Voilà pour moi où gitla difficulté, et comment je suis dès le début dans une per-plexité qui me vaudra de votre part, je l'espère, le bénéficedes circonstances atténuantes.

Bien tiiie je prenne Tours pour mon point de départ, jene vous y arrêterai point aujourd'hui, Monsieur le Directeur,me réservant de volts en parler plus tard en nième tempsque du reste de la Touraine. J'ai hâte d'arriver à Poitiers, oùj'espère rencontrer encore mon parent M. Émile de Cougnymembre de la Société française (l'archéologie, qui me servirade guide et de cicérone au milieu des monuments poitevinsavec lesquels il a depuis longtemps fait ample connaissance.

DE TOURS À cHATELLERAuLT.

L'express dévore l'espace et , en quelques instants, nousavons perdu de vue les délicieux coteaux que la Loire et leCher enlacent de leurs capricieux méandres. Le pays changed'aspect h vue d'oeil et comme une décoration de théâtre.C'est la Touraine pourtant encore, mais c'est le revers de lamédaille. Saluons, au passage, le vieux donjon de Montbazontrop connu pour que je m'arrûte à le décrire et que couronnedepuis peu une statue monumentale de la Sainte-Vierge. Plusloin sur notre droite , près du viaduc de la Manse, j'aperçoisau penchant d'une colline le château de Brou , ancienne

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6 LEnRE A M. DE CAUMONT

résidence de la famille de Boucicaut. Ne laissons pas, passer,sans la signaler encore, la curieuse petite église de S"Catherifle de Fierbois que nous apercevons à quelque distancedans la plaine. Cette église a été bâtie cri 1û31, par le roiCharles VII , en mémoire de la mission (le Jeanne-d'Arc.

o Durant ces choses, elle dist qu'elle vouloit avoir uneespée qui estoit à SIÉ Catherine de Fierhois, ou il y avoit enla lame assez près du manche cinq croix. On lui demanda sielle l'avoit oncques venue, et elle dist que non , mais ellesavait bien qu'elle y estoit. Elle y envoya , et n'y avoit per-sonne qui sceust ou e!le estoit ne que c'rntoit. Toutes fois il yen avoit plusieurs qu'on avoit autres fois données à l'égliselesquelles on fist toutes regarder, et on cii trouva une touteentortillée , qui avoit les dictes cinq croix. On la lui porta etelle dist que c'estoit celte qu'elle demandoir. Si frtst fourbie etbien nettoyée, et lui fist on faire beau fourreau tout parseméde fleurs de lys. »

Nous avons, sans l'apercevoir, passé à peu de distance de lapetite ville de S'» Maure dont l'église du XII' siècle po3sèdeune crypte assez curieuse ; et bientôt nous arrivons à Cha-tellerault.

CH A TE Lb E RAD LI'»

Arrêtons-nous un instant dans cette ville pour donner uncoup-d'oeil à l'église de St-Jacques, réparée il y a quelquesannées , et à l'église St-Jean que l'on restaure en ce moment,après l'avoir agrandie de deux travées. -

SAINT-JACQUES.

La nef de St-Jacques appartient au style Èlantagenet. Lesvoûtes cupoliformes, très-surhaussées sont supportées pardes nervures briques; mais, contrairement à l'usage presque

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SUR.. UNE. EXCURSION. ENiPOITOTJ. ïgénéral de l'école angeine, le sommet des berceaux est:dé-pourvu de nervures; c'est, du reste, ce que l'on remarqueégaiement dans la nef de St-itaurice (l'Angers. A cette occasion,je signalerai l'erreur de certains archéologues, qui ne veulentreconnaître pour voûtes Plantagenet que celles où ils aper-çoivent la double croisée de nervures. Ce qui caractérise uni-quement ce style, c'est ],a domicale (les berceaux établissur la diagonale des piliers. La double croisée de nervures,les petites figurines posées à leur rencontre ne sont que lesaccessoires fréquents, mais non point les éléments nécessaireset obligés de ce style. La nef principale est accompagnée dedeux bas-côtés fort étroits, et qui se ressentent de l'influencepeu éloignée du roman poitevin. Le peu de largeur de ces

bas-cétés, comparativement à la longueur des travées, ne per-mettant pas de donner aux berceaux la forme domicale , ilsont reçu des voûtes surbaissées qui ne sont autre chose que lavoûté romane d'arêtes renforcée de nervures.

La Façade de l'église St-Jacques, construite il y a peudtannées, est une, parodie malheureuse de la façade de Notre-Dame de Poitiers ; et son moindre défaut est d'être en completdésaccord avec le caractère du monument auquel on l'aaccolée. Cette admirable façade de Notre-Dame, si sobre danssa richesse, si sévère dans sa luxuriante ornementation , c'estelle que l'architecte de St-Jacques s'est proposé de surpasser.Tout, dans l'ensemble et dans les détails de son oeuvre, offrela trace de cette étrange prétention et il n'est arrivé qu'àproduire un disgracieux pastiche sans harmonie, sans unité,et.du plus incontestable mauvais goût.

Que dire de ces deux statues d'évêques montant piteuse-ment la garde de chaque côté de la porte, dans l'encoignuredes contreforts? Que dire encore de ce mélange confus, in-cohérent d'appareils de toute sorte réticulé , imbriqué , endisques, de formes innumées, surchargés de croix pattées qui

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LETTRE A M. DE CAVMONT

s'étalent sur la muraille à t'étage supérieûr? Quel nom donnerà ces grotesques symboles des quatre Évangélistes, accroupisdans une position équivoque et indescriptible le long despilastres de la façade? A quel style appartiennent ces statuesen ronde-bosse des douze apôtres placées dans des niches, àla naissance du fronton? Ce que je puis affirmer, c'est qu'ellesn'ont aucun des caractères du XII' siècle.

ÉGLISE SALT-JEAN.

L'église St-Jean doit remonter à la lin du XV' siècle. Lapartie ancienne , que l'on répare aujourd'hui, offre trois nefsterminées par nue abside rectangulaire. Ses voûtes, de formedornicale avec nervures prismatiques, sont peu élevées et re-posent sur des colonnettes ornées de chapiteaux.

La partie nouvelle, et non encore achevée, se compose dedeux travées précédées d'un petit porche placé à la base duclocher. A part quelques fautes de détail , la façade présenteun ensemble sobre, harmonieux, habilement agencé. La tourdu clocher, surmontée d'une flèche élancée, offre de bonnesproportions. L'architecte s'est appliqué h donner 'a la voussurede sa porté l'évasement et la profondeur voulus, ce qu'omet-tent la plupart des architectes de nos jours et ce qui nuitconsidérablement au bon effet de leur oeuvre.

Après avoir donné une large part à l'éloge, je dois en ré-server une petite 'o la critique. C'est ainsi que je blâmerail'ogive beaucoup trop aigui qu'affectent certains arcs inté-rieurs, et qui sont en complet désaccord avec le reste du mo-nument. Je signalerai également , à la retombée des nervuresde la petite coupole du narthex, des chapiteaux à double guir-lande (le feuillages qui sont plutôt du Xlv' que du XVe siècle.Je blâmerai encore les tailloirs carrés des culs-de-lampe quireçoivent la retombée des arcatures prismatiques du clocher.

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SUR UNE EXCURSION 'EN î POITOU. 9

Ces tailloirs rectangulaires ont le défaut de ne se point marieraux formes anguleuses des moulures qu'ils supportent ilsdevraient être prismatiques eux-mêmes, ou figurer un penta-gone. Pour dernière critique, je reprocherai à l'architecte deSt-Jean le gable incorrect du portail principal ; la courbe desvoussures m'a semblé descendre au-dessous du point decentre du compas qui l'a tracée, et elle s'agence mal avec laligne perpendiculaire des jambages. Pourquoi aussi n'a-t-ilpas coupé par des chapiteaux la ligne continue des nervuresqui se proliletlt , du sommet à la base (le ces jambages demanière à en former des colonnettes? Les colonnettes à cha-piteaux se rencontrent sans exception dans le reste du mo-nument, et elles étaient au portail plus commandées quePartout ailleurs. L'aspect sévère de cette voussure contrasted'une façon désagréable avec l'ornementation presque luxu-riante répandue sur les autres parties de la façade.

A part ces défauts légers et facilement réparables , l'églisede St-Jean fait honneur à l'architecte qui en a conçu leplan; il se nomme, m'a-t- on dit, M. Chevillard. Si je nem'informe jamais du nom de CCLIX dont les constructions ap-pellent une critique sévère, il n'en est pas de même, lorsquecomme ici, l'oeuvre presque entière ne mérite que des éloges.

Je ne veux pas, Monsieur le Directeur, vous retenir plusLongtemps dans cette ville. A chaque pas on y entend le bruitstrident du fer qui crie, (lui grince, qui gémit sur tous lestons. Id, sous l'étau, sous la lime, sous le laminoir, le fer etl'acier ?étirent, se polissent, se tordent, s'aiguisent en instru-nieiits meurtriers. C'est là qu'avec intention préméditée sefabriquent ces cruels engins destinés à porter le deuil au seindes familles, et à moissonner dans toute leur vigueur de gé-néreuses générations d'hommes si utiles ) leur pays. Fuyonsvite, échappons à ces pensées qui étreignent le coeur et don-nent le frisson. Pour reposer notre esprit par des images plus

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10 LETTRE A M. DE CAUMONT

douces, arrêtons un instant nos regards sur ces deux blanchestours junielles, (lotit les flèches élancées portent vers les cieuxle signe sacré de la Rédemption : ce sont les tours de St-Jacques. Ne VOUS semblent-elles pas comme un mystiquesymbole (le l'espérance et de la foi? La foi et l'espérance, cesdeux blanches ailes (le l'âme , qui la soulèvent au-dessus (lela terre pour l'emporter vers les régions sereines où règnentsans partage la paix, la charité et l'amour

Nous sommes déjà loin (le Châtellerault et nous avons laisséderrière nous les ruines du Vieux-Poitiers, décrites et figuréesdans le XXVIII' volume du Bulletin monumental, d'aprèsM. l'abbé Lalanne, auteur de l'Histoire de Châtellerault cidu Cfôtelleravdois. Selon plusieurs auteurs , la forteressedu Vieu-j'oÇtjers serait celle où les deux fils de Charles-Martelse seraient , après la prise de Loches, partagé le butin et legouvernement du royauthe. Charles-le-Chauve, eu 849, y fitexpédier nue charte en faveur de l'abbaye de St-Florent-le-Vieil.

Nous arrivons à l'oitiers, et après quelques instants derepos, nous prendrons notre carnet et nous commenceronsnos courses archéologiques: le temps est précieux, surtout envoyage.

POITIERS.

Poitiers renferme un grand nombre de monuments curieux,et ou y trouve des spécimens de l'architecture de toutes lesépoques. L'ère gallo-romaine y est représentée par les ruines,hélas! bien mutilées de ses arènes, par les restes de l'aqueducde l'Ermitage et par le musée lapidaire. Le temple St-Jefinoffre tin des rares monuments de l'époque mérovingienne.Le transept de St-Ililaire a conservé une partie importantede ses murs antérieurs à l'ait 1000. Le XI' siècle figure dans

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. il

l'ensemble de la rnèine basilique, dans la tour de St-Por-chaire, (tans les églises de Notre-Dame et de Montierneuf,dans l'abside de S"-Badégonde et dans la tour qui en sur-monte le porche. Le style du XII* siècle, le roman fleuri poi-tevin, se retrouve à la façade de Notre-Dame. De ('époque detransition et du XIIIe siècle, nous avons la nef de Stc_Ra_dégonde , la cathédrale de SI-Pierre et la salle des Pas-Perdus du Palais-de-Justice. Le Xlv t siècle nous a laissé lafaçade méridionale de ce palais mêlé au XV I , et le tripleporche de St-Pierre. Du XVe et. du XV? siècle, nousavons enfin le portail de S"-Radégonde , l'église de St-Por-chaire et le bel hôtel de la Prévôté. Je ne cite que les mo-numents les plus importants, et je renvoie pour tes autres anGuide de mon ami i1. Charles de Chergé.

Nous allons maintenant, si vous ic voulez bien, Monsieur etcher Directeur, étudier l'un après l'autre les monuments dontje viens tic tracer la sèche nomenclature. Ce sera, en quelquesorte, le programme de nos explorations. Vous n'attendez pasde moi la description détaillée de chacun d'eux je nie bor-nerai donc à vous en esquisser les traits principaux , à voussignaler leur caractère, et à vous faire part (les observationsque leur étude m'aura suggérées veuillez un instant oublierque vous les connaissez bien mieux que moi.

MONTIER NE Li F.

Nous commencerons nos explorations par l'église de Mon-tierneuf, située à peu de distance du point de Rocltereuil, cé-lèbre dans les Annales poitevines par l'ériergiqne résistancedes habitants, lors du siège de leur ville par l'armée protes-tante en 1569. Pour nous y rendre , il nons faut traverserun long dédale de rites étroites, mal lavées, bordées de litai-sons éclopées et de murailles verdires, (lui jurent étrange-

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4 2 JEnRE & M. DE CAUMONT

ment avec les prétentions monumentales • et les percementsde rues impossibles du centre de la ville. Voilà bien le refletdu luxe de nos jours: brillante surface; en dessous, (lénûnuentet misère.

L'église de iIontierneul', dit Thibeaudeau, était autre-fois la plus belle de la ville après la cathédrale; elle a beau-cent) souffert des ravages des protestants ; la majeure partiede la nef tomba en 1643. En la rétablissant, ou l'a diminuéede longueur. Ce fut un Rousseau de La Parisière, abbé deMontierneuf, (lui fit rebâtir la voûte de la nef et qui fit fairele grand portail de l'entrée de l'église.

Dans l'état actuel, il est impossible de se faire une idéeexacte de l'ancienne splendeur de l'église de Mouitierneuf, etde savoir dans quelle mesure oui doit accueillir les apprécia-tions de l'auteur de l'A br^qé (le l'histoire du Poitou. La date

• (le la fondation de Montierneuf est connue : Guillaume VI,(lue d'Aquitaine, en jeta les premiers fondements en 1075,sous la direction d'un moine de l'abbaye, nommé Pons;en 1096 l'église était terminée elle fuit consacrée par le papeUrbain II, ainsi (lue le constate une ancienne inscription en-core existante.

Cette église, comme la plupart (le celles qui appartiennentau roman poitevin , a trois nefs, dont la principale est voûtéeen berceau , renforcée d'arcs-doubleaux, et dont les bas-côtéssont en voûtes d'arêtes. Elle a la forme de croix latine avecdéambulatoire. Dans cliaqùe bras du transept s'ouvre une ab-sidiole de forme semi-circulaire. Le chevet est terminé partrois chapelles absidales rayonnantes, dont celle du milieu estconsacrée à la Sainte-Vierge.

L'intertransept est couronné par une espèce de calotte d'uneforme particulière (lue l'on rencontre à cette place dans laplupart des églises romanes du Poitou. Cette calotte est à huit

- pans inégaux à son point de suture avec la corniche qui la

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 13

sépare de ses supports; puis elle passe presque subitement à la:forme hémisphérique, au moyen de petits pendentifs retournésplacés au-dessus (les pans d'angle. Ces pans sont supportéspar une trompe à intrados concave en forme de niche ; ilssont beaucoup moins larges (IUC CCIII qui correspondent àl'axe des grands arcs. Nous aurons lieu de revenir sur cette,voûte, lorsque nous étudierons l'église de St-Hilaire , type,à mon avis, de ce mode d'architecture dans le Poitou et vrai-semblablement dans les régions voisines.

Les nombreuses restaurations que l'église de Montierneufa eues à subir à différentes époques diminuent beaucoupl'intérêt qu'elle pourrait offrir. Je dois signaler toutefois lesfenêtres du bas-côté méridional ornées de colonnettes del'époque primitive, et les arcatures aveugles qui décorent lesoubassement du déambulatoire.

La série (le colotuie qui séparent l'hémic ycle du choeurdudéambulatoire m'a fourni une observation bien peu impor-tante, il est vrai, mais qui doit cependant trouver place ici.Deux piliers de cet hémicycle, les quatrièmes de chaque côtéà partir' du centre de l'abside, et les avant-derniers par rap-port au transept, ont des socles beaucoup plus élevés que lesautres piliers. Ceci, assurément, n'a point été fait sans motif;mais ce motif, quel est-il? Ne serait-ce point que ces piliersservaient à marquer une division intérieure de l'abside parexemple , la séparation entre le choeur et le sanctuaire et laplace du chancel

L'église de Montierneuf possédait autrefois un jubé sur le-quel , dit Thibaudcan , l'abbé de la Parisiére avait fait placerun buste de Henri 1V, comme témoignage de sa reconnaissanceenvers le prince h qui il devait cette abbaye. Le jubé fut dé-moli au XVIll e siècle, pour faire place à une grille en fer.

Avant de quitter Montierneuf, donnons un coup-d'oeil auxdeux absides du transept; celle de droite est ornée d'un vi-

n

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fit LETTRE A M. DE CÀLIMOFÇT

trail représentant sainte Eulalie. le trouve à son sujet dansmes notes ces deux mots:, jolie rêveuse; ce n'est en effet quecela: l'idéal, le sentiment religieux, le rayonnement au dehorsde cette beauté intérieure, surhumaine, que l'on appelle lasainteté, fait complètement défaut. On dirait que le peintre,au lieu de demander ses inspirations à la foi du chrétien, lesa cherchées uniquement dans le coeur de l'homme.

L'abside du transept de gauche renferme trois statues degrandeur naturelle . posées dans l'hémicycle sur des soclespeu élevés et de forme fort disgracieuse. Ces trois saints per-sonnages au type vulgaire, au torse quasi-herculéen , sont re-haussés de vives couleurs. L'ensemble du groupe, qui rappelleun peu trop les exhibitions des salons de cire, choque dès le,premier abord et ne présente, à mon avis, aucun caractère re-ligieux ; c'est là son plus grave défaut.

En somme, Monsieur le Directeur, Montierneuf est unmonument remarquable dans son ensemble et dans son plangénéral , remarquable par ]a largeur de ses nefs et par sonarchitecture sobre et sévère. Il peut se Faire qu'avant les dé-gradations qu'elle a subies, avant la suppression des trois tra-vées dont nous apercevons au dehors les amorces et les dé-bris, l'église de Montierneuf fût une des plus belles dePoitiers.

Si ce beau monument n'a pas disparut comme tant d'autresà la suite des mauvais jours de la Révolution, l'art et la reli-gion cii sont redevables- à deux princes de la maison deBourbon. En 1817, Mg' le comte d'Artois, qui fut depuis SaMajesté Charles X, et son auguste fils, M le duc il'Angou-lêtue, donnèrent une somme de 50,0410 fi, prélevée sur lent-cassette ; généreuse libéralité qui permit de relever les minesde Montierneuf, et de rendre au culte le monument édifié septsiècles auparavant par Guillaume d'Aquitaine.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 15

NOTRE-DAME.

Je n'entre plus dans l'église de Notre-Dame sans ressentirle plus poignant serrement de coeur. Pauvre basilique, autre-fois si pure, si recueillie , si pleine d'un doux mystèrequ'avait-elle fait, hélas I pour mériter l'outrage que lui ainfligé une restauration moderne, célèbre entre toutes par lescris de douleur et le rire amer qui l'ont accueillie de tontespans, et dont tes échos retentissaient naguère encore à mesoreilles. Quel noni donner à ces peintures carnavalesques qui,comme un masque hideux, viennent s'appliquer sur les pi-

liers , s'étendre sur les berceaux des voûtes, sur les arcs--doubleaux, sur les murailles, sur tes embrasures des fenêtreset qui, cii un mot, n'ont rien respecté? J'ignore et je veuxignorer le nom du coupable, tuais je prie Dieu de déssécliersa main sacrilége, le jour où il essaierait de nouveau d'ou-trager la sainteté de son temple.

Que vous dirai-je encore , Monsieur le Directeur, de cettepauvre église qui n'ait été souvent redit et répété? Vous par-lerai-je des anciennes fresques découvertes il y a quelques an-nées à la voûte du sanctuaire; vous ferai-je remarquer cettelongue bande blanche (lui se développe au milieu du fond d'orpour recevoir et encadrer tes têtes des personnages et leurdonner plus de relief? l'ont cela vous le connaissez bien mieuxque moi.

Comme Montierneuf, Notre-Daine possédait autrefois unjubé, commencé en 1657 et terminé seulement en 1664, caron y voyait les armoiries des maires en fonctions pendant cesquatre années consécutives. II avait quatre ouvertures ouquatre baies deux servaient de pot-tes de communicationentre ta nef et le chœut; les deux autres étaient occupées pardes autels.

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1.6 LETTRE A M. 0E CAUMONT

A part les chapelles parasites qui sont venues s'attacher àses flancs aux XV' et XVI' siècles, toute la partie intérieurede Notre-Dame appartient an XI' siècle. Un étroit déambu-latoire circule autour du sanctuaire et fait suite aux bis-côtésrecouverts en voûte d'arêtes. Elle n'a point de transept, con-trairement à l'usage général (lu roman poitevin, ce qui larap-proche du plan des anciennes basiliques, (lui futsans nul douteson plan primitif à l'époque à laquelle appartient le pan demur en petit appareil avec chaînes de briques que l'on aper-çoit du côté du nord, et aussi deux assises à demi cachéesdans les terres que j'ai rencontrées près de la base du faisceaude colonnes qui, du même côté, supportent le clocheton dela façade principale.

Cette façade, dont on ignore la date précise, doit être, jecrois, des premières années du XI]' siècle. Bien (lue l'arc entiers-point apparaisse dans les deux fausses baies qui accom-pagnent la porte d'entrée , l'ogive n'est là qu'accidentellementet d'une manière isolée, tandis que tout, dans l'appareil, dansl'ordonnance tic l'ensemble général , dans l'ornementationtout est roman sans alliage. Sil' ogive est emplo yée ici conjoin-tement avec le cintre, comme dans les monuments de l'époquede transition, ou doit remarquer que leur rôle y est complè-tement interverti. D'ordinaire, dans ces monuments, le plein-cintre est conservé pour les arcatures aveugles et de pureornementation ; tandis que l'arc en tiers-point se montre auxbaies ajourées, par cc motif bien connu qu'il offre plus desolidité, plus de résistance à la poussée des murs; ici, c'est lahaie ajourée qui est en plein-cintre et l'arcature en ogive.

De cette observation il résulte pour moi, jusqu'à l'évidence,que l'emploi de l'ogive n'est point l'effet d'un parti pris, d'ri:iplan pourainsi dire préconçu. Lorsque, au XII' siècle, l'archi-tecte inconnu à qui Von doit cette admirable page d'icono-graphie fut appelé à adapter une façade nouvelle à la basi-

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SÛII UNE , EXCURSION EN POITOU. 17

lique du Xl.' siècle; le développement à donner à son oeuvrelui fut imposé par le développement intérieur du vaisseau de labasilique. Ainsi la poile avec ses accessoires, ses colonnettes, saquadruple archivolte, (lut correspondre à la largeur de la nefprincipale, tandis qu'il ne restait aux deux arcatures qui dansle roman poitevin accompagnent d'ordinaire l'arcade centrale,il ne restait, dis-je, que l'espace compris entre les murs latéraux

• et les piliers qui séparent la nef des bas-côtés, c'est-à-dire lalargeur des bas-côtés eux-mêmes. A Notre-Dame, les colla-

• téraux sont fort étroits par suite sans doute des limites imposéesau constructeur du XI' siècle, par les fondations du monu-ment antérieur qui, comme la plupart des basiliques de petitappareil, ne devait primitivement comporter qu'une seule nef.

J'ai dit que le style roman poitevin exigeait presque toujourstrois arcs dans les façades, et il exigeait aussi que ces troisarcs fussent d'égale hauteur, comme vous le remarquez• Monsieur le Directeur, clans votre A éécédoire d'archéologiereligieuse.• Que pouvait faire l'architecte de Notre-Dame, obligé pourainsi dire de répondre à ces deuxexigences? Donner auxarcs latéraux la même hauteur qu'à l'arc central cela luiétait impossible, puisque l'espace plus restreint ne lui permettaitpas d'employer le même ra yon. Il eût pu, comme à Foussais,réservant aux voussures de la baie centrale Leurs supportsparticuliers, établir h part pour les bas-côtés tin ordrede colonnes plus élevées de manière à porter le sommetde l'arc simulé à la hauteur de la voussure de la porte.Il ne s'est point arrêté à cette combinaison, afin sans doutede ne pas resserrer outre mesure l'espace déjà restreintdont il pouvait disposer, et pour ne pas établir une tropgrande disproportion entre la largeur des trois arcs. Pour toutconcilier, il donna un niveau uniforme aux supports des troisarchivoltes ; puis, au lieu de réduire le rayon destiné à dé-

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48 LETTRE A M. DE CATJMONT

crire les fausses baies, il conserva à son compas une ouver-ture à peu de chose près égale à celle qui lui avait servi àtracer le cintre de la poi'te, et prenant pour point de centreles deux tiers du diamètre , il obtint un arc composé de deuxsegments de cercle, d'un tiers plus élevé que ne l'eût étéle plein-cintre ayant pour rayon la moitié seulement dudiamètre.

M. de Verneilh , dans sa remarquable Monographie deSt-Front , dit qu'il croit fermement que l'ogive a été inventéemille fois, créée soit par la timidité des architectes , soit par

Ja nécessité. L'architecte de Notre-Dame a-t-il puisé son in-spiration dans sou propre fonds, ou l'a-t-il empruntée ailleurs?C'est ce que nous ne saurions dire. On ne doit pas oubliertoutefois que, dès la lin du X° siècle, l'arc brisé avait étéintroduit en Aquitaine par l'architecte (le St-Front. Certainsliens de parenté entre les clochetons qui décorent la façade deNotre-Darne et le dôme qui surmonte le clocher de l'églisede Périgueux, l'analogie complète qui existe entre les imbri-cations renversées qui couronnent leurs coupoles coniquesen forme de pomme de pin, feraient supposer qu'au momentoù il traçait ses plaS, l'architecte de Notre-Dame avait vuou du moins connaissait par le dessin la basilique de la vieilleabbaye Périgourdine.

Je vous ai, Monsieur et cher Directeur, retenu bien long-temps à la porte de Notre-Dante; mais il y a tant à étudier quecet oubli est, en vérité, excusable. Hâtons-nous de donner undernier coup-d'oeil à cette splendide façade où se déroulent, enun immense bas-relief, les phases principales du symbole dela foi chrétienne vous avez admiré tout cela bien des fois,Monsieur le Directeur: mais il est de ces choses que l'onaime toujours à revoir et à se rappeler , Notre-Dame est dece nombre.

Vous savez que l'on a commencé il y a plusieurs années à

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SUR UNE 'ÈXCURSION Et PÔITOU (9

dégager le pourtour de cette église des constructions parasitesqui l'enveloppaient de toutes parts, pour ainsi dire. Le déga-gement se continue et touche à sa fin. C'est taise bonne nou-velle pour l'archéologie, et cette mesure' fait honneur àl'édilité poitevine. A ce propos on me contait (lue, pour arriverà placer ce monument dans vii milieu plus convenable selonlui, un architecte dont je tallai le nom proposa, il y a plusieursannées, un moyen que je vous donnerais en cent et quevous ne devineriez pas. Il proposa de le démolir pierre parpierre et de le transporter en détail dans un autre endràit.Vous ne le croirez pas, Monsieur le Directeur, c'est pourtantla vérité vraie , comme dit un jour un homme qui sait parfoisdire des vérités. Le mot comme vous le savez est resté dansla langue , parce que sans nul doute le besoin s'en faisait vive-ment sentit, et je m'en sers pendant qu'il a cours encore.Qui sait si l'usage qu'un en fait n'obligera pas bientôt à eninventer un autre? Sous ma plume, toutefois, soyez cer-tain qu'il conserve toute sa force. Bien que la chose soit laplus incroyable, la plus étonnante, la plus étrange, c'est lavérité vraie, car elle m'a été affirmée l'autre jour par monami, M. Ch. de Chergé , qui lui, ne dit jamais que la véritétoute pure.

SAINT-PIERRE.

Pour ne point séparer ce qui doit être uni, laissant de côtépour aujourd'hui le musée des antignités, noirs allons nousdiriger de suite vers la cathédrale de St-Pierre. Je me suisétendu bien longuement sur Notre-Dame et sur Montierneuf,je vais m'imposer l'obligation d'être ici, si faire se peutbeaucoup moins prolixe. Je ne signalerai, et c'est du restemon intention pour tous les monuments déjà connus et dé-crits que j'aurai à parcourir, je ne-signalerai que les détails

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20 LETTRE. A M. DE CAUMONT

qui me paraîtront le mériter soit par leur importance, soitpar leur originalité, sans m'arrêter au général et à l'ensemble.Tel est mon programme pour la suite (le CC compte-rendu, etje tâcherai de m'y conformer. (Je programme, du reste, ex-pliquera comment et pourquoi bien des détails mentionnésailleurs, universellement connus, seront omis ici et passés soussilence, et cela précisément parle motif qu'ils ont été vulgarisés

- davantage. Je tâcherai autant que possible de tout-voir, de• tout observer minutieusement, d'analyser dans leurs fibres- les plus intimes , les monuments que j'aurai à visiter ; maisje saurai, de l'ensemble de mes observations, opérer unesélection raisonnée qui , rendant mon travail plus concis, plussubstantiel, lui donnera en mêmemême temps plus d'intérêt pra-tique.• St-Pierre a été fondé vers 1160 par fleuri II et Éléonore• d'Aquitaine, et n'a été complètement achevé que deux sièclesplus tard par le ducde Berry, et consacré par Bertrand de Mau-mont, évêque de Poitiers. On ne doit donc point être surprisd'y , trouver réunis et commue échelonnés les différents stylesqui se sont succédé durant cette période deux fois séculaire.(Jèst par le choeur quel'on a commencé, comme il est facilede s'en apercevoir en en étudiant les détails. Partout règne lestyle angevin des Plantagenels, avec ses voûtes surhaussées àdoubles croisées de nervures. St-l'ierre offre de frappantesanalogies avec St-Maurice d'Angers, commencé vers la mêmeépoque et achevé dans le premier tiers du XIII' siècleseulement , à St-Maurice , c'est la nef qui est romane , tandisqu'à St-Pierre c'est le choeur. St-Maurice n'a qu'une nef,St-Pierre en ai trois; mais St-Maurice, issu de la fusion dustyle ogival qui arrivait (lu nord et du style byzantin qui venaitdu midi, passant par Angoulémne, Fontevrault et St-Pierre deSaumur, St-Maurice avait du style b yzantin adopté la nefunique; tandis que St-Pierre a conservé les triples nefs du

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SUD UNE EXCURSION EN POITOU. 24

style roman-poitevin. D'autres analogies se rencontrent encoreentre les cieux monuments, notamment à St-Pierre l'imitationde la galerie du transept de la cathédrale d'Angers, avec sespetites colonnettes en application dans le tympan des arcs etses trois modillons historiés dans chaque e'ntrecolonnement.Les galeries reliant entre eux les arcs formerets, s'ouvrant unpassage à travers les colonnes, sont encore une • réminiscencebyzantine qu'il est facile de constater

Vous connaissez, Monsieur et cher Directeur, les bellesstalles de St-Pierre, dont les sièges sont du XIII' siècle et leshauts dossiers du XIV'. Je n'en dirai qu'un mot pour signalercette triste couche de peinture brune dont on a encroûté leursdélicieuses ciselures. Je ne sais qui a pu induire messieurs leschanoines à commettre cet acte inexplicable de vandalisme. Sij'avais voix an chapitre, j'engageraisfortenient ces messieurs àfaire donner, le plus promptement passible, une large ablution depotasse à leurs chaires canoniales pour les laver de l'affrontqui leur a été fait; puis je Leur conseillerais de les faire passerà un bain chaud d'huile bienfaisante, qui leur rendrait lateinte et le caractère qu'elles n'auraient jamais dû perdre.

L'autel qui avant les restaurations dernières était plusrapproché de la nef, a été reporté vers le fond de l'abside.Cet autel, tout brillant d'or et revêtu d'une riche ornemen-tation , est surmonté d'un vaste baldaquin en forme d'arn-ôrellino carré en étoffeétoffe de soie. Ce baldaquin n'a d'autresupport qu'un câble en torsade qui descend de la voûte etvient s'attacher à son sommet. Cette imitation de l'antiqueciborium, certainement très-louable comme intention etcomme retour vers les anciens usages, laisse dans l'exécu-tion beaucoup à désirer suivant moi. Ce (lui me choque sur-tout, &est le grand cordon unique qui s'attache à la voûtecomme le support d'une lampe, et qui est peu en l'apportavec la large envergure du baldaquin. J'aimerais mieux un

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22 LETTRE A M. DE (JAUMONT

vrai ciborium porté , comme dans les églises latines, par deriches colonnes, ou tout au moins je voudrais qu'à une cer-taine hauteur, du câble principal, se détachassent quatre tor-sades qui viendraient se relier aux angles (lu baldaquin etlui donneraient un aspect plus convenable, plus en rapportavec le caractère du sanctuaire de St-Pierre et les sévères etrobustes proportions du style roman.

Hâtons-nous de sortir, car je voudrais ne rien dire de cetrône épiscopal, lourd , informe, dépourvu de tout sentimentartistique que l'on a élevé dans le sanctuaire je voudraisn'en rien dire, par respect pour l'illustre évêque qui l'occupeaujourd'hui et qui jette sur le siège de Poitiers un éclat dignedu successeur des Hilaire et des Forlunat.

Vous avez remarqué, Monsieur le Directeur, et qui n'apas remarqué avec surprise les immenses échafaudages quidepuis bientôt dix-huit ans s'élèvent en avant de la façade de St-Pierre. On avait, en 18149, commencé à reconstruire la splen-dide rose qui couronne le portail principal et qui menaçaitruine tout ) coup, sans motif, oit du moins sans motifreconnu , les travaux ont été interrompus, et depuis douzeans environ on n'y a pas nus la main. Eh bien! Monsieur leDirecteur , OUI m'a assuré que la restauration allait être te-prise; je vous donne cette nouvelle pour ce qu'elle vaut,désirant vivement qu'elle soit vraie.

- Nous allons maintenant suivre le dédale de rues étroitesqui de St-Pierre conduit à St_Radégonde . Ce quartier,calme et silencieux , est celui des hommes d'étude et de tra-vail. J'aurais désiré voir en passant M. l'abbé Aubert, inspec-teur divisionnaire (le la Société française d'archéologie , ilétait absent. Mon cousin , M. Émile de Cougny , qui m'ac-compagnait, m'offrit de ne présenter à M. Eardy, offre quej'accueillis avec empressement. M. Bardy, qui connait à fondson Poitou , voulut bien me donner les renseignements les

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SUR UNE EXCURSIQN EN POITOU. 23

plus utiles à l'accomplissement de la mission dont j'étaischargé; je lui en conserve, ainsi que de soit et bien-veillant accueil, le souvenir le plus reconnaissant.

Le progrès de la civilisation moderne qui exige, à ce qu'ilsemble, que l'on renverse et bouleverse beaucoup dechoses, sous prétexte de renouveler la face de la terre et denous conduire à l'âge d'or, mêlé toutefois à quelque peu defer à aiguille ou autre , n'a point encore pénétré dans lescloîtres, de St-Pierre. On y trouve nombre de maisons desXV et XVI' siècles avec leurs pignons aigus, leurs toits sail-lants, leurs fenêtres à meneaux, leurs portes en ogive ou enaccolade, et leurs grandes lucarnes surmontées de crosses etde panaches. J'allais levant les yeux à chaque vieux logis ; etconduit comme un aveugle par mon complaisant guide, j'ar-rivai devant St._Radégonde.

SA tNTE-A DÉGON DE.

Après nous être arrêtés quelques instants sur le parvispour examiner la belle tour romane qui surmonte la façadeet la porte du XV' siècle, gravement mutilée, nous péné-trâmes dans la nef.

L'église de Ste_Radégoude fut primitivement construite parl'épouse du roi Clotaire et dédiée à la Mère de Dieu. Dé-truite par un incendie , en 4084, elle dut être reconstriutepresque immédiatement, comme l'indique son style. De laconstruction de cette époque, il ne reste que l'abside et leclocher. Le plan primitif fut, à peu (le chose près, celuide Notre-Daine; bas-côtés étroits, en voûtes d'arêtes , déam-bulatoire, crypte surélevée au-dessus du niveau du parvis etabsence de transept. La nef offre tous les caractères du styleilantagenet, tel que nous l'avons vu à ta cathédrale, à celtedifférence près toutefois que St e_Radégonde n'a pas de bas-

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26 LETTRE À M. DE CÀUMONT

côtés et se rapproche en cela des monuments de là mêmeépoque de la Touraine et de l'Anjou.

La crypte étroite, où l'on descend par un escalier quis'avance dans la nef, renferme 'e tombeau de la patronne vé-nérée du Poitou. Je ne sais si le sarcophage est celui quirenferma les reliques de la pieuse reine, à l'époque où elleSfurent élevées de terre par l'évêque Çsiérovée aucun docu-ment n'existe à cet égard. Toujours est-il que ce tombeau estpour tous un objet de respect et de vénération profonde. Cerespect et cette vénération étaient tels, au moment de laRévolution ,que les énergumènes les plus farouches n'osèrentporter sur ces reliques leurs mains sacrilèges, qui pourtantne respectaient rien.

TEMPLE SAINT-JEAN.

Le temple, ou plutôt le baptistère St-Jean, est un mono-ment trop connu , il a été trop souvent décrit dans tous lesouvrages d'archéologie comme un type presque unique oufort rare du moins de l'architecture tnérovingiennne , pour:que je me permette dcii parler ici. Je renvoie les lecteurs duBulletin monumental, qui voudraient en étudier les détails,'ala description que vous en avez faite , Monsieur le-Direc-teur, dans votre savant Cours d'antiquités monumentales.Je me contenterai de vous dire un mot seulement des res-taurations qu'ont subies , en ces derniers temps , les deuxexèdres semi-circulaires en saillie sur les façades du nord et•du midi. Ces exèdres ont été chargées d'une lourde carapaceen dalles larges et épaisses posées en retraite les tizies au-dessus des autres , comme les tuiles sur un toit. Ce sont desfours, dit-on à Poitiers , où l'on se permet parfois de jouersur les mots, et réellement c'est fort disgracieux. Je me de-mande pourquoi ces deux absidioles n'ont point été recou-

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Suit UNE EXCURSION EN POITOU. 25,

vertes en tuiles comme le reste du monument: c'eût été plusarchaïque et plus satisfaisant à l'oeil.

Quand je passai à Poitiers, ou travaillait à dégager le bap-tistère St-Jean des masures qui l'obstruent (lu côté du nordet l'on a, je crois, le projet (le planter un square sur l'empla-cement qu'elles occupent.

SA] NT-PORC flAIR E.

Avant (le me rendre à St-Ijilaire , que j'avais réservé pourma dernière étape, afin de le mieux pouvoir étudier, àloisir, je voulons donner un coup-d'oeil à l'église de St-Por-chaire et à sa belle tour romane, sauvée en 18113 par l'heu-reuse intervention de la Société française d'archéologie.

Je savais que St-Porchaire , avec ses denx,nefs de dimen-sion égale, ne méritait qu'une attention bien secondairemais je voulais savoir comment se portait cette vieille tour,condamnée il y a près de trente ans par les agents de la voiriemunicipale. Eh bien I Monsieur le Directeur, elle se portecomme vous et moi et bien mieux , pourrais-je dire , carelle nous survivra à l'un et à l'autre (le longues années en-core , grâce à sa robuste constitution et aux travaux de con-solidation qui y ont été faits.

Li tour de St-Porchaire , moitié donjon, moitié clocher,est un des remarquables monuments du Xl' siècle, Elle atrois étages ornés d'arcatures, aveugles aux deux premiersétages , ajourées au troisième. Son rez-de-chaussée sert deporche à l'église, qu'on lui a accolée au XV siècle. Le ca-ractère sévère de cette tour est tempéré, cependant, parquelques ornements tels que modillons et chapiteaux histo-riés Sur un (le ces chapiteaux , à droite de la perle, j'airemarqué on détail que je ibis vous signaler. Un petit per-soimage debout, vêtu d'une tunique, les bras en croix, est

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26 LETTRE A Al. DE CAUMONT

encadré dans une auréole elliptique , auréole réservée géné-ralement aux trois personnes divines et à la Très-Sainte-Vierge. Sur la bordure on lit l'incription suivante:

HIC DANIEL

DOMINO VINCIT COwruM LEONINUM.

Des lions servent de supports à l'auréole; au-dessus deDaniel , un personnage suspendu dans l'espace lui présenteune coupe.

Comme j'en ai l'habitude en pareille occurrence , j'aicherché à me rendre compte des motifs qui avaient puamener le sculpteur de St-Porchaire à entourer, par excep-tion Daniel, de cet encadrement elliptique.

Daniel est, entre tous les prophètes, celui qui a annoncéde la manière la plus claire, la plus circonstanciée, l'avène-ment prochain du Sauveur des hommes , et l'époque pré-cise de cet avènement ; mais cette considération particulièren'eût pas suffi, à mon avis, pour motiver l'exception que jeviens de signaler.

Daniel jeté dans la fosse aux lions, dans cette fosse ferméed'une pierre scellée du sceau du roi et des -grands de la cour,n'aurait-il pas été pris ici pour représenter figurativement ledivin Crucifié, déposé lui aussi dans un sépulcre scellé par lesprinces du peuple? Daniel préservé de la gueule des lions,ne serait-il point une ligure du Christ triomphant des démonset de la mort? Je serais tenté de le croire. Le personnageaérien , qui n'est autre qu'Habacuc offrant à Daniel du pain-trempé dans une coupe, ne représenterait-il l)5 cet ange qui,selon saint Luc, apparut au Sauveur durant son agonie pour leconsoler ; ou bien encore , cette coupe mystérieuse qu'il tientà la main ne figurerait-elle pas le calice eucharistique renfer-mant le painet le vin, le corps et le sang du Sauveur? Jevous soumets cette question, Monsieur et cher Directeur,

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 27

mais il me semble que l'explication que je viens de donnerdevrait être la vraie.

SAINT-HILAIRE.

De toutes les églises de Poitiers, si remarquables à tait detitres pourtant, l'église de St- Hilaire est celle (lui offre à monavis le phis d'intérêt. A chaque pas , à chaque pierre , pourainsi dire à chaque moulure, on rencontre un sujet d'étudeet d'observation. J'ai passé plus d'une journée entière à enfaire l'examen intérieur et extérieur; je suis monté dans lescombles, au-dessus des voûtes, pour découvrir les partiescachées par les toits, et pourtant j'en suis certain , beaucoupde détails encore m'ont échappé.

SI-Hilaire mériterait une monographie complète avec planset coupes géométriques, comme celle qu'a consacrée à l'églisede St-Front notre savant et regretté confrère M. Félix deVerneilh. Je suis étonné qu'aucun des archéologues distinguésque possède le Poitou n'ait entrepris cet intéressant travail.M. de Longueniar a cousacr tin volume à la basilique dest-Hilaire; ruais, comme l'indique suit cet ouvrage n'estqu'un Essai historique où l'archéologie proprement dite n'ap-paraît que d'une manière accessoire et secondaire. Le travailque j'indique ici reste à rare et je l'appelle de tous mesvoeux. Espérons que M. de Longuernar nous donnera , un jourle complément de son Essai historique nul mieux que luin'est capable de l'entreprendre et de le mener à bonne fin.

Les transepts de St-Hilaire , le clocher, la travée encoreexistante de la nef et l'abside elle-nêlue offrent tant d'irrégu-larités , tant de parties remaniées, ajoutées, greffées pourainsi dire les unes sur les autres, que l'oeil étonné au premierabord a peine à se rendre un compte exact de ces diversesdispositions.

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28 LEflRE A M. DE CAUMONT

Pour parvenir à faire comprendre aux lecteurs du Bulletinmonumental le travail de recomposition auquel je me suismentalement appliqué, il inc faudrait entrer dans des déve-loppements que ne comporte pas ce rapport. A mon grandregret, je me vois obligé de les laisser de côté malgré l'attraitséduisant, qu'ils pourraient m'offrir, et je une bornerai à es-quisser ici seulement et uniquement tes détails qui meparaîtront les plus importants.

Édifiée au IV siècle par saint filaire, agrandie et embelliepar l'évêque Adelphius au VI° siècle, pillée par Dagobert,puis par les Sarrazins et enfin saccagée par les Normands,la célèbre basilique poitevine n'était pour ainsi dire qu'uneruine, lorsque Adèle d'Angleterre, épouse d'El;le, comte dePoitou et duc d'Aquitaine ,entreprit de la reconstruire vers902, sous ].a d'un architecte saxon nommé WalterCoorland. Soit que la duchesse Adèle n'ait point eu le tempsde l'achever, soit qu'elle ait été de nouveau détruite cii partiePar les rois Clotaire et Il ugues-Capet, comme le l'apporte Thi-bandeau, cette église ne fut complètement terminée qu'auX? siècle par Agnès de Bourgogne, femme de Guillaume Y,duc d'Aquitaine qui, dit le même auteur, « en fit rétablir lesvoûtes, «Je prie le lecteur de vouloir bien prendre note de cepassage de l'historien poitevin , parce qu'il nous aidera à re-connaître, conjointement avec l'étude des différents appareils,les parties encore existantes de la construction d'Adèle d'An-gleterre.

VIII0 SIÈCLE.

Si du dehors on examine l'abside principale en la déga-geant par la pensée de la partie circulaire qui forme ledéambulatoire, et des quatre absidioles dont il est flanqué,on rernarqueu'a un petit appareil parfaitement régulier, par-faitement symétrique et (lui , n'était l'absence de bandeaux

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 29

de briques , pourrait passer pour gallo-romain. Tout leinonde sera frappé comme moi de l'analogie (le cet appareilavec Celui des arènes , et l'on remarquera en même tempsla ressemblance exacte des modillons qui couronnent cetteabside avec ceux (lui supportent les cordons du temple deSt-Jean.

De cette ancienne abside toutefois, ou n'aperçoit plus quele sommet, les assises inférieures ayant été, partie englobéessous le toit du déambulatoire, parUe découpées etreprises sousoeuvre pour former la colonnade semi-circulaire qui entoureintérieurement le sanctuaire. Les remaniements, la con-struction postérieure du déambulatoire et des absidioles incsont démontrés par la différence des appareils, et surtout parl'état actuel des colonnettes que l'on aperçoit extérieurementsur l'hémicycle de l'abside. Ces colonnettes aujourd'huin'offrent Plus au dehors que leurs chapiteaux et un petittronçon du ft , et l'on reconnait facilement que leur partieinférieure a été cachée sous le toit du déambulatoire , oublet) a disparu clans le remaniement dont le chevet de l'églisea éié l'objet au XP siècle.

Nous venons d'étudier la partie évidemment la plus anciennede la basilique (le St-llilaire. N'osant pas la faire remonter-jusqu'à Clovis , je serais tenté d'y voir un reste de l'églisereconstruite après l'invasion des Sarrazins en 730 , et put-être une oeuvre de cette renaissance passagère qu'imprimaaux arts l'influence puissante de Charlemagne.

C SIÈCLE.

Lorsque, du côté du chevet, on observe attentivement lestransepts, le déambulatoire, les absidioles, on est frappé de

'la différence notable qui existe dans l'appareil , l'ornemen-tation , l'architecture de ces membres divers de la vieille

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30 LETTRE À M. DE CAUMONT

basilique. Les transepts sont construils en Petite - pierrescubiques, séparées entre elles par une couche épaisse deciment et qui, malgré leur taille, assez Irrégulière offrent unefrappante analogie avec le petit appareil gallo-romain. Cestun appareil barbare, mais reconnaissable cependant malgré$-a Du côté de l'est, chaque bras du transept estpercé de deux FenêLi'es placées presque immédiatement au-dessous de la corniche et dont la forme tonte latine rappelleexactementles Fenêtres des églises (le Gravant et de St-Mexmede Chinon, sauf toutefois les billettes et les frontons quiaccompagnent ces dernières. Ces fenêtres sont aujourd'huicomplètement ruinées. A l'intérieur tic l'église, leur partieinférieure se laisse seule apercevoir au-dessous des voûtes,tandis que leur partie supérieure coupée par les berceaux, nese montre que dans les combles. A l'extérieur deux de cesfenêtres, celles qui de chaque côté se trouvent placées versl'extrémité des bras du transept , sont coupées longitudina-lement par des contreforts appliqués sur la muraille. Au nordet au midi les pignons des transepts ont reçu trois contrefortssemblables, ['un au milieu, les deux autres vers chaque arêtier.

Pour moi, la construction (lue je viens de décrire, abstrac-tion faite des contreforts, est celle qui fut élevée vers 902 parAdèle d'Angleterre. Nous veProns plus tard les transepts rece-voir leurs voûtes en berceau à l'époque d'Agnès de Bour-gogne , comme nous l'a appris Tlnbaudeau. Cette attributionme paraît tellement évidente (lue je n'hésite pas à reconnaîtreici un type, à date certaine, des constructions en petit appareildu commencement du X siècle.

X[' S1CLE.

L'auteur de l'Abrégé de l7ristoire du Poilou nous a appris,comme je l'ai dit plus liant, qu'en faisant achever l'église (leSt-Hilaire, Agnès de Bourgogne en fit en même temps réparer

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 34

les voûtes; ces voûtes ne peuvent être que celles des tran-septs actuels.

Nous allons voir à l'oeuvre l'architecte titi XI' siècle: nousle verrons tout préparer, tout disposer pour accomplir lesordres de la duchesse d'Aquitaine. En suivant soit travail danstous ses détails, dans toutes ses phases, nous acquerrons -lapreuve évidente du fait que je viens d'énoncer.

Lorsque l'architecte d'Agnès de Bourgogne fut chargé derecouvrir (le berceaux les deux bras du transept , il reconnutque leurs murs de petit appareil n'offraient point assez deforce, pour supporter une charge à laquelle ils n'avaient pointété destinés. Il y u lieu de croire que, suivant l'usage presquegénéral des époques antérieures an XI , siècle, les transeptsconstruits pat- Walter Coorland n'avaient que des plafondsen bois. Commençant donc pat- fermer les quatre fenêtressituées h l'est, il renforça les murs par des placages ennaçonnerie de moyen appareil s'élevant à l'intérieur jus-qu'au point de départ du berceau , et à l'extérieur jusqu'à lahauteur du cordon seulement. J'ai déjà signalé les contrefortsqui viennent couper longitudinalement les deux fenêtres lesplus rapprochées des pignons; ces contreforts appartiennent,à n'en pouvoir douter, au remaniement qui eut lieu à celteépoque, et ont été établis eu vue de fortifier les murs contrela poussée des berceaux. Soit par mesure de prudence, et parsuite de cette I iinidité, de cette hésitation inséparables d'uit pre-mier essai , car depuis plusieurs siècles les architectes avaientperdu l'habitude d'élever (les voûtes sur de larges espaces (et ilpeut se faire que les berceaux de St-Hilaire soient les premiers(liii aient été construits en Poitou ); soit pour tout autre motif,au lieu d'établir ses coussinets à la hauteur des anciens lam-bris, l'architecte d'Agnès de Bourgogne les posa à 2 mètresen contre-bas, de manière à couper en deux les fenêtresd'Adéle d'Angleterre.

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32 LETTRE A M. DE CAUMONT

- Par l'exposition qui précède, j'ai fait connaître la part quirevient à la femme d'Eble d'Aquitaine dans la constructionde St-Ililaire. J'ai fait connaître également ce qui m'a paruappartenir à une époque antérieure. D'un autre côté , nous

• avons vu Agnès de Bourgogne édifier les voûtes dit re-prendre n sous-oeuvre l'ancienne abside que j'ai attribuéeau Ville siècle; établir les arceaux et la série de colonnes

• ijdi séparent le sanctuaire du (lé mbulatoire ; construire ledéambulatoire , ses absidiales et celles du transeptpour

• achever de connaître intégralement l'oeuvre du XI , siècle, ilIl e nous reste plus qu 'à étudier en détail les portions de ta

• basilique que nous avons jusqu'ici sommairement indiquées.Les documents historiques cités par i'hibaudeau et par

51. de Longuemar nous apprennent que l'église de St-Hilaire• telle qu'elle subsista jusqu'à la Révolution, fut complètement• achevée par Agnès de Bourgogne. Tout, en effet, dans l'en-semble de ce qui nous reste, tant à l'intérieur qu'à l'exté-rieur, en dehors de ce que j'ai revendiqué pour le VIII'et le X' siècle tout nous offre le caractère du style duXI' siècle. Autour (lu tympan des fenêtres de la nef, au-dessusde leur archivolte ornée de moulures en (lainier , lions trou-vâns l'appareil réticulé, que nous rencontrons à la même

• époque à l'église de Notre-Daine. L'analogie complète qui• existe entre cet appareil et celui de l'hémicycle du déambula-toire, est une des raisons qui m'ont fait comprendre ce dci'-nidr dans l'oeuvre d'Agnès de Bourgogne et cette attribution,je le crois, ne saurait être contestée.

Bien que l'ornementation extérieure de quatre des absi-dioles, leurs chapiteaux, leurs métopes, semblent accuser unstyle plus avancé, et presque voisin de la façade de Notre-Daine, tandis que l'ornementation des deux autres, plus plate,moins hardie, offre tous les caractères du XI' siècle je n'hé-site pas cependant h voir dans leur ensemble une construction

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 33contemporaine. La différence que je viens de signaler kraftsupposer qu'interrompu pendant un certain temps, le travaildu sculpteur n'a été repris qu'à une époque postéileure, etde là seulement viendrait sa plus grande perfection. L'auteurde l'Essai historique sur SI-Hilaire ' attribue à WalterCoorland, et par conséquentau Xe siècle, les absidioles dontles moulures sont les plus riches, les plus hardies; tandisque suivant lui, les deux autres dateraient du Xi e siècle. Jene puis partager cette opinion, et je dois dire à regret que jesuis d'un avis diamétralement opposé; pour moi, rien dansles absidioles n'appartient au X' siècle, rien ne m'offre le ca-ractère de cette époque.

Je prierai mon savant confrère de vouloir bien remarquerla fenêtre centrale du chevet, et je lui demanderai si les mou-lures multipliées qui l'accompagnent, si le tore de son archi-volte, si les colonnettes qui de chaque côté en reçoivent la re-tombée, si la base de ces colonnettes n'accusent pas danstoutes leurs parties le style , je dirai même avancé duXI' siècle. Les mêmes moulures, les mêmes détails se trou-vent exactement reproduits dans une fenêtre de l'étage supé-rieur du clocher, immédiatement au-dessous du riche entable-ment aujourd'hui masqué par l'escalier et dont M. de Loti-guemar donne la description à la page 60 de son ouvrage.M. de Longuemar reconnaît dans cette dernière constructionune oeuvre du X!' siècle ; qu'il veuille bien faire le rap-prochement que je me permets de lui indiquer, et je nedoute pas qu'après avoir comparé ces deux portions de l'églisede St-Hilaire, il ne leur attribue une date contemporaine.

Je ne dirai que quelques mots des moulures des chapiteauxqui ornent intérieurement le monument élevé par Agnès deBourgogne. Us offrent une grande variété de style. Quelques -uns semblent empruntés à des monuments antérieurs, tandisque d'autres paraissent postérieurs au XI' siècle. Il y en a

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Sis LETTRE A M. DE CAUMONT

d'historiés : un, entré autres, près de l'intertranept , repré-sente, à ce que l'on croit, la Mort de saint Hilaire; un autrereproduit la Naissance du Sauveur et la Fuite en Égypte;mais le plus grand nombre, et notamment tous ceux qui en-to(irent le sanctuaire, n'offrent que de larges feuilles grassesemhrassat la corbeille et se recourbant en maigres volutessous les angles du tailloir. Le pinceau de l'imagier était appeléà suppléer le ciseau du sculpteur, en imitant les nervures et lesarêtes de ces feuillages économiques. Deux ou trois chapiteauxdu bas-côté de gauche en offrent un exemple encore visible.

Je ne m'étendrai pas non plus sur les fragments de déco-ration murale que l'on i récemment découverts sous le badi-geon. Des rinceaux de feuillages ont reparu dans les embra-sures des fenêtres ; les colonnes de la nef ont offert desimitations de marbre et d'agate; les pilastres ont conservépresque intactes les figures nimbées de saints et d'évêques,l'une d'entre elles avec cette inscription QUINTIANUS EPS

toutes ces peintures appartenant pour la plupart au XI' siècle.Sur un pilier du transept on a trouvé l'image d'un évêque-crossé et mitré, la main droite levée pour bénir. Au-dessusde lui trois figures placées sur le même plan ; celle du milieu.-entourée. du nimbe crucifère, les deux autres du nimbesimple, ont paru à M. l'abbé Barbier , devoir reproduireNotre-Seigneur entre saint Pierre et saint Paul. M. l'abbé

- Barbier; dit M. de Longuemar, aurait vu ce sujet figuré sou--vent dans les églises de Rome. De mon côté, j'avais cru re-- connaître le Christ entre le soleil et la lune; par suite deLana!ogie qu'offre cette image avec la , fresque de St-Mexme,de Chinon , et avec un -bas-relief d'une des arcatures de la

-façade de l'église de Foussais (4).

- (i) « Quelquefois on met près de la croix du Sauveur, le soleil etla lune en éclipse, pour dèsigiier sa - patience. o Guillaume Durand,$ionole dîvinorunt of/icioruni, liv. I", eh, in. -

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su1 UNE ÉXCÛRSION E?& POITOU, 35Ce serait allonger trop cette étude, déjà trop longue, que

d'entreprendre la description des distributions intérieures sicompliquées, si irrégulières de la basilkjne de St-Hilaire.-Ladescription que l'on en pourrait faire, quelque détaillée qu'ellefût, parviendrait à peine à en donner une idée. J'en dirai unmot plus tard à l'occasion de la crypte , ou plutôt de la voûteà laquelle on a donné ce nom, et des différences de niveau quiexistent entre le choeur, les transepts , les bas-côtés et la nef.

Renvoyant à l'ouvrage de M. de Louguemar ceux qui dé-sireraient connaître les curieuses inscriptions lapidaires qu'afournies l'église de St-Uilaire, je me contenterai d'en citerune seule, celle que l'on aperçoit dans une des absidiolesrayonnantes du côté de l'épître. M. de Longuemar, qui l'ascrupuleusement reproduite , n'a pu en déchiffrer que quel-ques mots; mais il n'hésite pas 'n lui assigner la date du Viii-ou du Ixt siècle. Cette inscription provient évidemment d'unmonument antérieur, puisque le mur dans lequel elle setrouve enchâssée ne remonte qu'au XI' siècle. Ne viendrait-elle pas de l'abside primitive, à laquelle elle aurait été enlevéelors des remaniements que j'ai signalés plus haut? Or, si l'ons'en souvient, j'ai précisément attribué au VIII , ou auIX' siècle la construction de cette abside.

La nef de l'église de St-Hilaire était autrefois surmontéede cinq dômes semblables à celui qui couronne l'intertransept.Tous ont été détruits pendant la. Révolution. La travée qui asurvécu au désastre qui a emporté les quatre autres a reçu,à l'époque de la restauration du culte, une voûte en briquesdont Le vaste berceau embrasse la largeur entière de l'anciennenef et celle des deux bas-côtés qui Paccompagnaient latérale-ment, faisant suite au déambulatoire. L'examen du dôme del'intertransept nous donnera une idée exacte de ceux quicouronnaient autrefois la nef, et dont il ne reste aujourd'huiaucun vestige.

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36 LETTRE A M. DE CAUMONT

C'est à tort, à mon avis, que l'on désigne parfois sous lenom de coupoles la série de calottes surbaissées qui formaientle ciel de la nef de St-Hilaire, et celle qui couronne au-jourd'hui l'intertransept. S'il semble que ce genre de voûtesait emprunté quelques rares éléments à la coupole byzantine,il est certain aussi qu'il existe entre elles des dissemblancessi marquées qu'il est impossible de les confondre sous une

.même dénomination. L'élément principal et distinctif de lacoupole, c'est le pendentif, cette transition hardie au moyende laquelle la fabrique passe du carré à une section de cercle.Dans la calotte de l'église de St-Hilaire, au contraire, et danstoutes celles qui appartiennent au même type, c'est un octo-gone qui s'inscrit dans un parallélogramme à l'aide de petitsencorbellements en forme de niche, disposés dans les angles.Le dôme, à base octogone, repose sur de nombreux pointsd'appui ; sa circonférence, presque partout en contact avecles éléments du carré, ne surplombe sur le vide que dans lessegments étroits formés par les trompes. Beaucoup plus har-die, la coupole ne pose sur les supports normaux qu'auxquatre points seulement, où elle rencontre passagèrement lecarré, et elle est pour ainsiainsi dire suspendue au-dessus de l'es-pace. Autre dissemblance encore la coupole se développeen hémisphère parfait et d'un rayon égal à la moitié de sondiamètre, tandis (lue le dôme de St-Hilaire, après être passéde l'octogone au cintre, ait de ses pendentifs re-tournés, ne décrit qu'une courbe fortement surbaissée. L'unet l'autre sont ornés d'une corniche qui sépare la calotte deses supports ; mais, à St-Hilaire, cette corniche n'est qu'unpur ornement , qu'une imitation sans but utile , tandis quedans là coupole byzantine , en •se confondant avec la galerieménagée au-dessus des pendentifs, elle a l'avantage d'en aug-menter la largeur, en même temps qu'elle en masque l'arêtecirculaire qui serait, sans cet appendice, d'un effet disgracieux.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 37

Cette galerie existe à la base dé la plupart des coupoles;M. de Verneilh y voit « une facilité précieuse pour la posedes cintres , en même temps qu'un agrandissement néces-saire à l'effet extérieur. » J'y vois un avantage bien plussérieux , à mon avis. En ménageant cette retraite, les archi-tectes byzantins ont cherché avant tout à donner une ga-rantie de solidité plus grande à leur oeuvre et se sont uni-quement préoccupés de placer moins en porte-à-faux la caloùede leur coupole. Grâce à cette galerie, la calotte repose beau-coup plus sur les grands arcs que sur les pendentifs et perd,en réalité, une grande partie dé sa hardiesse.

Dans le dôme à base octogone, que j'appellerai la faussecoupole, ce motif ne pouvait exister; c'est pourquoi j'ai ditque la corniche n'était qu'un pur ornement.

3e ne veux point dire pour cela que la fausse coupole n'aitpoint une origine byzantine je crois qu'elle découle inffi-rectement de cette source, et ce qui semble le prouver,c'est qu'elle se rencontre en Orient et qu'on la trouve éga-lement à St-Front de Périgueux, à l'intérieur des deux piliersles plus rapprochés de l'abside. Les deux coupoles de St-Front ne sont point inscrites sur un plan carré, elles reposentsur un octogone ; mais , comme à St-Hilaire, quatre descôtés de l'octogone sont sensiblement plus grands que lesautres, et le sommet de la voûte est percé d'une ouverturecirculaire, du haut de laquelle, dans cette dernière église,on jetait des fleurs sur les fidèles le jour de la Pentecôte etde larges Agnus que l'on appelait Pentecosteaux.

La fausse coupole a do la préférence marquée que lui ontaccordée les architectes romans à ce que sa constructionprésente bien moins de difficultés que celle de la coupole àpendentifs sphériques , et aussi à, ce qu'elle convient mieuxpour les espaces un peu restreints.

En signalant les analogies qui existent entre les dômes de

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38 LEDrItE A M. DE:CATJMONT

St-Hilaire et les coupoles byzantines, je dois faire remarquerun détail qui offre certains rapports avec les constructions deSt-Front et de St-Marc de Venise. A St-Marc, les piliers quisupportent les grands arcs sont intérieurement évidés, demanière à figurer à leur hase quatre pilastres que surmonteune arcade. L'intérieur de ces piliers , dans lesquels le videl'emporte de beaucoup sur le plein, est couronne d'une petitecoupole. A Périgueux, les piliers sont également évidés àl'intérieur, mais d'une manière beaucoup moins sensible. Ondirait que l'architecte de St-Hilaire aurait eu l'intentionéloignée d'imiter cette disposition dans l'agencement des pi-liers qui supportent la fausse coupole de l'intertransept, ducôté de la nef. Ce détail, je dois le dire, n'existe que là seu-lement, et l'examen des amorces des anciennes constructions,apparentes encore à fleur de terre , m'a permis de constaterqu'il ne se répétait pas dans les autres travées de la nef. Pourrendre ma description plus sensible, je demanderai à M. de -Longuemar la permission d'emprunter à son Essai historiquele plan de la basilique -de St-Hilaire. J'y join-drai un croquis des pi- -lWrs qui, à SI-Marc età St-Front, supportentI --la coupole centrale, de U U-----2----::------u ---Imanière à faire saisir Nau premier coup-d'oeill'analogie que je viens jde signaler et qui m'a Iifrappé moi-même dès le premier abord.

On remarquera que dans leur agencement tes piliers deSt-Front présentent en section un carié parfait, tandis queceux de SI-Marc décrivent un parallélogramme, dont la facela plus large est tournée vers les bas-côtés. A St-Hilaire , tes

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 39

piliers A B C J) sont également disposés en parallélogramme;

mais la plus ldrge face regarde les transepts. Les piliers A Bsont réunis par deux arcs-boutants, superposés en forme d'ar-cade , dont l'extrades porte une plate-bande horizontale. Cesdeux arcades superposées dans l'élévation rappellent cellesde St-Marc. Au sommet des quatre colonnes A B C D s'élèveune petite voûte d'arête, coupée transversalement par un arc-boutant en forme de quart-de--cercle, qui va d'A en I) re-cevoir la poussée du dôme central.

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40 LETTRE A M. DE ÇAtJMONT

Comme je l'ai dit plus haut, le dôme qui surmontait lapremière travée de la nef a été complètement détruit pendantla Révolution. On aperçoit encore , toutefois an-dessus deschapiteaux des colonnettes B B , le coussinet des grands arcsqui s'en allaientallaient retomber en E E, formant un carré de 8 mè-tres environ sur chaque face , sur lequel était assise unefausse coupole pareille à celle de l'intertransept.

'Lorsqu'on examine les murs gouttereaux de la travée dontje viens de parler, on voit, au-dessous du point de départ de lavoûte actuelle, les bases et une partie du fût de trois colonnettes,dont la partie supérieure est cachée par les berceaux. Cescolonnettes sont placées, l'une au centre de la travée et cor-respondent aux colonnes II, et les deux autres à chaqueextrémité, Dans ]es combles, on retrouve le sommet de cescolonnettes, et l'on peut constater qu'elles servaient à recevoirla retombée des voûtes d'arête des bas-cotés disparus quid'autre part, s'en allaient reposer sur les grands arcs B E dudôme central. De cet agencement des voûtes, il résultait quela travée centrale correspondait à deux travées des bas-côtés,Les bas-côtés étaient éclairés par deux fenêtres aujourd'huimurées , et que l'on peut apercevdir du dehors. Chaquefenêtre correspondait à une demi-travée de la nef. Placées àune grande hauteur, et masquées en partie par les grands -arcs, les baies dont je viens de parler ne devaient répandreque fort peu de jour à l'intérieur de la nef.

J'ai signalé les deux arcs-boutants qui reliaient entre ellesles colonnes A B ; les colonnes E G étaient reliées par troisarcs semblables étagés les uns au-dessus des autres , et dontune partie des voussoirs apparaît encore engagée dans le murde façade.

Pour que l'architecte d'Agnès de Bourgogne, après avoirrecouvert de berceaux les transepts édifiés par IvalterCôorland, ait renoncé à employer ce, genre de voûtes dans

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SUE UNE EXCURSION EN POITOU. 44l'intertransept et dans la nef, et lui ait substitué la faussecoupole, et surtout la fausse coupole disposée en séries i il fautqu'une inspiration venue d'ailleurs, venue d'une région où cesystème était déjà usité , l'ait engagé à modifier son plan pri-mitif. Un événement dont la date précise est inconnue, etqui doit nécessairement être contemporain de la reconstruc-tion de St-Hilaire au Xl e siècle, vient, ce semble, jeter unelumière presque certaine sur cette question.

La célèbre basilique poitevine avait été, comme je l'ai ditPlus liant, pillée au VII? siècle par les Sarrazins et aulX•p* les Normands. A la fin de ce siècle, dit M. de Longuemai',

la ruine de l'abbaye était si complète, que la communautése dispersa et se réfugia avec ses reliques au Puy-en-Velaypour les soustraire aux profanations des barbares. » Le siègeépiscopal du Puy était alors occupé par l'évêque Nôrber,proche parent des comtes de Poitou. Aucun document nevient constater l'époque à laquelle une partie de ces reliquesfut rapportée du Puy-en-Velay à Poitiers. En 1060 PierreDamien daus un sermon sur leur translation affirmait leurprésence dans l'église dédiée à saint Hilaire. Il y a donc toutlieu de croire que cet important événement, dut avoirlieu à l'époque où l'achèvement des berceaux des tran-septs permit aux religieux de venir prendre possession del'ancienne abbaye. Or, il se trouve que les vofltes de l'in-tertransept et de la nef de St-Hilaire offrent une analogiemarquée avec celles de la cathédrale du Puy. Cette analogieest constatée par feu M. de Verneilh, dans son Architecturebyzantine en France. o Cette coupole ( celle de St-Hilaireest à huit pans, dit-il , avec des arcades sur les angles, aulieu de pendentifs, un peu dans le genre de celles du Puy-en-Velay, mais moins surhaussées. ii M. de Verneilh, (luiignorait sans doute les relations que je viens de signalerentre les religieux de SI-Hilaire et ceux du Puy-en-Velay

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42 LETTRE A M. DE CAIJMON7

n'en tire point les conjectures que j'en ai tirées moi-mêmemais son appréciation n'en a pas moins sa valeur.

Les rapports architectoniques que j'ai mentionnés tout hl'heure viennent fortement corroborer l'opinion de ceux quiveulent qu'une partie des reliques de saint Hilaire aient étérapportées à Poitiers au XP siècle, et, d'un autre côté,cette translation nous révèle la cause et la raison de cesrapports.

Oc ces deux faits incertains, éclairés l'un par l'autre, jaillitune lumière qui leur donne, à mon avis, une presque certi-tude. Je dirais donc, avec confiance les reliques de saintHilaire ont été rapportées du Puy-en-Velay à Poitiers à uneépoque qui doit se placer entre la construction des berceauxdes transepts et celle de la série de dômes de la nef. Et jedirais également la série des dômes de l'église de St-Hilairea été empruntée à la cathédrale du Puy, et cela au momentoù les reliques du saint évêque de Poitiers ont été rappor-tées dans l'ancienne basilique, en partie reconstruite.

La nef de St-Hilaire, semblable en cela à celle de beaucoupd'antres églises , offrait un évasement considérable de l'est àl'ouest. Comme les deux bas-côtés compris dans le vaisseauprincipal étaient fort étroits et la nef fort longue, il en résultaitque, se rapprochant toujours davantage des piliers des bas-côtés à mesure qu'ils descendaient vers l'ouest, les piliers desgrands arcs arrivaient à n'en être plus séparés que par unespace fort étroit près de la porte d'entrée.

Lorsque, il y a quelques années, on s'occupa de déblayerle sol intérieur de la net, exhaussé, en 1754, jusqu'au niveaudu choeur, on trouva à la naissance du transept une voûtepeu profonde, s'ouvrant sur la nef par un large arceau enplein-cintre de la largeur du réduit lui-même. On prit cetteespèce de caveau pour une crypte. Je serais désolé de dé-truire une illusion chère , sans doute , aux architectes de St-

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU.

Hilaire, heureux et fiers d'une telle découverte mais je nepuis me dispenser, cependant de dire que je ne saurais m'yassocier. Aucun texte d'abord, ni ancien, ni moderne, ne, faitmention d'une crypte; donc, il est à croire qu'il n'en existaitpas autrefois. Tout d'ailleurs, dans cette voûte , sa forme , saposition excentrique , tout démontre une origine moderne.L'enduit et le badigeon, dont on a attentivement recouvert sesparois, ne m'ont pas permis d'en étudier l'appareil ; mais cetteétude , j'en suis certain , m'eût donné raison. La prétenduecrypte de St-Hilaire date vraisemblablement de l'exhaussementde la nef, et, dans tous les cas, elle ne saurait, ce me semble,être antérieure à la fin du XVI' siècle. Dans quel but a-t-onménagé ce réduit? Je ne saurais le dire; mais ce que jesais, c'est qu'il a une apparence et un cachet tout modernes.Cc (lui prouve qu'il est postérieur à la construction de l'égliseet qu'il n'entrait pas dans le plan primitif, c'est que lesmoulures des bases des piliers CD Cl) se profilent dit duchoeur, comme du côté de la nef, et que le massif dans lequelest ménagé le caveau et les murs pu l'accompagnent, à droiteet à gauche, englobent la moitié de ces bases dans leurdisposition actuelle, ce qui n'a pu être ainsi au XI* siècle.

Je ne veux rien dire de l'étrange confusion, de l'agence-ment bizarre de tous les petits escaliers étroits et mesquinsau moyeu desquels oit monte de la fief au sanctuaire. Cen'est point ici le lieu d'étudier ce qu'ils ont pu être autre-fois ; mais je suis certain qu'ils n'étaient point ce qu'ils sontaujourd'hui. Une basilique aussi vaste , aussi monumentaleque l'était St-llilaire , exigeait nécessairement une ordon-nance intérieure en rapport avec son caractère architectural,et les petits degrés actuels sont loin d'y répondre.

De l'ancienne tour romane, il ne reste plus que les deuxétages inférieurs. J'y ai reconnu quelques matériaux cru-pruntés à des constructions antérieures et d'époques diffé-

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64 LETTRE A M. DE CAUMONT

rentes. J'y ai remarqué surtout des modillons découpés enfeuille d'acanthe et formant une légère volute h leur extré-mité, qui doivent provenir d'un monument gallo-romain. Ilsse trouvent au-dessus du second étage d'arcatures ,- où ilssupportaient une corniche,, aujourd'hui disparue. En parlant(le cette tour, M. de Longuemar fait l'observation suivante« En l'étudiant avec attention , on s'aperçoit facilement que'les arcades inférieures ont été fermées par ,des murs posté-rieurement h leur fondation , et qu'elles étaient certainementà jour dans l'origine , formant ainsi une espèce de porcheayant deux arcades sur chacune de ses faces , et dont le videintérieur est occupé aujourd'hui par les sacristies. »

La même pensée m'était venue avant d'avoir lu l'ouvragede M. de Longueniar , et j'ai été heureux plus tard, en lelisant, devoir mon opinion confirmée par la sienne. Il m'avaitsemblé que l'entrée principale de l'église de St-Hilaire dutêtre primitivement dans cet endroit, jusqu'à l'époque oùRobert Poitevin, trésorier du chapitre et médecin deCharles VII , fit élever le portail qui se trouvait près de'l'extrémité de la nef du côté du nord. A cette époque seu-lement auraient été murées les deux arcades inférieures dela tour du clocher.

Il me reste encore à signaler la petite niche en encorbelle-ment et d'un agencement tout particulier , que l'on aperçoità la hauteur du second étiige, dans l'angle formé par lasaillie des pilastres de la tour, sur le , mur du transept. Bienqu'elle soit en partie détruite, ou en distingue parfaitement-l'ordonnance. Une niche semblable devait exister à l'angleopposé. Ces deux appendices, que je n'ai vus nulle part ail-leurs à cette place , devaient produire le meilleur effet, en'rompant les grandes lignes verticales des arêtiers du clocher.Si, conformément aux désirs du digne curé de St-Hilaire,l'ancienne basilique doit être prolongée et rétablie dans son

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 45

premier état, oit trouvera Là un motif d'ornementation plein degrâce et CLI même temps d'originalité pour la nouvelle façade.

Ne quittons point St-Ililaire sans jeter un regard sur lebas-relief placé dans le pignon , et presque au sommet dutransept qui touche La tour (In clocher. Nous distingueronsquatre personnages encadrés dans des arcatures et formantdeux groupes distincts par leur facture et leur disposition.Ceux de gauche , taillés dans le même bloc , sont à demidétachés (lu fond d'où ils sont sortis ; leurs têtes sont con-piètement dépourvues de cheveux, leurs vêtements adhérentsau corps n'offrent aucune apparence tle • plis; bien que vusde face, leurs pieds se présentent de profil comme dans lespeintures murales des XI' et XJP siècles , et je ne crois pasme tromper en leur assignant la première de ces deuxépoques. Les deux personnages figurés sous les arcatures dedroite se présentent de face, comme les précédents; mais leurrelief est beaucoup moins accusé et pour ainsi dire méplat;leurs profils sont plus réguliers, leurs manteaux sont large-ment drapés , et leurs pieds, placés en dehors, offrent unepose beaucoup moins forcée. On reconnaît dans ce bas-reliefun souvenir des traditions antiques, et je ne serais pas éloignéde penser qu'il remontât au V111 siècle comme l'absideprincipale, bien qu'il se trouve enchâssé dans une construc-tion du X.

On reconnaît facilement que les deux personnages degauche n'ont été faits et placés 1h que pour accompagner-etcompléter le groupe de droite. Mais, au lieu d'imiter soumodèle , l'artiste du XI' siècle, se conformant au style alorsen usage, a donné b ses figurines la pose et la facture quej'ai décrites plus haut. Comme à cette époque le travail d'or-nementation se faisait habituellement sur tas , il en résultaque; les mesures n'ayant pas été régulièrement prises, lesarcatures du second groupe ne s'accordent point avec celles

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du premier. A droite et gauche de ces bas-relie, des ani-maux fantastiques disposés à la suite les uns des autres,s'étendent jusqu'au rampant du toit; ils appartiennent àl'époque du groupe le plus ancien.

Je veux remercier ici M. l'abbé de La Forêt, curé deSt-Hilaire, de l'accueil bienveillant qu'il a bien voulu faireen nia personne au délégué de la Société française d'archéo-logie. Les renseignements qu'il m'a fournis, les documentsqu'il m'a communiqués m'ont été d'uit précieux secourspour l'étude de sou église. II a eu l'obligeance extrême dem'y accompagner, de nie conduire dans les combles et dem'en faire connaître les nombreux détails. M. l'abbé de LaForêt , qui a déjà beaucoup fait pour l'église de SI-Hilaire,nourrit l'espoir de la relever complètement de ses ruines.Puisse soit mener à bonne fin cette pieuse et difficile en-treprise; sous sa direction éclairée on peut être certain quel'oeuvre nouvelle répondra à toutes les exigences du bon goût

.et de la bonne archéologie. Je serai heureux si l'étude à la-quelle je me suis livré avec une attention scrupuleuse et un.

• charme tout particulier, peut alors lui être utile à quelquechose. -

Je ne voulais pcint, Monsieur et cher Directeur, m'arrêteraussi longtemps à St-Hilaire, et je me suis laissé aller malgrémoi à en ébaucher une sorte de monographie. Vous voudrezbien me le pardonner, en considération de L'intérêt qu'offrecette curieuse basilique. Nous allons maintenant, pour re-gagner le temps perdu , passer rapidement eu revue les prin-cipaux monuments civils anciens et modernes de Poitiers, cequi sera bientôt fait.

ARÈNES.

Il ne reste plus rien pour ainsi dire des arènes gallo-ro-maines; et dans ce moment encore on travaille à en faire

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SUR UNE EXCURSION S EN POITOU. 47

disparaître les derniers débris, en perçant une rué qui aboutità un précipice: L'administration actuelle ne fait, du resteque continuer avec zèle l'œuvfe de celles qui l'ont précédéedans ces derniers temps, en détruisant les tristes restes d'unmonument qui, s'il eût été conservé, eût fait l'honneur dela cité poitevine. Mais, que voulez-vous il faut bienpercerdes rues nouvelles, bâtir à tout prix , démolir , bouleverser;nos municipalités , on le dirait , sont créées et mises auinonde pour cela.-

- COLLéGE.

La nécessité se faisait sentir, paraît-il, d'agrandir considé-rablement le collège pour le moment où tout Français serade par la loi, contraint d'être lettré. À Poitiers ,- depuisquelque temps, on met de la brique partout, par le motifsans doute qu'aucun des monuments anciens n'en offre latrace. Ce sera le cachet des monuments nouveaux. On vientdonc d'élever un grand corps de bâtiment, moitié blanc,moitié rouge, percé d'étroites meurtrières en guise de te-nêtges. La jeune génération poitevine ne croira pas avoirchangé de logis lorsqu'on la conduira du lycée à la caserne.

vaÈncTunE.

J'engage l'Académie française et M. Napoléon Landais àfaire une rectification urgente à leurs dictionnaires présentset futurs. On disait autrefois hôtel de préfecture , à l'aveniron devra dire palais, sous peine de lèse langue française.Poitiers donc , tirant l'épi-cuve avant la lettre, s'est mis enmesure de construire un palais pour son premier magistrat.Mais, comme il y a fagot et fagot , il y a aussi palais et palais.Pardon de répéter tant de fois ce mot magnifique, mais lafaute en est à la langue et non à moi. Comme dans les anciensâges la chose était beaucoup moins prodiguée que de nos

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Ù8 LETTRE A M. DE CAUMONT

jours, on n'avait pas songé jusqu'ici à créer un synonyme quim'eût évité ces répétitions mal sonnantes. Je disais donc qu'ily a palais et palais; celui-ci est lourd, plat , disgracieux audernier degré dans sa vaste envergure. il va sans dire qu'ilest tout de rouge et de blanc vêtu , costume mi-parti fort àla mode cii ce pays. Ce monument est sans tété, c'est-à-direil ne toutes les parties du corps sont au même niveau. Lemoindre petit campanule en eût relevé la platitude, on n'y apas songé. C'eût été pourtant un bien innocent couronnementde l'édifice.- -

Pour créer au palais nouveau une avenue en 'tout digne delui, on a fait une large percée qui s'en va de la placed'Armes déboucher sur son parvis. Je n'ai point dit, reniar-quez-le bien, qu'elle va eu droite ligne: c'eût été dévier de lavérité. Suivant les plans tout platoniques des agents de lavoirie, cette rue devait aboutit dans l'axe de la place d'Armeset en face de la fontaine monumentale qui eu ornait le centre.Malheureusement l'effet n'a point répondu aux intentions; etcomme la malheureuse fontaine trahissait par sa présence etpar ses murmures le secret, non ce n'est pas le mot., l'évi-dence de l'erreur commise, on l'a fait disparaître sans façon.C'est l'histoire du loup et de l'agneau dc la fable. Tout est

• beur et malheur dans la vie; dans cette affaire, les architectespoitevins n'ont eu que la seconde part. Au lieu de se trouverau niveau de la place d'Armes , une fois la rue percée, ons'est aperçu que le palais préfectoral était beaucoup en con-tre-bas. Jugez de l'effet (lue cela produit. Encore a-t-on étéobligé d'abaisser de 0,80 centimètres une rue transversale,sans quoi, de la place, on n'eût aperçu que le premier étagedu palais.

- MUStE,

Le musée lapidaire offre toujours le même désordre; mais

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SUR UNE EXCURSiON EN POItOTi. 49

peut-il eu être autrement dans un local aussi exigu que celuioù il est confiné ? Il s'est enrichi dernièrement, si le motn'est pas trop ambitieux pour la chose, d'une statue colossalede la Sainte-Vierge, découverte sous le choeur de la ca-thédrale. Cette statue est l'oeuvre d'un artiste poitevin duXVII' siècle ; elle ne lui fait (lu'ull médiocre honneur. J'yai remarqué quelques tombeaux carlovingiens et mérovin-giens , entre autres celui que vous avez fait reproduire-Monsieur le Directeur , dans le dernier compte-tendu duCongrès archéologique de France , ce qui me dispense d'enparler. J'y ai encore remarqué une stèle gallo-romaine,qui vous aura peut-être frappé comme moi. Elle représente unenfant , emmailloté à la façon des momies égyptiennes. Latête seule soit du maillot celui-ci est ficelé avec une cordequi vient former, sur le devant, des lacs et entrelacs d'unassez gracieux effet. Le musée des antiquités laisse à désirer,à mon avis , par rapport au classement rationnel des objetsqu'il renferme. Je n'ai pu , du reste, juger que fort impar-faitement de sa richesse archéologique; les objets les plusremarquables, ayant fait le voyage de l'Exposition universelle,étaient absents pont' le moment. Le catalogue , mi-imprimémi-manuscrit, est quelque peu en retard , m'a-t-on dit ; onne peut trop insister pour qu'il en soit fait une réimpressioncomplète. -

PALAIS-DE-JUSTICE.

Tout le monde connaît le Palais-de-Justice de Poitiers etsa magnifique salle des Pas-Perdus. .le n'en dirai rien , sinonque je n'ai reconnu aucune restauration nouvelle. Les toursde l'ancien palais des ducs d'Aquitaine demeurent encoredécouronnées, et, entre autres, cette fameuse tour de i\lau--bergeon, dont relevaient tous les grands-fiefs de la province.Ou a beaucoup discuté, à Poitiers, pour savoir d'où lui venait

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56 -LETTfl A M. bir CAUMONT

ce singulier nom. On l'a fait venir de Malhberg, de Mallo-bergium on a été chercher bien loin une étymologie quiétait bien près, je le crois. Si l'on eût ouvert le deuxièmevolume de l'Abrégé de l'Histoire du t'oitou, p 18, ony eût lu t' Guillaume VII ayant répudié Hildegarde , sa

deuxième femme, épousa une fille nommée Maubergeon.Ne serait-ce point le nom de cette fille que Guillaumeaurait donné à laprincipale tour du palais , qu'il recon-struisit en grandepartie? -

HÔTEL NÉO-GREC.

En face du péristyle du Palais-de-Justicè , on n percé unerue nouvelle, dont l'axe vient sans façon se profiler vers l'undes angles du monument. J'ignore les considérations puis-santes qui ont motivé ce tracé anormal, et je me borne à enconstater l'effet. Un immense bâtiment s'élève b droite decette rue ,.produit bâtard du croisement du grec avec le stylede Louis XIV. Ce monument , m'a-t-on assuré , est le typede l'art français par excellence l'arche , type archétype duprésent et de l'avenir. Quatorze fortes femmes , la tête coifféed'un thapeau, masculin renversé eu guise de chapiteau, supportent sans broncher le plus lourd des entablements. Bienque fort décolletées, elles n'ont rien de séduisant, je vous jure,quoique, voulant faire du nu , on n'ait fait que de la nudité.Le fronton est orné des figures symboliques de l'industrie etdes Arts cette dernière, fort laide du reste, par-ait si triste,(lue c'est à fendre le coeur si elle pleure sa faute, que lapierre lui soit légère.

On penserait, m'a-t-on dit , à acheter 'cet hôtel pour yloger les musées : c'est le motif qui nia fait en parlerICI.

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SUR U&E EXCURSION EN i'oitou.- 54

MONTMORILLON.

Ma mission accomplie, je songeais à quitter Poitiers lorsquefort à propos, arrivant de Niort, mou ami M. de Galemberinc proposa de l'accompagner à Montmorillon, où Mgr Pielui avait donné rendez-vous pour le lendemain. Monseigneurde Poitiers désirait visiter, avec M. de Galenibert, les pein-turcs murales dont l'éminent artiste venait de faire décorerla chapelle du petit séminaire. C'était une heureuse occasionpour moi d'avoir l'honneur d'être présenté à l'illustre prélat,et j'accueillis avec empressement l'amicale proposition qum'était faite. Le temps nous pressant, nous ne pûmes, à notregrand regret, nous arrêter à Civaux pour en visiter le curieuxcimetière.

CHAPELLE DU PETIT SÉMINAIRE. --

Le lendemain de mon arrivée à Montmorillon , je merendis dès le matin à la chapelle du petit séminaireCette chapelle n'a qu'une nef unique qui appartient auXII° siècle; les transepts, la coupole et l'abside ont étéconstruits dans ces derniers temps. Les vastes surfacesplanes , les arcs-doubleaux carrés, la coupole, les étroites.fenêtres parcimonieusement ménagées au centre de chaquetravée tout appelait , tout exigeait impérieusement le con-cours de la peinture.

La tâche du comte de Galembert se bornait pour le mo-ment à l'abside, à la coupole et aux transepts ; la nef étantréservée pour plus tard. L'effet de cette grande compositionest des plus heureux. Dès l'entrée on est frappé de l'har-monie, de l'accord parfait qui règnent entre les diversesparties de la décoration. Nulle teinte criarde, nulle associa-

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52 LETTRE A M. DE CAUMONT

tion de tons impossibles et disparates ne viennent attirer leregard au détriment des autres parties. L'unité , pourrais-jedire, se retrouve dans la variété et c'est, je crois, le plusgrand éloge que l'on puisse faire de toute composition,quel (lue soit celui de nos sens auquel clic s'adresse. Si del'observation du détail il résulte quelques critiques, ces cri-tiques seront en réalité peu de chose, puisque l'effet d'en-semble n'en souffre en aucune manière; et à tout autre qu'àun confrère et à un ami , je les eusse même passées soussilence.

Le sanctuaire seul et l'arc-triomphal comprennent 57 ri-gures, tant isolées qu'en groupe. Je ne sais si le choix dessujets appartient en propre ait comLe. de Galembert , on s'ila été guidé par les inspirations de âlg l Pie ; toujours est-ilque j'ai été frappé de l'entente judicieuse qui a présidé à lacomposition générale, et j'ai admiré son heureuse appropria-tion , sa parfaite convenance avec la destination (lu monu-ment auquel elle s'applique. Ce monument est la chapelled'un séminaire, pieux asile où se forment de jeunes généra-tions appelées à l'apostolat , et -que l'on doit chercher ànourrir des exemples, des traditions, des vertus de leurs de-vanciers et de leurs pètes clans la foi. Ou doit reconnaîtrequ'ici M. de Galembert a répondu, par le choix et par l'exé-cution des sujets, au but et aux exigences de la peinture re-ligieuse , qui est de parler à l'âme en plaisant aux yeux.Parler à l'âme comment lui parler un langage qu'elle com-prenne, qui la touche, (lui la pénètre, la captive, si celui qui-a entrepris cette tâche difficile, soit qu'il tienne la plume oumanie le pinceau, n'est pas pénétré lui-même des sentimentsqu'il veut rendre, des émotions qu'il veut produire 7 Pourfaire de la peinture religieuse sérieuse, utile, pratique, il fautque l'artiste ait la foi , non pas une foi morte , niais une foiprofonde ou ne peut bien peindre (lue ce qu'on ressent

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 53

vivement. C'est à cette source mystérieuse et féconde que lecomte de Calembert va puiser ses inspirations, et je doisdire qu'ici elles l'ont bien servi.

L'hémisphère de l'abside est rempli par la mission desApôtres. Le tableau se déploie sur un riche fond d'or, au -centre duquel se Lient le Christ bénissant de la main droiteet de la gauche tenant un livre ouvert où est écritViaventes et vile. De chaque côté (le lui les Apôtres debout,le bâton dé voyage à la main , sont prêts h partir pour allerévangéliser les nations. La travée qui précède contient d'uncôté ïa consécration des sept diacres par saint Pierre, et del'autre l'institution du sacerdoce par Notre-Seigneur. Dans lazone inférieure , saint Laurent distribue l'aumône à gaucheet à droite saint Vincent est dans sa prison. Quatre Pèresde l'Église sont figurés sur les pieds-droits de l'arc-triom-phal ; sur les pendentifs sont saint Hilaire, saint Pierre,saint Martial et saint Martin puis dans l'abside encore sontréparties, sans que mes notes me fournissent d'indication àcet égard , six figures représentant les ordres mineurs et lemartyre de saint Lainent et de saint Vincent. Des anges enbuste au-dessus des arcades portent les instruments de laPassion.

C&te sèche nomenclature fera comprendre l'importance dela vaste composition (lui embrasse l'abside entière. La mis-sion des Apôtres sur le ciel d'or du sanctuaire est d'un effeton ne peut plus heureux. Peut-être pourrait-on reprocher àNotre-Seigneur des proportions un peu courtes relativementau groupe qui l'entoure et qu'i devrait dominer, ce mesemble , davantage; à saint Jean l'évangéliste et à saint Lan-rent des types un peu féminins à quelques figures im cci-tain manque d'idéal et de distinction , mais oit sauraitméconnaître dans l'ensemble et dans la généralité une heu-

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5h LETTRE A Ni. DE CAUMONT

reuse perfection. La mission des Apôtres est, suivant moile sujet capital et le mieux réussi.

Pourquoi saint Pierre, figuré dans un des pendentifs , netient-il pas en main les clefs symboliques, son attribut ordiflaire ces clefs que nulle puissance de la terre ou de L'enferne sauront lui ravir? Je ne sais. C'est une omission que jeregrette. Saint Martin, dans un autre pendentif, est repré-senté les cheveux épais; on lui reprochait, il est vrai, en sonvivant, le peu de soin qu'il prenait de sa chevelure, et c'étaitun des griefs (le ses ennemis lorsqu'il s'agit de l'élever surle trône épiscopal de l'ours; j'aurais voulu ,toutefois, que lepeintre en eût pris soin pour lui. M. de Galembert m'a ré-pondu que Mg' Pie l'avait désiré ainsi. Le pieux évêquea voulu sans doute offrir ici un enseignement utile à sescanes lévites devant cette considération , j'abandonne toutecritique.

La coupole entière est remplie par les figures en buste desneuf choeurs des anges, se développant en cercles gradués dela base au sommet de la voûte. L'Agneau divin, placé aucentre le plus élevé, répand sur les célestes phalanges desrayons de feu qui les baignent de leurs chaudes clartés. La -lumière décroissant à mesure-qu'elle s'éloigne de son foyer,s'arrête aux trois derniers cercles, qu'elle laisse en dehors dela zone lumineuse. Cela nuit h l'effet d'ensemble ; j'en ai faitl'observation à M. de Calembert il se propose de jeter unglacis général, qui fondra toutes les teintes dans un ensembleplus harmonieux. Cette conception originale, puisée à 1111esource ancienne, produirait un meilleur effet encore si lacoupole était plus élevée et la voûte moins rapprochée del'oeil du spectateur. Et puis, forcé par l'économie, on a dûtracer chaque zone sur un poncif commun, ce qui donne auxfigures une régularité et nue uniformité fâcheuses. Dans ledétail,, je reprocherais aux figures des phalanges inférieures

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de ne point être tout-à-fait assez angéliques; tuais, devantune oeuvre composée de deux cent vingt-sept personnages, ilne faut pas se montrer trop exigeant.

Le Couronnement de la Vierge par la Sainte Trinité, aufond du transept septentrional , est, après la Mission desApôtres, la meilleure inspiration de M. de Calembert. LaMère de Dieu est bien celle dont il est dit au Cantique des

Cantiques: « Vous êtes toute belle, et il n'y a pas de tacheen vous; venez du Liban, venez vous serez couronnée. »La Vierge Marie, inclinant doucement son front virginal, pourrecevoir la couronne de gloire , est un type plein.d'tuue suavebeauté. La Protection de saint Joseph , dans le transept nié-ridional, est une excellente page iconbgrapliique, mais d'unidéal moins élevé que le Couronnement de la Vierge.

Les murs latéraux des transepts sont occupés par les Lita-nies des saints et saintes du Poitou , représentées par leimages de ces saints au nombre de vingt-quatre. On y ajoint tes portraits de trois missionnaires poitevins martyrsde la foi en Chine et au Japon, les bienheureux VenardCornay et Bourry. Un espace laissé vide, et comme placed'attente à la suite des trois glorieux confesseurs de la foi ,•semble parler nu langage muet, mais éloquent , aux jeuneslévites de Montmorillon , et leur dire à l'âme : violentt

rapiunt ilind.De l'auréole qui couronne le front des saints doit jaillir

une douce et céleste lumière qui éclaire et illumine leurimage. Sous le pinceau de l'artiste doit se produire commeune mystique résurrection de la chair , qui la transfigure etlui donne quelque chose de la beauté des anges de Dieu dansle ciel. Sous son pinceau le corps doit dépouiller une partiede son enveloppe terrestre , et laisser resplendir au dehorscette beauté tout intime qui est celle de l'âme purifiée,sanctifiée dans le sein de Dieu. Prométhée chrétien , l'artiste

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56 LETTRE A M. DE CAUMONT

doit dérober au céleste foyer le feu qui doit donner la vie àsa création.

Voilà l'idéal spiritualisé qui doit guider le pinceau del'iconographe. Si cet idéal "'est point atteint, s'il n'est pointsatisfait, mou âme, qu'il devait émouvoir, réchauffer, de-meure froide et indifférente mon esprit , qui devait s'éleveren liant , reste sur la terre, et ma prière, au lieu de montervers Dieu, expire étouffée sui' mes lèvres.

Cet idéal n'est pas complètement atteint dans la dernièrecomposition que je viens de citer. Plusieurs figures laissent àdésirer sous le rapport de la distinction , (le l'expressioncelles surtout des trois jeunes mart yrs du Poitou (. M. deGalembert va me trouver bien sévère, je le confesse , maisses premiers tableaux m'ont gâté et m'ont rendu plusexigeant.

La partie purement décorative est, 'a une faible exceptionprès, parfaitement réussie, comme détail et comme effet, -lereprocherai seulement aux chapiteaux des colonnes des grandsarcs certains tons vers, rosés et bleus trop fades, trop pâleset peu en harmonie avec l'ensemble sévère quoique gracieuxde la décoration entière.

En sortant de la chapellé du petit séminaire, jetons UI!

(1) Si l'on m'objectait que ces figures sont des portraits, et que tiansce cas le peintre doit s'astreindre à reproduire fidèlement les traits (lesPersonnages qu'il représente, je répondrais que la reproduelion fidèledes traits n'est palet exclusive de l'idéalisation qu'exige l'iconograpbiéchrétienne. On u signalé maintes fois la ressemblance frappante dumasque de Voltaire avec la figure de l'admirable curé d'Ars. Pour quia vu à l'exposition dernière te beau marbre de M. Emilien Cabiiclietl'oeuvre capitale du salon, quoique non médaillée par le jury, la dis-semblance énorme qui existe entre la figure do saint piètre ei. celle dusarcaslique écrivain sera parfaitement saisie: malgré leur ressemblancematérielle, il y a entre elles toute la distance du ciel è la terre.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 57

coup-d'oeil sur le bas-relief qui surmonte le portail. Quoiquemutilé à l'époque de la Révolution , cc bas-relief laisse recon-naîtte encore l'Annonciation (le la Vierge , la Nativité deNotre-Seigneur , l'Annonce aux Bergers , la Purification,l'Adoration des Mages et la Fuite en Égypte. Les person-nages, (l'un relief un peu plat , ne -se détachent qu'à demi dubloc d'où ils sont sortis ; ils doivent appartenir au milieu duXII' siècle le clocher annonce la même époque.

A côté de la porte d'entrée , sous une niche ménagée daimsl'épaisseur dti mur , un bas-relief représente la Croix deuxdisques méplats, placés à droite et à gauche au-dessus desbras, étaient destinés à recevoir les figures du soleil et de lalune reproduites en peinture. Deux disques semblables sontdisposés du côté opposé, de manière à former pendant, sanscroix toutefois. Quelle était leur destination et leur signifi-cation Ni M. de Galembert ni moi n'avons -pu le deviner.

OCTOGONE.

L'octogone (le i\lontmorilloii, dont on voulut au siècledernier faire un temple de Druides, ne peut être autre chosequ'une ancienne chapelle funéraire. Sa crypte souterraine,sa forme, le fanal aujourd'hui disparu qui le surmontait, toutindique cette primitive destination. Cette chapelle, salis nuldoute, devait s'élever au milieu d'un cimetière dont, peut-être retrouverait-on des traces dans la cour du séminaire , hl'extrémité de laquelle elle est située.

La chapelle supérieure est voûtée en coupole surhausséerenforcée de nervures toriques retombant sur des chapiteauxà crochets peu développés. Chaque pan de l'octogone est Ornéd'arcatures ogivales. Vis-à-vis [il d'entrée se trouve uneabside rectangulaire, éclairée par nue petite fenêtre. Cetteabside occupe un des pans de l'octogone.A l'extérieur cette

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58 LETTRE A M. DE CAUMONT

exèdre est surmontée d'un petit clocher-arcade à simplefronton, imitant une haute lucarne. A gauche (le cette partiede l'octogone un escalier étroit, à marches fort élevées, mé-nagé dans l'épaisseur du moi-, descend dans la crypte. Decette crypte, suivant Montfaucon, n un chemin large de plusd'une toise, et long d'environ cent, conduit à la rivière, »Dans la chapelle supérieure , et à gauche de la porte d'entrée,un escalier pratiqué, comme le précédent, dans l'épàisseur dumur, sert à monter sur le sommet de la coupole. De là, sansdoute, ou pouvait élever et descendre le fanal placé dans lalanterne. La colonne supportant cette lanterne était, suivantMontfaucou, « un Iuyau de grandeur toujours égale, long dequatre toises » Une colonne semblable et d'égale hauteurenviron, surmonte encore la chapelle funéraire de Fonte-vrault, avec laquelle celle de Montmorillon offre à l'intérieurplusieurs traits de ressemblance.

Le bas-relief, assez étrange du reste, qui surmonte la ported'entrée a , comme la chapelle elle-même au XVIII' sièclevivement excité la sagacité des savants. Il est inutile de rap-porter ici les diverses explications dont il a été l'objet : onles trouvera reproduites dans Tbibaudeau. Ce bas-relief a,dans sa totalité, 2 »' 20 de longueur sur I mètre de haut. Ilse compose de quatre dés de pierre, de 0 »', 33 environ surchaque face , placés à la suite les uns (les autres et séparésentre eux par des vides de 0 111 , 27. Un vide d'égale largeurexiste à chaque extrémité. Ces dés sont apparents au dedanscomme au dehors; aujourd'hui, toutefois, ils sont intérieure-ment masqués par un vitrail. Ceux du milieu portent despersonnages figurés sur leurs quatre faces: ceux de l'extré-mité n'en ont qu'à l'intérieur et à l'extérieur seulement. Toussont très-frustes, les têtes surtout sont fortement endomma-gées. Le bas-relief le mieux conservé représente une femniehue, aux mamelles de laquelle sont suspendus deux serpents

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enlacés à ses jambes ; image sans doute de la Luxure. Je nepuis mieux faire, du reste, que d'emprunter b Montfaucon ladescription du bas-relief de Montmorillon à 1111e époque où letemps et les hommes l'avaient moins endommagé

« Au-dessus de la porte du temple, il y n huit figureshumaines grossièrement travaillées., qui . selon toute appa-rence, sont huit divinités. De ces huit il y a six bonnnes.ceux qu'on voit entièrement de face portent titi àl'antique les antres sont revêtus de tuniques; un portecomme une robe de chambre qui lui descend jusqu'auxpieds, ouverte du liant jusqu'en bas tons ont une ceinture...De deux hommes qu'on voit de face, l'un estest chaussé: et lesdeux antres, qui sont à droite et à gauche, sont pieds nus.Les deux figures qui terminent des deux côtés sont deuxfemmes: l'une, qui a titie longue chevelure pendante sur ledevant, est habillée presque comme les femmes de nosjours... celle de l'autre bout est nue et a deux serpents quilui entortillent les jambes ; leurs tètes répondent à ses ma-ruelles , pour y sucer peut-être son lait: elle les tient serréscontre soit

Ce bas-relief, que je ne chercherai pas à expliquer , ap-partient , à n'en l)S douter , au xr siècle ; c'est l'avisdu reste, de M. de Calembert , qui a fait de la sculptureromane une étude toute pai'tictil ière. Quant à l'octogoneje crois qu'on tic peut le faire remonter plus haut (lue leXII' siècle.

INsCRIPTIoN TUMULAIRE.

Il y a trois ans , en faisant déblayer tille salle attenante àl'ancien chapitre (les Augustins , les directeurs du petit sémi-naire découvrirent parmi les décombres une plaque de plomb,dé 18 centimètres de haut sur 8 tic large, portant une in-

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60 LETTRE A M. DE CAUMONT

scription dont je joins ici le fac-simile. Cette inscriptionformée d'un mélange de ]atinet de français, avait appartenuà la tombe (le l'un des ancê-tres de M. Jules ConduitLa Lande, notre nouveau con-frère de la Société française

'archéologie. Le comte Cdii-don de l'lléraudjère dont ilest ici question, servit gb-rieusement le roi Charles VII,qui, en récompense de ses 00 jbons services, érigea en cnmté/

Me Pyla châtellenie de l'Hérandièi-,par lettres datées de Chinon,en 1A26, et dont l'original estentre les mains de M. (le LatJande. J'ai vu égalementM. de La Lande l'ancienne\

goâf'y

décoration de l'Étoile ducomte de l'liéi'aukliére, Cetteétoile est d'argent massif da-masquiné. La dorure dontelle était recouverte a disparuen partie, par suite de l'ox ydation du métal.

L'ordre de l'Étoile fut établi par le roi Jean cil et lacérémonie d'institution eut lieuà St-Ouen , en octobre de lamême année. L'habit des chevaliers se composait d'une cotteblanche, et par-dessus lin manteau vermeil fourré de vair.Sui' le mantelet était brodée une étoile. La devise de l'ordreétait flfo,,s(rç,,jt i'cgibps asfra Via???. Loi-clic de l'Étoile futsupprimé par Charles VIII. -

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 61

ÉGLISE DE NOTRE-DAME.

L'église de Notre-Dame est située sur un rocher élevé,dominant le cours tic la rivière. L'abside remonte au XII'siècle. Une coupole à pendentifs s'élève au-dessus (le l'inter-transept, et la nef unique appartient au si.yle Plantagenet. Onrestaure aujourd'hui les voûtes, et Cette restaurMion se faitavec soin et avec entente. Le sanctuaire a été odieusement'barbouillé tic peintures sans nom par un peintre en bâtimentsdu lieu le curé espère pouvoir plus tard en confier l'orne-inentation h M. de Caleunbert , qui fera disparaître l'affreuxbadigeonnage qui le dépare aujourd'hui. En 1562, l'églisede Notre-Dame fut brûlée par les Protestants, avec 300 ha-bitants qui s'y étaient réfugiés.

CRYPTE DE S"-CATJiEHTNE.

Sous le sanctuaire et sous le choeur de Notre-Dame setrouve une crypte, distraite aujourd'hui de l'église et devenueune propriété particulière. Oui y pénètre par une maison si-

tuée dans la rue escarpée (lui de ta place Notre-Daine descend -vers la rivière. Ce n'est, à proprement parler, qu'un longcaveau creusé en partie dans le roc, sans colonnes, sans or-nementation architecturale aucune. Elle se compose de deuxparties distinctes et dû, niveaux différents l'abside , dans la-quelle on entre de plain-pied par une étroite terrasse quicomme une sorte (le chemin de ronde , contourne extérieure.nient le chevet de l'église; et la nef, élevée tIc près de2 mètres au-dessus du niveau (le l'abside. Cette espèce detribune naturelle est assise sur Le roc aplani , dont la paroi aété verticalement coupée de manière à figurer comme un murde soutènement vers le chevet de la crypte. Le peu de proton-

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62 LETI'ItE A M. DE CAUMONT

deur (lu sanctuaire inférieur ne permet pas de supposer qu'onait pu jamais y établir des degrés pont monter dans la nef.On descendait de l'église Notre-Daine dans cette partie dela chapelle souterraine, par un escalier aujourd'hui con-damné.

La voûte en cul-de-four de l'abside est ornée de peinturesmurales qui, de l'avis de M. de Galeinbert, doivent remonterau XII' siècle. Placée au centre d'une auréole elliptique, laVierge tient entre ses bras l'Enfant-Jésus. Par un mouve-ment plein d'une grâce naïve , elle attire vers ses lèvres lamain du divin Enfant et l'embrasse avec amour. 0e chaquecôté sont rangées d'autres compositions dont nous n'avons pureconnaitre le sujet , tuais qui doivent se rapporter à la viede sainte Catherine. Au sommet de la voûte , une large au-réole circulaire encadre un cheval blanc dont la tête estceinte du nimbe crucifère. Je voulus tout d'abord croire àune illusion de mes yeux; mais, devant le modelé presque ir-réprochable du coursier symbolique, toute hésitation a dûcomplètement disparaître. Sur quel texte a pu s'appuyer lepeintre pour figurer ainsi le Sauveur du monde? Je ne sais.Dans une dissertation sur les statues équestres des égliseslue au Congrès de Fontenay, M. l'abbé Auber disait « Cequi distingue ce cavalier des trois autres qui apparaissentsnccesssivement, c'est qu'il monte un cheval blanc, symbolede )Voire-Seigneur lui-même, par des raisons qu'on trouverésumées dans . Origène, dans saint Jérôme et dans Estius.Je soumets cette question au savant inspecteur division-naire du Poitou , dans l'impuissance où je me trouve de larésoudre.

Les parois de la partie élevée de la crypte sont ornéesaussi de peintures décoratives. Sur la zone inférieure desmurs, nous avons aperçu de larges arcatures retombant surdes colonnettes frêles et allongées. Ces arcatures encadrent

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 36

des personnages que lotir état de dégradation ne permet pasde reconnaître.

Avant de quitter la chapelle de S- 1-Catherine, j'émets iciUI) voeu que je désirerais voir bientôt réalisé Puisse cettecurieuse et singulière crypte être promptement rachetée soitpar la ville , soit par les Monuments historiques, pour êtrerendue à sa destination première et préservée (l'une ruineimminente.

ANCIEN DONJON.

L'ancien donjon de Montmorillon s'élevait autrefois à très-peu dc'distance de l'église de Notre-Daine. Il n'en reste plusatjourd'hui d'autre vestige que la motte circulaire sur la-quelle il était construit et les fossés à demi comblés.

Le chûteau et baronnie de Montmorillon appartenaient, auXI He siècle, à la famille dé Monléou. Guy de ce nom levendit, en f281, au roi Philippe-le-Hardi; au xr siècleil était possédé par le célèbre La Dire, et après lui il fitretour à la couronne faute d'hoirs milles.

ÉGLISE ST-PIERRE.

La ville de Monimorillon est partagée en deux par la Car-tempe. Sur la rive gauche s'étend en amphithéâtre la partieque nous venons de parcourir, et qui, à proprement parlern'est qu'un vaste faubourg. Sur la rive droite se trouve laville principale , commerçante et industrielle. C'est là que nousallons nous tendre pour visiter l'église de St-Pierre , situéesur le coteau opposé et presque en face de Notre-Dame.

L'église St-Pierre est actuellement en presque complètereconstruction. De l'église primitive il ne teste plus qu'unetour romane carrée , qui doit être conservée, et l'ancienneporte principale qui sera, m'a-t-on dit, démolie après l'achè-veinent du monument nouveau. Cette porte est en ogive

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très-surbaissée et à six rangs 4e voussoirs. De chaque côtédeux arcatures aveugles à plein-cintre , profondes et élevées,offrent une certaine analogie avec les anciens machicoulis duchâteau des Papes à Avignon, sans avoir toutefois jamais servi

•à cet usage.A l'intérieur, la voûte du clocher, qui formait autrefois l'in-

ter-transept, est en dénie Plantagenet , renforcé de nervuresbriques retombant sur (les colonnettes, Cette partie de l'an-cienne nef, mise en communication avecla nef nouvelle par unarc repris en sous-oeuvre , en deviendra le transept gauche.

Au lieu d'adopter le style de transition (lui était celui del'ancienne église, l'architecte primitif de la nouvelle églisede St-Pierre, feu M. Ségretain, de Niort, avait choisi le styledu XIII' siècle.

L'abside est achevée ce qui permet de la juger , et d'ap-précier en partie le plan de l'architecte. La nef principaledont les voûtes s'élèveront à une grande hauteur, seraaccompagnée de deux bas-côtés. Autant que j'en ai pu juger,cette nef présentera certains rapports avec celle de St-Pierrede Poitiers.

La construction , irise dans son ensemble, offre de bonnesproportions quelques détails seulement m'ont paru laisser àdésirer. C'est ainsi que je trouve les contreforts extérieurstrop épais , -relativement à leur élévation. Les crochets et lespanaches qui en ornent les frontons , et ceux qui couronnentles rampants des toits , sont beaucoup trop maigres suivantmoi. Par une économie regrettable , les contreforts situés aumidi et enclavés dans truc propriété particulière, n'ont pointreçu d'ornements semblables à ceux qui , du côté opposé,donnent sur la voie publique. Dans le sanctuaire, les nervuresintermédiaires (le la voûte, celles qui encadrent les fenèti'es etaccompagnent les arcs formerets , sont trop maigres et tropfrêles pour l'ampleur des berceaux. , part ces légers défauts,

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SVfl UNE EXCURSION EN POITOU.

la nouvelle église de St-Pierre sera, autant que j'ert ai pujuger à travers les échafaudages et les clôtures de planchesqui l'encombrent au dedans et au dehors , un monumentremarquable, et digne de l'homme intelligent qui en n dresséle plan. Depuis la mort de M. Ségretain , la surveillance destravaux n été confiée à un architecte dont j'ai oublié le nom,mais dont â1t. de Galemhert m 'a parlé avec le plus grandéloge. C'est cet architecte qui a été chargé de l'agrandissementde la chapelle du séminaire , et il a si bien marié la partienouvelle à l'ancienne , il s'est si scrupuleusement attaché au -style et au plan primitifs que, réunies, ces deux parties sem-blent former une oeuvre d'un seul et premiei' jet. Rare abnéga-tion chez les architectes de nos jours, qui, pour se distinguer,veulent toujours mieux faire que leurs devanciers, et n'arri-vent en somme qu'à faire briller leur pompeuse incapacité.

sxcunsrori A CHAUVIG?Y.

Le lendemain de mon arrivée à Montmorillon, je me trouvaidans le salon de Mg' Pie, au petit séminaire, avec M. de LaLande, ami de Ni. de Galembert. M. de Galeinbert me pro-posa de me présenter à lui, et M. de la Lande me voulutbien faire le plus gracieux accueil, cet accueil cordial , qu'onne rencontre plus que sous les heureuses latitudes , où n'apoint encore pénétré le raide et froid cérémonial moderne.

À Montmorillon , les moeurs antiques , les usages du bonvieux temps se sont conservés purs (le tout alliage. On yrencontre de ces maisons patriarcales , où l'étranger est admisau foyer et à la table hospitalière , où la main qui a serré lavôtre vous ouvre toutes grandes les portes du logis, et oùrègne ce vrai confortable , que n'a point encore supplantéle luxe égoïste et de mauvais aloi qui domine en maint lien.

Certains savants veulent que les anciens Pictons soient demême sang que les Pictes d'Écosse. A en juger par ta condor-

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mité de. leurs moeurs hospitalières , par leur attachement etleur fidélité à Lotit ce qui a été Cobjet de la fidélité et del'attachement de leurs pères je serais tenté de le croireniais n'en parlons pas trop haut par ce temps d'annexion,pour cause d'affinités de race et d'antipathies des senti-ments qui sait ce qui pourrait advenir?

Nous avions, M. de Calerubert et moi, projeté de faire uneexcursion à Chauvigny, pour en visiter IS églises et le châ-jeau. Ne pouvant nous accompagner lui-même, Al. de LaLande nous offrit son fils pour guide. Le lendemain, M. Julesde La Lande nous vint prendre dans sa voiture dès le matin etavant que le soleil eût paru à l'horizon. Ce jour-là, je dois ledire, résistant à tous nos voeux , il ne daigna pas montrer sonradieux visage. Le vent soufflait avec violence, un vent glacialet de mauvais augure. De gros nuages gris couraient affolésdans le dcl , et semblaient annoncer une pluie diluvienne.Rien ne nous put retenir , ni les charitables remontrances deM Êtève , mon hôtesse ni le grincement des girouettes surles toits ni les cris d'allégresse (les canards (lui s'ébattaientdans une marc voisine; nous partimes malgré tout, méprisantces funestes présages , niais regrettant toutefois de taire par-tager à noire jeune et obligeant compagnon de voyage , l'hu-mide aubaine (lui semblait nous attendre.

La route (le Montmorillon ii Chauvigny est accidentée, sansêtre pittoresque. On traverse de vastes landes incultes, mêléesçà et là (le champs cultivés , de prairies marécageuses et decoteaux couverts de vigiles , dont le vin , hélas à en jugerpar celui que me servait M'a' Élève , laisse grandementdésirer. De rares chaumières, comme perdues dans la plaineapparaissent parfois abritées sous des bouquets d'arbres dechétive tenue. Quelques grands bois, un château à la t%lan-sard, un ou deux grands logis sont tout ce que nous avonsvu de plus remarquable durant un trajet de six lieues.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 67

ÉGLISE NOTRE-DAME.

Pendant qu'oI préparait notre déjefiner, et ne voulant pasperdre un instant, , nous fûmes visiter l'église Notre-Dame,située dans la ville basse , à jeu de distance de l'hôtel oùnous étions descendus. Cette église n'offre rien de remar-quable à l'extérieur que soli abside et ses deux absidioles ro-mares, ornées de colonuetts en application. A l'intérieur, lavoûte du clocher qui surmonte l'intertransept est en faussecoupole octogone avec trompes dans les angles, conformémentau type commun du roman poitevin. Dans le fond du tran-sept gauche, d'anciennes fresques du XV siècle représententle Sauveur portant sa croix , suivi de figures de papes, decardinaux et d'évêques. Une inscription surmonte ce tableaunous n'avons pu la déchiffrer complètpment à cause de sonétat de dégradation. Dans le choeur deux chapiteaux historiésreprésentent: l'un Adam et Éve près de l'arbre de la science,et l'antre deux griffons avec un calice à long pied entre euxdeux. Les aunes chapiteaux se composent d'entrelacs perlésavec volutes en spirale sons l'angle du tailloir. Près de laporte du clocher, un fragment de peinture décorative en imi-tation (l'appareil à doubles filets croisés a attiré l'attentionde M. de Galembert, qui en pris une esquissa An moment(le notre visite , titi bol] prêtre faisait le catéchisme aux en-fants; les regards distraits du jeune auditoire suivaient tons

nos pas et leur attention en était troublée; d'un autre côté, *

nos estomacs à jeun nous rappelaient l'heure avancée; nousnous hâtâmes d'aller chercher notre déjeûner de carême.

DONJON DE cnAUVIGNY.

Le donjon de Chauvigny, situé sur le point culminant de

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la ville haute et à l'extrémité du plateau qui lui sert (l'as-siette, domine au loin tout le pays d'alentour. I] est presquede toutes paris entouré d'escarpements à pic , renforcés demurailles à tours cylindriques. Il est en forme de parallélo-gramme, avec contreforts rectangulaires peu saillants. Lesoubassement est percé de meurtrières, et le premier étageest éclairé par des baies géminées encadrées dans tin arceauà plein-cintre. La voussure de cet arceau se compose delarges claveaux partagés en deux par un faux joint , (le ma-nière à imiter des claveaux cunéiformes. Les angles du pa-rallélogramme sont flanqués de tourelles, dont trois reposentsur des corbeaux carrés CL la quatrième. sur deux petits arcsen forme de trompe.

Le premier étage , dont il ne reste plis que les muraillesmesure à l'intérieur 17 mètres de long sur 13 de large. Adroite et gauche, dans le sens le plus étroit, des corbeauxen saillie recevaient la portée des poutres transversales. Uneseule cheminée à Lover semi-circulaire apparaît au-dssus durang de corbeaux. Deux tourelles d'angle font saillie à l'in-térieur l'une est portée sur un pilier carré , l'autreur unpetit arc jeté d'un mur à l'autre.

En dehors de l'enceinte du donjon s'élève une haute mu-raille isolée , au sommet (le laquelle on aperçoit commesuspendus une vaste cheminée et un pan (le voûte , restesd'une ancienne chapelle. Des pots enchâssés au milieu dumassif de la voûte présentent au dehors leurs larges goulotsdestinés à rendre la salle plus sonore ou distingue aussi unepetite crédence. Cette dernière construction remonte au XV'siècle et le donjon au Xl'

CHATEAU n'uAncouIT.

Un second château se trouve à peu de distance de celui

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 69

que nous venons de visiter. Il portait le 110111 d'Harcourtemprunté à la famille à laquelle il avait primitivement appar-tenu. Sous Charles VJI , il passa aux évêques de Poitiers,possesseurs depuis Le milieu du XP siècle (lu donjon prin-cipal. Il tic reste plus (le l'ancien château, qui sert aujourd'huide gendarmerie et (le prison, qu'un corps-de-logis remontantau XIIIt siècle.

clAvEAU DE MONLON.

Le château de Nionléon est près de l'église de St-Pierre.C'est une espèce de donjon carré, flanqué de tours d'angleet construit en partie eu pierres brutes à peine équarries, re-posant sur tin ancien appareil antérieur régulier. Il était en-touré d'une chemise, dont on aperçoit encore une tour etquelques pans de murs Guy de Monléon, de Monte Leonis,

le vendit en 295 à Gambier de Bruges, évêque de Poitiers.Ce château me remet en mémoire un trait de courage et

de fermeté épiscopale qu'il me plait (le rappeler ici. Guil-laume VII , duc d'Aquitaine , prince licencieux et débauchéavait enlevé la vicomtesse de Châtellerault. Lassé de lui fairedes remontrances inutiles , Pierre Il , évêque de Poitiersdut en venir à lancer contre lui l'excommunication. Au jourfixé, le prélat, au milieu du peuple réuni dans l'église cathé-drale , columencait la formule , lorsqu'entrant comme unfurieux , Guillaume le saisit par les cheveux et lui mettantson poignard sur la gorge Donne moi l'absolution , lui crie-t-il, ou je te tue. Calme et impassible, l'évêque lui demandeun moment de liberté. Guillaume le lâche. L'évêque achèvealors de prononcer les paroles d'excommunication puistendant sa tête au duc d'Aquitaine Tue-moi maintenant, luidit-il. » —« Je ne t'aime pas assez, répond Guillaume, pourt'envoyer au ciel. o IL le chassa de son siège et l'exila à Chati-

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vigny. Ceci se passait en 1414, On croit que ce fut Pierre IIpal fonda dans celte ville l'église de Notre-Daine.

ÉGLISE DE SÂ1NT-l'LEBRK,

L'ancienne collégiale de St-pierre appartient au romanfleuri du commencement du XIV siècle. Elle se termine versl'est par trois absidioles ornées extérieurement d'arcatures ciiapplication , de colonnettes , (le chapiteaux , de modillonsd'une grande richesse d'exécution. La lotir d'escalier du clo-cher , placée près de l'absidiole du sud , est recouverte d'untoit imbriqué dans le genre des tourelles du portail de Notre-Dame de Poitiers, contemporain,je le crois, de l'église de St-Pierre. Le sommet de ce toit est surmonté d'une petite statuede saint Michel. Une corniche à modillons et à métopes his-toriés couronne le transept méridional , dont une fenêtreporte, inscrites en creux dans son archivolte, toutes les lettresde l'alphabet roman.

En examinant extérieurement le chevei de l'église de Chau-vigny , j'ai rencontré une disposition que je n'avais aperçuecomplète nulle part encore , mais que j'avais soupçonnéepourtant d'après certains indices recueillis ailleurs. La cou-verture des absidioles et celle de l'hémic ycle de l'abside nesont point extérieurement apparentes le toit figure une cou-pole découronnée , composée de quatre assises de pierresd'appareil , montées verticalement au-dessus de l'entablementet formant comme le tambour de la calotte, et de trois assisesinclinées vers le centre du demi-cercle, figurant une calottetronquée. Dans la plupart des églises romanes, cette enveloppeextérieure du toit a été supprimée pour laisser déverser leseaux pluviales au dehors; niais on aperçoit souvent les Pre-mières assises. A Chauvigny , cette enveloppe se retrouveégalement au-dessus de l'entablement de la nef et des trait-

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septs mais, bien que fort aplaties, Is charpentes demeurent.apparentes.

L'intérieur de St-Pierre offre plus d'intérêt encore quel'extérieur. Nous y trouvons une nef voAtée en berceau, ac-compagnée de bas-côtés surmontés d'une voûte d'arête ,et seprolongeant en déambulatoire autour du sanctuaire. Tus lesarcs sont en plein-cintre, à l'exception des trois plus rappro-chés de la porte, qui sont en ogive obtuse. Une fausse cou-pole octogone, avec trompes dans les angles, couronnel'intertransept. Mais ce qui , par-dessus tout, a le plus vive-ment et le plus longuement captivé notre attention , ce sontles curieux chapiteaux historiés qui surmontent les colonnesde l'hémicycle du sanctuaire. Je ne puis mieux faire que deles décrire successivement, en commençant par celui qui nousa paru le plus intéressant par l'inscription qui l'accompagne.C'est le chapiteau gauche de l'arceau médian du sommet del'abside. Ce chapiteau, qui représente les Mages offrant leursprésents à l'Enfant-Jésus , contient un personnage surmontéde ces mots: Go/'ridus me feciL Quel fut ce Godefroy? fut-cele fondateur, l'architecte, le sculpteur? C'est ce que l'onignore. Ailleurs, un ange annonce aux bergers la naissance duSauveur dans le nitnbe qui ceint la tête di, messager célestesont écrits ces mots: Gabriel anqelus, et sur le tailloir : Dixitgloria in oxcelsis; au-dessus d'un Pasteur, cri lit : Pastores;au-dessus de l'autre : Pester bonus. Partout, et dans chaquecomposition, une inscription explique et complète a penséede l'imagier. Un homme est assis et pleure, c'est Babyloniadeserta; un ange tient une balance et un démon pèse surl'un des plateaux; dans le nimbe de l'ange on lit : Jiicoel, et

au-dessus du démon : ecce diabolus. Une femme, les cheveuxdénoués sur les épaules, vêtue d'une robe à longues manches,

tient d'une main des vases à parfums, et de l'autre une cas-solette c'est la figure de Babylone, la grande prostituée

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Baôylonia magne meretrix (1). Plus Ioin,c'est l'Annonciation,avec le mot Maria dans le nimbe de la Vierge. La mêmeinscription se retrouve dans la Présentation avec lUS XPSau-dessus de la tête de l'Enfant-Jésus, et Simeon au-dessusde celle du saint vieillard Siméon. Toutes ces inscriptions sontgravées en creux et en caractères du XJP siècle.

Pendant que nous nous livrions à ces observations si pleinesd'intérêt, le curé de St-Pierre vint nous trouver dans sonéglise, et voulut bien nous donner , avec une obligeance ex-trême, des renseignement.s dont quelques-uns trouveront placeici. Il nous dit, entre autres choses, qu'il ya quelques aunées,M. Alfred Ramé vint à C1'hanviguy et releva à l'estonipe lesinscriptions lapidaires que j'ai transcrites tout à l'heure.M. Ramé destinait vraisemblablement ses recherches à l'étudequ'il préparait alors sur les églises romanes puisse-t-ilbientôt mettre au jour cet important travail , impatiemmentattendu par les amis de l'archéologie.

En passant près de la chapelle absidale qui se trouve der-rière le sanctuaire, M. le curé de St-Pierre nous fit remar-quer une excellente statue cmi bois de la Sainte-vierge tenantl'Enfant-Jésus dans ses bras, oeuvre du commencement duXYII e siècle. Il nous raconta tue, pendant la Révolution, laPauvre Madone avait servi de déesse de la Raison. Pour luidonner la figure de son emploi , les auteurs de cette stupideprofanation scièrent l'Enfant-Jésus qui se trouvait taillé dansle même bloc, et après avoir recouvert la statue de la Vierged'oripeaux aux trois couleurs, ils l'offrirent aux adorations

(i) t Quelquefois l'ltglise est i-eprésentée sous l'image d'une cour-tisane, parce qu'elle appelle à elle tontes les nations, et ne ferme Mnsein à aucun de ceux qui reviennent à elle prop:er ecclejiapi de yen-mUnis cûngregagam, et quia nutti cle gudis greniium edeuuti ait se.Guillaume Durand, lintionale divinurum officiorum, cap. i.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 73

des libres-penseurs de Chauvigny. Aujourd'hui la Madone arepris sa place dans l'église de St-Pierre , et l'image du divinEnfant, heureusement retrouvée, repose de nouveau dans lesbras de sa mère.

Dans une autre chapelle, M. le curé nons fit voir un fortbeau reliquaire en bois doré, (lu temps de Louis XIV, conte-nant une partie du chef (le saint Martial.

Le bas-côté de droite renferme le tombeau arqué d'unprêtre dont on ignore le nom ; ce tombeau remonte auXIVt siècle. Deux anges sont placés h la tête du défunt, dontles pieds reposent sur un chien. L'arcade est ornée de colon-nettes en application avec chapiteaux à double rang de feuil-lages. Le cercueil est à panneaux ogivaux.

Une autre tombe de la même époque, nais non placée sousune arcade, offre, comme la précédente, la statue d'un prêtrecouché sur le couvercle. Sa tête est appuyée sur un coussin

trois anges sont assis de chaque côté du défunt sur la pierre-sépulcrale , et un chien repose à ses pieds. Ce tombeau a2 mètres de longueur.

Avant que la pote eût été abaissée au niveau où on lavoit aujourd'hui , on trouvait en entrant nue espèce de palierélevé au-dessus de l'aire de la nef, sous lequel était pratiquéle caveau sépulcral (les seigneurs de Chauvigny.

Il ne me reste plus qu'à signaler une ancienne cuve bap-tismale dont les bords sont découpés intérieurement et exté-rieurement de manière à figurer huit lobes. La pierre étépiquée et enduite de ciment peint en rouge à l'extérieur. Jecrois cette cuve du XIII' siècle.

L'église de St-l'ierre a sous voûte 50 pieds d'élévation daimsla nef et 60 sous la fausse coupole. Sa longueur est de444 pieds; sa largeur de 37.

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ANCIENNE MAISON.

J'ai oublié de signaler, vis-à-vis du château de 3lonléou,une ancienne maison du XV' siècle qui un instant attiranotre attention. Nous y avons remarqué, figurée sur la façade,une sirène tenant d'une main un miroir et de l'autre unPeigne qu'elle passe dans sa longue chevelure. Ce morceaude sculpture forme cul-de lampe à la retombée de l'archivolted'une fenêtre. Était-ce tin emblème , était-ce titre fantaisie del'artiste? qui saurait le dire?

RETOUR A )IONTMORIL.L,ON.

Après avoir visité l'église de St-Pierre avec toute l'atten-tion et tout l'intérêt qu'elle mérite , noirs primes congé deAl. le curé de Chauvigny. Du haut de la terrasse du presby-tère. d'où l'on domine l'horizon presque entier, nous aperce-vions de gros nuages noirs du plus sinistre augure. La nuitapprochait, le ciel chargé d'eau semblait prêt à fondre surnos têtes nous nous h;1tme.s de rejoindre notre véhicule etbientôt nous courions à toute vitesse sur la route de Mont-morillon. Nous avions beau courir, IlQUS ne pouvions fuirnotre destin : il était écrit que ce jour-là Flous serions inondésjusqu'à la nioêlle des os. La voiture de M. Jules de La Lande,conitlle celle de tout jeune homme sans crainte et sans dou-leurs, était une américaine découverte et dénuée de toutabri contre les intempéries de la saison. Sous les rafales in-cessantes du vent, nos parapluies pliaient, se tordaient , pre-naient toutes les formes, échappaient à nos mains glacéesun lac, toujours entretenu par les sources célestes, s'étendaitsous nos pieds et sur nos sièges , et pourtant mon ami, M. deGalembert, dormait. Enveloppé dans son large burnous,

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SUR UNE EXCURSION EN -POITOU. 75

fidèle compagnon de ses vo yages, avec lequel il avait couchésous la tente, bivaqué au désert des rives du NU, aux bordsdu Jourdain , et des bords du Jourdain aux plages du Bos-phore, il dormait, rêvant peut-être ait ciel d'orient, ceciel d'azur et sans nuages, où la brise est douce , la roséetiède et bienfaisante ; il dormait , le cher comte , et ne se ré-veilla qu'aux approches de Montmorillon. Il avait pour luipassé comme mi songe, ce voyage, (lui pour nous avait étéune si longue réalité. Mon hôtesse inc regarda d'un air quivoulait dire: Ne vous en avais-je pas prévenu? Bientôt pourtantnous fûmes séchés et réchauffés, et tout fut oublié.

Dans la soirée qui se prolongea fort avant dans la nuit , etpendant que nous fumions le calumet de l'hospitalité dans lecabinet (le M. Jules de La Lande , noire jeune confrère nousmontra sa curieuse collection d'objets antiques. La plaque tu-mulaire et t'étoile dont j'ai parlé plus haut , une charmantestatuette en Cuivre émaillé du XIII' siècle, la dépouille d'unchef franc trouvée à peu de distance de Montmorillon , sonsabre, soi' augon orné d'anneaux d'or, sa framée, un débrisde casque, des médailles, et unifie autres objets que je ne sau-rais détailler ici. Ce qui nous intéressa par-dessus tout, ce futla collection de lettres originales d'lleuri 1V, de Marie deMédicis, de Sully, de Louis XIII , du prince de Condé, aunombre (le 150, adressées à l'un de ses aïeux , Marreau deBoisguérin, gouverneur de .Loudun et (lu Lorudunois.

DE MONTI1ORtII.0N AU BLANC.

Nous devions quitter Montmorillon le lendemain pour un usdiriger vers le Blanc. M. Jules de La Lande voulut encorenous accompagner jusqu'à la station que nous comptions faireau château de St-Hilaire chez son parent, Ni. de Chergé.Ctte fois, ce fut dans la voiture de M. (le La Lande pète, (lue

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• LETTRE A M. DE CAtJMONt

nous nous installâmes fort confortablement , narguant le ventet la pluie. Les cataractes du ciel avaient sans doute étéépuisées par le déluge de la veille : nous eûmes cajour-là leplus beau temps du monde.-

La route de Montmorillon à St-Savin où nous devionsnous arrêter en passant, côtoie presque continuellement lesbords de la Gartempe. C'est une suite de sites variés , pleinsde fraîcheur et de végétation. De beaux rochers au large frontchauve apparaissent, de temps à autre, sous les bouquets debois (lui bordent le chemin. Dans les plis des vallons, sur lespentes accidentées des coteaux, des châteaux , de jolies habi-tations des champs, encadrées de fleurs et d'ombrages , %'ien-nent égayer le paysage et lui donner de la vie. Nous arrivâmesainsi au petit village de louhé, Où flous avions à visiter unechapelle particulière, ornée d'anciennes peintures murales.

JOUR É.

Bien que dépourvue de tout caractère architectural, la cha-pelle de Jouhé rions a semblé remonter au XVI' siècle. Elleest située sur le bord de la place qui précède l'église parois-siale, et qui doit être un ancien cime tière. Elle renferme lestombes de deux membres de la famille de Moussy, et celle deM. d'Aubotitet. Cette dernière remonte à quelques annéesseulement.

Au fond de l'abside, de forme rectangulaire , sont repré-sentées la Création, la Chute originelle, et dans un angle l'An-nonciation. A la voûte, onvoit notre Seigneur accompagnédes quatre Évangélistes; saint Mathieu est figuré par un angetenant une banderole où est écrit : Alat//arus homo; saintJean, par l'aigle symbolique, avec ces mots Johannes àvis;saint Lue, par le boeuf, avec la légende: Lucas bas. L'inscrip-tion de saint Marc est effacée.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU.

Les tableaux figurés sur les murs latéraux forment deuxzones superposées, et séparées par une bande ornée de quatre-feuilles. Ils représentent le Dici des trois morts et des troisvifs, le Jugement dernier, la Nativité, l'Annonce aux bergerset l'Adoration des Mages Dans la zone inférieure, toutes lesfigures sont noires, mais oti s'aperçoit qu'elles ont été préala-blement esquissées en traits rouges. M. de Galembert croitque le noir n'a élé appliqué que postérieurement , et qu'àl'époque primitive, les ligures de cette zone avaient, commecelles de la zone supérieure , reçu un coloris naturel ; je nepartage pas cet avis.

L'église paroissiale (le Jouhé appartient au style Planta-genet tic lauin du XII' siècle. Elle n'a qu'une seule nef. L'absiderectangulaire est percée de trois fenêtres en plein-cintrelongues, étroites et fort évasées à l'intérieur. Ce ne sont, àproprement parler, que des espèces de meurtrières. Celle dumilieu est un peu plus haute que les deux autres. Le jour nem'a pas paru avoir plus de 15 à 20 centimètres.

A NT IGN Y.

Notre seconde station eut lieu à Antiguy , où nous ai-ri-vâmes en. passant un bac que conduit un pauvre idiot, couvertde haillons. Dans cet endroit , la rivière, profondément en-caissée, est dominée par des rochers à pic de l'effet le pluspiltoresque. C'est un site que je pourrais indiquer aux ama-teurs de la nature sauvage ils y trouveraient de charmantssujets d'étude pour leurs crayons; s'ils s'en sentaient le cou-rage, le pauvre batelier lui-même leur offrirait un type dignede figurer auprès des grotesques de Callot.

Le premier objet qui frappa notre vue fut la lanterne desmorts, située dans l'ancien cimetière, converti aujourd'hui enplace publique. Cette lanterne appartient au XIIP siècle,

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comme l'indiquent les chapiteaux à crochets et les basesornées de pattes des colonnettes d'angle. L'intérieur de lacolonne est percé d'un tuyautuyau carré , dans lequel on pénètrepar une ouverture placée du côté du nord. De petites entailles,semblables à des boulins de pigeonnier , servaient à monterau sommet de la lanterne. Vous avez , du reste , Monsieur leDirecteur., donné une description et un dessin de cet ancienmonument dans votre A bécédaire (archéologie, qui me dis-pense.d'entrer dans de plus amples détails.

Il est à croire qu'au moyen-Age la population d'Antignyétait beaucoup plus considérable qu'elle ne l'est aujourd'hui.Partout sur la vaste place (lui entoure le fana! , dans les che-mins qui l'avoisinent , dans les jardins du village , dans lesmaisons, partout s'étend une couche serrée, pressée de tombesde toute grandeur, dont un grand nombre montrent, à fleurde terre , leur rebord usé par le pied des passants et par lesroues des chariots. Toutes offrent la même forme celle d'unauge plus large à la tête qu'aux pieds. Le cimetièrè .a plusd'unhectare d'étendue. Le Conseil administratif de la Société fran-çaise d'archéologie a bien voulu, sur ma demande, allouerdes fonds pour y pratiquer quelques fouilles. M. J. de laLande, qui s'est chargé de diriger les travaux, rendra comptedu résultat de ses recherches , qui , moins fructueuses que jeJ'avais espéré , n'ont pas laissé cependant d'amener la décou-verte d'objets curieux et iutéressants: entre autres, une tombecreusée dans une borne milliaire, avec une inscription dutemps d'Adrien.

Une voie romaine passait à tin kilomètre d'Antigny.

]ÉGIASE.

L'église d'Àntigny n'offre de remarquable que l'anciennechapelle seigneuriale de la famille de Boisuiorand, transformée

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aujourd'hui en sacristie.. Nous y avons retrouvé des peinturesmurales, offrant une grande analogie avec celles de Jouhé,moins les figures -noires: La légende des trois morts et destrois vifs , l'Annonciation , la Naissance de notre Seigneurl'Adoration (les Mages , le Massacre (les innocents , la Scènedans laquelle Judas est représenté à genoux et isolé, la Passionet Jésus bénissant au milieu des quatre Évangélistes. De lachapelle d'Antigny ou (le celle de .Jouhé, quel a été le modèle,quelle a été la copie? Les tableaux appartiennent-ils à la mêmemain et à la même époque? Nous l'avions pensé, Ni. de Ga-lembert et moi , et nous les avions attribués au XVI' siècle,(lotit ils offrent tous les caractères et les costumes. Mais voilàqu'une inscription, relevée dans le clocher d'Antigny, m'esttransmise par M. de La Lande. Elle concerne une fondationde messes faite pour messire de Boismorand, chevalier, enconsidération (le la restauration de l'église et de la construc-lion de la chapelle de Ste_Catherine, en date de 1642. Voilàqui renvoi-se toutes nos appréciations. M. de Galembert, con-sulté par moi, me répond; o La date de 1642 dans le clocherd'A ntigny est un fait très-i n [éressaut et qui vient , avec plu-sieurs autres à ma -connaissance, confirmer cette propositionque l'art national avait jeté de si profondes racines, qu'ilfaut arriver à Louis XIV pour en perdre complètement latrace. u

L'extérieur de l'église nous a offert, dit du chevet, toutun soubassement bâti avec des tombes et des couvercles detombes placés sur champ et entremêlés de tuiles à rebords.Deux litres superposées sont peintes sur les murailles.. Untombeau apparent , placé devant la porte , est supporté pardeux courtes colonnettes jumelles à chapiteaux ci à crochets.Une croix, ornée de lobes ogivaux dans les angles des bras,est sculptée sur le couvercle elle ne porte aucune in-SCt'iptioO -

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80 LETTRE A M. DE CAUMONT

Je ne mentionne que pour mémoire les ruines du châteaud'Antigny appartenant à M. de Boismorand. Ces ruines sontpeu importantes, et annoncent le XVP siècle. Un établisse-nient de soeurs pour l'éducation des enfants et pour la visitedes malades a été fondé, près du vieux manoir, et sur unepartie de ses dépendances pouvait-on lui donner une meil-leure destination

SAIN T-SA VI N.

Que reste-t-il à dire aujourd'hui de la célèbre église deSt-Savin qui n'ait été écrit, publié et répété maintes et maintesfois ? Aussi n'en dirai-je que quelques mots et pour payer letribut d'admiration (lue tout archéologue doit à cet intéressantmonument.

Dans ses vastes proportions, l'église de St-Savin nous offrele type commun des basiliques romanes du Poitou. Nef re -couverte en berceau , bas-côtés en voûtes d'arête, faussecoupole, transepts avec absides, sanctuaire oblong entouréde colonnes monocylindriques et absidioles rayonnantes, va-riant quant au nombre qui est (le cinq ici.

La tour du clocher, robuste donjon carré orné de contre-forts peu saillants et que surmonte une flèche de l'époque ogi-vale , forme narthex à l'entrée de la basilique. Les trois pre-mières travées de la nef sont munies d'arcs doubleaux, tandisque celles qui leur Font suite ne forment qu'un long berceausans arcs. De ces trois premières travées , les quatre piliersles plus rapprochés de la porte dessinent en section un quatre-feuilles dont les lobes sont figurés par le plan des colonnettesengagées; les deux suivants, beaucoup plus épais, présententun petit arètier rectangulaire dans l'angle formé par la jonc-tion des lobes , et ceux qui leur font suite dans la nef sontmonocylindriques.

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SUR UNE EXcUBSION EN roxtou.M

La huitième livraison du Bulletin monumental de 1866contenait un compte-rendu de la transformation qu'a subieen ces derniers temps la crypte de St-Sai'in. Les découvertesqui ont amené M. l'abbé Lebrun à établir l'abside actuelle kla placede l'ancien escalier, et les nouveaux escaliers à la placede l'ancienne abside , ces découvertes, énumérées dans leBulletin monumental, m'ont paru justifier les changementsqui ont eu lieu. Je ne m'étais pas toutefois rendu par la lec-ture un compte exact de l'effet qu'ils devaient produire, et ceteffet , je le dois dire , n'est pas heureux. Vus de la nef, lesdeux escaliers étroits et resserrés par lesquels on descend auxportes de la crypte, l'exiguité de ces portes, leur forme singu-lière, tout cela choque dès le premier abord. Si l'on pénètrek l'intérieur, l'effet est le même.

Antérieurement aux aménagements récents, l'entrée de lachapelle souterraine était placée à l'est, derrière le sanctuaire,et l'autel se trouvait appliqué contre le unir de l'ouest. Pourparvenir k disposer l'entrée de ce côté , après avoir reportél'autel à l'est , on a conservé la partie médiane du mur (lel'ouest, et de chaque côté on a ouvert, ou rouvert deux pe-lites baies larges de OmôO cent., dont les jambages sont droitsdei côté du pilier du miLieu, et cintrés du côté qui toucheles parois latérales de la voûte. On ne peut mieux figurer cesdeux petites portes qu'en les comparant à la lame d'uncouteau dont le tranchant serait tourné vers le centre de lacrypte et le dos vers les côtés. Cette disposition , comme onle voit., est loin d'ètre gracieuse. Le pan de mur conservéentre les deux baies, correspond à la porte du sanctuairesituée immédiatement au-dessus , et de même largeur que cepilier.

Les peintures murales de la crypte reproduisent la vie etle martyre de saint Savin et de saint Cyprien, soiecomplétés pat' des légendes explicatives. Au fond de l'abside

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LETTRE A M. DE CAIJMONT

actuelle, est figuré le Christ au milieu d'une auréole, bénis-saut d'une main etet, de l'autre , tenant un livre ouvert. Lesvoûtes de la nef offrent en tableaux les priucipauxévénements,des premiers âges (lu monde , depuis la création jusqu'à lamission de Moïse. Les piliers sont peints en imitationd'agate cC de marbre. Les couleurs employées dans lesfresiues sont: le blanc, le noir, le rouge, le jaune, le vert,le blet] et les teintes provenant de la combinaison (le quelques-unes de ces couleurs entre elles.

VILLE-SALEM.

En quittant St-Savin, M. de La Lande voulut nous conduireà Ville-Salem, ancienne église dépendant autrefois de l'abbayede Fontcvratilt et convertie aujourd'hui en étables , engranges , en selliers et en chambres d'habitation. Pour nousy rendre, nous dûmes prendre , en quittant la route deSt-Saviu a la Trémouille, un chemin rural boueux, défoncé,coupé de fondrières et de lacs provenant sans doute -de lapluie torrentielle (le la veille. Les chevaux marchaient avecpeine, la voiture faisait entendre de temps à autre des craque -ments peu rassurants nous crûmes prudent de mettre piedà terre. Nous trouvâmes bientôt une ancienne voie pavée,oeuvre sans doute des religieux dépossédés , et que borde uneavenue d'arbres après l'avoir suivie pendant deux à troiscents mètres, nous arrivâmes à l'étape ardemment désirée.

L'église de Ville-Saletu et L'ancienne abbaye, dont il resteun grand corps-de-logis délabré, sont situées dans un pli deterrain ombragé et solitaire. C'est bien là un de ces sites sau-vages, comme les choisissaient de préférence les colons mo-nastiques qui fertilisèrent autrefois nos sols les plus ingratspar leur travail et leur industrie. Ceux qui les ont dépouillés,qui les ont proscrits , pu les ont poursuivis de leurs stupides

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colèrés, recueillent, après eux, le fruit de leurs sueurs. Riende triste comme ce petit coin de terre qui porte un des mo-numents les plus splendides du Poitou riche dans sa misère,admirable quoique souillé et profané , magnifique dans sondélabrement. Devant un tel spectacle le coeur se serre, etl'esprit fait d'amers retours. En appercevant Ville-Saleml'émotion chez moi a été si vive et si profonde , qu'après plusd'un mois passé je la retrouve, en écrivant ces lignes, à peineassoupie et prête à se réveiller.

Figurez•vons, Monsieur et cher Directeur, tout ce que leroman Poitevin a de plus luxuriant; une exubérance telleque l'on dirait que la pierre a fleuri sous la main de l'artisteet a produit ces mille détails dignes-de l'Orient. Eh bien!voir tout cela entouré, inondé d'ordures, voir des fumierspartout, des bauges infectes se cramponnant, s'éta yant sur cesmurs ciselés comme tin joyau, une mare jaunâtre croupissantau pied des absides, les murailles couvertes de ces plaies , deces crevasses que crée ou qu'utilise l'industrie besogneuse dupaysan , et ne pas se sentir ému , ne pas faire de tristes ré-flexions sur les temps , sur les doctrines et sur les convoitisesqui ont amené et produit ces infâmes outrages en vérité, celan'est pas possible.

Malheureusement il se faisait déjà tard quand nous arri-vâmes à Ville-Salem, et nous étions attendus pour l'heure dudîner chez M. (le CMrgé, à plus de trois lieues de là. Pourcomble de malencontre, plusieurs portes étaient fermées, et leshabitants • des logis étaient aux champs. Nous ne pûmes doncétudier comme nous l'eussions voulu le vieux monument.M. de Galembert dessinait; je prenais des notes à la hâteM. de la Lande, jeune et agile, escaladait les retranchementséclopés qui flous masquaient les détails intérieurs et noustransmettait le fruit de ses observations grâce à tous cesefforts réunis, je vais pouvoir vous en esquisser quelques traits.

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84 LETTRE A M. DE CAW4ONT

Bien qu'appartenant à l'époque de transition, cette égliseest toute romane à l'extérieur , dans sa forme et dans sesdétails. D'une richesse extrême au dehors , elle est au dedansd'une sobriété presque sévère. Elle se compose d'une grandenef voûtée en berceaux ogivaux, et de bas-côtés couronnés devoûtes d'arête, Les petits arceaux qui séparent entre elles lestravées des bas-côtés sont ogives, tandis que les arcsfrmerets sont eu plein-cintre. L'arc triomphal et ceuxqui découpent la hase du clocher sont en arc aigu, et la voûtequi les recouvre est en dôme surhaussé, renforcé de nervurestoriques. Cette sorte de voûte ne' serait-elle pas venue del'abbaye-mère de Fontevrault, modifiée comme à St-Pierre deSaumur, par l'adjonction des nervures? Du reste, les chapi-teaux (le la nef offrent une grande analogie avec ceux quiFontevrault , surmontent les colonnes (le I'intertransept, Lestransepts sont munis de chapelles absidales voûtées en cul-de-four ; une abside unique oblongue et sans déambulatoirecouronne la tête de la croix. Les absides soin ornées inté-rieurement d'arcatures retombant sur des colonnettes enga -gées. En général , l'ornementation est végétale, et les chapi-teaux de- la nef offrent les feuilles grasses recourbées , quibientôt s'épanouiront en crochets. 'l'eus les murs des absidessont recouverts d'un enduit qui annonce d'anciennes pein-ttires décoratives.M. de Galembert, toujours heureux de ren-contr&r sur son passage une trace amie, m'a trés-particulié-renient recommandé ce détail je n'ai garde de l'oublierajoutant que la sobriété intérieure de l'église (le Ville-Salemprovient de cc que, dans la pensée de l'architecte qui l'aconstruite, la peinture devait venir suppléer le ciseau.

A l'extérieur, et du côté du nord, se développe la richefaçade dont j'ai parlé plus haut. Au midi, l'adhérence desbâtiments claustraux excluait toute ornementation. La porteaccompagnée à droite et à gauche de deux colonnes , et de

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deux colonnettes d'un moindre module, est surmontée d'unequadruple archivolte : la première composée de palmettes àtrois lobes ; la seconde de billettes avec palmettes aplatiesta troisième de têtes de clous et de fleurons; la quatrièmede petites spirales accouplées deux à deux , se contournantl'une à droite , l'autre à gauche , frêles et ténues comme lesvrilles de la vigne. Les claveaux sont ornés de têtes-platesalternant avec des oiseaux fantastiques. Cette façade est percéede quatre fenêtres fort larges en plein-cintre, revêtues deriches moulures.

Une seconde porte se trouve à l'ouest, accompagnée de deuxarcatures aveugles remplies d'une espèce d'appareil imitantles compartiments symétriques des vitres montées en petitplomb. La porte et les arcatures sont surmontées, au premierétage, par des fenêtres couronnées d'archivoltes de formesvariées , et dont l'une offre une guirlande soutenue de dis-tance en distance par une main sortant du creux de la mou-lure. En voyant ce gracieux détail si original , je me croyaisreporté au XV' siècle; mes notes mentionnent des niétopes,sans indication de l'endroit où elles se rencontrent: ma mé-moire ne pouvant pour le moment suppléer à cette omission,je nie contente de les signaler sans autre commentaire.

Il était plus de six heures du soir quand nous quittâmesVille-Salem , regrettant vivement de n'avoir pu prolongernotre visite. Je me disais en m'en allant : je reviendrai un jourici , je reviendrai étudier ce curieux monument en détail et àloisir , avec le temps et l'attention qu'il mérite. Le présentnous appartient; mais l'avenir, qui sait? l'avenir est entre lesmains de Dieu.

SAINT-HILAIRE.

La nuit tombait lorsque nous arrivâmes à St-Hilaire. Je

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86 LETTRE A M. DE CAUMONT

n'avais pas revu M. de Chergé depuis le temps, hélas I déjàéloigné, où nous nous trouvions ensemble à Poitiers , sur lesbancs de l'École de Droit, lui , achevant ses cours; moi , tescommençant Tous deux nous avions vieilli, mais l'ancienneaffection ne s'était point refroidie, et ce fut avec bonheur queje pus lui serrer la main et m'arrêter quelque temps sous sontoit ami.

Ce fut une bonne soirée et bien remplie que celle que nouspassâmes en cercle serré autour du foyer dii château deSt-Hilaire causant de notre temps d'autrefois , des chosesd'aujourd'hui , et de beaucoup d'autres choses encore, Cescauseries, égayées de cc sel gaulois dont M. de Chergé est siprodigue , ne seraient point sans charme , j'en suis certainpour les lecteurs du Bulletin anomnncn tel; mais, commel'histoire moderne y a eu beaucoup plus de part que 'histoireancienne, je dois m'abstenir de leur donner place ici.

Je ne sais à quelle heure nous quittâmes le salon , si bienle temps coulait inaperçu ce que je sais, c'est que Mesdamesde Cliergé s'étaient retirées depuis longtemps , lorsque lalampe épuisée nous avertit que le moment était verni de songerà la retraite. Réglant notre ordre du jour du lendemain , il (utconvenu (lue notre gracieux hôte nous conduirait, après dé-jeûner, au Blanc et de là à Fou tgombault.

Le soleil le lendemain se leva radieux. Dès le, matin nousnous trouvions réunis sur la terrasse du château, pour nousrendre de concert à l'église de St-Hilaire, dont le curédésirait consulter M. de Caleinb&t au sujet d'un vitrail àplacer dans l'abside. C'est une humble église (te villagemodeste , mais tenue avec cette propreté décente (10i est untémoignage (le respect pour l'Hôte divin qui y fait sa demeure.Je n'y trouvai rien qui pût mériter d'être signalé ici.

Au retour, M. de Chergé nous lit faire la tournée de pro-priétaire. Il nous montra son parc bordé d'une délicieuse

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. Si

petite rivière , ses champs , ses cultures et après déjeûiier,nous montions en voiture pour nous rendre au Blanc.

SAINT-GÉNITOUB.

En pénétrant dans l'église de St-Génitour du Blanc, l'oeilest frappé de l'excessive déviation de la nef relativement'n l'a*e du sanctuaire. Nulle part rien de semblable, riend'aussi accusé lie se présente dans nos monuments reli-gieux. On dirait que, soulevé par une main puissante, lechevet de l'église a été déplacé et porté loin de son axe. Dansune brochure qu'il m'a offerte en souvenir, Ni. de Chergéétudie le plan singulier de cette église et démontre (lue L'incli-naison que l'on remarque si souvent dans un grand nombred'édifices sacrés est due à une cause intentionnelle, à unepensée symbolique et non Il des nécessités de construction, àl'impéritie des architectes qui n'auraient point su tracer uneligne droite , comme le prétendent certains archéologues.Suivant M. de Chergé , et je le crois dahs le vrai , on n'a eud'autre but que de rappeler Iigurativetnent l'inclinaison de latête du Sauveur au moment où il rendit le dernier soupir surl'arbre de la croix. Cette thèse il l'appuie sur des observa-tions nombreuses prises sur divers points de la France. Dansnotre seul département de l'Indre , dit-il, sur quatre-vingtséglises qui m'ont été signalées par M. de La Trernhlaye, au-cune ne présente l'inclinaison au sud. » Partout, ajoute-t-il,l'inclinaison au nord est la règle générale, et la tradition nousenseigne que Jésus-Christ expira la tête penchée h droite.

L'église de St-Génitour est terminée par un chevet rec-tangulaire percé de trois fenêtres en plein-cintre , celle dumilieu étant plus élevée que les deux autres. Le sanctuairese compose de deux travées, dont la voûte repose sur desnervures diagonales épaisses et carrées la nef offre quatre

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travées, dont les colonnes sont ornées de chapiteaux à deuxrangs de crochets. Le sanctuaire est du commencement duXIP siècle et la nef du XlIIe.

Je uc veux point oublier que l'église du Blanc et celle deFontgombault, que nous allons visiter, n'appartiennent pointà la région que j'ai entrepris d'explorer aussi serai-je très-laconique an sujet de l'une et de l'autre.

FONTGOMBAULT.

L'église de Fontgombault n'était qu'une vaste ruine, lorsque,Je 20 mai 1850 , les enfants de saint Benoît vinrent s'établirdans les restes délabrés de l'ancienne abbaye, et aujourd'huiles transepts et les absides complètement restaurés permettentde juger de l'ampleur et de la magnificence de la vieille ba-silique romane. Que sera-ce si un jour la restauration peuts'étendre à l'église entière

Cette splendide église est à date certaine, ce qui luidonne un intérêt tout particulier. Commencée par Pierre deL'Étoile, premier abbé de Fontgonabault, mort en 1114elle fut consacrée le 5 octobre 1141. Sa forme est, àpeu dedifférence près, celle des églises romanes du Poitou, modifiée

- cependant par les influences naissantes du style ogival. C'estainsi que, des trois absidioles (lui couronnent le chevet , Celledu milieu, consacrée à la Sainte-Vierge , esi plus profonde(lue les deux autres, disposition particulière surtout aux Miret XIVe siècles. Nous trouvons bien le déambulatoire étroitet les ti'ansept.s munis d'absides; mais ces transepts sont dou-bles en largeur de ce qu'ils sont dans les églises purementromanes. Ici, chaque bras du transept se compose de deuxtravées subdivisées vers l'ouest eu deuxdeux berceaux séparéspar un arc-doubleau , et du côté de l'est en quatre petitesvoûtes d'arête supportées par des colonnettes et des arcs

L>

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 89

intermédiaires. Un des berceaux et deux des petites travéesde voûtes d'arête font suite au déambulatoire ; le secondberceau et les deux autres travées sont établis dans l'axe del'abside du transept. Le plan (le cette église offre une cer-taine analogie avec celui (le Si-Ililaire de Poitiers.

Pour correspondre au développement du transept., le choeuret le sanctuaire ont dû se décomposer de même en deux tra-vées , carrées en section , dont la plus rapprochée. de la nefest surmontée d'une fausse coupole octogone, avec trompesen niches légèrement ogivales. Des têtes humaines, préludepeut-être de ce (lue sera plus tard le style Plantagenet, sortent(le l'angle de la muraille , sous l'intrados des trompes. Lesgrands arcs sont en ogive . et Tes hases des colonnes du sanc-tuaire sont garnies de pattes. Tonte l'ornementation sculptéeest empruntée au règne végétal un seul chapiteau fait ex-ception. Ce chapiteau représente un personnage vêtu ducostume monastique, assis sur un feuillage, dans l'attitude dela m&littion.' La colonne à laquelle il appartient est cellequi, du côté gauche , reçoit la retombée de l'arceau centralde l'hémicycle du sanctuaire. On se rappelle qu'à la mêmeplace

'à Chauvigny , nous avons rencontré celte inscription

Gofndus me fecit , et nous avons pensé que ce pouvait êtrele nom du fondateur de l'église de St-Pierre. Ne pourrait-0pas croire que le personnage de Fontgombault, personnageunique au milieu d'une ornementation complètement végétale,est l'image de Pierre de L'Étoile , son premier abbé? C'estl'opinion de M. de Galembert, à (lui J C dois cette observation,et je puis dire qu'elle me semble très-vraiseuiblable.

Dans les églises romanes que nous avons jusqu'ici visitéesle peu d'élévation (les voûtes du sanctuaire au-dessus decelles du déambulatoire ne permettait pas d'établir des fenê-tres au pourtour de son hémicycle. Une exception se ren-contre à Montierneuf; mais la surélévation de ce que l'on

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90- LETTRE A M. DE CAUMONT

nomme la lanterne provient d'un remaniement du XIII' siècleet est tout-à-fait eu dehors du style primitif. A Fontgombault,le sanctuaire est tort élevé relativement aux absidioles et audéambulatoire et sept fenêtres disposées autour de l'hémi-cycle couronnent un ordre d'arcatures formant comme tri-forium.

Extérieurement, le chevet (le l'église nous offre l'oniemen-talion et l'agencement (lu style j'ornait arcatures en appli-cation , fenêtres courtes et en plein-cintre avec claveauxcunéirormes, colonnettes engagées, partageant le pourtour desabsidioles eu panneaux correspondant au nombre des fenêtres,et toits très-aplatis.

Quant à la nef, à partir de. la première travée jusqu'auportait, ce ne sont que des pans de murs délabrés, indiquantseulement par les tronçons de colonnes qui y sont demeurésadhérents les anciennes divisions de cet immense vaisseau. Lafaçade de l'ouest offre aux regards surpris une haute mu-raille isolée, dont le gigantesque pignon est percé d'une vastefenare ogivale,

An-dessous (le cette fenêtre s'ouvre la porte principale cou-ronnée de quatre archivoltes reposant sur des chapiteauxhistoriés , dont les colonnettes sont disparues, mais dont lesbases encore existantes présentent des lions accroupis , cm-blême présumé de la juridiction abbatiale.

Bien (lue détruit, l'arc formei'et de ]a première travée alaissé sur le mur gouttereau de gauche nue empreinteindiquant que cette travée était sensiblement plus large etPlus élevée que celles qui la suivaient 'dans la nef. J)'oûvenait cette différence si marquée quelle pouvait en être lacause? Je ne sais trop. Je rappellerai toutefois qu'à StSayinet à Cbauiviguy, les trois premières travées nous ont offertune différence sensible, dans la disposition des piliers et desvoûtes, avec celles du reste de la nef, il y a là , je crois,

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 911

autre chose qu'une disposition fortuite, et la question de-mande h être étudiée. -

En examinant les nombreux débris épais au milieu desruines , je rencontrai une large- pierre circulaire , (lui dutautrefois-servir de clef de voûte. Elle offre l'image sculptéed'un abbé tenant une croix de la main droite et bénissant dela gauche. Dans la bordure est gravée une inscription quenous n'avons pu déchiffrer, à cause de sou état de mutilation.Six tores se détachent du cercle et devaient se relier h autant(le nervures correspondantes de la voûte. J'ai signalé ce bas-relief au R. P. abbé, pu, avec une bonté et une affabilitéextrêmes , avait voulu nous guider lui-même dans les diffé-rentes parties (le soir il l'a fait (le suite déposeren lieu, sûr, , oti l'inscription pourra être étudiée plus tardquand l'occasion s'en présentera.

La diligence qui devait nous emmener ii Châtelleraultvenait de s'arrêter à la porte de l'abba ye. Nous primes congédu B. P. Dom Marie-Dosithée, et , après avoir serré bienaffectueusement la main de nos deux excellents hôtes, MM. deChergé et de La Lande, nous reprîmes le chemin de laTouraine,

LA HocItE-t'osAl'.

Nous traversâmes La Roche-I'osay à la nuit tombantel'endaut qu'on rela yait, je pus donner un coup-d'oeil au vieuxdonjon qui s'élève â peu de distance des remparts. Il est deforme carrée et flanqué de contreforts plats et peursuivant l'usage de l'époque romane. Enclavé qu'il est dansune propriété particulière, et entouré de murs et de maisons,il m'a été impossible (le rec-onnaitre s'il était posé sur unemotte factice. Il existe encore une ancienne porte de l'en-ceinte primitive et quelques pans de murs de défense.

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92 LETTRE A M DE CAUMONT

LOUDUN.

Loudun sera ma dernière étape en Poitou. Plus riche ensouvenirs qu'en monuments, cette ville n'offre de réellementremarquable que son vieux donjon roman, décrit depuislongtemps par vous, Monsieur le Directeur et figuré dansle Compte-rendu du Congrès de Saumur.

DONJON.

Le donjon de Loudun est en forme de carré-long. Ses deuxfaces les plus larges sont munies de quatre contreforts rectan-gulaires ; les deux autres races n'en ont que trois seulemenLUne porte en ogive s'ouvre du côté du nord, à un niveau assezélevé au-dessus du sol cette porte , il n'est ras besoin de ledire , est de beaucoup postérieure b sa construction primitive.

D'après le P. Labbe, dans sa Nova bibliotheca manuserip-forum , Foulques Néra reçut la ville de Loudun en fief deGuillaume Y , duc d'Aquitaine, vers 1026. Il est à croire quele grand bôtisseur, comme on l'appelait, à qui loti doit lesdonjons de Langeais de Loches , de Monthazon , de Montri-chard et tant d'autres, fit également construire celui deLoudun.

Ce donjon servit maintes fois de refuge aux protestantsdans leurs fréquentes révoltes contre l'autorité royale; cii4633, Louis XIII donna ordre à Laubardemont de le raserentièrement sans y rien réserver, " Cet ordre ne fut pasexécuté à ce qu'il paraît, on peut-être se contenta-t-on dedétruire les défenses supérieures.

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 03

CHÂTEAU.

Deux passages différents des registres de la Chambre desComptes nous apprennent que Philippe-Auguste fit recon-struire, vers 1206, le château de Loudun Quando dominusrex Phitippus œdiûcavit castrum novuin de Loduno. » ILn'en reste plus rien peur ainsi dire aujourd'hui ; il fut démolien 1630 par ordre du Roi qui accorda les matériaux prove-nant de cette démolition, ensemble la propriété des places,tantdesdites tours et murailles que des fossés et contrescarpes,à ses amés-et féaux , Jean d'Armagnac, l'un de ses maîtresd'hôtel, capitaine et gouverneur de la ville et du château deLoudun, et Michel Lucas, secrétaire de la maison et couronnede Franco, en considération de leurs services. u

Les mots costrum novum , employés dans l'extrait que jeviens de citer , indiquent qu'un château plus ancien existaitantérieurement à Philippe-Auguste. J'en ai reconnu les restesau-dessus de la contrescarpe qui fait face à l'église duMartrai. Ces restes se composent de quelques assises de petitappareil fort régulier , que l'absence seule de bandeaux debriques m'empêche de considérer comme appartenant àl'époque gallo-romaine. Comme il ne reste de ces pans demurs que les assises inférieures , 1 pourrait se faire que lesbandeaux eussent été emportés avec les assises supérieuresdisparues. Des monnaies de Commode et de Dioclétientrouvées en 4749 dans les ruines du château , font supposer,du reste, qu'un castrurn existait i cet endroit du temps desRomains.

Si les pans de murs que je signale ici ne sont pas gallo-romains, ils ne peuvent être postérieurs au yiIl' siècle.

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94 LETTRE s M. DE CAUMONT

ÉGLISE Di) MARInAI.

L'église du Matirai remonte au commencement du xV'siècle. Les voussures du portail sont ornées de délicieusespetites statuettes , et de feuilles de chardon (l'une délicatesseinfinie, niais malheureusement foi mutilées. Ces mutilationssont ['œuvre des protestants , comme l'indique une ancienneinscription placée sur tin pilier près de l'entrée

LE X' JOVR DE NOVEMIInE MILLE V CENT SOIXANTE_

IIVTT FVST CE COVENT MIS EN CENDRES PAR LES IIVGVE-

NOTS ))ESTItVIÇT.

(In couvent de Cal-nies , fondé en 1334 par un seigneur deLaniothe Chandénier, était attenant à cette église.

Le portail et la chapelle de Notie-Danie-de-Becouvrance,qui forme comme une espèce de bas-côté et) avant de la nefprincipale, ont été, croit-011 , bâtis par le toi René d'Anjouseigneur apanagiste du Loudunais.

Le chevet de l'église est de farine rectangulaire une largefenêtre entourée d'une triple archivolte le remplit presqueentier. On y remarque quelques excellents tableaux , et sur-tout au-dessus de l'autel de. Notre-Dame-de-Recous'rance, uneVierge à l'Enfant-Jésus, attribuée à un de nos plus grandsmaîtres.

ÉGLISE DE SAINT-PIERRE.

L'église paroissiale de SI-Pierre était primitivement dansl'enceinte do château. Philippe-Auguste l'ayant fait détruiredans la crainte que des étrangers , en s' y rendant sous pré-texte de dévotion , ne prissent connaissance des fortifications,

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 05la fit reconstruire à la place qu'elle occupe aujourd'hui aucentre de la ville.

0e - la construction du XIII' siècle, il ne reste que l'in-tertransept. Le choeur , le sanctuaire , la nef, les chapelleslatérales de l'abside remontent au XV siècle. Le bas-côtédroit offre tous les caractères de cette époque , et pourtantune inscription placée sur le mur (le l'ouest nous apprendque les voûtes n'ont été faites qu'au XVii' siècle

W' BENJAMIN LOVIS CHAWET CVRÉ. M' RENÉ LE PROVS

CONS' AV BAILLIAGE: M' CHARLES CLÉMENT PROCVREVR.

M' ROLAND BOV1'EAV MARCHAND ONT FAJCT FERRE CES

TROTS DERtq iÈneS VOVTES AN 1637 ESTANT PROCVBEVRSDE LA FABRIQYE,

Le bas-côté méridional appartient à la fin du XVI' siècleou au commenceraient du XVII'. La porte principalé est uncharmant spécimen de l'architecture de la Renaissance.

Je clocher est couronné par une flèche très-aiguë et très-élancée c'est là son seul mérite. Il est assez gravementdégradé, et de nombreux crépissages remplacent, en plusieursendroits, les pierres rongées par le salpêtre cii par la gelée.Ce clocher est (lii XV' siècle.

On sait qu'Urbain Grandier était curé de SE-Pierre.

SAINTE-CROIX.

L'ancie!ne collégiale de S"-Croix, aujourd'hui transformée,hélas en halle , est , api ès le donjon , le monument le plusremarquable (le Loudun. Elle (laie de la lin du XI' siècle, etson plan est celui (les basiliques romanes du Poitou. La nefprincipale et les deux bas-côtés dont elle est accompagnée,sont voûtés en berceaux , renforcés d'arcs-doubleaux. Un

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96 LEI7RE A M. DE CAOMONT

étroit déambulatoire circule autour du sanctuaire, que cou-ronnent trois absidioles rayonnantes. Dans chaque bras dutransept s'ouvre une chapelle voûtée en cuirde-four, dontl'arceau est orné de têtes prismatiques de clous, en souvenir,sans doute , de ceux qui attachèrent le Sauveur sur la croix.Dans les églises romanes à déambulatoire, le sanctuaire, cir-conscrit par une série de colonnes monoc ylindriques , estsurmonté d'eue voûte en forme de cul-de-foui', s'élevantau-dessus d'une corniche semi-circulaire, c'est le type communet ordinaire. A S-Ct'oix , la voûte du sanctuaire offre unedisposition que nous n'avons encore rencontrée nulle partailleurs, et qui s'éloigne de ce type pour se rapprocher del'agencement de la fausse coupole. C'est la fausse coupole, eneffet , qui a dû servi" de modèle à l'architecte de S"-Croixc'est à elle qu'il a dû emprunter la forme polygonale de lacorniche sur laquelle repose la voûte du sanctuaire.

Qu'on se figure, en effet, le dôme octogone Poitevin, dégagéde l'un de. ses larges pans et de ceux plus petits qui l'accom-pagnent de chaque côté , et l'on aura une idée (le la voûtedont je voudrais faire saisir la disposition. Toutefois, au Lieud'être supportés par des trompes, les deux petits pans coupésde ,S"-Croix reposent sur (le courtes colonnettes , dont leshases sont assises sur les tailloirs des deux grosses colonnesmédianes de l'hémicycle. Comme dans la fausse coupole, deuxétroits pendentifs retournés, placés au-dessus des petits pans,servent à passer du polygone à l'hémisphère parfait. La dispo-sition que je décris ici offre encore cette différence avec lafausse coupole , c'est qu'ail lieu d'être superposé à tin carré,le polygone s'inscrit sur un plan semi-circulaire.

Pourquoi l'architecte , ayant à sa disposition ces supportssemi-circulaires , a-t-il établi une corniche polygonale pourrevenir ensuite à la voûte arrondie en cul-de-foui'? C'est cequ'on ne saurait comprendre? Aucune nécessité de construc-

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SUR UNE EXCURSION EN POITOU. 07

tion ne l' y obligeait loin (le là, un agencement tout contrairelui était eu quelque sorte imposé par le plan même du sauc-maire. Il ne petit avoir cii d'autre but que (le créer uneconception originale, ressortant-de la voie ordinaire et usitéeil ne peut avoir recherché autre chose (1110 le mérite d'une diffi-culté vaincue ; et réellement cela ne valait pas la peine d'ima-giner les singulières et inutiles conibi na ison s, je dirai même lesanomalies tjtme nous venons (le signaler.

Ici , si vous le voulez bien , Monsieur et cher Directeurse terminera, pour le montent , notre excursion en l'oitomi.J'aurais pu, en la poursuivant dans une autre direction, yen-con Lier (le nouveau z et intéressants sujets d'observa I ion ; maisc'eût été prolonger au-delà des limites permises ce rapportdéjà beaucoup trop volumineux. En étudiant, (]il lesnombreux monuments qui se sont. trouvés sur notre itinéraire,et ce sont les plus importants sans conteste en les compara in:entre eux , en les rapprochant des monuments (les régionscirconvoisines, nous avons pu nous faire t!ne idée du stylePoitevin ,. reconnaître ce qui loi appartenait en propre et ce(lui lui provenait d'une source étrangère et c'est là , ce mesemble, le but pratique (le la mission que vous m'avez faitl'honneur de lue confier. C'est ainsi que je l'ai comprisepuissé-je nôtre pas resté trop au-dessous (le ce que vousattendiez de moi,

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