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Archives Internationales de Physiologie, de Biochirnie ei de Biophysique, 1992, 100, A25-A26 A25 Expos6 didactique Expression f onctionnelle de canaux calciques dans des modeles de reconstitution Joel NARGEOT CRBM UPR 8402 CNRS - 8 249 INSERM, CNRS, BP 5051, 34033 Montpellier Les etudes concernant les canaux ioniques ont con- nu un grand developpement suite a l’apparition de la technique du patch clamp permetrant la mesure des courants ioniques unitaires ou macroscopiques sur de nombreux types cellulaires. En particulier, les donnkes Clectrophysiologiques et pharmacologiques ont permis de distinguer plusieurs types de canaux calciques avec un bas seuil (T) ou un haut seuil (L, N, P) d’activa- tion. Les types T et L coexistent au niveau de la plupart des cellules excitables et non excitables alors que le type N (sensible a I’w-conotoxine) serait exclusivement localise au niveau de cellules nerveuses. Des canaux de type P specifiquement inhibes par une toxine extraite de venin d’araignee (la FTX) et principalement localists au niveau du cervelet ont Ctt decrits plus rkcemment. (pour revue voir TSIEN et coil. 1991). Les connaissances concernant les canaux calciques ont aussi progresse de faqon spectaculaire, g r k e a I’association des techniques biochimiques et de ginetique moleculaire. Le canal calcique de type L qui joue un r61e fondamental au niveau du couplage excitation-contraction des muscles a ete purifie B partir des membranes de tubules transverses de muscle squelettique. I1 est constitue de cinq sous-unites aI, a2, B, y et 6. (az et 6 sont likes par un pont disulfure). La sous-unitt a1 porte le canal et les sites de liaison A aux “antagonistes calciques” com- me les dihydropyridines, tres utilists en thkrapeutique cardiovasculaire (pour revue HOSEY et LAZDUNSKI, 1988). Les ADN compltmentaires codant pour toutes ces sous-unites ont ete clones. En utilisant des sondes moleculaires derivkes de la sequence de a1 squelettique, plusieurs sous-unites a1 ont aussi ett clonees a partir des muscles cardiaque et lisse, de pancreas ou de cerveau. Alors que la sous-unite a2 est tres conservke plusieurs sous-unites I3 ont Cte decrites selon les tissus. La diversite des canaux calciques peut donc s’expliquer sur le plan structural a la fois par la variett des sous- unites a, (plusieurs genes ainsi que des isoformes issues d’un m&me gene par epissage alternatif) et par la diver- site des sous-unites associCes. Pour mieux comprendre cette diversite il est necessaire d’effectuer des etudes structures-fonction et d’utiliser des modkles de reconstitution. I1 etait important dans un premier temps d’obtenir une reconstitution fonctionnelle la plus physiologique possible permettant de replacer un canal ionique dans une cellule h6te et dans un environnement membranaire proche de celui de la cellule native. I1 s’est avere quasi necessaire d’utiliser une cellule hbte eucaryote permet- tant la transcription et la traduction de protkines exo- genes y compris leur reassemblage lorsqu’il s’agit de polypeptides ainsi que d’kentuels mecanismes post- traductionnels (glycosylation.. . etc.) Le systtme de reconstitution qui a ete le plus utilise ces dernieres annees est l’ovocyte de Xenope inject6 par un cDNA dans le noyau ou de I’ARN messager dans le cytoplasme, cette derniere solution Ctant de loin la plus exploitee. La possibilite d’expression fonctionnelle de pro- teines exogenes dans l’ovocyte de Xenope a ett mon- tree dks 1971 par GURDON et collaborateurs. Cependant, ce n’est qu’en 1981 que ce systeme fut utilise pour I’expression de proteines de la membrane plasmique, en particulier le recepteur-canal cholinergi- que nicotinique par le groupe de MILEDI. Cette techni- que a CtC employCe simultanement pour i’expression de canaux ioniques voltage-dependants. Les avantages sont les suivants : I1 est facile de manipuler et de con- server ies ovocytes dans un milieu de Ringer, de reperer et suivre les cellules injectees et de contrbler le milieu extracellulaire par simple perfusion. I1 y a une grande proportion de cellules injecties qui expriment la pro- teine et l’electrophysiologie(double micro-electrode) est facile a realiser. I1 a certains inconvknients : par exem- ple les variations saisonnieres de la qualite des ovocytes, l’expression transitoire (quelques jours), le nombre restreint de cellules nianipulees pendant une experience. Les mecanismes post-traductionnels peuvent Ctre defec- tueux dans certains cas. En effet si I’ovocyte exprime un grand nombre de proteines exogenes, certains types de canaux ioniques ou un m&me canal ionique a partir de deux especes differentes peuvent ne pas s’exprimer, ceci pour des raisons inconnues. L’injection d’ARN total ou poly A+ extrait d’un tissu peut Ztre utiliste soit dans le cadre du clonage d’une protkine (purification partielle de 1’ARNm Archives of Physiology and Biochemistry 1992.100:A25-A26. Downloaded from informahealthcare.com by McMaster University on 12/19/14. For personal use only.

Expression fonctionnelle de canaux calciques dans des modèles de reconstitution

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Page 1: Expression fonctionnelle de canaux calciques dans des modèles de reconstitution

Archives Internationales de Physiologie, de Biochirnie ei de Biophysique, 1992, 100, A25- A26 A25

Expos6 didactique

Expression f onctionnelle de canaux calciques dans des modeles de reconstitution

Joel NARGEOT CRBM UPR 8402 CNRS - 8 249 INSERM, CNRS, BP 5051, 34033 Montpellier

Les etudes concernant les canaux ioniques ont con- nu un grand developpement suite a l’apparition de la technique du patch clamp permetrant la mesure des courants ioniques unitaires ou macroscopiques sur de nombreux types cellulaires. En particulier, les donnkes Clectrophysiologiques et pharmacologiques ont permis de distinguer plusieurs types de canaux calciques avec un bas seuil (T) ou un haut seuil (L, N, P) d’activa- tion. Les types T et L coexistent au niveau de la plupart des cellules excitables et non excitables alors que le type N (sensible a I’w-conotoxine) serait exclusivement localise au niveau de cellules nerveuses. Des canaux de type P specifiquement inhibes par une toxine extraite de venin d’araignee (la FTX) et principalement localists au niveau du cervelet ont Ctt decrits plus rkcemment. (pour revue voir TSIEN et coil. 1991). Les connaissances concernant les canaux calciques ont aussi progresse de faqon spectaculaire, g rke a I’association des techniques biochimiques et de ginetique moleculaire. Le canal calcique de type L qui joue un r61e fondamental au niveau du couplage excitation-contraction des muscles a ete purifie B partir des membranes de tubules transverses de muscle squelettique. I1 est constitue de cinq sous-unites a I , a2, B, y et 6. (az et 6 sont likes par un pont disulfure). La sous-unitt a1 porte le canal et les sites de liaison A aux “antagonistes calciques” com- me les dihydropyridines, tres utilists en thkrapeutique cardiovasculaire (pour revue HOSEY et LAZDUNSKI, 1988). Les ADN compltmentaires codant pour toutes ces sous-unites ont ete clones. En utilisant des sondes moleculaires derivkes de la sequence de a1 squelettique, plusieurs sous-unites a1 ont aussi ett clonees a partir des muscles cardiaque et lisse, de pancreas ou de cerveau. Alors que la sous-unite a2 est tres conservke plusieurs sous-unites I3 ont Cte decrites selon les tissus. La diversite des canaux calciques peut donc s’expliquer sur le plan structural a la fois par la variett des sous- unites a, (plusieurs genes ainsi que des isoformes issues d’un m&me gene par epissage alternatif) et par la diver- site des sous-unites associCes. Pour mieux comprendre cette diversite il est necessaire d’effectuer des etudes structures-fonction et d’utiliser des modkles de reconstitution.

I1 etait important dans un premier temps d’obtenir une reconstitution fonctionnelle la plus physiologique possible permettant de replacer un canal ionique dans une cellule h6te et dans un environnement membranaire proche de celui de la cellule native. I1 s’est avere quasi necessaire d’utiliser une cellule hbte eucaryote permet- tant la transcription et la traduction de protkines exo- genes y compris leur reassemblage lorsqu’il s’agit de polypeptides ainsi que d’kentuels mecanismes post- traductionnels (glycosylation.. . etc.)

Le systtme de reconstitution qui a ete le plus utilise ces dernieres annees est l’ovocyte de Xenope inject6 par un cDNA dans le noyau ou de I’ARN messager dans le cytoplasme, cette derniere solution Ctant de loin la plus exploitee.

La possibilite d’expression fonctionnelle de pro- teines exogenes dans l’ovocyte de Xenope a ett mon- tree dks 1971 par GURDON et collaborateurs. Cependant, ce n’est qu’en 1981 que ce systeme fut utilise pour I’expression de proteines de la membrane plasmique, en particulier le recepteur-canal cholinergi- que nicotinique par le groupe de MILEDI. Cette techni- que a CtC employCe simultanement pour i’expression de canaux ioniques voltage-dependants. Les avantages sont les suivants : I1 est facile de manipuler et de con- server ies ovocytes dans un milieu de Ringer, de reperer et suivre les cellules injectees et de contrbler le milieu extracellulaire par simple perfusion. I1 y a une grande proportion de cellules injecties qui expriment la pro- teine et l’electrophysiologie (double micro-electrode) est facile a realiser. I1 a certains inconvknients : par exem- ple les variations saisonnieres de la qualite des ovocytes, l’expression transitoire (quelques jours), le nombre restreint de cellules nianipulees pendant une experience. Les mecanismes post-traductionnels peuvent Ctre defec- tueux dans certains cas. En effet si I’ovocyte exprime un grand nombre de proteines exogenes, certains types de canaux ioniques ou un m&me canal ionique a partir de deux especes differentes peuvent ne pas s’exprimer, ceci pour des raisons inconnues.

L’injection d’ARN total ou poly A+ extrait d’un tissu peut Ztre utiliste soit dans le cadre du clonage d’une protkine (purification partielle de 1’ARNm

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couplee avec l’expression fonctionnelle) ou bien pour l’dtude des r6gulations de la proteine exogene exprimke (modulation par des seconds messagers, comparaison des proprittks d’un canal ionique exprimd a partir de divers tissus ou especes dans un environnement neutre, etude d’un canal au cours de l’ontogintse ...).

Des canaux sodiques, potassiques et calciques, ont et6 exprimts dans l’ovocyte de Xinope a partir d’ARNm de divers tissus ou de cDNA codant au moins pour la sous-unit6 portant le canal (al). I1 est nkcessaire de s’affranchir de la contamination Cventuelle par des canaux endogenes. Le plus important est un canal chlore active par le calcium intra-cellulaire qui impli- que de mesurer I’activite des canaux calciques en pr6sence d’ions baryum. Ce courant chlore peut aussi Ctre un avantage et servir de test t r b sensible pour caractkriser la presence d’une ClCvation de [Cali. Nous avons montrC que I’injection d’ARNm de coeur par ex- emple conduit a l’expression de canaux calciques sen- sibles aux dihydropyridines ayant des proprietes similaires a celles observkes sur les cellules natives. Ceci nous a permis d’dtudier les regulations de ces canaux par les phosphorylations. La microinjection de 1’ARN codant pour les sous-unitb a1 (donees) des canaux calciques ainsi que la coinjection des ARN codant pour les autres sous-unites (az-& 13, y) ont permis de mon- trer que la sous-unit6 a1 elle seule peut former un canal calcique mais que les sous-unitks auxiliaires jouent un r81e tres important aussi bien au niveau des pro- priit6s biophysiques qu’au niveau de la regulation ou de la pharmacologie du canal. La rkalisation de canaw chimkriques (association de al, avec une ou plusieurs autres sous-unites) ainsi que la mutagenese dirigCe devraient permettre de mieux comprendre les relations structure-fonction en utilisant ce modele (pour revue TSIEN et af., 1991. NARGEOT et al., 1992).

I1 est aussi possible d’exprimer des canaux ioniques dans des cellules de mammifere en culture. Des ex- periences extrCmement interesssantes ont 6ttc menkes par le groupe de N m au Japon, sur des myotubes de souris dysgkniques (mdg). Dans ces myotubes, la sous- unite a1 du canal calcique est absente, ce qui se traduit par l’absence du courant calcique lent et des sites de liaison aux dihydropyridines. L’injection dans le noyau de ces myotubes de 1’ADNc codant pour ayl du muscle

squelettique, a permis de restaurer sur certains myotubes a la fois le courant calcique lent et le couplage excitation-contraction. (TANABE et al., 1988). Ces myotubes dysgeniques servent de modeles pour ex- aminer le r81e des diverses sous-unites a, clonkes a ce jour. I1 a kttc montrC par exemple que la microinjec- tion des sous-unites cyl d’origine cardiaque et squelet- tique permettent de retablir sur ces myotubes un couplage excitation-contraction de type cardiaque ou squelettique c’est a dire respectivement sensible ou in- sensible au calcium extracellulaire ( T A N ~ E et al., 1990). Plus r6cemment ce sont des ligntes fibroblastiques (cellules L) sans canal calcique endogene qui ont CtC utiliskes. Ces cellules prksentent plusieurs avantages par rapport aux ovocytes. I1 est possible de rCaliser une transfection stable et d’obtenir des 1ignCes exprimant en permanence une proteine exogene. Ces cellules peu- vent alors Ctre Ctudikes en patch clamp avec une meilleure resolution au niveau de la mesure des courants, que sur l’ovocyte. Pour l’etude des canaux ioniques constitues de plusieurs sous-unites, il est possi- ble d’effectuer des constructions qui permettent I’ex- pression permanente d’une ou plusieurs sous-unites. Les experiences sur des ovocytes de XCnope ou des cellules de mammiferes qui associent Clectrophysiologie et biologie mol6culaire realisees dans le cadre d’une ex- pression fonctionnelle de canaux ioniques sont extrcme- ment prometteuses pour apprehender les relations structure-fonction des canaux ioniques.

Rdferences

NARGEOT, J., DASCAL, N. & LESTER, H.A. (1991) Heterologous ex- pression of calcium channels. J. Memb. B i d . 126, 97-108.

HOSEY, M.M. & LAZDUNSKI, M. (1988) Calcium channels : molecular pharmacology, structure and regulation. J. Memb. B i d . 104,

TANABE, T., BEAM, K.G., POWELL, J.A. & NUMA, S. (1988) Restora- tion of excitation-contraction coupling and slow calcium cur- rent in dysgenic muscle by dihydropyridine receptor com- plementary DNA. Nature 336, 134-139.

TANABE, T., MIKAMT, A., NLJMA, S. & BEAM, K.G. (1990) Cardiac- type excitation-contraction coupling in dysgenic skeletal mus- cle injected with cardiac dihydropyridine receptor cDNA. Nature 344, 45 1-453.

TSIEN, R.W., ELLINOR, P.T. & HORNE, W.A. (1991) Molecular diver- sity of voltage dependent Ca2+ channels. TIPS 12, 349-354.

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