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Linear Algebra and its Applications 297 (1999) 81–85 www.elsevier.com/locate/laa Extensions d’opérateurs auto-adjoints et défaut de réflexivité M’hammed Benlarbi Delai Department of Mathematics and Information, Faculté des Sciences, Université Mohamed V, B.P.1014, Rabat, Morocco Received 16 May 1997; accepted 22 May 1999 Submitted by R.A. Brualdi Abstract Soient H et K deux espaces de Hilbert complexes, A un opérateur auto-adjoint sur H et N un opérateur nilpotent sur K. Dans cet article nous montrons que si 0 n’est pas dans le spectre ponctuel de A, alors le défaut de réflexivité de l’opérateur T = A N est égal à celui de l’opérateur N. Comme application nous déterminons le défaut de réflexivité de certaines extensions d’opérateurs auto-adjoints par un opérateur nilpotent cyclique. © 1999 Elsevier Science Inc. All rights reserved. 1. Introduction Soient H un espace de Hilbert complexe et L(H ) l’algèbre des opérateurs linéaires bornés sur H. Pour T L(H ), nous désignons par Lat T le treillis des sous-espaces fermés de H invariants pour T, par AlgLat T l’algèbre des opérateurs S L(H ) tels que Lat T Lat S , par W (T ) la fermeture faible de l’algèbre des polynômes en T et par W 0 (T ) la fermeture faible de l’algèbre des polynômes en T sans terme constant. Par défaut de réflexivité de l’opérateur T nous entendons la quantitée α(T ) = dim(AlgLat T/W(T)). Un opérateur T L(H ) est dit réflexif si α(T ) = 0. Tout au long de ce travail H et K désignent deux espaces de Hilbert com- plexes, A L(H ) un opérateur auto-adjoint et N L(K) un opérateur nilpotent. Soit T l’opérateur défini sur H K par: E-mail address: [email protected] (M. Benlarbi Delai) 0024-3795/99/$ - see front matter © 1999 Elsevier Science Inc. All rights reserved. PII: S 0 0 2 4 - 3 7 9 5 ( 9 9 ) 0 0 1 1 8 - 4

Extensions d'opérateurs auto-adjoints et défaut de réflexivité

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Linear Algebra and its Applications 297 (1999) 81–85www.elsevier.com/locate/laa

Extensions d’opérateurs auto-adjoints et défautde réflexivité

M’hammed Benlarbi DelaiDepartment of Mathematics and Information, Faculté des Sciences, Université Mohamed V, B.P. 1014,

Rabat, Morocco

Received 16 May 1997; accepted 22 May 1999

Submitted by R.A. Brualdi

Abstract

SoientH et K deux espaces de Hilbert complexes,A un opérateur auto-adjoint surH etN un opérateur nilpotent surK. Dans cet article nous montrons que si 0 n’est pas dans lespectre ponctuel deA, alors le défaut de réflexivité de l’opérateurT = A⊕ N est égal à celuide l’opérateurN. Comme application nous déterminons le défaut de réflexivité de certainesextensions d’opérateurs auto-adjoints par un opérateur nilpotent cyclique. © 1999 ElsevierScience Inc. All rights reserved.

1. Introduction

Soient H un espace de Hilbert complexe etL(H) l’algèbre des opérateurslinéaires bornés surH. PourT ∈ L(H), nous désignons par LatT le treillis dessous-espaces fermés deH invariants pourT, par AlgLatT l’algèbre des opérateursS ∈ L(H) tels que LatT ⊂ Lat S, parW(T ) la fermeture faible de l’algèbre despolynômes enT et parW0(T ) la fermeture faible de l’algèbre des polynômes enT sans terme constant. Par défaut de réflexivité de l’opérateurT nous entendons laquantitéeα(T ) = dim(AlgLat T/W(T )). Un opérateurT ∈L(H) est dit réflexif siα(T ) = 0. Tout au long de ce travailH et K désignent deux espaces de Hilbert com-plexes,A ∈ L(H) un opérateur auto-adjoint etN ∈ L(K) un opérateur nilpotent.SoitT l’opérateur défini surH ⊕K par:

E-mail address:[email protected] (M. Benlarbi Delai)

0024-3795/99/$ - see front matter © 1999 Elsevier Science Inc. All rights reserved.PII: S 0 0 2 4 - 3 7 9 5 ( 9 9 ) 0 0 1 1 8 - 4

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T =[A X

0 N

]ou X ∈L(K,H). (1)

Dans cet article nous généralisons d’une part le théorème 1 dans [1] en montrantque siX = 0 et 0 n’est pas dans le spectre ponctuel deA, alorsα(T ) = α(N). En par-ticulier T est réflexif si et seulement siN est réflexif. D’autre part nous montrons quesi N est nilpotent cyclique d’ordren de vecteur générateure ∈ K etX ∈L(K,H),alors :(i) α(T ) = 1

2n(n+ 1) si 0 est une valeur propre simple deA associée àT ne.(ii) α(T ) = 1

2n(n − 1) si 0 est une valeur propre deA associée àT ne d’ordre demultiplicitée supérieure ou égale à deux.

Nous désignons parσp(A), R(A), Ker(A) respectivement le spectre ponctuel deA, l’adhérence de l’image deA et le noyau deA. VectA(y1, y2, . . . , yr ) estle sous-espace fermé deH invariant pour A engendré pary1, y2, . . . , yr etVect(y1, y2, . . . , yr ) est le sous-espace deH engendré pary1, y2, . . . , yr .

Nous commençons par donner deux lemmes qui nous seront utiles par la suite.

Lemme 1. SiA ∈ L(H) est un opérateur auto-adjoint tel que0 /∈ σp(A), alorspour toutx ∈ H on ax ∈ VectA(Ax).

Preuve. PosonsL = VectA(Ax) et soity la projection orthogonale dex surL. Ona ||A(y − x)||2 = (y − x,A2(y)− A2(x)) = 0 puisquey − x est orthogonal àL etA2(y)− A2(x) ∈ L. Par suiteA(y − x) = 0, doncy − x = 0 etx = y ∈ L. �

Lemme 2. SiA ∈L(H) est un opérateur auto-adjoint tel que0 /∈ σp(A), alors onaW0(A) = W(A).

Preuve. Si H est séparable, d’après la représentation spectrale des opérateurs auto-adjoints, nous pouvons supposer queH = L2(µ) où µ est une mesure positivebornée etA = Mφ l’opérateur de multiplication parφ ∈ L∞(µ). Il est bien connuque(L∞(µ); σ(L∞(µ), L1(µ))) et ({Mφ : φ ∈ L∞(µ)};WOT ) sont isomorphes,donc nous sommes amenés à montrer que 1 appartient à la fermeture faible de{φP(φ) : P ∈ C[X]} dansL∞(µ). En vertu de la dualité faible entreL1(µ) etL∞(µ), il suffit de montrer que l’on a pourf ∈ L1(µ):

∀n ∈ N∗∫φnf dµ = 0H⇒

∫f dµ = 0.

Soientn ∈ N∗ et f ∈ L1(µ) tels que∫φnfdµ = 0. On peut écriref = gh

avec f et g ∈ L2(µ). Le sous-espaceKg = Vect(φng : n ∈ N∗), fermé pourσ(L∞, L1), est invariant pourA et orthogonal àh. Par le lemme 1, on ag ∈ Kg,donc

∫fdµ = ∫ ghdµ = 0, ce qui achève la démonstration.

Dans le cas oùH est quelconque, soientB ∈ W(A), x1, x2, . . . , xr ∈ H etε > 0. Lesous-espaceVectA(x1, x2, . . . , xr) ∈ Lat A ⊂ Lat B. PosonsA1 =

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A|VectA(x1, x2, . . . , xr) et B1 = B|VectA(x1, x2, . . . , xr ). On aB1 ∈ W(A1) =W0(A1) d’après ce qui précède, donc il existeP ∈ C[X] tel que:

||(B − AP(A))xi || = ||(B1 − A1P(A1))xi || 6 ε pouri = 0, . . . , r.

Ceci achève la démonstration.�

Théorème 3. SoientA ∈ L(H) un opérateur auto-adjoint tel que0 /∈ σp(A) etN ∈ L(K) un opérateur nilpotent d’ordre n. Soiente ∈ K tel queNn−1e 6= 0,G ∈ Lat N tel queK = VectN(e) ⊕ G, Xm le polynôme minimal deN |G etT = A⊕N . On a l’équivalence suivante:

Lat T ⊂ Lat S ⇐⇒S = Q+D avecQ ∈ W(T ),D|H ⊕G = 0,D(T ie) ∈ VectT (T m+i e) pour i = 0, . . . , n− 1.

Preuve. Supposons que LatT ⊂ Lat S, donc LatA ⊂ Lat (S|H) et Lat N ⊂Lat (S|K). Par suite on aS|H ∈ W(A) par [2] ;S|K = P(N) + B avecP ∈ C[X],B|G = 0 etB(T ie) ∈ VectT (T m+i e) par [3]. D’après le lemme 2, on aS|H −P(A)∈ W(A) = W0(A), donc il existe une suite généralisée de polynômesPi tels queAnPi(A)+ P(A) converge faiblement versS|H . PosonsQ = S|H ⊕ P(N) etD =S −Q. Il est clair queT nPi(T )+ P(T ) converge faiblement versQ, S|H ⊕G = 0etD(T ie) = B(T ie) ∈ VectT (T m+i e).

Inversement, supposons les conditions du théorème satisfaites. Il suffit de montrerLat T ⊂ Lat D. Soitx = y+∑i=n−1

i=0 aiTie + z avecy ∈ H , ai ∈ C et z ∈ G. On

aDx =∑i=n−1i=0 aiDT

ie etT mx = Amy +∑i=n−1i=0 aiT

m+i e. CommeVectT (x) =Vect(x, T x, . . . , T n−1x)+ VectA(Any), alors

∑i=n−1i=0 aiT

m+ie ∈ VectT (x). Doncsi ak est le premier terme non nul, alorsT m+ke, T m+k+1e, . . . , T n−1e ∈ VectT (x),doncDx ∈ VectT (x). �

Remarque. Si N est un opérateur nilpotent d’ordren sur un espace de HilbertK ete ∈ K est tel queNn−1e 6= 0, alors d’après le lemme 1 dans [4] VectN(e) admet unsupplémentaire invariant.

Corollaire 4. SoitT = A ⊕ N l’opérateur défini dans le théorème 3. Le défaut deréflexivié de T est donné par:

α(T ) = (n−m)(n−m− 1)/2.

Preuve. SoientTi,j la famille d’opérateurs définie par:{Ti,j (T

ke) = δi,k T m+i+j e pourk = 0, . . . , n− 1,

0 ailleurs

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(δi,k est le symbole de Kronecker). Les opérateursTi,j sont dans AlgLatT par lethéorème 3, de plus ils ne commutent pas avecT, donc n’appartiennent pas àW(T ).Un simple calcul montre que la famille:

{Ti,j +W(T ): i = 0, . . . , n−m− 2, j = 0, . . . , n−m− i − 2}est une base de AlgLatT/W(T ). �

Remarque. Dans [1] le théorème 1 donne une description complète de AlgLatNlorsqueN est un opérateur nilpotent sur un espace vectoriel. Il est à remarquer quecette description reste valable sur un espace de Hilbert. Plus précisément, soitN unopérateur nilpotent d’ordren sur un espace de Hilbert complexeK. Soiente ∈ K telqueNn−1e 6= 0,G ∈ LatN tel queK = VectN(e)⊕G etXm le polynôme minimaldeN |G. On a:

α(N) = (n−m)(n−m− 1)/2.

Par suite le précédent corollaire est une extension du théorème 1 dans [1].

Corollaire 5. SoientA ∈ L(H) un opérateur auto-adjoint tel que0 /∈ σp(A)

et N ∈ L(K) un opérateur nilpotent. L’opérateurT = A ⊕ N est réflexif si etseulement si N est réflexif.

Preuve. Le résultat découle immédiatement du corollaire 4 et de la remarqueprécédente. �

Remarque. On a toujoursN réflexif entraineA ⊕ N est réflexif. En effet si 0∈σp(A), alors suivant la décompositionH ⊕ K = R(A) ⊕ K ⊕ Ker(A), on aT =A1⊕N⊕0 avec 0/∈ σp(A1) etA1 = A|R(A). Comme la réflexivité se conserve parsimilitude, alorsT est réflexif par le corollaire 5. Cependant la réciproque est fausse.Il est clair en effet que l’opérateurA ⊕ J (0,2) est réflexif si 0∈ σp(A), alors queJ (0,2) ne l’est pas.

Corollaire 6. Soit

T =[A X

0 N

]l’opérateur défini surH ⊕ K tel que A est auto-adjoint, N est nilpotent cycliqued’ordre n de vecteur générateur e etX ∈L(K,H). On a les résultats suivants:

(i) Si 0 est une valeur propre simple de A associée àT ne, alors

α(T ) = n(n+ 1)/2.

(ii) Si 0 est une valeur propre de A d’ordre de multiplicitée supérieure ou égaleà 2 associée àT ne, alors

α(T ) = n(n− 1)/2.

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Preuve. (i) On peut écrireH = Vect(T ne) ⊕ G oùG ∈ Lat A, doncH ⊕ K =G⊕Vect(e, T e, . . . , T ne), doncT est semblable àA1⊕J (0, n+1) avecA1 = A|Get 0 /∈ σp(A1), d’ où le résultat par le corollaire 4.

(ii) De H = R(A) ⊕ Ker(A) et Ker(A) = Vect(T ne) ⊕ G où G ∈ Lat A,résulteH ⊕K = R(A)⊕ Vect(e, T e, . . . , T ne)⊕K, doncT est semblable àA1⊕J (0, n+1)⊕0 avecA1 = A|R(A) et 0 /∈ σp(A1). En vertu du corollaire 4 on obtientle résultat. �

Commentaire.Nous pensons que siT est une extension d’un opérateur auto-adjointpar un opérateur cyclique d’ordren, alorsα(T ) est au plus égale à12n(n+ 1).

Nous remerçions B. Charles pour son aide au cours de l’élaboration de cet article.Nos remerciements aussi au referee pour ses suggestions qui ont permis de simplifierla démonstration du lemme 1.

References

[1] M. Benlarbi Delai, B. Charles, Description de AlgLatA pour un opérateurA algébrique, LinearAlgebra Appl. 187 (1993) 105–108.

[2] D. Sarason, Invariant subspaces and unstarred algebras, Pac. J. Math. 17 (1966) 511–517.[3] J.A. Deddens, P.A. Fillmore, Reflexive linear transformations, Linear Algebra Appl. 10 (1975) 89–93.[4] M. Barraa, B. Charles, Sur l’orbite d’un espace de Banach sous l’action du commutant d’un opérateur

nilpotent, Linear Algebra Appl. 135 (1990) 167–170.