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Extrait de la publication

Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · comme un coup au plexus : à la fois lettre d’amour et déclaration de guerre, le texte avait profondément remué la jeune féministe

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  • la lettre aérienne

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  • Nicole Brossard

    la lettre aérienne

    les éditions du remue-ménage

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    Extrait de la publication

  • Couverture : Tutti FruttiEn couverture : P. Marton, La fontaine des naïadesInfographie : Folio infographie

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Brossard, Nicole, 1943-La lettre aérienne2e éd.ISBN 978-2-89091-280-91. Femmes. 2. Lesbianisme. 3. Patriarcat (Sociologie). I. Titre.HQ1208.B76 2009 305.4 C2009-940788-4

    © Les Éditions du remue-ménageDépôt légal : quatrième trimestre 2009Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque et Archives nationales du QuébecPremière édition 1985

    Les Éditions du remue-ménage110, rue Sainte-Thérèse, bureau 501Montréal (Québec) H2Y 1E6Tél. : 514 876-0097/Téléc. : 514 876-7951info@editions-remuemenage.qc.cawww.editions-remuemenage.qc.ca

    Distribution en librairie (Québec et Canada) : Diffusion DimediaEn Belgique : SDL CaravelleEn Europe (sauf la Belgique) : La Librairie du Québec à Paris/DNMAilleurs à l’étranger : Exportlivre

    Les Éditions du remue-ménage bénéficient du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour leur programme d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’en-tremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

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    Libre et affranchie, comme une lettre aérienne

    Lucie Joubert

    Certaines lettres font le tour du monde avant d’ar-river à bon port : imprécision de l’adresse, mauvaise conjoncture (une guerre, un facteur distrait), dispari-tion pure et simple du destinataire ; d’autres, au contraire, trouvent vite leur chemin et créent un tel effet de choc qu’il nous faut sans cesse les relire, pour s’en imprégner, pour les apprendre – presque – par cœur. La lettre aérienne est de celles-là. Il y a vingt-cinq ans, je recevais cette missive de Nicole Brossard comme un coup au plexus : à la fois lettre d’amour et déclaration de guerre, le texte avait profondément remué la jeune féministe que j’étais alors. Souvent consultée depuis, cette lettre m’accompagne : je m’y replonge à intervalles réguliers, je me l’approprie encore et encore ; j’en parle dans mes cours parce qu’elle m’interpelle toujours…

    On la réédite aujourd’hui. Or, au cœur de tout projet de réédition, de quelque nature qu’il soit, sur-gissent deux questions qui pèsent de tout leur poids symbolique : pourquoi et pourquoi maintenant ? La

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    la lettre aérienne

    lettre aérienne n’échappe pas à l’exercice, surtout dans une société en pleine mutation comme la nôtre où les femmes ont fait des pas de géantes, donnant à penser que leurs revendications ont trouvé des solutions défi-nitives. Pour comprendre la nécessité du projet, il s’agit de rouvrir cette lettre.

    On découvrira qu’elle se projetait, dès 1985, dans ce nouveau millénaire maintenant entamé ; elle invite à présent à mesurer le chemin parcouru et le bien-fondé de ses prospectives. Nicole Brossard affirmait alors : « écrire maintenant et en l’an 2000, cela voudra donc dire : écrire ce qui de mémoire d’ homme ne s’était jamais conçu » ; « L’essentiel, c’est ce que nous cher-chons à mettre en mots car nous n’avons pas encore les mots pour dire cela ». C’était alors un programme vertigineux que de vouloir rendre cela à la femme : sa langue, son corps, son espace d’écriture, son désir. C’était une tâche colossale que de détecter toutes les manifestations du patriarcat. Il fallait être vigilante, ne rien laisser passer.

    Il fallait, dis-je. Mais sommes-nous, aujourd’hui, vraiment mieux outillées pour dire cela ? Avons-nous enfin réussi à imposer une mémoire de femme qui puisse rendre compte de notre condition ? Pouvons-nous déposer les armes et goûter au repos de la guer-rière ? Rien n’est moins sûr, d’où la nécessité de relancer La lettre aérienne et de la laisser virevolter parmi nous, pour qu’elle touche d’autres destinataires. Elle a encore tout ce pouvoir. Je le sais, car il me suffit de voir l’effet du texte de Nicole Brossard sur mes étudiantes, qui tombent des nues en lisant ces pages. Quoi ? Je parle une langue étrangère ? Il faut alors retourner à la lettre.

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    Cette langue – que nous parlons avec un accent de toute façon, rappelle Brossard – s’entend, entre autres, dans la vigueur avec laquelle certaines auteures reven-diquent une appartenance à la Littérature, loin des ghettos de « textes de femmes ». Fort bien, insistera une étudiante (qui écrit en secret, peut-être), mais si je veux, moi, appartenir à l’universel ? « Là où il y a de l’humanité, la femme est invisible », répond Brossard.

    Ce sont des phrases qui heurtent toujours : les filles résistent, s’insurgent, tentent de prouver qu’on n’en est plus à ces constats déprimants d’avant, que le patriarcat n’est plus « présent partout comme une gifle à répéti-tion ». C’est l’incrédulité dans la salle de cours : je ne suis pas un objet, mon corps m’appartient mainte-nant ; j’en fais ce que je veux.

    Elles sont si vibrantes, si enthousiastes que j’ai envie de croire avec elles que La lettre aérienne, à ce chapitre du moins, a fait son temps. Mais je suis une vieille routière et je doute, devant elles : avons-nous réussi à échapper à l’image, pire, à son mensonge, pour pro-poser d’autres modèles, en trois dimensions cette fois ? Que faisons-nous maintenant de notre corps retrouvé ? Bien des choses, certes. Nous ne sommes plus gênées de le montrer, mais nous ne le haïssons pas moins. Trop ceci, pas assez cela, signe manifeste que ce cela brossardien nous échappe encore. Une petite gêne dans la salle de classe : tous ces magazines féminins travailleraient contre nous dans un simulacre de célé-bration ? Le patriarcat, tant dénoncé par Brossard, prend subitement une allure très familière et ce n’est pas de tout repos pour une génération convaincue

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    la lettre aérienne

    d’être passée à autre chose.De même, dans sa conception de l’écriture des

    femmes, La lettre aérienne a bousculé bien du monde en 1985. La distance que prenait Brossard avec la cri-tique féministe, passage paradoxal s’il en est et qui heurtait de front ses défenseures, remue toujours : « Que peut la critique féministe et que veut-elle ? Il me semble que la critique ne peut pas faire plus pour les textes que ceux-ci ne le font pour eux-mêmes. » Quelle leçon d’humilité pour celles (comme moi…) qui commentent et enseignent Brossard, bien à l’abri des remous engendrés par des positions aussi tranchées, et qui restent, malgré cet engagement, spectatrices de sa prise de parole. Nous la reprenons, l’analysons, participons à sa diffusion, bien sûr, mais toujours de loin, dans le confort de notre lieu d’observation, à côté de l’action.

    Car la féministe qui écrit, la radicale, l’intégrales – au singulier pluriel, puisqu’elle coïncide enfin avec tout ce qui la constitue – s’exprime parce qu’elle « res-sent une profonde insatisfaction devant le discours majoritaire et englobant qui nie les différences et qui sclérose la pensée ». Elle monte au front. Elle fait face. Ici, il me faut amener la classe à saisir l’envergure d’une telle entreprise. Les mots dépassent les phrases, le texte, pour devenir des prises de position. Et je cite Brossard, qui, résumant un jour le renoncement qu’exige une écriture sans compromis, a eu cette for-mule qui m’est toujours restée à l’esprit : « À chaque fois que j’ai terminé un livre, j’ai perdu un ami. Il faut accepter cette fatalité quand on écrit. » Rires un rien malicieux dans la classe : le militantisme de la profes-

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    seure est soudain moins éclatant. Combien d’amis avez-vous perdus ?

    La lutte de Brossard se poursuit sur le terrain de l’intime et du désir. À cet égard, l’œuvre conserve toute l’audace d’une réflexion délibérément provoca-trice sur le corps lesbien. Selon Brossard, il n’y a pas d’autre choix pour une femme : « la lesbienne est l’in-tuition de la plus audacieuse lucidité ». Même dans la société actuelle, plus largement réceptrice à la diversité, les mots portent. Réaction fulgurante chez plusieurs étudiantes qui résistent à ce qu’elles perçoivent comme une réactualisation de l’équation entre féministe et lesbienne, un stéréotype, soutiennent-elles, qui les fait hésiter à se déclarer militantes. Tout doux, calmons-nous, leur dis-je alors. C’est sans doute aujourd’hui seulement que nous pouvons saisir, au-delà de l’in-transigeance de la formulation, le projet de  Brossard ; elle exprime sa réalité, refuse de « se prendre pour un autre », c’est-à-dire un sujet masculin universel qui engloberait le sujet femme qui ne sait pas encore ce qu’il veut. Les filles ont une interrogation dans l’œil, mais la question qui les taraude, c’est surtout à elles-mêmes qu’elles doivent la poser : suis-je quelqu’un que je ne veux pas être ?

    Ainsi, les mots n’ont jamais été dits une fois pour toutes et il n’est pas inutile de les répéter. Qui lira La lettre aérienne aujourd’hui ? Des gens de tous les âges, on l’espère, et… de tous les sexes. De ce point de vue, on peut se laisser aller à l’optimisme : dans les classes, les garçons se joignent maintenant à la réflexion. Ils ne sont pas encore nombreux, certes (là-dessus, on est loin du compte en matière d’égalité),

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    mais discrètement, ils viennent s’interroger sur ce que le patriarcat a cherché à faire d’eux, depuis tout ce temps. C’est aussi à eux que La lettre aérienne s’adresse, car son message va bien au-delà du féminisme : elle touche l’individu(e) face à soi-même et peut faire vibrer en chacun la phrase suivante, au nous inclusif : « si le patriarcat est parvenu à ne pas faire exister ce qui existe, il nous sera sans doute possible de faire exister ce qui existe ». Décacheter La lettre aérienne c’est ainsi ouvrir à nouveau le dialogue : avec Nicole Brossard, bien sûr, mais aussi avec ceux et celles que nous sommes en train de devenir.

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    Relire La lettre aérienne

    Relire. Découvrir. Tels sont sans doute les deux verbes que sous-tend une réédition. Un mot dans lequel le temps se sera installé de manière à faire scin-tiller certains passages et à en obscurcir d’autres. Comment un texte tient-il la route au fil des décen-nies ? Qu’est-ce qui le dépossède de son allure fié-vreuse, qu’est-ce qui le rend encore vivant et pertinent ? Une chose est certaine, nous sommes ici dans le temps court de la vie d’un livre, d’une auteure, du dyna-misme de la société québécoise qui, en cinquante ans, aura à la fois absorbé à un rythme effarant les grandes idéologies du 20e siècle ainsi qu’une manière de vivre apparue avec les technologies nouvelles en ce début de 21e siècle. Avec le temps, je reste encore étonnée devant les incroyables méandres de la pensée qu’il aura fallu parcourir pour faire advenir dans le réel l’idée que les femmes sont des sujets. Et je ne suis pas sans constater qu’à peine advenu, le sujet-femme s’est aussitôt trans-formé en individu, tenant déjà à distance le sujet d’appartenance et de solidarité qui lui a donné vie. Il est en effet étrange de penser que si, il y a quarante ans, les femmes étaient isolées les unes des autres par

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    le mariage, elles risquent maintenant d’être isolées les unes des autres par leur intégration au système de performance qui individualise à outrance.

    Retrouver des mots, des idées, un spectacle de la pensée en gestation rendue familière ou transformée avec le temps, c’est ce que représente la réédition de La lettre aérienne. Retrouver le foisonnement des pensées, l’inquiétude fertile et créatrice. Je changerais peu de chose dans La lettre aérienne pour la simple raison que ce livre appartient tout autant à mon amour des mots, au plaisir de la traversée des questions, à ma révolte devant la violence insoutenable et l’injustice faites aux femmes qu’à l’analyse du patriarcat qui, comme les grandes organisations mafieuses, a une capacité d’adaptation à tous les changements idéolo-giques, y compris aux changements féministes et technologiques. Et puis, je ne suis pas prête à échanger le mot lesbienne pour gaie ou queer. J’aime garder auprès de moi la pensée de l’île de la poésie de Sappho et aussi les noms de Monique Wittig, d’Adrienne Rich et de Mary Daly.

    Une partie de la vie et de nos vies est invisible : secrète, douloureuse, heureuse, imaginée pour le plaisir ou inventée par nécessité compensatoire. C’est la partie désirante, rêveuse qui en chacun de nous alimente le potentiel de renouveau du contrat social. C’est là que l’imprévu, l’impossible, l’inattendu mijo-tent notre avenir singulier et collectif. C’est d’abord dans cette partie invisible que se préparent les projets qui deviendront art, science, architecture, révolution ou desseins terrifiants de petites et grandes domina-tions. Une grande partie de la littérature consiste à

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    faire émerger la partie invisible dans la langue, l’autre à interpréter le réel. Le féminisme a fait émerger cette partie secrète qui anéantissait les femmes sous la culpabilité et le désespoir. Chaque individu a sa partie secrète et il en est de même pour chaque collectivité. Les sociétés ont aussi des blessures ; la tuerie de Poly-technique, toutes les guerres, tous les grands deuils collectifs font partie de nos blessures. À chaque géné-ration, la partie invisible de la vie collective se modifie, la plupart du temps légèrement, parfois radicalement, comme ce fut le cas avec notre révolution tranquille. Chaque génération doit trouver sa version, réapprendre ce que c’est qu’aimer, partager, se défendre, apprendre à apprendre. Une partie de La lettre aérienne a consisté à comprendre l’imbrication du singulier et du col-lectif, du quotidien et du politique, du réel et de l’imaginaire. Et je crois pouvoir dire que j’ai écrit ce livre avec tout ce que je suis : excessive, rationnelle, rebelle et exploratrice. Et le corps, bien sûr, tout recommence avec le corps, ses joies, ses envolées, son appétit, ses blessures. Ses privilèges, son immunité ; les angoisses, les interdits et les risques selon le sexe.

    Le changement est sans doute le mot clé de la vie contemporaine. En moins de vingt ans, notre société a vite traversé les trois états caractéristiques d’une société capitaliste et mercantile : société du spectacle, du désenchantement et premiers balbutiements de l’imaginaire post-humain*. Bien sûr, nous vivons plus ou moins comme avant, mais ce sont là trois moments

    * Antoine Robitaille, Le nouvel homme nouveau, Voyages dans les utopies de la posthumanité, Montréal, Boréal, 2007.

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    consécutifs qui traduisent la rapidité avec laquelle les symboles, les fantasmes, les rêves, nos désirs et nos besoins ont changé, voire la notion de responsabilité. Et pourtant « C’est ici que je recommence*… ».

    Alors qu’au 20e siècle, on aura interrogé le patriarcat à la fois sous l’angle des ordonnances et des interdits religieux (toujours violemment en vigueur), sous l’angle des injustices et des inégalités associées au capitalisme, sous le rapport des pratiques de discrédit, de soumission et d’humiliation (violence, inceste, viol), en ce début de 21e siècle, on questionnera surtout les manifestations du patriarcat liées au pouvoir médiatique (mode, role model, discrédit du discours féministe), économico-criminel (prostitution, escla-vage sexuel, vente et circulation des corps, pornogra-phie virtuelle) et scientifique (reproduction assistée, augmentation des accouchements par césarienne, avortement de fœtus féminins, etc.), chacun de ces trois univers ayant contribué à modifier notre rapport à la naissance, à la reproduction, voire à la vieillesse et à la mort**, et enfoui à tout jamais l’idée de continuité et de permanence à laquelle nous avaient habitué/es nos lentes et courtes vies. Si des phrases comme « nous aurons les enfants que nous voulons » prennent aujourd’hui, compte tenu des nouvelles techniques de reproduction, un tout autre sens, il n’en reste pas moins que la question de l’avortement (interruption de grossesse) sur demande reste toujours un enjeu

    * Nicole Brossard, La lettre aérienne, Montréal, Remue-ménage, 1985.** Céline Lafontaine, La société postmortelle, Paris, Seuil, 2008.

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    politique ; de même, « la vie privée est politique », expression par laquelle les femmes faisaient valoir que leurs épreuves personnelles relevaient d’un système plutôt que d’elles-mêmes, s’est dissoute dans le voyeu-risme médiatisé de l’étalage intimiste des malheurs et des humiliations de victimes promues vedettes d’une émission grâce à leurs révélations.

    En principe, il y a dans notre société l’espace néces-saire pour qu’une fille réalise ses idéaux. Pour la pre-mière fois, les jeunes filles peuvent choisir leur futur (sans jeu de mots). Choisir ne devrait pas être consi-déré comme un privilège. Je dirais que cela devrait plutôt être un exercice de liberté, de raisonnement, une manière d’exercer sa capacité de rêve, de désir et de jouissance dans un ensemble de valeurs qui renou-vellent l’autre et le soi, le fertile penchant de connais-sance et de partage, virtuel en chaque génération. De même, je crois qu’une phrase comme écrire je suis une femme est plein de conséquences reste vraie mais en ajoutant que, vingt-cinq ans plus tard, j’ose espérer que la suite est cette fois-ci surtout du côté du déploie-ment des aptitudes et du potentiel plutôt que du côté des sanctions et entraves patriarcales.

    Je suis heureuse de cette réédition de La lettre aérienne, et j’en remercie mes éditrices, car il m’im-porte que nous puissions encore repérer les énigmes de sens et de vie qui se cachent dans les mots. Il m’im-porte aussi que ceux-ci aient la capacité de nous réen-chanter, sel de désir sous la langue, sel de vie dans la vie.

    N. B.Montréal, mars 2009

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    Préface de la première édition

    Je crois qu’il n’y a qu’une seule explication à tous ces textes, c’est mon désir et ma volonté de comprendre la réalité patriarcale et son fonctionnement, non pas pour elle-même mais pour ses conséquences tragiques dans la vie des femmes, dans la vie de l’esprit. Il y a dans La lettre aérienne dix ans de colère, de révolte, de certitude, de conviction, dix ans de combat contre ce qui fait écran à l’énergie, à l’identité et à la créativité des femmes. Dix ans de courbes, de graffiti, de ratures et d’écriture afin d’exorciser « le mauvais sort ». Il a fallu me « colleter aux mots » pour que naissent de la bagarre bigarrée des émotions le flamboiement des spirales et les femmes tridimensionnelles qui alimen-tent mon désir et mon espoir.

    On trouvera dans La lettre aérienne des textes comme « La plaque tournante », qui traduisent l’in-confort d’une pensée qui cherche à renverser de l’in-térieur la loi patriarcale et les abîmes de pensée dans lesquels elle nous plonge lorsque nous cherchons à nous en défaire. Abîmes de sens abîmé. D’autres textes manifestent sans nuance mon enthousiasme, d’autres encore, comme « La lettre aérienne », s’offrent comme

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  • la lettre aérienne

    texture et relief d’exploration dans le croisement des idées et des images.

    Ici tout est tendu vers l’écriture et le langage, tout est travail afin de dénouer l’énigme de la femme qui nous fait mal : la fictive incarnée du masculin.

    Question d’écriture, La lettre aérienne est posée comme une question féministe au cœur du réalisme quotidien et des séquences utopiques qui traversent nos pensées, nos paroles et nos gestes. J’aime penser que la lettre est cet espace « critique » où nous appre-nons à voir la nature de nos désirs, au ralenti et en accéléré, dans le détail et l’ensemble.

    Je ne sais si avec le temps, la mémoire nous incline à revoir en détail les visages avec lesquels on a parti- cipé d’un mouvement et d’un enthousiasme collec- tif, mais je voudrais ici remercier toutes celles qui, d’une manière ou d’une autre, militantes, écrivaines, cinéastes, barmaids, éditrices, animatrices, musi-ciennes, traductrices, comédiennes, journalistes, libraires, photographes, critiques et danseuses jusqu’à l’aube, m’ont appris à reconnaître le son multiple des voix qui parlent en nous la part radicale.

    N. B.Montréal, juin 1985

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    Libre et affranchie comme une lettre aérienne 7 Lucie JoubertRelire La lettre aérienne 13Préface de la première édition 19

    La plaque tournante 23La coïncidence 41La lettre aérienne 55L’appréciation critique 79Synchronie 85De radical à intégrales 93Kind skin my mind 111Une image captivante 117Lesbiennes d’écriture 127Accès à l’écriture : rituel langagier 135Intercepter le réel 147Certains mots 153

    De la même auteure 157

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    Libre et affranchie,comme une lettre aérienneRelire La lettre aériennePréface de la première éditionTable