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la petite vermillon

 

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MontmartreGens et légendes

 

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Du même auteur

À

L A

T A B L E

R O N D E

Escale.Vagabondages littéraires à Paris.Petite Anthologie de poésie ferroviaire.Montparnasse, l’âge d’or.

Prix des Amis de « La PetiteVermillon », 2006.

L E S

G R A N D S

E X P R E S S

I N T E R N A T I O N A U X

(en collaboration avec Jean des Cars)

L’Orient-Express, cent ans d’aventures ferroviaires.

Couronnépar l’Académie française.

Le Transsibérien, l’extrême Orient-Express.Le Train bleu et les Grands Express de la Riviera.Les Trains des rois et des présidents.L’Aventure de la malle des Indes.La tour Eiffel, un siècle d’audace et de génie.

A U X

É D I T I O N S

F L A M M A R I O N

Saint-Germain-des-Prés.Le Paris de Jacques Prévert.Les Champs-Élysées.Le Goût du voyage, de l’Orient-Express aux trains à grande

vitesse.

C H E Z

D I V E R S

É D I T E U R S

Le Roman du Printemps, l’histoire d’un grand magasin

(Denoël).

Lever de rideau, histoire des théâtres privés de Paris

(Denoël)

.Voyages,

préface de Pierre-Jean Remy (Olivier Orban).

L’Art du Sud – Provence-Côte d’Azur

(Image-Magie).

Normandie,

préface de Malcolm Forbe

(Image-Magie).

Vivre Paris,

préface de Jacques Laurent (Mengès).

Les Exilés de Montparnasse, 1920-1940

(Gallimard)

 

.

 

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La Table Ronde

14, rue Séguier, Paris 6

e

Jean-Paul Caracalla

MONTMARTRE

Gens et légendes

 

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Première publication : Pierre Bordas & fils, 1995.

© Éditions de La Table Ronde, 2007.ISBN 978-2-7103-2846-9

.

 

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Le 15 décembre 1881, Rodolphe Salis ouvre au84 du boulevard Rochechouart, à l’enseigne duChat Noir, un cabaret dont la renommée a faitle tour du monde. C’est un local laissé vacantpar l’Administration des Postes et Télégraphes,plutôt miteux, dans lequel Salis, avec quelquescuivres et étains, des tables et des chaises dechêne noirci, a vite fait d’installer son estamineten cabaret de style Louis XIII.

Pourquoi le Chat Noir ? Juste parce qu’unpetit chat noir, abandonné, venait miaulerdevant la porte pendant l’aménagement ducabaret. Salis, admirateur d’Edgar Poe, honorepar la même occasion l’auteur des

Histoiresextraordinaires

.La veille de l’ouverture, rôdant dans le quar-

tier, Salis a la chance de rencontrer le poèteÉmile Goudeau à la Grande Pinte, place

 

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M O N T M A R T R E

Pigalle. Émile Goudeau est l’éminent présidentdes Hydropathes, cercle dont les membres com-posés de poètes, musiciens, artistes, se réunis-sent au premier étage d’un café-restaurant de larue Cujas, au cœur du Quartier latin. Cet éta-blissement va fermer, Salis lui offre d’organiserses réunions au Chat Noir. Le président-poèteaccepte volontiers cette offre. Dorénavant, lesHydropathes se rendront dans le cabaret duboulevard Rochechouart. C’est une aubainepour le nouveau cabaretier, car si l’on ne con-naît pas la définition exacte de l’« hydropathe »,on peut étymologiquement en déduire qu’iln’est pas buveur d’eau.

Dans un article du

Matin

daté du 13 décem-bre 1899, Goudeau s’est expliqué sur le motbarbare d’hydropathe : « J’avais acquis le sur-nom d’hydropathe parce que je demandais,pendant plusieurs jours à tous les échos, quelétait le sens du mot allemand

Hydropathen

, quiservait de titre à une valse alors très jouée

Hydropathen-Walz

du maestro Josef Gungl,compositeur hongrois (1810-1889).

Quand je fis donner ce nom à la société, jefeignis de croire que c’était celui de quelqueanimal fabuleux qui aurait eu des pattes de cris-

 

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tal.

Pathen

,

hydro

: en eau cristallisée. C’était dela fantaisie et l’on s’en amusa. »

Bientôt les anciens Hirsutes, les Incohé-rents vont suivre. Tous poètes, peintres, musi-ciens, sculpteurs, graveurs, dessinateurs, ces« bohèmes », comme dit le bourgeois, vontfaire la fortune de Rodolphe Salis.

On imagine ce que représentent de gaieté,de fantaisie, de lyrisme et d’espoir dans unegloire incertaine, ces réunions où il n’est pasrare d’entendre Émile Goudeau déclamer sonpoème farouche des Polonais :

En ce temps-là, le duc de Soulografiesky,Prince des Polonais et Ruthènes à quiLa soif des Danaïdes avait donné la gloire,Descendit longuement de son trône et, sans boire,Dit aux ivrognes vieux qui formaient son conseil :

L’heure est enfin sonnée au cadran du soleil,L’heure où sur les Gaulois, ces buveurs sans vergogne,Devra prédominer l’étendard de Pologne,L’étendard rouge et jaune et bleu, drapeau divin,Dont la forme est bouteille et dont le fond est vin !

Composé d’une première salle plus longueque large et, au fond, d’un réduit très sombreappelé l’Institut, le cabaret s’anime un peu avantl’heure apéritive. Arrive alors la faune artistique

 

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M O N T M A R T R E

et littéraire : George Auriol, « chanoiriste » de lapremière heure, qui se dit courtier en bêtesféroces ; il est surtout l’auteur de la romance

Quand les lilas refleuriront

et dessinateur de la

Semeuse

du Larousse, Charles Cros, poète etsavant, inventeur du phonographe, auteur demonologues pleins d’humour :

Le Hareng saur

,

Le Bilboquet

,

L’Obsession

,

La Famille Dubois

, queCoquelin cadet, de la Comédie-Française etancien Hydropathe, détaille avec succès dans lessalons. Bien d’autres poètes célèbres, commeEdmond Haraucourt, Albert Samain, MauriceRollinat, Jean Richepin, Raoul Ponchon, Geor-ges d’Esparbès… et les chansonniers VictorMeusy, Aristide Bruant, Mac Nab… fréquententaussi le Chat Noir. Le succès est grand et le localdevient trop petit pour sa clientèle nombreuse,depuis que le Tout-Paris vient s’encanailler àMontmartre. Salis va s’agrandir. Il loue un hôtelparticulier rue Victor-Massé, ayant appartenu àAlfred Stevens, le peintre belge de la Parisiennedu Second Empire. À la fin du mois demai 1885, le Chat Noir va s’installer dans sonlocal nouveau. La cérémonie d’inauguration estgrandiose. Précédés de deux suisses, quatre hal-lebardiers portent le

Parce Domine

d’AlfredWillette. Salis, revêtu d’un uniforme de préfet de

 

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première classe, suit. Viennent ensuite le gérant,habillé en conseiller de préfecture et, enfin, lesamis du cabaret, chantant la chanson d’AristideBruant :

Nous cherchons fortuneAutour du Chat NoirAu clair de la luneÀ Montmartre le soir…

C’est bien la première fois qu’on chanteainsi dans Montmartre, dont les origines se per-dent dans un glorieux passé séculaire.

Le Caveau du Chat Noir, 68, boulevard deClichy, est ouvert par le chanteur à voix JeanChagot, avec l’autorisation de la veuve deRodolphe Salis. À ne pas confondre avecl’authentique Chat Noir. Après le décès deMme Salis, on supprimera le mot Caveau, afinde tenter de s’attribuer la réputation del’authentique cabaret.

Les mousquetaires au couvent

Le nom de Montmartre demeure sujet decontroverses. Certains assurent qu’il vient de

Mons Martis

(le mont de Mars), d’autres le fontdériver de

Mons Martyrum

(le mont des mar-

 

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tyrs). En fait, il découle des deux. Au temps del’occupation romaine, la Butte a été surmontéede deux temples élevés aux dieux Mars et Mer-cure, puis elle a été le témoin du martyre de saintDenis et de ses compagnons saint Éleuthère etsaint Rustique, dont le lieu légendaire se situe àl’emplacement de la chapelle des Dames Auxilia-trices de la Rédemption, place des Abbesses.D’après Grégoire de Tours, saint Denis, premierévêque de Paris, décapité pour avoir refusé derenier son Dieu, qui aurait ramassé sa tête aprèssa décollation, serait parti de là pour Saint-Denis. À propos de cette performance miracu-leuse, Mme du Deffand écrivit à d’Alembert (en1763) : « Il n’y a que le premier pas qui coûte. »Après avoir été décapité, le saint se lava à unesource qui devint la fontaine Saint-Denis(impasse Girardon) ; la source se tarit malheu-reusement au début du

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e

siècle. Cettelégende, déjà bien établie au

v

e

siècle, connut parla suite une popularité considérable, rendantcélèbre la Butte Montmartre dans toute la chré-tienté. Cette chapelle remplace un très anciensanctuaire, dans la crypte duquel Ignace deLoyola et sept de ses compagnons fondèrent, le15 août 1534, la Société de Jésus. Ils jurèrent de

 

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travailler à la conversion des infidèles sous l’auto-rité du souverain pontife.

Sur le haut du tertre se trouvait, au

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e

siè-cle, un hameau serré autour d’une chapelle.Quatre siècles plus tard, cette petite église, soncimetière et les terres environnantes deviennentla propriété des moines du prieuré de Saint-Martin, qui les cédèrent aux dames de Mont-martre, en 1133. Ces dames, que l’on disait ver-tueuses, ont contribué d’une certaine manière àla réputation de la Butte.

En 1590, Henri de Navarre, futur Henri IV,dirige de l’abbaye de Montmartre le siège deParis, défendu par la Ligue. Son séjour donnelieu à divers commentaires. Les uns affirmentqu’il s’y conduit en protecteur, d’autres que soncomportement avec l’abbesse Claude de Beau-villiers, ainsi que celui de ses lieutenants, sontloin d’être irréprochables. Les Parisiens, outrésde leur conduite, vont même jusqu’à nommerl’abbaye « le magasin des putains ».

Après la levée du siège de Paris, l’abbessesuit le Vert-Galant et lui présente sa cousine,Gabrielle d’Estrées. Mal lui en prend. Celle-ci atôt fait de la supplanter dans le cœur du roi.Mais ce dernier, reconnaissant, offre l’abbayede Pont-aux-Dames à l’abbesse frivole.

 

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Après son abjuration dans l’église abbatialede Saint-Denis en juillet 1593, Henri IV revientà Montmartre préparer son entrée dans la capi-tale. « Paris vaut bien une messe », dit-il, puis,ayant commandé un immense feu de joie devantl’église Saint-Pierre, il assiste à un

Te Deum

.Le peintre Georges Michel (1763-1843),

amoureux platonique de la poétesse MarcelineDesbordes-Valmore, dédaignant les paysagesmythologiques ou les vues d’Italie, peint lesmoulins de Montmartre. Premier artiste às’être fixé sur la Butte, il sait traduire le carac-tère pathétique des paysages de la banlieue, laterre dominée par des ciels plombés denuages : « Celui qui ne peut peindre toute savie sur quatre lieues d’espace, assurait-il, n’estqu’un maladroit. » Mort ignoré, il a donné unevision de ce qu’était Montmartre à la fin du

xviii

e

siècle : une colline agreste, hérissée denombreux moulins, des jardins, des vignesentourant des chaumières, l’eau vive s’écoulantjusqu’à l’étang des Poissonniers, les marais dela Grange-Batelière, le Château-Rouge ou lehameau de Clignancourt.

 

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La Butte au plâtre

On devine encore, sur les pentes de la Butte,les excavations creusées pour l’extraction duplâtre. Les accès de ce temps-là sont un sentiermontant le long du versant sud venant de Paris(la rue Ravignan) et un autre, abrupt, descen-dant vers Saint-Denis (la rue du Mont-Cenis) ;à mi-hauteur se situe l’abbaye de Montmartre.Au cours des siècles, le hameau qui couronne laButte s’est étendu autour de son église et ducimetière. On y trouve une place publique(place du Tertre), un abreuvoir et quelques ruesaux noms évocateurs : rue des Moulins, desFontaines, des Rosiers, de la Saussaye, appeléesaujourd’hui Norvins, Girardon, du Chevalier-de-La-Barre, des Saules.

Constituée d’une masse gypseuse, la Butte alongtemps fourni le plâtre de Paris, devenufameux. L’exploitation des carrières, à cielouvert comme celle située à l’emplacement del’actuel cimetière de Montmartre, ou en gale-ries, à la place du square Saint-Pierre, est sou-vent désordonnée et dangereuse. Jusqu’en1850, on peut voir les fours d’où sort, aprèscuisson, le plâtre qui va largement contribuer àla construction du Paris d’Haussmann. Cesnombreuses excavations n’ont pas facilité la

 

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tâche des architectes chargés de construire lesnouveaux immeubles sur la Butte Montmartre.

« Monte là-d’sus et tu verras Montmartre… »,chantait-on à la fin du

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siècle. Il est préféra-ble de monter sur la Butte rue du Mont-Cenis,son point culminant, et, du haut de ces centtrente mètres, découvrir le panorama à perte devue, nimbé de brume, de la capitale : « Rastignac,resté seul, fit quelques pas vers le haut du cime-tière et vit Paris tortueusement couché le longdes deux rives de la Seine, où commençaient àbriller les lumières […]. Il lança sur cette ruchebourdonnante un regard qui semblait par avanceen pomper le miel et dit ces mots grandioses : ànous deux, maintenant… » (Honoré de Balzac

,Le Père Goriot

).Le paléontologiste Georges Cuvier a décou-

vert, en 1798, des ossements fossilisés prèsd’une ancienne entrée des carrières, indiquantque des animaux d’espèces disparues ont vécu àMontmartre. Un autre savant trouvera-t-il, dansquelques milliers d’années, des os pétrifiés deces vaches, chèvres, moutons qui empruntaient,il y a seulement un peu plus d’un siècle, la ruede l’Abreuvoir ?

Le Tasse écrit en 1570 que deux choses l’ontparticulièrement frappé à Paris : les vitraux de

 

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Notre-Dame et les moulins de Montmartre. Au

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siècle, on en compte encore une bonnequinzaine, dont deux seulement subsisteront :le Blute-Fin et le Radet. Le Moulin de laGalette domine la Butte. C’est l’ancien Blute-Fin. Le moulin appartenait à la famille Debraydont les ancêtres étaient, de père en fils, meu-niers-fermiers des dames de Montmartre depuisLouis XIV.

Le Blute-Fin a connu en 1814 l’héroïquedéfense des Debray contre les Cosaques. Aucours de la journée du 30 mars 1814, les quatrefrères Debray et le fils de l’aîné participent à ladéfense de la Butte contre les Russes, qui atta-quent Montmartre par la pente nord. Trois frèressont tués au cours des combats. Le soir, lorsqueles Russes envahissent le tertre du moulin, ilssont accueillis par la mitraille, crachée par deuxcanons commandés par l’aîné des Debray, décidéà venger ses frères. Au moment des premièresnégociations d’armistice, il tue l’officier russevenu demander des explications sur ce tir d’artil-lerie. Il est aussitôt massacré, tandis que son filsest transpercé par la lance d’un Cosaque.Découpé en quatre morceaux, le corps deDebray est ensuite fixé aux ailes du moulin.Mme Debray viendra la nuit rassembler les restes

 

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de son époux pour les enterrer au cimetière duCalvaire, où l’on peut voir son tombeau sur-monté d’un petit moulin.

Montmartre est occupé par les Russes en1814. C’est à eux que l’on doit le mot « bistro »pour désigner nos estaminets (

bistro

signifie« vite » en russe). Les soldats, qui défilaient dansParis, entraient furtivement dans les cafés endisant

bistro

, vidaient leur verre et rejoignaientpromptement le gros de la troupe. Les Anglais ybivouaquent à leur tour en 1815 ; puis les carriè-res servent de refuge aux insurgés de juin 1848.Occupations, combats n’ont pas épargné levillage, mais ces épreuves ont affermi l’espritfrondeur des habitants de la Butte, ceux-làmêmes qui, en 1789, avaient jeté leurs bonnetsphrygiens par-dessus les moulins ; comme au

xviii

e

siècle, c’est de Montmartre que partira, en1871, le mouvement insurrectionnel de la Com-mune.

Montmartre s’est développé de manière sen-sible après la Révolution, qui donna un momentle nom de Marat à la Butte. Créée en 1790, lacommune de Montmartre compte alors moinsde quatre cents habitants ; elle en groupera cin-quante-sept mille après son annexion par Parisen 1860.

 

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Du Chat Noir au Mirliton

Ce Montmartre d’en haut n’avait pas grand-chose à voir avec le Montmartre d’en bas, celuides boulevards Rochechouart et de Clichy, celuides anciennes Barrières, aujourd’hui envahi parles boutiques, les sex-shops et autres établisse-ments fréquentés par une faune cosmopolite etles touristes des autocars d’agences de voyagesorganisés. On a dit : « La Butte sacrée a étémassacrée », ce n’est pas tout à fait vrai, pas toutà fait faux non plus. Les anciens gardent biensûr le souvenir du vieux village de leur jeunesse,celui qui ne s’était pas encore ravalé avec dubéton pour épouser son siècle.

Roland Dorgelès aime évoquer « … mavieille Butte, ses rues raboteuses, ses jardinsgonflés de lilas, ses ateliers qu’on meublait decaisses vides et qu’on tendait d’andrinople àtreize sous le mètre ».

La génération de ceux qui ont vu bâtir leSacré-Cœur nous communique sa nostalgied’un certain Montmartre disparu. Peu demonuments ont été contestés comme ce surpre-nant édifice de style romano-byzantin, élevé surl’emplacement même où Napoléon voulut édi-fier le temple de la paix en 1809. Pourtant, unpoète comme Jean Follain « s’émeut à le con-

 

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templer par les soirs de rafale, lorsqu’un chienhurle à la mort au pied du monumentalescalier ». Et il constate, mélancolique : « Il y aencore peu de temps que les ravenelles sortaientde terre dans le petit jardin du chef de gare del’ancien funiculaire. »

Rénové depuis quelques années, le funicu-laire, accessible avec un ticket de métro, jointrapidement le square Willette au pied du Sacré-Cœur. Depuis la place Pigalle, le Montmartro-bus rejoint la mairie du XVIII

e

en prenant lechemin des écoliers à travers la Butte.

Georges Courteline a conservé une petitetoile, qu’il a peinte à dix-neuf ans, de sa maisonfamiliale de Montmartre, représentée au centred’un jardin fleuri. Il a noté, au bas du tableau-tin,

La maison de mes parents à Montmartre, 40rue (du Chevalier) de la Barre, 1877

.Enfin parisien après des études laborieuses

en province, Georges Courteline est retourné àMontmartre en 1886, mais cette fois pour desbalades nocturnes. Avec son ami le dessinateurLucien Dervis, il dîne au Cabaret des Assassins,une maison au milieu des vignes – futur LapinAgile –, puis descend jusqu’au boulevardRochechouart terminer la soirée au Mirlitond’Aristide Bruant.

 

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C E T O U V R A G E A É T É A C H E V É

D’IMPRIMER SUR SYSTÈME VARIQUIK PAR

L’IMPRIMERIE DARANTIERE À QUETIGNY

E N F É V R I E R 2007, P O U R L E C O M P T E

D E S É D I T I O N S DE LA TABLE RONDE.

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Dépôt légal : février 2007.No d’édition : 140481.No d’impression : ????.

Imprimé en France.

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