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Extrait de la publication

Extrait de la publication… · politique devant un parterre de savants consternés, tous dévots du cardinal. Second tableau, un chœur de maîtres d'école au temps de la séparation

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© Éditions Gallimard, 1991.

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Si je marmonne Richelieu, les yeux mi-clos et la

tête vide, je ne vois rien. Si je pense à Du Guesclin,

Churchill, saint Vincent de Paul ou Marie Besnard,

je crois les voir. Si je pense à lui, le cardinal, et non à

la ville de Richelieu (Indre-et-Loire) ou à la rue de

Richelieu (Bibliothèque Nationale), je vois des tiroirs

de fiches, des livres. Je vois le nom de Richelieu

imprimé, manuscrit, reproduit à des milliers d'exem-

plaires. Je vois que l'écriture du nom de Richelieu a

recouvert ce qu'il désignait.

A feuilleter, survoler, dévorer, travailler tout ce

qui peut être lu sur Richelieu (Dieu sait si l'on peut

en lire), on ne voit plus que les livres, l'éclat de cer-

tains, la nullité de beaucoup, les recopiages, les polé-

miques. Et Richelieu devient peu à peu ce qui leur

échappe. Richelieu Armand Jean du Plessis a-t-il

existé? Les récits ne l'ont-ils pas inventé (une main

de fer dans un gant de velours)? A-t-il été autre

chose qu'une signature au bas d'une lettre? Autre

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chose qu'un bon sujet pour les peintures de Philippe

de Champaigne? Il n'est pas sûr que cela importe

vraiment. Ce qui compte, c'est l'énorme abstraction

nommée Richelieu, le pouvoir de Richelieu ou le

pouvoir-Richelieu. Reste cependant la certitude des

rapports entre ce pouvoir et cette petite tête qui

regarde les spectateurs sur les tableaux de Cham-

paigne. Une certitude dont il faut bien s'accommo-der.

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PANDÉMONIUM

Dans une séquence de son film Les Diables, Ken

Russell le représente de dos, debout sur une espèce

de petit chariot que tirent des domestiques. L'idoleanimée traverse ainsi ses archives elles le font maître

du royaume, génie politique de l'Europe en sang. Je

songe à ces images en poussant un escabeau à rou-

lettes, le long des rayons d'une bibliothèque opu-

lente. En quatre mois j'aurai repéré, ouvert, feuilleté,

lu ou parcouru ce qui y concerne Richelieu. Le classe-

ment est thématique et ouvert la plaquette érudite

avoisine le roman historique. A côté d'ouvrages

oubliés, de tirés à part de revues confidentielles, on

découvre là tout ce qui a compté dans l'historio-

graphie. Et tout cela pêle-mêle.

Au bout de quelques semaines, à force de sortir les

volumes et de les remettre en place, de l'ordre se crée

dans cette promiscuité heureuse. Des parcours

s'imposent qui ne suivent plus la progression des

cotes mais font lentement glisser d'îlots érudits en

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îlots charlatanesques, en passant par des péninsules

où les valeurs se brouillent. Richelieu a beaucoup

servi. Surtout depuis le xixe siècle. Il a servi la

monarchie autoritaire, censitaire, libérale, la Répu-

blique et l'Empire. Les classiques, les romantiques, la

droite et même, à l'occasion, la gauche.

Richelieu est donc accueillant à l'histoire. Toutes

sortes d'histoires. En janvier 1939, la Marine natio-

nale pouvait être fière de son nouveau cuirassé ultra-

moderne, le Richelieu. Ce beau navire, qui ne sera

qu'endommagé par les bombes anglaises dans le port

de Dakar au mois de juillet de l'année suivante, sti-

mule, en ma rêverie bibliothécaire, l'image des îles

historiographiques. Mais l'air conditionné et l'odeur

des livres n'évoquent guère le grand vent au sortir de

la rade de Brest. Plutôt l'une de ces barques à fond

plat qui tracent un modeste sillage dans la pâte verte

des lentilles d'eau du Marais poitevin.

Si je tiens à ces divagations aquatiques, ce n'est pas

pour arriver à la charge de grand maître et surinten-

dant général de la navigation et du commerce qui

faisait semer au cardinal, partout dans ses palais,

ancres et rostres, mais plutôt pour évoquer la per-

plexité flottante qui m'a porté au fil de mes lectures.

En fait, si je pense aux livres qui remplacent Riche-

lieu quand je ferme les yeux pour penser à lui, ce que

je vois, c'est une succession de tableaux édifiants,

grotesques ou horribles. Les détails, qu'on retrouve

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d'un tableau à l'autre, souvent font vrai et pourtant

leur assemblage, le dessin, les couleurs rappellent une

fresque ancienne, presque effacée, qu'on aurait res-

taurée au vinyl et qui déjà se salit et s'écaille. Une

vision plus joyeuse et moins postmoderne nous

conduirait à Disneyland, dans le repaire des pirates.

Vous embarquez sur une barge qui s'enfonce sans

moteur, voile ni rame dans le noir d'une fausse nuit.

Le noir assure le dépaysement, la disponibilité au

spectacle, et sert à effacer la réalité des machineries

qui font marcher, et passer pour vraies, les choses

fausses qu'on vous montre. Plus vous avancez et plus

la nuit donne d'éclat aux décors que soulignent les

jeux de lumière. Les automates ne cherchent pas à

dissimuler qu'ils n'ont pas d'âme et accèdent ainsi à

une sorte d'existence propre qui, rétroactivement,

rend vivante l'imagerie des pirates qui a servi demodèle.

Voyez d'abord Voltaire s'esdaffer sur le Testament

politique devant un parterre de savants consternés,

tous dévots du cardinal. Second tableau, un chœur

de maîtres d'école au temps de la séparation de

l'Église et de l'État, clercs et laïcs mêlés, agite unebanderole où se lit < ruiner le parti protestant,

abaisser l'orgueil des grands, abattre la puissance des

Habsbourg >. Plus loin un diptyque Gabriel Hano-

taux brandit devant les soldats de Verdun l'allégorie

de Richelieu donnant l'Alsace à la France. De l'autre

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côté, le même montre un des portraits de Cham-

paigne à la tribune de la Société des nations, pour

fêter la paix revenue et le nouvel ordre européen.

Et puis vient une série de visions paisibles dans la

lumière si douce et si nette de la clarté française

l'Académie française célébrant son fondateur, Cor-

neille reconnaissant le génie de Richelieu reconnais-

sant le génie de Corneille au nez et à la barbe du

monstre jalousie, le roi protégeant son ministre, le

ministre protégeant la charité, la poésie, les mis-

sions, la Sorbonne et les marchands.

Après une petite station, plutôt pénible, devant

le spectacle des malheurs du temps qui menacent

l'oeuvre de redressement et contraignent l'homme

d'État à une implacable et virile fermeté, apparaît

le groupe des grands érudits modestes, évidemment

dominé par la figure si douce d'Avenel, < la tête

droite sous sa petite calotte >, faisant patienter la

mort pour finir le dernier volume de ses Lettres,

instructions diplomatiques et papiers d'État du cardi-nal de Richelieu.

A la station suivante, il ne faut pas, l'œil cap-

turé par la discussion élégante des anciens ambassa-

deurs, des consuls en exercice, des chartistes émi-

nents qui dissertent sur la guerre couverte et la

guerre ouverte, passer sans le voir devant un confé-

rencier qui explique à un public choisi, le

4 décembre 1942 (jour anniversaire de la mort du

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cardinal), combien ce grand Français a aimé l'Alle-magne. A côté de lui, Marcel Déat écrit déjà la

préface chargée de présenter ce texte, qui < déblaie

les voies de la jeune Europe >, au public de

connaisseurs des éditions du Rassemblement natio-

nal populaire. Derrière eux, un consul de France

du temps de l'affaire Dreyfus déplore que des

mains juives aient pu toucher le coffret de chêne

contenant le crâne de Richelieu quand on l'exhuma

du tombeau de la Sorbonne.

Enfin, juste avant d'atteindre le groupe replet des

faiseurs de biographies vendues au poids, vous tom-

bez sur le professeur à la Sorbonne champion de la

méthode historique positive de l'Université, autrementnommée la science. Une voix caverneuse se fait

entendre quand son maxillaire inférieur s'abaisse

< contre les mythes, voyez ma thèse, seconde édi-

tion(la première était infectée de marxisme).

Pourtant l'image qu'il agite en cadence n'est qu'une

copie de Champaigne, celle qu'on trouve au rectorat

de Paris et qui avait été saccagée par des anarchistes

une nuit de janvier 1969. Aux graffiti gauchistes il

a substitué les siens, < cet homme fut grand, grand

par l'esprit, grand par le cœur, il a assuré l'indépen-

dance et la grandeur du roi et du royaume et sauvé

les libertés de l'Europe >.

En sortant de ce pandémonium vous chanton-

nez

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It's a small small world,

It' a world of laughter

A world of fears.

It's a small world after ail.

Le 17 juillet 1932, une cérémonie solennelle se

tenait à Richelieu. On inaugurait une statue du

cardinal < dans le faste d'une apothéose >, selon

l'expression mesurée de Mgr Grente, l'archevêque

du Mans, qui prononça à cette occasion un discours

dans l'église (d'ailleurs magnifique) de la ville

nouvelle construite à partir de 1631. Il ajoutait:

c pour fêter ici le retour de Richelieu, l'Église etl'État se sont levés. >, faisant allusion aux pré-sences du ministre de l'Éducation nationale (de

Monzie), du cardinal Baudrillard, de l'archevêque

de Tours, de l'évêque de Luçon (< moins hasar-

deux, plus fervent que son lointain prédécesseur >),et aussi à celle de Louis Madelin et du duc de

La Force, tous deux historiens et académiciens.

Mais l'Académie était surtout représentée par

Gabriel Hanotaux qui faisait figure de vedette et

de grand prêtre de cette inauguration. Il avait, lui,

à prononcer le discours principal devant la statue

installée entre la porte sud de la ville et l'entrée du

parc de l'ancien château. Ce discours, il déclara lui-

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même qu'il y songeait depuis 1912. Il n'avait pas

été facile, en effet, d'obtenir le transfert de ce

Richelieu, un temps perché sur le pont de la

Concorde, avant d'être mis à l'abri des insultes

parisiennes dans la cour du château de Versailles.

A quatre-vingts ans, Hanotaux restait un brillant

orateur. Une fois encore, il entonna à cœur joie la

gloire de son héros < L'homme d'État observaitl'Europe et attendait son heure le désordre

inhérent à ce peuple germanique, foule amorphe au

milieu de l'Europe, devait le lui fournir. Protes-

tants et catholiques, hommes du Nord et hommes

du Sud, fédéralistes et impérialistes se déchiraient

sous ses yeux attentifs. Il laissait faire, suspendant

son action, et se préparant à choisir. L'affreuse

désagrégation connue en histoire sous le nom de

.guerre de Trente Ans étendait sur cet âge misé-

rable sa pourriture saignante et contagieuse. La

France, principe d'ordre, se leva et appliqua son

clair génie à ces choses troubles qu'il s'agissait de

purifier.> Ce clair génie s'incarne bien sûr dans

< l'homme à la robe rouge >.

Mais, chose étrange, ce 17 juillet, il pleuvait à

torrents, et sans discontinuer, sur le Centre-Ouest

de la France. Le ciel faisait un pied de nez à l'aca-

démicien qui attaquait sa péroraison par une évoca-

tion de la ville « symétrie, ordre classique, chaque

chose à sa place >) et des < douces lumières de son

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ciel nuancé >. < L'atmosphère en un mot, l'atmo-

sphère où il a vécu, qui, enfin, le retrouve et met

ce Français là où il doit être en notre France si

belle et si diverse.> La semaine suivante, L'Illus-

tration consacrait sa photo de première page à

l'inauguration. On y voit Hanotaux trempé parler

à une assemblée de parapluies. En pages inté-

rieures, l'article semble trahir, par sa maigreur, une

déception, comme une attente trompée. A qui la

faute? A Richelieu?

Sur le piédestal de la statue une phrase avait été

gravée, troublante en son ambiguïté < C'est la jus-

tice que j'ai aimée non pas la vengeance.> Seule,

ainsi, elle ressemble à un aveu c Je n'ai pas aimé

la vengeance qui fut mon lot quotidien, mais la

justice. > Seconde étrangeté, les derniers mots du

discours d'Hanotaux < De le voir ainsi, jaillit des

lèvres la parole de la royauté elle-même surprise du

rival qu'elle vient d'abattre je ne le croyais pas

si grand Richelieu comparé au duc de Guise

assassiné sur l'ordre d'Henri III! De quelle gran-

deur s'agit-il alors? Dans le recueil des articles et

discours d'Hanotaux, cette fin a été supprimée

c'était donc une faute de goût, ou un lapsus peut-

être. Mais cela a bien été dit, un jour où l'on fêtait

le cardinal de Richelieu, à Richelieu, sous la pluie.

En fait, cette cérémonie solennelle arrivait trop

tard. On avait décidément trop attendu. Richelieu

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n'était plus en 1932 ce qu'il était en 1912. Après

la guerre de 1914-1918, le camp de ses thurifé-raires s'était clairsemé. On s'était mis à douter de

tout et d'abord de l'authenticité de ses écrits. Pour-

tant entre 1850 et 1914, l'érudition avait paru

détruire enfin les insinuations de Voltaire et l'on

avait commencé à rééditer les Mémoires. En 1932,

cette publication n'était pas achevée et son princi-

pal responsable, Robert Lavollée, bataillait encore,

tout en cédant du terrain aux partisans du doute.

Déjà, les cardinalistes se repliaient sur le Testament

politique (où ils campent encore), dont Hanotaux

prétendait bien haut avoir apporté la preuve défini-

tive de l'authenticité. L'image dessinée à traits si

nets dans le premier entre-deux-guerres (1870-

1914) se troublait. Et le voyage de Versailles à

Richelieu pour une statue qui avait trôné sur le

pont de la Concorde ressemblait fort à un départ àla retraite.

Depuis quarante ans, Hanotaux régnait sur l'his-

toire et le culte de Richelieu. Cela tenait pour une

part à son œuvre d'historien mais aussi à sa posi-

tion d'académicien et à sa carrière politique.

Son goût pour l'histoire était né au contact de

son grand-oncle, Henri Martin, auteur alors célèbre

d'une Histoire de France en dix-sept volumes. Mais

on le trouve en 1879 (il a vingt-six ans) attaché au

ministère des Affaires étrangères, après des études

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de droit. L'année suivante, il entre, sans concours, à

l'École des chartes. Cette hésitation entre deux car-

rières allait être à l'origine de son succès. En 1884

il publie sa thèse de l'École des chartes (où elle a

été médiocrement reçue), consacrée aux intendants

de province de 1550 à 1631. Entre-temps, il a ren-contré Richelieu et il a rencontré Gambetta. Il

devient l'homme lige du premier et entre, ensuite,

au cabinet du second. Et, comme il l'écrit lui-

même dans ses souvenirs publiés en 1933, Riche-

lieu n'est pas ingrat < A peine ai-je prononcé le

nom de Richelieu que, partout, les portes

s'ouvrent c'est un talisman. Les revues, les jour-

naux accueillent mes premiers essais; les bonnes

volontés sans nombre viennent à mon aide; des

renseignements précieux me sont fournis; des docu-

ments inédits me sont signalés. Plus d'hésitation,

pas de temps à perdre je sais où je vais; j'y vais.

Travail, voyages, réflexions, plaisirs, rêves, carrière,

tout se concentre et s'absorbe en cet unique sujet.

Je ne pense qu'à cela, je ne jouis que de cela. Car

Richelieu, c'est la France.> Après avoir servi Gam-

betta, il trouve cependant le temps de devenir le

chef du cabinet de Jules Ferry (1885).

Dès 1880, il avait publié l'ouvrage qui le lançait

comme spécialiste de Richelieu. Après avoir

obtenu, grâce à ses relations au ministère, la faveur

encore rarement accordée de travailler aux archives

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du Quai d'Orsay, il avait pu se plonger dans les

papiers du cardinal que personne n'avait encore

vraiment lus. Pourtant, c'est à la Bibliothèque

Nationale qu'il mit la main sur le manuscrit qu'il

allait publier sous le titre assez fracassant de

Maximes d'État et fragments politiques du Cardinal

de Richelieu. Il s'agissait, en fait, d'un recueil au

statut douteux et en tout cas complexe de

notes de lectures, d'extraits de discours et de

lettres, de lieux communs. Hanotaux n'hésita pas

dans son interprétation < Nous assistons au travail

intime qui se faisait dans la pensée et sous la

plume de l'homme d'État. Nous le prenons sur lefait, au milieu des préparatifs de ses grands des-

seins, dans le tour négligé d'un homme qui se

parle à soi-même et qui s'avoue à soi-même ce que

les autres ont grand-peine à deviner au milieu de

l'enveloppé de ses paroles et de l'insuffisante infor-

mation de ses actes publics. Nous entrons dans le

secret de ses lectures; nous voyons ce qu'il allait y

chercher, et à quelles sources s'abreuvait ce grand

politique.> De plus, se fondant sur des notes mar-

ginales présentes sur le manuscrit, il montrait que

ce recueil avait servi à la préparation du Testament

politique et il en faisait donc une preuve de son

authenticité. L'importance de la trouvaille, sou-

lignée par une série d'articles qu'il donna en 1879

au journal des savants, lui valut d'accéder à la

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prestigieuse et officielle collection des Documents

inédits sur l'histoire de France, celle où Avenel avait

publié sa correspondance de Richelieu en huit

volumes. Désormais les Maximes d'État, qui ne

comptaient qu'une centaine de pages allaient faire

figure de suite au monument d'Avenel.Avenel avait fait toute sa carrière comme conser-

vateur à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Son

brillant continuateur (né est-ce un signe? en

1853, l'année où paraissait le premier tome des

Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État)

devenait, au sortir du cabinet de Ferry, conseiller

d'ambassade à Constantinople avant d'être élu

député l'année suivante (au centre gauche). Battu

aux élections de 1889, sans doute pour s'être mis

clairement dans le camp des adversaires républi-

cains du général Boulanger, il retournait au Quai

d'Orsay, non plus aux archives, mais à la direction

des Affaires politiques puis des consulats.

Le 30 mai 1894, il entre au gouvernement

Dupuy comme ministre des Affaires étrangères. Il

le restera jusqu'en 1898 (avec une interruption de

six mois). Un an avant qu'il ne devienne ministre,

sortait le premier tome de son Histoire du cardinal

de Richelieu. Le second (1896) lui vaudra son élec-

tion à l'Académie. A quarante-cinq ans, il était

ancien ministre, académicien et sacré grand histo-

rien. < Richelieu m'a conduit aux Affaires étran-

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