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FELIN 1RI

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Le 1er régiment d'infanterie (RI) de Sarrebourg poursuitla prise en main d'un nouveau système qu'il espèrebien emporter en Afghanistan en fin d'année. Maisavant la préparation opérationnelle, il faut défricherde nouvelles voies et créer les mécanismes deréflexions propres à l'équipement. Les hommes ducolonel Bellenger expérimentent et progressent dansun futur qui commence aujourd'hui.

Texte et photos : Arnaud BEINAÏ

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\e tir déporté est possible avec le SITCOMDE

équipant les chels de section et les chefs degroupe spécialisés. A la différence de l'IHM des

grenadiers, le boîtier n'a pas de support sur legilet de combat et doit être tenu ou posé dans

••— ~*-ition stable.

Dans une caserne à l'allemande, la placed'armes du régiment est la plus grande deFrance ; un espace qui laisse bien augurerla météo qui doit régner dans le secteur encette fin janvier.

Car le froid et l'humidité sévissent dansles bois, là où les grenadiers du 1er RI pour-suivent leur entraînement FELIN (fantassinà équipements et liaisons intégrées) auniveau de la section.

Les mots du jour sont progression etobservation. Il n'est donc pas nécessairede porter le nouveau gilet pare-balles perçuau régiment, ni le viseur oculaire à visiondéportée fixé au casque.

Appartenant à la 1re compagnie, leshommes de la 3e section progressent aumilieu des bois, sous l'œil de l'adjudantLaurent OPPE, un vétéran de la dernièreOPEX afghane. Tout comme ses hommes,

il défriche les possibilités d'un système quidécuple le potentiel de l'infanterie : « LeFELIN permet de couvrir une zone plusgrande, ce qui signifie que nos modes deprogression évoluent. Avec le même nom-bre d'hommes, nous pouvons désormaiscouvrir plus d'espace tout en gardant untrinôme à l'arrière, lequel sera à mêmed'intervenir à la demande, à gauche ou àdroite du dispositif de la section. »

Cette différence fondamentale n'est pos-sible qu'au travers des deux grands « plus »que tous reconnaissent en premier lieu ausystème : les capacités d'observation et detransmissions.

L'observation, c'est avant tout la nouvellelunette qui équipe les FAMAS FELIN. Avecun grossissement x 3-x 10(x 6en voie nuit),l'optique possède un mode « intensificateurde lumière ». Les chefs de trinôme, tout

comme les servants de Minimi, bénéficientd'une voie infrarouge. Idem pour les tireursFR-F2, qui sont toutefois équipés d'unelunette différente, spécifique au tir longuedistance. Au-delà de la possibilité du tirdéporté, c'est bien la nouvelle capacitéd'observation offerte par cette optique quitranche avec le passé.

Murmures dans la forêtAutre atout du FELIN, et pas des moin-

dres : rémission-transmission par ostéo-phonie. Ce sont maintenant les vibrationsdu crâne qui transmettent le son, et lesystème est tellement performant - la qua-lité de réception est véritablement épous-touflante - qu'il n'est plus nécessaire deparler fort pour communiquer. Pour quiconnaît un peu le travail de l'infanterie, cette

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nouvelle donne offre un aspect inattendu àla manœuvre.

Les grenadiers se déplacent désormaisen toute discrétion ; à peine entend-onquelques murmures de temps à autre,lorsque des ordres de progression ou derepositionnement sont donnés. Ne pluscrier pour communiquer fait partie des cho-ses qu'il faut réapprendre. Observant lesuns et les autres, l'adjudant OPPE reprendd'ailleurs souvent les cadres ou les soldatsqui oublient l'équipement et élèvent la voixinutilement.

De par ses capacités, FELIN semble met-tre à mal le concept fondamental du travailen section, qui est de commander à vue.La proximité, jusque-là nécessaire entreles hommes, serait-elle remise en cause ?C'est théoriquement possible.

En plus des moyens précédemment dé-crits, chaque grenadier du 1er RI possède,dans son gilet FELIN, un petit boîtier nanti

Ci-contre.Différentes des modèles équipant les FAMAS

ou les Minimi, les lunettes FR-F2 possèdent unevoie infrarouge ainsi qu'une télémétrie intégrée.

Elle pèse 2,7kg, un poids qui commence àcompter sur une arme qui fait déjà plus de 5 kg

sans chargeur.

Page précédente, en bas à gauche.Autre application du SITCOMDE : lacartographie sur laquelle on distingue à la foisles trinômes et l'ennemi, matérialisé en rouge.L'écran dispose d'un petit pare-soleil, souple etrétractable.

Page précédente, en bas à droite.Prise de vue et réception d'une image sur leboîtier IHM. La surface de l'écran peut paraîtreun peu juste pour l'observation d'un point tenupar l'ennemi, mais on ne peut décemment paséquiper chaque grenadier avec des écrans15 pouces...

d'un écran baptisé IHM (pour interfacehomme-machine). Au moyen de ce termi-nal numérisé, il est désormais capable detransmettre et recevoir une foule de rensei-gnements ; en premier lieu, un géoposition-nement qui lui montre où est son chef et saposition par rapport à lui. Il est égalementcapable d'envoyer son état en munitions,santé, alimentation/hydratation. L'IHM estaussi le centre nerveux qui maîtrise le RI F(réseau d'information du fantassin). Le sol-dat» félinisé » va-t-il se passer du confort dela présence visuel du reste de son trinôme ?Le lieutenant Eric Dardillac, officier « com »du régiment, met un bémol : « Si ce surcroîtd'équipement va permettre une précisionde positionnement et de comptes rendusdécuplés, soit une plus grande efficacitédans la manœuvre, nous étudions encore,

en compagnie du 13e BCA chargé de l'éva-luation tactique, la possibilité de s'affranchirdu commandement à vue dans les phasesd'approche. Mais il semble difficile de s'enpasser complètement en combat, là où lavue du chef est indispensable pour donnerl'impulsion au groupe. »

Le chef de section dispose d'un terminalplus gros appelé SITCOMDE (système

Ci-dessus.Exercice de tir pour un tireur FR-F2. Les tireursFR-F2 perçoivent la télémétrie intégrée commel'avantage principal du nouvel équipement. Aumoment de l'exercice, ils n'avaientpas encoreperçu leur table de tir et ne connaissaient pas

la valeur du « cran » sur la lunette. Avec unréglage optimal, l'arme est donnée pour une

précision allant jusqu'à 800 mètres (au lieu des600 précédents) et 600 mètres en voie nuit.

Quelle que soit l'arme, l'allonge de la précisiondu tir est une signature du nouveau système.

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d'information tactique du combat-tant débarqué). Entre autres pos-sibilités, il visualise sur écran tousses chefs de groupe. Il traite samission par des liaisons de niveaugroupe, mais peut, si le besoins'en fait sentir, parler à tous seshommes en mode « conférencesection ». Plus haut, le capitainevoit les chefs de section, l'es-sentiel pour lui. Le SITCOMDEoffre des dizaines de possibili-tés nouvelles ; il possède, parexemple, un programme per-mettant la demande d'appuislourds (mortier, etc.). D'ailleurs,les chefs de groupe spécialisés(mortiers, Milan...) en sont éga-lement équipés.

Tous ces terminaux numéri-ques et toute cette optroniquedésarment peut-être les an-ciens, mais la génération du Net- celle des sections d'infante-rie d'aujourd'hui - s'appropriele système sans douleur tantelle fait l'amalgame avec ce

ours plus de poids pour ce tireur Minimi'ait un bond avec son arme et son gilet

FELIN, dont on distingue l'une des deuxgrosses batteries latérales,

-'Ci-contre, à gauche.Complètement équipe, le grenadier

s« félinisé » traîne beaucoup de fils autourde lui. Le gilet pare-balles est d'un modèlespécifique, avec une ouverture rapide,

ntale etzippée, en cas d'urgence. Laplaque de protection avant est zippée à lademande, au moyen de deux fermetures

: Eclair. On notera les protections d'épaules,: pourtant décriées sur la vieille « frag » car(empêchant un épaulé correct avec unearme longue ; elles devraient d'ailleurs être ,,lamovibles sur la version définitive.

fn bas, à gauche.Tir avec visée déportée au moyen du boîtierIHM, sur lequel on aperçoit la cible. Laprocédure suscite l'intérêt des sections pourles engagements à très courtes distances.On notera les mains sur l'arme, assez loindes photos publicitaires où le tireur tient

FAMAS quasiment à bout de bras ; uneition en réalité impossible à tenir pour unmf soit peu précis.

.ae suivante, en bas à droite.Appui Minimi lors de la progression d'untrinôme sur le champ de tir enneigé deBitche, L'exercice se fait à balles réelles.

dont elle dispose le soir pour se déten-dre -aujourd'hui, Call of Duty Black Ops aremplacé la belote, il faut s'y faire.

Reste les fondamentaux : l'autonomie(72 heures en combat) conserve son pointd'interrogation, car pour l'instant les bat-teries sont neuves et nul ne sait encorecomment elles vont évoluer dans le temps.Chaque homme en compte trois : deuxdans le gilet et une pour l'alimentation dela lunette (on ne parle pas de la pile quisubsiste toujours dans le viseur EOTech).L'épreuve des chocs, de la boue ou de lapoussière afghane ne semble pas effrayeroutre mesure. Les fils qui pendent un peupartout ? On s'adaptera. De toute façon,tout cela est encore secondaire face à lamasse de possibilités qu'il reste à maîtriseret qui démultiplient les options, y comprislors de phases aussi simples qu'un assautde bâtiment.

Grenadiers photographesCette journée d'entraînement se termine

par un point d'orgue constitué par l'assautd'un poste de tir en forêt. Il a été initialement

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conçu pour les chasseurs, voire pour lessoldats de la Wehrmacht qui ont aménagéle site il y a quelque temps déjà.

Posté côté « ennemi », on entend quel-ques branches qui craquent, mais pas unmot - nous avons déjà expliqué pourquoi.C'est tout à fait l'impression que rendentdes sangliers ou des chevreuils qui sontlà à vous regarder mais qu'on ne voit pas.On imagine très bien la même scène dansla « zone verte » qui baigne le fond desvallées afghanes, là où les sections pro-gressent sans se voir, au milieu d'un ennemifugace qui observe longuement avant defrapper. Le type de scénario où l'on peut sefaire avoir, ou même lâcher une rafale surses copains qu'on prenait pour des insur-gés. La géolocalisation prendrait ici tout sonsens, puisque permettant de savoir qui estoù en temps réel. Attention tout de même àl'effet tunnel généré par l'équipement ! Leshommes du colonel Bellenger apprennentdéjà à le maîtriser, à se forcer à ne plusregarder leurs écrans lors de certainesphases aiguës de l'action.

En vue de l'objectif, les grenadiers nousobservent, et même plus : grâce à la lunette

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Du poids encoretoujours

Tout équipé avec ses munitions et une autonomie de 24 heures, legrenadier « félinisé » est donné pour peser un peu moins de 40 kg... surle papier. Mais, sur le terrain, on estime que ce sera plutôt 2 ou 3 kg...de plus ; ce qui devrait amener les hommes à porter 42 kg environ - onparle même de 48.

Ce poids n'est peut-être pas un problème lors de patrouilles courtes dequelques heures avec démotorisation et remotorisation proches, mais ilpeut devenir un sérieux handicap lors d'opérations de deux ou trois jours,avec des contacts difficiles loin des véhicules, sans parler du relief...

Lors d'un séjour avec le 2e REP en mai dernier, et lors de l'accrochagequia coûté la vie d'un légionnaire et blessé plusieurs autres, nous avonsvu une compagnie de l'unité qui avait dû parcourir 3 000 mètres à lacourse - avec équipement complet - pour venir en aide aux commandosaccrochés. La performance fait réfléchir...

L'année précédente, une unité du 27e BCA avait été déposée sur unehauteur par des Chinook américains qui n'osaient pas venir les recher-cher, vu la proximité de l'ennemi. Les chasseurs alpins durent rompre lecontact par une descente rapide et à pied, de plusieurs heures, qui restel'une des pires épreuves physiques vécues par des hommes pourtanttrès « affûtés ».

On parle souvent des 40 kg que portaient déjà les soldats américains quidébarquèrent ou sautèrent en Normandie le Jour J, mais une telle chargesignifiait alors des équipements communs (munitions de mitrailleuses,tube de mortier, mines, balise, etc.) dont l'homme se débarrassait sitôtson unité reformée ou le combat engagé. En outre, il ne portait alors pasde gilet pare-balles, une protection indispensable aujourd'hui, tant sur leplan psychologique que sur le plan politique.

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de leur FAMAS, ils sont capables de trans-mettre une photo (et même une petitevidéo) du point à assaillir. Sans quitterleur fusil d'assaut « félinisé » des mains,ils envoient l'image à leur chef de groupe,qui va la faire passer au chef de section,etc., selon le besoin d'information. Il n'y apas possibilité de passer par-dessus cettechaîne technico-hiérarchique, mais lescadres assurent qu'au besoin une imagede ce type peut parvenir au commandantde compagnie en un temps qui n'excéderaitpas quelques secondes.

Dans les délires les plus intenses, onpourrait imaginer une image de Ben Ladenprise par un tireur FR-F2, qui remonteraitjusqu'à la présidence de la République

en temps quasi réel : c'est techniquementfaisable si la chaîne de numérisation duchamp de bataille (NEB) assure jusqu'aubout. Mais restons encore un peu les piedssur terre avec l'assaut de la cabane qui sedéclenche maintenant.

A l'issue de leur approche au travers desfourrés, des groupes jaillissent et coiffentl'endroit avant qu'un trinôme n'en fasse lenettoyage effectif. La phase finale a étémenée par des hommes qui ont délaissél'optique FELIN au profit de l'EOTech stan-dard. Pour les éléments qui donnent l'as-saut, on privilégie la légèreté et l'encombre-ment minimal, tandis que l'appui conservetoutes ses possibilités d'observation etd'allonge en matière de tir.

C'est un exemple de la modularité auquelvont être soumis les chefs de groupe et desection. Savoir panacher l'équipement enfonction de la mission - ou de la phasede cette mission - est une gymnastiquementale à acquérir au niveau des sectionsmais aussi de la compagnie. « Le systèmeconstitue un saut technologique autant quequalitatif. Tout a été pensé 'complet', depuisle treillis jusqu'aux optiques de tir. Mais celareste, malgré tout, assez simple d'emploi.Nous sommes en phase d'appropriation etnous sommes en train d'évaluer jusqu'où onpeut aller et où se situe le maximum que l'onpeut demander à un chef de section. Il nousfaut aussi inclure le système FELIN dans laphase de préparation de la mission : qui va

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Ci-dessus.Rupture de contact parfaite pour un trinôme s'entraînant àballes réelles. On notera tous les FAMAS « félinisés », maisdépourvus d'optique spécifique ; l'exemple parfait de lamodularité du système, au gré de la mission demandée.

Ci-contre.Image infrarouge d'un « badguy » reçu sur l'écran d'unSITCOMDE (système d'information tactique du combattantdébarqué). On notera toute la symbolique, aujourd'huitotalement maîtrisée par la génération du Net, celle desgrenadiers d'aujourd'hui.

Page de droite, en haut.Exemple parfait de l'un des attraits du système : une capacité

d'observation décuplée. A la différence des grenadierséquipés de FAMAS, les tireurs Mini mi ne possèdent pas de

« pad » sur leur arme et doivent assurer les liaisons radioen appuyant sur les commandes d'un boîtier d'émission-

réception.

Page de droite, en bas.Le viseur déporté (ici replié sur le casque) signifie de

l'équipement et un gros fil supplémentaire à gérer. Unbon tireur équipé d'un FAMAS « félinisé » peut toucher

à 600 mètres. Une distance considérable pour unfusil d'assaut.

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prendre quoi et le soutien logistique qui vaavec. Nous n'avons plus le droit aux loupéscar sans batterie, par exemple, plus rien defonctionne autrement qu'en mode basique.Cela paraît plus compliqué, mais cette lo-gistique est sans doute plus facile qu'avant,car FELIN est un système homogène avec,par exemple, une seule catégorie de batte-ries », assure le capitaine Paul Sadourny,commandant de la 1re compagnie

Les premiers pas dans cette phase d'ap-propriation permettent de dégager quelqueslignes directrices. L'oculaire de visée dépor-tée sur les casques est-il vraiment utile ?« j'aimerais voir si ce viseur peut décuplernotre vision périphérique. Il pourrait nouspermettre d'avancer en regardant devantnous, tout en observant les alentours d'unœil avec la lunette de l'arme. Cela pourraitnous être très utile dans les configurationsde combat de typezone urbaine », expliquel'adjudant OPPE.

A Sarrebourg, « ça phosphore dur » poursortir les tripes d'un système qui, s'il paraîtnouveau aujourd'hui, va peut-être devenirtrès vite le standard de toute armée dignede ce nom.

Débutant vers le mois de mai, la prépara-tion opérationnelle pour l'Afghanistan devraitsans doute nous en dire encore plus. n

Ci-dessus.« Félinisé » ou pas, le tireur Minimi reste la base

en matière d'appui pour une section. Commeles chefs de trinôme et les tireurs FR-F2, les

soldats servant les Minimi possèdent une voieIR sur leur lunette, bien reconnaissable par son

double tube.

Ci-contre.FAMAS infanterie (au premier plan)et «félinisé », ensemble sur le pas de tir.La balistique des seconds est grandementaméliorée. La munition est la F5(5,56 mm OTAN).