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Femmes en médecine : vers un nouveau partage des professions ? Anne-Chantal Hardy-Dubernet* Il y a trente ans, un peu plus du tiers des étudiants en premier cycle des étu- des médicales étaient des femmes. Aujourd’hui, c’est le taux de féminisa- tion du corps médical actif. Il y a trente ans aussi, on criait à la pléthore de médecins et on instaurait un numerus clausus à l’entrée des études médica- les, qui s’avéra un formidable outil de réduction du nombre des médecins. Aujourd’hui, on crie à la pénurie et ce numerus clausus est en hausse. Ce manque de médecins est en grande partie mis au compte des femmes qui travaillent à temps partiel, qui ne veulent pas faire de gardes ni s’installer dans des régions rurales ou périurbaines. Pourtant, l’activité des femmes tend à se rapprocher de celle des hommes et cette pensée de la féminisation comme facteur explicatif des « problèmes » de la profession ne peut pas tenir longtemps. Aujourd’hui, les femmes représentent plus des deux tiers des étudiants en premier cycle et les hommes sont chaque année moins nombreux à les côtoyer : devenus minoritaires, seront-ils les principaux res- ponsables des « problèmes » qui surgiront dans trente ans ? La profession médicale est réglementée et les pouvoirs publics se sont dotés de tous les moyens pour contrôler sa démographie. Malgré cela, on oscille constamment entre une politique de réduction et une politique d’augmenta- tion des effectifs médicaux. On sait difficilement mesurer les « besoins de santé » de la population et encore moins prévoir les comportements des pro- fessionnels de santé. Pourtant, les actifs de demain sont là, sous nos yeux. Il faut en moyenne quinze ans pour former un médecin, on a donc largement le temps d’aller voir « en pépinière » ce que seront les médecins de demain. Ces médecins seront en très forte majorité des femmes. On le sait aujourd’hui et rien à l’heure actuelle ne permet de penser que le mouvement de féminisation pourrait stagner ou régresser dans les années à venir. Ce mouvement n’a pourtant rien d’une évidence : les études de médecine pratiquent une sélec- tion farouche basée en grande partie sur les matières scientifiques fondamen- tales ; elles sont parmi les plus longues ; elles sont difficilement compatibles avec une activité salariée, des loisirs ou une vie familiale. Après un premier élan à la faveur de la première guerre mondiale, mais sur- tout au lendemain de la seconde, la féminisation des études médicales s’est opérée dans un contexte d’explosion de la démographie médicale, jusque dans les années soixante-dix. C’est alors que le numerus clausus a commencé à stabiliser le nombre d’entrants en médecine, qui a véritablement chuté dans 35 * Sociologue, Laboratoire droit et changement social (UMR 6028), MSH Ange-Guépin, à Nantes.

Femmes en médecine : vers un nouveau partage des professions · lorsqu’elles montrent des variations significatives et récurrentes. Parisiennes : les hommes issus de familles

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Femmes en médecine : vers un nouveaupartage des professions ?

Anne-Chantal Hardy-Dubernet*

Il y a trente ans, un peu plus du tiers des étudiants en premier cycle des étu-des médicales étaient des femmes. Aujourd’hui, c’est le taux de féminisa-tion du corps médical actif. Il y a trente ans aussi, on criait à la pléthore demédecins et on instaurait un numerus clausus à l’entrée des études médica-les, qui s’avéra un formidable outil de réduction du nombre des médecins.Aujourd’hui, on crie à la pénurie et ce numerus clausus est en hausse. Cemanque de médecins est en grande partie mis au compte des femmes quitravaillent à temps partiel, qui ne veulent pas faire de gardes ni s’installerdans des régions rurales ou périurbaines. Pourtant, l’activité des femmestend à se rapprocher de celle des hommes et cette pensée de la féminisationcomme facteur explicatif des « problèmes » de la profession ne peut pastenir longtemps. Aujourd’hui, les femmes représentent plus des deux tiersdes étudiants en premier cycle et les hommes sont chaque année moinsnombreux à les côtoyer : devenus minoritaires, seront-ils les principaux res-ponsables des « problèmes » qui surgiront dans trente ans ?

La profession médicale est réglementée et les pouvoirs publics se sont dotésde tous les moyens pour contrôler sa démographie. Malgré cela, on oscilleconstamment entre une politique de réduction et une politique d’augmenta-tion des effectifs médicaux. On sait difficilement mesurer les « besoins desanté » de la population et encore moins prévoir les comportements des pro-fessionnels de santé. Pourtant, les actifs de demain sont là, sous nos yeux. Ilfaut en moyenne quinze ans pour former un médecin, on a donc largement letemps d’aller voir « en pépinière » ce que seront les médecins de demain. Cesmédecins seront en très forte majorité des femmes. On le sait aujourd’hui etrien à l’heure actuelle ne permet de penser que le mouvement de féminisationpourrait stagner ou régresser dans les années à venir. Ce mouvement n’apourtant rien d’une évidence : les études de médecine pratiquent une sélec-tion farouche basée en grande partie sur les matières scientifiques fondamen-tales ; elles sont parmi les plus longues ; elles sont difficilement compatiblesavec une activité salariée, des loisirs ou une vie familiale.

Après un premier élan à la faveur de la première guerre mondiale, mais sur-tout au lendemain de la seconde, la féminisation des études médicales s’estopérée dans un contexte d’explosion de la démographie médicale, jusquedans les années soixante-dix. C’est alors que le numerus clausus a commencéà stabiliser le nombre d’entrants en médecine, qui a véritablement chuté dans

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* Sociologue, Laboratoire droit et changement social (UMR 6028), MSH Ange-Guépin, à Nantes.

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les années quatre-vingt. On voit ensuite apparaître un phénomène nouveau :la régulation de l’accès aux études s’accompagne d’une baisse des candidatsmasculins au concours de première année, alors que les femmes sont toujoursplus nombreuses à s’y présenter. La parité dans les facultés de médecine nesemble qu’un passage transitoire entre deux tendances majoritaires.

Notre hypothèse est que la féminisation des facultés de médecine est signi-ficative d’une forme « nouvelle » de répartition sexuelle des professions,reflet d’une division du travail remaniée dans les catégories sociales supé-rieures. Pour éclairer cette question, nous avons choisi de suivre les tracesd’un curieux sociologue qui portait un regard bien particulier sur les fem-mes et qui sut, clairement et très tôt, que leur arrivée sur le marché du travailserait à la fois inéluctable et annonciatrice de « nouveautés ». En 1902, lafaculté de médecine de Paris n’intégrait pas une interne en médecine par anet les femmes représentaient moins de 5 % de la profession. Pourtant,Georg Simmel s’interrogeait sur ces évolutions et considérait qu’il s’agis-sait d’un « problème culturel ». Il partait de l’hypothèse que de « nouvellesqualités culturelles » ne peuvent être produites que « par un nouveau par-tage des professions ou par une nouvelle modulation de celles-ci : en fai-sant, non que les femmes deviennent des scientifiques ou des techniciennes,des médecins ou des artistes au sens où les hommes le sont, mais qu’ellesassurent des prestations dont ils demeurent incapables. Il s’agit d’abordqu’on établisse une autre division du travail, qu’on redistribue les presta-tions d’ensemble d’une profession donnée, puis qu’on réunisse les élémentsspécifiquement adaptés au mode de prestation féminin pour constituer desmétiers partiels, singuliers, différenciés » (Simmel, 1988, p. 97-98).

D’abord interdites aux femmes, les études de médecine ont très doucementouvert leurs portes aux jeunes filles. Jusqu’aux années cinquante, la présencedes femmes dans les facultés de médecine restait très faible et ne semblait pasprésenter un danger de concurrence pour les hommes. Quasiment exclues dela chirurgie ou de la médecine générale, elles exerçaient surtout la pédiatrie,l’ophtalmologie ou la gynécologie et n’avaient pas de carrière hospitalo-universitaire (Vergès, 1996). Les professeurs de médecine de l’époquen’accordaient qu’une importance accessoire à ce début de féminisation :« presque toutes, elles s’orientent infailliblement vers la puériculture ou lemariage, par lequel elles sortent de la médecine et rentrent dans le cadrecommun. La nature se venge d’avoir été refoulée. Aussi bien, il faut direqu’elles ont, en général, assez peu de succès de clientèle [...] Mesdemoiselles,pratiquez la médecine si vous avez vraiment la vocation, mais ne vous mariezpas. Et si d’aventure vous vous mariez, redevenez des femmes tout court » 1.

Souvent filles de médecins, puis femmes célibataires ou mariées à desmédecins ou des scientifiques qui les soutenaient, les pionnières de lamédecine se sont moulées dans des rôles où elles renonçaient en partie aux

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1 Dr René Mainot, « Les femmes médecins », La Vie médicale, 31 août 1927, cité par B. Vergès,1996, p. 64.

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qualités attendues des femmes de leur époque et de leur milieu. Cette ten-dance perdura suffisamment pour que l’on compte longtemps plus de céli-bataires chez les femmes médecins que chez les hommes, qu’elles aientmoins d’enfants et qu’elles soient massivement issues des catégories socia-les les plus aisées (Herzlich et alii, 1993). Les étudiantes en médecined’aujourd’hui n’envisagent pas de sacrifier leur vie familiale à leur « voca-tion », mais le spectre de l’alternative entre « être femme » et « être méde-cin » n’a pas, pour autant, totalement disparu.

Encadré 1 : Méthodologie : deux enquêtes auprès de plusieursgénérations d’étudiants et de médecins

L’article s’appuie sur deux enquêtes, réalisées dans des contextes et sur despopulations différentes.

• La première enquête visait à comprendre les effets de la réforme del’internat de médecine de 1982 sur les choix professionnels des médecins.

L’enquête de terrain a été réalisée sur trois sites : les facultés de Lariboisière-Saint-Louis (Paris), Marseille et Nantes. Dans chaque université, un échantil-lon d’étudiants a été tiré de manière aléatoire à partir des listes d’inscrits enPCEM2 en 1973, 1975, 1978, 1980, 1984 et 1986.

Les parcours des 1 080 étudiants ainsi sélectionnés ont été relevés à partir deleurs dossiers et des procès-verbaux d’examens. Ce fichier a été complété pardes données de carrière fournies par le Conseil national de l’ordre des méde-cins et par les résultats des concours de l’internat nouveau régime, fournis parle Centre interuniversitaire de traitement de l’information (CITI II). Ces don-nées ont été exploitées sous une forme anonyme et ont été complétées pardes études de documents et des entretiens auprès d’une cinquantaine demédecins, dont plus de quarante étaient issus de l’échantillon statistique.

Cette recherche a donné lieu à un rapport de recherche pour le programmeINSERM/CNRS/MiRe 98 : Processus de décision et changements des systè-mes de santé, La réforme de l’internat de médecine de 1982 et ses effets surles choix professionnels des médecins, Anne-Chantal Hardy-Dubernet,Michel Arliaud, Chantal Horellou-Lafarge, Fabienne Le Roy, Marie-AnneBlanc, novembre 2001, 168 pages.

• La seconde enquête vise à comprendre comment se construisent et évo-luent les représentations des étudiants en médecine quant au(x) métier(s)auxquel(s) ils se destinent. Elle repose sur un corpus d’une centaine d’étu-diants et de jeunes médecins généralistes interrogés au cours de l’année2004-2005, issus des facultés de Saint-Antoine (Paris) et de Nantes. Unéchantillon d’étudiants en PCEM1, PCEM2, DCEM4, résidents et jeunesgénéralistes installés depuis moins de cinq ans, a été sélectionné avec l’aidedes scolarités des universités concernées et du CDOM de Loire-Atlantique.Les entretiens, semi-directifs, ont été réalisés et analysés par l’équipe ducentre associé au Cereq de Rouen, dirigée par Charles Gadéa (SophieDivay, Stéphanie Hervieu, Yassine Zouari), par Chantal Horellou-Lafarge, dulaboratoire Georges Friedmann (Paris I), et par l’équipe du centre associéau Cereq de Nantes et de la MSH Ange-Guépin, (Salim Bekhat, ValérieGosseaume, Anne-Chantal Hardy, Fabienne Le Roy).

Les résultats de cette enquête, qui a été réalisée pour la DREES, sont encours de rédaction.

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La féminisation des études médicales résulte d’un paradoxe que nous tente-rons ici d’interroger. Nous nous baserons en grande partie sur deux enquê-tes réalisées auprès de médecins et d’étudiants en médecine de générationsdifférentes (cf. encadré 1). Dans un premier temps, nous montrerons queces études n’ont jamais favorisé les femmes, bien au contraire, ce qui inter-dit d’expliquer l’afflux des femmes en médecine par des facilités d’études.Dans un deuxième temps, nous proposerons quelques éléments d’explica-tion de cette affluence, par l’abandon d’un mode d’exercice de la professionmédicale identifié comme « masculin », et par une reconfiguration dumétier qui devient attractif pour les femmes, dans le contexte économiqueet social actuel.

■ Le parcours des combattantes

Il est souvent avancé que les filles sont plus « brillantes » que les hommeset que cette supériorité scolaire constitue une des raisons de leur réussite enmédecine. Pourtant, les faits ne sont pas aussi probants : les femmes enmédecine restent relativement sursélectionnées, elles ne réussissent pasmieux que les hommes et, surtout, les obstacles qui se sont dressés sur leurroute durant les trente dernières années les ont obligées à élever leur niveaud’excellence. Les études de médecine ne sont visiblement pas « faites »pour elles ; ce sont elles qui se sont faites aux études de médecine.

Le concours de PCEM1 : l’étape initiatiqueLa féminisation des études médicales n’est pas due à une meilleure réussitedes filles au concours de PCEM1. Elle est due essentiellement à deux fac-teurs contingents : l’augmentation des filles et la diminution du nombre degarçons qui s’inscrivent en PCEM1. Ainsi, l’instauration du numerus clau-sus de première année a freiné, dans un premier temps, la présence des fem-mes en PCEM2, comme l’indique le tableau 1.

Tableau 1 : Taux de féminisation des deux premières années de médecineentre 1968 et 1975

Année universitaire PCEM1 PCEM2 Numerus clausus

1968-1969 31,2 % 30,7 % -

1969-1970 33,4 % 33,0 % -

1970-1971 35,7 % 35,4 % -

1971-1972 37,4 % 36,6 % 12 872

1972-1973 38,2 % 36,3 % 11 335

1973-1974 39,7 % 36,5 % 11 218

1974-1975 40,4 % 35,3 % 10 732

Source : Santé Sécurité Sociale, Statistiques et commentaires, 1976, 5.

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Aujourd’hui, la réussite des filles est quasiment la même que celle des gar-çons et quand on observe une différence, elle s’opère plutôt en faveur desgarçons. Ainsi, en 2002, on comptait 63,9 % de filles en PCEM1 surl’ensemble des facultés de France, et 59,2 % en PCEM2 (Larbarthe etHérault, 2003). En outre, l’exploitation des fichiers des inscrits à la rentrée2003 dans deux universités montre que les déterminants de la réussite desétudiants paraissent plus sociaux et scolaires que sexuels 1.

Tableau 2 : Inscrits en PCEM1 et PCEM2 dans les facultés de Nanteset Saint-Antoine, 2003-2004

PCEM1 PCEM2

Hommes Femmes Hommes Femmes

Faculté de Nantes

PCS 1 du père

Père catégoriesupérieure 58,8 % 50,7 % 65,1 % 59,6 %

Père catégoriepopulaire 14,9 % 15,9 % 7,0 % 8,5 %

Mention aubaccalauréat

Sans mention 52,7 % 46,9 % 20,9 % 12,8 %

Mention AB 31,4 % 30,6 % 37,2 % 25,5 %

Mention B et TB 15,9 % 22,5 % 41,9 % 61,7 %

Répartition H/F 32,9 % 67,1 % 31,4 % 68,6 %

Faculté de Saint-Antoine

PCS du père

Père catégoriesupérieure 54,7 % 50,4 % 64,2 % 67,0 %

Père catégoriepopulaire 21,7 % 24,5 % 18,9 % 14,3 %

Mention aubaccalauréat

Sans mention 61,6 % 58,4 % 41,5 % 17,6 %

Mention AB 24,3 % 25,5 % 39,6 % 48,4 %

Mention B et TB 14,1 % 16,1 % 18,90 % 34,1 %

Répartition H/F 34,9 % 65,1 % 36,8 % 63,2 %

1 Catégorie socioprofessionnelle.

Sur les deux facultés considérées, la tendance est la même, mais dans desproportions différentes : la sélection sociale est plus importante à Saint-Antoine qu’à Nantes, elle est aussi plus élevée pour les femmes que pour leshommes. Elle est alors la plus faible pour les Nantais et la plus forte pour les

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1 Il s’agit en effet de données portant sur les inscrits en 2003-2004 dans les deux facultés. Lesinscrits en PCEM2 ne peuvent donc pas être considérés comme un sous-ensemble des inscritsen PCEM1. Cependant, en postulant que les grandes tendances discriminantes sont très pro-ches d’une année sur l’autre, il est possible de comparer ces deux populations, surtoutlorsqu’elles montrent des variations significatives et récurrentes.

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Parisiennes : les hommes issus de familles populaires représentent 21,1 %des entrants et 18,9 % des PCEM2 de Saint-Antoine ; les filles de cesmêmes familles représentent 15,9 % des Nantaises en première année, maisseulement 8,5 % l’année suivante. Il en est de même pour la sélection sco-laire : les plus pénalisées par l’absence de mention sont les Parisiennes etles plus favorisées par une mention Bien ou Très bien sont les Nantaises.

Si elles sont majoritaires aujourd’hui en facultés de médecine, les étudian-tes doivent donc fournir, leur famille aidant, un effort toujours plus impor-tant que les garçons. Ce que la réputation d’excellence des femmes masquepourtant, c’est la nature d’une sélection qui, associée à des études longueset coûteuses, bloque la démocratisation de ces facultés.

Des entretiens que nous avons réalisés auprès d’étudiants et de médecins degénérations différentes, il ressort que la réduction du numerus clausus a euun effet socialement discriminant et qu’il a contribué à favoriser les étu-diants qui avaient un accès direct aux règles (informelles) de la sélection.L’absence d’activités annexes, lucratives ou de loisirs est une conditionpremière de réussite pour tous les étudiants. Mais elle n’est pas suffisante :il est préférable d’être dans un environnement familial encourageant etstable ; de suivre des cours privés parallèles ; de s’être procuré des coursd’anciens étudiants, etc. Toutes ces « petites choses » qui font la différenceentre les initiés et les ignorants et qui accordent quelques longueursd’avance aux premiers. Les femmes, sur ce point, ne sont pas plus avanta-gées que les hommes, mais elles ne paraissent pas non plus défavorisées,dès lors que l’on compare les étudiants de même origine sociale.

Filières « féminines » et filières « masculines » :l’entente cordiale

Les premières universités de médecines étaient interdites aux femmes. Defait, puisque le baccalauréat leur était fermé en France jusqu’en 1867, ce quiexplique que les premières diplômées françaises furent étrangères. Ce fut uneAméricaine qui réussit la première l’internat des hôpitaux, plus de quatre-vingts ans après sa création. (Vergès, 1996). Une fois autorisées à se présen-ter aux concours, les rares femmes internes n’avaient pas le droit de pénétrerdans les « salles de gardes » réputées pour leur ambiance « paillarde ». Pen-dant longtemps, a régné une « tradition » de sarcasmes et de plaisanteries ausujet des étudiantes en médecine, qui étaient les premières à subir les sévicesdu bizutage. Il a fallu que les études, autant que le métier, évoluent pour queles femmes puissent entrer en nombre – et en sécurité – dans les facultés demédecine. Le développement des spécialités ambulatoires et la mise en placedes certificats d’études spéciales dans les universités, ainsi que le salariatmédical ont représenté ces opportunités (Paicheler, 2001).

L’accès des femmes aux études médicales s’est donc fait dans un contexted’explosion démographique et par le développement des spécialités

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médicales de ville, en particulier certaines d’entre elles (gynécologie,pédiatrie, dermatologie, ophtalmologie, etc.) (Arliaud, 1987, p. 108). Pourcelles qui n’y avaient pas accès, la possibilité de pratiquer la médecine sousstatut salarié devint une autre voie d’exercice. Médecins scolaires, méde-cins du travail, médecins de PMI, les femmes sont venues d’abord occuperdes professions nouvelles et qui ne les plaçaient pas en concurrence directeavec les hommes. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, la féminisation dela médecine n’était pas « un problème » mais au contraire, apparaissaitcomme « une solution » : la diversité des modes d’exercice concordait avecl’ouverture à de nouvelles professionnelles.

Tandis que le nombre des médecins augmentait et que les exercices sediversifiaient, tant du point de vue des disciplines que des statuts, les fem-mes ont pu « s’installer » dans les facultés de médecine sans porterombrage aux carrières masculines qui bénéficiaient aussi du contexted’expansion favorable. Si elles s’insinuaient doucement dans ces filières àmajorité masculine, préparant de plus en plus le concours des internats deshôpitaux, s’orientant vers la recherche, pratiquant la chirurgie, ou s’instal-lant comme médecin généraliste, leur présence minoritaire ne bouleversaitpas les règles établies par leurs confrères, qui restaient dominantes.

La réforme de 1982 et « l’apparition » des femmes

À la fin des années soixante-dix, on se trouve dans une situation dont il fautici résumer la complexité. « L’éternelle pléthore médicale » (Bungener,1984) devient une question de santé publique car elle s’inscrit dans uncontexte de crise économique, de chômage croissant et de déficit de la sécu-rité sociale. Simultanément, les bacheliers arrivent en masse dans l’ensei-gnement supérieur, et le numerus clausus reste relativement élevé. Unnombre important de ces étudiants choisissent de pratiquer une médecinespécialisée, dont on commençait à craindre qu’elle soit une source dedépenses supplémentaires et de déséquilibres géographiques de la densitémédicale. Par ailleurs, une réforme de l’enseignement s’imposait, puisquela double formation des spécialistes (par l’internat et par les CES) etl’absence de formation propre aux généralistes étaient incompatibles avecl’harmonisation européenne des diplômes médicaux.

Face à ces problèmes, la réforme de 1982 apporte une solution à la foisquantitative et méritocratique. Le gouvernement s’octroie la maîtrise dunumerus clausus, fixé désormais au niveau national et réparti par faculté.Mais surtout, les CES sont supprimés et le concours de l’internat, désor-mais national, devient le seul moyen d’accès à la spécialité médicale. C’estaussi l’occasion de supprimer certaines spécialités (comme la gynécologieet l’ophtalmologie médicale) et de contrôler la répartition des médecinsdans des filières dont les contours vont varier durant vingt ans.

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Un des effets de cette réforme est « l’apparition des femmes » comme unenouvelle donnée de l’exercice de la médecine. Car cette réforme, en les des-servant, a contribué à les rendre plus visibles en même temps que source de« problèmes spécifiques ». Deux faits accompagnent ce mouvement : le pre-mier est la suppression des filières « féminines » de l’enseignement médicalet le second est l’arrivée massive des femmes en médecine générale.

Avec la suppression des CES, la filière « féminine » de professionnalisa-tion de la médecine disparaissait au profit de deux filières « masculines » :la médecine générale d’une part, le concours de l’internat d’autre part. Onse retrouvait finalement dans une configuration duale qui ressemblait àcelle des études médicales du début du siècle...

Les premières générations d’étudiantes soumises à cette réforme étaient por-teuses de représentations nourries chez leurs aînées et bon nombre d’entreelles anticipaient une carrière de spécialiste médicale qu’elles pouvaientmener tout en démarrant en cours d’études une vie familiale. La réforme de1982 a littéralement condamné ce modèle. Lors de l’enquête que nous avonsmenée sur les générations suivant la réforme, nous avons constaté que leshommes et les femmes n’abordaient pas leurs choix de la même manière.

Les hommes opéraient leur choix par identification : c’est parce qu’ilss’imaginaient généralistes qu’ils ne préparaient pas l’internat ou accep-taient d’y échouer ; ou bien ils passaient l’internat parce qu’ils suivaient ledestin plus ou moins obligé de tout futur médecin de qualité, une pressionde conformité aux choix les plus prestigieux qui semble déterminer lesorientations des jeunes hommes des filières élitistes, pas seulement enmédecine (Ferrand, Imbert et Marry, 1996).

Les femmes n’abordaient pas la question de la même manière, puisqu’ellesavaient plus de mal à s’identifier à l’une des deux voies proposées et leurdécision ressemblait souvent à des choix professionnels par défaut : elles nevoulaient pas préparer l’internat parce qu’elles ne s’en sentaient pas capa-bles, pour des raisons diverses, ou qu’elles ne se sentaient pas bien dans lemilieu hospitalier ; elles ne voulaient pas être médecin généraliste parceque l’image qu’elles en avaient était celle d’un métier peu compatible avecune vie de famille. Elles opposaient volontiers à l’une ou l’autre voie descaractéristiques liées à leur vie de femme, actuelle ou future. Les extraitsqui suivent donnent quelques exemples de ces formulations :

• Éviter la médecine générale :

« Mais ce qui m’a fait en fait, enlever l’idée de la médecine générale, c’estaussi que les remplacements que j’ai faits, j’ai vu que c’est un métier, hyperdifficile ! il faut être très disponible, [...] quand on a des enfants, c’est quasiimpossible ! » (femme biologiste).

« En tant que femme, ma vie personnelle me tient beaucoup à cœur, donc, jesavais que je voulais des enfants, que... je m’orientais plutôt vers une viestable de couple avec des enfants, [...] si les conditions d’exercice étaient

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présentées comme ça en tout cas, je pense que je n’aurais pas pu faire unecroix sur ma famille au... enfin pour mon métier. » (femme dermatologue).

• Ou renoncer à l’internat :« Quand j’étais avec mon copain médecin, je lui ai dit : “entre préparerl’internat et avoir une vie de famille, je choisirai avoir une vie defamille” » (femme généraliste).« Enfin à l’époque j’aurais bien aimé faire de la dermato. Le stage quej’avais fait en D1... bon D3 83-84 et D3 ben là il y avait plus d’espoir. Doncmoi je me suis pas présentée à un examen en fin de D3 de façon à redoubler,et puis là-dessus j’ai commencé à pas mal travailler, [...] et puis (mon mari)est parti au service militaire, j’étais enceinte ; et puis voilà, l’internat jel’ai même pas présenté. » (femme généraliste).« Après c’est plutôt des ennuis, je dirais familiaux qui ont fait que je n’aipas passé l’internat. Toujours pareil. [...] moi j’avais mon père qui étaitmalade donc... et puis après qui est mort. Moi je me sentais un petit peu res-ponsable, si vous voulez. » (femme généraliste).

L’impact discriminant de cette réforme pour les jeunes femmes était visibledès les premières années de son application, mais il était passé sous silence,au profit de classements des taux de réussite des étudiants par facultés. Toutau plus signalait-on que les femmes « préféraient » dorénavant la médecinegénérale à la spécialisation. Parce qu’elles étaient sursélectionnées, les pre-mières reçues au concours étaient souvent des femmes 1 et les premières spé-cialités choisies des spécialités dites féminines. Pourtant, sur l’ensemble despromotions, l’augmentation des femmes dans la filière généraliste fut rapide.

Tableau 3 : Taux de généralistes selon le sexe et la promotionde deuxième année

Promotion PCEM2 Femmes Hommes Ensemble

1973 49,3 % 50,0 % 49,7 %

1975 60,6 % 63,4 % 62,4 %

1978 38,6 % 57,8 % 50,3 %

1980 80,6 % 73,7 % 76,5 %

1984 66,7 % 60,3 % 63,2 %

1986 76,8 % 41,9 % 61,8 %

Total 63,2 % 58,9 % 60,7 %

Note de lecture : parmi les femmes inscrites en PCEM2 en 1973 dans les facultés de Lariboisière, Mar-seille et Nantes, 49,3 % sont devenues généralistes.

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1 En comparant les taux d’accès à la spécialité aux niveaux de réussite universitaire des étu-diants (obtenus par le relevé de leur parcours et de leurs notes), nous avons pu mettre en évi-dence cette sursélection à partir de trois niveaux d’étudiants : les « moins bons », les « bons »et les « très bons ». Ainsi, 59 % des femmes spécialistes sont parmi les « très bonnes » étudian-tes, alors que cela ne concerne que 46 % des hommes spécialistes. De même, les femmes spé-cialistes ne comptent que 10,7 % de « moins bonnes » alors que 25 % des hommes spécialistessont dans cette catégorie.

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Le tableau 3 montre que les premières années de la réforme furent décisivesquant aux tendances d’exercice qui ont marqué les années suivantes. L’aug-mentation du nombre de femmes en médecine s’est combinée avec leuraugmentation en troisième cycle de médecine générale, féminisant encoreplus rapidement ce segment professionnel.

Le taux de réussite des femmes à l’internat n’a cessé d’augmenter durantvingt ans passant, dans les dix premières années, de 33 % à 44 % (Mattei,Étienne, Chabot, 1997, p. 67). Ces dernières années, les différences entrehommes et femmes semblaient très atténuées mais perduraient. Depuis2004, le système a changé et c’est désormais l’ensemble des étudiants deDCEM4 qui passent un concours, dit examen classant national (ECN), àpartir duquel ils sont tous classés et doivent choisir une filière de spécialité.La médecine générale figure parmi les filières proposées et devient donc, aumême titre que les autres disciplines, une « spécialité médicale ». Lesépreuves de cet examen paraissent plutôt favorables aux femmes : ellesn’ont plus à faire le choix de le passer ou non, il est censé reprendre le pro-gramme des études universitaires, il favorise les dossiers cliniques au détri-ment des QCM. Les résultats de la première épreuve en 2004 montrent quegarçons et filles se répartissent assez équitablement dans les différentsniveaux de classement.

Tableau 4 : Répartition des hommes et des femmes dans les différentsniveaux de classement à l’ECN 2004

Rang de classement Hommes Femmes Total

1-350 44,1 % 55,9 % 100 %

351-700 40,9 % 59,1 % 100 %

701-1050 42,2 % 57,8 % 100 %

1051-1400 39,1 % 60,9 % 100 %

1401-1750 38,9 % 61,1 % 100 %

1751-2100 38,7 % 61,3 % 100 %

2101-2450 40,5 % 59,5 % 100 %

2451-2800 39,2 % 60,8 % 100 %

2801-3150 43,7 % 56,3 % 100 %

3151-3500 47,2 % 52,8 % 100 %

3501-3729 63,6 % 36,4 % 100 %

Ensemble 42,8 % 57,2 % 100 %

Ce nouveau système devrait permettre d’étudier plus en profondeur lesconditions des choix des étudiants dans les années à venir (cf. encadré 2).En particulier, il introduit une obligation de mobilité géographique quirisque de s’imposer aux moins bien classés au concours, élément qui n’estpas sans influence sur les choix professionnels des filles et des garçons.

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Tandis que les études de médecine semblent plutôt favoriser les hommes,ceux-ci tendent à les déserter, alors que les obstacles que rencontrent lesjeunes femmes n’altèrent pas leur volonté de s’y engager. Pour que les fem-mes y aillent encore et toujours plus nombreuses, il faut qu’elles aientd’autres bonnes (ou moins bonnes) raisons.

Encadré 2 : Les études de médecine en France :quelques points de repère

L’avènement du système LMD (licence/master/doctorat) dans les universitésfrançaises devrait conduire progressivement à une harmonisation entre les étu-des de médecine et les autres parcours universitaires. Mais jusqu’à présent lesfacultés de médecine se distinguent en proposant un système à part, fermé surlui-même et en étroite coopération avec les centres hospitalo-universitaires.

Les études de médecine se déroulent en trois cycles :– un premier cycle (PCEM 1 et 2) de deux ans, marqué par un concoursen fin de première année, et consacré à l’apprentissage des matières fonda-mentales ;– un second cycle de quatre ans (DCEM) consacré, outre aux matières fon-damentales, à l’étude de la sémiologie ;– un troisième cycle d’une durée de trois ans au minimum pour les généralis-tes, à cinq ans pour certaines spécialités complémentaires.

Au-delà de ce schéma général, le système a connu depuis une trentained’années, des modifications importantes :– le numerus clausus de première année a été institué à la rentrée univer-sitaire 1971-1972. Cette année-là, 12 872 étudiants ont été intégrés endeuxième année de médecine. À la fin des années soixante-dix, on com-mence à le réduire fortement, jusqu’à son taux minimal, en 1992, où il estdescendu à 3 500. Il est remonté ensuite pour atteindre 5 550 en 2004 et ilest annoncé à 7 000 pour 2006 ;– jusqu’en 1983, les études de médecine générale s’arrêtaient à la fin de laseptième année, commune à tous et sanctionnée par la thèse. Tous lesmédecins étaient généralistes et les spécialistes bénéficiaient d’une forma-tion supplémentaire, soit par les certificats d’études spéciales (sauf pour lachirurgie) soit par l’internat, concours organisé par les hôpitaux. La réformede 1982 a distingué le parcours des généralistes de celui des spécialistes eninstituant un troisième cycle spécifique et reconnu par un statut hospitalier,appelé résidanat (de quatre, puis cinq, puis six semestres). Par ailleurs, leconcours de l’internat, national, est devenu l’unique voie d’accès aux spécia-lités chirurgicales et médicales. Ceux qui ne se présentaient pas au concoursou qui n’y étaient pas classés en rang utile faisaient de la médecine générale,souvent dans leur faculté d’origine ;– l’instauration de l’examen classant national (ECN), en 2004, modifie lesrègles du jeu. Un seul concours pour la totalité des étudiants en médecine quichoisissent en temps réel, dans un ampli dit « de garnison », leur choix defilière de troisième cycle. La médecine générale y est « érigée » au rang despécialité au même titre que les autres filières de l’ancien internat. Les étu-diants pouvaient, cette année, choisir la médecine générale dans leur facultéd’origine, mais cette possibilité est dérogatoire et devrait être supprimée en2005. À l’impossibilité de suivre la formation de son choix risque de s’asso-cier des difficultés à poursuivre ses études dans l’université de son choix.

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■ Médecin « au féminin »

Les femmes qui s’engagent dans les études de médecine ne sont plus despionnières et elles le font avec l’idée claire qu’elles choisissent un métierbien adapté à la vie de femme qu’elles anticipent. Être médecin, ce n’estpas, pour elles, faire « comme un homme », c’est pratiquer un « métier defemme ». Pour que cette évolution ait eu lieu, il a fallu que le contexte danslequel les jeunes bachelières scientifiques décident de leur orientation soittrès favorable au choix d’une faculté de médecine. En outre, il est néces-saire que le métier soit porteur de représentations qui permettent une tellesexuation des orientations : un métier « pour les femmes », cela signifie unepratique qui permette aux femmes de s’identifier en tant que professionnel-les et qui soit suffisamment rentable pour qu’elles y investissent de nom-breuses années d’études. Cela implique aussi que les hommes ne s’yretrouvent plus et préfèrent se diriger vers d’autres destinées jugées par euxplus gratifiantes, symboliquement et financièrement.

Un contexte favorable

Les étudiants ne s’orientent pas toujours en médecine parce qu’ils en ont« la vocation ». Leur choix est la conjonction de facteurs multiples qu’ilfaut aller chercher en deçà et au-delà de la médecine.

C’est l’environnement des bachelières scientifiques qui contribue à lesorienter vers cette faculté plutôt que vers une autre formation, et pour uneprofession qu’elles choisissent « pour la vie ». Cet environnement peuts’évaluer à travers un triple mouvement :– le premier est la pression réalisée par l’augmentation des bachelièresscientifiques sur les places offertes dans l’enseignement supérieur ;– le second est la féminisation déjà acquise du secteur de la santé ;– le troisième est l’imposition d’une norme d’activité féminine continue,en particulier pour les plus diplômées.

Le choix des bachelières scientifiques :facultés et filières sélectivesIl ne peut y avoir d’étudiantes en médecine sans bachelières scientifiques, etmême des bachelières brillantes. L’évolution de l’accès au baccalauréat S desfilles est une condition nécessaire (mais pas suffisante) à la féminisation desétudes médicales. En 1988, les filles représentaient 41,5 % des bacheliersscientifiques (Baudelot et Establet, 1992) et elles en représentent 46,5 % en2002 (Briffaux, 2003). Mais cette augmentation relative s’accompagne aussid’une augmentation absolue du nombre de bacheliers scientifiques : 58 242garçons en 1988 et 88 454 en 2002. En arrivant sur le « terrain » des garçons,les filles se placent potentiellement en concurrence avec eux, surtout s’ils’agit de postuler dans les filières les plus sélectives de l’enseignement

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supérieur. Or, c’est encore parmi ces filles que l’on trouve le plus de men-tions Bien et Très bien, ce qui les place a priori en bonne position pour lesconcours de l’enseignement supérieur. En premier cycle des filières universi-taires scientifiques, c’est en santé que les filles sont les plus nombreuses(68,5 % en 2002-2003), alors qu’elles représentent 60,4 % des inscrits ensciences de la nature et de la vie, 32,1 % en sciences et structures de lamatière et 19,4 % en sciences de l’ingénieur (Vanderschelden, 2003).

L’orientation des bacheliers scientifiques s’effectue en fait sur un créneauétroit dans lequel se trouvent les formations universitaires, les classes pré-paratoires aux grandes écoles (CPGE), les instituts universitaires de tech-nologies (IUT) et les autres formations. L’évolution entre 1996 et 2002 faitapparaître une baisse importante des inscrits en DEUG scientifique, quitouche en priorité les jeunes filles issues des catégories sociales les moinsfavorisées, et qui ne correspondent pas a priori au profil des inscrites enmédecine. Les garçons sont peu nombreux à aller vers la santé (8,7 %contre 24,1 % des filles) mais ils se dirigent massivement vers les CPGE(38,8 % contre 22,9 % des filles) et les IUT (18,9 % contre 8,6 % des filles)(Lemaire, 2004). Tout se passe comme si les bacheliers scientifiques déser-taient les métiers de la santé au profit des filles, qui limitent ainsi leurs ins-criptions dans les CPGE, dont la féminisation reste stagnante, malgré lesrésultats du baccalauréat.

La santé : un secteur de femmesParmi les éléments contextuels favorisant l’inscription des femmes enmédecine, il faut aussi considérer les formations paramédicales, quisont très largement féminisées, surtout chez les jeunes générations : au1er janvier 2004, 34,2 % des dentistes étaient des femmes, mais elles repré-sentaient 53,6 % des moins de 30 ans (Sicart, 2004). Seuls les kinésithéra-peutes restent une profession en (très légère) majorité masculine chez lesplus jeunes. Ce qui s’observe cependant, c’est que la féminisation des pro-fessions ne s’est pas opérée partout de la même manière et qu’elle n’est pasnécessairement dépendante du niveau d’études. Ainsi, la kinésithérapie estrestée très masculine alors que la pharmacie s’est féminisée depuis de nom-breuses années (56,5 % de femmes chez les 55-59 ans).

Parmi les filières paramédicales, les infirmières sont les plus nombreusesmême si elles ont subi, elles aussi, des variations de numerus clausus impor-tantes, doublant entre 1990 et 2003, après avoir connu une baisse drastiquedans les années quatre-vingt (Berland, Burdillat, Daniel, 2004, p. 35). Et l’onforme en France cinq fois plus d’infirmières que de médecins.

Expliquer l’orientation des femmes en médecine par un transfert d’orienta-tion des métiers moins qualifiés vers les plus qualifiés se heurte à un obs-tacle à la fois quantitatif et qualitatif. Le premier est lié au fait que, lorsquele numerus clausus à l’entrée des études d’infirmières était au plus bas, ilétait aussi au plus faible chez les médecins. Point de transfert possible donc,

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on n’allait pas vers médecine parce qu’infirmière était « bouché », ni d’ail-leurs vers aucune autre formation paramédicale. En outre, on ne se trouvepas devant les mêmes populations : les infirmières n’ont toujours recrutéqu’une partie minoritaire de leurs élèves parmi les enfants des catégoriessociales supérieures. Elles se situent plus souvent dans une perspectived’ascension sociale : 42,7 % des infirmières en activité étaient fillesd’ouvriers ou d’employés en 2001 (Acker, 2003, p. 290). On est loin durecrutement social des médecins.

Les jeunes bachelières scientifiques issues des catégories sociales les plusaisées ou disposant d’un environnement familial stimulant sont dans uncontexte qui favorise leur inscription en médecine, mais dans une configu-ration bien particulière. Elles adoptent un comportement de choix d’orien-tation qui ressemble à celui de leurs frères, en optant pour des étudeslongues et sélectives, mais elles se conforment aussi à une tendance géné-rale des étudiantes de leur sexe en se dirigeant vers le secteur de la santé.

Des études pour la vieL’activité des femmes a suivi un mouvement qui ressemble à celui de laféminisation de la médecine. En effet, il s’est effectué à la faveur de la sco-larisation des filles et de la tertiarisation des emplois. (Maruani, 2003, p. 10et s.). Les femmes ne se sont pas présentées sur les emplois des hommes,mais elles se sont introduites dans les nouvelles niches du salariat. Certes, lamédecine ne peut pas être considérée comme un nouveau secteur, mais ausein de cette branche d’activité les mêmes évolutions ont marqué l’arrivéedes femmes : salariat d’abord, nouvelles spécialités ensuite.

En 2002, la proportion de femmes parmi les cadres et professions intellec-tuelles supérieures était de 36 %, soit un chiffre quasiment équivalent àcelui de la médecine. Mais ce sont parmi les professions scientifiques et del’enseignement qu’elles sont les plus nombreuses (56 %) alors qu’elles sontbeaucoup moins représentées parmi les ingénieurs et cadres techniquesd’entreprises (16 %). Dans les professions libérales, en revanche, elles sontreprésentées dans des proportions légèrement supérieures à la moyenne(38 %). Notons cependant que ces chiffres restent largement inférieurs autaux de féminisation de l’ensemble de la population active, qui est de 46 %en 2002. Mais surtout, le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans est de79,8 %, témoin d’une continuité de l’activité féminine.

Dans ce contexte, les bachelières peuvent investir dans des études de pluslongue durée, si elles disposent des ressources financières et sociales suffi-santes ; ces études déboucheront le plus souvent sur une carrière profes-sionnelle continue, sans cessation de l’activité professionnelle à lanaissance de leurs enfants. Ce contexte prédispose tout particulièrement lesjeunes filles issues des milieux sociaux les plus favorisés à se placer sur unmarché de l’emploi qui leur permette, mariage ou non, enfants ou non, des’assurer une position sociale et économique satisfaisante.

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Ces évolutions générales sont favorables à l’inscription des femmes enmédecine, mais elles ne sont pas suffisantes pour comprendre comments’opère cette orientation. Celle-ci est argumentée, raisonnée, justifiée pardes prises de position qui montrent les évolutions en cours. C’est parce queles garçons et les filles nourrissent certaines représentations du métier,parce qu’ils attachent à la profession des qualités qui leur conviennent,qu’ils peuvent justifier de leur inscription dans ces études et commencer unprocessus de socialisation professionnelle.

Un choix sexué

L’arrivée massive des femmes dans les facultés de médecine pourrait res-sembler à une bataille gagnée si cette victoire ne s’accompagnait pas d’uncertain défaut de combattants. Tout se passe comme si hommes et femmesne pouvaient cohabiter à parité en médecine. La médecine semble être uneprofession de genre et sans doute cela procède-t-il d’un ensemble complexede phénomènes. À partir de cette hypothèse, nous voudrions ici proposerquelques pistes qui mériteraient de plus amples explorations, mais qui ontpour objectif de situer une problématique de genre dans une configurationparticulière de classe sociale.

Pour cela, il nous faut centrer notre propos sur des figures médicales qui nefont pas l’unanimité de la profession, mais qui en configurent des modèlesdominants. Nous partirons du constat de la relative stabilité du recrutementsocial supérieur des médecins, alors que celui-ci évolue dans d’autres bran-ches de l’enseignement supérieur d’une part, et qu’il connaît une féminisa-tion massive et rapide d’autre part. Notre regard se porte donc sur un milieusocial spécifique, une bourgeoisie plutôt traditionnelle, qui a fourni à laprofession médicale ses hommes puis ses femmes, en même temps qu’il senourrit de l’expansion de ce corps professionnel.

Poser comme hypothèse que choisir la médecine correspond à un choixsexué revient à dire que le choix de ces études s’opère dans le sens d’uneidentification sexuelle qui prend du sens dans un exercice professionnelautant que dans un équilibre familial et domestique. On se trouve devant ceque Goffmann (2002) appelle un « arrangement entre les sexes », dans lesens où cela contribue à un ordre social interne à un groupe donné. Il sembleque l’on puisse repérer, dans les discours des futurs ou jeunes médecins, dessignes de ce virage qui témoigne d’un bouleversement d’une identité pro-fessionnelle de genre, dans les deux sens : un métier qui perd son identitémasculine en même temps qu’il se féminise.

La fin d’un « métier d’hommes »La médecine a très longtemps été un métier pratiqué essentiellement par deshommes. Mais il s’agit aussi d’un « métier d’hommes » dans le sens où uneidentité sexuelle très prononcée y est attachée. L’interdiction d’exercice faite

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aux femmes, le mépris dont elles étaient entourées – et le sont encore par-fois – dans certains milieux de la chirurgie, en témoignent très largement. Ilfaudrait sans doute aussi aller chercher dans les rapports complexes de lascience et du religieux une des origines de cet ostracisme. En effet, les méde-cins et les hommes d’Église se sont souvent rencontrés et disputés sur des ter-rains (symboliques et géographiques) proches (Guillaume, 1990). Lesfemmes, soignantes et religieuses, mais surtout présentes massivement surces deux « terrains », n’auraient-elles pas représenté, aux yeux de l’Église etde la Faculté, un risque pour la perte de ces deux pouvoirs sur l’âme et lecorps ?

Sur le versant des réalités quotidiennes, l’exercice de la médecine présen-tait cette particularité de s’effectuer souvent dans des espaces où la fron-tière entre le professionnel et le privé s’estompe. L’équipe de C. Herzlich abien montré, dans son enquête auprès des médecins retraités, à quel point laconfusion des lieux et des rôles était importante. La grande majorité desmédecins généralistes s’installaient chez eux et leur épouse, souvent mèrede famille nombreuse, les secondait au quotidien (Herzlich et al., 1993).Les femmes de chirurgiens assuraient aussi souvent la fonction d’aide-opé-ratoire, qui fut si longue à réglementer en grande partie pour cette raison.Être médecin revenait alors à remplir un rôle social, professionnel et fami-lial d’homme et de père de famille en même temps.

Les évolutions sociales, en particulier l’accès des femmes d’origine socialesupérieure aux études et au travail, mettaient en péril la permanence de cettefonction. Les jeunes médecins installent rarement leur cabinet chez eux, leursépouses travaillent à l’extérieur et ce sont d’autres modes de coopération quise mettent en place : maisons médicales, associations, partage des charges desecrétariat, etc. La médecine devient un métier « comme un autre », prati-cable par un homme ou une femme indifféremment, et qui ne s’inscrit plusdans un modèle particulier d’organisation familiale et domestique.

On retrouve, dans les discours des étudiants et des jeunes médecinsd’aujourd’hui, des survivances de ce modèle, ce qui montre à quel point il apu être structurant dans les représentations des générations précédentes.Évidemment, il n’apparaît pas de façon directe et explicite : aucun de ceuxque nous avons interviewés, ne regrette explicitement cette place patriar-cale du médecin, mais ceux-ci font souvent allusion à un paternalismemédical qui, s’il est bon qu’il n’ait plus lieu, entraînait cependant une réellereconnaissance de la part de la population, pour laquelle ils gardent une cer-taine nostalgie.

Mais surtout, cette perte d’identité masculine dans la fonction médicales’entend à travers deux types d’attitudes.

• La première est repérable comme une réaction du milieu médical lui-même devant l’annonce d’une vocation nouvelle. De nombreux étudiants(en majorité des garçons), nous ont fait part des découragements émanantde médecins, surtout de la famille, devant l’annonce de leur intention de

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faire de la médecine. Cela s’argumente sur deux plans : le premier est celuide la reconnaissance sociale du métier et le second celui de la rentabilitééconomique d’un investissement lourd en années d’études.

Ainsi, cet étudiant de 23 ans, brillamment classé à l’ECN en 2004 et fils demédecins, a du mal à se démarquer d’un sentiment de dévalorisation entre-tenu par sa propre famille :

– « Que pensent vos parents de votre choix ? [d’avoir fait médecine] »« Bien justement mes parents ont tout fait pour me dissuader. Parce que,c’est le cas de toutes les familles de médecins généralement, où les enfantssont dans les grandes écoles, mes parents voulaient que je fasse un métieroù on ait plus de reconnaissance. Ils me disaient que c’était de la conneriede faire la médecine actuellement. Ils ont un rythme de vie infernal, monpère travaille 12 heures par jour 5 jours sur 7. Il mange pas le midi. Et il aun salaire qui n’est pas choquant par rapport à un commercial ouquelqu’un qui a bac +5 et pas comme lui bac +10 quoi. Donc voilà c’étaitau niveau reconnaissance et tout ça. Parce que au niveau de l’exercice entant que tel ils m’ont dit qu’il y avait rien de plus noble »

– « Qu’est-ce que vous en pensez, vous ? »« Moi ce que j’en pense. Ben écoutez-moi je suis à bac +6. Je suis le seul demes amis à avoir fait médecine. Eux ils ont fait grandes écoles d’ingénieurou école de commerce. C’est vrai que j’ai une copine qui fait de la financeet qui gagne 35 000 F par mois et qui a 23 ans. »

– « Ce que vous dites, c’est que le moteur ne peut pas être l’argent quandon fait médecine. ? »« Ah non ça peut pas du tout être l’argent. Non non parce que je sais quedans un an, si j’ai l’internat cette année, je serai interne et je gagnerai9 000 F par mois plus les gardes parce que je risque d’avoir pas mal degardes si j’arrive à faire ce je veux. Je gagnerai 12-13 000 F par mois. J’aipas à me plaindre. Il y a des gens qui gagnent le SMIC hein ! Et moi ça mechoque d’entendre... si vous voulez les gens aiment bien leur médecin maisn’aiment pas les médecins. Quand j’entends des trucs à la radio ou à la télé,où il est question des médecins qui gagnent beaucoup d’argent, c’est tout cequi les intéresse, si vous voulez, j’ai pas l’impression qu’il y a une recon-naissance de la part de la population. »

• Une deuxième attitude consiste à stigmatiser la place des femmes dans laprofession. Dans un milieu aussi méritocratique que celui de la médecine,les femmes, pour être si nombreuses, sont forcément, les « meilleures ». Enrevanche, si elles prennent les premières places, elles ne les occuperaientqu’à moitié, puisqu’elles travaillent « évidemment », à temps partiel. Cesregrets sont massivement présents dans les discours des étudiants quis’apprêtent à concourir, en particulier lorsqu’ils briguent des spécialitésprestigieuses. La concurrence féminine les obsède d’autant plus qu’ils nelui trouvent pas de légitimité : « une femme à temps partiel ne travaille pascomme un homme à temps plein » dit l’un d’eux, signifiant surtout qu’elle

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prend quand même une « place entière » si elle est reçue avant un hommeau concours.

Ce thème du travail partiel féminin est récurrent chez les étudiants et lesjeunes médecins.

L’extrait qui suit montre aussi qu’il vient casser l’image type du médecin àlaquelle certains hommes se sont identifiés en projetant leur professionfuture. Ainsi, ce jeune médecin généraliste consulte sans rendez-vous. Unepratique qu’il sait aujourd’hui exceptionnelle mais qu’il revendique commeune distinction de genre. C’est en travaillant sans horaires, en cumulant unepratique libérale et des staffs hospitaliers, après plusieurs années à SOS-Médecins, qu’il trouve son identité. Celle-ci est, on le sent, perturbée parl’arrivée de femmes médecins généralistes qui font tourner leur cabinet ens’associant et en travaillant à temps partiel. Du coup, son discours dérive etl’on voit que ce qui provoque une tension à ce sujet, c’est autant la « femmemédecin » que la « femme du médecin » :

« Je pense que la médecine générale c’est une médecine qui est extrême-ment difficile à exercer quand on est une femme, socialisée et avec une viede famille, des enfants à plein temps, après un mi-temps [...].Si vous regardez bien il y a 36 % de femmes qui sont médecins et il n’y en apas beaucoup qui font médecine générale ; là-dedans il y a les rhumatos,les dermatos, les gynécos médicales, qui travaillent 20 heures par semaine,des anesthésistes, il y a pas beaucoup de chirurgiens viscéral dans les hôpi-taux périphériques qui sont des femmes. Donc... [...]Les inconvénients sont énormes : moi j’ai plein d’amies qui sont rempla-çantes en médecine générale, mais elles restent remplaçantes, elles travail-lent le lundi puis le mardi, puis elles resteront à faire ça pendant des années[...]Non je sais pas, je crois que ce n’est pas possible. Ou alors si, à mi-tempsdans un cabinet urbain comme a R. où il y a deux femmes, elles ont uneclientèle à deux, elles travaillent deux jours et demi par semaine et il n’y apas de garde, attention il n’y a pas de garde, ça me paraît jouable. [...]Enfin, comme moi je l’exerce, je verrais pas ma femme travailler autant detemps. Ou alors il faudrait qu’on se barde d’aides de tous les côtés, si c’estpour payer quelqu’un chez soi pour travailler, non. Oui d’ailleurs ça doitêtre très très chaud d’ailleurs. [...]Après c’est vrai, vous avez le droit d’avoir une femme médecin si elle estdermato puis qu’elle travaille 20 heures par semaine ou qu’elle fait un mi-temps hospitalier, ça change tout. [...]Vous ferez là, ce qui serait intéressant, ce serait de voir quel est le statutsocial des femmes médecins, des femmes médecins généralistes, parce qu’ily a beaucoup de femmes médecins généralistes célibataires. [...] Si on veutfaire de la médecine, il faut être immergé. [...]Voilà ce que ça m’inspire la féminisation de l’activité que je trouve, enfin jetrouve que la société moderne à mis la femme dans une place qui s’accordemal avec l’exercice de la médecine générale à 30 ans. [...]

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Allez au 15e à M. faire une hospitalisation sur demande d’un tiers avec ungars qui jette tout son mobilier par la fenêtre comme je l’ai fait des nuits etdes nuits à SOS, est-ce que c’est la place d’une femme ? Il n’y a pas demisogynie derrière ça mais, c’est d’ailleurs quand on est assez costaud entant que mec on ne se sent pas trop à sa place, alors une petite minette quiarrive là-dedans, c’est pas de la misogynie non loin de là, c’est au con-traire, il y a d’autres voluptés que ça vis-à-vis de la médecine. Dermato làc’est tranquille, ils ont des rendez-vous, ils peuvent fermer pendant troissemaines, fermer à 18 heures, personne leur reproche rien. Les gens sontexigeants, de plus en plus exigeants. »

On voit bien là que la question de la féminisation de la profession se pose enmême temps que celle de l’équilibre des rapports conjugaux dans le partagedes tâches familiales. Du coup, c’est son identité masculine-médicale quece jeune médecin voit remettre en question.

La profession médicale perdrait donc une identité masculine, ce qui contri-buerait à expliquer la baisse des candidats à cette profession. Cette baisseétant compensée par une augmentation des candidatures féminines, lamédecine deviendrait alors un « métier de femme ».

Un « métier de femmes »Si les médecins ont longtemps été des hommes, ils n’ont jamais exercé sansdes femmes : religieuses, infirmières, épouses, de statuts différents maistoujours présentes, elles faisaient fonctionner le système. De ce fait, on nepeut pas considérer l’arrivée des femmes en médecine comme l’investisse-ment d’un nouveau secteur mais plutôt comme celui d’une prise de positionhiérarchique.

Les femmes n’ont pas beaucoup de mal à renverser la tendance. Côté rela-tionnel, humain, soignant, elles sont déjà là et peuvent qualifier toutes lesqualités nécessaires à faire un « bon médecin » de « féminines ». De cepoint de vue, elles n’ont plus besoin d’apparaître comme de froides techni-ciennes ou comme des scientifiques revêches pour prétendre au titre demédecin. Les jeunes femmes que nous avons rencontrées argumentent trèssouvent leur choix par des considérations affectives et maternantes : l’inté-rêt pour les enfants y a une place conséquente. Le choix de la professionmédicale apparaît donc comme un choix d’emblée sexué et articulé auxrôles sociaux féminins : gynécologie et pédiatrie restent les spécialités audépart les plus attirantes pour les jeunes étudiantes.

Dans les discours des médecins, on voit souvent s’opposer les valeurs humai-nes, relationnelles, affectives, etc., aux valeurs techniques, scientifiques,rationnelles. Souvent, les premières seraient plus « féminines » et les secon-des plus « masculines ». L’analyse des discours des étudiantes que nousavons interviewées est loin d’être aussi tranché : l’articulation entre attraitscientifique et technique, et attirance affective, se fait sans contradiction chezde nombreuses étudiantes, comme en témoigne l’exemple suivant.

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Il s’agit d’une étudiante de deuxième année, très brillante scolairement, quia été reçue dans les premières lors de sa première tentative de concours dePCEM1 et dont les représentations s’organisent autour de deux systèmes devaleurs : ce qui est « beau », « magnifique », « affectif » et ce qui est « inté-ressant » et qui « fait réfléchir » :

« J’ai toujours su que je voulais faire médecine, depuis (rires) toujours ![...] Je peux pas dire en fait [pourquoi], j’ai essayé de réfléchir. Mes petitessœurs ont été beaucoup à l’hôpital, ma maman aussi donc ça a peut-êtredéclenché quelque chose Je pense. [...] Ben, j’ai vu mes petites sœursnaître, être à l’hôpital pendant leurs six premiers mois, y retourner, yretourner, y retourner, maman aussi donc euh... [...] Je pense que c’est pluspar rapport à ça oui. J’avais une relation très forte avec mon médecingénéraliste, je l’ai toujours admiré donc, ça aussi ça a dû jouer je pense.[...] On veut tous être pédiatre ! (rires) enfin, je pense que c’est quand mêmeun rêve de travailler avec des enfants, on trouve ça beau euh... enfin c’estplus ça quoi, c’est plus, affectif que... [...] Gynéco-obstétrique aussi jetrouve ça magnifique ! [...] Mais sinon, la médecine interne là où j’étais cetété, là c’est, je trouve ça très intéressant, au niveau intellectuel quoi. Sinon,sinon tout me plaît hein ! je trouve tout intéressant. [...] Je pense que lesdécouvertes intellectuelles, ça tourne beaucoup autour de l’hôpital, lescongrès et tout, alors que les spécialistes en ville y’en a plein qui restent unpeu dans leur petit coin enfin, c’est pas pareil quoi. [...] Les médecins hos-pitaliers sont tout le temps ensemble, ils font des staffs tout le temps, ils fontdes congrès ensemble tout le temps, ils se connaissent très très bien entregrands professeurs. [...] Et puis, pouvoir travailler en équipe et d’avoir unestimulation intellectuelle avec d’autres en voyant des cas compliqués, enessayant de résoudre, en essayant de réfléchir ».

Lors de notre première enquête (cf. encadré 1) auprès de médecins, les fem-mes nous décrivaient l’activité d’un médecin généraliste à grands renfortsde stéréotypes du « médecin de famille », dévoué à sa clientèle, travaillantsans horaires, constamment de garde et toujours en visites. De cette image,elles en déduisaient qu’il ne valait mieux pas qu’elle s’oriente vers cettefilière. Ensuite, parfois contraintes d’exercer la médecine générale, ces jeu-nes omnipraticiennes ont rapidement trouvé un moyen de pratiquer leurmétier en harmonie avec leur vie familiale. Les jeunes femmes généralistesne reproduisent pas le modèle du médecin de famille toujours disponible etconstamment de garde. Elles s’organisent plus souvent, travaillent engroupe, font peu de visites, prennent un jour de congé par semaine. De cefait, de nombreux généralistes hommes ont aussi modifié leurs pratiques etc’est le modèle de la médecine générale qui tend à se transformer.

Lors de notre deuxième enquête (cf. encadré 1), il apparaît que ce modèle dumédecin généraliste constamment disponible commençait à être supplantépar celui du médecin « à la carte ». On voit alors apparaître toute la malléabi-lité d’une profession qui garde une puissance d’autonomie importante : lamédecine générale est devenue, dans les discours de nos interviewés, une

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médecine soudainement adaptée « aux femmes », en particulier celles quianticipent de s’occuper en priorité de l’éducation des enfants. Elle s’est vueparée des attributs de la souplesse : adaptation des horaires « à la carte »,variété des modes d’exercice, ciblage d’une clientèle (vers des femmes et desenfants en particulier), pratiques d’entraide dans un cabinet de groupe, etc.Les hommes aussi infléchissent leur pratique dans le même sens, prennent unjour de congé dans la semaine, limitent leurs horaires et leurs gardes, etc.

On peut alors supposer qu’il s’agit d’une « féminisation » de la médecinedans le sens où elle est revendiquée comme telle à partir d’une conceptiond’un partage des rôles féminins et masculins, y compris dans la sphèredomestique. L’exemple qui suit illustre bien cette façon de combinerun métier et une vie de famille dans une configuration familiale qui restetraditionnelle.

Cette jeune généraliste, en attente de son troisième enfant, dit elle-mêmequ’elle considère son revenu comme accessoire et qu’elle pourra arrêter sielle n’y trouve pas son compte. Cependant, elle a toujours travaillé et s’estmême installée alors qu’elle attendait son second enfant. Elle aussi a voulufaire médecine pour « soigner les enfants » :

« J’ai toujours aimé, même toute petite en fait, aller à l’hôpital et tout ça,aller voir les grands-mères, aller à la maternité enfin, tout de suite çam’attirait quoi, ça me faisait pas peur du tout, ça. Tout ce qui touchait laprofession médicale ça m’intéressait et pourtant, enfin dans la famille jesuis la seule à avoir fait médecine hein, mon père était ingénieur, mamanétait secrétaire médicale à l’époque mais pas à l’époque où moi je, enfinelle a arrêté quand je suis née. [...] Y’a pas eu de facteur déclenchant, si parcontre ce qui m’a vraiment poussé à faire médecine c’est que, j’adore lesenfants et... ma première idée c’est quand même d’être pédiatre, enfin jevoulais m’occuper des enfants. Mais pas m’en occuper en tant que nourriceet tout ça c’était vraiment les soigner et... [...] C’était ma première idée,enfin moi j’aimais bien tout ce qui était pédiatrie, gynéco, enfin gynéco-obstétrique, enfin tout ce qui touchait le bébé l’enfant, voilà, c’était ma pre-mière idée. [...] J’aurais pas pensé à dire tiens j’aimerais soigner le cœurpar exemple, non ça vraiment... [...] »

Elle se réoriente vers la médecine générale en grande partie parce qu’elle semarie et qu’elle a un enfant, ce qui ne lui laisse pas la possibilité de préparerl’internat. Elle suit son mari ingénieur lors d’une mobilité géographique quila pousse à redoubler, puisqu’elle ne pouvait poursuivre ses études surParis. Elle se place donc clairement dans une posture de retrait profession-nel par rapport à son mari mais elle n’a jamais arrêté vraiment de travailler,adaptant à chaque fois sa pratique libérale à ses événements familiaux :

« C’est ce qui fait que d’ailleurs la médecine change beaucoup hein et parceque, en fait, comme on est de plus en plus de femmes et ben, on veut toutconcilier quoi ! Y’a pas à dire, hein, moi je vais avoir trois enfants, je peuxpas travailler comme un de mes associés, qui avait sa femme qui travaillait

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pas et qui lui, consacre toutes ces journées entières du matin jusqu’au soir àla médecine générale hein moi je... moi j’organise mes journées, je travaillepas le mercredi enfin, je prends une semaine de vacances toutes les sixsemaines, enfin en tout cas une semaine à chaque vacances scolaires pourêtre avec mes enfants. J’essaie de concilier les deux quoi. [...] »

L’homme généraliste qui, autrefois, mettait sa famille au service de sa pra-tique, semble remplacé par des femmes qui, aujourd’hui, mettent leur pra-tique au service de leur famille. Autrement dit, elles inversent lestendances, tout en jouant sur le côté malléable de la médecine libérale quidevient « féminisable » : horaires choisis, revenus modulables, etc. Enoutre, la profession médicale propose une permanence de la valeur du titrequi est relativement unique dans les professions scientifiques supérieures,en dehors des métiers de l’enseignement. Au contraire d’une ingénieure,une femme médecin peut ralentir ou augmenter son rythme de travail,déménager, adapter ses horaires sans altérer durablement sa carrière. Ducoup, la profession médicale autorise des modes d’exercice qui deviennentmodulables selon les situations familiales, voire les mobilités géographi-ques et professionnelles des conjoints.

Enfin, poser l’hypothèse que la médecine devient une profession « fémi-nine » suppose qu’elle s’intègre dans des organisations sociales où les rôlessociaux et familiaux des hommes et des femmes sont bien déterminés. C’estce qui semble ici le plus important, puisqu’il s’agit, au bout du compte, deredistribuer les rôles de chacun dans une société où l’arbitrage se fait demoins en moins entre activité et inactivité, mais entre certaines professionssupérieures qui présentent la double caractéristique de ne pas s’ouvrir à lamixité, sociale autant que sexuelle.

■ ConclusionLes études de médecine sont les plus longues et parmi les plus sélectives quiexistent. Cependant, elles assurent une rémunération stable durant une vieprofessionnelle qui peut supporter les aléas d’une vie familiale et privéefaite de périodes d’activité plus ou moins soutenue. Mais la féminisationdes études médicales ressemble à l’arbre qui cache la forêt : elle donne desfacultés de médecine une image de facultés ouvertes à de nouvelles catégo-ries de candidats au métier. Cette ouverture est faible en réalité. Les fem-mes d’aujourd’hui comme celles d’hier et comme les hommes, sont issus decatégories sociales aisées, les hiérarchies médicales suivent les hiérarchiessociales et géographiques 1. Du côté des grandes écoles scientifiques,démocratisation et mixité évoluent peu et on assiste à un phénomène de blo-cage similaire à celui de la médecine (Albouy et Vanecq, 2003).

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1 Depuis toujours, et quel que soit le système, les étudiants parisiens sont les grands gagnants desconcours nationaux et la médecine hospitalière parisienne représente l’élite de la profession.

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On aurait pu penser que l’arrivée des bachelières scientifiques aurait équili-bré les candidats aux filières sélectives, en particulier aux grandes écoles,d’autant plus que les milieux de recrutement de ces filières sont très proches.Or, les choses n’ont pas évolué ainsi et, loin de la mixité, la tendance seraitune appropriation sexuée des filières élitistes scientifiques. Pourtant, les fem-mes ingénieurs semblent avoir des points communs avec les femmes méde-cins, les unes comme les autres paraissent plus « héritières que transfuges ».C. Marry a bien montré que les femmes ingénieurs ne réussissent une carrièreprofessionnelle tout en menant une vie de famille que grâce à des solidaritésfamiliales et à des revenus élevés leur permettant de se faire seconder à toutmoment dans leurs responsabilités domestiques (Marry, 2004). En se plaçantsur des marchés du travail différents, les femmes médecins et les hommesingénieurs peuvent sans doute mieux négocier les baisses d’activité des uneset les mobilités des autres, sans que des frustrations ne viennent porterombrage aux projets familiaux et professionnels du couple.

On pourrait alors poser la question de la manière suivante : les hommesdésertent la médecine et la laissent aux femmes, mais la désertent-ils« pour » la laisser aux femmes ? Assiste-t-on à une forme d’arrangement« de classe » qui permet de positionner des hommes et des femmes pareille-ment actifs et occupant des positions supérieures, sur des marchés du travaildifférenciés, donc plus compatibles et moins concurrents ? Dans certainsmilieux sociaux, la féminisation de la médecine est peut-être le reflet d’unenouvelle forme de reproduction des rôles sociaux de la femme et del’homme, qui permet d’articuler des activités professionnelles supérieuresavec une différenciation sexuelle des fonctions.

Il se passe bien, avec l’arrivée massive des femmes en médecine, quelquechose de « nouveau », comme aurait dit Simmel. Il s’invente avec ces étu-diantes une nouvelle façon de concevoir la médecine, mais aussi de lui don-ner une place dans la panoplie des professions intellectuelles supérieures etde la rentabiliser. On assiste à un nouveau « partage des professions »,même s’il est difficile d’affirmer qu’il se figera sous cette forme, ou qu’ilreprésente un stade intermédiaire à une recomposition des filières élitistes.On constate pourtant que l’absence de mixité sociale et de mixité sexuelleva de pair : c’est dans les filières les plus élitistes que les hommes et les fem-mes évitent de se mettre en concurrence. Une division qui s’observe aussi àl’autre bout de l’échelle, dès qu’il s’agit de former aux métiers les moinsqualifiés, comme on le constate dans les filières de l’apprentissage(Moreau, 2003). La mixité des professions ne s’opère donc que dans uncontexte de redéfinition des rôles sociaux et domestiques des hommes etdes femmes, ce qui permet de comprendre qu’elle se repère surtout dans desmétiers où la mobilité sociale favorise cette recomposition familiale. Cen’est pas le cas des études de médecine et il faudrait sans doute approfondirla compréhension des processus sélectifs structurant cette profession qui,paradoxe apparent, sont amplement légitimés par la volonté de limiter lesmécanismes d’autoreproduction du corps médical.

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