Feria de Pâques : retrouvez notre supplément Feria de lundi

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  • 8/19/2019 Feria de Pâques : retrouvez notre supplément Feria de lundi

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    Il est des corridas où le pu-blic vient surtout voir des to-reros. Et d’autres, plus rares,

    où il n’a d’yeux que pour les to-r o s . L e s p e c t a c l e d e c e taprès-midi a ceci de spécialqu’il suscite chez l’aficionadoun intérêt immense pour le bé-tail, mais aussi un enthousiasteréel pour les hommes qui vontl’affronter. L’élevage? Pedrazade Yeltes, un fer qui a connu cesdernières saisons une ascen-cion fulgurante. Là où la plu-part des ganaderias mettentplusieurs décennies avant de se

    faire un nom, Pedraza a misquelques années.

    Luis Uranga, un Basque quifut président du club de foot-ball de San Sebastian (la RealSociedad), rachète en 2006 unefinca à Castraz, dans la régionde Salamanque. Il base son éle-vage sur des toros d’El Pilar, mi-sant sur leur "énorme potentiel

     génétique" , et confie les rênesdu troupeau à l’ancien matador

    José Ignacio Sanchez.Quatre ans plus tard, premiè-

    r e s o r t ie d an s l e s ar è n e sd’Azpeita et premier succès.Très vite, les Pedraza impres-sionnent: ils sont costauds,vaillants à la pique, mais pas in-domptable à la muleta. Une al-chimie rare. "On recherche unt o r o b r a v o , s i n c è r e , q u is ’e m p loi e , qu i d on n e d el’émotion, et qui permette à ce-lu i qu i s e m e t d e van t d es’exprimer, décortique JoséIgnacio Sanchez. Pour y arriver,o n f a i t t r è s a t t e n t i o n àl’alimentation et au maniementdes toros, et on est intransigeantsur la sélection des caches repro-

    ductrices" . Dans la finca de Cas-traz, les toros galopent réguliè-rement sur une piste de sablede 3,2 km. C’est l’un des secretsde leur mobilité en piste. Unedenrée aujourd’hui rare chezles toros de combat.

    Un soir d’été 2014 à Dax, unlot de l’élevage enflamme lesarènes par sa bravoure. Le fervenu du campo charro s’est défi-nitivement fait un nom. Les

    plus grandes arènes veulent lemettre à l’affiche, mais cellesqui ont la chance de les voir secomptent sur les doigts d’unemain: seuls quatre ou cinq lotssont disponibles chaque année.

    Thomas Joubert,la promesse arlésienneEn 2015, retour à Dax. Et les

    Pedraza refont le coup. Enmieux. De bout en bout, ilschamboulent le public. Ceuxqui y étaient ne s’en sont pas re-mis. Ceux qui n’y étaient pasnon plus. La rencontre entrel’un des toros et la cavalerie estsi époustouflante que, choseunique, le cheval de pique Ta-

    barly fera un tour d’honneur.Ce jour-là, un seul torero par-vient à se distinguer au milieude l’ouragan Pedraza.

    Il s’appelle Juan Del Alamo,et sera au paseo cet ap rès-midi.Il fait partie de la nouvelle géné-ration de matadors appelés à oc-cuper le devant de la scènedans les saisons qui viennent. Il

     y a un an, Arles découvrait soncran face à de redoutables toros

    de Baltasar Iban. La semainedernière, c’est Valencia qui lui aouvert sa grande porte. AvantDel Alamo, c’est Manuel Escri-bano qui entrera en piste.

    En 2015, le Sévillan s’est invi-té dans le top 5 des toreros quiont comptabilisé le plus de pa-seos. Il le doit à sa faculté à af-f r o n t e r t o u s l e s t y p e sd’élevages. Même face aux plusdurs d’entre eux, il parvient àdistiller un toreo enjoué et àplanter les banderilles avecbrio.

    Enfin, Arles regardera cetaprès-midi avec une affectionet un intérêt particuliers Tho-mas Joubert. L’enfant du pays a

    prouvé depuis son retour en2014 qu’il avait des choses à di-re. Sa personnalité, la délicates-se de son poignet et la douceurde ses muletazos méritent des’exporter au-delà des frontiè-res du Sud-Est. Pour ce faire, lacorrida d’aujourd’hui peutconstituer un précieux trem-plin. Bref, n’en perdez pas unemiette: il risque fort d’y avoirdu spectacle.

    C'est une matinée de retrouvailles. Il y a moins de dix jours àValencia, Andy Cartagena, Diego Ventura et Léa Vicens étaientréunis au paseo dans les arènes. Seul le premier a triomphé, maistous ont brillé. Ils le seront encore ce matin dans les arènesd’Arles. Ce n'est pas un hasard : leur diversité séduit. Avec, parordre d'ancienneté, Andy Cartagena et ses 20 ans d'alternative.C'est peut-être le cavalier le plus spectaculaire du circuit. S'ilbouscule parfois les puristes, il enchante le grand public avec satauromachie enlevée et ses figures inédites. Diego Ventura propo-se une tauromachie plus académique, mais qui fait de lui, auxyeux de beaucoup, le dauphin du numéro 1 Pablo Hermoso de Men-

    doza. En 2015, il a brillé à Nîmes, mais Arles ne l'avait pas vu.Enfin, Léa Vicens apporte une grâce non dénuée de talent. Elles'impose saison après saison comme une rivale sérieuse pour sescompagnons de cartels. A elle de bousculer la hiérarchie à l'occa-sion de ce choc des styles.

    LA UNE Le cheval et letoro seront àl’honneur aujourd’huiPAGES 2 & 3 

     À Madrid,

    chez un tailleurd’habit de lumièresPAGE 4 Le santonnierqui crée des torosde combatOlé!

    Andy Cartagena, Diego Ventura et Léa Vicensétaient déjà réunis au paseo à Valencia.Seul le premier a triomphé, mais tous ont brillé.

      !

    Par Romain FAUVETEnvoyé spécial en Espagne

    LA CORRIDA À CHEVAL

    Trois rejoneadors pourun choc des styles

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    ne rue peu hospitalière à deuxpas de la célèbre Puerta del sol.Une porte sans enseigne puis, au

    premier étage, une autre où il n’y ad’autre indication qu’une plaque doréesur laquelle sont gravées six lettres:"Fermin". Difficile de croire qu’on estsur le seuil d’une institution. Que, de-puis plus de 50 ans, le s plus grands tore-ros montent régulièrement les escaliersdéfraîchis de cet immeuble anonyme.Luis Miguel Dominguin, Antonio Bien-venida ou Curro Romero hier, José To-mas, Morante de la Puebla ou Manzana-res aujourd’hui. Plus de 80% des costu-mes qui illuminent les arènes de Fran-ce, d’Espagne et d’Amérique latinesont fabriqués ici.

     À l’entrée de la sastreria, l’atelier detailleur, une cape de paseo, des piles demagazine taurins jaunis, des capes soi-gneusement pliées et la gamme des48couleurs de tissu que la maison pro-pose. Au fond, un atelier sans fenêtreau plafond bas avec, partout, des peti-tes chaises. Sur quelques-unes, desmorceaux de costumes et des vieux fersà repasser. Et sur cinq d’entre elles, desfemmes en blouse blanche qui discu-tent calmement et agitent machinale-ment leurs doigts de fées. Suspenduparmi d’autres, on trouve le costume ro-se de José Tomas déchiré par les cor nesen janvier à Mexico. Sous une bâche, ce-lui de Cayetano, sur une planche à re-passer, celui de Lopez Simon. Et sur lesétagères, des paquets qui s’empilentsur lesquels sont écrits les noms desautres prestigieux clients: Talavante,

    Castella, Lopez Simon.Ceux qui comme eux occupent le de-

    vant de la scène taurine commandentcinq ou six nouveaux costumes de lu-mières chaque saison. "Chaque habit aune durée de vie de 10 ou 12corridasmaximum. Ce costume n’est pas faitpour décorer, mais pour être porté, tâ-ché, déchiré, lavé… D’ailleurs, pour voirsi un costume est réussi, il faut le voir enmouvement" , insiste Antonio Lopez.

    Il a repris la sastreria fondée en 1963par son frère, qui lui a donné son nom."Notre mère était couturière,  racon-te-t-il.Dans ce métier, il n’y a pas de li-vre ni de schéma. Le savoir-faire

    s’hérite, se transmet oralement." Celuid’Antonio permet de faire de son ensei-gne une référence parmi la poignée desastreria qui existent. Toutes sont à Ma-drid. Et tirent la langue: le nombre decorridas a diminué ces dernières an-nées, et les commandes avec.

    Sans compter que, malgré leur prixélevé (entre 3000¤ et 6000¤), les costu-mes de lumières ne sont pas très renta-bles. Alejandro, un ancien de la maisonFermin qui a créé sa propre sastreria, ad’ailleurs arrêté d’en fabriquer pour nese consacrer qu’aux capes (380¤ pièceenviron) et aux muletas (autour de160¤). "Si on ne faisait que des costu-mes, on aurait déjà fermé, assure le pa-tron de chez Fermin. C’est énormément

    de travail et beaucoup de sacrifices pourpeu de bénéfices." Cela n’empêche Anto-nio Lopez et ses huit employés de per-pétuer la tradition familiale avec pas-sion.

    30 à 40 jours de travailpour un habit de lumièresEntre 120 et 180 costumes sortent

    chaque saison de l’atelier, qui se chargeaussi de les réparer. "Un seul habit delumières, c’est 30 à 40jours de travail. Ilest le fruit d’une discussion avec le ma es-tro. Il explique ce qu’il souhaite, et moi

     je pr op os e. Ic i, on ne fa it pa s deprêt-à-porter: ce n’est que du sur-mesu-re."   La mode varie peu. Les rares ten-dances sont dictées par les premièressorties en triomphe de la saison. "Pourpeu qu’elles soient retransmises à la télé,tous les jeunes novilleros veulent le cos-tume du torero qu’ils ont vu passer parla grande porte" , raconte Antonio Lo-pez. Les toreros qui en ont les moyenspeuvent demander des dessins exclu-sifs et en paient le prix fort. Mais plusque l’élégance de ses broderies, c’estl’histoire de ses costumes qui marquele sastre .

    Les six habits noirs conçus pour JoséMaria Manzanares après la mort de sonpère ont ainsi une valeur particulière àses yeux. Le costume qui a marqué sacarrière restera celui "corinthe et azaba-che"   que portait Yiyo pour ses funé-railles, après sa mort le 30 août1985dans les arènes de Colmenar Viejo."Pour moi, les toreros sont bien plus quedes clients, glisse Antonio Lopez. Par-

     fois, ils me confient leurs pe urs ou leursoif de triomphe. C’est ce qui fait la gran -deur de ce métier." 

    Plongée dans l’ombre où lesREPORTAGE "La Provence" a visité la sastreria Fermin, à Madrid, où est confectionnée l’immense majorité des habits de

    "Dans ce métier, il n’y pas de livre ni de schéma. Le savoir-faire s’hérite, se trans

    Les couturières s’activent au milieu d’un champs d’aiguilles, de fils et de bouts dà confectionner, mais aussi à réparer les costumes de lumières des matadors, ai

    Si la sastreria Fermin est spécialisée dans les costumes de lumières, elle vit essentiellement de la vente des épées, capes et muletas. Toreros professionnels et amateurs y défilent avant que la saison débute pour choisir des lpoids, taille, couleurs de la doublure, nom à apposer dessus… Chez Fermin, i l faut compter 360¤ pour un capote et moitié moins pour une muleta.

    Les toreros revêtent le plus souvent leur habit de lumières jus-te avant la corrida, dans leur chambre d’hôtel, avec l’aide d’unou plusieurs membres de leur cuad rilla. La plupart redoute cemoment, car l’habillage signifie que le paseo est tout procheet, symboliquement, qu’ils ne peuvent plus reculer. Pepe LuisVasquez disait que le plus dur à supporter pour un torero étaitla vision du costume de lumi ères posé sur la chaise avant la

    corrida. Parce qu’il déteste cette étape, le torero arlésien JuanBautista attend le dernier moment pour mettre son costume,afin que cela se fasse le plus vite possible. Mais ce rituel resteun moment important et l’attachement au costume est réel.Pour César Jimenez, s’habiller e n torero, c’est se préparer à lamode de la façon la plus élégante qui soit. Pour Talavante,l’habit de lumières représente la "transcendance"   de la profes-sion et a une signification quasi religieuse. Même si les mata-dors seraient plus à l’aise en toréant en t-shirt qu’avec 4,5 kgde tissu sur le dos, ils n’ont jamais milité pour sa suppressionou son allégement.

    L’HABILLAGE, UN RITUEL REDOUTÉ PAR LES TOREROS

    Textes Romain FAUVET, photos Valérie FARINEEnvoyés spéciaux à Madrid

    Un costume coûte entre

    3 000 et 6000¤ et à une

    durée de vie assez limitée

    Arles

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    ostumes deviennent lumièresmières depuis plus de 50 ans L’institution est dirigée par Antonio Lopez, personnage incontournable du monde taurin

    lement", explique Antonio Lopez, patron de la plus célèbre sastreria de toreros.

    MORANTE ET SON HABIT BICOLORECapricieuses, les stars du toreo, à l’heure de commander

    leurs costumes ? "Être torero est déjà un caprice" , esquive Anto-nio. Qui assure ne pas céder aux exigences trop excentriquesde ses clients. "Je ne veux pas me prostituer artist iquement, jus-tifie-t-il. Je ne ferai jamais des choses en dehors des canons de laprofession."   Sauf peut-être pour le fantasque Morante de laPuebla. "C’est un génie qui vit dans le monde de Picasso, vante Antonio.  Il n’a ni pudeur, ni honte de faire ce qu’il veut."   Lapreuve en septembre dernier, avec cet improbable costume bi-colore porté lors de la goyesque de Ronda. "Si ce n’était paspour lui, j’aurai refusé, insiste le sastre . Ceci dit, cela se faisait àl’époque de Goya. C’est ça qui lui a donné l’idée. Déjà, en 2014, ils’était fait faire un costume dépareillé, mais les couleurs étaientassez proches et personne ne l’a remarqué".Celui de Ronda, rou-ge et bleu, n’était en revanche pas passé inaperçu. Il avait dé-clenché des moqueries, voire des cris d’orfraie. Deux explica-tions avaient émergé pour justifier cet égarement. La premièreest qu’il aurait porté la taleguilla (bas du costume) de Paquirriafin de lui rendre hommage après sa récente blessure. La se-conde est que sa taleguilla se révélant trop étroite il aurait dûen trouver une autre au dernier moment. "Tout cela est faux,c’était un choix délibéré de Morante, balaie Antonio. Il l’avaitd’ailleurs commandé plus de six mois à l’avance!" 

    .

    LE JAUNE, COULEUR MAUDITEParmi les 48 couleurs de la gamme proposée chez Fermin,

    point de jaune. Et pour cause: c’est la couleur porte-malheurdes toreros. Pourquoi? Les explications sont nombreuses. Cer-tains expliquent que cette superstition est née dans les an-nées30, quand le matador Fausti no Barajas a trouvé la mortdans les arènes de Madrid un jour où il arborait un costume jaune. D’autres prétendent que cela vient de la couleur jaunede l’habit que portait Molière lorsqu’il est mort sur scène.

    D’autres parlent de la couleur du drapeau que devaient dresserles villes touchées par une épidémie au Moyen-Age, ou de lacouleur de la chemise des condamnées à mort dans l’Espagned’autrefois. Quelle qu’en soit l’origine, les toreros y attachentune réelle importance. Exemple l’année dernière dans le calle-

     jon, lors d’une novillada à Tarascon. Un banderillero cherchaitdésespérément du feu. Il préférera renoncer à fumer sa cigaret-te plutôt que de l’allumer avec un briquet jaune, le seul qu’onlui proposait. On raconte que dans les années quatre-vingt, lesmésaventures d’un torero ont alimenté la peur du jaune: il futvictime d’un coup de corne après avoir brindé un toro à sa fem-me habillée en jaune, et d’un autre quelques années plus tardaprès avoir tenté en vain, avant le paseo, d’éviter un hommevêtu d’une chemise jaune. Star des années 90, Jesulin de Ubri-que fut l’un des rares à snober ce principe. Au point, par goûtde la provocation, de se pointer un jour en costume jaune à laferia de Séville… et de laisser sa voiture couleur poussin de-vant l’hôtel des toreros. L’un d’eux lui en avait voulu au pointde vouloir en venir aux mains.

    L’HISTOIRE DU COSTUMEL’habit de lumières que portent les toreros puise ses origines

    dans le "majismo", mouvement né au XVIIIe siècle dans les

    quartiers populaires de Madrid. En réaction à la mode vesti-mentaire française qui envahit l’Espagne, le "majo" s’habillede couleurs vives, avec force boutons, pompons et épaulettes.Le "majismo" est alors très lié à la corrida, symbole del’Espagne. C’est à cette époque, vers 1830, que le torero Pa-quiro codifie le costume: gilet court, culotte serrée, ballerine.Depuis, il n’a connu aucune modification essentielle, et a inspi-ré beaucoup d’artistes. Picasso puis Lacroix et Armani ont suc-cessivement créé des costumes de lumières et le couturier Jo-hn Galliano est apparu vêtu de torero à la fin d’un défilé. Lamarque Dolce & Gabbana en a même récemment fait un élé-ment central d’une de ses campagnes publici taires.

    Entre 120 et 180 costumes sortent chaque saison de l’atelier où elles travaillenteux des subalternes et des picadors.

    Le torero Paquiro (1805-1851) est considéré commel’inventeur de l’habit de lumières tel qu’il est aujourd’hui.On lui doit aussi le port de la montera. / PHOTO DR

    à leur goût :

    "Traje de luces", histoire et anecdotes

    Huit personnes travaillent dans le petit atelier dirigé par Antonio Lopez, le sastre de toreros le plus réputé au monde. Un seul habit de lumières nécessite 30 à 40 jours de travail. Il coûteentre 3 000 et 6000¤ et a une espérance de vie d’une dizaine de corridas. Les grandes vedettes en commande environ 5 ou 6 chaque saison.

    "Si ce n’était pas Morante qui me l’avait demandé, j’auraisrefusé" assure le sastre qui a confectionné le costumebicolore qu’arborait Morante à Ronda.  / PHOTODR

    Feria

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    Sa trentaine de santons de30cm a fait le "lleno" à No-

    tre-Dame-de-Paris, il y adeux ans. Premier créateurd’argile provençal à se frotter àla capitale, sa crèche installéesur 5mètres a séduit 2,5 mil-lions de visiteurs.

    Cela suffirait à s’intéresseraux talents de Jean-Marie Fonta-nille. Sauf qu’en pleine Feriad’Arles, ce jour où sont attenduspar les aficionados les plus toris-tes les taureaux de combat mar-qués du fer de Pedraza de Yel-tes, c’est sa passion pourl’animal roi des plazas   quiprend le dessus.

    Est-ce l’air doux andalou desferias de Séville qu’il ne rate pasdepuis 1972? Celui plus âpre deBilbao où il a un "abono" de-puis 1968? Ou alors tire-t-il sa"vista" de tous ces après-midispassés à observer les bêtes,dans les corrales du boulevard

    Natoire de Nîmes, quand, ga-min, sa mère le plantait là pourdiscuter tranquillement avec sagrand-tante qui avait la respon-sabilité des lieux? Le jardin se-cret du disciple de Rodolphe De-vouassoux est peuplé de torosbravos .

    Soucieux du détail, il arrive,en modelant son argile fine du

     Ventoux, à les rendre aussi vraisq u e n a t u r e . L e M a r q u i sd’Albasserada a été séduit.L’éleveur portugais Joao Folquede la ganaderia Palha ne s’y estpas trompé non plus. Dans sonmagnifique musée, il a fait réali-ser des vitrines pour glisser lesscènes "viriles" sorties des

    mains expertes de Fontanille.Tout a commencé avec un "ba-tacazo", cette chute bruyantedu cheval et de son picador lors-que la bravoure du toro les dé-sarçonne... Puis les pièces uni-ques, d’une trentaine de centi-mètres, ont régulièrementfranchi la frontière. Parfois desrépliques parfaites de toros célè-bres. De chez Palha, il y a eu "Es-pada", toro primé d’une vueltaposthume à Séville en 2005, et"Variño", pour qui la musiqueavait joué sous le fer du picadoren avril 1989, toujours dans laMaestranza."Quand je suis arri-

    vé à la finca Adema, au Portu- gal, c’est Joaquim Isidro Dos San-tos, le mayoral historique que

     j’ai vu en premier. Quand j’aisorti le toro, il a reconnu Va-riño!"

    J e an- Mar ie F o nt ani l l e ,l’aficionado, n’en tire pas de fier-té mal placée. Faire des toros ,pour ce professionnel de la ter-re, perfectionniste jusqu’aubout du couteau, chéri par beau-coup de collectionneurs pourdes œuvres plus "classiques", re-lève autant du challenge que duréel plaisir. Un peu comme sichaque musculature, chaqueberceau de cornes, chaque ex-pression des fauves s’inscrivait

    dans le même processus qu’une faena. "Le plus difficile à rendre

    c’est la naturalidad." I l aime  les toros-toros , ceuxqui imposent le respect (et l’aécrit en collaborant pendant30ans à la revue Toros  aux côtésde Pierre Dupuy), mais il a aussi"son" Curro Romero en bonneplace dans la salle à manger etMorante de la Puebla plusieursfois en photo.

    "Avec l’argile que j’emploie,matériau malléable, je peux re-prendre jusqu’à arriver à ce que

     je veux. Ce n’est pas comme si jetravaillais le marbre de Carrareoù il pourrait y avoir des coupsratés, des fêlures..." Les deux ap-proches conduisent à la beauté.La main peut se faire doucepour extirper le meilleur d’untaureau " a gusto", elle peut de-venir belliqueuse pour sortir vic-torieuse d’un magnifique com-bat de titan.

    Sur croquis d’abord, les tau-reaux de combat retrouvent en-suite leur morphotype à partird’un bloc d’argile que Jean-Ma-rie va évider, sculpter, puis pas-ser dans un four à 1000degrés.En Espagne, où les bronzes tau-rins ont une valeur ancestrale,ses toros de terre ont rejoint less a l o n s d ’ é l e v e u r s ,d’aficionados. Jean-Marie aimebien que cela ne soit pas tropdit, plutôt confidentiel. Le san-tonnier de Pujaut, précieux ani-maliste, n’en voudra pas tropd’avoir soulevé un peu de voilede son campo secret. Il méritetellement le coup d’œil !  Julie ZAOUI

    Les toros de terre de FontanilleLe santonnier, vrai créateur de sujets rares en argile, est un aficionado "de verdad". C’est donc des taureaux decombat irréprochables dans leur morphotype qui sortent de son atelier de Pujaut. En direction des plus toristes

    Dans le respect des morphotypes comme avec ce taureau de combat de Palha ou en laissant vaquer son imaginationd’aficionado, Jean-Marie Fontanille reproduit avec authenticité toute la vérité des arènes. / PHOTOS VALÉRIE FARINE

    "En Espagnol,

    santonnier se ditimaginero!"

    JEAN-MARIE FONTANILLE

    Arles en Feria