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690 Lettres à la rédaction [3] Lehembre S, Carvalho P, Young P, Josset V, Hacpille L, Joly P. Prise en charge des malades en fin de vie dans un service de dermatologie. Ann Dermatol Venereol 2006;133: 967—70. [4] Joly P, Benichou J, Lok C, Hellot MF, Saiag P, Tancrede-Bohin E, et al. Prediction of survival for patients with bullous pemphi- goid: a prospective study. Arch Dermatol 2005;141:691—8. [5] Bouloc A, Revuz J. Prise en charge de la douleur et consom- mation d’antalgiques en dermatologie. Ann Dermatol Venereol 2002;129:689—92. [6] Ugurel S, Enk A. Skin cancer: follow-up, rehabilitation, pal- liative and supportive care. J Dtsch Dermatol Ges 2008;6: 492—8. A. Du-Thanh a,, C. Fabre a , J. Chevallier-Michaud b , C. Girard a , O. Dereure a , D. Enjarlan a , B. Guillot a a Département de dermatologie, CHU de Montpellier et université Montpellier 1, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France b Service de soins palliatifs, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Auteur correspondant. Adresse e-mail : a-du [email protected] (A. Du-Thanh) Rec ¸u le 19 janvier 2011 ; accepté le 3 mai 2011 doi:10.1016/j.annder.2011.05.019 Fibroplasie atypique de décubitus : des lésions à connaître Atypical fibroplasias due to decubitus: A disease of interest to dermatologists Nous rapportons un cas de fibroplasie atypique liée au décu- bitus, affection rare et potentiellement trompeuse que les dermatologues peuvent être amenés à rencontrer. Observation Une femme âgée de 75 ans était adressée pour lésions tumorales et ulcérées des fesses s’étendant progressive- ment depuis deux ans, avec la survenue plus récente d’abondants saignements en nappes responsables d’une anémie. L’anamnèse trouvait une prothèse bilatérale des hanches et la constitution progressive d’un lymphœdème des jambes depuis quatre ans. La patiente était obèse (indice de masse corporelle de 37 kg/m 2 ), de mobilité réduite et confinée au fauteuil jour et nuit. L’examen notait un placard des deux fesses mesurant 17 × 20 cm, infiltré en profondeur, d’aspect mamelonné en surface, avec une consistance rénitente, surmonté à droite par deux ulcéra- tions saignotantes (Fig. 1). Le pli sous-fessier était respecté. Il existait un important lymphœdème des jambes. Le reste de l’examen était sans particularité. Le bilan biologique montrait une anémie ferriprive à 7,6 g/dL. L’examen tomodensitométrique abdomino-pelvien était normal et ne donnait pas d’indication sur la nature des masses fessières. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) montrait un syndrome de masse superficiel des deux fesses latéralisé à droite, mesuré sur une hauteur de 5 cm et 2cm d’épaisseur, avec infiltration à son pourtour. Il existait une prise de contraste diffuse et homogène (dis- cret hypersignal T2, hyposignal T1). Des biopsies profondes étaient prélevées en trois sites différents sur les fesses, montrant une fibrose collagène dense du derme moyen et profond, avec un peu de prolifération fibroblastique disséquant les lobules adipeux. Il existait des cavités vas- culaires hyperplasiques irrégulières et un discret infiltrat lymphoplasmocytaire péricapillaire du derme moyen. Le diagnostic de fibroplasie atypique de décubitus était posé sur la confrontation anatomoclinique. Des conseils étaient donnés pour limiter l’appui sur cette zone. Discussion La fibroplasie atypique de décubitus a été décrite pour la première fois en 1992 par Montgomery chez 28 patients comme une prolifération fibroblastique pseudosarcoma- teuse siégeant habituellement sur les saillies osseuses chez des sujets âgés alités [1]. Depuis cette première descrip- tion, une autre série de 44 cas [2] et des cas isolés ont été rapportés, presque exclusivement dans des revues de pathologie [3,4], souvent sous le nom de fasciite ischémique de décubitus. Les pics d’incidence sont la huitième et la neuvième décennie, des cas ayant également été observés chez des sujets plus jeunes [5]. Cette affection touche des patients le plus souvent physiquement débilités ou immo- bilisés. Dans la plupart des cas, on trouve un alitement prolongé ou la station prolongée dans un fauteuil roulant, comme chez notre patiente. Les sites anatomiques tou- chés sont les régions trochantériennes le sacrum, les crêtes iliaques, les fesses et la région scapulaire. Cliniquement, il s’agit de masses relativement bien limitées, plus ou moins dures, étendues sur 1 à plus de 10 cm 2 . L’ulcération et les complications hémorragiques, comme chez notre patiente, sont plus rares. L’histopathologie montre typiquement une prolifération mésenchymateuse polymorphe d’architecture multinodu- laire, associant une zone centrale dégénérative d’aspect myxoïde ou fibrinoïde entourée d’un tissu de granulation richement vascularisé fait de vaisseaux ectasiques et de nombreux fibroblastes atypiques à cytoplasme basophile abondant et à noyau hyperchromatique pourvu de nucléoles proéminents pouvant simuler un sarcome. En périphérie, les lésions sont hypocellulaires. Lorsque la prolifération fibroblastique est au premier plan, l’aspect peut évoquer à tort un sarcome : dans la première série rapportée, un diagnostic de malignité avait été porté histologiquement dans 43 % des cas, particulièrement lorsqu’il existait une infiltration musculaire [1]. L’escarre de décubitus, plus clai- rement relié à la pression prolongée, partage des similitudes histologiques avec la fasciite de décubitus : tissu de granula- tion avec prolifération vasculaire et infiltrat fibroblastique réactionnel [1]. L’étude immuno-histochimique réalisée res- pectivement dans 15 cas de la série de Montgomery et dans 18 cas de la série de Leidl montre des marqueurs pan-kératinocytaires et une protéine S 100 constamment négatifs. Un marquage focal pour la vimentine, la desmine et l’actine peut être observé dans des proportions qui varient de 100 % à 15 % des cas [1,2].

Fibroplasie atypique de décubitus : des lésions à connaître

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Page 1: Fibroplasie atypique de décubitus : des lésions à connaître

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3] Lehembre S, Carvalho P, Young P, Josset V, Hacpille L, JolyP. Prise en charge des malades en fin de vie dans unservice de dermatologie. Ann Dermatol Venereol 2006;133:967—70.

4] Joly P, Benichou J, Lok C, Hellot MF, Saiag P, Tancrede-Bohin E,et al. Prediction of survival for patients with bullous pemphi-goid: a prospective study. Arch Dermatol 2005;141:691—8.

5] Bouloc A, Revuz J. Prise en charge de la douleur et consom-mation d’antalgiques en dermatologie. Ann Dermatol Venereol2002;129:689—92.

6] Ugurel S, Enk A. Skin cancer: follow-up, rehabilitation, pal-liative and supportive care. J Dtsch Dermatol Ges 2008;6:492—8.

A. Du-Thanha,∗, C. Fabrea,J. Chevallier-Michaudb, C. Girarda,

O. Dereurea, D. Enjarlana, B. Guillota

a Département de dermatologie, CHU deMontpellier et université Montpellier 1, hôpital

Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295Montpellier cedex 5, France

b Service de soins palliatifs, hôpital Saint-Éloi, 80,avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex

5, France

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : a-du [email protected]

(A. Du-Thanh)

Recu le 19 janvier 2011 ; accepté le 3 mai 2011

oi:10.1016/j.annder.2011.05.019

ibroplasie atypique de décubitus :es lésions à connaître

typical fibroplasias due to decubitus: A disease ofnterest to dermatologists

ous rapportons un cas de fibroplasie atypique liée au décu-itus, affection rare et potentiellement trompeuse que lesermatologues peuvent être amenés à rencontrer.

bservation

ne femme âgée de 75 ans était adressée pour lésionsumorales et ulcérées des fesses s’étendant progressive-ent depuis deux ans, avec la survenue plus récente’abondants saignements en nappes responsables d’unenémie. L’anamnèse trouvait une prothèse bilatérale desanches et la constitution progressive d’un lymphœdèmees jambes depuis quatre ans. La patiente était obèseindice de masse corporelle de 37 kg/m2), de mobilitééduite et confinée au fauteuil jour et nuit. L’examen notaitn placard des deux fesses mesurant 17 × 20 cm, infiltrén profondeur, d’aspect mamelonné en surface, avec uneonsistance rénitente, surmonté à droite par deux ulcéra-ions saignotantes (Fig. 1). Le pli sous-fessier était respecté.l existait un important lymphœdème des jambes. Le restee l’examen était sans particularité. Le bilan biologique

ontrait une anémie ferriprive à 7,6 g/dL.L’examen tomodensitométrique abdomino-pelvien était

ormal et ne donnait pas d’indication sur la nature desasses fessières. L’imagerie par résonance magnétique

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Lettres à la rédaction

IRM) montrait un syndrome de masse superficiel des deuxesses latéralisé à droite, mesuré sur une hauteur de 5 cmt 2 cm d’épaisseur, avec infiltration à son pourtour. Ilxistait une prise de contraste diffuse et homogène (dis-ret hypersignal T2, hyposignal T1). Des biopsies profondestaient prélevées en trois sites différents sur les fesses,ontrant une fibrose collagène dense du derme moyen

t profond, avec un peu de prolifération fibroblastiqueisséquant les lobules adipeux. Il existait des cavités vas-ulaires hyperplasiques irrégulières et un discret infiltratymphoplasmocytaire péricapillaire du derme moyen. Leiagnostic de fibroplasie atypique de décubitus était poséur la confrontation anatomoclinique. Des conseils étaientonnés pour limiter l’appui sur cette zone.

iscussion

a fibroplasie atypique de décubitus a été décrite poura première fois en 1992 par Montgomery chez 28 patientsomme une prolifération fibroblastique pseudosarcoma-euse siégeant habituellement sur les saillies osseuses chezes sujets âgés alités [1]. Depuis cette première descrip-ion, une autre série de 44 cas [2] et des cas isolés ontté rapportés, presque exclusivement dans des revues deathologie [3,4], souvent sous le nom de fasciite ischémiquee décubitus. Les pics d’incidence sont la huitième et laeuvième décennie, des cas ayant également été observéshez des sujets plus jeunes [5]. Cette affection touche desatients le plus souvent physiquement débilités ou immo-ilisés. Dans la plupart des cas, on trouve un alitementrolongé ou la station prolongée dans un fauteuil roulant,omme chez notre patiente. Les sites anatomiques tou-hés sont les régions trochantériennes le sacrum, les crêtesliaques, les fesses et la région scapulaire. Cliniquement, il’agit de masses relativement bien limitées, plus ou moinsures, étendues sur 1 à plus de 10 cm2. L’ulcération et lesomplications hémorragiques, comme chez notre patiente,ont plus rares.

L’histopathologie montre typiquement une proliférationésenchymateuse polymorphe d’architecture multinodu-

aire, associant une zone centrale dégénérative d’aspectyxoïde ou fibrinoïde entourée d’un tissu de granulation

ichement vascularisé fait de vaisseaux ectasiques et deombreux fibroblastes atypiques à cytoplasme basophilebondant et à noyau hyperchromatique pourvu de nucléolesroéminents pouvant simuler un sarcome. En périphérie,es lésions sont hypocellulaires. Lorsque la proliférationbroblastique est au premier plan, l’aspect peut évoquertort un sarcome : dans la première série rapportée, un

iagnostic de malignité avait été porté histologiquementans 43 % des cas, particulièrement lorsqu’il existait unenfiltration musculaire [1]. L’escarre de décubitus, plus clai-ement relié à la pression prolongée, partage des similitudesistologiques avec la fasciite de décubitus : tissu de granula-ion avec prolifération vasculaire et infiltrat fibroblastiqueéactionnel [1]. L’étude immuno-histochimique réalisée res-ectivement dans 15 cas de la série de Montgomery etans 18 cas de la série de Leidl montre des marqueurs

an-kératinocytaires et une protéine S 100 constammentégatifs. Un marquage focal pour la vimentine, la desmine et’actine peut être observé dans des proportions qui variente 100 % à 15 % des cas [1,2].
Page 2: Fibroplasie atypique de décubitus : des lésions à connaître

Lettres à la rédaction

Figure 1. Vaste lésion d’aspect angiomateux, par endroits érosive

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ou bourgeonnante, infiltrée en profondeur.

L’IRM est aspécifique : elle montre l’extension des lésionsqui peut aller jusqu’aux muscles [6].

Dans notre cas, la biopsie a montré un processus de cica-trisation hypertrophique représentant un stade de début desfibroses atypiques et pseudo-sarcomes décrits dans la lit-térature. La pathogénie de ces lésions est probablementliée à l’ischémie induite par la pression prolongée, avecun processus de cicatrisation aberrante. Le diagnostic estfait par la confrontation anatomoclinique et radiologique.La reconnaissance de cette entité rare liée au décubitusprolongé est essentielle pour éviter une confusion avec unsarcome des tissus mous et pour prévenir une attitude agres-sive.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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éférences

1] Montgomery EA, Meis JM, Mitchell MS, Enzinger FM. Atypi-cal decubital fibroplasia. A distinctive fibroblastic pseudotumoroccurring in debilited patients. Am J Surg Pathol 1992;16:708—15.

2] Liegl B, Fletcher CD. Ischemic fasciitis: analysis of 44 casesindicating an inconsistent association with immobility or debili-tation. Am J Surg Pathol 2008;32:1546—52.

3] Baldassano MF, Rosenberg AE, Flotte TJ. Apypical decubitalfibroplasia: a series of three cases. J Cutan Pathol 1998;25:149—52.

4] Perosio PM, Weiss SW. Ischemic fasciitis: a juxta-skeletal fibro-blastic proliferation with a predilection for elderly patients. ModPathol 1993;6:69—72.

5] Ishida YM, Machinami R. Apypical decubital fibroplasia in a youngpatient with melorheostosis. Pathol Int 1998;48:160—3.

6] Ilaslan H, Joyce M, Bauer T, Sundaram M. Decubital ischemic fas-ciitis: clinical, pathologic, and MRI features of pseudosarcoma.Am J Roent 2006;187:1338—41.

M. Rafaaa, E. Bertolleb, A.-R. Wannc,O. Vérolad, G. Hickmane, A. Petite,

M.-L. Sigal a,∗a Service de dermatologie, hôpital Victor-Dupouy,69, rue du LC-Prudhon, 95100 Argenteuil, France

b Service de radiologie, hôpital Victor-Dupouy,69, rue du LC-Prudhon, 95100 Argenteuil, France

c Service d’anatomopathologie, hôpitalVictor-Dupouy, 69, rue du LC-Prudhon,

95100 Argenteuil, Franced Service d’anatomie-pathologie, hôpitalSaint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux,

75010 Paris, Francee Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis,

1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(M.-L. Sigal)

Recu le 26 novembre 2010 ;accepté le 3 mai 2011

oi:10.1016/j.annder.2011.05.020