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Biographie : Dino Buzzati, est né en 1906 en Italie et mort en 1972. Journaliste, il a travaillé pour le quotidien milanais Corriere della sera et parallèlement il a écrit de nombreuses oeuvres littéraires : Romans : Barnabò des montagnes (1933), Le Secret du Bosco Vecchio (1935), Le Désert des Tartares (1940), L’Image de pierre (1960) et Un Amour (1963) Recueils de nouvelles : Les Sept Messagers (1942), Panique à la Scala (1949), L’Écroulement de la Baliverna (1952), Soixante Récits (1958), Le K (1966) et Les Nuits difficiles (1971) comme recueils de nouvelles. Présentation de la nouvelle: « Chasseur de vieux » est une œuvre de l’écrivain Italien Dino Buzzati, extraite du recueil Le K, qui est un ensemble de 50 nouvelles fantastiques de l’auteur. Le thème majeur de ce recueil de nouvel est le temps qui passe ; Dans « chasseurs de vieux », le temps est une fuite de la jeunesse, de la vitalité – il nous entraîne inexorablement vers la vieillesse, puis la mort. Synopsis : Dans cette nouvelle fantastique, Buzzati met en scène un homme d’age mûr (R. saggini, 46ans). Présenté comme étant dans la force de l’age, il est dynamique et bel homme. Un soir, en compa- gnie d’une jolie jeune femme il se fait prendre en chasse par une bande de jeunes ; l’histoire se passe à une époque cruelle : les personnes ayant dépassé un certain âge sont chassées par les générations plus jeunes. L’homme est donc pourchassé par une bande de jeunes qui cherchent à l’exterminer. La cruauté de ces jeunes est bien connue, leur slogan est « l’âge est un crime ». Saggini découvrira au cours de cette expédition punitive que son propre fils fait partie de cette bande et essaye de le tuer. Après avoir lutté et rusé, le protagoniste trouvera la mort en tombant dans un ravin. La bande, qui n’avait jamais eu autant de mal à attraper un vieux, se séparera, satisfaite. Mais le victorieux chef de la bande, Sergio Régora, verra alors disparaître subitement sa jeunesse en se regardant dans un miroir. Les rôles s’inverseront, sa jeunesse aura disparu en une nuit, il sera désormais la nouvelle proie de ses anciens camarades. I- Définition d’une génération Une génération c’est une différence d’âge : « Après qua- rante ans on est vieux » Une génération apparaît à la naissance d’un enfant : « Un sombre ressentiment dressait les petits-fils contre les grands pères, les fils contre les pères » Une génération c’est une différence physique : « Mon dieu ! Tu en as une figure ! et tout ce blanc sur tes cheveux ! » / « Un homme sur la cinquantaine environ, les yeux et les joues flasques, les paupières flétries, un cou comme celui des pélicans. Il essaya de sourire, il lui manquait deux dents, juste sur le devant. » Une génération c’est aussi une idée différente de la vie : « On flattait les jeunes, les jeunes se sentaient les maîtres du monde, les vieux, apeuré devant ce vaste mouvement des esprits, y participaient pour se créer un alibi ; « l’age est un crime ». II- Une guerre des « âges » : Chaque génération se sent supérieure à l’autre : Buzzati montre l’illusion de force physique, matérielle et intellectuelle des plus âgés (« Les jeunes, en toute justice, réclamaient le pouvoir jusqu’alors tenu par les patriarches ») et à l’inverse, il insiste ici sur le mépris, la cruauté et l’intolérance de la jeunesse. Intrusion de l’auteur : A travers un passage explicatif, le narrateur expose les raisons pour lesquelles cette guerre entre jeunes et vieux a éclaté, sans prendre partie, sans donner son avis. C’est un discours explicatif parce qu’on est sorti du récit (il n’est plus question de Roberto et de ce qu’il lui arrive…), on remarque que le temps du récit passé simple – imparfait est remplacé par imparfait –présent. Si le « désaccord »des générations est un lieu commun, sa manifestation violente et cruelle l’est moins, ici on assiste à une extrapolation du conflit qui débouche sur une guerre civile. Lutte de pouvoir entre les générations : il s’agit encore aujourd’hui d’un conflit très actuel : actuellement, nous vivons dans une société qui ne laisse pas toujours la place au jeune (manque de confiance (cf. chômage, difficulté de se faire une place, demande de l’expérience) Fiche de lecture : Chasseurs de vieux Extraite du recueil le « K » de Dino Buzzati 1/3

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Biographie : Dino Buzzati, est né en 1906 en Italie et mort en 1972. Journaliste, il a travaillé pour le quotidien milanais Corriere della sera et parallèlement il a écrit de nombreuses oeuvres littéraires : Romans : Barnabò des montagnes (1933), Le Secret du Bosco Vecchio (1935), Le Désert des Tartares (1940), L’Image de pierre (1960) et Un Amour (1963) Recueils de nouvelles : Les Sept Messagers (1942), Panique à la Scala (1949), L’Écroulement de la Baliverna (1952), Soixante Récits (1958), Le K (1966) et Les Nuits difficiles (1971) comme recueils de nouvelles.

Présentation de la nouvelle: « Chasseur de vieux » est une œuvre de l’écrivain Italien Dino Buzzati, extraite du recueil Le K, qui est un ensemble de 50 nouvelles fantastiques de l’auteur. Le thème majeur de ce recueil de nouvel est le temps qui passe ; Dans « chasseurs de vieux », le temps est une fuite de la jeunesse, de la vitalité – il nous entraîne inexorablement vers la vieillesse, puis la mort.

Synopsis : Dans cette nouvelle fantastique, Buzzati met en scène un homme d’age mûr (R. saggini, 46ans). Présenté comme étant dans la force de l’age, il est dynamique et bel homme. Un soir, en compa-gnie d’une jolie jeune femme il se fait prendre en chasse par une bande de jeunes ; l’histoire se passe à une époque cruelle : les personnes ayant dépassé un certain âge sont chassées par les générations plus jeunes. L’homme est donc pourchassé par une bande de jeunes qui cherchent à l’exterminer.La cruauté de ces jeunes est bien connue, leur slogan est « l’âge est un crime ». Saggini découvrira au cours de cette expédition punitive que son propre fils fait partie de cette bande et essaye de le tuer.Après avoir lutté et rusé, le protagoniste trouvera la mort en tombant dans un ravin. La bande, qui n’avait jamais eu autant de mal à attraper un vieux, se séparera, satisfaite. Mais le victorieux chef de la bande, Sergio Régora, verra alors disparaître subitement sa jeunesse en se regardant dans un miroir. Les rôles s’inverseront, sa jeunesse aura disparu en une nuit, il sera désormais la nouvelle proie de ses anciens camarades.

I- Définition d’une génération Une génération c’est une différence d’âge : « Après qua-rante ans on est vieux »

Une génération apparaît à la naissance d’un enfant : « Un sombre ressentiment dressait les petits-fils contre les grands pères, les fils contre les pères »

Une génération c’est une différence physique : « Mon dieu ! Tu en as une figure ! et tout ce blanc sur tes cheveux ! » / « Un homme sur la cinquantaine environ, les yeux et les joues flasques, les paupières flétries, un cou comme celui des pélicans. Il essaya de sourire, il lui manquait deux dents, juste sur le devant. »

Une génération c’est aussi une idée différente de la vie : « On flattait les jeunes, les jeunes se sentaient les maîtres du monde, les vieux, apeuré devant ce vaste mouvement des esprits, y participaient pour se créer un alibi ; « l’age est un crime ».

II- Une guerre des « âges » :

Chaque génération se sent supérieure à l’autre : Buzzati montre l’illusion de force physique, matérielle et intellectuelle des plus âgés (« Les jeunes, en toute justice, réclamaient le pouvoir jusqu’alors tenu par les patriarches ») et à l’inverse, il insiste ici sur le mépris, la cruauté et l’intolérance de la jeunesse.

Intrusion de l’auteur : A travers un passage explicatif, le narrateur expose les raisons pour lesquelles cette guerre entre jeunes et vieux a éclaté, sans prendre partie, sans donner son avis. C’est un discours explicatif parce qu’on est sorti du récit (il n’est plus question de Roberto et de ce qu’il lui arrive…), on remarque que le temps du récit passé simple – imparfait est remplacé par imparfait –présent.Si le « désaccord »des générations est un lieu commun, sa manifestation violente et cruelle l’est moins, ici on assiste à une extrapolation du conflit qui débouche sur une guerre civile.

Lutte de pouvoir entre les générations : il s’agit encore aujourd’hui d’un conflit très actuel : actuellement, nous vivons dans une société qui ne laisse pas toujours la place au jeune (manque de confiance (cf. chômage, difficulté de se faire une place, demande de l’expérience)

Fiche de lecture : Chasseurs de vieux Extraite du recueil le « K » de Dino Buzzati

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III- Pourquoi les générations s’opposent elles?

Des a priori, des idées préconçuesLes jeunes jugeaient les vieux responsables de leurs malheursLes vieux s’accaparaient le pouvoir

Une vision caricaturaleLes jeunes sont considérés comme des individus violent et inquiétants : «silhouettes rapides» «canailles» «espèces de clubs, d’association, de sectes» «des persécuteurs» «des petits salauds» «le crâne rasé» «types»

Les vieux sont considérés comme une espèce à supprimer, ils sont regardés avec de la haine et mépris : «maudits» «ombres» «les vieux» «les croulants» «vieux cochons» «salaud» «enquiquineur» «proie» «sale vieux» «croulant»

Un manque de dialogue empêche la compréhensionLes jeunes ont une « haine sauvage contre les vieux », la limite d’âge de 40 ans est imposée et les jeunes frappent automatiquement sans échanger avec les plus âgés.Il n’y a pas de transmission, ni de partage.

L’auteur dénonce une société anti-vieux construite sur un refus de la différence d’âge sans dialogue mais régie par la force.

Crise d’adolescence : rébellion« Tu l’aimes ? » « Non ! C’est un tel imbécile… Et puis un enquiquineur de première. Il en a jamais fini… » : Crise d’adolescence, conflit et incompréhension des jeunes envers les adultes et réciproquement.Buzatti évoque le mal-être commun a tous les jeunes gens perdus lors de leur entrée dans le monde adulte : En perte de repère et en quête d’identité, il exprime souvent un mal-être : « dominés par une haine sauvage envers les vieilles générations, comme si elles étaient responsables de leur mécontentement, de leur mélancolie, de leurs désillusions, de leur malheur qui sont le propre de la jeunesse depuis que le monde est monde »

Rq : Le nom des personnages : «R. Saggini» : évoque la sagesse… «S. Régora» : a une sonorité évoquant la rigueur / aigreur

IV- Dénonciation du jeunisme : Ce thème trouve une résonance particulière dans notre société basée sur le jeunisme extrême (retouche de photos, vente d’anti rides à la pelle, sport, chirurgie esthétique, culte du corps, et culte de la jeunesse)

Le refus de vieillir des vieux : « Jusqu’aux vieux qui apeurés devant ce vaste mouvement des esprits, y participaient pour se créer un alibi, pour faire savoir qu’il avaient 50 ou 60 ans, ça oui, mais que leur esprit était encore jeune et qu’ils partageaient les aspirations et les souffrances des nouvelles recrues »Les vieux fuient leur situation, comme s’ils en avaient honte, peur : c’est inutile car personne n’échappe à la Vieillesse et à la mort : une obsession de la jeunesse marque les mentalités.

Un conflit accentué par les médias (journaux, tv, radio)Buzzati dénonce le rôle des médias dans cette montée de violence, plus largement il dénonce cette vision imposée à toute la société, cette pensée unique qui fausse les rapports entre les générations, qui bouleverse la société.« Cet éternel tourment, qui depuis des millénaires s’était résolu sans drame de père en fils, explosait finalement. Les journaux, radios, télévisions, les films y étaient pour quelque chose. On flattait les jeunes, on les plaignait, ils étaient adulés, exaltés, encouragés à s’imposer au monde de n’importe quelle façon ».

V- Un éternel recommencement ; l’idée de cycle :

Les initiales : A l afin de la nouvelle, «tel est pris celui qui croyais prendre », le vieux et le jeune échangent les rôles, Régora prend la place de Saggini : ils échangent même leurs initiales (Roberto Saggini et Sergio Régora), comme si l’un était le miroir de l’autre. Rq : Le miroir est le symbole du passage dans un autre monde (fantastique) – Inversion des role, reflet de sa propre personne.

Les lieux : Les lieux évoqués dans le récit ont tous une valeur symbolique dans l’idée de cycle: Lieu de la civilisation : Le rue est tenue par les jeunes (pouvoir) -- Rêve / cauchemar : fête foraine -- Nature humanisée : les jardins -- Colline, vallée, rive, rivière : nature sauvage -- Vieux bastion à pic : chute et mort -- La place illuminée : Défilé des vainqueurs -- Lieu de la civilisation : la rue - effet de boucle : cycle du temps = cycle de l’espace

Le schéma narratifLa situation finale de la nouvelle débouche sur une situation initial e d’une autre aventure qui nous rappelle étrangement la situation initiale précédent ; en effet, après la mort de Saggini, les jeunes se séparent. Puis, Régora et la fille, qui ont vieillit se retrouvent tous les deux (cf. le

couple Silvia Saggini), et vont à leur tour être poursuiviL’histoire n’a pas de fin. la vie est un éternel recommencement : Nous sommes jeunes un jour, vieux le lendemain, comme pour Régora «Chasseur de vieux», qui a passé sa jeunesse à traquer les vieux et qui se retrouve tout d’un coup à devenir victime, à son tour, d’une autre génération. Les jeunes, un jour ou l’autre, deviennent les vieux de la génération suivante. On ne peut échapper au Temps. De génération en génération, l’histoire se répète: les vieux sont « dénigrés et les jeunes veulent tout changer. 2/3

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Conclusion : Cette nouvelle est un récit métaphorique sur le conflit des générations qui dégénère en guerre civile. Pourtant la vieillesse, comme la mort, fait partie du cycle de la vie et que personne ne peut y échapper.La phrase qui illustre le mieux cette thèse est : «La jeunesse, cette saison fanfaronne et sans pitié qui semblait devoir durer toujours, qui semblait ne jamais devoir finir.»

Le texte sous entend qu’il faut respecter les vieux en sachant qu’un jour nous le deviendront à notre tour.

Questionnements :

Mais une telle uniformisation n’est-elle pas dangereuse? Celle-ci ne risque-t-elle pas de conduire à l’exclusion accrue des personnes vieillissantes ?Une telle standardisation culturelle prive-t-elle une société d’une richesse indispensable à son renouvellement ?

Mise en relation :La chanson de Georges Brassens « Le boulevard du temps qui passe » écrite en 1976 reprend une thématique quasiment identique, y compris dans la narration.

Cette nouvelle date des années 60-70 mais trouve une résonance très forte encore aujourd’hui : -nous vivons dans une société obsédée par la jeunesse : Passé un certain âge, les employés sont menacés de licenciement, ils sont jugés peu performants. Les vieux essaient de garder une allure jeune. Et inversement, les enfants imitent leurs aînés. De nos jours, il semble que la société entière veuille avoir entre 18 et 35 ans. Les mannequins, les modèles sont de plus en plus jeunes…. -Les vieux n’ont plus une place respectée dans notre société : mis au rebus, retraites dévalorisée, exclusion..

Cette nouvelle fantastique est crédible, elle se base sur une situation réelle ; c’est en ce point qu’elle fait peur, cela fait écho à la réalité.Il s’agit d’un mouvement naturel dans les société : les vieux sont au pouvoir (expérience, argent, responsabilités),et les quelques jeunes qui peuvent accéder à ce pouvoir (libre entreprise, jeunisme..) sont des exceptions, ils sont en accord avec ce pouvoir la. Les seuls personnes en désaccord avec cet organisation sont les jeunes : en marge, ils sont en rébellion plus ou moins affichée (qui peut dégénéré dans la violence parfois. Cf ; manifestations ;). Buzzati grossit les travers de notre société : les jeunes et les vieux sont attaqués (pas de travail pour les uns, retraites baissées pour les autres. L’exclusion des uns jouxte le mépris des autres..

A peine sortis du berceauNous sommes allés faire un sautAu boulevard du temps qui passeEn scandant notre «Ça ira»Contre les vieux, les mous, les grasConfinés dans leurs idées basses.

Tous ces gâteux, ces avachisCes pauvres sépulcres blanchisChancelant dans leur carapaceOn les a vus, c’était hierQui descendaient jeunes et fiersLe boulevard du temps qui passe.

Dans la mare de leurs canardsNous avons lancé, goguenardsForce pavés, quelle tempêteNous n’avons rien laissé deboutFlanquant leurs credos, leurs tabousEt leurs dieux, cul par-dessus tête.

On nous a vus, c’était hierQui descendions, jeunes et fiersDans une folle sarabandeEn allumant des feux de joieEn alarmant les gros bourgeoisEn piétinant leurs plates-bandes.

Jurant de tout remettre à neufDe refaire quatre-vingt-neufDe reprendre un peu la BastilleNous avons embrassé, goulusLeurs femmes qu’ils ne touchaient plusNous avons fécondé leurs filles.

Quand sonna le cessez-le-feuL’un de nous perdait ses cheveuxEt l’autre avait les tempes grises.Nous avons constaté soudainQue l’été de la Saint-MartinN’est pas loin du temps des cerises.

Alors, ralentissant le pasOn fit la route à la papaCar, braillant contre les ancêtresLa troupe fraîche des cadetsAu carrefour nous attendaitPour nous envoyer à Bicêtre. 3/3