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Il n’existe à l’heure actuelle que deux modes definancement de la première ligne :

• l’acte, largement majoritaire, héritier de lamédecine libérale ;

• et le forfait négocié avec l’INAMI par certainesmaisons médicales.

Après dix années d’existence d’un système definancement forfaitaire pour des centres de santéen Belgique, il apparaît intéressant de faire uneanalyse.

Le sujet a été longtemps très chaud et de vivespolémiques se sont développées au sein de laFédération des maisons médicales entre lespartisans de l’acte et les partisans du forfait.

De nombreux fantasmes sur les pratiques des« autres » se sont développés et circulent encore.Pour beaucoup, la question est devenue quasi-idéologique, presque une question de finalité etdonc très passionnelle. Pour d’autres, le choix duforfait ou de l’acte est une question de moyenadéquat ou non pour réaliser des objectifs.

En fait, beaucoup de questions sont posées par deséquipes à l’acte qui se représentent difficilementcomment fonctionne une maison médicale auforfait et quels changements sont induits par cetautre financement.

Beaucoup de questions sont posées par les équipesau forfait qui ne comprennent pas toujours lesraisons qu’ont certains de rester à l’acte.

Nous ne dresserons qu’un historique de la genèsedu forfait, et nous nous orienterons plutôt sur lesaspects pratiques et les effets induits sur lesindividus et sur le mode de fonctionnement de noscentres de santé.

Nous espérons que ce travail aidera à lever lestabous et à donner plus de transparence à uneexpérience encore minoritaire dans une pratiquequi, en Belgique, reste massivement payée à l’acte.

Bonne lecture.

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En guise de préambule :

Aperçu historique du débat entre médecinelibérale et médecine socialisée

Le débat entre soins à l’acte et soins auforfait est fortement intriqué à celui quimet aux prises médecine libérale etmédecine socialisée. Sans perdre de vuela consanguinité de ces deux débats,nous éclairerons d’abord la polaritélibéral/social qui est historiquementpremière. Un texte de madame Ferrand-Nagels paru dans la Revue française desaffaires sociales servira de fil conducteurà notre exploration.

Une précision sémantique s’impose. Nousutiliserons souvent l’expression de médecinesocialisée pour représenter un système offrant unealternative à la médecine libérale. En effet, nousverrons que le terme médecine sociale a un contenuhistoriquement déterminé, autrement dit variabledans le temps. En outre, nous pensons que l’analysedes systèmes réduit trop souvent la question àl’opposition système libéral - système public.

Cela n’est que trop vrai et réalise une desgrandes difficultés que rencontrent lesmaisons médicales. Elles sont en effet desinstitutions privées d’utilité publique. Ce quinuit à leur lisibilité : entre le marteaumarchand et l’enclume bureaucratique,quelle place pour les maisons médicales ?

Or la collectivité peut être partie prenante del’organisation des soins autrement qu’en déléguantà l’Etat ses responsabilités, ce que montrentcertaines pratiques actuelles de centres de santé.De même que le système productif s’éloigne deplus en plus de la dichotomie secteur privé pur -secteur public pur, il peut s’avérer fructueux dedépasser le vieux débat opposant à la médecinelibérale une médecine fonctionnarisée. Parler demédecine socialisée, c’est donc recourir à un termeplus générique faisant référence à un processus desocialisation, c’est-à-dire de développement desstructures collectives, quel que soit leur statutjuridique. Celles de l’Etat en font partie, mais lechamp s’élargit, en particulier aux entreprises ditesparfois d’économie sociale ou du tiers secteur, en

particulier ici les associations et les mutuelles. Lesrelations qu’elles établissent avec leurs personnelsn’ont parfois pas grand chose à voir avec lefonctionnariat.

Ce qu’on observe pleinement dans lesdébats actuels : ces caractéristiques mi-chair mi-poisson font la richesse et ladynamique de nos centres. Mais ellesreprésentent aussi une difficulté pour laconstitution d’alliance ou de front commun.

Un peu d’histoire

● Au XVII éme siècle, un corps médicalpléthorique et peu fortuné

Loin de l’image du médecin de Molière, la plupartdes médecins sont dans une situation économiquedifficile, extrêmement aléatoire et paradoxale. Ilsont conscience de remplir un rôle social importantet d’appartenir à la bourgeoisie, mais mis à part lesquelques-uns qui possèdent un patrimoine leurassurant des revenus indépendamment de leuractivité, les autres, dans l’obligation d’en tirer desrevenus, sont confrontés à une clientèle largementinsolvable et de nombreux historiens attestent laprécarité de leur niveau de vie.

● Les premières expériences de socialisationet leurs limites

Une constante apparaît dans l’histoire de lasocialisation de la médecine, c’est la combinaisond’actions publiques et privées, symptomatique sansdoute d’une perception généralisée de la nécessitéd’améliorer la couverture sanitaire de la population.Cependant, les unes et les autres ont eu une portéeet une efficacité variables. Faute de moyenshumains et matériels suffisants, la majeure partiedes politiques publiques sont demeuréessymboliques de l’intérêt porté par les responsablespolitiques à la santé des populations. Quant auxinitiatives personnelles, elles ont au contraire eudes résultats concrets, mais sur un territoire et surune durée restreints. Enfin, les enseignements à tirerdes unes et des autres diffèrent et sont de deux

Texte de SabineFerrand-Nagel,

centre derecherche,

facultéJ Monnet-Sceaux.Commentaires et

notes de PierreDrielsma,

médecingénéraliste.

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ordres, qui peuvent éclairer les débats contem-porains. On voit en premier lieu la pérennité de laquestion de la nature de l’intervention publique :l’Etat doit-il encadrer, réglementer et contrôler lesacteurs de ce secteur, ou bien doit-il aller jusqu’àla gestion directe de ces activités ? En second lieu,les initiatives privées sont surtout intéressantes surle plan des moyens imaginés pour remédier àl’accès aux soins insuffisant de la population.

Nous divergeons quelque peu sûr ce point.La rencontre entre l’expérience politiqueautogestionnaire des maisons médicales etla réflexion de chercheurs en santé publiquedu GERM* a permis d’étendre l’analyse :outre la question d’accessibilité, lesmaisons médicales s’attachent à développerla globalité, l’intégration et la continuitédes soins ; à cela s’ajoutent les aspectsd’évaluation qui sont fondamentaux dansla démarche des maisons médicales.L’évaluation elle-même se mueactuellement en assurance de qualité. Ceconcept exprime plus clairement l’objectifde l’évaluation. C’est ce que dans le jargondes maisons médicales on nomme le GICA :globalité, intégration, continuité etaccessibilité des soins. Ces notions ont étélargement explicitées dans Santé conjuguéenuméro 1.

Nature et domaines del’intervention publique

Sans qu’il soit question de recenser ici l’ensembledes mesures prises aux deux échelons territoriaux,gouvernement national et municipalités, on doittout d’abord rappeler que la situation alarmante desétablissements hospitaliers, lieux d’enfermementdes personnes indésirables de toute sorte etvéritables mouroirs étant donné leur insalubrité, aamené les municipalités à s’ingérer dans leuradministration dès le moyen âge. De même, audébut du XVlème siècle, le grand aumônier du roide France s’adjuge un droit de surveillance de tousles hôpitaux du royaume. Les officiers royaux sontalors investis de l’administration hospitalièreauparavant réservée aux évêques.« L’idée que l’hôpital doit être considéré commeun service public ne fait que se développer au coursdes derniers siècles de la monarchie ».

Nous voici aussi au cour d’un processusqu’il s’agit de garder bien en vue. Le succèsde l’hôpital auprès des pouvoirs publicsprésente une double source : il s’agitactuellement d’un lieu d’excellence et dehaute technologie, mais il s’agit aussiantérieurement d’un lieu qui concentre lapauvreté, et la pauvreté doit être contrôlée !

Les soins non hospitaliers, eux, apparaissent plustardivement dans les politiques publiques. Dansla période pré-révolutionnaire, les critiquesvirulentes portées aux hôpitaux vont de pair avecla préférence aux soins à domicile. Mais surtout,les préoccupations hygiénistes vont se développeraux XVIIIème et XlXème siècles. Elles s’intéresseronten particulier à la médicalisation de la naissance etde la petite enfance (Turgot puis Neckerencourageront le développement de cours deformation de sages-femmes) et s’attaquerontparticulièrement à l’épineux problème desépidémies (et épizooties, qui causent trèsrapidement un préjudice économique important).Préfigurant l’aide à la recherche, l’objectif essentielsera d’améliorer les connaissances les concernant,mission de la Société royale de médecine créée en1778, toujours par Turgot et Necker. Dans tous lescantons, des médecins réunissent les informations,« comparant les faits, enregistrant les médicationsemployées, organisant les expériences ». Il s’agitde réaliser une véritable « topographie médico-hygiénique ». Quelques décennies plus tard,l’action publique dans ce domaine visera àpromouvoir et organiser les campagnes devaccination (initialement contre la variole). Lesautorités devront en premier lieu combattre lesréticences de la population et donner les moyensnécessaires. A Paris, par exemple, le préfet de policeincite les maires des douze arrondissements à créerdes offices de vaccination gratuite.

L’occasion est trop belle pour parlerpaiement. Cela nous permet de distinguerutilement trois problèmes : tout d’abord quipaie ? Ici c’est clair, c’est l’Etat car il jugeque l’intérêt de bénéficier d’une populationvaccinée est supérieur au coût de lacampagne de vaccination. C’est un proto-raisonnement de santé publique.

Ensuite, comment les agents sont-ilsrémunérés ? Le texte ne le dit pas, mais ilest vraisemblable que ce n’est pas à l’acte.Il est probable que les agents tiennent des

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*GERM =Groupe d’étudepour une réformede la médecine.

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listes de vaccinés, pour éviter la redondance(l’avantage de la vaccine, c’est qu’elle estvisible pour toujours sur le vacciné).

Enfin le patient ne paie rien pour les raisonsexpliquée ci-dessus.

Des initiatives privées innovantesmais aléatoires

De tout temps des hommes et des femmes se sontsaisis des problèmes des populations indigentes deleur voisinage. Pendant longtemps, certes, l’objectifpoursuivi par les philanthropes était entachéd’égoïsme puisqu’il s’agissait avant tout de veillerau rachat de leur âme.

Il est plaisant de voir cet argument dans untexte scientifique. La bienfaisance pour allerau ciel, cela suppose l’intériorisation pleineet entière de l’existence du paradis et qu’ellesoit strictement déterminée par les oeuvres.On sait que ni les calvinistes, ni lesjansénistes n’avaient grande foi dans lesoeuvres (au contraire de la thèse jésuite enla matière). Et paradoxalement, c’étaientles pessimistes sur l’efficacité des oeuvresqui les pratiquaient. Il s’agit plus deconformité à des normes transcendantesque d’un vain espoir de récompense céleste.

Mais, à compter des XVIème et XVllème siècles, deshumanistes vont s’investir dans des projets quiconstitueront une réponse originale aux besoinsqu’ils perçoivent. Nous retiendrons ici l’actionreprésentative de deux d’entre eux, l’un estmédecin, c’est Théophraste Renaudot, l’autreprêtre, Vincent de Paul.

Si le nom de Renaudot évoque aujourd’hui lafondation du journalisme à travers la création deLa Gazette et un prix littéraire, on ignore souventque cet homme inventif et parfois rebelle fut unmédecin ambitieux dont la carrière politique connutune ascension fulgurante. En 1612, il devientmédecin ordinaire du roi, chargé de « s’employerau règlement général des pauvres du royaume »,et il est investi dès 1619 du titre de commissairegénéral des pauvres du royaume. Dans sa requêteau roi en faveur des pauvres, son Traité des pauvres,

il va concevoir un plan et des mesures concrètespour lutter contre la misère, à partir d’une analyseclassique de l’oisiveté et de la mendicité. Saconception de l’assistance se fonde sur ladistinction nécessaire entre les pauvres valides etles pauvres invalides.

Nous connaissons encore cette distinctionau sein de la sécurité sociale, avecl’assurance chômage et l’assurancemaladie-invalidité.

L’action de Renaudot n’est pas unique, elle a sansdoute eu un retentissement important étant donnéle personnage. On a par exemple retrouvé deuxexpériences de « dispensaires » dans la villed’Orléans au cours du XVlIème siècle. Il estsignificatif de constater qu’elles se heurtèrent aumême type d’hostilité. Ainsi, le docteur Petit, quiavait eu l’idée très moderne de salarier lesprofessionnels pour institutionnaliser sesconsultations gratuites, ne trouva pas à pourvoirses postes.

Déjà au XVIIéme siècle, les « maisonsmédicales » souffraient d’une pénurie derecrutement. Et n’hésitons pas à le dire,nous pouvons appliquer le principegéologique des causes actuelles à cettepénurie : prestige, pouvoir et revenusinsuffisants pour le niveau d’études.

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Un homme cependant va jouer un rôle fondamentalparce qu’il cherchera à améliorer la pratique àdomicile des dames, dans l’attente d’une véritablequalification soignante, c’est Vincent de Paul(« Monsieur Vincent », ou saint Vincent de Paul) ;il va créer et professionnaliser l’actionparamédicale. Né en 1580 près de Dax, prêtreformé à la faculté de théologie de Toulouse, lui aussidébute sa carrière avec ambition dans la sociétémondaine. Mais, il découvre lors d’un prêche à lacampagne la détresse morale et matérielle des gensde la terre, abandonne Paris et devient curé decampagne en 1617. Il fonde aussitôt la premièreconfrérie des Dames de la Charité. Doué d’un senspratique, Vincent de Paul organise cette associationde « femmes vertueuses » avec des règles et desrôles bien définis.

Le relâchement rapidement constaté dans les villesamène Vincent de Paul à redéfinir les rôles descharités. Les « dames » seront cantonnées dans leurdomaine de prédilection, celui de donatrices et decollectrices de fonds. Les soins des malades, dontles dames s’étaient le plus souvent déchargées surleurs servantes seront confiés à des « filles deschamps, robustes et saines » (à l’image deMarguerite Naseau). D’un point de vue institution-nel, l’organisation sera assez révolutionnairepuisque ces « Filles de la charité » seront liées parun règlement, rattachées aux charités des dames,mais ne seront pas cloîtrées (elles garderontd’ailleurs leurs vêtements civils et ne prononcerontpas de voeux). Leur reconnaissance officielle seraobtenue tardivement, douze ans après, parl’archevêque de Paris, et encore treize ans plus tardpar lettres patentes du roi (en 1658). Lesresponsables des actuels centres de soins infirmiersconsidèrent les filles de la Charité comme lesprécurseurs de leurs structures.

La médecine socialisée,alternative aux carences dumodèle libéral des XVIII ème

et XIXème siècles

Au sortir de la Révolution et durant tout le XIXème

siècle, la compétence médicale constitue lapréoccupation principale des hommes politiques etdes praticiens. Ce qui est en jeu, c’est l’organisationet la reconnaissance des études, l’unification desdiplômes, le droit d’exercice et l’élimination de la

concurrence. Cependant, la recherche de l’organisa-tion optimale de la distribution des soins demeure,généralement, sous-jacente et à plusieurs reprisesexplicite. L’objectif de professionnalisation sedouble de celui de la médicalisation, entenduecomme l’implantation régulière de médecinsqualifiés et l’accès généralisé des patients. Dès cemoment, les finalités des autorités et des praticienssont contradictoires. Certes, le développement dela consommation de soins intéresse les médecins,qui y voient une possible augmentation de leursrevenus, mais elle suppose une politique de tarifsbas, voire de gratuité étant données les faiblesressources des ménages.

Les pouvoirs publics veulent développer l’accèsaux soins, les médecins veulent améliorer leur statutsocial et leur niveau de vie.

Ce noeud croisé d’intérêt est capital : l’Etatveut bien organiser un flux financier quipermette l’accès aux soins pour les citoyensen particulier pour les plus démunis, maisil se méfie du prélèvement effectué par lesprofessionnels (médecins en particulier) surce flux.

Cependant, la période révolutionnaire sera propiceau brassage d’idées de toutes sortes, et, de larévolution de 1789 à celle de 1848, des médecinsutopistes et réformateurs vont rechercher la solutionpermettant de concilier ces deux objectifs. Ellepasse selon eux par la création d’un service publicde médecine. C’est également à cette périodequ’apparaît le concept de médecine sociale. S’ilpose lui aussi la question des relations entre lesmédecins et la société et de l’organisation d’unsystème de soins, il ne se traduit pas par laconception de projets mais se situe initialement àun niveau politique plus global avant d’évoluer.

On voit clairement apparaître l’idée d’unealternative entre plusieurs modèles d’organisationdes soins : d’un côté, des médecins indépendants,de l’autre une médecine socialisée selon plusieursversions possibles jusqu’au fonctionnariat.

Une fois de plus on observe l’intricationentre choix politique et mode de paiement.La médecine socialisée s’oriente vers lefonctionnariat. Il ne faut pas hésiter à parlerde deux cultures :

la première admet l’argent comme mesuredu travail, de l’efficacité, de la

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performance. L’argent régule l’utilisationdes ressources rares suivant la thèsemarchande ;la seconde voit l’argent comme unobstacle, une nuisance, au mieux un malnécessaire. Le fonctionnariat permetd’exclure l’argent de la relation de soin.D’autre part, un salaire de fonctionnairemet à l’abri des aléas de la vie et permetde se concentrer sur son objet social.

La mutation décisive s’opère à la fin du XVIIIème

siècle, dans la mesure où c’est à cette époquequ’une fraction novatrice du corps médical acquiertune forte conscience politique et cherche àparticiper activement à la transformation de lasociété. Ce mouvement résulte d’un faisceau deprises de conscience nouvelles. Au moment mêmeoù les idées libérales se développent, empreintesd’individualisme et d’encouragement à laprévoyance, des droits et des devoirs en matièrede secours sont affirmés. La lutte contre la pauvretésous ses différentes formes est reconnue commeune tâche collective, un devoir national quiincombe en premier lieu à l’Etat. Aussi les projetsd’organisation qui naissent à cette période sont-ilsfondés sur un système public, rationnel etcentralisé. On retrouve ce phénomène un demi-siècle plus tard, lorsque des médecins s’engagentdans les luttes aux côtés des ouvriers. C’est alorsqu’émerge la notion de médecine sociale, dans unepremière approche très militante.

Deux phases propices aux projetsde médecine publique

L’approfondissement des travaux de la Sociétéroyale de médecine débouche en effet sur despropositions paradoxales à l’heure où l’on vanteles libertés individuelles et où l’on dissout lessociétés (loi Le Chapelier, 1791). Les projets sontplus ou moins précis, mais ils vont tous dans lemême sens. Face à la quasi-absence de médecinsdans les campagnes, on propose de réaliser unetopographie médicale de chaque canton et d’établirtrois médecins par district. L’organisation du clergéinspire divers auteurs, qui voient dans lerapprochement des prêtres et des médecins lemoyen d’organiser une médecine gratuite par unpartage des revenus ecclésiastiques.

Menuret propose, en 1791, que les revenus du

clergé financent les soins aux indigents ; Sabarotde l’Avernière va plus loin en suggérant, en 1789,que les biens ecclésiastiques soient confisqués auclergé et que leurs revenus soient partagés à partségales entre les curés des paroisses et les médecins.Ce faisant, les soins pourraient être gratuits, et lesmédecins, délivrés de la quête des honoraires,pourraient se consacrer aux soins aux indigents.

Il est plaisant de voir ainsi réunis lesmédecins et les prêtres, c’est-à-dire uneforme de retour aux sources grecques de laprofession médicale.

Profondément marquées de l’utopisme de l’époque,ces réflexions construisent le « mythe d’uneprofession médicale nationalisée» qui se doubled’un mythe contradictoire, celui de la disparitiontotale de la maladie : l’achèvement de lamédicalisation entraînerait l’éradication de lamaladie « dans un milieu corrigé, organisé et sanscesse surveillé ». Comparativement aux réflexionsutilitaristes menées en Angleterre et en Allemagne,la spécificité française tient à la critique socialecontenue dans ces travaux. Les problèmes de santéet, plus globalement, de société sont rattachés auxeffets des mauvais gouvernements et aux modesde vie (recherche du plaisir, oisiveté, relâchementdu sentiment de la Patrie, guerres). Dès lors, lesmédecins doivent s’engager dans un combatd’ordre politique pour agir efficacement sur lamaladie, en combattant l’esclavage et la tyrannie,en enseignant la diététique et la frugalité desrepas…

La critique sociale n’est certainement pasabsente du processus belge. Au contraire,nous observons sa prégnance croissantedans les théories actuelles sur la genèse desmaladies. Ces thèses insistent en particuliersur l’effet de hiérarchie bien plus que surles modes de vie librement choisis.

Les leaders français de la médecine sociale (Guérin,mais aussi Buchez et Guépin) ne sont pas isolés. Ala même époque, des réflexions similaires émergentdans d’autres pays européens. En Allemagne, en1847, le docteur Salomon Neumann, à l’instar deBuchez, pose le principe du droit à la santé en tantque « droit à la force de travail, unique possessiondes ouvriers, que l’Etat se doit de reconnaître et deprotéger grâce à une organisation publique del’activité médicale ». Médecins engagés sur les

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barricades de Berlin, anatomopathologistes,Virchow et Leubuscher fondent en juillet 1848 unerevue dans le premier numéro de laquelle ilsécrivent : «Les médecins sont les avocatsnaturels des pauvres, et la question sociale relèveen grande partie de leur juridiction ».

Voilà une profession de foi tout à faitsatisfaisante, elle repose sur unereconnaissance des besoins de lapopulation et des intérêts des médecins : cesont surtout les pauvres qui sont malades,mais ils ne peuvent payer, il est doncnécessaire que l’Etat, via l’impôt (oud’autres prélèvements) rende leur demandesolvable. De plus, on utilise le terme dejuridiction. Ce terme couvre à la fois laconception du territoire et de lamagistrature ce qui est magnifique pour uneprofession en butte aux avanies desmilitaires et des avocats.

L’alliance de la médecine sociale avec la politiquesociale se traduit par le fait qu’elle vise des

catégories spécifiques de la population. Desdispensaires mettront en œuvre l’assistance etl’hygiène sociale, qui seront gérés par desinstitutions privées (comme la Croix-Rougefrançaise) ou publiques.

La question des catégories spécifiques dela population est encore actuellement desplus vives. N’avons nous pas vu plusieurspolitiques nous inviter fermement à nousconsacrer exclusivement aux pauvres pouréviter de faire ombrage à nos confrères...

Notre choix est pourtant clair, les maisonsmédicales s’adressent à toute la population.Ce qui n’empêchent nullement d’établir despriorités en fonction des besoins.

Voici un extrait d’un courrier adressé à lamaison médicale du Nord à Charleroi quidit ceci : « une telle médecine doit êtreréservée aux vrais pauvres, englobant ceuxqui n’ont pas de mutuelles, qui sont auCPAS, qui ont un revenu minimum (et celadoit être contrôlé) ». Ceci prouve que nousavons encore beaucoup de chemin à fairepour être compris.

Au moment du vote des premières lois sociales, lanotion de médecine sociale recouvre pour une partimportante du corps médical la défense de lalégislation sociale naissante, en particulier cellerelative au travail. La création en 1909 du Syndicatde la médecine sociale traduit ce phénomène. Faceau patronat, qui entend gérer de façon autonome lapolitique sociale, ce groupement lutte aux côtés dessyndicats ouvriers pour faire respecter les lois surles accidents du travail et l’hygiène industrielle.Initialement composé de médecins socialistes, lemouvement va prendre de l’ampleur grâce à l’appuidu syndicat médical de l’époque, l’USMF. Dessyndicats de médecine sociale se créent dans lesgrandes régions industrielles, le Nord, la régionlyonnaise, la Seine ; ils se fédèrent en 1909 etadhèrent à l’USMF pour « diffuser la médecinesociale dans le corps médical ».

Rapidement, ce phénomène évolue vers un soutiengénéralisé du corps médical à la politique socialequi se met en place. En 1913, l’USMF préconiseune « évolution évidente et nécessaire versl’assurance maladie, service d’Etat » en faveur delaquelle elle multiplie les appels.

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Cela appelle deux remarques :

en premier lieu, on constate que les médecins,conscients des aspects politiques et sociaux deleur profession, devancent les pouvoirs publics,qui ne se saisiront réellement de la question desassurances sociales qu’en 1921 ;

cependant, dans le même temps, la médecineaffirme son attachement à la pratique libérale,créant par là un système unique en son genre :exercice libéral/couverture sociale, alternative aumodèle public réclamé quelques décenniesauparavant. On peut pourtant considérer que cetteattitude revenait pour le corps médical del’époque à se défausser de la moitié du problème(l’accès aux soins) sur l’Etat. Les contraintes neseront perçues que beaucoup plus tard, à traversles négociations de tarifs conventionnels.

On voit ainsi la majorité des médecins, entant que citoyens responsables, chercher àsolvabiliser les pauvres par l’interventionde l’Etat. Mais ils veillent en tant quecorporation, à maximiser leur gain. Ils neprennent aucun risque personnel dansl’aventure. En fait, la meilleure façon demaximiser les gains des professionnelsconsiste à disposer de dispensaires pour lespauvres, dans lesquels des médecinstravailleraient à temps partiel pour disposerd’un salaire fixe et d’une protection sociale.En complément, ils s’engageraient dans unepratique privée orientée vers des patientssolvables ; pour cette catégorie, ilslaisseraient jouer les lois du marché. Lapratique à l’acte est la plus adaptée aumarché. Car théoriquement le prix estchaque fois le fruit d’une négociationponctuelle, tenant compte de la compétence,de la notoriété, etc.

Un rôle résiduel d’ajustement

La médecine sociale sort amoindrie desaffrontements des années 1920-1930 autour desassurances sociales. Dans le contexte libéraldominant, qui valorise la « médecine del’individu » et dénonce la « médecine socialetutélaire, sans âme, remplie de paperasserie », lamédecine sociale devient un contexte largementvidé de sens, qui a une connotation péjorative et sedéfinit d’abord en négatif.

Selon les cas, l’expression désignera• tout ce qui n’est pas la médecine de famille ;• la médecine pratiquée dans une sorte de mutualité

à bas prix ;• la seule médecine préventive1.

Il est possible que la médecine sociale soiten partie responsable de cet aspectrébarbatif. Le cantonnement dans desrubriques spécifiques ou des publicsdéfavorisés induit presqu’automatiquementcette position de rejet. Notre souvenirpersonnel de la médecine scolaire corroborecet aspect fragmentaire, rapide, peu humainde la médecine sociale dans les années 60.Ceci justifie pleinement le choix d’unemédecine intégrée longitudinale et globale.La meilleure façon de valoriser laprévention, c’est de l’intégrer au curatif.

Cet état de fait s’accentuera dans les années 1960-1970. La médecine sociale, échappant au prestigecroissant de la médecine libérale comme de lamédecine hospitalière prendra de plus en plusnettement un caractère résiduel dans l’organisationsanitaire.

Le développement du plateau technique hospitalieret l’amélioration de l’image de marque desétablissements hospitaliers et de la carrièrehospitalière soustraient l’hôpital du domainecharitable et misérable. Le secteur hospitalier quittealors le champ de la médecine sociale.

Mais ce secteur ne quitte pas l’intérêt despolitiques, car il est visible, c’est un grandbâtiment doté d’un réel prestige. Et aussi,parce qu’il est source d’emplois qualifiés(santé et gestion) et non qualifiés(hôtellerie). Les communes veulent leurhôpital, comme elles veulent leur piscine etleur salle multisport.

La situation actuelle, deuxsecteurs d’activité plus que deuxmodèles

Certes, un modèle est par nature une constructionthéorique. Mais force est de constater qu’ici ledécalage est énorme entre chacun des modèlesenvisagés et le fonctionnement concret tant de la

1. En ce compris,la médecine du

travail etscolaire, laprotection

maternelle etinfantile, mais

aussi parextension la

médecine conseilet contrôle.

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médecine libérale que de la médecine sociale. Onest en réalité en présence de deux champs nettementdifférenciés de la pratique médicale hors del’hôpital.

Une répartition explicite ou tacite des rôles partagele terrain : la médecine libérale se charge des soinsde ville, la médecine sociale gère la prévention,l’éducation, les soins des exclus des assurancessociales. Ainsi, une ligne de partage très claire sedessine, la médecine libérale produit les servicesmédicaux de ville marchands, la médecine sociale,publique ou privée, les services non marchands.

A ceci près qu’un type de structure de la médecinesociale vient troubler ce jeu de rôles : les centresde santé qui produisent des soins marchands àdestination des assurés sociaux. D’où leur positionmaintes fois délicate vis-à-vis des représentants ducorps médical libéral qui les perçoit comme desconcurrents directs des cabinets libéraux.Pourtant, nous avons pu montrer que cette concur-rence, exacerbée dans les discours, ne se vérifiepas forcément sur le terrain. Dans les Hauts-de-Seine, un département qui présente comme toutela région parisienne un nombre conséquent decentres de santé, on a observé par exemple que cesderniers étaient implantés dans des communes àdominante ouvrière et de personnel non qualifiétandis que les cabinets libéraux, de spécialistes enparticulier, se trouvaient dans des communes où lapopulation diplômée et les cadres supérieurs étaientplus présents.Cette concordance entre le type d’organisation dessoins et les caractéristiques socio-démographiquesde la population, significative à propos de servicespersonnels de proximité, révèle plutôt une sorte decomplémentarité entre ces deux modes deproduction, un partage de marché plus qu’unecompétition intense.

Ce texte pose très correctement la questionde l’existence de nos centres de santé(maison médicale) dans le paysage sanitaire« belgicain ». Il y donne malheureusementune réponse totalement inacceptable à nosyeux, un secteur ambulant tripartite :

1. des services préventifs et pour exclus dela sécurité sociale ;

2. une médecine libérale de ville (etvillage), tant spécialisée que généraliste àdestination de la population solvable ;

Aperçu historique du débat entre médecine libérale et médecine socialisée

3. des centres de santé pour les populationsmodestes, mais assurées.

Notre projet est strictement unifié, il supposedes centres de santé intégrés (CSI) pourtoute la population. De Schaerbeek à Uccle,de Tilleur à Embourg et de Marchienne àLoverval. Le modèle que nous développonsnous paraît assez souple et adaptable poursatisfaire tous les types de public.

Il va de soi que le succès de ce projetdépendra pour l’essentiel de l’accueil quelui feront le public et les professionnels.Nous savons que la population est dansl’ensemble assez favorable à notre modèlepuisque partout où nous avons pu le tester,il a reçu une réponse favorable des patients-usagers. L’accueil des professionnels enparticulier des médecins généralistes estplus mitigé. Nous pensons que ladésinformation joue un rôle non négligeabledans ces réticences. Ainsi probablement quele désir de reconnaissance sociale desprofessions les plus « prestigieuses ».

Eléments de conclusion

L’histoire de la pratique médicale en ville montreque l’exercice libéral n’est pas la seule formepossible d’organisation des soins, forme naturelleou neutre. Au contraire, on a pu constater desmouvements de va-et-vient entre le modèle libéralet plusieurs variantes d’un modèle que l’on peutqualifier de socialisé parce qu’il repose sur unegestion collective...

La médecine sociale n’a eu dans la réalité qu’unrôle mineur, en marge du système dominant, lesystème libéral, duquel elle dépend.

Cela est particulièrement vrai pour le calculdu forfait à la capitation en Belgique qui sebase sur des prix (nomenclature) et desvolumes de la médecine à l’acte. Audemeurant, le modèle des CSI, s’opposeautant à la médecine libérale à régulationmarchande qu’à la médecine bureaucra-tique à régulation politico-administrative.N’oublions pas que le schéma de notreauteur est tripartite. Les CSI sont pris entredeux modèles mais ont pour projet de garder

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financement des soins

de santé primaires au

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LE

FORFAIT

2. Une dose demarché, mais ce

que fera lemarché c’est

diminuerl’accessibilité des

soins auxpauvres.

3. Et en Belgique,avec l’hypothèse

du « managedcare ».

4. Dont leprincipe d’équité.

les avantages de ceux-ci sans lesinconvénients.

En particulier, tant que la médecine libérale nepouvait trouver dans la société les moyens de sonexistence, la médecine sociale a eu sa place dansles discours ou dans les faits. Mais la « bonnesanté » réelle ou apparente du modèle libéral afortement réduit ses prérogatives, essentiellementà l’application de la politique sociale. Cependant,le système de santé est aujourd’hui en crise, dontle secteur de la médecine de ville.

Aujourd’hui, le contexte économique incite, oudevrait inciter, les acteurs du système de soins àfaire évoluer le système. Les analyses globales dusystème de santé, du point de vue des économistes,sont très rares...Soit on attribue la croissance des dépenses de santéà l’insuffisance des mécanismes d’incitationtraditionnels de régulation de l’économie, etl’objectif est alors d’introduire une dose suffisante2

de ceux-ci pour parvenir à maîtriser le système.Derrière la simplicité du principe, cette positionentraîne en France3 une transformation fondamen-tale... qu’il ne faut pas nier dans la mesure où elleinduirait une remise en cause des principes quiprévalent depuis un demi-siècle au moins4...

Ceci montre qu’une crise peut conduire soitvers un mieux soit vers un pire, selon lacapacité des acteurs vertueux et compétentsà orienter le changement dans le « bon »sens ou non.

Mais il devient encore plus clair que les acteursd’un tel système, en particulier les professionnelsqui sont au cœur de la connaissance médicale et dusystème d’information, ne peuvent restertotalement indépendants, ils doivent rendre compteà la société de l’utilisation faite de ses fonds...

Les représentants actuels du corps médicalrefusent dans les faits toute analyse médico-économique de l’efficience de leurs actions.

Cette fois, l’économie est indissociable de lapolitique, parce que si les contraintes definancement ont rendu nécessaire d’économiser lesystème, la très forte dimension sociale du secteurde la santé interdit une régulation purementéconomique.

Cela est évident et pourtant de nombreuses

tentatives d’améliorer le système de soinsvia le marché sont élaborées dans le mondeentier, cela à l’instigation de pseudo-expertsinternationaux ruminant sans fin leurvulgate libérale.

Là encore, ces analyses font largement écho auxphases importantes de l’histoire du système de santédans lesquelles l’articulation du politique et del’économique était essentielle.Au centre de cette articulation se trouve un agentéconomique spécifique, l’Etat,...

La question de l’Etat est justement posée.Pourtant rappelant à notre aimable lecteurle débat entre Jean Ziegler et Régis Debray,nous concluions, alors, que l’état réeln’était pas à la hauteur de l’idéal de safonction.

In fine, cet article débouche sur des interrogationssur le rôle de l’Etat et suggère les limites del’analyse économique à ce sujet. S’il apparaîtaujourd’hui que l’on ne réussit pas à concevoirthéoriquement une régulation du système de santé,n’est-ce pas que la question est mal posée, que l’onest enfermé dans une logique de régulationmarchande qui ne convient pas ou pascomplètement à cet objet d’analyse ?

On ne peut mieux conclure. ●

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C A H I E R

L’histoire de la médecine et des soins de santédepuis le 19ème siècle est intimement liée auxévolutions de la société capitaliste et au rôle et audéveloppement de l’état providence en Europe.

Avant l’apparition de la sécurité sociale, l’offre desoins libéraux est limitée à une clientèle plus oumoins aisée, solvable, les classes populaires ayantle plus grand mal à accéder aux soins.A côté de la « médecine de ville » et de cliniquesprivées se sont donc développés des hôpitauxreligieux ou publics ou mutuellistes et desdispensaires pour indigents.

● Soins de santé : offre publique, offre privée

L’émergence dans la conception des rôles de l’Etatde mécanismes de sécurité sociale comprenant pourles ouvriers des indemnités et un accès aux soinsva modifier cette situation.L’apparition de la sécurité sociale modifieradicalement les conditions de solvabilité de lapopulation en finançant les soins. En quelque sorte,sur un « marché » des soins, l’Etat socialise lesressources et redistribue, mais garde aux dépensesleur caractère libéral, comptant sur la main invisibledu marché pour réguler les coûts, ce qui est uneimpasse.

Le corps médical, soucieux de son autonomieprofessionnelle, campe sur ses positions deprincipe : libre choix du médecin, libertéthérapeutique, liberté des honoraires.Le système conventionnel médico-mutualiste,destiné à assurer un niveau tarifaire fixe, ahistoriquement connu bien des conflits et ne s’estjamais complètement imposé aux médecins.L’idée d’une offre publique de soins n’est pas neuvecomme en témoigne la création d’hôpitaux oupolycliniques régulés par les mutuelles ou par lescommunes (CPAS).En ce sens, même au sein du financement à l’acte,il existe un conflit idéologique entre les acteurs :les uns voulant garantir l’accès du plus grandnombre aux soins en créant une offre et en imposantune sécurité tarifaire, les autres posant le principed’une autonomie professionnelle comme étant legarant des intérêts des malades, régulée par lemarché et s’opposant à toute organisation efficiente.

Cependant, le fait pour cette offre publique defonctionner sur le même mode de financement

introduit d’une part une concurrence avec le secteurlibéral et d’autre part les mêmes dérives en ce quiconcerne la surproduction d’actes.

Les principaux conflits médico-mutualistes del’après-guerre (dont entre autres les questions de« ticket modérateur » et de son exigibilité) reposentsur cette divergence et cette concurrence.

Historiquement, en Belgique, le secteur médicals’est imposé comme opérateur de l’offre de soins,reléguant autant que possible les initiativespubliques dans des activités purement préventivescomme l’ONE, la lutte contre la tuberculose, etimposant un cloisonnement vertical.

● Le forfait : émergence du concept

Le concept de payement forfaitaire comme modede financement et moyen de contrôler les dépensesest déjà inscrit dans l’arrêté du Régent de 1945. Ilsera repris par le congrès des Mutualités socialistesen 1950.H. Fuss1 commente l’instauration du régime AMI(assurance maladie invalidité) en ces termes :« L’engagement que nous avions pris, dèsl’instauration de l’AMI, d’appliquer une libertéabsolue de choix du médecin, pharmacien etc., sanscontrepartie, a été un marché de dupe. Aprèsréflexion, nous avons proposé une solution : lamédecine à l’abonnement».

Le principe du forfait est finalement inscrit, danssa forme actuelle, dans la loi Leburton de 63 quivisait à financer ainsi un certain nombre d’hôpitauxsocialistes2. Sept tentatives ont eu lieu durant lesannées 64 et 65, minées par des conflits internesau sujet du ticket modérateur, entre établissementsde soins et les médecins membres des chambressyndicales qui y travaillent.Le forfait à cette époque comprenait les honorairesdes spécialistes et les frais de fonctionnement,calculés sur une base historique.

La nouveauté dans les années 70 est l’émergenced’un nouveau courant d’idée représenté par leGERM et les premières maisons médicales,préconisant le transfert des fonctions gérées defaçon hospitalo-centriste vers une première ligneessentiellement représentée par la médecinegénérale et souhaitant une autre manière d’exercerque le secteur marchand.

Acte ou forfait ?Petit historique d’une confrontation

1. Cité par M.Van Dormael in

Cahiers duGERM 133,

décembre 79

2. Voir M. VanDormael,

in Cahiers duGERM, idem.

Pierre Grippa,médecingénéraliste

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financement des soins

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Il est clair que l’on se trouve alors en présence« d’un petit morceau de secteur privé, structuréautrement »3.Ce secteur travaille durant des années à laréalisation de ses objectifs dans le système à l’acteet ne voit pas d’objections à ce mode definancement, étant donné l’absence d’alternative.

● Autre financement, autre philosophie

Cependant, au fil du temps et des réflexions,certaines maisons médicales élaborent de plus enplus les concepts qui soustendent cette volontéd’une « autre médecine ». Ainsi émergent comme

ensemble à la mise en commun de nos savoirs-faireavec le patient).

Dans ces conditions, le mode de financement àl’acte, privilégiant le colloque singulier (sansdimension collective), la nomenclature curative(n’intégrant pas la prévention, la globalité et lepsychosocial) et l’intervention ponctuelle (sanscontinuité) se révèle, pour certains, de plus en pluscomme un obstacle à la réalisation optimale desobjectifs sanitaires poursuivis.

Il se crée donc un groupe de travail pour essayerd’élaborer un mode de financement alternatif à

3. Voir LucCarton,

intervention aucolloque de la

Fédération ,« santé et

gestion », 1992.

4. Soinsaccessibles,

globaux,continus,

intégrés, fonctionde synthèse et

communication.

des critères de qualité d’une première ligne d’êtreaccessible, globale, continue et intégrée. Sesfonctions essentielles seront d’être l’interface entrele système professionnel de santé et la population,ce qui mène au concept d’un rôle polyvalent, desubsidiarité et d’échelonnement, de circulation del’information et à celui de fonction de synthèse.

Le concept de soins de santé primaires, développépar l’OMS depuis Alma-Ata, rejoint et renforcecette conception qui implique également un travailcollectif des travailleurs de santé, allant de lapluridisciplinarité (on se coordonne entrediscipline) à la transdisciplinarité (on travaille

bonnant, le maintient d’une certaine concurrencepar rapport à l’acte.Il existait donc un groupe de prestataires depremière ligne, demandeurs de l’application de lalégislation autorisant le payement forfaitaire decertaines prestations, sans demande des politiques.Il restait à faire accepter le principe par lesmutuelles et l’INAMI, et à trouver des modalitéspratiques de calcul et de fonctionnement.

La méfiance des interlocuteurs vis-à-vis du groupedemandeur et l’absence de « solution historique »comme en 65 a conduit à rechercher des critères« objectifs ». Une des conditions était l’absence

l’acte. Différentessolutions sont envi-sagées dont leforfait à l’abonne-ment et le forfait àla fonction. Finale-ment, c’est l’optiondu forfait à lacapitation qui ren-contre le mieux leso b j e c t i o n srelevées.Ses qualités étaientsa bonne adapta-tion à nos critèresde qualité4, laconnaissance et ladélimitation de lapopulation cou-verte, la possibilitépour le patientmécontent desanctionner lesystème en se désa-

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totale de surcoût de la solution envisagée, ainsi quel’absolue impossibilité de soigner les malades àl’acte en abonnant les biens portants. C’est ainsique le calcul, particulièrement défavorable, étaitbasé sur les coûts engendrés pour l’INAMI par lesconsommations de l’ensemble de l’effectif assurédans trois secteurs curatifs (médecins généralistes,infirmières, kinésithérapeutes) possédant unenomenclature. Les prestataires travaillant dans uneéquipe au forfait ne peuvent exercer ailleurs uneactivité à l’acte ni percevoir de ticket modérateur.Par la suite, sous la pression du comité del’assurance, cette règle à été modifiée, créant unticket modérateur « exigible » mais forfaitaire.Actuellement, ces montants ne sont pas exigés carcela créerait un biais vers le non-abonnement desgens peu malades qui se verraient ainsi pénalisésainsi que la maison médicale.

Ce règlement ne correspond donc pas à un réelfinancement global d’une structure alternativeayant des coûts particuliers liés au fait de remplirdes fonctions non rémunérées par l’acte curatif.Au départ, des équipes volontaires ont reconvertileur activité à l’acte en inscription des patients auforfait. En général, on peut constater que l’adhésionet la fidélisation des patients à été remarquable.Toutes ont connu un développement important.Ensuite certaines ont été à la base de la création denouvelles équipes d’emblée au forfait.

● Perspectives

Actuellement vingt équipes sur quarante sixmaisons médicales ont opté pour le forfait.

Pour d’autres équipes, restées à l’acte, ce problèmedu mode de financement ne semble pas ou peuimportant, soit que leur mode d’organisation actuelleur donne satisfaction, soit que leur pratique nesoit pas gênée, voire favorisée, par l’acte par rapportà un règlement très contraignant au forfait (parexemple, zones à forte mobilité de population), ouencore que l’effort demandé pour changer desystème soit plus important que les bénéficesenvisageables.

En conclusion, on pourrait dire que le forfait actuelest loin d’être idéal. Il est un moyen d’améliorer le

fonctionnement local d’une structure, là où c’estpossible. A ce titre, entre des maisons médicalespartageant les mêmes objectifs, c’est une questionde moyen de financement, et non une questionidéologique.

Par contre, si les pouvoirs publics veulentdévelopper et orienter une politique de santé enversla population, la définition, la répartition des tâcheset leur financement deviennent des questionscritiques face à une partie de la corporation quirésiste à toute mesure capable d’améliorerl’efficience du système. Mais les pouvoirs publicssont-ils aujourd’hui prêts à développer une tellepolitique ?Si le niveau fédéral avance certaines réponses enproposant la gestion des données au niveau dugénéraliste et des pistes pour un échelonnement,cela reste timide face à l’ABSyM (Associationbelge des syndicats de médecins) qui fait barrage.Sur le plan régional, l’existence d’un décretconfiant certaines missions aux maisons médicalesconstitue un pas vers leur reconnaissance publiquecomme secteur de santé à part entière.

La question est de savoir si les maisons médicalesavec leur analyse et leur fonctionnement peuventet veulent être une avant-garde dans la promotiond’une politique de santé basée sur des soins de santéprimaires performants.

Acte ou forfait ?

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Après le débat sur médecine sociale etlibérale, voici le débat sur médecine àl’acte et au forfait.

Pour l’éclairer, nous nous baserons surun texte de Monique Van Dormael paruen 1979. Nous tenterons de souligner lespoints forts de cette analyse. Nousétablirons aussi ce que treize ans depratique forfaitaire a permis de testerdes hypothèses émises a priori.

A cet égard, il ne faut pas oublierqu’aucune maison médicale nereprésente un CSI (centre de santéintégré) accompli dans toutes lesdimensions prévues par les experts duGERM (groupe d’étude pour uneréforme de la médecine). Il n’estd’ailleurs pas certain que cela soitregrettable.

Introduction

1. Le « forfait » est une notion vague ; les formesconcrètes qu’on peut lui donner varient selonles objectifs qu’on se fixe ;

2. Le « mode » de rétribution des soins devrait êtrepensé en fonction des objectifs de l’organisationmédico-sanitaire ;

3. Le mode de paiement à l’acte est inadéquat pouratteindre ces objectifs ;

4. D’autres modes de financement (forfait1,abonnement2) pourraient permettre de mieux lesatteindre, sous certaines conditions.

Mode de paiement et politique desanté

L’enjeu essentiel du mode de rétribution desprestataires de soins est de favoriser unedispensation des soins la plus efficace et la plusefficiente3 possible pour la santé des cotisants etcontribuables.

Plutôt que de préjuger sur d’éventuelles économiesou dépenses supplémentaires, nous posons laquestion dans les termes suivants : à supposer quel’on consente à dépenser une somme définie pourles soins de santé, celle-ci sera-t-elle mieux utiliséesi l’on remplace le système de paiement à l’actepar un autre mode de paiement ? Ou encore, quelmode de paiement incite le plus à dispenser dessoins de qualité ?

La question posée est celle de l’efficiencemaximale ou recherche du meilleur rapportqualité/prix. A cet égard, il est importantde remarquer que ne rien faire a souventun bon rapport qualité/prix, puisque le prixest nul. Nous noterons d’abord que ladivision par zéro est interdite et que, d’autrepart, le rôle des services de santé estd’améliorer la situation sanitaire et non dela laisser en l’état. Entre deux rapportsqualité/prix égaux, il faut choisir celui dela qualité la plus élevée. Pour des rapportsinégaux, on est quand même parfois amenéà choisir la qualité la plus élevée mais alorssur base de critères externes.

L’inadéquation du paiement envigueur

Un problème, lié surtout à l’absence de délimitationde la population, entraîne des conséquencesdommageables à plusieurs niveaux :• la fonction de synthèse de l’ensemble des

informations « santé » ne peut pas être assuréevalablement ;

• la continuité des soins est rendue très fragile ;

Paiement à l’acte, au forfait, àl’abonnement :vingt ans de controverses belges

Monique VanDormael.

Texte paru dansles Cahiers du

Germ -1979 ;133 : 1-38.Commentaires dePierre Drielsma,

médecingénéraliste

1. Le texte deMonique Van

Dormael fait iciréférence au

forfait à lafonction qui a été

abandonné parles maisons

médicales lors dela négociation en1980-1981.(ndlr)

2. Il s’agit de ceque les maisons

médicalesappellent forfait(ou capitation).

3. Une action estefficace si elle

atteint sesobjectifs. Elle est

efficiente si elleles atteint aux

moindre coûts.Si l’on veut

rapprocher untabouret et un

piano, pousser lepiano est

efficace, maispousser le

tabouret estefficient.

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C A H I E R

Paiement à l’acte, au forfait, à l’abonnement : vingt ans de controverses belges

• la prévention collective s’avère difficile puisqueles besoins prioritaires ne peuvent être établisavec précision ;

• la responsabilité sanitaire, tant du personnel desanté que des usagers, reste floue.

En ce qui concerne la délimitation,l’expérience nous montre que la capitationfournit une délimitation encore imparfaite(même si elle s’avère déjà très supérieure).En effet, il existe une viscosité dans lesystème forfaitaire qui fait qu’il existe unretard à l’inscription mais aussi un retardà la désinscription.Concrètement, cela signifie que des patientsacquis à l’idée de la maison médicale nes’inscrivent que lors d’un épisode morbide.Mais aussi que des patients déjà désincritsdans leur tête (ou ayant déménagé)n’effectuent les mesures administratives quelors d’un problème de remboursement àl’acte.Toujours à propos de la délimitation, onremarquera que le forfait à la fonction nepeut être considéré comme une voie pourla délimitation ; au contraire, ce mode definancement dans le cadre concurrentielactuel ne pourrait qu’ajouter à la confusion.

Le système à l’acte incite à privilégier les actesremboursés sans qu’ils ne soient nécessairementrentables sur le plan sanitaire. La responsabilité àl’égard d’une collectivité, nécessaire à une véritableintégration des soins telle que nous l’avons définie,n’est pas rétribuée. Des activités préventives quine relèvent pas d’actes techniques, telles quel’éducation sanitaire individuelle et collective oula surveillance de l’environnement sont pénaliséesfinancièrement. Le caractère ponctuel des servicesrémunérés est en contradiction avec la notion decontinuité.

Paradoxalement, on ne voit guère uneexplosion préventive dans les maisonsmédicales au forfait. On observe que laprévention de type vétérinaire4 s’en trouveaméliorée et quantifiée5. La raison souventévoquée est la croissance du nombred’usagers qui génère une activité curativerédhibitoire.

Les taux de rémunération en vigueur favorisent parailleurs les actes techniques aux dépens d’une

approche plus globale. Ceci est vrai pour lesmédecins généralistes mais aussi pour les« paramédicaux » auxquels aucune activité autreque l’exécution technique n’est reconnue.

Un aspect qui n’était guère envisagé, c’estl’effacement de la nomenclature : lesinfirmières en particulier disposent dans lecadre forfaitaire de la possibilité de priseen charge psychosociale ou médicalechronique. Les kinésithérapeutes ne sontplus enfermés dans une réglementationtatillonne de nombre de prestations.Chez les généralistes, l’acte technique n’estjamais très rémunérateur.

Les alternatives théoriques :l’acte, le forfait et l’abonnement

Si le système de paiement à l’acte en vigueur enBelgique est inadéquat pour rétribuer les soins debase, cela ne signifie pas qu’il existe un systèmeidéal.

Nous dirions même qu’il n’existe pas desystème idéal, mais il existe peut être unsystème optimal, c’est-à-dire qui dispose dela meilleure solution mathématique auproblème de la maximisation des qualitéset à la minimisation des défauts.

En réalité, la manière dont est appliqué un systèmepeut entraîner des conséquences parfois aussiimportantes que le système en soi. Unaménagement du système à l’acte, même s’illaissait la plupart des contraintes structurelles enplace, pourrait sans doute déjà apporter desamélioration appréciables (par exemple, l’assortird’une inscription et revoir fondamentalement lanomenclature de manière à ne pas pénaliser lesactivités préventives). Encore faudrait-ilexpérimenter de tels réaménagements avant de lesgénéraliser.

Théoriquement, il existe trois systèmes de base :la rétribution à la vacation (ou à l’acte), larétribution à la fonction et la rétribution à lacapitation (système capitation où l’unité de soinsest rétribuée en fonction du nombre d’abonnésauxquels elle assure des soins)6.

4. Ce terme n’asous notre plumeaucun caractèrepéjoratif, il s’agitde préventioncollective, où laparticipation del’individu estmodeste.

5. Lesvaccinations, enparticulier contrela grippe.

6. Dans lapratique, onrencontre souventdes systèmesmixtes (le systèmeutilisé enBelgique est leforfait à lacapitation purepour leskinésithérapeuteset infirmières,mixte pour lesgénéralistes :capitation pourles consultationset visites,vacation pour lesactes techniques).

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financement des soins

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LE

FORFAIT

Nous le répétons, les modalités concrètes ainsi quele terrain d’application de ces systèmes déterminenten grande partie leurs avantages et inconvénients.Ainsi, si l’on reproche couramment au système àl’acte de favoriser une multiplication desprestations coûteuses, c’est surtout depuis que cesystème est appliqué sur un marché rendu solvablepar l’instauration de l’AMI (assurance maladieinvalidité) et le principe des conventions.

Le système à la fonction ou forfaitaire inciteraitplutôt à une sous-production de soins, dans lemesure où les revenus des prestataires sontindépendants de la quantité de soins. Sans doutedavantage que dans les autres systèmes, lesavantages et inconvénients du « forfait » découlentavant tout de la responsabilité que couvre larémunération.

Le système à l’abonnement (capitation7) sembleêtre le plus favorable à la qualité de soins de basetelle que nous l’avons définie, tout au moins sur leplan théorique.

En effet, il engage une responsabilité continue del’unité de soins vis-à-vis des abonnés individuels ;les prestataires de soins ont intérêt à ce que leursinterventions soient efficaces, y compris lesactivités préventives qui, dans ce cadre, ne sont paspénalisées. Ce système permet par ailleurs dedélimiter clairement la population dont l’unité desoins de base a la charge et donc d’engager saresponsabilité à l’égard de cette population et nonseulement à l’égard d’une somme aléatoired’individus ; ceci est essentiel pour pouvoir intégrerefficacement la prévention collective dans les

activités de l’unité de soins de base et de développerune politique de santé publique locale au départ deces unités.

Il n’y a rien à ajouter au sujet de cesmerveilleuses considérations. Si ce n’est quepour établir une politique de santé publiquelocale, il est nécessaire que l’équipe du CSI*en prennent suffisamment conscience et quedes ponts soient jetés entre le CSI et lesautres intervenants locaux ce qui est toutsauf évident tant du chef des travailleursdu CSI que des partenaires locaux.

Ce système engage aussi davantage la responsa-bilité des usagers ; ceux-ci pourraient êtredavantage incités à faire part de leurs critiques etsuggestions à l’unité de soins de base et ainsi àpermettre à celle-ci de mieux répondre aux besoins.La possibilité de désinscription (corollaire du« libre choix » dont le principe est maintenu mêmes’il est réglementé et engage davantage laresponsabilité du patient) oblige d’ailleurs, dansune certaine mesure, l’unité de soins de base àassurer des soins dont les usagers soient satisfaits :toute inscription retirée signifie en effet uneréduction dans les revenus.

La prédiction de Monique Van Dormaels’est complètement réalisée, la désinscrip-tion (ou sa menace) est utilisée comme modede régulation par le patient. Ce qui prouveque certains ont bien compris la valeuréconomique de leur abonnement. Par contretous ne comprennent pas d’emblée que lepaiement est complètement indépendant des

7. Systèmeforfaitaire réaliséen Belgique !

*CSI = centre desanté intégré.

Préconisé par lesexperts du

GERM, il s’agitd’un modèle

d’unité de soinsde base.

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Paiement à l’acte, au forfait, à l’abonnement : vingt ans de controverses belges

actes prestés par l’équipe de soins. Ceux-là continuent à supposer que le contact faceà face est indispensable pour valoriser notrerémunération.

Mais, comme pour tout autre système, l’applicationd’un tel modèle comporte des risques de déviationspar rapport aux objectifs que l’on veut atteindre etaux fonctions que l’on veut voir assurer. Desmécanismes de régulation et de contrôle8

s’imposent par conséquent.Elle impliquerait par ailleurs une expérimentationpréalable sur une petite échelle et une évaluationrigoureuse.

Le forfait dans la loi du 8-4-1965(modifiée par la loi Moureau de 94)

La loi du 8/4/1965 abroge l’art. 29 § 4 de la loi du9 août 1963 sur le forfait et introduit un article 34 terlibellé comme suit :

« Des accords prévoyant le paiement forfaitaire desprestations peuvent être conclus entre lesorganismes assureurs et les dispensateurs de soinspratiquant les tarifs d’honoraires de la conventionou de l’engagement.

Les parties concernées par un accord forfaitairedoivent respecter les dispositions qui régissent leursrapports dans le cadre de la présente loi.

Le Comité de gestion du Service des soins de santéélabore, après avis de la Commission nationale deconvention compétente ou de la Commissionnationale médico - ou dento-mutualiste, les règlesselon lesquelles ces accords sont conclus et établitles normes suivant lesquelles la charge des forfaitsest répartie entre les organismes assureurs.Les accords concernant le forfait sont conclus ausein d’une commission présidée par lefonctionnaire-dirigeant du Service des soins desanté ou par son délégué, et composée par desreprésentants des organismes assureurs d’une partet les dispensateurs de soins visés par l’accordd’autre part. Ils sont soumis à l’avis du Comité degestion du Service des soins de santé et àl’approbation du Ministre de la Prévoyance sociale.

La composition et les règles de fonctionnement dela Commission visée à l’alinéa précédent sont fixéspar le Roi. La conclusion finale de l’accord n’estacquise que si le vote réunit les 2/3 des organismesassureurs. L’accord ainsi conclu engage tous lesorganismes assureurs ».

Le ticket modérateur

Parmi les questions soulevées à propos du forfaitfigure, on s’en doute, le problème du ticketmodérateur. La Commission à la Chambrerappellera l’interprétation à donner à la notiond’exigibilité. Elle ajoutera que « Tous reconnaissentcependant qu’il est raisonnable de garantir la libertéen ce domaine... Etant donné que l’interventionpersonnelle de l’assuré ne doit pas être liée a priori

8. On parlemaintenantd’assurance dequalité. Cedistinguo n’estpas anodin.

Qu’est ce qu’une petite échelle ?Aujourd’hui, plus de quarante millepersonnes bénéficient du cadre forfaitaire.Des évaluations ont lieu chaque année pourl’INAMI. Certes, ces évaluations sontimparfaites et incomplètes. Elles nesemblent pourtant montrer aucunedéviation majeure telle que : sousconsommation abusive, référence accrue endeuxième ligne, sélection des risques.

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financement des soins

de santé primaires au

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LE

FORFAIT

au mode de rémunération du médecin ou depaiement de l’institution de soins, la Commissionreconnaît qu’il est important que la loi ne mettepas d’obstacle à la conclusion d’accords générauxou particuliers au sujet d’une interventionpersonnelle, même forfaitaire éventuellement, del’assuré »9.Le texte de la loi restera volontairement vague :« c’est à la Commission médicomutualiste qu’ilappartient de fixer le cadre dans lequel ce problèmepourra être résolu »10.

Un ticket modérateur exigible (= facultatifdans le chef du prestataire !) a été institué(100 Frs/an/personne avec maximum 500francs/an/foyer).

Le nouveau texte signifie-t-il que des accordsforfaitaires peuvent être conclus avec desdispensateurs de soins individuels ? La réponse àcette question est floue après lecture des débats :

M. Brouhon : « D’aucuns prétendent que les‘dispensateurs de soins’ ne doivent pas comprendreles institutions de soins parce qu’une institution desoins ne dispense pas les soins elle-même ; ce sontles médecins qui y travaillent qui ‘dispensent lessoins’. Or, les accords forfaitaires sont prévus, enordre principal, en faveur des institutions desoins... ».Réponse de M. Leburton : ... « Lorsqu’on dit‘dispensateur de soins’, il va de soi que lorsqu’ona élaboré les textes précis cela visait les institutionsde soins. Il n’y a d’ailleurs pas de terminologieconsacrée à ce sujet et ‘dispensateur de soins’comporte évidemment les institutions de soins.D’ailleurs, le texte n’aurait pas de sens si on n’avaitpas inclus dans les mots ‘dispensateurs de soins’les institutions de soins car avec qui aurait-on établiun régime forfaitaire ? »11.

C’est d’ailleurs le cas actuel. Seule lamaison médicale a un numéro INAMIforfaitaire, mais elle déclare périodique-ment les prestataires qui y travaillentforfaitairement. Le droit de la maisonmédicale est cependant lié à un prestatairede chaque discipline au moins.

Qui fixe les règles du forfait ?

Enfin, on a posé le problème de savoir à qui ilrevient de fixer les règles pour l’établissement des

conventions forfaitaires. La loi en donne lacompétence au Comité de gestion après avis de laCommission médico-mutualiste (et infirmier-mutualiste, et kiné-mutualiste) actuellement del’assurance.

M. Leburton a précisé qu’il s’agissait bien de...« conditions objectives. Il est entendu que le rôledu Comité de gestion du Service des soins de santéest de définir les conditions applicables à toutesles institutions et non pas de déterminer au gré descirconstances ce que peuvent être les conditionsdu forfait. Cela vaut tant en ce qui concerne lecontenu que les règles pour l’obtenir »12.

Le refus des mutualités socialistes est motivé parle fait que, dans cette proposition, le ticketmodérateur serait exigé pour les consultations.En conséquence de cette impasse, lerenouvellement des engagements n’est pas discutéet la Fédération Wynen annonce l’application d’uneaugmentation de 25 % sur les honoraires. Endernière minute, on reporte l’échéance du premierjanvier au 7/1/1966.

Le 7/1/1966, on frôle un accord sur le forfait :provisoirement, on maintiendrait les anciennesbases de calcul pour le forfait mais aucune nouvelledemande ne serait acceptée tant que les nouvellesrègles ne sont pas fixées ; d’autre part, un droitd’entrée de 30 francs, remboursable (parmutualisation ou réassurance), serait prélevé danstoutes les institutions de soins bénéficiant ou nondu forfait - ceci afin d’éviter toute concurrence« matérielle » entre les institutions de soins. Maisune « divergence de vues se produisit sur lesmodalités techniques de perception du droitd’entrée dans les institutions. Les médecins et lesmutualités, à l’exception des mutualités socialistesétaient d’avis que paiement et remboursementdevaient se confondre en cas de réassurance ».

Ce point est intéressant. On peut le lire dela façon suivante :

Les hôpitaux privés et catholiques nesouhaitaient pas subir la guerre des prixdes hôpitaux socialistes ;Ce droit d’entrée n’existe pas pour leforfait de première ligne car les chambressyndicales représentant essentiellementles intérêts des spécialistes hospitaliersse moquent éperdument de la guerre desprix subie par les médecins généralisteslibéraux.

9. Doc. Chambre974/11,

pp. 40-41.

10. M. Leburtonà la Commission

du Sénat,Doc. Sénat 264

(1964-1965),p. 11.

11. Ann.Chambre, 16/3/

1965, p. 30.

12. Ann.Chambre, 16/3/

1965, p. 30.

1.

2.

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Santé conjuguée - janvier 1998 - n ° 346

C A H I E R

Possibilité d’avenir

Alors que l’INAMI est en pleine crise, n’est-il pasplus que temps de songer à utiliser plusefficacement les ressources limitées dont elledispose et de se fixer comme cadre de référenceune politique de santé cohérente ? N’est-il pas plusque temps d’éclairer aujourd’hui les choix quidevront être faits demain en tirant les conclusionsd’expérimentations locales ?

Deux risques d’égale importance guettent l’INAMI.Le premier est que l’on poursuive la politique ducourt terme en se limitant à chercher des solutionsbudgétaires immédiates. Le second est que l’onintroduise précipitamment des modificationsmajeures dans l’organisation des soins sans être enmesure de préjuger de leurs conséquences tantbudgétaires que sanitaires.

L’instauration d’un autre mode de paiement que lesystème à l’acte doit être, si elle ne veut pas secondamner à l’échec, une opération qui s’inscritdans une politique de santé, c’est-à-dire quienvisage simultanément les objectifs santé que l’onveut atteindre et les moyens financiers que l’onutilise à cet effet. Elle ne peut se contenter d’êtreune opération financière.

Cela est toujours vrai. Il est heureux que laFédération des maisons médicales aie unepolitique de santé (elle est bien seule,hélas !). Il est amusant de comparer la finde l’article de Monique VAN DORMAEL etcelui de Mme Ferrand-Nagels : tous lesdeux stigmatisent le court terme etsouhaitent des réformes en profondeur tantdu côté de la médecine sociale (socialisée)que du côté des mode de paiement. Etpourtant le cheval « Etat » renâcle devantl’obstacle.

Les Etats démocratiques occidentaux sont-ilsfrappés de langueur réformatrice, ou alors lesintérêts en jeu sont-ils si puissants que toutchangement en est obéré ?

Paiement à l’acte, au forfait, à l’abonnement : vingt ans de controverses belges

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LE

FORFAIT

Le forfait des maisons médicalesDescription du fonctionnement

Remarque préliminaire : nous allonsessayer de décrire concrètement ce quedonne au quotidien la pratique durèglement forfaitaire dans une maisonmédicale, celle de Forest. Certaineschoses sont certainement traitées defaçon différentes dans d’autres équipes.

Le règlement

Les principes du forfait négocié entre lesorganismes assureurs, les maisons médicales etl’INAMI sont les suivants.

Il s’agit d’un forfait à la capitation, c’est-à-direqu’il sera payé pour chaque individu qui a signéun contrat d’abonnement et qui est en règle demutuelle.

C’est un contrat entre trois parties :

le patient qui s’inscrit auprès d’une maisonmédicale et qui s’engage à faire appel à celle-ci ;la maison médicale qui s’engage à donner lessoins ;la mutuelle qui s’engage à payer le montant desforfaits.

Il couvre les secteurs de la médecine générale, dessoins infirmiers et de la kinésithérapie.Pour la médecine générale, font partie du forfaitles avis, consultations, visites, et prestationsd’urgence. Ne font pas partie du forfait les actestechniques.Pour les infirmier(e)s et les kinésistes, tous les soinssont inclus dans le forfait.Si la maison médicale a passé une conventionforfaitaire pour ces services, tous les patientsinscrits le seront pour tous les services, sanspossibilité d’abonnement partiel.

Les prestataires de soins qui s’engagent au forfaitne peuvent plus faire d’attestations de soins donnéspayées à l’acte en dehors d’urgences. Desexceptions sont prévues pour les centres deplanning et les centres pour toxicomanes. Leraisonnement suivi par l’INAMI est d’empêcher

que les prestataires ne puissent soigner à l’acte lesplus malades et encaisser les forfaits des biensportants !

Le forfait est ventilé en trois catégories :1. les assurés ordinaires ;2. les VIPO sans remboursement préférentiel ;3. les VIPO avec remboursement préférentiel.

Récemment, la catégorie VIPOMEX a été créée.

Le calcul du montant se fait par la division desdépenses constatées par l’INAMI pour cesprestations au plan national, divisées par l’effectifdes bénéficiaires (donc hors ticket modérateur).Actuellement, l’effectif des bénéficiaires estramené à 90 % en raison de l’existence de « non-consommateurs structurels » de soins de premièreligne.

Ce forfait est majoré de 10 % en raison del’existence d’un biais de recrutement socialentraînant une surmorbidité. Les maisons médicalesdoivent prouver tous les deux ans l’existence de cebiais. Une autre majoration de 10 % est accordéesous condition que l’INAMI constate un gain parpatient inscrit en ce qui concerne la biologieclinique, la radiologie et les hospitalisations parrapport à la population globale.Il est également tenu compte de la tendance (trends)des consommations, et des tarifs actuels, lesdonnées n’étant disponibles que tardivement.

Le paiement par la mutuelle de ces dépenses augroupe de prestataires de soins implique quel’INAMI n’intervient plus auprès de ces patientspour des prestations effectuées à l’acte concernantles trois catégories de prestataires.La maison médicale s’engage à fournir l’ensembledes prestations prévues dans le forfait à l’intérieurd’une zone géographique qu’elle détermine.Dans cette zone, si un abonné consulte un médecin,kinésiste ou infirmier(e) en dehors de la maisonmédicale, il ne sera pas remboursé.S’il fait appel à un service de garde organisé, c’estla maison médicale qui rembourse l’attestation. Ilen est de même si c’est la maison médicale quiprescrit un soin qu’elle ne peut fournir.La maison médicale est obligée de rembourser lessoins donnés pour ces secteurs en dehors de la zonecouverte (cas des vacances par exemple) puisquele montant de ses soins lui a été payé.

Pierre Grippaavec la

collaboration deBéatrice De

Coeneet Marie-France

Bouillon

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C A H I E R

Le forfait des maisons médicales. Description du fonctionnement

Toute rupture d’assurabilité suspend le paiementdu forfait. L’hospitalisation supérieure à un moissupprime le paiement pour le(s) mois concerné(s).

Pour tout ce qui est des prestations spécialisées,le patient continue à fonctionner à l’acte commeavant.

Lors de l’inscription, le montant du forfait est payépar la mutuelle au plus tôt le mois suivantl’inscription.Durant les trois premiers mois de l’inscription, ilest prévu de pouvoir prester à l’acte si le patient lesouhaite.Le désabonnement d’un abonné est possible à lafin de chaque trimestre calendrier (premier janvier,premier avril, premier juillet, premier octobre). Encas de désabonnement motivé (déménagement parexemple) le délai varie entre un mois minimum etdeux mois maximum.La maison médicale peut également désabonner unaffilié, mais dans ce cas toute la famille abonnéedevra être désabonnée.

Les montants actuels du forfait

Au 1/10/97, ces montants étaient par exemple pourForest :

- pour un assuré ordinaire : 271 Frs ;- pour un VIPO 75 % : 1068 Frs ;- pour un VIPO 100 % ; 2525 Frs.

Ces montants sont calculés pour chaque équipe enfonction de sa composition.Il existe en réalité un montant infirmier, un montantkinésithérapeutes et un montant médecin. Cedernier est différent pour un généraliste non recyclé,recyclé et accrédité, ce qui explique que les montantne sont pas identiques pour chaque équipe.

Sachant que, sous réserve de variation locale (quipeut être importante) la répartition entre cesgroupes est d’environ 80 % assurés ordinaires,10 % de VIPO 75 % et 10 % de VIPO 100 %, onpeut estimer qu’un abonné « moyen » représenteenviron 576 Frs par mois.Il est clair que dans un système forfaitairel’application d’un ticket modérateur à l’acte estdépourvue de sens. Le patient ne paye donc rien,ni à l’inscription, ni lors de ses consultations auprèsd’un membre de l’équipe au forfait.

Ce n’est certes pas un pactole si on se réfère auprix d’un acte (600 et 720 Frs actuellement),référence pour ceux qui ne connaissent pas leforfait.

En réalité, ce n’est pas le prix payé pour un abonnéqu’il faut envisager, mais bien le budget que produitl’ensemble de la population.En effet, il faut constamment se rappeler qu’il s’agitlà d’une moyenne dans une population ou le faitd’être malade va survenir de façon aléatoire,certains ayant besoin de beaucoup de soins, d’autresde très peu.Pour mieux se faire comprendre, on peut se direqu’une équipe qui aurait environ quatre milleabonnés, dispose d’un budget total de plus de vingtsept millions de francs, budget avec lequel on peutpayer une équipe dont la composition sera enfonction des demandes rencontrées le plus souvent.Elle comprendra des médecins, infirmières,kinésithérapeutes, mais aussi accueil,psychologues, assistantes sociales, secrétariat.Cette équipe réalisera par exemple environ dix huitmille prestations médicales, quatre mille prestationsinfirmières et quatre mille prestations kiné, chaqueabonné n’ayant pas besoin de soins tout au long del’année, ni de tous les services.

Ce financement répond à l’échelon local au principede solidarité entre malades et non malades, et auprincipe d’équité (plus à ceux qui ont plus debesoins).

En pratique

● Au moment de l’abonnement

L’application stricte et rigide du règlement nefacilite pas l’accès au système. Ainsi, lors d’unpremier contact (non-urgent) le nouveau patientdevrait s’abonner immédiatement, choisir l’optiontrois mois à l’acte pour pouvoir faire honorer lespremières prestations, et s’il ne choisit pas de resterabonné après cette période d’essai, se désabonnerau terme du trimestre. Ce n’est évidement paspratique du tout et crée une confusion chez lepatient à qui on explique le principe forfaitaire...pour lui faire payer ensuite à l’acte...

C’est pourquoi nous avons choisi une méthode plussouple. Toute personne qui vient pour la première

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FORFAIT

fois à la maison médicale est informée par l’accueildu mode de financement choisi par l’équipe. S’il aun médecin extérieur, il sera aiguillé vers lui ouvers un autre médecin. Si cela parait difficile uneconsultation de dépannage sera faite.S’il souhaite s’abonner, l’accueil remplit lesformulaires avec lepatient qui passe immé-diatement après à laconsultation.S’il souhaite réfléchiravant de s’abonner, nousacceptons jusqu’à troisdépannages. Au-delànous demandons aupatient, soit de s’abonner,soit nous lui donnons uneautre référence extérieureà l’acte. D’autres équipesont choisi des stratégiesdifférentes.Le manque à gagner estcertainement injuste enprincipe, mais minime enréalité par rapport aubudget global et permetde garder une fonctiond’ouverture et de convi-vialité avec la populationdu quartier, de ne pas fonctionner en ghetto.Les indépendants n’ayant qu’une couverture grosrisques n’ont pas accès au forfait. Nous leurproposons dès lors de payer eux-même un montantannuel et de bénéficier des mêmes soins que lesautres abonnés.

● Au moment d’un désabonnement

Le délai pour pouvoir se désabonner estcertainement trop long et pose des problèmes pourgérer cette période. Le patient est averti du fait qu’ilreste encore abonné durant une période. Il peut alorscontinuer à bénéficier de soins jusqu’à l’échéance.S’il ne souhaite plus faire appel à la maisonmédicale selon les conditions négociées avec lui,soit le patient prend en charge cette période, soitnous le remboursons (totalement ou partiellement).S’il s’agit d’un déménagement hors zone, nousprenons en charge les remboursements.De même, pour certains patients qui se sontdésabonnés, nous leur permettons de garder lapossibilité de continuer à voir un thérapeute qu’ilsjugent important à la maison médicale.

● Facturation

Le secteur administratif envoie chaque mois àchaque mutuelle le listing des nouveaux abonnéset des modifications survenues. Ce listing reprend,nom, prénom, date de naissance, adresse et code

mutuelle, etc. Ce listing est renvoyé avec lescorrections par les mutuelles. On envoie alors lafacture qui reprend toutes les données qui elle-même sera vérifiée et les non en ordre déduits. Cecine peut évidement se faire que par informatique.Aucun montant supplémentaire n’est alloué pourla charge de cette gestion administrative lourde.Les coordonnées des patients non en ordre sontmises dans une « liste des pas en ordre » en vued’une refacturation périodique, les mutuelles nesignalant pas systématiquement les remises enordre. Ceci constitue un problème majeur, carbeaucoup de patients ne sont à un moment oul’autre pas en ordre et certains montants ne serontjamais récupérés, la prescription sur les sommesdues étant de deux ans ce qui constitue, outre letravail complémentaire, une perte financièrechronique. Cela représente chez nous chaque moisenviron 10 % des montants facturés.

Toutes les équipes au forfait ont dû élaborer desstratégies pour palier à ce problème (à l’acte, c’estle patient qui se voit éventuellement nonremboursé). Certains considèrent que si le forfait

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n’est plus payé, les soins ne seront plus prestés ;pour d’autres (dont nous sommes) nous continuonsà les considérer comme abonnés en attirant leurattention sur la nécessité de se mettre en ordre ouen les accompagnant dans les démarchesnécessaires.

● Pour le patient

Pour le patient et le soignant, il n’y a plus deformalité à faire que ce soit en consultation, envisite, en urgence, en kinésithérapie ou au dispen-saire infirmier. L’ensemble des demandes est gérépar l’accueil qui occupe une place centrale et faitun travail d’information, de décodage etd’orientation. Les patients peuvent accéder parl’accueil à tous les membres de l’équipe. Chaquesoignant détermine avec le patient commentrésoudre au mieux le ou les problèmes qu’il pose.Cela permet par exemple un investissementimportant dans des situations aiguës ou dans lacoordination autour de cas difficiles. Inversement,certains contacts routiniers sans réel objectifpoursuivi, comme des renouvellements deprescription ont été diminués.Une large place est ainsi faite à l’élaboration, avecle patient, de ce qui va se passer et des mesuresutiles à prendre. Cette verbalisation modifie lecontenu des contacts et semblerait remplacer aumoins en partie l’échange financier.L’existence d’un contrat oblige et permet unéchange et un dialogue sur la façon de prendre leproblème en charge, entre les possibilités réellesde la maison médicale et les droits du patient àdemander des soins. Il est sûr que les possibilitésd’offre de soins jouent également un rôle auquelon doit rester attentif pour garantir la satisfactiondes usagers et garder une exigence de qualité.Pour les patients, un horaire avec un accès quasicontinu possible de 8h30 à19h permet d’être vu lejour même par son médecin, les rendez-vous étantproposés pour les prises en charges chroniques oules mises au point, ainsi que les visites à domicileen cas de difficultés de déplacement.

L’activité des kinésistes comporte les soins aux casaigus, mais également la reprise de contact régulier,pour renforcer les attitudes préventives avec lespatients ayant un problème récurrent.Les infirmières, outre les soins à domicile et lesdispensaires, gèrent les programmes de vaccina-

tion, les suivis de diabète et obésité, et le suivi decertaines familles à risque, ainsi que des actionssanté dans le quartier.

Le service social et la psychologue prennent encharge les problèmes psychosociaux les plus lourds.Un relevé est fait de tous les contacts, pour lesstatistiques, pour la facturation des actes techniqueset la mise à jour de la date de dernier contact quipermet de trier les dossiers qui deviennent inactifset pour prendre contact avec des groupe particuliers(vaccination, etc.).Un journal de la maison médicale est envoyéchaque trimestre à chaque famille d’abonnés.

Conclusion

En conclusion, le forfait actuel présenteénormément de contraintes réglementaires. Cescontraintes viennent de la volonté de l’INAMI desupprimer tout risque d’usage abusif du système,contraintes que ne connaît pas le régime à l’acte.Ces contraintes restent acceptables dans la mesureoù elles rencontrent également notre volonté deprise en charge globale, accessible, continue etintégrée pour lesquelles le forfait est un bon moyen.La gestion administrative est manifestementdésavantageuse pour les centres au forfait et génèredes surcoûts.

Les montants du forfait sont relativement peuélevés et nécessitent une rigueur budgétaire pourpouvoir dégager des marges de manoeuvre pourdes choix de politique du centre de santé.

Inversement, pour les patients et pour les soignants,le système forfaitaire est d’un grand confort àl’usage. Le forfait introduit pour les soignants unemodification de la grille de lecture de leurs activités.On peut réfléchir avec le patient en termes debesoins, d’objectifs, de résultats.L’accessibilité financière y est totale. L’équipe desoins est amenée à structurer son offre en fonctiondes engagements pris vis-à-vis de la populationabonnée. La distinction entre « curatif » et « noncuratif », « rentable » et « non rentable » devientsans objet, toutes les activité participant aux mêmesobjectifs. ●

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LE

FORFAIT

A la maison médicale Norman Bethune, nousfonctionnons « à l’acte ». Périodiquement, nousplongeons sur la balance à soupeser avantages etinconvénients de l’alternative : continuer à l’acteou passer au forfait. La question se pose le plussouvent lors d’un « couac » lié au paiement à l’acte.

● Qu’est-ce qui nous dérange dans le paiementà l’acte ?

Dans notre pratique (il en ira autrement chezd’autres soignants), un reproche majeur que nousadressons au système actuel est de favoriser leshopping médical. Le quartier pullule de praticienset de polycliniques. Si nombre d’entre eux exercentsainement, ce n’est pas le cas de tous. Ladistribution généreuse de prescriptions et dedocuments administratifs « à la demande » sans réelsouci de santé est banalisée au point que les« clients » se choquent si l’on tente d’analyser leurdemande. « Je veux un scanner, un antibiotique,dix boites de ce médicament que le CPASrembourse et il faut me mettre sur la mutuelle » ouencore « Le professeur a dit que je devais avoir uncertificat médical pour ces dates (longue liste) »sont des commandes que l’on nous glisse entre deuxconsultations : « Docteur, vous n’allez pas me faireattendre mon tour pour ça... ».Stupéfait qu’on s’inquiète des circonstances decette demande, il n’est pas rare que l’usager tourneles talons, fâché. Qu’à cela ne tienne, il trouveraaisément son bonheur : les panneaux « cabinetmédical » de trois mètres de long sur un mètre dehaut sont à la mode.

Parmi d’autres, ces exemples illustrent les méfaitsde la concurrence entre praticiens pléthoriquesconjuguée à un usage irrationnel de la liberté dechoix laissée à l’usager. Les effets pathogènes du« libre marché » ainsi conçu peuvent être dramati-ques voire mortels. Une mère de famille encorejeune est morte d’un cancer intestinal. Elle s’étaitprésentée chez un grand nombre de médecins, seplaignant de constipation. Obnubilée par la quêtedu bon laxatif, elle n’a jamais entamé de suivi chezun même praticien. Jusqu’au jour où, trop tard, soncancer a été décelable à l’examen clinique...

On pourrait développer jusqu’à plus soif l’analyse« illustrée de cas » des dysfonctionnements dusystème qui raniment chez nous le débat du forfait.

Nos critiques ne se situent pas sur le plan de ladéfense professionnelle ou de l’intérêt privé. Ellesreprésentent un constat « de terrain », un relevé desobstacles qui entravent la réalisation de notreobjectif de santé.Voici ces obstacles, relevés sur « notre » terrainavec ses spécificités, sa population, son contextebien défini :

l’absence de garde-fou à la liberté de choix desusagers : le shopping médical que nous avonsesquissé ;l’absence d’échelonnement : variante dushopping ;l’absence de garde-fou à la liberté thérapeutique :associée à la concurrence (exacerbée par l’offrepléthorique) et à l’incitation financière àmultiplier les actes, la liberté thérapeutique sansfrein laisse libre cours à des pratiques peusoucieuses de la santé ;les difficultés d’accès financières et culturellesaux soins (population d’origine non belge à plusde 80 %, peu favorisée, souvent analphabètefonctionnelle) ;la difficulté à construire un projet de santé, àremplir des fonctions de synthèse, decommunication, d’évaluation et de recherche : lapratique à l’acte abandonne ces tâches à la bonnevolonté du soignant individuel et n’incite en rienune élaboration collective pourtant bien plusefficiente.

● La solution est-elle dans le forfait ?

A priori oui. Et pourtant... Reprenons la liste denos griefs.

dans un système au forfait, l’inscriptionrationalise la liberté de choix des usagers sans labrimer : les effets néfastes du shopping médicalsont amortis. L’usager choisit une structure ouun praticien avec lequel il partagera la gestionde santé, quitte à se désinscrire s’il est mécontent.Au moins, les choses sont claires. Toutefois cequi est souhaité ici est l’inscription , qu’onpourrait envisager sans la coupler au forfait.

l’absence d’échelonnement n’est que partielle-ment corrigée par le forfait : si la désignationd’un soignant de référence facilite la discussiondes renvois en seconde ligne de soins et lacentralisation des données, le patient reste librede consulter les spécialistes de son choix sans

Une maison médicale à l’acte regarde leforfait par le petit bout de la lorgnette

Axel Hoffman,médecin

généraliste.

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C A H I E R

relier ces consultations via le référent ou l’eninformer ;

la liberté thérapeutique n’est pas modifiée par leforfait, mais la suspension des pressionsconcurrentielles peut désinfecter le parasitage liéaux jeux de séduction du soignant et auxchantages de l’usager ;

l’accès aux soins est gratuit dans le forfait.Toutefois, il existe d’autres moyens d’assurer unaccès financier aisé : la pratique du tiers-payanten cas de détresse financière, la collaborationavec les CPAS, etc. ;

d’autre part, même si cet élément est interprétableen sens divers, le rapport symbolique lié au gestede payer l’acte est perdu dans le forfait (laconscience d’avoir déjà payé via les cotisationsde solidarité n’a pas la même portée) ;

la difficulté d’élaborer un projet de santé...Le forfait permet de délimiter sa population, seuilliminaire de toute activité de santé publiqueperformante. Ici encore, c’est surtout l’inscriptionqui est visée. Mais au delà de la délimitation, leforfait ouvre des possibilités d’action. Via lepaiement global des activités et les choix derépartition des revenus à l’intérieur de l’équipe,il favorise le financement des activités non liéesà l’acte (prévention, gestion du dossier,recherche...). Toutefois, la répartition des revenusdans un système de pooling est possible à l’acte.Certains projets de santé peuvent également fairel’objet de subsidiations ponctuelles.

Revenons alors à notre question. Oui, le forfait estune réponse possible à nos critiques de l’acte. Maisd’autres voies sont possibles : l’inscription desusagers, l’échelonnement, la rétribution du travailnon curatif, l’accessibilité accrue sont des pointsde politique de santé qui peuvent se matérialiserhors forfait.

L’alternative change donc de visage.Soit continuer d’utiliser des moyens « de remplace-ment » comme nous le faisons et « militer » au planpolitique pour l’inscription, l’échelonnement... sanscertitude de les obtenir.Soit passer au forfait maintenant parce que c’est laseule manière actuellement de rencontrer noscritiques... tout en sachant que le forfait n’est pasqu’une réponse négative : il modifiera notre

pratique dans le sens d’une plus grande efficacitéet d’une plus grande satisfaction.

Ceci est évidemment un survol rapide et extérieurde la question et, à considérer les équipes travaillantau forfait, nous avons le sentiment qu’il apporteencore bien d’autres choses (ouvertures en santécommunautaire, etc.). Nous ne l’avons envisagéque sous l’angle « émietté » de nos critiques ausystème actuel. C’est par ce bout de la lorgnetteque la question s’impose dans notre équipeaujourd’hui.

● Qu’est-ce qu’on attend pour se décider ?

Il suffirait de retourner la lorgnette pour faire letour de la problématique... Mais l’équipe n’est pasprête à faire le saut du forfait. Pourquoi ?

Passer au forfait remet en question un système quifonctionne. Il règne dans l’équipe l’intuition quecela impliquerait un rééquilibrage périlleux entreprojets individuels et projet collectif. La crainted’une menace sur notre convivialité et del’irruption du politique s’ajoutent aux problèmesde communication de groupe pour retarder sanscesse le débat.

Au grand soulagement de tous (?), notre contextespécifique présente un faisceau d’entravestechniques à passer au forfait sous sa formeactuelle.La principale : 50 % de notre population active aplus de soixante ans. C’est dire que le nombre deVIPO est insuffisant pour assurer la viabilitéfinancière du forfait à Norman Bethune. Pourtant,n’est-ce pas dans une structure dont 40 % de lapopulation a moins de vingt ans que la préventionet le travail communautaire seraient le plusnécessaires...

Une maison médicale à l’acte regarde le forfait par le petit bout de la lorgnette

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financement des soins

de santé primaires au

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LE

FORFAIT

BénédicteRoegiers,médecin

généraliste.

A propos du paiement à l’acte à la maisonmédicale du Maelbeek

Le paiement à l’acte est ce qu’il est, avecses avantages, ses inconvénients et sescontradictions. Il est celui que nouspratiquons actuellement, mais il ne nousdéfinit pas pour autant.Que permet-il sur le plan de la politiquede la santé à l’échelon local ?Ce qui existe l’est-il grâce à lui ? Ce quimanque, est-ce à cause de lui ?Un mode de paiement peut-il être renduresponsable de réalisations ou de non-réalisations ?

Nous n’aimons pas les généralisations ; nous avonssimplement réfléchi aux niveaux auxquels il noussemble pouvoir intervenir.Dire que les travailleurs de notremaison médicale fonctionnent unique-ment au paiement à l’acte serait erronési on le conçoit comme un échanged’argent entre patient et prestataire. Cen’est vrai que si l’on considère lepaiement à l’acte de l’INAMI parrapport au travailleur.

Ce mode de paiement a commeavantage que nous le connaissons.Ce n’est pas (seulement) par immobi-lisme que nous ne sommes pas(encore ?) « passés au forfait » (seraitce le contraire de « passer à l’acte ? »),mais la balance de nos analyses,contacts et coups de sonde successifsn’a pas jusqu’à présent penché dans unsens favorable à ce nouveau fonction-nement. Loin de nous l’idée dedénigrer l’un pour encenser l’autre.

Le paiement à l’acte, avec possibilitéd’adaptation des tarifs (33 % despatients ne paient pas un tarif normalconventionné), et de recours au tiers-payant pour les personnes en difficulté(jusqu’à 20 % de nos actes), voire degratuité pour les personnes nonprotégées, nous semble être une garan-

tie de cette accessibilité qui nous est chère ; sansêtre pour autant synonyme à priori d’une image degratuité qui reste selon nous facteur dedéresponsabilisation.Le risque de surconsommation induite par lesprestataires par envie de gagner plus ou peur degagner moins, nous semble être évité par un soucid’autonomie des patients, par un intérêt pour unemédecine efficace et efficiente, par une envie devalorisation de nos actes (qui passe par le fait dene pas appeler acte médical - ou kiné - ou infirmier,ce qui n’en est pas un), et par le fait enfin que nousne désirons pas augmenter notre quantité de travail.Autodiscipline, autoévaluation et responsabili-sation nous semblent être autant de garanties denon multiplication et d’adéquation des actes (cequi n’est en rien particulier aux maisons médicales).

En ce qui concerne la (sur)consommation endeuxième ou troisième ligne, elle dépend plus de

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la fidélisation du patient, de la confiance mutuelleet de la compétence éclairée d’un praticienresponsabilisé.Une des réalités de notre pratique est le recoursdirect encore trop fréquent aux services de gardedes hôpitaux, aux spécialistes et au « changementd’épicerie ».Le système à l’acte nous semble être une manièreplus douce et plus respectueuse de la liberté dupatient de faire connaissance avec les avantagesde la médecine de première ligne et de lafidélisation (surtout pour certaines populations).Il n’empêche pas l’organisation d’une procédured’inscription pour favoriser cohérence, efficienceet continuité. Mais il empêche actuellement touteévaluation des patients qui vont voir ailleurs, leforfait permettant au minimum un regard sur ladésinscription ; d’où la question de transmissiondu dossier si on ne sait pas que le patient ne vientplus et où il va...

L’éducation à la santé et la prévention sont pournous d’autres soucis constants. Les intégrer auniveau du colloque singulier ne dépend pas d’unmode de paiement. Tout ce qui déborde ce cadre etn’est donc pas « rentable financièrement » dépendde notre souci de pratiquer une médecine intégréede qualité, ce qui est facilité par les subsides qu’ilnous revient de gérer dans ce sens. Le système auforfait permet probablement de dégager davantagede temps et d’énergie dans ce sens, et à tous lesniveaux de compétence.

Les maisons médicales sont encore méconnuespour beaucoup de gens, même politiciens, parfoismême confrères.Cette méconnaissance peut-être source de blocagespar simplification ou diffusion de contrevérités. Sepositionner actuellement dans un mode definancement connu peut éviter des incompré-hensions supplémentaires.Sans y être indifférents pour autant, nous nepouvons pas dire que nous sommes actuellementpassionnés par la question du mode de paiement.Nous désirons continuer à y réfléchir en lui laissantla place qui lui revient, sans lui demander de fairenotre travail ni de répondre à nos questions sur« La Santé, pour qui, comment, pourquoi et avecqui ? ». ●

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financement des soins

de santé primaires au

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FORFAIT

Nous voudrions, au travers de l’observation et durécit de ce que fut l’aventure du forfait pour lamaison médicale à Forest, essayer de tirer des traitsprobablement communs aux difficultés rencontréespar tous pour progresser dans la voie d’un centrede santé pratiquant réellement des soins de santéprimaires, de qualité, c’est-à-dire, accessibles,globaux, continus et intégrés.

Nos équipes ont pour beaucoup d’entre elles connuune période de financement à l’acte, précédant lechoix du forfait. Elles peuvent donc témoigner dufonctionnement à l’acte, des attentes mises dans leforfait, des difficultés rencontrées pour réaliser cepassage, ainsi que des modifications induites parce nouveau mode de financement.

Cette perception est certainement différente pourceux qui ne connaissent que l’acte et craignent leforfait, ou pour ceux qui ont créé une maisonmédicale d’emblée au forfait, ou encore pour deplus jeunes praticiens qui sont rentrés dans uneéquipe qui fonctionne déjà au forfait et qui n’ontpas connu l’acte.

Une équipe très classique audépart

Notre équipe a commencé, comme la plupart, surune initiative de généralistes et d’une kinésiste.Tout le monde au départ étant indépendant et bienentendu à l’acte.C’est le cas de figure le plus fréquent parmi lesmaisons médicales créées avant 85, bien quecertaines équipes ont eu un autre mode defonctionnement, comme par exemple un poolfinancier d’emblée.Cela nous a permis d’observer des caractéristiquesde ce fonctionnement et d’expliquer la maturationde notre démarche vers le forfait.

Pour être bref, on pourrait caractériser l’actecommeun mode de payement (bien) conçu pourdes prestataires isolés exerçant essentiellementdes actes curatifs.

Le payement à l’acte est centré sur une demande etdonc l’épisode de soins. Ceci constitue une qualité,

limitant le risque de surconsommation par lademande du patient. C’est aussi une méthode facileet souple qui individualise le montant de laprestation à la quantité de travail effectué.

Il n’en est pas moins vrai que le seul moyen pourun praticien de modifier ses revenus dans unsystème où le tarif est fixe, est d’agir sur le volume.Le revenu de chaque praticien est individualisé(c’est lui qui est « honoré » ou rétribué) et favorisel’individualisme et l’absence de partage financierdans une équipe. Ce revenu est continu, au jour lejour, et ne favorise pas la planification et

Dix ans d’expérience du financementforfaitaireExamen critique des conséquences du mode de financement au travers de l’expérience de lamaison médicale de Forest

l’évaluation de besoins.Il privilégie la relation, déjàaffectivement forte, avec le« noyau dur » de la patien-tèle, au détriment de l’atten-tion portée aux « petitsconsommateurs ». C’est àce titre un système narcissi-quement auto-satisfaisant.Il ne permet pas d’identifierles limites de la population qui consulte ni deconnaître les motifs pour lesquels quelqu’un revientou ne revient plus, ce qui limite fortement laresponsabilité du prestataire en matière deprévention, de fonction de synthèse et de continuité.

Au niveau de l’équipe de soins, il favorise lecloisonnement des disciplines et met en évidencela capacité du généraliste à « absorber » lesspécificités des autres professionnels (appelésparamédicaux) en fonction des recettes potentielles(concurrence interne) et donc à médicaliser lesproblèmes.

Il permet enfin à chacun de fonctionner librement,sur base d’un consensus implicite sur les objectifspoursuivis avec les autres membres de l’équipe.Dans ce cas, la notion d’équipe peut se limiter à lamise en commun de moyens matériels.

L’acte est donc très peu exigeant sur le plan de lastructuration interne, ce qui peut être perçu commeun avantage en terme de confort personnel, maisest certainement un handicap en terme d’objectifs.Seul le curatif étant nomenclaturisé et doncremboursé, il y a risque d’inflation dans ce domaine

« Le système à l’acte incite àprivilégier les actes remboursés sans

qu’ils ne soient nécessairementrentables sur le plan sanitaire...

Le caractère ponctuel des servicesrémunérés est en contradiction avec

la notion de continuité ».M. Van Dormael.

Pierre Grippa,médecin

généraliste

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au détriment d’autres fonctions (comme laprévention, la gestion des données et la fonctionde synthèse).

Dans notre équipe, le constat le plus sûr était quelorsque la structure est alimentée par desprélèvements sur des honoraires individuels, il esttrès difficile de sortir du fonctionnement curatifclassique.Toutes les ressources provenant d’une nomen-clature de soins curatifs prestés à l’acte par desindividus dont cela constitue le revenu, toutinvestissement dans un projet est, dans ce cas, perçucomme trop cher, ou se faisant au détriment durevenu du travail individuel.

Notre équipe, dans la cohérence de ce mode defonctionnement, était arrivée à postulerl’autofinancement à l’acte de chaque secteurdisposant d’une nomenclature et à minimiser le pluspossible les frais d’accueil, de psychologue et deservice social, jugés « non rentables » finan-cièrement. La pression mise à la rentabilité pourdévelopper une pluridisciplinarité, et donc à laproduction d’actes était vécue comme difficilementsupportable.

Engager des travailleurs pour réaliser concrètementune équipe pluridisciplinaire capable de fournir dessoins globaux, continus, intégrés était dès lors unedifficulté majeure.

Première crise de croissance« Passer d’objectifs implicites à un programme explicite »1985, année du pool

Face aux limites atteintes dans le développementde la structure dans le cadre du financement à l’acteet des tensions créées entre partisans dudéveloppement et partisans du statut quo, (lamaison médicale a alors sept ans) l’équipeentreprend alors une réflexion approfondie sur sespropres finalités et parvient à se mettre d’accordsur l’importance de réaliser à coté du « curatif »1

un travail « non-curatif »2 qui était jusqu’alorsmilitant.Le constat d’un fonctionnement peu collectif etinsuffisamment pluridisciplinaire est également faitpar l’équipe par rapport à ses objectifs.La décision est prise par l’équipe de passer au poolfinancier global, c’est-à-dire de centraliser toutes

les recettes pour les redistribuer ensuite, dansl’optique du passage au forfait au premier janvier86.

Cette décision me parait fondamentale, plus encoreque le choix du forfait comme mode definancement, parce que, en inversant la circulationde l’argent redistribué depuis un pool global, oncrée les conditions pour avoir des marges demanoeuvre pour développer une politiquecollective explicite.On rompt avec le sentiment de frustration quegénère la ponction répétée de revenus individuels.Par contre, on déplace l’exigence d’une« rentabilité » du niveau individuel au niveaucollectif.

La masse financière étant identique les revenus dechacun et en particulier des médecins ont étédiminués, non sans difficultés, mais les choixd’engagement de fonctions nécessaires à réaliserdes objectifs sont devenus explicites.

Ce passage de l’implicite à l’explicite etl’augmentation de la contrainte sur chacun queconstitue l’organisation collective représente unpassage de tension voire de crise non négligeable.On peut comprendre que des équipes qui nefonctionnent pas trop mal dans le modèle décritplus haut hésitent ou renoncent à passer ce capdifficile qui peut remettre en question la stabilitéd’une équipe.

Le passage au forfait

Les avantages théoriques du forfait apparaissentassez clairement.Un premier argument porte sur l’autonomie dupatient. Le malade se trouve en situation de perted’autonomie par rapport au soignant. Dans lesystème forfaitaire, l’intérêt du soignant comme dumalade est de résoudre ou tout au moins trouverdes solutions qui permettent une reprise del’autonomie. A l’acte, la reprise d’autonomiemarque la fin du payement. Consciemment ou non,cela a une influence.

Concernant le contrôle du coût des soins de santé :au forfait, l’enveloppe est connue et aucune dériven’est possible, il n’y a pas d’incitant à lasurconsommation. A l’acte, si le prix est connu, le

Dix ans d’expérience du financement forfaitaire

1. Il s’agissaitbien évidementdunomenclaturiséversus nonnomenclaturisédans le jargon del’époque.

2. C’est-à-diretout le travailorganisationnel,politique, depromotion de lasanté, etc.

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volume dépend du couple médecin-malade et lesystème se révèle inflationniste et encourage unesurconsommation éventuelle.

A priori, l’acte éviterait toute sous-consommation,l’intérêt du soignant étant de prester un acte.Cependant, ceci n’est que partiellement vrai si ontient compte des problèmes d’accessibilitéfinancière.Au forfait, il peut exister un risque de sousconsommation. Celui-ci est cependant limité parune accessibilité financière maximale (pasd’échange financier lors du contact) et par le contratqui comprend l’engagement de répondre à lademande de soins.

Le système à l’acte est fortement marqué par laconcurrence très vive entre prestataires,particulièrement dans un contexte de pléthore. Entémoigne que le détournement de patient est un desdélits les plus graves aux yeux de l’ordre.Au forfait, la pression de la concurrence estmoindre parce que l’un ou l’autre désabonnementne va pas changer beaucoup les recettes globales,mais elle existe car si globalement l’offre de soinsest insuffisante les désabonnements vont semultiplier. La notion de satisfaction de l’usager (etnon de l’exigence de l’un ou l’autre) est importante.

Le payement à l’acte n’est pas favorable à unéchelonnement optimal, ni au développementd’activités préventives.Au forfait, l’accessibilité de la première ligne étantmaximale la tendance « naturelle » est de passerd’abord par son généraliste. Celui-ci est égalementincité à faire de la prévention, privilégiant la santéà la maladie.La délimitation de la population permet de remplirde façon optimale la fonction de synthèse.

Cependant, l’équipe ne visualise que difficilementen quoi l’activité va changer dans la transformationdu financement de l’acte au forfait.

L’argumentaire des avantages d’un mode definancement forfaitaire décrit par l’équipe est engros le suivant :

le forfait, en sortant de la rigidité curative de lanomenclature favorise la « santé globale » et saprise en charge intégrée ;

le forfait permet de travailler plus en fonctiond’objectifs à atteindre en terme d’utilité etd’efficacité, plutôt qu’en terme de production.Cette modification permet de revoir deshabitudes de fonctionnement et de revoir lescontenus des contacts d’une façon différente ;

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la notion de contrat devrait favoriser l’adhésiondu patient aux choix de type de médecine quenous souhaitons. Il devrait faciliter une série denotions comme la titularisation et la stabilité dela relation au fil du temps, et donc réduire lenomadisme médical, si défavorable à l’obtentionde résultats ;

le forfait permet de connaître tous les individuscomposant la population qui se considèrentcomme pris en charge par la maison médicale etleurs caractéristiques, et donc de pouvoirs’adresser à eux pour leur proposer activement,sans crainte d’être taxés de racolage, desprogrammes, par exemple préventifs ou dirigésvers des groupes à risque ;

la délimitation de la population permet aussi depratiquer un recueil de données et de faire unemicro-épidémiologie locale ;

pratiquement, on sort d’un financement continudépendant de l’alimentation (in)constante d’unechaîne de production d’actes, avec les risquesde voir la pression du nombre d’actes à produiredénaturer la qualité du travail effectué.Corollairement, de voir des individus aux revenusinconstants devoir se porter garants de financerla croissance et donc des frais fixes enaugmentation constante ;

au forfait, seul compte le nombre de patientsinscrits pour assurer le financement de la maisonmédicale. Celui-ci hormis des mouvementsimportants d’abonnements ou de désabonne-ments sera constant.Inversement, le principe de la capitation(payement par nombre d’abonnés) permet à lapopulation qui serait mécontente de quitter lesystème et donc de sanctionner la maisonmédicale qui ne donnerait pas la qualité deservice attendue ;

le forfait permet et exige une plus grandesolidarité entre les membres de l’équipe quiprennent leurs distances avec la notion de« clientèle ou patientèle » pour aller vers uneprise en charge d’un ensemble qui compose « lapopulation inscrite ». Il faut redéfinir le rapportgain/charge de travail dans un processus où lamesure du travail n’est plus l’acte3.Cette difficulté était particulièrement aiguë chezles médecins peu habitués à mettre en communrevenus et patientèle;

dans les relations entre médecins etparamédicaux, outre les qualifications techniques

propres à chaque profession, il permetd’envisager un autre partage des fonctions et uneplus grande polyvalence.

Les craintes et les objections au sein de l’équipeétaient les suivantes :

est-ce que le forfait, liant les patients à unemaison médicale, ne limitait pas la liberté dechoix du patient : la crainte de voir les patientsrefuser cette proposition ;

est-ce que l’absence de ticket modérateur, ou departicipation personnelle du patient ne risquaitpas d’engendrer (chez le patient) une surconsom-mation et une déresponsabilisation ;

crainte aussi que la « gratuité » apparente nedévalorise nos soins aux yeux des patients, ouque des patients ne se sentent en « dette » vis-à-vis des thérapeutes ;

le forfait ne couvre que les soins curatifs demédecins, kinésistes, infirmières ; le problèmedes autres activités et le statut de ceux qui s’enoccupent reste entier (pas pire qu’à l’acte, maispas réellement financé) ;

crainte de ne pas réussir à expliquer et à fairecomprendre ce nouveau système et ses avantages;

crainte également de la charge administrative.

Consciente de ces avantages théoriques et malgréles objections, l’équipe choisit donc le forfaitcomme moyen de financement. Rappelons que leforfait n’a jamais été chez nous un objectif en soi,mais bien un moyen au service des objectifs deconstituer un centre de santé intégré.En bref : un moyen (mieux) adapté à une équiperecherchant, pour réaliser ses objectifs, unfonctionnement plus collectif et l’intégration desfonctions.

La date du 1 janvier 86 ayant été fixée, on a procédéd’abord à l’évaluation des moyens nécessaires pourfonctionner (sur base des budgets antérieurs).A partir de là, connaissant les montants par typed’abonnés AO (assurés ordinaires)/ VIPO 75/ VIPO100, et leur répartition dans la population(approximativement 80 %, 10 %, 10 %), il estpossible de déterminer le nombre minimald’abonnés nécessaire pour démarrer le passage auforfait.L’équipe s’est mobilisée pour se driller àl’explication du forfait et commence six mois avantla date à abonner les patients.

Dix ans d’expérience du financement forfaitaire

3. Cetteredéfinition a prischez nousinitialement laforme d’un tarifhoraire et d’unestandardisationdes durées pourles visites et lesrendez-vous.D’autres équipesont des recettesau forfait etrémunèrent leursmédecins àl’acte.Antinomie?

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On se rend compte alors que le groupe de patientle plus facile à abonner est le « noyau dur », c’est-à-dire le petit nombre de patients présentant desproblèmes importants et consultant (très)fréquemment. Il en résulte un « trou d’air »financier important.

On aura donc au départ un important biais derecrutement (plus de travail et moins de recettes),la population qui ne consulte qu’épisodiquement,voire pas du tout à certaines périodes, ne rejoignantles abonnés que beaucoup plus lentement. Or leforfait est calculé sur base d’une population quiserait aléatoirement allouée au centre. Ce n’est queprogressivement, après plusieurs années que leprofil des pathologies se rapprochera (sans jamaisl’atteindre) de celui de la population générale.

Cependant, les patients adhéreront rapidement ausystème et peu nous quitteront à cette époque.

Ce qui a changé

● Pour l’équipe

Le fait de se porter responsable pour l’ensembledes soins médicaux, kinésithérapeutiques et infir-miers nous a obligé à travailler sur l’offre de soinsnécessaire (en temps et compétence) et donc surl’organisation (ouverture de jour permanente, unseul planning des consultations et visites communà toute l’équipe, garde de nuit et de week-end).Le financement global de la structure, lié au nombrede personnes prises en charge a fait largementdisparaître le clivage rentable/non-rentable(l’accueil, les assistants sociaux, les psychologuesont une évidente fonction « rentable » en terme deservice et de soins) et est ressenti comme unfinancement de toute l’équipe et de ses choix.Il a permis (et obligé) de développer un importantsecteur d’accueil, qui est devenu actuellementvraiment une plaque tournante où se gèrent et setravaillent les demandes.Le forfait met également en valeur l’importancedes fonctions psychosociales, et leur rôle dans lasensibilisation et la formation des autresintervenants.Il nécessite également une infrastructure informati-que, et donc des gens pour la gérer, sans avoir definancement lié à cette contrainte.Le forfait permet de proposer aux travailleurs une

stabilité financière, un statut de salarié et donc unemeilleure couverture sociale avec l’élaborationgraduelle d’une grille barémique interne.Sur le plan qualitatif, une réflexion importante aété développée sur les fonctions spécifiques liéesà la qualification profession-nelle, et les fonctionsnon-spécifiques, dites poly-valentes partagées par tous,liées aux capacités relation-nelles et au décodage de lademande, ce qui nous aamenés à réfléchir en termede transdisciplinarité.Ceci est important pour notrespécificité de travailleurs depremière ligne. Ce processusest loin d’être terminé et seheurte a des difficultés(diminuer le poids desformations spécifiques, osermettre en commun)4.

Il permet de développer la promotion de la santépar des actions dans les écoles et auprès d’autresassociations du quartier.Il permet par exemple d’envoyer le journal « info-santé » (trimestriel) à toutes les familles abonnées,d’écrire aux plus de soixante cinq ans pour proposerla vaccination anti-grippe ou aux onze/douze anspour proposer le vaccin anti-rubéole ou anti-hépatite B.Il nous permet d’implanter une pratique deconsensus sur les prises en charge de différentsproblèmes type par des réunion régulières entresecteurs et de mettre en place un processus continud’assurance de qualité.

Elément négatif, il existe d’importantes difficultésdans les relations administratives avec lesorganismes assureurs.

● Pour les soignants

Le principal changement est conceptuel et celui-cicrée des changements de comportement.La vision de la population abonnée comme unensemble modifie considérablement la façon depercevoir notre action. A coté de la relation d’aideindividuelle toujours présente, la responsabilitécollective et donc le sens de démarches adresséesà toute la population est devenue inséparable del’aspect individuel.Le cadre de travail est devenu à la fois plus

« Le centre de santé doitfonctionner avec une équipe

intégrée, ce qui signifie une équipede travailleurs de santé agissantcomme un ensemble polyvalent.Une équipe intégrée se compose

idéalement de travailleurspolyvalents qui partagent, selon

leurs qualifications, uneresponsabilité commune pour tous

les problèmes de santé de lacommunauté ».

P. Mercenier

4. Ce travailsemble s’effectuer

sous le nomde « travailleur

collectif » àSeraing par

exemple.

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sécurisant et plus contraignant. La distance miseentre la fonction remplie et le revenu est à la foispositive en diminuant la pression et négative enceci que la source du financement est parfois perçuecomme allant de soi au détriment du sentiment deresponsabilité. On ne peut exclure une dérive versune « fonctionnarisation ». Ce qui oblige àretravailler constamment les objectifs poursuivis.

● Sur le contenu des contacts et des fonctions

Prendre du temps pour se coordonner à l’intérieurcomme à l’extérieur est devenu un acte faisantpartie intégrante du travail.Il est devenu normal de se réunir autour d’undossier, ou chez le patient pour évaluer les moyensà mettre en oeuvre.Une partie des contacts routiniers (renouvellementde prescription, par exemple) a été diminuée et segère au téléphone ou depuis l’accueil, au profit deconseils et d’un traitement plus approfondis de lademande et de son analyse.Des membres de toutes les professions participentaux activités de prévention. Par exemple, desanimations de salle d’attente par l’accueil, suivi de

familles à risque par les infirmières, campagnes devaccinations cogérées par les infirmières et lesmédecins, école du dos pour les kinésistes, etc.La spécificité des formations reste néanmoins unobstacle à la polyvalence qui s’obtient progressi-vement par un travail interne de discussions de cas,

intervisions et réunions de consensus.On est de toute façon loin du cadre restricitif quedéfinissait la nomenclature et nos possibilités sesont considérablement élargies.Des discussions entre un thérapeute et des famillesqui prennent du temps ne représentent plus unobstacle. De même des co-consultations entreplusieurs intervenants avec un patient sontdevenues courantes.

● Par rapport à la population et ses demandes

Les craintes de surconsommation se sontrapidement estompées, ce qui confirme que laconsommation de soins est plus liée à une morbiditéqu’à une envie de consommer. Contrairement àl’acte où l’on imagine que c’est le payement quirégule offre et demande, la régulation se fait icisans argent. Les mécanismes n’en sont pas évidentsmais une négociation entre la demande et le moyenle plus adéquat pour y répondre semble un élémentinitial des plus importants.En d’autres mots, on a l’impression (confirmée parles nouveaux abonnés) que dans le systèmetraditionnel, la demande commande l’action qui

débouche sur une solution, tandis que dans lesystème forfaitaire, le travailleur aborde plusdirectement la raison de la demande qui vadéboucher sur une proposition de solution quiconditionne ou non une action.L’aspect relationnel et l’accord entre le patient et

Dix ans d’expérience du financement forfaitaire

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financement des soins

de santé primaires au

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son thérapeute semblent devenir l’élémentprincipal, ceci dans le sens d’une prised’autonomie.

La relation contractuelle avec le patient ouvre unenécessité de dialogue réel, et parfois deconfrontation avec les droits du patient.En tous les cas, l’effet de fidélisation apparaîtcomme très important puisque la part dedésabonnement touche une frange de moins de10 % par an et a pour motif principal les déménage-ments. Cela nous donne en général une bonnevision synthétique dans la durée de laproblématique des personnes.Sans régulation financière, nous atteignons 75 %de consultations pour 25 % de visites à domicile.Un point noir est la chronicité de près de 10 % depatients pas en ordre de mutuelle pour lesquels leforfait n’est pas perçu.

La réglementation du forfait semble en général biencomprise et acceptée par les patients.L’engagement à offrir les soins nous oblige à nousorganiser collectivement de façon à avoir unepermanence d’accès importante. Il est possible quecela ait finalement un effet négatif sur latitularisation (avoir un thérapeute de référence) quireste pour nous un objectif important.En même temps, cela oblige à une meilleureutilisation du dossier santé unique, puisqu’il peutêtre utilisé à tout moment par un autre, dans lequelsont reportées toutes les interventions de tous lesintervenants intérieurs et extérieurs.

On peut également relever les difficultésoccasionnées par certaines demandes que nous necouvrons pas (homéopathie, etc.) et certains besoins(kinésithérapie uro-gynécologique, etc.).Difficultés également parfois avec les secteurspayants au sein de la maison médicale(psychologue, dentiste, gynécologue, etc.),coexistence pas toujours bien comprise et ressentie.

En conclusion

Après dix ans d’expérience forfaitaire, nouspensons que personne dans l’équipe n’imagineraitde retravailler à l’acte, les changements qualitatifsdépassant les contraintes réglementaires.Malgré ses limites dues au financement des seulssecteurs médecine générale, infirmières et

kinésithérapeutes, le forfait s’est rapidementimposé comme un financement sûr et stable detoute la structure. Il a permis de prendre consciencede l’importance et de la qualité du travail fournipar tous les intervenants dont l’accueil, le secteurpsychologique et le service social font partieintégrante.

La lourdeur administrative et l’aspect peu soupledu règlement sont contrebalancés par la dynamiquerelationnelle qui s’installe entre population inscriteet l’équipe, et au sein de l’équipe. Ces changementspratiques et conceptuels sont difficilementimaginables sans une pratique des conditions duforfait.

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Pour une maison médicale, travailler àl’acte ou au forfait change fondamen-talement la perception des ressourcespar la structure et implique dès lors unesérie importante de prises de position,en équipe, sur la manière d’utiliserl’argent perçu.

Dans la plupart des maisons médicales à l’acte, lessoignants perçoivent eux-mêmes leurs honoraires,par les paiements des patients, lors desconsultations, visites et autres actes techniques. Lamaison médicale peut, selon les cas, disposer dedeux sources de revenus :

• un pourcentage des honoraires de chaquesoignant ;

• un fixe, décidé en équipe, pour participationaux frais de la maison médicale.

Notons tout de suite l’aspect fluctuant des rentréesfinancières de la maison médicale dans le premierde ces deux cas. S’il y a beaucoup de malades, lamaison médicale ne rencontrera pas beaucoup deproblèmes. Dans le cas contraire, elle pourrait avoirdes difficultés de trésorerie importantes.

Dans le système de paiement forfaitaire, les chosessont différentes. Ce sont les patients qui, par leur

On peut remarquer ici l’aspect régulier des rentréesfinancières de la structure. La maison médicaleenvoie le vingt du mois aux mutuelles des facturesqui sont payées, pour une grosse part, dans lecourant du mois qui suit.La richesse de la structure est donc liéeprincipalement au nombre de patients abonnés et àla qualité du travail global en équipe.

En résumé : à l’acte, le financement est quotidienet fluctuant en fonction des actes prestés, au forfaitle financement est mensuel et stable en fonctiondu nombre de patients abonnés, indépendammentdu nombre d’actes.

Et les chiffres ?

Au-delà de ces idées, qu’en est-il réellement et demanière palpable dans la caisse des maisonsmédicales ?

La consultation à l’acte d’un médecin se montedepuis le 1 janvier 1998 à 600 Frs, la visite à720 Frs. Pour les kinésithérapeutes, l’acte prestérapporte 544 Frs. Quant aux infirmières, un soinsimple équivaut à la somme de 117 Frs.

Au forfait, la répartition des sommes payéesmensuellement par les mutuelles se fait de lamanière suivante :

Financement à l’acte et au forfait :aspects budgétaires et allocation desressources

Chiffres INAMI (avec médecins recyclés)exprimés en francs belges.

MarcHombergen,kinésithérapeute,gestionnaire de lamaison médicaleEsseghem.

seule décision de se faire soignerpar la maison médicale et lasignature d’un « formulaired’abonnement », apportent à cettedernière une rentrée financièremensuelle, qu’ils soient ou nonmalades, qu’ils consomment ounon des soins. Ce financementétant payé directement par lesmutuelles des patients à la maisonmédicale. En allant au bout d’unelogique financière pure, les meilleurs patients dansle fonctionnement au forfait seraient les patientsqui sont en bonne santé et qui ne consommentjamais de soins.

Assuréordinaire VIPO 75 % VIPO 100 %

Médecin 192 431 853

Kinésithérapeute 71 259 493

Infirmière 24 408 1.232

TOTAL 287 1.098 2.578

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financement des soins

de santé primaires au

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Ces montants peuvent être influencés par lacomposition de l’équipe de la maison médicale. Sides médecins non recyclés y sont présents, leschiffres sont légèrement moins élevés.Sans entrer dans le détail, on pourrait rapidementpenser que le forfait est un système invivable depar la pauvreté de certains montants. Les 192 Frspar mois pour le pôle médecin pour un assuréordinaire, en les comparant au paiement à l’acte,ne sont même pas équivalents à une seuleconsultation ou une seule visite sur le mois.Ne parlons pas des dérisoires 24 Frs pour les soinsinfirmiers.

Et pourtant, le forfait peut être viable pour la maisonmédicale par le fait que le nombre d’abonnés à lastructure n’est jamais équivalent au nombre deconsommateurs de soins de cette même structure.Et heureusement... Il s’agit donc d’une nouvellesolidarité entre les patients. Les sous-consommateurs de soins apportent à la maisonmédicale des rentrées financières qui peuvent êtreutilisées pour les personnes plus malades.

Pour aller plus avant dans les chiffres, voici unexemple concret. Une maison médicale qui aabonné au forfait 3.575 patients dont 30 % de VIPO(75 ou 100 % confondus) envoie aux mutuelles unefacture mensuelle qui tourne aux alentours de deuxmillions deux cent mille Francs.

Réalisons un calcul précis de comparaison entreles deux systèmes. Si l’on tient compte de la partie« médecin » de la facture uniquement, 3.575abonnés (s’ils étaient tous assurés ordinaires)rapporteraient à la maison médicale la somme de686.400 Frs pour un mois. Ces mêmes 686.400 Frsnécessitent, dans le fonctionnement à l’acte, laréalisation de 1.144 consultations soit 54 par joursi l’on tient compte de vingt et un jours ouvrables.

Il n’est pas certain que la maison médicale au forfaitréalisera moins de cinquante quatre actes mais ilspourront être répartis autrement, partagés entredifférentes fonctions et concerner d’autres aspectsde la santé : prévention ou éducation pour la santé.

Au-delà de la simple logique arithmétique, il fautconstater que la maison médicale au forfait,percevant une somme mensuelle importante, seraamenée à faire des choix sur l’utilisation de cesfonds. La répartition des montants perçus n’est eneffet pas séparée par fonction. Les entréesinfirmières peuvent servir pour les médecins etinversement. Ou encore pour d’autres objectifsdécidés en équipe. Et c’est ici que l’on peut noterune facilité relative, pour les maisons médicalesau forfait, de mettre en place une structure mieuxadaptée à son fonctionnement (accueil, informa-tique,...) et des programmes de promotion de lasanté ou de prévention plus cohérents.

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Dépenses

Frais de fonctionnement

Loyer 111.791Charges diverses 185.083Leasing 50.000Assurances 10.833Frais déplacement et formation 33.333Fournitures de bureau 49.167Nourriture réunion 8.333Entretien et réparation du matériel 16.667Reproductions / photocopies 20.833Public./revues, centre documentation 4.167Aide aux patients 4.167

Frais de personnel

Personnel administratif 384.056Gardes 80.167Médecins 747.233Kinésithérapeutes 303.018Infirmières 173.583Dentistes 177.083Gestion sociale 4.583Logopèdes 68.750Assistant social 7.083Psychologue 5.000Femme ménage 37.500Architecte 0Réunions 10.917

Frais divers

Cotisation Fédération 22.463Produits pharmaceutiques 4.167Accessoires petit matériel 12.500Remboursements soins externes 18.000Comité de patients 2.917Taxes 417Intérêts sur prêt 2.400Frais de banque 6.250Petit matériel dentistes 15.000

Total: 2.577.460

Examinons en détail une répartition financière d’unmois particulier, tout en précisant que chaquemaison médicale réalisera des choix différents etautonomes en fonction de son histoire et de sesrègles de fonctionnement propres.

des choix plus philosophiques en fonction du vécude l’équipe.

On y voit par exemple la prise en charge de fraisde formation (400.000 Frs pour l’année),l’ouverture d’un budget pour l’aide aux patientsen difficulté financière, l’engagement sur fondspropres de logopèdes suite à la forte demande pource type de prise en charge, le paiement de réunionsd’équipe, le soutien financier à un Comité depatients.

Et enfin, pour ne pas dire surtout, la prise en charged’un important personnel administratif (secrétaires-accueillantes, gestionnaire, administratif,...). Cecidonne à l’équipe les moyens de fonctionner dansdes conditions optimales et de centrer son activitésur les soins aux patients et sur le travail préventifet d’éducation pour la santé. Ceci participe aussi àla création d’emploi ce qui, aujourd’hui, n’est pasà dédaigner.

Les choix de cette équipe ne seront pas les choixd’une autre, ailleurs à Bruxelles ou en Wallonie.

Nous parlions de la facilité pour une structure auforfait de mieux adapter son équipe à ses objectifs.Cette facilité restera relative car, quel que soit lesystème de financement choisi, il sera toujourstributaire des hommes qui l’utilisent et de la volontéqu’ils dépensent à la mise en place d’objectifs desanté de qualité à côté des objectifs financiers.

P.S. : la Fédération des maisons médicales se tientà la disposition des praticiens (isolés, en groupe eten maisons médicales) pour affiner des calculsfinanciers relatifs à un passage éventuel au systèmede paiement forfaitaire.

Financement à l’acte et au forfait :aspects budgétaires et allocation des ressources

Comme nous pouvons le voir dans cet exempleconcret, une série de choix ont été opérés par cetteéquipe. Des choix de fonctionnement quicomprennent la prise en charge de l’ensemble desfrais liés aux activités de la structure mais aussi

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Jacques Morel,médecin

généraliste

Le choix d’un mode de financement adéquat pourrencontrer un ensemble de critères de qualité de lapratique nous a orienté vers le forfait àl’inscription :

L’accessibilité financière : elle est optimale pourl’ensemble de la prise en charge, à l’exclusiondes actes techniques mais qui facturés en tiers-payant ne constituent pas un obstacle ;

La globalité : elle est partiellement renforcée parle fait que le forfait concerne les acteurs INAMIde la santé ; la concertation des médecins etparamédicaux autour de la prise en charge est dece fait suscitée. La pluridisciplinarité avec lestravailleurs psychosociaux n’a pas pu êtreformellement encouragée dans la mesure où ilsne relèvent pas de la compétence de l’INAMI.

Le forfait est un montant alloué mensuellement àla maison médicale et l’obligation de gestion decette somme par l’institution la contraint à endéfinir l’usage le plus opportun à rencontrer lesbesoins de la population inscrite.C’est aussi un facteur favorisant des stratégies deprise en charge : l’analyse des comportements destravailleurs des maisons médicales vis-à-vis deshospitalisations, des prescriptions de biologie oud’imagerie confirme que le forfait, par lerenforcement d’une gestion rationnelle de ladémarche diagnostique et thérapeutique, est un outild’efficience accrue (près de cent millions de nondépense pour les cinq centres évalués par l’INAMIrégulièrement depuis plusieurs années).

L’inscription est un outil de santé publique : ellepermet de savoir à chaque moment quelle est lapopulation prise en charge, quel est son profil, quelssont ses besoins. Cette délimitation de la populationen charge permet de s’adresser à elle pour rappelerdes échéances de démarches préventives ou desuivi, pour assurer un recueil de données.A l’inverse, l’inscription délimite une populationqui n’est pas nécessairement partagée par d’autresinstitutions et à propos de laquelle la collaborationn’est pas nécessairement facilitée par les modalitésréglementaires du forfait.

L’inscription est une formulation de contratexplicite avec le patient : il sait ses droits et devoirs.Son choix s’exerce en toute liberté et en touteconnaissance vis-à-vis d’un système et vis-à-vis deprestataires. Le même raisonnement contractuelvaut pour le médecin et les professionnels. Leforfait supprime la transaction financière et conduit

à trouver de nouveaux modes de transactions,éducatifs ou citoyens par exemple. La participationresponsable des individus est par ce biais largementrenforcée.La nature de l’acte est complètement modifiée dansle cadre du forfait ; dès lors les comparaisonsdeviennent boiteuses, le décloisonnement curatif/préventif est facilité. Ce décloisonnement vaut dansla prise en charge des individus et l’intégrationd’une approche préventive à l’interventioncurative ; elle vaut aussi dans les possibilitésaccrues de participation à des programmescommunautaires de promotion de la santé. Lemobile devient la bonne santé et donc les rythmeset choix d’interventions sont considérablementmodifiés.

Le système pourrait faire craindre des abus deconsommation. Les chiffres sont là pour montrerque lors du passage d’un centre au forfait, laconsommation des soins grimpe de quelques pour-cents pendant les trois à six premiers mois pour sestabiliser ensuite, voir dans certains cas se réduire.Il s’agit pour les usagers de vérifier si le non-paiement des prestations maintient une qualité deservices équivalents.

La libération par rapport au financement de laprestation à l’acte permet aux généralistes et auxparamédicaux d’exercer leur activité profession-nelle avec davantage de souplesse, et d’adaptabilité,c’est-à-dire d’être au plus près de la situationparticulière, de personnaliser leur démarche enfonction du sujet qui les interpelle et du contextedans lequel se vit l’épisode.Le mode de payement forfaitaire à l’inscriptionn’est qu’un outil au service de certains critères dequalité des soins de santé primaires. Il empêchedéjà moins que le payement à l’acte de rencontrerles objectifs que de plus en plus largement nousassignons à la pratique moderne de la médecinegénérale.

Il reste que le forfait est fait pour couvrir la priseen charge curative des patients qui ont recours auxmédecins généralistes, aux infirmiers et kinésisteset en principe pas pour d’autres tâches !Paradoxalement, ce système qui, dans le contextelibéral actuel paraît plus contraignant et pour lespatients et pour les prestataires offre peut-être plusde liberté aux thérapeutes et à la société unedimension contractuelle nouvelle pour la santé.

Le forfait au regard de la qualité des soins

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Une des critiques souvent exprimées à propos dusystème forfaitaire en première ligne est laréférence excessive en deuxième ligne. Cetteprévision se base sur l’hypothèse économiste quechaque agent cherche à maximiser son profit. End’autres termes, les soignants forfaitaires(capitation) ont des revenus qui dépendent dunombre d’inscrits, ils vont chercher à faire croîtrele nombre d’inscrits (ce qui est en général observéau moins dans une première phase), quoiquebeaucoup de maisons médicales se fixent unmaximum pour conserver une convivialité àlaquelle elles tiennent. De plus, ces soignants« rationnels » vont chercher à minimiser le nombred’actes prestés par inscrit. Une des techniquespossibles pour réaliser cet objectif peu vertueux,c’est de renvoyer les patients en deuxième lignepour des choses que l’on pourrait faire soi-mêmeaussi bien et à moindre coût.

Il semble que dans les pays qui connaissent lacapitation majoritaire en première ligne (Pays-Bas,Grande-Bretagne, Danemark,..) ce genre dephénomène puisse se produire.

Lors de la première demande de revalorisation duforfait, les maisons médicales avaient affirmé

contre toutes attentes réaliser des économies endeuxième ligne.A vrai dire, il s’agissait d’une pétition de principe.Nos espoirs se basaient sur notre pratique antérieureau forfait. Nous pratiquions des hospitalisations àdomicile, des soins palliatifs, notre pratique globaledevait diminuer les hospitalisations « sociales »,nous rédigions des demandes d’examenscomplémentaires moins irrationnelles que lamoyenne de nos confrères.

Une première évaluation des hospitalisations de lamaison médicale de Seraing avait eu lieu en 1986avec la collaboration de M. Praet actuellementdirecteur à l’INAMI.Nous ne disposons pas actuellement de ces chiffreshistoriques mais ils étaient favorables à nos thèses.Ensuite, nous avons connu une évaluation couvrantles années 1988, 1991, 1992, 1993 ; nous sommesen attente de l’évaluation chiffrée 1995 (il y a doncplus de deux ans d’écart entre l’enregistrement etla publication des données).

Les chiffres qui suivent concernent les joursmoyens d’hospitalisation (soit l’utilisationhospitalière moyenne d’une population donnée),ce qui doit se comprendre comme le nombre de

Forfait et économie en deuxième ligne

jours d’hôpital, par an et par habitant (oupar inscrit). On utilisera aussi le tauxd’admission qui enregistre le nombred’entrées à l’hôpital par an et parhabitant (ou inscrit). Ce qui signifie quesi le taux d’admission est de 0,2 alorsvingt admissions ont lieu pour centpersonnes sur une année.

Il existe un lien entre taux d’admissionet jours moyens d’hospitalisation (outaux d’hospitalisation), c’est la duréemoyenne de séjour.Ce qui permet d’établir que

(taux d’admissionx durée moyenne de séjour)

= jours moyens d’hospitalisation

Par exemple, si le taux d’admission estde 0,2 et la durée moyenne de dix jours,alors le nombre de jours moyensd’hospitalisation est de 2 (0,2 x 10).

Sur le plan méthodologique, on observeque la comparaison est tantôt faite avecles provinces, tantôt avec le pays ce quiest regrettable. Comme le règlement

Pierre Drielsma,médecingénéraliste

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prévoit une comparaison au niveaufédéral, le pays est le seul point decomparaison actuel reconnu.

Le premier graphique montre que laplupart des maisons médicales setrouvent sous le niveau Belgique, seulela maison médicale de Liège-Passerelleest largement au-dessus.Les taux d’admission (entrée àl’hôpital) ne montrent pas d’anomalieparticulière, toutes les maisonsmédicales se trouvent sous la moyennefédérale. En particulier, on observe quela maison médicale la Passerelleprésente un taux d’admission en baisse,alors que son nombre de joursaugmente. La maison médicale deLinkebeek se distingue par des taux trèsbas qui s’expliquent par une compo-sition sociale plus favorable.La réponse est donc à trouver dans ladurée moyenne de séjour qui est trèsélevée pour cette maison médicale.Ces constatations entraînent une chutede l’économie pour moindre hospitali-sation, phénomène qu’on n’observe paspour la biologie et l’imagerie.

Avant tout commentaire, il est important depréciser que les chiffres 94 sont encore auconditionnel. D’autre part, le nombre demaisons médicales concernées par l’évaluationne fait que croître. Ce qui à la fois devraitthéoriquement augmenter les économies endeuxième ligne, mais accroît aussi l’hétéro-généité du groupe des maisons médicales auforfait. Enfin, les chiffres des mutuelles sontparfois fluctuants. Il est embarrassant de subirune évaluation sans pouvoir suivre finement leprocessus de fabrication des chiffres.

Nous avons déjà expliqué dans d’autres pagesque les médecins généralistes ont un meilleurcontrôle sur les dépenses de bio-imagerie(surtout biologie clinique d’ailleurs). Lecontrôle sur l’hospitalisation est bien moindre.Il va de soi que les médecins généralistespeuvent freiner un certain nombre d’admissionsintempestives. Mais les choix de gardes peuventreprésenter une véritable passoire.L’hospitalisation parapluie existe aussi enmaison médicale.

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Un autre point, c’est ladurée de séjour. Notreexpérience collective àla maison médicale deSeraing nous enseigneque, sans un passagerépété auprès desmédecins hospitalierspour discuter de l’indi-cation d’un maintien àl’hôpital, la durée deséjour dépasse souventla stricte utilité diagnos-tique et thérapeutique. Iln’est pas exclu non plusque la croissance entaille de nos maisonsmédicales ait diminuénotre disponibilité pourcette action et d’autrespréventions d’hospitali-sation.

Le premier graphiquemontre une hospitalisa-tion dans les servicesgénéraux qui estsatisfaisante, toutes lesvaleurs des maisonsmédicales sont inférieu-res à la moyenne natio-

Forfait et économie en deuxième ligne

nale. Certes il existe des fluctuations statistiquesdans les chiffres des maisons médicales mais elless’expliquent aisément par le petit nombre d’inscritsdans les maisons médicales par rapport au dixmillions de bénéficiaires de l’assurance (INAMI).

La séparation entre l’hospitalisation psychiatriqueet l’hospitalisation générale permet d’observer queles maisons médicales ne dépassent la moyennefédérale que pour ce type d’hospitalisation. Onconnaît le lien très puissant qui existe entre niveausocial et pathologie mentale (a fortiori hospita-lisation). Ce sont bien les cas sociaux qui génèrentun tel surplus. La maison médicale la Passerelleaccroît sa spécificité en la matière. Mais nousdevons constater que la plupart des maisonsmédicales flirtent dangereusement avec la moyennefédérale.

Le cas de la maison médicale de Liège estparticulier : cette maison médicale collabore active-ment avec des services de réinsertion psychiatrique

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(Siajef, petites maisons). Il s’agit de patients quiconnaissaient une hospitalisation permanente(ils étaient ininscriptibles), ils sont sortis horsles murs et subissent de fréquentesréhospitalisations. Ce qui conduit au paradoxesuivant : la maison médicale la Passerelle acontribué à faire baisser le taux d’hospitalisationen Belgique (donc elle a réalisé des économiesde deuxième ligne) mais comme ces patientsdeviennent inscriptibles et sont inscrits, ilsdonnent l’impression d’une surhospitalisation,alors que c’est le contraire.

Ce graphique un peu touffu permet de mettreen évidence ce qui se passe : nous devenonsprogressivement négatifs pour l’hospitalisationpsychiatrique (delta psy), ce qui peut entraînerà terme une négativation globale. Il estremarquable qu’en maison médicalel’hospitalisation en psychiatrie pèse plus lourdque la générale ce qui n’est pas le cas de laBelgique. En Belgique, la chute d’hospitali-sation est égale pour les deux hospitalisations.Pas en maisons médicales.

ConclusionOn peut se poser la question de savoir si leséconomies induites l’étaient par la pratiqueforfaitaire ou par la pratique de groupe(plusieurs médecins) ou d’équipe pluri-disciplinaire.Quand on observe des économies en deuxièmeligne, il est toujours difficile de savoir ce quiest en cause.Cependant l’évolution des dépenses induitescomme les résultats des profils de biologieclinique, nous permet de répondre à cettequestion :

en matière d’hospitalisation de nombreuxparamètres sont hors du contrôle des maisonsmédicales. En particulier, la standardisationdes situations sur le terrain (structure depatientèle, modalité de prise en chargepsychiatrique) est impossible. Nous devronsobtenir de la commission du forfait une autreapproche de l’évaluation que le tauxd’hospitalisation tous services confondus. Parcontre, les hospitalisations dans les servicesgénéraux semblent plus satisfaisantes, nostaux d’admission sont sensiblement plus bas,ils ont même, çà et là, tendance à baisser alorsque les taux en Belgique montent.

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en ce qui concerne la biologie clinique ce n’estpas tant le forfait à la capitation lui-même, quinous semble en cause, mais plutôt l’article 4 quiprévoit une revalorisation de 10 % du montanten cas d’économie.

Les médecins des maisons médicales forfaitairesont reçu une formation complémentaireconcernant la prescription de biologie clinique(guide critique des analyses), ils ont même reçudes embryons de « guidelines » pour le dépistagetout-venant et le symptôme de fatigueinexpliquée (sans signe d’appel). Ils ont ainsi puabandonner le contrôle des T3* et T4* pour laTSH* seule, larguer l’urée et l’acide urique (horspathologies associées), demander le cholestérolseul, garder la TGP** et abandonner la TGO**,pratiquer la méthode de la demande différée(attendre une première vague de résultats avantd’en demander d’autres sur sérum conservé sinécessaire).

Les résultats évalués en région liégeoise sur basedes profils INAMI ont montré que les prestatairesse concentraient dans le premier décile (les 10 %les moins prescripteurs). Les modifications deprescription ont été importantes et la standardi-sation des pratiques fût très efficace.

Un point qu’il ne faut pas négliger, c’est le patient :la structure d’une demande d’analyse permet dene cocher qu’un petit nombre d’items tout ensatisfaisant le souhait parfois mal étayé d’unpatient.

Pour l’imagerie, la situation est intermédiaire, etassez complexe, les techniques évoluent très vite.Les techniques les plus fiables et les moinsiatrogènes sont parfois aussi les plus chères(IRM*** de genou).Quoiqu’il en soit, nos chiffres sont explicites etmanifestent un esprit critique éveillé vis-à-vis dela technologie. ●

*T3, T4, TSH =dosageshormonaux pourcontrôler lafonctionthyroïdienne.

**TGP, TGO =dosagesd’enzymes pourcontrôler le foie.

***IRM =résonnancesmagnétiquenucléaire

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Introduction

Depuis plus d’une dizaine d’années en Belgique,quelques équipes de la Fédération francophone desmaisons médicales fonctionnent dans un systèmede financement forfaitaire. Ce système, prévuexplicitement (mais sur des bases essentiellementthéoriques) dans la loi de 1963 régissant lefonctionnement de l’INAMI* n’avait jamais étéappliqué au niveau primaire.

Aux niveaux spécialisés par contre, certainesexpériences de ce type avaient été essayées dans lecadre de quelques structures hospitalièrespopulaires (comme les hôpitaux socialistes duHainaut-Borinage, une région où la culture ouvrièreest traditionnellement très forte) ou dans celui decertaines institutions prenant en charge de façonoriginale des problèmes de santé spécifiques (parexemple le Centre William Lennox pourl’épilepsie). Ces expériences n’avaient pas toujoursété concluantes, malgré la pauvreté de leursévaluations, et certaines avaient été arrêtées defaçon assez abrupte.

Le forfait porte donc souvent en lui l’imagenégative d’un système rigide, étatiste, ne pouvants’appliquer que dans des conditions exception-nelles, souvent non viable (et non fiable) sur le planfinancier, une image encore renforcée par la culturemédicale traditionnelle, à l’acte et libérale, danslaquelle une certaine « liberté inconditionnelle »sert souvent de facteur humain (patient oudispensateur) repoussoir à toute solutionalternative, même plus logique, même plus juste.

Pourtant, chaque année, de nouvelles maisonsmédicales (francophones et néerlandophones)passent du système à l’acte au système forfaitaire(actuellement, il y en a une bonne vingtaine), etjamais, aucune d’entre elles n’a voulu ou n’a dûrefaire le chemin inverse, prouvant par là, au moins,la faisabilité, la réalité d’existence et ledéveloppement continu de ce mode de financement.

Pourtant, à l’étranger, le système des enveloppesest partout favorisé et présenté comme une dessolutions sinon « la » solution au problème

apparemment généralisé de l’inflationmultiplicative non contrôlée (et non contrôlabledans les systèmes financés à l’acte) du coût dessoins de santé.

Il est dommage que ce soit cette vision partielle etexclusive de « cost containment » qui apparaisselorsqu’on examine le système forfaitaire et qu’onle compare au système à l’acte, et ceci, même s’ilest vrai que des enveloppes bien calculées et biendéfinies en fonction d’objectifs de santé clairs etprécis constituent un des éléments importants d’unepolitique de santé (et pas seulement de soins) quiveut promouvoir la qualité et l’équité. Le présentarticle tentera d’examiner et de comparer lesdifférents systèmes forfaitaires à l’écheloninternational en prenant plus spécialementl’exemple de la Belgique.

Matériels et méthode

Une recherche bibliographique a été effectuée àpartir de la base de données Medline sur différentsmoteurs de recherche d’accès gratuits du Worldwide web d’internet :

Medscape : site http ://www.medscape.com/ ;Healthgate : site http ://www.healthgate.com/HealthGate/MEDLINE/search.html, et surtoutcelui de la NLM (National library of medicine),qui est devenu l’outil de référence en cette matière :site http ://www.ncbi.nlm.nih.gov/.

Les mots clés suivants (termes MeSH medicalsubheadings) ont été utilisés :

• capitation payment & capitation fee ;• fees, medical ;• primary care & primary health care/

organization, economics & administration ;• family practice & family medicine ;• health ressources/supply & distribution ;• quality of health care ;• physicians/supply & distribution ;• financing, organized.

croisés avec différents noms de pays : Belgium,Canada, Denmark, France, Great Britain, Italy,Netherlands, Norway, Sweden, United States.

Le forfait à la capitation pour les soinsprimaires : une revue de la littératureinternationale

Michel Roland,Fédération des

maisonsmédicales,

groupe recherche.Ecole de santépublique ULB,unité de socio-épidémiologie,

groupe MF&SPmédecine de

famille et soinsprimaires

CUMG ULB.

*INAMI =Institutnational demaladie et

d’invalidité : lastructure fédérale

coordonnant lesdifférents

organismesassureurs

payeursd’origine privée

et politique.

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Résultats

Neuf cent soixante six références ont été collectées,dont cinq cent trente quatre pour les cinq dernièresannées. Celles qui ont été jugées les plusintéressantes (critères habituels de lecture critique)ont été reprises pour constituer une bibliographieexhaustive.D’autres critères d’intérêt ont aussi été choisis, netenant pas seulement à la qualité de la publication,mais prenant en compte son originalité, son abordde la faisabilité et des potentialités de dévelop-pement du système forfaitaire, son centrage surl’aspect concret et l’évaluation des expériences, surla transposabilité internationale, etc. Ce sont cesarticles qui ont servi de trame à la présentepublication et qui constituent la bibliographiespécifique. La méthode utilisée est celle du rapportd’expériences ou de situations concrètes dansdivers pays plutôt que de la description détailléedes systèmes de financement des soins de santédans ces pays.

Une curiosité majeure s’est évidemment dirigée surles articles publiés en Belgique. Il n’y en a que trèspeu. Deux articles1,2 ont donc été sélectionnésmalgré leur ancienneté et le fait que le premier nesoit pas indexé dans Medline, mais qui ont la qualité(trop rare dans cette revue de littérature) d’aborderdes aspects plus qualitatifs du système forfaitaire.Ceux-ci seront d’ailleurs développés à une échelleun peu plus large pour notre pays.

● Belgique

La situation de la Belgique par rapport au systèmede payement forfaitaire à la capitation présente aumoins quatre caractéristiques exceptionnelles :

• son point de départ sous forme d’expérienceslimitées pilotes par quelques centres de soinsprimaires privés (les maisons médicalesfrancophones) sans aucune initiative publiquepréalable ;

• un environnement collégial franchement hostile(les maisons médicales portent en effet une imagede radicalité et de politisation qui, dans les faits,traduit plutôt une volonté de se démarquer par lapraxis de la culture médicale traditionnelle enne refusant pas, a priori, les implicationspolitiques éventuelles de cette nouvelle praxis) ;

• un centrage constant sur l’assurance et sur ledéveloppement de la qualité ;

• un forfait multisectoriel d’emblée (médecinegénérale, soins infirmiers et kinésithérapeu-tiques) pour reconnaître la réalité d’un travailpluridisciplinaire, global, continu et intégré.

Les premières maisons médicales sont passées aufinancement forfaitaire il y a une dizaine d’annéesmais après un long temps de réflexion1, puis deconceptualisation et d’élaboration, et enfin denégociation avec l’INAMI. La réflexion a abouti àconstruire un gros document de référence3, encorelargement utilisé aujourd’hui, définissant lescritères de qualité des soins primaires ainsi que lesfonctions du centre de santé intégré pour réaliserceux-ci.

Après une analyse critique de la situation existante,il est apparu essentiellement deux facteurs limitantla réalisation des critères de qualité et des fonctionsprimaires : l’éducation médicale et le système definancement à l’acte. C’est dans ce cadre conceptuelque le système de capitation forfaitaire a étéimaginé puis mis en place : «L’abonnement est eneffet une des alternatives possibles au payement àl’acte. Il a l’avantage de lier la rémunération del’équipe au nombre de personnes plutôt qu’aunombre de prestations, et d’avoir recours à uncontrat qui délimite la population et définit le droitde regard des abonnés sur le fonctionnement del’équipe. On peut en attendre qu’il incite l’équipeà une plus grande efficience globale, et qu’il luipermette un plus grande souplesse d’adaptationdans le choix de ses moyens de travail. Il maintientet accentue même le contrôle potentiel desusagers3 ».

On pourrait ajouter qu’il favorise encorepotentiellement bien d’autres critères de qualité :

• le travail pluri- et interdisciplinaire ;• l’intégration du curatif au préventif et à la

promotion de la santé ;• la mise sur pied de filières de soins préférentiels

(échelonnement) ;• la continuité des soins ;• la relation soignant - soigné dans le cadre d’un

contrat formel avec droits et devoirs de chacunedes parties (voir Tableau 1) ;

• la fonction de synthèse par un médecin de famillede référence désigné par ses patients ;

• la tenue d’un dossier médical général centralisé,ébauche d’un véritable système d’informationdes données de santé dont l’intérêt est évidentpour l’épidémiologie, la santé publique et la

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

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décision politique, le développement général dela qualité, l’évaluation, l’enseignement, etc.

Le tableau, dont plusieurs éléments sont déjà réalitéaujourd’hui dans les maisons médicales au forfait,montre un exemple de relations contractuellespatient - médecin dans un cadre tripartite plus large(patient - médecin - organisme assureur) avecinscription et payement à la capitation du praticien,ébauche d’une politique de santé réellement centréesur la première ligne, à visée de qualité globale.

Depuis le passage de la première maison médicaleau système de financement forfaitaire en 1986, plusd’une vingtaine ont suivi, ce qui n’est sans doutepas beaucoup. Mais les limites à son dévelop-pement plus rapide sont présentement assezclairement identifiées2,4 :

un manque de soutien politique clair à unevéritable réforme du système de santé quirenforcerait la première ligne ;

un environnement médical resté frileux sinonfranchement hostile, campé sur des positionsclassiques hospitalo-centristes et sur un credo del’acte et du danger de la surconsommation despatients qu’il faut limiter à chaque contact parune participation personnelle et l’interdiction dutiers-payant ;

une réticence à l’évaluation (quantitative etqualitative) que les maisons médicales deman-dent depuis longtemps dans le cadre de ce qu’ilfaut encore bien considérer comme uneexpérience pilote vu sa faible implantation ;

un calcul du montant de la capitation assezgrossier qui ne distingue que trois catégoriessociales, et qui néglige l’essentiel des paramètresde morbidité, démographiques et socio-économiques prédicteurs de la charge de travaildes prestataires de soins ;

un manque complet d’incitants à son dévelop-pement sous le couvert d’une nécessité desymétrie totale de moyens entre le système àl’acte et le système au forfait, alors que celui-ciest bridé par un règlement rigide, doncdéfavorable, qui veut assurer à toute forcel’étanchéité entre les deux systèmes ;

la structure institutionnelle de la Belgique quiéclate les compétences et qui empêche unfinancement intégré des maisons médicales(curatif, préventif, promotion de la santé) ;

Droits du patient• bénéficier d’une relation privilégiée (référence santé) ;• bénéficier de la permanence (gardes)

et de la continuité (suivi dans le système) des soins ;• bénéficier d’une information pertinente

sur sa situation santé ;• bénéficier d’une réduction de sa participation

financière personnelle.

Droits du médecin• percevoir une rémunération forfaitaire ;• bénéficier d’un dossier testé et validé ;• bénéficier de formation à la gestion des données

et à la communication ;• bénéficier d’informations systématiques

sur les standards de qualité (guidelines).

Devoirs du patient• choisir un médecin de référence ;• s’adresser à lui en première intention, sauf urgence ;• signaler l’existence du médecin de référence

aux spécialistes consultés ;• alimenter son dossier centralisé.

Devoir du médecin• tenir un dossier patient centralisé ;• assurer la fonction de synthèse ;• assurer la permanence et la continuité des soins ;• assurer la transmission des données pertinentes

lors des références ;• transmettre le dossier lors d’un transfert de contrat ;• informer le patient de sa situation santé.

Tableau 1 : Exemple de contrat patient - médecindans un système de capitation.

le manque de formation des acteurs au travailpluridisciplinaire en équipe.

● Canada

Comme beaucoup d’autres pays à partir des années90, le Canada (simultanément au niveau fédéral etau niveau provincial) s’est mis à chercher desmoyens efficaces pour réduire les dépensesconsacrées à la santé sans mettre en danger nil’accès ni la qualité des soins.

Une équipe de recherche a imaginé théoriquement,modélisé puis proposé un nouveau système : le« système de prestation intégrée du Canada(SPIC) »5, un réseau d’organisations de soins desanté qui fournirait des services continus etcoordonnés à une population définie (ou quiprendrait des mesures pour le faire) et qui devraitrendre compte sur les plans cliniques et budgétairesdes résultats sur l’état de santé de cette population.

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Un SPIC servirait de cent mille à deux millions depersonnes et les soins qu’il fournirait seraientfinancés par capitation. Les fournisseurs auraientdes incitations financières claires à réduire les coûts

au minimum. Par ailleurs, la qualité du serviceserait maintenue et le consommateur pourraitcontinuer de choisir son praticien de premierrecours. Ces derniers et les spécialistescollaboreraient avec d’autres fournisseurs deservices de santé pour offrir l’éventail complet dessoins. Les fournisseurs du SPIC créeraient aubesoin des alliances stratégiques avec desorganismes communautaires, des hôpitaux, lesecteur privé et d’autres services de soins de santénon gérés par le SPIC. L’affiliation des médecins àun SPIC pourrait être avantageuse pour leursrevenus et leur autonomie. Des projets pilotes dece modèle lancés dans plusieurs communautéspermettraient de déterminer si le concept estréalisable dans le contexte du Canada.Dans ce type de structure, on sent poindrel’émergence de modèle d’organisation caractériséspar des accords financiers préférentiels entrecertaines structures « assureurs payeurs » etcertains dispensateurs « fournisseurs » à

l’exclusion ou au détriment des autres, une ébauchedouce de « managed care » en quelque sorte.

● Danemark

Le type de rémunération des professionnels desanté, dans la mesure où il influence lecomportement de ceux-ci, est évidemment unpuissant instrument aux mains des décideurs pourconduire une politique, sans contrainte directe, maisen agissant par incitants facilitateurs oufrénateurs6,7.

L’objectif déclaré d’un grand nombre de politiquesde santé nationales est d’arriver à une diversiondes patients à partir du niveau spécialisé vers lessoins primaires8 (réorientation des flux de patients).Un grand débat s’est fait jour depuis longtempsdans les systèmes de santé qui fonctionnent avecun financement à la capitation en première lignesur son effet négatif dissuasif, pouvant conduire àune diminution des interventions au niveauprimaire au profit de références plus fréquentes versle niveau spécialisé9. En effet, le principe mêmede la capitation forfaitaire est que le dispensateurperçoive un montant fixe de rémunération,indépendamment du nombre et de la nature desactes prestés (intellectuels ou techniques).Si on a démontré6 que les soins préventifs et que laqualité de la continuité est améliorée, le risqueexiste simultanément d’une sous-productiond’actes, particulièrement des procédures curativescomplexes ou qui prennent beaucoup de temps,dans la mesure où les praticiens n’ont aucun incitantpour traiter leurs patients eux-mêmes (sinon leurcompétence et leur éthique). En effet, un taux (trop)élevé de références n’aura aucun impact péjoratifsur les revenus mais diminuera par contre le tempsde travail global.

Plusieurs expériences sous forme de rechercheaction ont donc été menées en différents lieux, avecl’idée toujours sous-jacente que seul le payementà l’acte peut dissuader les prestataires de sous-produire, puisqu’il constitue un puissant incitantfinancier à la surproduction. Un défaut quasiconstant de ces recherches est qu’elles installentdes changements locaux sous l’œil acéré deschercheurs et qu’elles introduisent dès lorssimultanément plusieurs biais (biais d’observation,ciblage limité à une petite partie pilote d’un systèmeglobal inchangé, risque de sélectionner certainescatégories de patients et de médecins, etc.).

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

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Leur résultats nécessitent donc souvent d’êtreagrégés dans un deuxième temps pour extrapolerdes conclusions plus générales à la manière donton construit un puzzle.

Le système en vigueur à l’échelle nationale auDanemark est dès lors particulièrement intéressantdans la mesure où il organise à grande échelle lacoexistence d’un payement des généralistes à lacapitation et à l’acte, après une longue période decapitation intégrale qui a été fort interpellée dansses processus et ses résultats, notamment danscertaines grandes municipalités commeCopenhagen. Le système à l’acte s’applique à unesérie de services spécifiques qui sontsystématiquement relevés et analysés, mais le typeet le nombre de services relevant du payement àl’acte est variable selon les provinces. Une étude10

du NIVEL* est partie de cet ensemble de donnéeset a construit un modèle comportementalexpérimental qui a pris pour hypothèse que lesmédecins généralistes ont pour objectif demaximiser leurs revenus. Certaines prestations,dont la multiplication n’est pas rentable parcequ’elles sont couvertes par le forfait, risquent alorsd’être déviées (« substituées ») au niveauspécialisé. Les résultats, présentés sous forme decomparaison entre provinces, sont assez difficilesà interpréter. Dans les entités où le payement àl’acte est relativement plus important, on n’observepas vraiment de substitution du niveau des soinsprimaires par les soins spécialisés hospitaliers, sice n’est en ce qui concerne les consultationsambulatoires. Encore est-il suggéré de reprendrel’ensemble de ces données avec une discriminationplus fine, puisqu’il semble bien que l’échelon localsoit très important et que la plus grosse partie desdisparités puisse peut-être s’expliquer par desparticularités régionales de très petite échelle (parexemple la densité médicale), qu’il seraitintéressant d’identifier plus avant.

● Etats-Unis

Le système « américain » est bien connu : pas desécurité sociale organisée par la Nation fédérale nipar les Etats, mais un système actuariend’assurances privées et une structure de rattrapagepour ceux qui ne sont pas ou plus intégrés dans lesystème de production économique : Medicaid. Unensemble d’institutions de soins intégrantverticalement les niveaux primaire et spécialisé (lesHMO**) s’est développé progressivement, en

multipliant, systématiquement actuellement, lesaccords bipartites entre acheteurs (assureurs/payeurs) et fournisseurs (dispensateurs) de soins11 :managed care.

Le caractère essentiellement privé de ce systèmefavorise au maximum toutes les recherches pourl’améliorer et on assiste effectivement à uneefflorescence d’expériences organisationnelles. Ilfaut néanmoins souligner que le principal sinonl’unique critère de qualité visé est l’efficience (lesrésultats des processus par rapport à leurs coûts)dans une optique de « cost containment » et definancements alternatifs. Plusieurs études montrentun intérêt certain par leur capacité d’extrapolationou d’implantation dans des situations étrangères :

• En mai 199512, cinq cent nonante deux médecinsgénéralistes de plusieurs Etats Américains,membres de l’« American board of familypractice » et sélectionnés aléatoirement, ont étéinterrogés sur leur perception de l’influence dumode de rémunération sur la nature et la quantitédes actes prestés. Trois prestations ont étésélectionnées, faisant partie intégrale de la pratiquedu médecin généraliste aux Etats-Unis : la recto-sigmoïdoscopie, la colposcopie et la vasectomie.L’enquête montre qu’un nombre (statistiquement)significatif de médecins pensent que le payementà l’acte (à la différence du payement forfaitaire)est un incitant pour favoriser la réalisation de cestechniques en médecine de famille. A noter qu’onretrouve dans cette étude, comme dans beaucoupd’autres13,14, l’attitude a priori négative et méfiantedes médecins de famille par rapport au systèmeforfaitaire à la capitation.

• Le département des services sociaux de l’Etatde New York mène depuis quelque temps unepolitique de développement d’un système decapitation forfaitaire pour tous les bénéficiaires deMedicaid, pour remplacer le traditionnel payementà l’acte. Deux types de capitation sont actuellementtestés : une capitation partielle, c’est-à-dire limitéeà la première ligne et dans laquelle les médecinsde famille sont payés sur une base fixe mensuelleen fonction du nombre de patients pris en charge,et une capitation globale qui prévoit, pour les HMOou les PHSP***, une rémunération fixe globalemensuelle pour tous les services de soins desdifférents niveaux, de l’ambulatoire première ligneà l’hospitalisation. Les premiers résultats del’expérience15 montrent de bons indicateurs de

*NIVEL =Institut

néerlandais derecherche en

médecinegénérale.

**HMO = Healthmaintenance

organizations.

***PHSP =Hospital-basedprepaid health

servicesprograms.

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résultats et de satisfaction des patients, ainsi que laréalisation d’économies (statistiquement)significatives pour l’Etat de New York : 38 % pourle système de capitation partielle (considéré parailleurs comme plus souple et plus flexible),respectivement 9,3 % et 16,8 % pour les systèmesHMO et PHSP de capitation totale, comparés ausystème à l’acte.

• Une enquête nationale13 a été menée sur unéchantillon aléatoire de médecins de famille payésà la capitation (dont le nombre augmenteconstamment) pour évaluer leurs attitudes parrapport à leur type de rémunération et identifierles prédicteurs de ces attitudes. Les analysesstatistiques (factorielles et de régression multiple)des données ont montré que les médecins ont lesentiment que la capitation diminue la qualité deleur relation avec leurs patients, de même que(légèrement) l’accessibilité aux soins. Une duréeplus longue de l’expérience réelle de la capitationdiminue la mauvaise impression par rapport àl’accessibilité, mais pas celle par rapport à larelation. Indépendamment de la durée, les médecinsont et continuent d’avoir une perception plutôtnégative du système forfaitaire.

• Une autre enquête, limitée à la Californie14,montre également une moindre satisfaction desmédecins de famille par rapport à la qualité dessoins prestés à leurs patients inscrits dans descontrats à la capitation comparés à ceux couvertspar d’autres systèmes. Deux facteurs ont étéidentifiés comme diminuant ce sentimentd’insatisfaction : la pratique en groupe et une plusgrande proportion de patients du groupe capitation.

● France

Aucune référence n’a été retrouvée dans Medlineconcernant ce pays, et il n’existe effectivementaucune situation, même expérimentale, depayement forfaitaire à la capitation ou d’inscriptionde patients.

● Grande-Bretagne

Le cas de ce pays est particulièrement intéressantà étudier16 dans la mesure où, depuis 1948, existeun système de santé national (NHS*) pour toute lapopulation et couvrant l’ensemble des soins.Souvent décrié en raison de ses aspects rigides àconnotation étatiste particulièrement mal vécus par

les partisans du libéralisme et du marché, il n’enconstitue pas moins un extraordinaire creusetexpérimental, permettant d’imaginer, de tester, puisde valider ou de rejeter des hypothèses dechangement dont les principaux moteurs avancésont toujours été la qualité et la maîtrise des coûts.

Depuis la deuxième guerre mondiale, nombre depays, de partis politiques, d’universités, de groupesde recherche ou d’individus utilisentsystématiquement l’Angleterre et son NHS commemodèle ou repoussoir selon les cas, alors qu’enGrande-Bretagne même, le service constitue unevéritable institution nationale, populaire et sociale,qu’aucun parti n’a voulu ou pu jusqu’à présententamer fondamentalement. Le NHS est financé à85 % par des taxations indirectes, est responsabledevant le Parlement et est administré par un granddépartement de la santé et de la sécurité sociale.Le département est décentralisé en régions (un pourcinq millions d’habitants) et en districts (un pourtrois cent mille). La médecine générale, quiconstitue un des trois piliers du système de santé(avec les hôpitaux et les services communautaires)a une administration séparée (les Familypractitioner committees) qui passent des contratsavec les médecins. Les listes de ceux-ci ont unemoyenne de deux mille patients, avec un maximumautorisé de trois mille cinq cent. Le choix dumédecin par le patient et du patient par le médecinest entièrement libre (contrat). La part la plusimportante de la rémunération du médecin est unmontant fixe annuel (forfait) par patient(capitation), à laquelle il faut ajouter des frais pourle fonctionnement de la pratique (par exemple 70 %du salaire des secrétaires et des accueillants) et lepayement à l’acte de certaines prestations commeles vaccinations, le planning familial, les frottis decol, les visites de nuit, etc. Le forfait est plus élevépour les personnes âgées.Récemment (depuis une quinzaine d’années), desincitants financiers puissants ont été introduits pourfavoriser la pratique de groupe (trois praticiens ouplus), certaines pratiques en relation avec la santépublique (par exemple le suivi des grossesses), laparticipation à des démarches d’assurance dequalité (organisées par les districts) oul’encadrement des jeunes médecins.

L’allocation des ressources aux différentes régionspar le gouvernement central dépendait (jusqu’auxannées 90) de la taille de la population de la régionajustée en fonction du taux de mortalité standardisé

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

*NHS = Britishnational healthservice.

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(SMR). Mais plusieurs groupes s’opposaientfortement à ce genre de répartition et proposaientd’autres clés qui tiendraient mieux compte des« besoins » réels : la RAWP17 (Ressource allocationworking party) suggère trois indicateurs plussensibles que le SMR : le taux de maladieschroniques, d’invalidité et de handicap ; le LivreBlanc18 « Working for patients » parlait plutôt, lui,d’une capitation pondérée par des indices demorbidité et d’âge. Ces débats montraient en faitsurtout la nécessité d’investir dans de vastesrecherches destinées à définir les méthodesoptimales pour préciserles besoins en soinsglobaux d’une popula-tion donnée.

A partir de 1991,l’argument selon lequelc’est la mesure desbesoins, basée sur desdonnées empiriques,qui doit servir au calculd’une capitation « pon-dérée » a conduit à unnouveau système d’at-tribution des ressources(aux hôpitaux) appelé« modèle d’York »19,20.Celui-ci utilise unensemble de variablesparmi lesquelles onpeut relever : le tauxstandardisé de mala-dies de longue durée endessous de septantecinq ans, le taux standardisé de mortalité, laproportion de la population active au chômage, laproportion de la population pensionnée vivantseule, la proportion de la population dépendantevivant seule ou dans des ménages de deuxpersonnes, la proportion de familles mono-parentales, la proportion de maladies chroniquesdans la population, la proportion de la populationnée dans le New Commonwealth, etc. Le modèled’York est basé sur l’étude écologique de petiteszones pour identifier les déterminants des besoinsde soins et de leur utilisation. Les variables debesoins identifiées rassemblent des facteurs demorbidité et des facteurs socio-économiques(indice de Jarman). De plus, des modèlesstatistiques ont été élaborés pour annuler lesfacteurs confondants.

Dès à présent, ce modèle est très sévèrementcritiqué à la fois sur des arguments méthodolo-giques et sur le fait qu’il semble inéquitable. Il fautdire que le Département de la santé voudrait fairedoucement évoluer le NHS vers un managed caredans lequel les districts locaux deviendraient des« acheteurs » de soins responsabilisés dans unsystème de marché. Actuellement le modèle d’Yorkrend compte de l’allocation de 76 % des ressourcestotales et de nouvelles dispositions seront trèsprobablement introduites progressivement dans lesannées à venir.

● Italie

Le système de santé en Italie a lui aussi vécuplusieurs périodes bien distinctes séparées par desruptures qualitatives et quantitatives21. Avant 1978,le système italien se fondait sur un certain nombrede caisses nationales d’assurance de maladie auprèsdesquelles tout travailleur était obligé de s’inscrire.Ces caisses offraient une série définie de servicesaux assurés, agissant en tiers-payant vis-à-vis desprestataires de services conventionnés avec elles.Une de ces caisses (l’INAM), largement majoritaireet couvrant 75 % de toute la population avait defait établi un véritable système de santé nationalavec son propre réseau de structures locales et demédecins généralistes conventionnés travaillantdans leur propre cabinet mais qui acceptaient d’être

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payés à la capitation pour toute prestationconcernant des assurés de l’INAM, et qui jouaientle rôle de « gate keeper » pour les prestations enaval.

En 1978, l’Etat Italien instaure un « Systèmenational de santé (SSN) », dans le but d’augmenterl’équité en offrant une couverture globale du risquemaladie à tous les citoyens : l’inscription dans lesystème est liée au fait d’être citoyen, pas àl’emploi : passage brutal du modèle type Bismarckau modèle type Beveridge (le concepteur du NHSanglais). L’Italie est découpée en « Unités localesde santé (ULS) » (de maximum deux cent millehabitants) divisées elles-mêmes en « Districtssanitaires de base (DSB) » plus petits. Dans ceux-ci, la plupart des activités de soins primaires resteconfiée aux médecins généralistes, travaillantpresque partout en solo, payés à la capitation pureet simple pour une liste de patients qui doivents’enregistrer chez eux.

En 1993, une deuxième réforme globale du SSNest élaborée, résonnant bien dans l’air du temps :le modèle se veut entrepreneurial, obéissant auxlois du marché entre acheteurs (« purchasers ») etdispensateurs (« providers ») de soins, biendifférenciés, et dont les excès potentiels sont limitéspar les moyens classiques d’un état néo-libéral,surtout au niveau des soins spécialisés (les« diagnosis related groups » (DRG) par exempledans les hôpitaux). Il n’y a que peu de changementau niveau primaire, et en tout cas pas de mesureconcrète pour favoriser le travail en groupe et lasanté communautaire : les médecins généralistescontinuent à travailler en grande majorité tout seuls,

payés à la capitation sur base de listes, etcoordonnés par le médecin chef du DSB, lesinfirmières sont salariées, solo ou dans des cabinetsqui répondent aux besoins mineurs.

Globalement, le degré de satisfaction des patientset des prestataires par rapport à leur SSN est faible,et des circuits parallèles privés payants se sontprogressivement développés, ainsi que le miragehabituel du managed care.

● Norvège

En 199222, un système expérimental de listes depatients a été mis sur pied dans quatre municipalitésnorvégiennes, en y associant un financementmixte : capitation, acte et participation personnelledu patient. Les objectifs principaux de cetterecherche étaient :

de déterminer dans quelle mesure et de quellemanière un système de payement mixte desmédecins affecte ceux-ci, leurs patients et lesrelations des deux parties ;

de clarifier comment les systèmes traditionnelsde rétribution ont à être modifiés pour yintroduire progressivement de nouvellesperspectives de capitation ;de rassembler suffisamment de matériel etd’information pour voir si une structuration dusystème par listes de patients et payement à lacapitation peut être généralisé à toute la Norvège.

Après trois années de suivi étroit, les résultats desévaluations ont suscité beaucoup d’intérêt et ontmontré :

une remarquable stabilité des listes avec uneamélioration de la relation médecin - patient aucours du temps, ainsi qu’un sentiment deresponsabilité plus grand du médecin, dans sonchef et dans celui du patient ;une meilleure collaboration avec les hôpitaux etles spécialistes liée à l’existence d’un médecinde premier échelon de référence ;

une amélioration des relations de travail avec lesautres dispensateurs de soins primaires(infirmières, etc.) ;

une diminution du taux d’hospitalisation et desrecours aux services d’urgence ;une moyenne de mille quatre cent quatre vingt àmille six cent cinquante patients par liste maisavec des extrêmes de moins de mille à plus de

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

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deux mille sept cent. Ces chiffres ont interpelléla Norwegian Medical Association qui arecommandé une meilleure répartition du travailet un volume de liste ne dépassant pas deux millepatients ;

l’existence de listes « dures » rassemblantbeaucoup de patients lourds et qui devraientimpliquer des rémunérations supplémentaires ;un sentiment plus mitigé de la part des médecinsfemmes qui ressentaient moins de liberté et moinsde contrôle personnel sur leurs conditions detravail dans le nouveau système ;

la possibilité de travailler avec un (des) jeune(s)médecin(s) sur une liste de taille comparable auxautres, mais avec un temps clairement réservé àla formation et à la promotion de la santé ;

l’impossibilité, vu la durée limitée del’expérience, d’évaluer l’impact du nouveausystème sur la qualité des soins.

Cette étude a été considérée comme prouvant lafaisabilité de l’implantation d’un système partiel àla capitation en Norvège, et ses conclusions ontété suggérées pour la province canadienne del’Ontario23.

● Pays-Bas

Dans ce pays, le système de payement à lacapitation des médecins de famille est installédepuis longtemps, et de nombreux débatsconcernant le mode idéal de calcul du montant duforfait s’y tiennent régulièrement de façon fortanimée (tout comme dans les autres pays qui ontla même tradition de rémunération des soinsprimaires, comme le Danemark ou la Grande-Bretagne).Un point clairement établi, en tout cas, est que lataille de la liste des patients inscrits auprès d’undispensateur n’est qu’un prédicteur, parmi d’autresaussi importants, de la charge globale de travail dece dispensateur. Il semble d’ailleurs qu’il y a deuxmanières, pas nécessairement compatibles,d’aborder ce problème complexe : soit le paramètreprincipal pris en compte est la demande despatients, un par un au coup par coup, et il fautorganiser et financer la réponse à la demande(planification structurelle), soit il s’agit plutôt desbesoins en soins globaux de la population inscritedans son ensemble et le problème est alorsd’approcher le concept de manière quantitative,reproductible et comparable, pour rétribuer les

services qui assurent adéquatement ces besoins(planification opérationnelle). Plusieurs études dansdifférents pays ont d’ailleurs tenté d’évaluer le plusexactement possible la charge globale, réelle outhéorique, de travail du médecin qui doitconditionner sa rétribution. Le NIVEL* enparticulier, au travers d’une étude longitudinale(National study of morbidity and interventions ingeneral practice), l’a identifiée, par une analysemultivariée, à la combinaison de plusieursindicateurs : la taille de la liste, le nombre d’heurestravaillées dans la pratique (principalement encontact direct avec les patients) et la durée moyennedes contacts, un ensemble de facteurs quiconditionnent également la satisfaction desdispensateurs24,25. Peut-être certains de cesindicateurs sont-ils d’ailleurs des variablesconfondantes : on a montré par exemple unecorrélation positive forte entre le taux dans la listede patients âgés ou de niveau socio-économiquebas et le temps total hebdomadaire passé en face àface avec la patientèle26, ainsi que le taux de femmeset d’enfants en très bas âge27, ou le taux dechômeurs28. Le profil de consommation des classessocio-économiques favorisées montre un plus hautratio de consultations, celui des classes défavoriséesplus de visites à domicile29. La localisation de lapratique a également de l’importance : corrélationpositive entre la charge de travail du médecin et lasituation urbaine de son cabinet30 (modèle culturel ?meilleure accessibilité ?). Les facteurs prédictifs dela charge de travail sont donc légion, mais ont sansdoute tous à voir avec la principale variableexplicative : le niveau global de morbidité bio-psycho-sociale Òde la liste. C’est celle-là qu’ilconviendrait d’approcher le plus précisémentpossible.

● Suède

Comme la Grande-Bretagne, la Suède a organiséun système national de santé, dont le budgetprovient pour 82 % des impôts régionaux levésdans les vingt six comtés responsables del’administration des soins de santé. Jusqu’il y a peu,les moyens financiers étaient distribués directementaux hôpitaux et aux centres de soins primaires surbase de leur activité historique, avec ajustementpar l’index d’inflation. Cette situation est enchangement profond, depuis environ 1993,principalement dans les comtés qui ont reconnu aumarché interne un rôle dans la régulation de ladispensation des soins.

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Stockholm, en particulier, a été à l’avant-plan dela reconnaissance d’une distinction stricte entreacheteurs et producteurs de soins, avec lesconséquences secondaires prévisibles surl’allocation des ressources. Le comté de Stockholmcomprend un millions sept habitants, et la plusgrosse partie du budget des soins de santé estrépartie entre neuf districts sanitaires de cinquanteà trois cent mille habitants.

Les critères distinctifs d’allocation des ressourcesentre le système anglais (modèle d’York) et l’actuelsystème suédois (modèle de Stockholm) sont reprisdans le Tableau 231.

immigrantes non nordiques utilisaient beaucoupmoins les services de santé mentale, non pas parmanque de besoins ou par manque de services maisprobablement par manque d’adéquation culturellebesoins - demandes - services.

Globalement, le modèle suédois alloue relativementplus de moyens pour les services délivrant les soinsaux patients défavorisés sur le plan socio-économique, et le « ranking » de ces moyens suitassez fidèlement les différences déjà connues ducomté sur les plans sanitaire, démographique (etsocio-économique).

Le Tableau 3 montre l’évolution des ressourcesallouées aux neuf districts sanitaires du comté deStockholm. En 1995, on applique le modèle defaçon assez rigide ; les différences entre districtssont très marquées et, après évaluation, semblentdonner trop d’importance relative à des facteurstels que la proportion de la population âgée, laproportion de ménages à une seule personne, etc.Le poids des différents facteurs prédictifs a doncété revu très rapidement en fonction de cetteévaluation. Cette façon de procéder par bouclescourtes de rétrocontrôle semble particulièrementadéquate et bien acceptée par les pouvoirsadministratifs et par les dispensateurs.

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

Suède (modèle de Stockholm)• les besoins en soins de santé sont mesurés par diverses variables

démographiques et socio-économiques ;• les analyses sont basées sur des valeurs individuelles ;• il est tenu compte des coûts relatifs réels des soins de santé.

Grande-Bretagne (modèle d’York)• les besoins en soins de santé sont mesurés par le taux de mortalité,

certains taux de morbidité, et diverses variables socio-économiques ;• les analyses sont basées sur les études écologiques de petites zones

pour identifier les déterminants des services, puis ajustées en fonctionde l’offre de ceux-ci ;

• il est tenu compte des coûts estimés des soins de santé.

Tableau 2 : Différences entre le modèle d’Yorket le modèle de Stockholm.

Cet ensemble de différences reflète bien lesconvergences et les divergences qui peuvent existerentre les approches méthodologiques et/ouscientifiques de certaines politiques. Lesconvergences découlent du fait que le déterminantmajeur de la quantité de ressources allouées à un(ou à des) dispensateur(s) doit être la somme desbesoins en soins de la population prise en chargepar ce(s) dispensateur(s). Les divergences résidentd’une part dans la manière d’appréhender cesbesoins (échelle individuelle ou collective,variables démographiques et/ou socio-économiques et/ou de morbidité, etc.), et d’autrepart dans l’hypothèse de départ plus ou moinsstricte que les consommations de soinsdifférentielles entre groupes de population reflètentbien des besoins de soins différents dans la mêmemesure dans ces mêmes groupes, le tout relativisépar l’offre de services (état de pléthore médicalepar exemple). Une étude32 menée à Stockholmjustement a montré que les populations

1995 1996 1997

Norrtälje 98,5 96,4 100,6

North east 96,7 96,6 97,9

North west 91,4 94,5 94,2

Central Stockholm 127,7 120,3 119,2

West Stockholm 99,1 100,3 98,6

South Stockholm 122,7 116,3 117,4

South west 97,6 99,5 98,1

South east 83,4 85,9 86,2

Södertälje 93,0 96,0 95,7

Comté de Stockholm 100 100 100(in toto)

Tableau 3 : Poids relatif par habitant des neuf districtsdu comté de Stockholm

(index 100 = 9.166 Kr par habitant en 1995,9.082 Kr en 1996 et 8.979 Kr en 1997).

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financement des soins

de santé primaires au

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Conclusions

Ce survol orienté de la littérature scientifiqueconcernant le système de financement forfaitaire àla capitation des soins de santé primaires permetde mettre en évidence plusieurs faitsparticulièrement intéressants pour lacompréhension de l’origine et du développementdu phénomène, pour comprendre les difficultés etles résistances à son implantation, et peut-être pourtrouver des méthodes et des moyens originaux pourlui construire une nouvelle nature originale qui luidonnerait une impulsion définitive.

• Devant le constat généralisé et accablant deslimites, impasses ou même échecs des systèmesde santé actuels, notamment sous l’angle de leurefficience (les résultats par rapport aux coûts), deplus en plus de pays se tournent puis s’engagentvers des réformes profondes de leur politique desanté, initiant, de manière partielle ou globale, desmodes de financement forfaitaire pour les soinsspécialisés et les soins primaires.

• Les avantages soulignés du système à lacapitation ont souvent été orientés dans unedirection économique : maîtrise potentielle descoûts pour un secteur (celui des soins de santé) enpleine explosion des dépenses. Il est quand mêmeimpératif de remarquer que, dans notre pays, leniveau primaire des soins a toujours étéparticulièrement économe (ou plus probablementvolontairement défavorisé) en ce qui concerne lapart relative des moyens qui lui étaient et qui luisont toujours attribués par rapport aux niveaux desoins spécialisés.

• Le système de financement n’est qu’un deséléments (important et même fondamental s’il enest) de la construction de tout un système globalde politique de santé, qui s’articule en complé-mentarité ou en antagonisme avec les autres(filières de soins, systèmes d’information, fonctionsdes différents niveaux d’intervention, etc.). Parrapport au système à l’acte ou à la fonctionforfaitaire, l’objectif de celui à la capitation est aumoins en congruence avec l’objectif général dusystème de soins : améliorer l’état de santé de lapopulation.

• Le financement forfaitaire permet de favoriserpositivement et activement la mise en œuvre et la

réalisation de plusieurs des critères de qualitémajeurs des systèmes de santé. De façon très claireet très évidente notamment, l’équité peut êtrerenforcée grâce à une meilleure répartition desressources par une allocation différenciée etoptimale selon les besoins (et pas seulement defaçon restrictive et exclusive selon le nombred’actes prestés par les dispensateurs). Plusieursindicateurs de besoins ont été imaginés etdéveloppés dans différents pays et peuvent servirde points de départ ou de guides pour desrecherches ou des applications ultérieures. Cesindicateurs semblent plus devoir relever dedimensions socio-économiques que de données demorbidité, et être appliquée à petite échelle.

• Des systèmes de financement forfaitaire à lacapitation sont imaginables à des échellesfondamentalement différentes : depuis le niveaude la pratique individuelle ou collective de soinsprimaires jusqu’à celui du « district de santé »regroupant plusieurs centaines de milliers depatients, intégrant les différents échelons de soins,et ouvrant la voie à l’organisation du « managedcare ».

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C A H I E R

• Les patients perçoivent subjectivement lesystème à la capitation forfaitaire de manièrebeaucoup plus positive que les prestataires de soins,pour lesquels craintes (par rapport à leurs revenus)ou oppositions sur le fond existent fréquemment.C’est donc vers ceux-ci que devraient se développeren priorité les actions de conviction et des mesuresconcrètement incitatives, par exemple pour lapratique de groupe.

Le forfait à la capitation ne doit pas, par ailleurs,être considéré d’abord, adopté et mis en placeensuite, comme une panacée universelle. Commetout système, surtout en période d’initiation, ilprésente une série d’inconvénients et d’implicationsnégatives, qui suggèrent que, s’il existe un système« idéal », ce devrait être un système mixte danslequel le forfait occupe la part prépondérante. C’estlà le seul moyen pour annuler de manière radicaleet définitive l’effet pervers de la surproductiond’actes (sans préjuger de ses causes), tout enpréservant et même en développant de manièreprospective les critères de qualité globaux dusystème. Plusieurs fractions de financement d’unepratique (solo ou de groupe) de soins primairesdevraient donc s’additionner pour composer unfinancement global cohérent orienté vers la qualité :

une part fixe, mais modulée par l’importancede la pratique, pour couvrir les moyens structurels(locaux, système d’information par exemple) etcertains moyens opérationnels a priori nonprioritaires pour les prestataires (organisation dela continuité, collaborateurs secrétaires parexemple) ;

une part forfaitair e, la plus importante, baséesur le nombre et la qualité des patients pris encharge (allocation différenciée à la capitationselon les besoins définis par un certain nombred’indicateurs régulièrement réévalués), et fixéedans un contrat écrit entre patient et médecin ;

une part à la pièce pour les prestations pénibles(visites de nuit par exemple) ou pour les actesqu’on veut voir prester de façon préférentiellepar le niveau primaire dans le cadre de prioritéset de choix clairs en matière scientifique etpolitique (tonométrie de dépistage, frottis de col,par exemple), et qui ont peu de chance d’êtreréalisés régulièrement dans un système forfaitaireintégral ;

une part à l’objectif pour amener lesdispensateurs à oeuvrer systématiquement àl’achèvement d’un standard de santé prioritaire

Le forfait à la capitation pour les soins primaires :une revue de la littérature internationale

(= objectif quantifié en fonction de critères),local, régional ou national (taux de vaccinationanti-grippe, taux de mammographie, dépistagede l’intoxication au plomb par exemple) ;

une part éventuelle laissée à la charge dupatient sous forme de participation personnelle.

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Le forfait, on en parle

Deux cents personnes à la salle Dynastie du Palais des congrès à l’invitation de Point d’appui Samenlevingen gezondheid de la Vrij universiteit van Brussel, faculté de médecine et de pharmacie sur la comparaisonacte/forfait au service de la qualité et de l’accessibilité des soins de santé primaires.

En soit l’initiative prise par le professeur Fred Louckx était intéressante : tenter une comparaison del’influence des modes de financements sur les performances des soins de santé ; elle a d’ailleurs recueilliune participation dans tous les secteurs de responsabilités des soins de santé et une participation de bonniveau universitaire, syndicaliste, praticien, mutualistes, responsables de l’INAMI,...C’est surtout à ce titre que la journée a trouvé son intérêt car peu d’interventions ont apporté des élémentsneufs au débat !Cependant il se pratique un financement forfaitaire à l’inscription au niveau des soins de première ligneet une majorité de responsables se sont penchés sur son intérêt !

Conclusions du professeur Fred Louckx : acte versus forfait pour les soins de santé primaires ;

1. La réunion a permis de montrer que le phénomène est en expansion ;

2. Qu’il y a des avantages et des inconvénients aux deux systèmes suivant les objectifs :• le payement à la prestation est surtout positif en terme d’indépendance de la pratique, de

flexibilité, de financement, mais moins favorable au développement d’activités connexes etde démarches de promotion de la santé ;

• le forfait est plus favorable à une démarche intégrée, à rencontrer une population ciblée,à soutenir une certaine efficacité.Par contre, il pourrait conduire à une sélection du risque et aux inconvénients de la démarcheciblée ;

3. Méfions-nous des indicateurs qu’on utilise pour évaluer les effets de l’une et l’autre modalité definancement sur la pratique :

• le cadre juridique ne garantit dans aucun des deux cas la qualité de la pratique (plus avec leforfait) ;

• les résultats ne concernent pas que des paramètres mesurables ;• les critères de qualité sont le fait d’un travail de consensus ; il importe de réfléchir ou d’examiner

à partir de quel groupe ce consensus a été élaboré (critères spécifiques pour les soins de santéprimaires) ;

• la pléthore est un exemple significatif : il y a trop de médecins si on envisage le problème avecles paramètres actuels. Mais si la prévention entrait dans leur pratique ou si on développait lessoins à domiciles, alors on pourrait manquer de médecins généralistes !

4. On constate un désinvestissement des quartiers à risque... c’est un risque... ;

5. Concernant la participation des patients : intérêt des deux côtés ;• « notre cabinet... » dixit les patients ;• les patients peuvent aider à la prise en compte de critères de qualité mais aussi à la nécessité

d’accepter de changer l’offre ;• attention aux abus (manipulations) ;• avec qui faut-il parler ? Où sont les interlocuteurs ? Créer des lieux ?

6. Intérêt évident pour des politiques de santé sur le long terme et de la nécessité de développerdavantage de recherches en matière de soins de santé primaires ;

7. Quelques évidences empiriques :• l’impact de l’économique et aussi la nécessaire prise en compte des coûts ;• l’impact santé est difficile à mesurer ;• la question est « comment améliorer la santé ? » peu importe le mode de financement qui reste

un moyen ;• efficacité pour qui ?

Jacques Morel,médecingénéraliste

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financement des soins

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Santé conjuguée - janvier 1998 - n ° 388

C A H I E R

ERRATUM :Une erreur s’est glissée dans le deuxième numéro de Santé Conjuguée : la bibliographie qui appartient àl’article « Etat de manque et manque d’état » d’Anne-Françoise Raedemaker (page 50) s’est retrouvée àla page 46 à la fin de l’article de Cécile Moorgat et Raymonde Saliba.Nous prions nos lecteurs de bien vouloir excuser cette malencontrueuse coquille.