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1 Dermatologie infectieuse © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés FLORE CUTANÉE Dès la naissance, de nombreux germes de l'environnement et une flore cutanée vont coloniser la peau. Cette flore vit sur la surface et dans la profondeur de l'épiderme. Elle réalise ainsi un écosys- tème complexe dont la composition résulte d'un équilibre entre les conditions locales et les propriétés métaboliques de ces micro- organismes. Classiquement, dans cette flore cutanéomuqueuse, on distingue deux populations distinctes (tableau 1.1) [1] : la flore résidente, dont la quantité et la répartition sont relativement stables et qui peuple, sous forme de micro- colonies, la couche cornée et les couches superficielles de l'épiderme ; la flore transitaire constituée de micro-organismes vivant librement à la surface des téguments, surtout sur les par- ties découvertes, qui proviennent de sources exogènes ou d'autres flores commensales de l'organisme (la flore diges- tive par exemple). Les micro-organismes qui constituent la flore cutanée colo- nisent les couches superficielles de l'épiderme et les annexes. Ainsi, les bactéries aérobies se développent sous la forme de microcolonies dans les couches externes du stratum corneum, alors que les bactéries anaérobies se rencontrent principale- ment dans la profondeur des follicules pileux. FLORE CUTANÉE RÉSIDENTE Elle est dominée par les espèces Gram positif, avec deux familles principales : les staphylocoques et les bactéries cory- neformes aérobies ( Corynebacterium spp.) et anaérobies ( Propionibacterium spp.). Les staphylocoques à coagulase négative représentent les espèces les plus fréquemment trou- vées dans la flore cutanée normale. Trois espèces prédominent : S. epidermidis que l'on peut isoler sur l'ensemble du terri- toire cutané, mais dont les sites préférentiels de colonisation sont la face, les narines antérieures et le creux axillaire [2] ; S. hominis qui est isolé fréquemment du creux axillaire, du creux inguinal et périnée ; et S. haemolyticus qui est surtout rencontré au niveau des bras, des jambes et des espaces interdigitaux. La colonisation cutanée par S. epidermidis, S. hominis et S. haemolyticus survient très tôt dans la vie, les autres espèces n'apparaissant qu'après les premiers mois [3]. Les organismes corynebactériformes comportent des corynebactéries et des bactéries du genre Brevibacterium, des propionibactéries, et de microcoques. Les seules bactéries Gram négatif résidentes de la peau font partie du genre Acinetobacter. D'autres germes sont également associés à cette flore : des levures lipophiles du genre Malassezia, des parasites de la famille des acariens tels les Demodex, et probablement certains virus (notamment de la famille des papillomavirus), bien que ce domaine soit moins bien exploré. FLORE CUTANÉE TRANSITAIRE Elle est composée de germes pouvant contaminer temporai- rement la peau ou s'installer plus durablement dans des loca- lisations (gîtes) propices par les conditions d'humidité, de pH (périnée, récessus narinaires, conduits auditifs externes) ou en cas d'effraction de la barrière épidermique. Il s'agit en parti- culier : de bactéries de la famille des Staphylococcus aureus (20 % de porteurs sains) [4], streptocoques , Bacillus, Neisseiria, de bacilles Gram négatif tels que Pseudomonas et de levures telles que des Candida ( albicans et parapsilopsis notamment). CONTRÔLE DE LA FLORE CUTANÉE La flore microbienne varie de manière qualitative et quantita- tive selon plusieurs facteurs. Facteurs physico-chimiques Il s'agit de l'humidité, du pH, de la température. L'humidité accroît le nombre de bactéries résidentes et favorise la colo- nisation par des bactéries Gram négatif (creux axillaire, creux inguinal, périnée). Les germes résidents de la peau peuvent générer des conditions défavorables au dévelop- pement d'autres micro-organismes par production d'inhibi- teurs, création de milieux de pH néfastes ou modifications de récepteurs. Les lipides présents à la surface cutanée inhibent la prolifération de certains germes tels les Staphylococcus 1 Flore cutanée 1 Microbiome et microbiote cutanés 2 Flore cutanée, microbiote et microbiome Mourad Mokni, Sonia Abdelhak

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Dermatologie infectieuse© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

FLORE CUTANÉE

Dès la naissance, de nombreux germes de l'environnement et une flore cutanée vont coloniser la peau. Cette flore vit sur la surface et dans la profondeur de l'épiderme. Elle réalise ainsi un écosys-tème complexe dont la composition résulte d'un équilibre entre les conditions locales et les propriétés métaboliques de ces micro-organismes. Classiquement, dans cette flore cutanéomuqueuse, on distingue deux populations distinctes ( tableau 1.1 ) [ 1 ] : � la flore résidente, dont la quantité et la répartition sont

relativement stables et qui peuple, sous forme de micro-colonies, la couche cornée et les couches superficielles de l'épiderme ;

� la flore transitaire constituée de micro-organismes vivant librement à la surface des téguments, surtout sur les par-ties découvertes, qui proviennent de sources exogènes ou d'autres flores commensales de l'organisme (la flore diges-tive par exemple).

Les micro-organismes qui constituent la flore cutanée colo-nisent les couches superficielles de l'épiderme et les annexes. Ainsi, les bactéries aérobies se développent sous la forme de microcolonies dans les couches externes du stratum corneum,alors que les bactéries anaérobies se rencontrent principale-ment dans la profondeur des follicules pileux.

FLORE CUTANÉE RÉSIDENTE Elle est dominée par les espèces Gram positif, avec deux familles principales : les staphylocoques et les bactéries cory-neformes aérobies ( Corynebacterium spp.) et anaérobies ( Propionibacterium spp.). Les staphylocoques à coagulase négative représentent les espèces les plus fréquemment trou-vées dans la flore cutanée normale. Trois espèces prédominent : � S. epidermidis que l'on peut isoler sur l'ensemble du terri-

toire cutané, mais dont les sites préférentiels de colonisation sont la face, les narines antérieures et le creux axillaire [ 2 ] ;

� S. hominis qui est isolé fréquemment du creux axillaire, du creux inguinal et périnée ;

� et S. haemolyticus qui est surtout rencontré au niveau des bras, des jambes et des espaces interdigitaux.

La colonisation cutanée par S. epidermidis, S. hominis et S. haemolyticus survient très tôt dans la vie, les autres espèces n'apparaissant qu'après les premiers mois [ 3 ]. Les organismes corynebactériformes comportent des corynebactéries et des bactéries du genre Brevibacterium , des propionibactéries , et de microcoques . Les seules bactéries Gram négatif résidentes de la peau font partie du genre Acinetobacter . D'autres germes sont également associés à cette flore : des levures lipophiles du genre Malassezia , des parasites de la famille des acariens tels les Demodex , et probablement certains virus (notamment de la famille des papillomavirus ), bien que ce domaine soit moins bien exploré.

FLORE CUTANÉE TRANSITAIRE Elle est composée de germes pouvant contaminer temporai-rement la peau ou s'installer plus durablement dans des loca-lisations (gîtes) propices par les conditions d'humidité, de pH (périnée, récessus narinaires, conduits auditifs externes) ou en cas d'effraction de la barrière épidermique. Il s'agit en parti-culier : de bactéries de la famille des Staphylococcus aureus(20 % de porteurs sains) [ 4 ], streptocoques , Bacillus, Neisseiria,de bacilles Gram négatif tels que Pseudomonas et de levures telles que des Candida ( albicans et parapsilopsis notamment).

CONTRÔLE DE LA FLORE CUTANÉE La flore microbienne varie de manière qualitative et quantita-tive selon plusieurs facteurs.

Facteurs physico-chimiques Il s'agit de l'humidité, du pH, de la température. L'humidité accroît le nombre de bactéries résidentes et favorise la colo-nisation par des bactéries Gram négatif (creux axillaire, creux inguinal, périnée). Les germes résidents de la peau peuvent générer des conditions défavorables au dévelop-pement d'autres micro-organismes par production d'inhibi-teurs, création de milieux de pH néfastes ou modifications de récepteurs. Les lipides présents à la surface cutanée inhibent la prolifération de certains germes tels les Staphylococcus

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Flore cutanée 1

Microbiome et microbiote cutanés 2

Flore cutanée , microbiote et microbiome

Mourad Mokni , Sonia Abdelhak

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1 DERMATOLOGIE INFECTIEUSE

aureus et les Candida , mais favorisent la prolifération de Propionibacterium acnes . Le processus d'adhésion des bac-téries sur les cellules épidermiques joue également un rôle important pour la colonisation bactérienne ; les mécanismes en sont mal connus, faisant intervenir la surface bactérienne et la synthèse d'adhésines bactériennes, mais également la pré-sence de récepteurs par les cellules épidermiques, ce qui peut expliquer certaines susceptibilités individuelles.

La température à la surface de la peau varie en fonction des régions : 30 °C au niveau de la plante des pieds, 35 °C au niveau des aisselles. Elle dépend également des conditions extérieures et des variations physiologiques liées aux réponses vasculaires du derme qui représentent un véritable système de régulation. Ce système permet d'obtenir des variations de la température cutanée de 30 à 40 °C, pour des variations de la température extérieure de 15 à 40 °C. Cette gamme de tem-pératures conditionne la composition de la flore microbienne.

Facteurs immunitaires Ils résultent de la synthèse par les kératinocytes de l'épiderme de peptides antimicrobiens tels que les défensines . Des anti-corps présents dans la sueur pourraient jouer un rôle dans l'im-munité de surface.

La caractérisation de cette flore cutanée a reposé sur la culture de prélèvements à la surface de la peau ou des biopsies. Cependant, moins de 1 % des espèces bactériennes peuvent être cultivées dans les conditions standards de laboratoire et beaucoup de celles qui poussent sont envahies par des espèces à croissance rapide [ 5 ]. Des études récentes d'amplification

d'ADN (acide désoxyribonucléique) et de séquençage peuvent actuellement contourner les cultures et permettent une repré-sentation moins biaisée du microbiote cutané et son contenu génétique appelé microbiome.

MICROBIOME ET MICROBIOTE CUTANÉS

Le mot microbiote désigne ici les espèces autrefois groupées sous le terme « microflore », c'est-à-dire celles qui prédo-minent et/ou sont durablement adaptées à la surface et à l'inté-rieur d'un organisme vivant.

Le microbiote est l'expression des conditions écologiques de ces milieux (température, pH, teneurs hormonales, en graisses, en protéines, etc. exposition aux UV (ultraviolets), absence de lumière, type de muqueuse, etc.), conditions auxquelles vont répondre les communautés microbiennes en cause, individuellement et/ou collectivement, et qu'elles peuvent modifier ou entretenir.

Ce concept embrasse les notions de communauté micro-bienne, d'interactions fonctionnelles entre micro-organismes et entre eux et l'organisme ou différents organes (allant du simple commensalisme jusqu'à la symbiose). Par extension, le microbiome peut désigner la somme des génomes des micro-organismes vivant dans ou sur un organisme animal ou végé-tal (hors état pathologique). Un séquençage collectif de ces organismes est possible (métagénomique), applicable à un écosystème complet.

On estime actuellement qu'un million de bactéries avec des centaines d'espèces différentes habitent chaque cm 2 de peau [ 6 ].

Tableau 1.1. Flore cutanée résidente et transitaire.

Flore résidente Germe

Bactéries Cocci Gram positif Staphylocoques à coagulase négative – S. epidermidis

– S. hominis

– S. haemolyticus

Germes corynébactériformes – Corynebactéries

– Brevibacterium

– Propionibactéries

– Microcoques

Bactéries Gram négatif – Acinetobacter

Parasites Acariens – Demodex

Levures – Malassezia

Virus – Papillomavirus humains

Flore transitaire Bactéries – Staphylococcus aureus

– Streptocoques

– Bacillus

– Neisseiria

Bacilles Gram négatif – Pseudomonas

Levures – Candida albicans

– Candida parapsilopsis

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1FLORE CUTANÉE, MICROBIOTE ET MICROBIOME

Il est actuellement évident que seule une minorité de bacté-ries sont capables d'être isolées par culture à cause des condi-tions nutritionnelles et physiologiques. Ces bactéries ne sont pas nécessairement les plus abondantes et les plus influentes dans l'écosystème cutané. De plus certaines bactéries néces-sitent des conditions spéciales de prélèvement, transport et cultures. Le développement des techniques moléculaires d'identification et de quantification des micro-organismes a révolutionné notre vision du monde microbien.

En 2007, le NIH ( National Institutes of Health ) amé-ricain a lancé le Projet du microbiome humain afin d'éta-blir un catalogue de référence des séquences des génomes microbiens à partir de 242 adultes en bonne santé et de com-prendre la spécificité des flores microbiennes intestinales, génito- urinaires et cutanées [ 7 ]. Récemment, le résultat du projet microbiome a été publié décrivant les méthodes métagénomiques d'études et les bases de données publiques de tout le génome et les séquences des gènes 16SrRNA [ 8 ] Ces travaux ainsi que d'autres études de la dernière décen-nie ont caractérisé le microbiome cutané de volontaires sains et sa variation selon les différentes niches, les indivi-dus et le temps.

La méthode d'analyse basée sur le séquençage d'une col-lection de micro-organismes telle que le microbiote cutané est désignée comme « métagénomique » [ 9 ]. Cette méthode consiste en l'amplification de gènes de petite sous-unité d'ARN (acide ribonucléique) ribosomal procaryote (16SrRNA) à par-tir de prélèvements cutanés [ 7 ]. Ce gène 16SrRNA existe chez toutes les bactéries et les archae mais non chez les euca-ryotes. Le nombre séquences d'une espèce représente sa rela-tive abondance dans l'échantillon analysé.

Ces méthodes ont donc permis de contourner les limites techniques de cultures et ont révélé une plus grande diver-sité des différentes flores microbiotiques. Les bactéries cutanées appartiennent à quatre embranchements ( phyla ) : Actinobacteria , Firmicutes , Bacteroidetes et Proteobacteria . Ces mêmes phyla sont retrouvées à des proportions différentes dans les microbiotes des muqueuses buccales et intestinales.

En ce qui concerne le règne fongique, la colonisation de la peau par Malassezia se déclare dès la période néonatale. Malassezia est en effet présent chez 100 % des nouveau-nés dès le 1 er jour de vie. Le niveau de colonisation par Malasseziaaugmente ensuite avec le temps. Sa diversité chez l'enfant s'apparente à celle de l'adulte à partir du 30 e jour de vie [ 10 ]. En revanche, d'un point de vue quantitatif, une forte augmen-tation est observée chez le garçon de 16 à 18 ans et chez la fille de 10 à 12 ans. Le nombre de Malassezia diminue ensuite jusqu'à la sénescence [ 11 ]. Il est à noter que certains nouveau-nés développent une pustulose lors de la colonisation par Malassezia .

Le virome cutané est actuellement moins bien caractérisé. Il est composé aussi de virus résidents et transitaires. Des ana-lyses de séquençages à la surface cutanée ont montré trois familles prédominantes : Papillomaviridae , Polyomaviridae et Circoviridae [ 12 ], ce qui confirme le portage asymptomatique de nombreuses souches de papillomavirus (HPV) (jusqu'à 17 différentes souches). En plus, 13 nouvelles souches de g-HPV ont été identifiées, suggérant que la diversité des groupes de g-HPV résidents est plus large que ce qui a été déjà décrit [ 12 ]. Les polyomavirus des cellules de Merkel, les polyoma-virus 6, les polyomavirus 7 et les polyomavirus humains 9

sont nouvellement découverts [ 13 ], ce qui indique que le por-tage chronique et la présence à la surface de la peau des polyo-mavirus sont importants. De nombreux membres de la famille des Circoviridae sont présents à la surface cutanée particuliè-rement du genre cyclovirus.

VARIATIONS SELON L'ÂGE In utero , la peau fœtale est stérile, mais quelques minutes après la naissance la colonisation microbienne commence. Les nouveau-nés sont d'abord colonisés par un microbiote peu diversifié. Au contact de l'environnement, et suite aux chan-gements au niveau de la peau des caractéristiques d'humidité, de température et glandulaire, on assiste à une diversification progressive du microbiote cutané [ 14 ]. Ces niches microbio-tiques continuent à se développer avec la puberté, l'âge et les expositions environnementales.

VARIATIONS SELON LE SIÈGE La colonisation bactérienne est variable selon le siège cutané avec une spécificité bactérienne associée à des microenviron-nements humides, secs et sébacés ( figure 1.1 ). En général, la diversité bactérienne semble plus faible dans les régions sébacées étudiées (front, plis rétro-auriculaires, narine, dos) suggérant une sélection des germes pouvant tolérer ces sites [ 15 , 16 ]. Les Propionibacterium spp. sont les organismes dominants, ce qui confirme les études classiques décrivant Propionibacterium spp. comme des résidents lipophiles des unités pilosébacées. Les analyses métagénomiques ont aussi révélé que les Staphylococcus et Corynebacterium spp. sont les organismes les plus abondants au niveau des régions humides étudiées (ombilic, aisselles, plis inguinaux, plis interfessiers et plis des coudes) [ 15 , 16 ]. Les staphylocoques occupent des niches aérobies et utilisent probablement l'urée de la sueur comme source d'azote. Les corynebactéries poussent diffici-lement et lentement en culture, ce qui a longtemps minimisé leur rôle dans la flore cutanée. La dégradation de la sueur apo-crine par les corynebactéries et les staphylocoques est respon-sable de la mauvaise odeur associée à la sudation chez les humains [ 17 ].

Les régions cutanées sèches sont le siège de la plus grande diversité microbienne avec la présence des quatre phyla Actinobacteria, Proteobacteria, Firmicutes et Bacteriodetes[ 15 , 16 ]. Ces sites incluent les avant-bras, les fesses et les mains. La constatation la plus surprenante au niveau de ces sites est l'abondance des organismes Gram négatif que l'on pensait coloniser la peau très rarement et que l'on considérait comme contaminants du tractus gastro-intestinal. Il est aussi intéressant de constater que ces sites contiennent une plus grande diversité phylogénétique que l'intestin et la bouche chez un même individu [ 16 ].

VARIABILITÉ TEMPORELLE DU MICROBIOTE Cette variabilité dépend du site. Les régions les plus stables dans le temps en matière d'habitat microbien sont celle par-tiellement fermées telles que le conduit auditif externe, les narines et les plis inguinaux [ 15 ]. En général, les localisations ayant une grande diversité microbienne (avant-bras, creux poplités, plis du coude, talon et espaces interdigitaux) sont moins stables dans le temps [ 15 ].

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1 DERMATOLOGIE INFECTIEUSE

VARIABILITÉ INTERPERSONNELLE Cette variation est plus faible dans les régions séborrhéiques. Les études moléculaires montrent que le microbiote cutané est composé essentiellement de micro-organismes relative-ment stables ( Propionibacterium et Staphylococcus spp.) et de germes moins fréquents et transitoires qui comptent plus dans la variabilité interpersonnelle. Les facteurs ayant un rôle dans cette variabilité ne sont pas clairs. Ils peuvent inclure des facteurs environnementaux externes (climat), le

statut immunitaire de l'hôte et les expositions aux germes environnementaux.

En conclusion, bien que les méthodes moléculaires donnent une idée moins biaisée du microbiote cutané, d'autres études doivent être développées afin de mieux caractériser les micro-biote et microbiome cutanés d'une façon plus précise [ 18 ]. En effet, cette approche n'est pas indemne d'imprécisions car ne peut distinguer les organismes vivants des organismes morts et ne permet pas d'objectiver avec précision les espèces transi-taires de la flore résidente.

Occiput

Glabelle

Pli nasogénien

Conduit auditif externe

Pli rétro-auriculaire

Narine

Manubrium

Dos

Aisselle

Pli du coude

Ombilic

Pli inguinal

Face antérieure de l’avant-bras

Loge hypothénar

Plis interdigitaux

Pli sous-fessier

Fesses

Creux poplité

Talon

Espaces interorteils

PropionibacteriumCorynebacteriumAutres Actinobacteria

16 %

26 %

41 %

13 %14 %

10 %

21 %

46 %

28 %

15 %

ActinobacteriaSites sébacés

Sites humides

Sites secs

StaphylococcusAutres Firmicutes

ProteobacteriaBacteroidetesAutres

Firmicutes

Figure 1.1. Composition du microbiome cutané, d'après [ 18 ], lui-même adapté de [ 15 ].

RÉFÉRENCES

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