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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 103–107 Article original Fonctionnement et originalité du dispositif « Maison des adolescents (MDA) du Tarn-et-Garonne » Functioning and an originality of the device “House of the teenagers of Tarn-et-Garonne” P. Ferron a , I. Pottier b,, L. Berges b a Pôle Adolescent du secteur pédopsychiatrique, centre hospitalier de Montauban, coordination médicale de la Maison des adolescents, 82000 Montauban, France b Maison des adolescents du Tarn-et-Garonne (MDA 82), 29, bis faubourg du Moustier, 82000 Montauban, France Résumé Il s’agit de montrer les spécificités de la Maison des adolescents (MDA) du Tarn-et-Garonne: (1) mettre en synergie un réseau de partenaires déjà impliqués dans la prise en charge des adolescents et des familles et y associer des partenaires jusque-là « isolés » du réseau (médecins généralistes, avocats...) ; (2) faire partie d’une association « La Raison des ados » incluant un réseau pour adolescents « difficiles », un groupe d’entraide mutuelle (GEM) et la MDA ; (3) être repérés par les adolescents et les professionnels comme un lieu ressource pouvant intervenir pour des situations très diverses (questionnement sur l’adolescence, prévention, pathologies...) avec des relais possibles et facilités en interne, au sein même de l’association ou à l’extérieur. Ce dispositif est explicité à travers deux situations. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maison des Adolescents (MDA) ; Réseau partenarial ; Aassociation ; Relais ; Groupe d’entraide mutuelle Abstract It deals with show specificities of the teenagers house of Tarn-et-Garonne: (1) put in synergy partners network already involved in the responsibility of the teenagers and the families, and to associate with the partners up to there isolated from the network (generalist physicians, lawyers...); (2) belong to La Raison des ados including one network for “hard teenagers”, a group of mutual aid and the Teenagers house; (3) be located by the adolescent and the professional like a place resource can intervene for diverse situations (questionnement about the adolescence, prevention, pathologies...), with possible and facilitated passthroughs in internal to the bosom even of the association or in external. The device is clarified through two situations. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: The Teenagers House of Tarn-et-Garonne; Network partenarial; Association; Passthrough; Group of mutual aid 1. Création L’élaboration du projet de création de la Maison des ado- lescents (MDA) du Tarn-et-Garonne s’est faite à partir d’un diagnostic pluripartenarial évaluant les points forts et les points faibles des dispositifs existants dans notre département en ce qui concerne les adolescents et leurs familles. L’ensemble des professionnels impliqués auprès des jeunes s’est réuni pendant Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Pottier). deux ans sous la forme d’un comité de pilotage 1 animé par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales 1 Partenaires impliqués : direction de la solidarité départementale, service de prévention spécialisé du conseil général, direction départementale de jeunesse et sport, mairie de Montauban, préfecture, Protection judiciaire de la jeunesse, Ins- pection Académique, Mission locale, association La Raison des ados, RESAD 82, conseil départemental de l’Ordre des médecins, centre hospitalier de Mon- tauban, Tribunal de grande instance, juge des enfants, conseil départementale d’accès au droit (CDAD), Bureau information jeunesse, centre départemental de l’enfance et de la famille, caisse d’allocations familiales (CAF), caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), DDASS. 0222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2010.06.008

Fonctionnement et originalité du dispositif « Maison des adolescents (MDA) du Tarn-et-Garonne »

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 103–107

Article original

Fonctionnement et originalité du dispositif « Maison des adolescents (MDA)du Tarn-et-Garonne »

Functioning and an originality of the device “House of the teenagers of Tarn-et-Garonne”

P. Ferron a, I. Pottier b,∗, L. Berges b

a Pôle Adolescent du secteur pédopsychiatrique, centre hospitalier de Montauban, coordination médicale de la Maison des adolescents,82000 Montauban, France

b Maison des adolescents du Tarn-et-Garonne (MDA 82), 29, bis faubourg du Moustier, 82000 Montauban, France

ésumé

Il s’agit de montrer les spécificités de la Maison des adolescents (MDA) du Tarn-et-Garonne : (1) mettre en synergie un réseau de partenaireséjà impliqués dans la prise en charge des adolescents et des familles et y associer des partenaires jusque-là « isolés » du réseau (médecinsénéralistes, avocats. . .) ; (2) faire partie d’une association « La Raison des ados » incluant un réseau pour adolescents « difficiles », un groupe’entraide mutuelle (GEM) et la MDA ; (3) être repérés par les adolescents et les professionnels comme un lieu ressource pouvant intervenir poures situations très diverses (questionnement sur l’adolescence, prévention, pathologies. . .) avec des relais possibles et facilités en interne, au seinême de l’association ou à l’extérieur. Ce dispositif est explicité à travers deux situations.2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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It deals with show specificities of the teenagers house of Tarn-et-Garonne: (1) put in synergy partners network already involved in the responsibilityf the teenagers and the families, and to associate with the partners up to there isolated from the network (generalist physicians, lawyers. . .); (2)elong to La Raison des ados including one network for “hard teenagers”, a group of mutual aid and the Teenagers house; (3) be located by

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2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

eywords: The Teenagers House of Tarn-et-Garonne; Network partenarial; Association; Passthrough; Group of mutual aid

deux ans sous la forme d’un comité de pilotage1 animé parla direction départementale des affaires sanitaires et sociales

1 Partenaires impliqués : direction de la solidarité départementale, service de

. Création

L’élaboration du projet de création de la Maison des ado-escents (MDA) du Tarn-et-Garonne s’est faite à partir d’uniagnostic pluripartenarial évaluant les points forts et les points

aibles des dispositifs existants dans notre département en ceui concerne les adolescents et leurs familles. L’ensemble desrofessionnels impliqués auprès des jeunes s’est réuni pendant

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (I. Pottier).

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222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.neurenf.2010.06.008

révention spécialisé du conseil général, direction départementale de jeunesse etport, mairie de Montauban, préfecture, Protection judiciaire de la jeunesse, Ins-ection Académique, Mission locale, association La Raison des ados, RESAD2, conseil départemental de l’Ordre des médecins, centre hospitalier de Mon-auban, Tribunal de grande instance, juge des enfants, conseil départementale’accès au droit (CDAD), Bureau information jeunesse, centre départemental de’enfance et de la famille, caisse d’allocations familiales (CAF), caisse primaire’assurance maladie (CPAM), DDASS.

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DDASS), pour écrire un projet commun tenant compte despécificités du Tarn-et-Garonne et répondre ainsi au plus prèses besoins du public, des professionnels et du cahier desharges des MDA. Ce comité de pilotage s’est transformé enomité de suivi à partir de la création de la MDA en décembre007.

. Fonctionnement de la Maison des adolescents duarn-et-Garonne

Notre département fonctionnait déjà avec un réseau de parte-aires impliqués dans la prise en charge des adolescents et desamilles des champs sanitaire, social, éducatif et judiciaire. Nousouhaitions y associer des partenaires jusque-là isolés du réseau,ais aussi concernés : avocats, CDAD, médecins généralistes. Il

’agissait de créer des liens, de nouvelles pratiques et de mettren synergie autour de l’adolescent les différents acteurs afin’avoir une vision plus globale et généraliste de l’adolescenceinsi que des réponses mieux adaptées aux problématiques [1].

Dans un souci de transversalité, nous avons souhaité que laDA s’inscrive dans un fonctionnement associatif où chaque

artenaire et chaque institution soient considérés au même titreans qu’un secteur et/ou des compétences représentées soientalorisés par rapport aux autres. Ainsi, chaque partenaire a salace dans le fonctionnement sans mettre en avant l’institutionont il dépend.

La MDA du Tarn-et-Garonne est un lieu ouvert et généra-iste s’adressant à des adolescents et de jeunes adultes de 11 à5 ans, aux parents et aux professionnels. Ils peuvent y adres-er tout type de situation (questionnement sur l’adolescence,emande d’information, d’écoute, d’orientation. . ., Fig. 1).ous avons souhaité élargir la tranche d’âge au-delà de 18 ansour s’adresser aussi à de jeunes adultes ayant peu de dispositifsleur disposition et souvent en situation précaire.

L’originalité du dispositif est d’associer des professionnelsermanents de la MDA, salariés de l’association, à savoir uneesponsable coordonnatrice, une secrétaire, un éducateur spé-ialisé et un animateur, à des professionnels mis à disposition

ig. 1. Demandes exprimées par les jeunes.uelques chiffres. . . Entre 2008 et 2009, la Maison des adolescents a recu00 jeunes, 190 parents et 35 professionnels. La majorité des jeunes sont scola-isés au collège ou au lycée : 47 % ont entre 11 et 15 ans, 38 % entre 16 et 18 anst 15 % entre 19 et 25 ans.

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Fig. 2. Répartition des types d’accompagnements.

e leur institution2 et recouvrant l’ensemble du réseau partena-ial : médecins généralistes, psychiatre, addictologues, infirmier,ducateurs spécialisés, psychologue, assistante sociale, avocats,uriste, conseillère conjugale et familiale.

Ces professionnels participent à des temps d’accueil et’écoute avec ou sans rendez-vous, gratuits avec la possibilité dearantir une confidentialité pour permettre une analyse plus pré-ise de la demande qui peut aboutir à une évaluation en internear un autre professionnel de la MDA et/ou une orientation verses partenaires extérieurs si nécessaire. Régulièrement, ces par-enaires se rencontrent pour échanger autour de situations etroiser leurs regards et leurs compétences. Des temps de syn-hèse sont proposés en interne et en externe pour faire un travaillinique autour des problématiques les plus complexes.

À son arrivée à la MDA, l’adolescent est généralementccueilli par l’éducateur spécialisé ou la coordinatrice de laDA ou par un des professionnels mis à disposition par une

nstitution partenaire de la MDA. En fonction de sa demandeFig. 1), le jeune sera recu sur l’Espace Écoute pour un pre-ier entretien, soit il sera accompagné dans sa recherche

’information (prise de contact avec la structure, visite desocaux, proposition de supports, d’adresses. . .). À l’issue deette première rencontre (Fig. 2), si la demande et les besoins de’adolescent sont suffisamment élaborés, il peut revoir le mêmerofessionnel ou être orienté en interne vers un ou d’autres pro-essionnels plus adaptés. Parfois, il peut aussi être accompagnéour une orientation extérieure vers une structure du réseau local.

Il est toujours proposé aux jeunes de venir sur la struc-ure quand ils le souhaitent pour de nouvelles demandes ouour des entretiens spécifiques. Certains y reviennent plus ouoins régulièrement selon leurs souhaits ou participent à des

ctions collectives (information prévention santé, boîte à ques-ions sexualité, information justice, atelier création de cahiers deendance. . .). Pour les jeunes plus en souffrance psychique ousolés, ils peuvent être mis en relation avec le groupe d’entraide

utuelle (GEM).Adossé à la MDA, un GEM pour adolescents et jeunes

dultes de 16 à 25 ans, a ouvert dans les mêmes locaux. Ce dis-

2 Institutions représentées : centre hospitalier (secteur pédopsychiatrie, centree soin aux conduites addictives, médecins généralistes attachés et libéraux),DAD, tribunal de grande instance (TGI), planning familial, EPICE 82.

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P. Ferron et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 103–107 105

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ig. 3. Suivis extérieurs des jeunes du groupe d’entraide mutuelle.a plupart de jeunes bénéficient de prises en charge extérieures (médicale, psyc

ositif permet d’accueillir des jeunes en souffrance psychiquerésentant des difficultés de socialisation, encadrés par un ani-ateur pouvant se retrouver autour de projets et d’activités

hoisis de facon concertée. Ce dispositif est rattaché à unessociation parrain : « La Raison des ados », et a l’objectif deréer une association d’usagers dans laquelle les jeunes aurontn rôle central. L’intérêt de disposer d’un GEM à l’intérieure la MDA est de permettre d’y accéder par plusieurs portes’entrée : soit l’adolescent passe par le dispositif d’accueil et’écoute de la MDA et peut être orienté vers le GEM oue s’y inscrire à sa demande, soit il intègre directement leEM suite à une orientation extérieure. Nous avons constatéue dans certaines situations, le passage par le GEM pouvaitermettre à certains jeunes ayant une pathologie psychique’accéder plus facilement à un autre dispositif extérieur de soinse type, centre médicopsychologique (CMP), centre d’accueilhérapeutique à temps partiel (CATTP) ou hôpital de jourFig. 3).

La MDA se veut aussi un lieu ressource pour les pro-essionnels où sont proposées des actions de sensibilisationur l’adolescence et de formation auprès des partenaires (parxemple, intervention auprès des médecins généralistes libérauxans le cadre de leur formation médicale continue sur les thèmese la psychopathologie de l’adolescent, organisation de matinéeshématiques, projet d’intervention dans les collèges et lycées duépartement. . .) ainsi qu’un espace documentaire.

. Étude clinique : Mylène

Mylène, 17 ans, a pris contact avec la MDA par le biais deotre site internet sur lequel elle a déposé un message, faisanttat de son isolement et demandant des informations sur notreonctionnement. Elle connaissait l’existence d’autres MDA enrance dont elle avait aussi consulté les sites, bien avant laréation du site de la MDA de Montauban.

La coordonnatrice de la MDA répond à son mail, explicitantrièvement le fonctionnement et lui proposant de l’accueillir sures heures d’ouverture quand elle le souhaitera. Deux jours plusard, Mylène vient accompagnée de sa sœur. Elles sont recues

ar la coordonnatrice qui leur fait visiter la structure puis leurropose un entretien commun. Mylène lui dit alors la difficultéu’elle a eue à franchir la porte de la MDA seule, étant venue àeux reprises avant d’oser rentrer. Par la suite, Mylène parle très

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, éducative et/ou sociale).

ite de son histoire, soutenue par sa sœur. Elle est déscolariséeepuis deux ans, très isolée socialement. Elle évoque des diffi-ultés familiales, des troubles d’allure phobiques et dit avoir étéictime d’une agression sexuelle dans sa petite enfance qui n’aamais été dénoncée.

Sa sœur, quant à elle, la soutient dans ses propos. Ellexplique en ce qui la concerne être en recherche d’emploi etécupère des informations.

La coordonnatrice propose à Mylène de la revoir. Elle revienteule, rencontrant toujours le même professionnel. Très vite, elleuestionne le dispositif de soins au sein de la MDA.

Cette adolescente se présente sur un versant dépressif et’autorise à parler d’idées suicidaires [2]. La coordonnatrice’oriente alors vers la consultation psychiatrique de la MDA.

La psychiatre la rencontre quatre fois, deux fois seule eteux fois avec son père avec lequel elle vit. Ses parents sontn effet séparés et Mylène a peu de contact avec sa mère quiabite à 200 km. Ces entretiens lui permettent de confirmer leiagnostic de dépression chez cette jeune patiente, de constaterombien elle est peu soutenue dans son cadre familial et lui fontoser l’indication d’une hospitalisation. La psychiatre organisees liens avec le service d’hospitalisation pour adolescents de’hôpital où Mylène est admise quelques jours plus tard aprèsvoir rencontré le médecin du service.

Avant cette hospitalisation, Mylène passe plusieurs fois à laDA, sans demande particulière.À sa sortie de l’hôpital, l’adolescente revient à la MDA pen-

ant les temps de présence de la coordonnatrice. Elle a besoine raconter son hospitalisation et dépose une lettre destinée à’avocat qui intervient dans la structure. Quelques jours plusard, elle le rencontre.

La psychiatre lui propose de poursuivre le suivi médical aveclle, à l’extérieur de la MDA, étant aussi praticien hospitalier,e qu’elle accepte. Elle continue à être recue selon ce dispositif.

Mylène repasse régulièrement à la MDA, disant « ici, on nee prend pas la tête, on se sent chez soi ».Elle participe à la création d’une affiche sur les droits de

’enfant sur plusieurs séances, avec une autre adolescente quiréquente la MDA.

Elle prend rendez-vous avec l’intervenante du planning fami-ial qu’elle rencontre le jour même.

Progressivement, Mylène va mieux ; elle s’ouvre aux autrest son humeur se restaure.

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Elle peut partir quelques jours avec son père et sa sœur pourssister à un concert prévu depuis plusieurs mois et auquel elle’envisageait pas de se rendre quelques semaines auparavant.

Elle a pu nouer des liens, autour de ce concert, avec uneutre adolescente avec laquelle elle a échangé ses coordonnéest espère bien la revoir.

Dans le même temps, les liens familiaux semblent se res-aurer. Mylène reprend contact avec sa mère. Elle va lui rendreisite tout en continuant à appeler la coordonnatrice de la MDAour lui donner de ses nouvelles et à lui adresser des mails plutôtassurants.

. D’internet à la Maison des adolescents, commentréer du lien pour Mylène

Mylène nous a sollicités via l’outil informatique en déposantn message sur notre site internet. Pendant plusieurs mois, ceut pour elle le seul moyen de communication avec l’extérieur,épondant aussi à un déficit de communication au sein même dea famille.

« Ma famille, c’est internet » écrit Serge Tisseron dans unrticle intitulé « Une nouvelle culture des images » [3]. On peutarler de dyade numérique, tentative pour l’adolescent de retrou-er un partenaire avec qui interagir quand les relations précocesvec son environnement ont été de mauvaise qualité. Tel le bébéui découvre le monde, aux prises avec de multiples excita-ions sensorielles, les yeux sur son ordinateur, la main sur laouris comme un prolongement du Moi. C’est une alternance à’accordage affectif qui soutient l’estime de soi.

Mylène a évoqué des carences affectives précoces danson enfance, ainsi que des difficultés de communication intra-amiliale. Elle décrit sa famille non comme une unité maisomme l’association d’individualités qui ne communiquent pasu peu. En tout cas, il n’est pas question de partager sesmotions.

Mylène a utilisé internet comme une première étape dans lerocessus de parole pour exprimer son mal-être [4].

En effet, internet est parfois l’unique recours pour direne angoisse trop importante et donc indicible dans un autreontexte, surtout si l’environnement ne s’y prête pas [5].’adolescent a ainsi accès à une écoute, à un œil rassurant etontenant, qui l’encourage peu à peu à se sentir plus confiantour parler. En partageant son vécu douloureux avec un Autreirtuel, il peut susciter une réaction qui serait à la fois à distanceais aussi différée dans le temps, lui garantissant ainsi sa sécu-

ité personnelle. Il garde la maîtrise de la relation. En écrivanton questionnement ou sa souffrance sur internet, le jeune vit uneremière expérience de mise en mots et ainsi une première tenta-ive d’élaboration. Il s’agit d’un pas vers l’autre qu’il faut savoirecevoir pour lui permettre dans un second temps l’accès à uneencontre incarnée si nous professionnels, acceptons d’entendreette parole et de la soutenir.

Quand Mylène a pu faire la démarche de nous rencontrer, elle

noué des liens avec différents professionnels de la structure, à

’intérieur même de cet espace maternant respectant sa tempo-alité et de possibles allers-retours. Le premier d’entre eux, leremier contact avec la coordonnatrice, paraît essentiel. C’est à

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et de l’adolescence 59 (2011) 103–107

artir de là qu’elle a pu investir les autres, d’abord à l’intérieure la MDA, puis à l’extérieur. Elle est dans la position du petitnfant rassurée par sa mère qui l’autorise à avoir des investis-ements extérieurs à elle. Elle expérimente peu à peu, y déposees questionnements et ses difficultés par petites touches dansn mouvement de va-et-vient. Elle interroge la fiabilité du dis-ositif, puis l’utilise. Elle a aussi besoin de faire un retour de sesxpériences [6].

Nous avons le sentiment que Mylène rentre véritablementans un processus d’adolescence, fait de séparations et deetrouvailles, dans un travail d’individuation et de restaurationarcissique. Elle se construit à mesure qu’elle construit [7].

. Un autre parcours celui de Dominique et son devenirdulte

Quelques semaines après la rentrée scolaire 2008, Dominiqueollicite la Maison des ados sur orientation de l’infirmière sco-aire de son lycée. Il est accueilli par un éducateur du centre’accueil médicopsychologique pour adolescents (CAMPA),ntervenant partenaire de la MDA. Âgé de 19 ans, il exprime leesoin de « vider son sac ». Son histoire familiale l’encombre :ur le département depuis peu, il a vécu plusieurs déménage-ents dus à l’activité professionnelle de son père le confrontantchaque fois à des liens qui se font et se défont. Il relate une réelleifficulté à construire de nouvelles relations sur son lycée : il seent jugé, voire stigmatisé et dit être percu différent des autres.

Sa mère est décédée d’un cancer du sein il y a quelquesnnées. Il dit être passé par des alcoolisations, des substancesune certaine période. Aujourd’hui, il dit en être sorti. Dans

on discours, il montre qu’il est conscient d’avoir des choses àravailler sinon à régler et manifeste le souhait de parler avecuelqu’un capable de l’écouter et de le guider. L’éducateur duAMPA lui propose de rencontrer en interne sur la MDA lesychologue du même service.

Quelques jours plus tard, ce dernier l’oriente vers le CAMPAour l’accompagner dans un travail personnel. Dès lors, desendez-vous réguliers sont posés. Dominique revient voir’éducateur du CAMPA sur la MDA pour échanger autour duravail proposé par le psychologue. Il se montre volontaire dansette démarche.

Rapidement la MDA devient un lieu ressource pour lui. Ilient s’y poser de temps à autre et échanger avec l’adulte. Il faitart de son projet : changer d’orientation professionnelle et pas-er de l’électronique à la pâtisserie. Il cherche des informationsotamment sur la possibilité de faire des stages en pâtisseriet de se loger sur Montauban durant ces périodes. L’éducateurpécialisé de la MDA l’accompagne vers le Foyer des jeunesravailleurs. Dominique fera le reste.

Il s’intéresse également aux actions de la MDA et questionnee rôle du GEM. Par ce dispositif, la MDA sera un lieu repèreour lui. Très vite, il a senti qu’il ne serait pas jugé par les autrest le GEM sera pour lui l’espace de relation où il va exprimer et

évelopper son potentiel.

Pour autant, le travail engagé avec le psychologue le bousculet réactive ses questions : il est en demande de soutien : ses pas-ages réguliers sur la MDA en témoignent. Le positionnement

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[7] Braconnier A, Marcelli D. Psychopathologie de l’adolescent. Paris: Abrégé

P. Ferron et al. / Neuropsychiatrie de l’en

e l’accompagnement du psychologue et la mobilisation sur sesessources propres vont petit à petit l’ancrer davantage dans sesémarches pour construire son nouveau projet professionnel quiymbolise le lien à sa mère.

Dès lors, tout en terminant son année d’électronique, ilrépare son entrée dans l’apprentissage : stage en entreprise,ob étudiant, démarches administratives et recherche d’unmployeur pour effectuer son apprentissage. . .

Par ses passages réguliers à la MDA, il apportera de la viet au lieu et dans les relations avec les autres notamment sur leEM. Sa dynamique personnelle va être un atout et un appuiour l’engagement d’autres jeunes du GEM sur des actions col-ectives partagées : émission de radio, sortie à vélo, repas ciné,nniversaire. . . Son implication sur le GEM est un moteur poures autres. Il met en acte ses talents tant en cuisine qu’en infor-

atique. Il prend plaisir dans l’action et le lien avec les autreseunes du GEM.

Dans le même temps, les permanents de la MDA le voientrandir. Il y fait part de ses doutes, de sa détermination à cons-ruire son projet en dépit des obstacles qu’il rencontre. La MDAst le lieu où ses colères et incompréhensions s’expriment : ilrouve écoute, mobilisation et apaisement. C’est pour lui le lieuù toutes ses émotions peuvent s’exprimer : il fait aussi part à’équipe de permanent de ses réussites et découvertes, notam-

ent dans le métier de pâtissier.Pendant près d’un an et demi, nous serons les témoins du

arcours de cet adolescent vers l’adulte qu’il devient. Témoinse toutes ces questions, témoins de son implication tant auprèses autres que dans son propre projet professionnel, témoins deette transformation où vis-à-vis de sa famille, il sait qu’ellest là mais n’en attend rien : « mon père est ce qu’il est » dit-ilonscient qu’il doit lui-même construire son parcours.

Dominique est aujourd’hui en apprentissage pour un CAPâtisserie en un an et va poursuivre sa formation chez lesompagnons. Par son implication de plus en plus importanteans sa nouvelle formation professionnelle, il s’est détaché dea MDA qu’il fréquente moins sans pour autant rompre le lien.es contacts sont moins réguliers, peu physiques et plus télé-honiques. Avant son départ pour les Compagnons, il a souhaitéarquer de manière festive la fin de son passage à la MDA.l’image d’un livre, tel un « cahier de route », la page de son

arcours à la MDA se termine et se tourne afin qu’une nouvelleuisse s’écrire ailleurs et avec d’autres.

La MDA va être utilisée par Dominique comme lieu res-ource où il viendra chercher des réponses à ses questionnementsntimes et identitaires mais c’est aussi pour lui, l’occasion derouver un sens à son projet de vie et de s’approprier une trajec-oire [8]. Le dispositif lui a permis d’amorcer un travail personneluprès du psychologue et de pouvoir rendre compte des avancéese son projet à l’éducateur de la MDA, fil rouge du dispositif. La

lace qu’il prendra au sein du GEM lui permettra de construirene inscription sociale dans un cadre protégé. Ainsi, reconnuar ses pairs, il se restaure narcissiquement, peut apporter auroupe et y trouver de la réassurance.

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et de l’adolescence 59 (2011) 103–107 107

. Pour conclure

La MDA est un dispositif innovant qui a permis à Mylèneomme à Dominique, à travers ces allers et retours possibles auein de la structure, de s’approprier leur trajectoire, de construireleur rythme un projet en puisant les ressources nécessaires dans

es différents outils du dispositif.Pour nous, c’est à partir de cet espace que peut émerger une

emande et être organisées dans un second temps des réponsesue nous souhaitons au plus près des attentes et des besoins desdolescents.

Multipartenariale et pluridisciplinaire, la MDA permet unerise en compte globale des jeunes et de l’adolescence. Alorsue nous faisons le constat, après deux ans de fonctionne-ent, de l’intérêt de ce dispositif sur notre département du

ait de son accueil généraliste, de la diversité des proposi-ions d’intervention, de ses perspectives de développementur le territoire et des mises en lien avec les structures exis-antes, nous restons confrontés à des incertitudes concernanton financement, toujours aléatoire et non pérenne. Ainsi quee souligne Florence Pagneux dans son article « Un modèleeconnu mais fragile » [9], les MDA dans leur ensemble res-ent inquiètes sur leur situation financière, perpétuellement àa recherche de fonds ou de nouveaux partenariats pour trou-er a minima les moyens de fonctionner. Comment dès lorsontinuer à accompagner correctement ces adolescents si nousommes nous-mêmes confrontés à l’incertitude de notre propreevenir ?

Le « GEM » est constitué d’une vingtaine de jeunes âgés de7 à 23 ans. En 2009, la moitié d’entre eux ont été orientés via laDA et l’autre moitié par des partenaires extérieurs (prévention

pécialisée, maison d’enfants à caractère social [MECS], réseaue santé, institut médico-éducatif [IME]. . .).

onflit d’intérêt

Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.

éférences

1] Brisset C. Les Maisons des adolescents, pourquoi ? Comment ? Rapportannexe de la défenseure des enfants; 2002.

2] Pommereau X. L’adolescent suicidaire. Paris: Dunod; 2005.3] Le Breton D. Cultures adolescentes. Entre turbulence et construction de soi.

Collection Mutations. Paris: Autrement; 2008. 247, p. 126–138.4] Jeammet P, Bochereau D. La souffrance des adolescents. Paris: La décou-

verte; 2007.5] Le Breton D. L’adolescence à risque. Paris: Hachette; 2003.6] Jeammet P. Réalité externe et réalité interne. Importance et spécifi-

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Masson; 1988.8] Bynau C. Accueillir les adolescents en grande difficulté. Paris: Erès; 2007.9] Pagneux F. Un modèle reconnu mais fragile. Actual Soc Hebdo

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