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270 Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004 biologie générale biologie générale FONCTIONS BIOLOGIQUES DES ACIDES GRAS POLYINSATURÉS DANS LES MEMBRANES NERVEUSES : UNE ÉVOLUTION DES CONCEPTS J.-M. ALESSANDRI, P. GUESNET, Sylvie VANCASSEL, Isabelle DENIS, Bénédicte LANGELIER, Monique LAVIALLE L’incorporation des acides gras polyinsaturés dans les membranes excitables du cerveau et de la rétine est l’un des processus du développement périnatal qui concourent à la maturation fonctionnelle du système nerveux central. Chez l’Homme et l’animal, deux acides gras polyinsaturés majeurs contri- buent à l’ossature les membranes nerveuses : l’acide arachidonique (AA, 20:4n-6) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22:6n-3). L’incorporation pré- férentielle du DHA dans le cerveau et la rétine, par rapport aux autres tissus, est une constante remarquable de l’évolution des espèces. Les acides gras polyinsaturés : 20 et 22 atomes de carbone sont nécessaires au monde animal, le monde végétal en fournit 18 L’AA est un dérivé métabolique du précurseur de la série n-6, l’acide linoléique (18:2n-6), tandis que le DHA est issu du précurseur de la série n-3, l’acide -linolénique (18:3n-3). Les deux acides gras précurseurs, qui sont pour leur part des constituants très minoritaires des membranes nerveuses, ne sont synthétisés, en proportions variables, que par les organismes végétaux et par certains microor- ganismes. Le 18:2n-6 et le 18:3n-3 sont transformés res- pectivement en AA et DHA par les organismes animaux. La concentration en AA et en DHA dans les tissus ani- maux et dans les matières grasses animales dépend ainsi de celle des précurseurs végétaux contenus dans l’aliment. En consommant des matières grasses animales, les orga- nismes omnivores et carnivores peuvent ingérer directe- ment l’AA et le DHA et les utiliser pour l’élaboration de leurs propres membranes. La composante lipidique de l’alimentation, qu’elle soit de nature végétale ou animale, détermine ainsi la qualité des acides gras utilisables par l’organisme au cours de son développement et de son vieillissement. Prouver le rôle essentiel du DHA en supprimant les n-3 de l’alimentation À partir des années 1970, le développement de modèles animaux spécifiquement carencés en acides gras n-3, par l’utilisation d’huiles végétales très riches en 18:2n-6 et très pauvres en 18:3n-3 [1], a permis de mettre en exergue le rôle essentiel du DHA dans la maturation des fonctions visuelles [2] et cérébrales [3]. Sur le plan structural, ces travaux ont mis en évidence que l’effondrement des teneurs rétiniennes et cérébrales en DHA est compensé par la synthèse d’un acide gras polyinsaturé à longue chaîne de la série n-6, l’acide docosapentaénoïque (DPA, 22:5n-6). Il est ainsi apparu que le remplacement structu- ral du DHA par le DPA, induit à la fois par la carence chronique en acides gras n-3 et par l’excès d’acides gras n-6, n’empêchait pas l’apparition des déficits fonctionnels du système nerveux. Laboratoire de Nutrition Santé Alimentation, équipe Neurobiologie des Lipides, INRA, 78352 Jouy-en-Josas, France Correspondance : J.-M. Alessandri, à l’adresse [email protected]

Fonctions biologiques des acides gras polyinsaturés dans les membranes nerveuses : une évolution des concepts

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270 Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004

biologie générale

biologie générale

FONCTIONS BIOLOGIQUES DES ACIDES GRAS POLYINSATURÉSDANS LES MEMBRANES NERVEUSES : UNE ÉVOLUTION DES CONCEPTS

J.-M. ALESSANDRI, P. GUESNET, Sylvie VANCASSEL, Isabelle DENIS,Bénédicte LANGELIER, Monique LAVIALLE

L’incorporation des acides gras polyinsaturés dans les membranes excitablesdu cerveau et de la rétine est l’un des processus du développement périnatalqui concourent à la maturation fonctionnelle du système nerveux central.Chez l’Homme et l’animal, deux acides gras polyinsaturés majeurs contri-buent à l’ossature les membranes nerveuses : l’acide arachidonique (AA,20:4n-6) et l’acide docosahexaénoïque (DHA, 22:6n-3). L’incorporation pré-férentielle du DHA dans le cerveau et la rétine, par rapport aux autres tissus,est une constante remarquable de l’évolution des espèces.

Les acides gras polyinsaturés : 20 et 22 atomes de carbone sont nécessaires au monde animal, le monde végétal en fournit 18

L’AA est un dérivé métabolique du précurseur de la sérien-6, l’acide linoléique (18:2n-6), tandis que le DHA estissu du précurseur de la série n-3, l’acide -linolénique(18:3n-3). Les deux acides gras précurseurs, qui sont pourleur part des constituants très minoritaires des membranesnerveuses, ne sont synthétisés, en proportions variables,que par les organismes végétaux et par certains microor-ganismes. Le 18:2n-6 et le 18:3n-3 sont transformés res-pectivement en AA et DHA par les organismes animaux.La concentration en AA et en DHA dans les tissus ani-maux et dans les matières grasses animales dépend ainside celle des précurseurs végétaux contenus dans l’aliment.En consommant des matières grasses animales, les orga-nismes omnivores et carnivores peuvent ingérer directe-ment l’AA et le DHA et les utiliser pour l’élaboration deleurs propres membranes. La composante lipidique de

l’alimentation, qu’elle soit de nature végétale ou animale,détermine ainsi la qualité des acides gras utilisables parl’organisme au cours de son développement et de sonvieillissement.

Prouver le rôle essentiel du DHA en supprimant les n-3 de l’alimentation

À partir des années 1970, le développement de modèlesanimaux spécifiquement carencés en acides gras n-3, parl’utilisation d’huiles végétales très riches en 18:2n-6 et trèspauvres en 18:3n-3 [1], a permis de mettre en exergue lerôle essentiel du DHA dans la maturation des fonctionsvisuelles [2] et cérébrales [3]. Sur le plan structural, cestravaux ont mis en évidence que l’effondrement desteneurs rétiniennes et cérébrales en DHA est compensépar la synthèse d’un acide gras polyinsaturé à longuechaîne de la série n-6, l’acide docosapentaénoïque (DPA,22:5n-6). Il est ainsi apparu que le remplacement structu-ral du DHA par le DPA, induit à la fois par la carencechronique en acides gras n-3 et par l’excès d’acides grasn-6, n’empêchait pas l’apparition des déficits fonctionnelsdu système nerveux.

Laboratoire de Nutrition Santé Alimentation, équipe Neurobiologie des Lipides, INRA, 78352 Jouy-en-Josas, FranceCorrespondance : J.-M. Alessandri, à l’adresse [email protected]

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Le DHA, un acteur essentiel de la maturation de la vision

Chez les rongeurs et le chez le singe Rhésus, la carencechronique en acides gras n-3, c’est-à-dire induite dès laconception et poursuivie après la naissance et le sevrage,provoque l’effondrement (de 50 % à 80 %) de la teneuren DHA dans les cellules nerveuses et se traduit sur le planfonctionnel par la diminution des performances cérébraleset visuelles [3-5]. Les performances cérébrales sont éva-luées chez les rongeurs par leur capacité à élaborer et àmémoriser une procédure d’échappement à un stress(choc électrique [3], labyrinthe surélevé ou aquatique [6]),et les performances visuelles sont déterminées par électro-rétinographie [2, 3]. L’analyse des composantes de l’ERGpermet de distinguer la réponse des cellules photorécep-trices (hyperpolarisation représentée par l’onde a) de celledes cellules bipolaires et des cellules de Müller (dépolarisa-tion représentée par l’onde b).La qualité de la perception visuelle des primates peut éga-lement être évaluée par leur aptitude à répondre à unestimulation visuelle plus ou moins contrastée, en évaluantle réflexe visuel (regard préférentiel) [4, 5] ou en mesurantle potentiel d’action parvenant à la surface du cortex occi-pital (potentiel évoqué visuel). Ces travaux ont mis en évi-dence qu’une alimentation à base d’huiles végétalescaractérisées par un rapport 18:2n-6/18:3n-3 très élevé(supérieur à 200), comme c’est le cas dans les huiles detournesol, d’arachide et de carthame, induisait une dimi-nution significative des réponses électrophysiologiques,par rapport à une alimentation dont le rapport 18:2n-6/18:3n-3 était ajusté entre 5 et 10 par l’adjonction d’huilede colza ou de soja. Chez les singes carencés, ces altéra-tions consistaient en l’augmentation du temps de latencedu pic de l’ERG des cellules en cône et en bâtonnet, ladiminution de l’amplitude de l’onde a [4] et l’augmentationdu temps de récupération à l’obscurité (temps nécessairepour restaurer le maximum d’amplitude de l’onde b aprèsque la rétine ait été exposée à un flash d’intensité lumi-neuse saturante pour l’onde a) [5, 7]. Ces altérations fonc-tionnelles induites par la carence en n-3 étaientapparemment irréversibles chez le jeune singe, en dépitde la restauration du statut rétinien en DHA par supplé-mentation du régime en huile de poisson pendant plu-sieurs mois, suggérant que le statut en DHA atteintpendant la période périnatale pourrait être un facteurdéterminant de son développement [8]. Plus récemment,des mesures électrorétinographiques effectuées chez lebabouin nouveau-né, non carencé en n-3 mais allaité pen-dant 4 semaines avec une formule supplémentée ou nonen DHA, ont montré que les paramètres de l’onde a(temps de réponse et amplitude) étaient corrélés positive-ment avec la teneur rétinienne en DHA [9].Les carences en n-3 provoquées chez les rongeurs ontégalement mis en évidence une diminution de l’amplitudede l’onde a, celle de l’onde b étant affectée de façon tran-sitoire chez le rat [3]. La rétine de cobaye, qui présente laparticularité dans les conditions d’alimentation standardde concentrer moins de DHA que celle du rat, répond àla supplémentation en DHA par une courbe « en cloche »,avec une teneur optimale d’environ 19 % de DHA parrapport aux acides gras totaux de la rétine, les variationsen deçà et au delà de ce seuil critique se traduisant par lamême diminution des amplitudes de l’ERG [10].

Allaitement au sein et au biberon : deux statuts différents en AA et en DHA

Les données obtenues chez l’animal carencé ont conduità s’interroger sur les conséquences neurosensorielles desapports en acides gras n-3 chez les nouveau-nés humainsallaités avec des laits de remplacement, dont la fractionlipidique était reconstituée, non pas à partir de matièresgrasses animales, mais à partir d’huiles végétales pauvresou presque dépourvues de 18:3n-3 (huiles de maïs ou detournesol). Au début des années 1990, il fut mis en évi-dence que l’utilisation de formules lactées contenant del’huile de maïs comme seul apport en lipides chez l’enfantprématuré de faible poids conduisait à la diminution duseuil de sensibilité des cellules photoréceptrices mesurépar électrorétinographie à l’âge post-conception de36 semaines [11, 12], ainsi qu’à la diminution de l’acuitévisuelle mesurée à l’âge post-conception de 57 semaines[13]. Cette étude mit en évidence pour la première foischez des enfants nés à terme que l’allaitement avec la for-mule à base d’huile de maïs, comparativement à l’allaite-ment au sein, induisait la diminution de l’acuité visuelle àl’âge de 4 mois [13]. Depuis lors, de nombreuses étudesont été conduites, tant chez l’enfant prématuré que chezl’enfant né à terme, allaité au sein ou au biberon, la for-mule utilisée étant supplémentée ou non en n-3 à longueschaînes. Ces travaux ont fait l’objet d’une synthèse trèsdétaillée publiée en 2001 [14]. De l’ensemble des don-nées, il ressort que la supplémentation en DHA (ou enDHA et en EPA = 20:5n-3) peut, soit ne pas avoir d’effetsur l’acuité visuelle du jeune enfant, soit l’améliorer, defaçon persistante ou transitoire. Aucune étude n’a détectéà ce jour d’effet délétère de la supplémentation en DHAsur le développement de la vision de l’enfant.Lorsqu’elles sont significatives, les différences liées au typed’allaitement sont toutefois moins marquées chez l’enfantque celles mises en évidence au moyen des modèles ani-maux. Dans les conditions normales de développement, lesnouveau-nés humains ne sont pas carencés à la naissance,et l’ampleur des modifications structurales produites parl’allaitement au biberon par rapport à l’allaitement au seinest sans commune mesure avec l’effondrement du statuten DHA provoqué par les carences chroniques. Des ana-lyses post mortem de cortex d’enfants ont montré que lateneur cérébrale en DHA des enfants nourris au biberon,réduite de 20 % comparativement à celle des enfantsnourris au sein [15], reste 3 à 4 fois supérieure à cellerésultant de carences chroniques chez l’animal. En outre,l’apport en DHA du lait maternel n’est pas standardisé caril dépend très largement des habitudes alimentaires desmères, ce qui rend aléatoire l’utilisation de l’allaitement ausein comme référence nutritionnelle et fonctionnelle. Unedémarche satisfaisante consiste à comparer les effets del’allaitement au moyen de laits de remplacement conte-nant du 18:2n-6 et du 18:3n-3 en proportion équilibrée,et supplémentés ou non en AA et en DHA, chez desenfants nés à terme et répartis au hasard dans les diffé-rents groupes. Deux études récentes mettent ainsi en évi-dence que le score de développement mental déterminé àl’âge de 18 mois est meilleur chez des enfants co-supplé-mentés en AA et en DHA, à raison de 0,72 % et 0,36 %des acides gras totaux du lait [16], et que leur acuitévisuelle à l’âge de 1 an est plus élevée d’environ 5 ving-tièmes par rapport aux enfants non supplémentés (mais

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recevant les deux précurseurs en proportion équilibrée)[17]. Les auteurs ont établi une relation linéaire entre lateneur en DHA dans les hématies, qui est elle-même lereflet des quantités ingérées par l’enfant, et l’acuitévisuelle déterminée par la méthode du potentiel évoquévisuel [17]. Il est par ailleurs possible d’estimer le statut enDHA dans les phospholipides du cerveau et de la rétinedu jeune allaité, à partir du modèle d’incorporation quenous avons développé par représentation inverse etlinéarisation [18]. Ce modèle nous permet d’estimer quel’allaitement avec 0,36 % de DHA conduirait à son incor-poration, après sevrage, à un niveau correspondant à96 % du maximum de ce que la rétine peut incorporer.Le cerveau étant 6 à 7 fois moins « avide » pour le DHAque la rétine [18], la teneur cérébrale en DHA atteindraitdans le même temps 80 % de sa valeur plateau, qui estelle-même 1,6 fois moins élevée que celle de la rétine.

Rééquilibrer n’est pas supplémenter

Le statut en DHA dans le plasma et les hématies desenfants allaités avec des laits de remplacement étant net-tement inférieur à celui des nourrissons ingérant le laitmaternel [19], la nécessité d’un réajustement de l’équilibreentre le 18:2n-6 et le 18:3n-3 dans les laits de remplace-ment s’est finalement imposée. Le respect de l’équilibreentre ces deux acides gras ne suffit cependant pas àreproduire le statut sanguin en DHA issu de l’allaitementau sein. Bien que le nouveau-né humain possède la capa-cité enzymatique de synthétiser le DHA à partir du 18:3n-3 [20], une part importante du 18:3n-3 est cataboliséepar -oxydation, ou éventuellement convertie en un inter-médiaire à longue chaîne, l’acide eicosapentaenoïque(EPA, 20:5n-3), lequel n’est pas un constituant des mem-branes nerveuses. À partir d’évaluations faites au moyend’isotopes stables chez des sujets adultes, il a été estiméque, dans les conditions métaboliques basales, seulement0,2 % du 18:3n-3 circulant dans le plasma est destiné àla synthèse de 20:5n-3 [21]. Environ 63 % du 20:5n-3 duplasma sont destinés à la synthèse de 22:5n-3, dont seu-lement 37 % sont finalement disponibles pour celle duDHA [21]. En définitive, c’est en ajoutant le DHA pré-formé au lait de remplacement que l’on peut reproduirechez l’enfant allaité exclusivement au biberon, le mêmestatut sanguin en DHA que celui du nourrisson allaité ausein [22, 23]. Néanmoins, la supplémentation en DHApose à nouveau la question de l’équilibre entre les deuxséries n-6 et n-3, laquelle peut être résolue par la cosup-plémentation en AA afin de respecter, comme dans le laithumain, un rapport entre l’AA et le DHA généralementcompris entre 1,3 et 2 [24, 25]. Les teneurs en AA et enDHA des tissus périphériques, tels que le cœur, l’intestinet le foie, sont beaucoup plus sensibles aux proportionsrespectives de ces acides gras dans la formule lactée quene l’est le système nerveux central. Chez le porcelet nou-veau-né allaité artificiellement pendant 2 semaines, nousavons mis en évidence que la supplémentation de la for-mule lactée en DHA et en EPA à raison de 0,9 % et0,3 % des acides gras totaux, sans apport en AA, induisaitun effondrement de la teneur en AA dans la PE cardiaquede 65 % par rapport à l’allaitement maternel, tandis quecette diminution ne représentait que 10 % dans la PE ducortex [26]. Ce déséquilibre pouvait être évité en utilisantune formule contenant des phospholipides d’œuf etapportant 0,6 % d’acides gras à longue chaîne (20 et22 carbones) de la série n-6 et 0,5 % d’acides gras à

longue chaîne (22 carbones) de la série n-3, permettantd’atteindre le maximum d’incorporation du DHA dans larétine et dans les différentes zones cérébrales sans altérerle statut en AA des autres tissus [26, 27]. La plupart deslaits de remplacement commercialisés dans les pays occi-dentaux, et la quasi-totalité en France, ne sont pas sup-plémentés en acides gras polyinsaturés à longue chaîne(AA ou DHA) mais uniquement en précurseurs d’originevégétale (18:2n-6 et 18:3n-3), ce qui fait paradoxale-ment du nouveau-né humain allaité au biberon le seulmammifère qui ne reçoit aucun des acides gras à 20 et22 carbones pendant les premiers mois de son exis-tence.

Statut en DHA et maladies neuropsychiatriques

Au-delà de la période critique du développement périna-tal, les interactions entre le statut en DHA et les fonctionscérébrales sont principalement associées à des situationsde pathologies qui affectent le psychisme du jeune ou del’adulte. Des diminutions du statut sanguin en DHA, EPAet/ou en AA, sont en effet constatées dans des cas dedépression [28, 29], de schizophrénie [30, 31], d’hyper-activité de l’enfant [32] et d’autisme [33]. Sans que l’onpuisse déterminer si ces altérations de composition lipi-dique sont une des causes ou une des conséquences de lapathologie, ce constat a conduit des cliniciens à tenter deles corriger par des interventions nutritionnelles. Depuis ledébut des années 2000, plusieurs études publiées dansdes revues de neurologie et de psychiatrie ont ainsi faitpart d’une amélioration significative de la santé mentalede patients dépressifs, par ailleurs sous traitement anti-dépresseur, après l’ingestion d’huile de poisson richeen EPA et en DHA [34]. Par exemple, une étude réali-sée récemment indique une amélioration moyenne de13,6 points sur l’échelle de l’état dépressif de Hamiltonchez 12 patients ayant ingéré pendant 8 semaines 6,6 g/jourd’EPA et de DHA [35]. Dans le même temps, le groupeplacebo ayant ingéré de l’huile d’olive voyait son scores’améliorer de seulement 6 points. Deux autres études cli-niques réalisées chez des patients unipolaires ont montréun effet antidépresseur spectaculaire de l’EPA à la dosede 1 g/jour [36]. Des améliorations comportementalessont également décrites dans le cas de schizophrènes sup-plémentés avec de l’EPA (2 à 3 g/jour) [37] ainsi que chezde jeunes enfants atteints de déficit de l’attention etd’hyperactivité (ADHD) [38]. L’EPA serait plus efficaceque le DHA, suggérant que les effets antipsychotiquesobservés chez les patients traités aux n-3 pourraient pro-venir d’un effet périphérique de réajustement de la syn-thèse des eicosanoïdes à partir de l’EPA, plutôt que d’unemodification tangible de la composition lipidique desmembranes nerveuses.

Statut en DHA et maladie d’Alzheimer

Les autres altérations neurologiques associées à des modi-fications du statut sanguin en acides gras polyinsaturésconcernent la maladie d’Alzheimer. Partant de l’observa-tion que des patients atteints de cette neurodégéne-rescence présentaient des teneurs en DHA dans les

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hématies diminuées de 30 % à 40 % par rapport à dessujets normaux du même âge [39] plusieurs études pros-pectives ont examiné s’il existe une relation entre la con-sommation de produits de la mer riches en n-3 et laprévalence de la maladie d’Alzheimer. Une étude récente,effectuée par le suivi sur 4 ans d’une population de815 sujets âgés de 65 à 94 ans, dont 16 % ont développéla maladie, conclut après analyse multi-variée que lessujets consommant du poisson au moins deux fois parsemaine voient leur risque d’apparition d’Alzheimer dimi-nuer de 60 % par rapport à ceux qui n’en consommentjamais [40]. Chez des sujets moins âgés (de 45 à 70 ans),la consommation de poissons gras et de produits marinsest associée à un moindre risque de diminution des fonc-tions cognitives (mémoire, vitesse psychomotrice et flexi-bilité cognitive) évaluées sur une période de 5 ans [41].L’analyse détaillée des apports alimentaires en acides grasn-3 met en évidence que la diminution du risque est for-tement corrélée à l’ingestion de DHA, et non pas à l’EPAni au 18:3n-3 [40]. La protection la plus élevée est détec-tée chez les personnes qui ingèrent quotidiennement de70 à 100 mg de DHA [40]. L’effet protecteur du DHAétant ici associé à des habitudes alimentaires bien ancrées,il est possible que les mécanismes impliqués mettent enjeu la concentration de cet acide gras dans les membranescérébrales. Cette hypothèse semble étayée par les résul-tats d’une étude japonaise récente portant sur un modèleanimal d’infusion du peptide amyloïde A par microdia-lyse intracérébrale, induisant une neurodégénerescencesimilaire à celle de la maladie d’Alzheimer [42]. Les ratsinfusés présentaient des produits de lipoperoxydation etdes signes d’apoptose neuronale, et voyaient leur capacitéd’apprentissage fortement diminuée. Ces effets étaientannulés chez les rats qui avaient ingéré quotidiennement100 mg de DHA pendant les 12 semaines précédantl’infusion du peptide, ce qui avait par ailleurs pour effetd’augmenter de 30 % la teneur cérébrale en DHA parrapport aux rats non supplémentés. Dès la troisième ses-sion du test d’évitement mettant en jeu les capacités mné-siques, les performances des rats prétraités au DHA etinfusés par le peptide amyloïde dépassaient celles des ratsplacebo et rejoignaient celles des rats prétraités au DHAet non infusés. Les auteurs suggèrent que le DHA exerceun effet neuroprotecteur anti-oxydant vis-à-vis de proces-sus apoptotiques induits par des radicaux libres et des pro-duits de lipoperoxydation.

Mécanismes d’action du DHA : quatre hypothèses

Les différentes hypothèses émises pour expliquer les méca-nismes d’action des acides gras polyinsaturés illustrent lagrande diversité des fonctions régulées par ces composés.Quatre hypothèses seront proposées dans le cadre de cetarticle.

La théorie des médiateurs bioactifs

Cette voie d’action des acides gras polyinsaturés se déclen-che avec leur libération des phospholipides membranairespar l’activation hormono-dépendante ou calcium dépen-dante de la phospholipase A2 (PLA2). Après leur libérationde la membrane, les acides gras polyinsaturés à 20 atomesde carbone (AA, EPA et DGLA (dihomo- -linolénique,

20:3n-6) engendrent par oxygénation des médiateursbioactifs, les eicosanoïdes. L’oxygénation est catalyséepar la 15-lipoxygénase (15-L0X), la 5-lipoxygénase (5-LOX) ou les cyclo-oxygénases (COX1 et COX2). Lesvoies de la 15-LOX et de la 5-LOX conduisent à la for-mation de lipoxines et de leucotriènes impliqués dans lesréactions immunitaires et inflammatoires, et la voie COXconduit à la production d’endoperoxydes impliquésnotamment dans la constriction des vaisseaux sanguins etdans l’agrégation plaquettaire. Les prostaglandines, pros-tacyclines et les thromboxanes des séries 1, 2 et 3 sontproduits par la voie COX à partir, respectivement, duDGLA, de l’AA et de l’EPA. La 5-LOX conduit aux leu-cotriènes de la série 4 à partir de l’AA et à ceux de lasérie 5 à partir de l’EPA. Les précurseurs des endope-roxydes des séries 1 et 3 entrent en compétition avecleurs homologues de la série 2, et les précurseurs des leu-cotriènes de la série 5 s’opposent à ceux de la série 4.L’équilibre alimentaire entre les acides gras n-6 et n-3détermine ainsi la balance métabolique qui influe sur lasynthèse de molécules bioactives dont les propriétés sontgénéralement opposées. L’AA génère des médiateurs pro-agrégants et vasoconstricteurs (endoperoxydes de la série 2)et pro-inflammatoires (leucotriènes de la série 4), tandis queles médiateurs issus de l’EPA ont des propriétés anti-agré-gantes et vasodilatatrices (endoperoxydes de la série 3) etnon inflammatoires (leucotriènes de la série 5).

Rôle médiateur des astrocytesIl est probable que des eicosanoïdes exercent une actionau niveau cérébral. En se fixant sur des récepteurs mem-branaires astrocytaires, les prostaglandines de la série 2produites lors d’une activation neuronale, pourraient parexemple être impliquées dans la régulation synaptique eninduisant la libération de glutamate dans la fente synap-tique. Le glutamate libéré par les astrocytes est susceptibled’activer des récepteurs présynaptiques, modulant ainsil’excitabilité des neurones glutamatergiques [43]. En outre,les astrocytes assurent un rôle neuroprotecteur en captant,via des transporteurs spécifiques, le glutamate en excèsdans la fente synaptique, lequel est potentiellement neuro-toxique. Un défaut de la capture astrocytaire du glutamatepourrait être en cause dans des dommages neuronaux subislors des traumatismes (ischémie, lésion…) et de pathologiesdégénératives (Alzheimer). Le stress oxydant et la libérationexcessive d’AA dans ces situations bloqueraient le transpor-teur et favoriseraient l’accumulation du glutamate extra-cellulaire. Comparativement à l’AA, l’EPA et le DHAlibérés par la PLA2 sont de moins bons substrats pour lesactivités lipoxygénase et cyclo-oxygénase et ils peuventmoduler qualitativement et quantitativement la productiondes dérivés oxygénés par les astrocytes [44-46]. Un dépla-cement, par voie alimentaire, de la proportion des acidesgras membranaires en faveur des n-3 pourrait ainsi freinerla boucle inflammatoire entretenue par l’action des cytoki-nes sur l’astrocyte (sécrétion de sPLA2, libération massived’AA, formation de PGE2 dans l’espace extracellulaireinduisant en retour la synthèse astrocytaire d’interleukinesinflammatoires) [43]. La teneur en AA dans les astrocytesvariant de façon inversement proportionnelle à celle duDHA [47], les proportions respectives de DHA et d’AA,résultant des apports en acides gras n-3 et n-6 dans l’ali-ment, pourraient avoir un impact significatif sur les fonc-tions astrocytaires globalement impliquées dans larégulation de la transmission synaptique.

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De nouveaux médiateurs : les docosanoïdes Les membranes cérébrales présentent la particularité decontenir infiniment plus d’AA que d’EPA, ce qui rendassez improbable la synthèse locale d’eicosanoïdes à partirde l’EPA. En revanche, ces membranes contiennentpresque autant de DHA que d’AA, voire plus dans larétine, et des docosanoïdes bioactifs pourraient être pro-duits à partir du DHA via les mêmes voies enzymatiquesque celles qui sont empruntées par les acides gras poly-insaturés à 20 carbones. La biosynthèse cérébrale d’unnouveau médiateur issu de l’oxygénation du DHA a étémise en évidence dans un modèle d’ischémie cérébrale etde reperfusion chez la souris [48]. Le choc ischémiqueproduit des lipoperoxydes et déclenche un processusinflammatoire caractérisé par la production de cytokines,l’augmentation de l’expression de COX2 et l’infiltrationdes leucocytes. Parmi les médiateurs libérés, les auteursisolent un nouveau composé di-hydroxylé issu de l’oxygé-nation du DHA par la 15-LOX, le 10, 17S-docosatriene,qui, une fois perfusé chez un autre animal, est capable enretour d’inhiber fortement les réponses inflammatoiresdéclenchées par le choc ischémique [48]. Selon lesauteurs, cette voie d’oxygénation enzymatique du DHAendogène contribuerait à protéger le cerveau contre lesdommages provoqués par des stress oxydants. Cette voieouvre probablement de nouvelles perspectives de recher-ches pour comprendre la protection que peut apporter leDHA dans des situations de neuropathologies.

La théorie des domaines membranaires : l’exemple de la rhodopsine

Depuis le modèle de la mosaïque fluide de Singer etNicholson, le concept de domaine membranaire évolue.Les interactions entre protéines, dans le plan membra-naire et de part et d’autre de la membrane, apparaissentde plus en plus clairement dépendre de la qualité de l’envi-ronnement lipidique. La théorie des « radeaux lipidiques »(lipid rafts) [49] propose que des protéines transmembra-naires hydrophobes maintenues en paquets par unegangue de lipides à effet rigidifiant, constituée de phos-phatidylcholine fortement saturée, de cholestérol et desphingomyéline, ont des possibilités d’interactions diffé-rentes de celles de protéines individualisées par leur asso-ciation préférentielle avec des phospholipides porteursd’acides gras polyinsaturés autorisant une plus grandeliberté de mouvement. Le modèle de la rhodopsine illustre parfaitement cettedernière catégorie de protéines, dont l’activité nécessiteune grande liberté de mouvement et donc une grandeélasticité de leur environnement membranaire. L’activa-tion photo-induite de la rhodopsine est couplée avec l’iso-mérisation de son chromophore, le 11 cis rétinal, enconfiguration « tout-trans ». La rhodopsine capte ainsi lalumière et traduit, via l’activation en cascade d’une pro-téine G et d’une phosphodiestérase, le signal photique ensignal électrique à l’origine de la perception visuelle. Onestime que la photo-activation d’une seule molécule derhodopsine induit celle de 1 000 à 2 000 molécules dephosphodiestérase par seconde, lesquelles provoquentl’hydrolyse de 100 000 molécules de GMP cyclique et lafermeture consécutive des canaux ioniques bloquant ainsile flux entrant d’environ un million d’ions Na+ [50].L’ensemble du processus se produit en 100 ms et néces-site donc un changement de conformation extrêmement

rapide de la rhodopsine, lequel est directement influencépar la qualité de son environnement lipidique. Or, detoutes les protéines membranaires de l’organisme, la rho-dopsine, enchâssée dans les disques membranaires dusegment externe des cellules en cône et en bâtonnet de larétine, est probablement la seule dont l’environnementimmédiat est constitué d’une concentration en DHA aussiélevée (estimée à au moins un acide gras sur deux).Les méthodes de spectrophotométrie permettent demesurer la constante d’équilibre (Keq) qui gouverne lechangement de conformation photo-induit de la rhodop-sine. En utilisant des membranes artificielles de phospha-tidylcholine constituée de différentes associations d’acidesgras, Litman et Mitchell ont montré que la valeur de Keqcaractéristique des membranes natives de la rétine n’estatteinte dans la membrane artificielle que lorsque celle-ciest entièrement constituée de DHA [51]. En revanche,l’association du DHA (en position sn2) avec un acide grassaturé tel que l’acide palmitique (en position sn1) condui-sait à une valeur de Keq environ deux fois moins élevée[51]. Les mêmes auteurs ont montré que l’incorporationdu cholestérol dans les membranes de phosphatidylcho-line (à raison de 30 mol %) a également pour effet deréduire la valeur de Keq, et que cet effet d’inhibition estle moins prononcé dans les membranes entièrementconstituées de DHA [52]. Dans les membranes consti-tuées d’acide myristique (14:0) et de 30 mol % de choles-térol, une configuration particulièrement rigide, le taux detransformation photo-induite de la rhodopsine devientpresque nul [52, 53]. L’étape suivante du processus dephoto-transduction est la fixation de la rhodopsine photo-activée (métarhodopsine MII) sur la sous unité Gt de latransducine. Dans les membranes reconstituées, cetteinteraction dépend également des proportions respectivesde DHA et de cholestérol : le DHA permet la formationquasi-instantanée du complexe MII-Gt, tandis que le cho-lestérol augmente le temps de latence précédant sa forma-tion [54]. L’ensemble de ces données prouve que le rôledu DHA dans la perception visuelle se joue dès l’initiationdu processus moléculaire de photo-transduction.

La théorie vésiculaire

Un autre processus membranaire directement impliquédans le fonctionnement du système nerveux concerne lalibération synaptique de neurotransmetteurs. Elle met enjeu la maturation des vésicules chargées de neurotrans-metteurs et leur stockage dans la zone active de la termi-naison présynaptique. L’arrivée du potentiel d’actionprovoque un influx de calcium qui induit la fusion desmembranes vésiculaire et plasmique, permettant la libéra-tion par exocytose des neurotransmetteurs dans la fentesynaptique. Un processus inverse permet de recruter desprotéines membranaires et de régénérer par endocytosede petites vésicules vides pour un nouveau cycle de matu-ration et de réutilisation présynaptique. Les neurotrans-metteurs libérés activent des récepteurs post-synaptiquesqui traduisent le signal en entrée d’ions calcium, permet-tant la propagation du potentiel d’action à travers leréseau neuronal. Toutes les fonctions du système nerveux,depuis la perception sensorielle jusqu’à l’apprentissage etla mémoire, sont gouvernées par le système synaptique decouplage entre l’exocytose et l’endocytose des vésiculesde neurotransmission [55].Le rôle des acides gras polyinsaturés en tant que constituantdes membranes vésiculaires a fait l’objet d’une attention

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particulière. Le modèle du rat chroniquement carencé enacides gras n-3 a permis à des chercheurs de l’INSERMU316 de Tours en collaboration avec notre équipe, demettre en évidence des perturbations du processus destockage et de libération présynaptiques de plusieurs neu-rotransmetteurs. Les systèmes monoaminergiques et cho-linergique ont été particulièrement explorés en raison deleur implication dans la régulation de grandes fonctionsphysiologiques, et notamment dans le contrôle des pro-cessus cognitifs mettant en jeu l’attention, la motivation etla mémoire. Ces travaux ont mis en évidence une aug-mentation de la libération spontanée, c’est-à-dire enabsence de stimulation nerveuse, de dopamine dans lenoyau accumbens [56, 57], d’acétylcholine [58] ou desérotonine [59] dans l’hippocampe. À l’inverse, la libéra-tion chimiquement induite de ces neurotransmetteurs estsignificativement réduite, comparativement à celle mesu-rée chez des rats témoins [57-60]. Ce phénomène pour-rait résulter de la « fuite » basale de neurotransmetteurdans l’espace synaptique qui réduirait d’autant son stock-age dans les vésicules. Lors de la stimulation nerveuse,générée par exemple en situation d’apprentissage, laquantité de neurotransmetteur libérée serait alors réduiteet conduirait ainsi à une moindre efficacité de l’influxnerveux. La carence en n-3 se traduit notamment par ladiminution significative du nombre de vésicules dopami-nergiques dans le cortex frontal. Ces résultats vont dansle sens d’un hypofonctionnement du système mésocorticaldopaminergique, et un modèle de dysfonctionnementgénéral de la boucle dopaminergique mésocortico-limbi-que a été proposé [61], pouvant contribuer à expliquer lesperturbations comportementales constatées chez lesanimaux carencés. Le déficit membranaire en DHA affec-terait ainsi de manière générale le stockage des neuro-transmetteurs et leur libération dans la fente synaptique.En outre, ces activités sont sous le contrôle du méta-bolisme énergétique cérébral, dont certains de ses para-mètres (transport du glucose et activité de phosphorylationoxydative) sont également diminués chez les rats carencésen n-3 [62]. Puisque les systèmes de neurotransmissionmonoaminergiques et cholinergique entretiennent denombreuses interactions anatomiques et fonctionnelles,l’ensemble des modifications induites par l’altération glo-bale du statut en DHA pourraient être à l’origine d’uneperturbation du fonctionnement coordonné de ces systè-mes, se traduisant par des troubles de l’attention, avec deseffets délétères sur la mise en place des processusd’apprentissage.

La théorie génique

En 1990, il est découvert que des médicaments utiliséspour le traitement d’hyperlipidémies chez l’Homme, et quiprovoquent la prolifération des peroxysomes chez les ron-geurs, agissent en se fixant sur des facteurs de trans-cription (les PPARs, peroxisome proliferator-activatedreceptors) qui appartiennent à la superfamille des récep-teurs aux hormones stéroïdiennes [63]. Puis, avec la miseen évidence que les acides gras sont les activateurs natu-rels (endogènes) des PPARs [64] le concept de régulationdes fonctions biologiques par les acides gras polyinsaturéset par leurs dérivés oxygénés a considérablement pro-gressé. Il est apparu que les acides gras, et leurs dérivésoxygénés ou oxydés, contrôlent leur devenir métaboliqueen induisant directement, via leur fixation sur les PPARs,la transcription de gènes codant pour des protéines et des

enzymes impliquées dans la -oxydation mitochondriale etperoxysomiale [65]. Les PPARs interagissent avec desparties du génome constituées de deux hexamèresAGGTCA séparés par une seule base (DR1 repeat) [66].La transcription de gènes qui possèdent en amont de leurpromoteur ce type de séquence, ou une séquence appro-chante, est susceptible d’être activée par l’hétérodimèrerésultant de l’association du complexe PPAR/ligand avecle RXR (récepteur aux rétinoïdes). Les PPARs sont eux-mêmes codés par 3 gènes différents, plus ou moins expri-més selon les types cellulaires, et qui se traduisent en 3 iso-types distincts : PPAR , PPAR et PPAR . Le RXR sedécline également en 3 isotypes. Des effets de répressionde transcription peuvent se produire lorsque l’hétérodi-mère PPAR-RXR occupe de façon inopérante la séquencecible d’un promoteur normalement activable par d’autresfacteurs de transcription.

Les PPARs, des récepteurs aux AGPI dans le cerveau ?Il existe un grand nombre de combinaisons possibles entreles différents isotypes des PPARs et des RXRs (incluantleurs ligands respectifs), auxquels peuvent s’ajouter descofacteurs transcriptionnels, activateurs ou inhibiteurs del’hétérodimère. Ces combinaisons sont susceptiblesd’induire des effets tout aussi variés sur le niveau de trans-cription des gènes cibles, qu’ils soient impliqués directe-ment ou indirectement dans le métabolisme lipidique. Ladistribution préférentielle des isotypes des PPARs (et desRXRs) dans les différents tissus et types cellulaires contri-bue à leurs spécificités fonctionnelles : catabolisme deslipides lié à la prédominance de PPAR dans le foie, letissu adipeux brun et les muscles squelettiques ; différen-ciation et lipogenèse adipocytaires dans le tissu adipeux etcaptage des LDL oxydées dans les macrophages expri-mant tous les deux préférentiellement le PPAR . La distri-bution tissulaire de PPAR est ubiquitaire mais cet isotypeest généralement le plus abondant, en particulier dans laplupart des régions cérébrales [67], le tractus digestif, lesreins, le cœur, le diaphragme, et l’œsophage [68]. Le rôlespécifique de PPAR dans le cerveau, en relation possibleavec la régulation du métabolisme des acides gras, est unequestion non résolue. L’activation par un ligand agonistede PPAR dans des oligodendrocytes en culture a montréque cette stimulation favorise leur différenciation morpho-logique et induit la synthèse d’une protéine constitutive dela myéline, suggérant que le PPAR pourrait jouer un rôledans la conduction nerveuse en régulant la mise en placeet la maintenance de la gaine de myéline [69]. Nous avonsrécemment émis l’hypothèse que la régulation de la voiede conversion du 18:3n-3 dans des cellules nerveuses enculture pourrait mobiliser une boucle de régulation induc-trice/inhibitrice contrôlant l’expression de l’acylCoA-oxy-dase via le PPAR [70] (cette enzyme vitale pour lefonctionnement cérébral initie la oxydation peroxyso-miale des acides gras à longue chaîne, conduisant notam-ment à la synthèse du DHA, et permet d’éviterl’accumulation neurotoxique d’acides gras à plus de 24atomes de carbone).D’autres interactions entre le DHA (ou ses métabolites) etla transcription génique ne passent pas nécessairement parles PPARs. Leurs partenaires transcriptionnels, les RXRs,constituent une cible potentielle du DHA très plausible ; ila été récemment montré, par transfection d’un gène rap-porteur de RXR dans des colonocytes humains, que le

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DHA est le seul acide gras polyinsaturé capable d’activerfortement la transcription du gène cible contrôlée par l’iso-type RXR [71]. Ce facteur ubiquitaire régule la transcrip-tion d’un grand nombre de gènes impliqués notammentdans la différenciation cellulaire, et son interaction virtuelleavec le DHA cérébral ouvre une multitude de pistes àexplorer. À cet égard, la technique des microréseaux(« microarrays ») offre la possibilité d’examiner la signaturegénétique de tissus nerveux en relation avec l’approvision-nement de l’organisme en acides gras polyinsaturés, pré-curseurs ou dérivés à longue chaîne, AA ou DHA.

Les apports des microarraysIl a ainsi été montré dans l’hippocampe de souris que lasupplémentation en AA et en DHA module la transcrip-tion en ARNm de gènes qui contrôlent : la voie de signa-lisation de la transthyretine (transporteur de la thyroxineprésente dans le liquide cérébrospinal), la libération desérotonine, les fonctions relatives à l’immunité (immuno-globulines) et l’activation de facteurs de transcriptionsimpliqués dans l’inflammation (NF B) [72]. Un panel de3 200 gènes a été testé sur des cerveaux de rats adultesà l’issue d’une supplémentation en n-3, induisant l’accu-mulation cérébrale de DHA [73-75]. L’analyse par lesmicroréseaux a mis en évidence que la supplémentations’accompagne de l’augmentation de la transcription de55 gènes et de la diminution de 47 gènes. Les gènescibles sont impliqués dans la plasticité synaptique, la trans-duction du signal, la formation de canaux ioniques, et lemétabolisme énergétique. En appliquant la même techni-que sur 2 400 gènes exprimés dans des explants de rétinehumaine en culture, Rojas et al ont récemment montréque la transcription de 14 % d’entre eux était significati-vement augmentée lorsque les explants étaient cultivés enprésence de 27 μM de DHA (contre seulement 0,4 %avec l’acide oléique) [76]. Parmi les gènes dont la trans-cription était induite par le DHA, se trouvent des gènesimpliqués dans la neurogenèse, la neurotransmission et lesconnexions intercellulaires. À ce jour, les voies d’activa-tion transcriptionnelle mobilisées par le DHA ne sont pasidentifiées.

Conclusion

Incorporé massivement dans les membranes nerveuses, leDHA y exerce un rôle protecteur, et favorable au déve-loppement et au maintien des performances cérébrales etvisuelles. Les mécanismes mis en jeu sont complexes etmultiples, reflétant l’extraordinaire diversité de fonctionsexercées par les acides gras polyinsaturés, allant de lamodulation des propriétés dynamiques des membranes àla production de médiateurs actifs et à la régulation del’expression des gènes. La nutrition lipidique du cerveau,susceptible d’influer sur chacune de ces voies à chaqueétape de la vie, est donc un élément essentiel de son fonc-tionnement.

Résumé

L’acide docosahexaénoique (DHA, 22:6n-3) et l’acide ara-chidonique (AA, 20:4n-6) sont les principaux acides graspolyinsaturés des membranes cérébrales et rétiniennes. Les

animaux spécifiquement carencés en acides gras n-3présentent des altérations de la fonction visuelle et descapacités cognitives. Les études menées chez des enfantsallaités au biberon ont montré que la supplémentation deslaits de remplacement avec l’AA et le DHA permet derehausser la teneur en ces acides gras dans le plasma etles hématies, et d’atteindre ainsi le même statut sanguinque celui produit par l’allaitement au sein. L’impact pro-bable de cette supplémentation sur les membranes ner-veuses de l’enfant est susceptible de se traduire par uneamélioration transitoire mais significative du développe-ment mental et de la maturation de la fonction visuelle.Chez l’adulte, des maladies neuropsychiatriques ou neuro-dégénératives ont été associées à la diminution du statutsanguin en DHA et/ou en AA, qui pourrait refléter uneréduction de leurs teneurs dans les membranes nerveuses.Les effets des acides gras polyinsaturés sur les fonctionsnerveuses mettent en jeu des mécanismes impliqués dansla modulation des propriétés dynamiques des membranes,la régulation du processus de libération des neurotrans-metteurs, la synthèse de médiateurs oxygénés bioactifs etla transcription de gènes via l’activation de récepteursnucléaires sensibles aux lipides.

Mots-clés : Acide docosahexaénoïque – Acide arachido-nique – Allaitement – Eicosanoïdes – Neurotransmission –Phototransduction – Neuroprotection – Facteurs de trans-cription.

Abstract

Docosahexaenoic acid (DHA, 22:6n-3) and arachidonicacid (AA, 20:4n-6) are the major polyunsaturated fattyacids in the membranes of brain and retinal cells. Ani-mals specifically deficient in dietary n-3 fatty acidshave reduced visual acuity and impaired learning abi-lity. Studies on human infants have shown that addingDHA and AA to milk replacer-formulas can bring theirconcentrations in the infant blood lipids to values ashigh as those produced by breast feeding. The concur-rent structural impact on the CNS membranes couldhave transient but significant outcomes on mentaldevelopment and on maturation of visual function. Inolder subjects, neuropsychological and neurodegenera-tive diseases have been associated to impaired status ofblood DHA and/or AA which might lead to decreasedcontents in neuronal membranes. The mechanisms bywhich polyunsaturated fatty acids can impact on neu-ronal functions involve the modulation of membranebiophysical properties, the regulation of neurotransmit-ter release, the synthesis of oxygenated biologically-active derivatives, and the nuclear receptor-mediatedtranscription of lipid-responsive genes.

Key-words: Docosahexaenoic acid – Arachidonic acid –Milk feeding – Eicosanoids – Neurotransmission – Photo-transduction – Neuroprotection – Transcription factors.

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