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Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des valeurs propres du laplacien Par Gilles STUPFLER sous la direction de M. Vilmos KOMORNIK 19 septembre 2007

Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

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Fonctions harmoniques et distribution asymptotiquedes valeurs propres du laplacien

Par Gilles STUPFLERsous la direction de M. Vilmos KOMORNIK

19 septembre 2007

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Table des matières

Introduction 2

1 Fonctions harmoniques 31.1 Premiers résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque . . . . . . . . . . . . . 5

1.2.1 Résolution du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.2.2 Une autre expression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.2.3 Des hypothèses moins fortes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.4 Propriétés fondamentales des fonctions harmoniques . . . . . . . . 9

1.3 Existence d’une solution au problème de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . 16

2 Distribution des valeurs propres du laplacien 252.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.2 Eléments théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

2.2.1 Formule de Gauss-Ostrogradski, formule de Green . . . . . . . . . 262.2.2 Rappels sur les séries de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

2.3 Premiers résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272.4 Propriétés des valeurs propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312.5 Etude asymptotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.5.1 Un cas particulier : le rectangle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.5.2 Estimation des valeurs propres pour le rectangle . . . . . . . . . . 422.5.3 Cas du disque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482.5.4 Cas du triangle rectangle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 502.5.5 Cas d’un ouvert connexe borné de classe C1 . . . . . . . . . . . . 522.5.6 Estimation du terme d’erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

Annexe 62Théorème de Gauss-Ostrogradski . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62Lemme 2.5.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Remerciements 71

Notations 72

1

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Introduction

De nombreux problèmes physiques se ramènent à la résolution d’une équation danslaquelle intervient le laplacien ∆1. Citons quelques exemples :

1. En électromagnétisme, l’équation donnant le potentiel électrostatique V créé parune distribution volumique de charge ρ est ∆V = ρ/ε0 , où ε0 est la permittivitédu vide (équation de Poisson).

2. En thermodynamique, l’équation donnant la distribution de la température T dansun solide, en régime stationnaire, est ∆T = 0 (équation de la chaleur).

3. Toujours en thermodynamique, l’équation donnant la diffusion des molécules dansun fluide en régime stationnaire est ∆c = 0, où c est la concentration des cesmolécules (deuxième loi de Fick).

4. L’équation des ondes ∆u− 1

c2utt = 0 apparaît en électromagnétisme, ou en acous-

tique.L’opérateur laplacien apparaît donc dans des domaines variés de la physique, et larésolution d’une équation comportant un laplacien est en général assez difficile. Le but dece mémoire est de présenter quelques propriétés du laplacien qui sont utiles pour résoudrecertains problèmes physiques. On étudiera en premier lieu l’équation ∆u = 0 avec desconditions aux limites particulières, appelées conditions de Dirichlet. On verra que lesfonctions solutions d’un tel type de problème ont des propriétés surprenantes. Ensuite, onse focalisera plus particulièrement sur la distribution asymptotique des valeurs propresdu laplacien sur un domaine connexe borné ayant une frontière de classe C1. Ceci a unintérêt en physique des ondes, et plus particulièrement en acoustique : en effet, on peutprédire les notes produites par un tambour simplement en le regardant, si on connaît ladistribution asymptotique des valeurs propres du laplacien sur un ouvert dont l’aire estcelle de la membrane du tambour. On étudiera à cet effet un cas simple, qui est celuid’un domaine rectangulaire de R2, pour ensuite étendre les résultats.

1Les notations utilisées sont rappelées à la fin de ce mémoire.

2

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Chapitre 1

Fonctions harmoniques

L’objectif de cette partie est d’étudier quelques propriétés des solutions de l’équation∆u = 0, d’introduire la notion de problème de Dirichlet, et de montrer l’existence etl’unicité de la solution à ce type de problème sous certaines hypothèses. On munit R2

de la norme euclidienne ‖ · ‖2 , et on note d(x, y) = ‖x− y‖2 .Pour plus d’informations, se reporter à [1].

1.1 Premiers résultatsCommençons par définir notre cadre de travail :

Définition 1.1.1. Soient U un ouvert de R2, et u : U → R une fonction de classe C2.Si ∆u = 0 sur U , alors u est dite harmonique sur U .

Exemples :1. La fonction u définie par u(x, y) = x2 − y2 est harmonique sur U = R2.2. La fonction u définie par u(x, y) = ln(

√x2 + y2) est harmonique sur U = (R∗)2.

Dans toute la suite de ce chapitre, on note O un ouvert connexe borné non vide de R2.Il est clair que l’ensemble des fonctions harmoniques sur O est un R-espace vectoriel. Ondéfinit ensuite ce qu’est un problème de Dirichlet : soit f une application continue surFr(O). Le problème de Dirichlet consiste à trouver une fonction harmonique u continuesur O telle que : 8<:∆u = 0 sur O

u = f sur Fr(O).

Un exemple de problème de Dirichlet concret est la détermination de la températureà l’intérieur d’un corps, connaissant la température à l’interface entre ce corps et l’airambiant. Avec ces deux définitions, on peut déjà établir quelques résultats spectaculaires,dont le

Théorème 1.1.2. (Théorème du minimum et du maximum)Soit u une application harmonique sur O et continue sur O. Alors, on a :

∀ (x, y) ∈ O, infFr(O)

u ≤ u(x, y) ≤ supFr(O)

u.

Autrement dit, sur O, u ne peut prendre de valeurs plus grandes que son maximum surFr(O) et plus petites que son minimum sur Fr(O).

3

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Démonstration. Notons m = supFr(O)

u, et supposons que u prenne en un point de O une

valeur strictement plus grande que m. Alors M = supO

u > m, et ce maximum est atteint

en un certain point P ∈ O. On déplace l’origine du repère jusqu’en P , ce qui ne changerien quant à l’harmonicité de u. On considère alors l’application v : O → R2 définie par :

∀ (x, y) ∈ O, v(x, y) = u(x, y) +M −m

2d2(x2 + y2),

où d est le diamètre de O pour la norme euclidienne. Alors v(0, 0) = u(0, 0) = M , etd’autre part, on a :

∀ (x, y) ∈ Fr(O), v(x, y) < m+M −m

2=M +m

2< M ,

donc v atteint son maximum en un point de O. Pourtant, on a, sur O :

∆v(x, y) = ∆u(x, y) + 2M −m

d2= 2

M −m

d2> 0,

mais une fonction atteignant son maximum en un point ne peut avoir aucune de sesdérivées partielles strictement positive en ce point, d’où la contradiction recherchée.Pour prouver l’assertion sur le minimum, on refait la démonstration avec la fonction−u.

Une application harmonique a donc un comportement très particulier sur O. On déduitde ce théorème l’unicité de la solution au problème de Dirichlet :

Corollaire 1.1.3. Il y a unicité de la solution au problème de Dirichlet.

Démonstration. Si u1 et u2 sont solutions d’un même problème de Dirichlet, alors on au1 − u2 ≡ 0 sur Fr(O). Le théorème précédent implique

∀ (x, y) ∈ O, 0 ≤ u1(x, y)− u2(x, y) ≤ 0,

soit : ∀ (x, y) ∈ O, u1(x, y) = u2(x, y).

Pour finir ce paragraphe, démontrons un lemme qui sera très utile pour la suite :

Lemme 1.1.4. Soit (un) une suite d’applications harmoniques sur O et continues surFr(O). Si la suite (un) converge uniformément sur Fr(O), alors elle converge unifor-mément sur O.

Démonstration. Soit ε > 0. Appliquons le critère de Cauchy uniforme à la suite (un) :

∃N ∈ N, ∀ p, q ∈ N, p, q > N ⇒ ∀ (x, y) ∈ Fr(O) |up(x, y)− uq(x, y)| < ε.

Mais les fonctions (un) sont toutes harmoniques, donc la fonction up− uq est égalementharmonique pour tous entiers p et q : up − uq satisfait le théorème du minimum et dumaximum, et on a :

∃N ∈ N, ∀ p, q ∈ N, p, q > N ⇒ ∀ (x, y) ∈ O |up(x, y)− uq(x, y)| < ε

ce qui prouve que la suite (un) converge uniformément sur O.

Ces quelques propriétés vont nous permettre de montrer l’existence d’une solution auproblème de Dirichlet pour un disque, le but étant ensuite de généraliser ceci à un ouvertconnexe borné possédant certaines propriétés topologiques.

4

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1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disqueSoit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque de centre A et de rayon1, où s désigne l’abscisse curviligne d’un point du cercle mesurée à partir d’un certainpoint M du cercle. On suppose que f(0) = f(2π). Le but est de construire une fonctionu continue sur le disque fermé, harmonique sur l’intérieur du disque et égale à f sur lebord du disque. On fait alors un changement d’origine et d’axes, de sorte que la nouvelleorigine soit le centre du cercle, et que l’axe des x passe par le point s = 0. On passe alorsen coordonnées polaires (r, θ), en prenant comme pôle notre nouvelle origine, et commeaxe polaire le nouvel axe des x. L’équation du cercle est alors r = 1, et on peut écriref(s) = f(θ). Après ces quelques simplifications, nous pouvons commencer à résoudre leproblème.

1.2.1 Résolution du problème

On procède par analyse-synthèse.Analyse : Supposons que f soit continue et de classe C1 par morceaux (nous montreronsplus tard que cette hypothèse est inutile). En coordonnées polaires, l’équation ∆u = 0devient :

urr +1

rur +

1

r2uθθ = 0 . (1.1)

Cherchons une solution de cette équation sous la forme u(r, θ) = v(r)w(θ). En rempla-çant dans (1.1), on obtient :

v′′(r)w(θ) +v′(r)w(θ)

r+v(r)w′′(θ)

r2= 0

soit : v′′(r) +

v′(r)

r

r2

v(r)| z indépendant de θ

= −w′′(θ)

w(θ)| z indépendant de ρ

= λ ∈ R .

Il s’agit de discuter les valeurs possibles de λ. En écrivant que v′′ + λv = 0, et quev(0) = v(2π), on constate que v est 2π-périodique, et donc que λ = n2, n ∈ N. On aalors v(θ) = an cos(nθ)+ bn sin(nθ), an, bn ∈ R. On a ainsi r2v′′(r)+ rv′(r)−n2v(r) = 0.Cette équation est linéaire homogène du second ordre, donc l’ensemble de ses solutionsest un espace vectoriel de dimension 2. On constate qu’elle admet les deux solutionslinéairement indépendantes r 7→ rn et r 7→ r−n. Mais puisque r 7→ r−n est discontinueen r = 0, on en déduit que les solutions de (1.1) continues sur D(A, 1) sont de la forme :

un(r, θ) = rn [an cos(nθ) + bn sin(nθ)].

Dans le cas n = 0, on obtient la solution u0(r, θ) = constante qu’on choisit de notera0

2.

Considérons maintenant la fonction

u(r, θ) =a0

2+

+∞Xn=1

rn [an cos(nθ) + bn sin(nθ)] .

Si les suites (an) et (bn) sont bornées par un certain réel M , alors on a :

|u(r, θ)| ≤ M

2+

+∞Xn=1

2Mrn ∀ r, θ ∈ [0, 1[×[0, 2π],

5

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ce qui montre que u(r, θ) est bien définie sur D(A, 1). Si on se donne de plus r < 1, etun réel r1 tel que r < r1 < 1, alors on au(r, θ)− nX

k=0

uk(r, θ)

=

+∞X

k=n+1

uk(r, θ)

+∞Xk=n+1

|uk(r, θ)|

≤+∞X

k=n+1

2Mrk1 .

Donc la sériePnk=0 uk(r, θ) converge uniformément vers u(r, θ) sur D(A, r1). Les un étant

des fonctions continues sur ce disque, u est continue sur D(A, r1), donc sur D(A, r) pourtout r < 1. En faisant tendre r vers 1, on obtient que u est continue sur D(A, 1).On montre de même que u est de classe C∞ sur D(A, 1), sachant que rn = o(1/nk) pourtout entier k > 0 et tout r < 1. On peut donc dériver terme à terme la fonction u, eton remarque alors que u est harmonique sur D(A, 1). De plus, on a

u(1, θ) =a0

2+

+∞Xn=1

[an cos(nθ) + bn sin(nθ)] .

Synthèse : Si on prend alors

a0 =1

π

Z 2π

0f(ψ) dψ , an =

1

π

Z 2π

0f(ψ) cos(nψ) dψ , bn =

1

π

Z 2π

0f(ψ) sin(nψ) dψ ,

c’est-à-dire les coefficients de Fourier de f , on a

u(1, θ) = f(θ),

et les suites (an) et (bn) sont clairement bornées. Il ne reste qu’à vérifier que u, définiede cette manière, est continue sur D(A, 1). On a :

|u(1, θ)| ≤ |a0|2

++∞Xn=1

|an|+ |bn|,

et cette somme converge car f est continue et de classe C1 par morceaux. La série

u(r, θ) =a0

2+

+∞Xn=1

rn [an cos(nθ) + bn sin(nθ)] .

avec an et bn les coefficients de Fourier de f est donc harmonique sur D(A, 1), continuesurD(A, 1) et égale à f sur C(A, 1) : u est la solution du problème de Dirichlet considéré.

6

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1.2.2 Une autre expression

A partir de l’expression de u obtenue au paragraphe précédent, il est possible d’exprimeru sous forme d’une intégrale. Soit r < 1, on a :

u(r, θ) =a0

2+

+∞Xn=1

rn [an cos(nθ) + bn sin(nθ)]

=1

Z 2π

0f(ψ) dψ +

+∞Xn=1

rn1

π

Z 2π

0f(ψ) cos(nψ) cos(nθ) dψ

+1

π

Z 2π

0f(ψ) sin(nψ) sin(nθ) dψ

soit, avec cos(nψ) cos(nθ) + sin(nψ) sin(nθ) = cos(n(ψ − θ)),

u(r, θ) =1

Z 2π

0f(ψ) dψ +

+∞Xn=1

rn1

π

Z 2π

0f(ψ) cos(n(ψ − θ)) dψ

Or on a +∞Xn=1

rn1

π

Z 2π

0f(ψ) cos(n(ψ − θ)) dψ

≤ 2+∞Xn=1

supψ∈[0,2π]

|f(ψ)| rn

par inégalité de la moyenne, donc on peut appliquer le théorème de Beppo-Levi : on a

u(r, θ) =1

Z 2π

0f(ψ)

"1 + 2

+∞Xn=1

rn cos(n(ψ − θ))

#dψ.

Par ailleurs :

1 + 2+∞Xn=1

rn cos(n(ψ − θ)) = 1 + 2 Re

+∞Xn=1

rnein(ψ−θ)!

= 1 + 2 Re

rei(ψ−θ)

1− rei(ψ−θ)

!

Et, en multipliant numérateur et dénominateur de la fraction par le conjugué du déno-minateur :

rei(ψ−θ)

1− rei(ψ−θ)=

rei(ψ−θ) − r2

1− 2r cos(ψ − θ) + r2

d’où :

1 + 2+∞Xn=1

rn cos(n(ψ − θ)) = 1 + 2r cos(ψ − θ)− r2

1− 2r cos(ψ − θ) + r2

=1− 2r cos(ψ − θ) + r2 + 2r cos(ψ − θ)− 2r2

1− 2r cos(ψ − θ) + r2

soit 1 + 2+∞Xn=1

rn cos(n(ψ − θ)) =1− r2

1− 2r cos(ψ − θ) + r2.

Finalement, on a

∀ r < 1 u(r, θ) =1

Z 2π

0f(ψ)

1− r2

1− 2r cos(ψ − θ) + r2dψ,

7

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intégrale qui est aussi appelée intégrale de Poisson.Si le cercle n’est pas de rayon 1, mais de rayon R, l’intégrale devient :

∀ r < R u(r, θ) =1

2πR

Z 2πR

0f(s)

R2 − r2

R2 − 2rR cos( sR− θ) + r2

ds

(on remplace r parr

Ret la variable d’intégration devient s = Rψ).

1.2.3 Des hypothèses moins fortes

Pour finir la discussion sur la résolution du problème de Dirichlet pour un cercle, on vamontrer que l’hypothèse "f de classe C1 par morceaux" est inutile. Supposons que f estcontinue, sans autre hypothèse de régularité.

Remarquons que l’application h : (s, r, θ) 7→ R2 − r2

R2 + r2 − 2Rr cos( sR− θ)

est de classe

C∞ en chacune des trois variables, en tout (s, r, θ) ∈ [0, 2πR]× [0, R[×[0, 2π]. Donc, ennotant comme précédemment

∀ r < R u(r, θ) =1

2πR

Z 2πR

0f(s)

R2 − r2

R2 − 2rR cos( sR− θ) + r2

ds,

u est de classe C∞, car l’intégration se fait sur un compact. On a par ailleurs ∆h = 0(par un calcul fastidieux qui ne sera pas détaillé ici), ce qui implique ∆u = 0. Donc uest harmonique sur D(A,R). Montrons maintenant que la fonction u définie par :

u(r, θ) =

8><>:u(r, θ) si r < R

f(Rθ) si r = R

est continue sur le disque fermé D(A, 1).Par un théorème de Stone-Weierstrass, puisque f est continue, soit (fn) une suite depolynômes convergeant uniformément vers f sur C(A, 1). Alors la suite de fonctions

un(r, θ) =1

2πR

Z 2πR

0fn(s)

R2 − r2

R2 − 2rR cos( sR− θ) + r2

ds,

vérifie toutes les propriétés établies en 1.2.1, puisque les (fn) sont de classe C∞. Enparticulier, on a un(R, θ) = fn(Rθ), donc la suite (un) converge uniformément sur lebord du disque. Puisque les (un) sont harmoniques sur D(A, 1), par le lemme 1.1.4, lasuite (un) converge uniformément sur le disque fermé, ce qui implique que u = lim

n→∞un

est continue sur le disque fermé, en tant que limite uniforme de fonctions continues.

8

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1.2.4 Propriétés fondamentales des fonctions harmoniques

Dans cette section, nous allons montrer quelques résultats utiles sur les fonctions harmo-niques. Les preuves de toutes ces propriétés sont basées sur le fait que toute applicationharmonique est représentable sous la forme d’une intégrale de Poisson.

Théorème 1.2.1. (“Moyenne arithmétique”)Soit D un disque ouvert de R2. Supposons u harmonique sur D et continue sur D. Alorsla valeur de u au centre de D est égale à la moyenne des valeurs de u sur Fr(D).

Démonstration. On déplace l’origine du repère au centre du disque, et on écrit u sousla forme d’une intégrale de Poisson :

∀ r < R u(r, θ) =1

2πR

Z 2πR

0f(s)

R2 − r2

R2 − 2rR cos( sR− θ) + r2

ds,

avec : ∀ s ∈ [0, 2πR], f(s) = uR,

s

R

, et on a donc u(0, θ) =

1

2πR

Z 2πR

0f(s) ds, soit

u(0, θ) =1

2πR

Z 2πR

0uR,

s

R

ds. En d’autres termes, la valeur de u au centre du disque

est la moyenne arithmétique des valeurs de u sur le bord du disque, ce qu’on voulaitmontrer.

Montrons maintenant un résultat puissant concernant l’analyticité d’une fonction har-monique :

Théorème 1.2.2. Soit u une fonction harmonique sur un ouvert connexe borné nonvide O. Alors, en tout point (x0, y0) de O, u est analytique en x et y.

Démonstration. Soit (x0, y0) ∈ O, et soit R > 0 tel que D((x0, y0), R) ⊂ O. On déplacel’origine du repère en (x0, y0), pour pouvoir écrire la formule habituelle : si un point(x, y) ∈ D((x0, y0), R) a pour coordonnées polaires (r, θ),

u(r, θ) =1

2πR

Z 2πR

0f(s)

R2 − r2

R2 − 2rR cos( sR− θ) + r2

ds.

Nous allons maintenant démontrer un lemme de calcul :

Lemme 1.2.3. ∀ r < R, ∀ψ, θ, R2 − r2

R2 + r2 − 2rR cos(ψ − θ)= −1 + Re

2R

R− rei(θ−ψ)

.

Démonstration du lemme. On a

−1 +2R

R− rei(θ−ψ)=

R + rei(θ−ψ)

R− rei(θ−ψ)

=(R + rei(θ−ψ))(R− rei(ψ−θ))

(R− rei(θ−ψ))(R− rei(ψ−θ))

=R2 −Rrei(ψ−θ) +Rrei(θ−ψ) − r2

R2 + r2 − 2rR cos(ψ − θ)

=R2 − r2 + 2iRr sin(θ − ψ)

R2 + r2 − 2rR cos(ψ − θ)

et on prend la partie réelle des deux membres, ce qui montre le résultat annoncé.

9

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Par ailleurs, on a :

2R

R− rei(θ−ψ)= 2

iReiψ

i[Reiψ − reiθ],

ce qui permet d’écrire :

u(x, y) = − 1

2πR

Z 2πR

0f(s) ds+ 2 Re

"1

2πR

Z 2πR

0f(s)

iR exp (i sR)

i[R exp (i sR)− r exp (iθ)]

ds

#.

Notons à présent z = x + iy = r exp (iθ) et α = R exp (i sR), on a, puisque f donne les

valeurs de u sur le bord du disque :

u(x, y) = − 1

2πR

Z 2πR

0f(s) ds+ Re

1

iπR

I f(α) dα

α− z

,

oùI

représente l’intégration sur le bord du disque.Par le théorème de la moyenne arithmétique, la première intégrale vaut −u(0, 0). La

deuxième intégrale, en écrivant1

α− z=

1

α[1− zα], est une application analytique en z

(on peut intégrer terme à terme car une série entière est normalement convergente surtout compact inclus dans son disque de convergence).Donc u, partie réelle d’une application analytique en z, est analytique en x et y.

Le théorème de la moyenne arithmétique permet aussi d’améliorer le théorème du mi-nimum et du maximum :

Théorème 1.2.4. (Théorème du minimum et du maximum, forme forte)Soit O une partie ouverte connexe bornée non vide de R2. Soit u une application har-monique sur O. S’il existe A ∈ O tel que u(A) = sup

O

u, alors u est constante.

Démonstration. Soient un tel point A, et ρ > 0 tel que D(A, ρ) ⊂ O. Alors, par lethéorème de la moyenne arithmétique, u(A) est la moyenne des valeurs prises par u surla frontière de D(A, ρ). Mais u atteint son maximum en A, donc les valeurs prises par usur la frontière du disque sont inférieures ou égales à u(A). Ainsi, u est nécessairementconstante sur la frontière du disque. En répétant cette démonstration pour tout r < ρ,on obtient que u est constante sur D(A, ρ) et sur sa frontière. Donc : u est constantesur D(A, ρ).

Soit maintenant B ∈ D(A, ρ). Il existe ρ′ > 0 tel que D(B, ρ′) ⊂ O. Par ce qui précède,u(B) = u(A), et la même idée montre que u est constante sur D(B, ρ′).

Soit alors C ∈ O. O étant connexe, il existe un chemin γ ⊂ O continu joignant A à C(car dans RN , connexe⇔ connexe par arcs). Le lemme de topologie suivant va permettrede conclure :

Lemme 1.2.5. Pour tout ouvert borné O ⊂ RN et tout chemin γ ⊂ O continu, on a

d(γ, Fr(O)) = infx∈ γ, y ∈Fr(O)

d(x, y) > 0.

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Page 12: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Démonstration du lemme. Par propriété de la borne inférieure, soient deux suites (xn)et (yn) de points de γ et Fr(O) respectivement, telles que

d(xn, yn) −−−→n→∞

d(γ, Fr(O)).

γ est fermé (c’est un chemin) et borné, donc est un compact de RN , donc on peut extraireune suite (xnk

) de (xn) qui converge vers x ∈ γ. De même, Fr(O) étant un fermé borné,c’est un compact de RN , donc on peut extraire une suite (ynkp

) de (ynk) qui converge

vers y ∈ Fr(O). Alors on a d(γ, Fr(O)) = d(x, y). Or par définition x ∈ γ ⊂ O, donc ilexiste ρ0 > 0 tel que D(x, ρ0) ⊂ O. Et ainsi d(γ, Fr(O)) = d(x, y) > ρ0 > 0.

On revient à la démonstration du théorème : on construit alors une suite finie de disquesD1, . . . , Dn tels que le centre de D1 soit A, le centre de Dn soit C, le centre de Dk pour2 ≤ k ≤ n−1 soit l’intersection de γ avecDk−1, et tels que γ ⊂ Sn

k=1Dk ; ceci est possibleprécisément car la distance de γ à la frontière de O est strictement positive, disons ρ0,et ainsi chaque disque peut être pris de rayon ρ0, et "couvre" une longueur de cheminau moins égale à ρ0. Puisque γ a une longueur L finie, cette construction nécessite aumaximum E(L/ρ0) + 1 disques. Un raisonnement identique à celui fait précédemmentmontre que u est constante sur chaque Dk, et en particulier u(C) = u(A). Donc u estconstante sur O.

Nous allons maintenant montrer deux théorèmes sur la convergence de fonctions har-moniques, dus à Harnack.

Théorème 1.2.6. (Premier théorème de Harnack)Soit (un) une suite de fonctions harmoniques sur O et continues sur O. Si la suite (un)converge uniformément sur Fr(O), alors elle converge uniformément sur O vers unefonction u harmonique sur O.

Démonstration. Par le lemme 1.1.3, on sait que (un) converge uniformément sur O.Notons donc u = lim

n→∞un, et montrons que u est harmonique sur O. Soit A ∈ O, et

R > 0 tel que D(A,R) ⊂ O. Comme on l’a déjà fait plusieurs fois, on déplace l’originedu repère en A, et on représente les (un) sous la forme d’une intégrale de Poisson :

∀ r < R un(r, θ) =1

Z 2π

0fn(ψ)

R2 − r2

R2 − 2rR cos(θ − ψ) + r2dψ

où les (fn) sont les fonctions donnant les valeurs des (un) sur la frontière du disque.Puisque la suite (fn) converge uniformément sur [0, 2π] (c’est la traduction du fait quela suite (un) converge uniformément sur Fr(O)), et que la suite (un) converge en toutpoint de D(A,R) vers u, on peut passer à la limite dans l’égalité précédente et intervertirlimite et intégrale :

∀ r < R u(r, θ) = limn→+∞

un(r, θ) =1

Z 2π

0lim

n→+∞fn(ψ)

R2 − r2

R2 − 2rR cos(θ − ψ) + r2dψ

ce qui donne enfin :

∀ r < R u(r, θ) =1

Z 2π

0f(ψ)

R2 − r2

R2 − 2rR cos(θ − ψ) + r2dψ

où f désigne la limite uniforme des fn, qui est continue. L’application u est donc har-monique en tout point de O.

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Page 13: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Théorème 1.2.7. (Deuxième théorème de Harnack)Soit (un) une suite de fonctions positives, harmoniques sur O. S’il existe A ∈ O tel que(un) converge en A, alors (un) converge uniformément sur tout compact de O vers unefonction harmonique sur O.

Avant de commencer la démonstration de ce théorème, montrons un lemme de topologietrès utile :

Lemme 1.2.8. Soit K ⊂ RN un compact, U ⊂ RN un ouvert borné tel que K ⊂ U .Alors on a

d(K,Fr(U)) = infx∈K, y ∈Fr(U)

d(x, y) > 0.

En particulier, si un compact K de RN est contenu dans une boule ouverte de rayon R,il existe ε > 0 tel que K soit contenu dans une boule de même centre et de rayon R+ ε.

Démonstration du lemme. Soient (xn), (yn) deux suites de points de K, Fr(U) respec-tivement, telles que

d(xn, yn) −−−→n→∞

d(K,Fr(U)).

Puisque K est compact, on extrait une sous-suite (xnk) de (xn) qui converge vers x ∈ K.

Puisque Fr(U) est un fermé borné, donc un compact de RN , on extrait une sous-suite(ynkp

) de (ynk) qui converge vers y ∈ Fr(U). D’où d(K,Fr(U)) = d(x, y). Or x ∈ K ⊂ U ,

donc il existe r > 0 tel queD(x, r) ⊂ U . Ceci montre que d(K,Fr(U)) = d(x, y) > r > 0,d’où le lemme.

Démonstration du théorème. On va procéder par étapes. Soit un tel point A.

Première étape : on montre d’abord que (un) converge uniformément sur tout disqueD(A,R) tel que D(A,R) ⊂ O. Soit un tel disque, et puisque O est ouvert, soit ε > 0 telque D(A,R + ε) ⊂ O. On représente à nouveau (un) par une intégrale de Poisson, enayant au préalable déplacé l’origine en A :

∀ r < R + ε un(r, θ) =1

Z 2π

0un(R + ε, ψ)

(R + ε)2 − r2

(R + ε)2 − 2r(R + ε) cos(θ − ψ) + r2dψ.

Notons h(r, θ, ψ) =(R + ε)2 − r2

(R + ε)2 − 2r(R + ε) cos(θ − ψ) + r2. Puisque | cos(θ − ψ)| ≤ 1, on

a les inégalités :(R + ε)2 − r2

(R + ε)2 + r2 + 2r(R + ε)≤ h(r, θ, ψ) ≤ (R + ε)2 − r2

(R + ε)2 + r2 − 2r(R + ε)

soit, en factorisant :(R + ε− r)(R + ε+ r)

(R + ε+ r)2≤ h(r, θ, ψ) ≤ (R + ε− r)(R + ε+ r)

(R + ε− r)2

et enfin :(R + ε− r)

(R + ε+ r)≤ h(r, θ, ψ) ≤ (R + ε+ r)

(R + ε− r).

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Puisque les un sont positives, on peut multiplier ces inégalités par un(R+ ε, ψ) sans enchanger le sens, ce qui donne :1

(R + ε− r)

(R + ε+ r)un(R + ε, ψ) ≤ 1

2πh(r, θ, ψ)un(R + ε, ψ) ≤ 1

(R + ε+ r)

(R + ε− r)un(R + ε, ψ),

d’où, par intégration :1

(R + ε− r)

(R + ε+ r)

Z 2π

0un(R + ε, ψ) dψ ≤ un(r, θ) ≤

1

(R + ε+ r)

(R + ε− r)

Z 2π

0un(R + ε, ψ) dψ,

et finalement, grâce au théorème de la moyenne arithmétique :(R + ε− r)

(R + ε+ r)un(A) ≤ un(r, θ) ≤

(R + ε+ r)

(R + ε− r)un(A).

Alors, si (un) converge en A, (un) converge sur tout le disque fermé D(A,R) (car l’in-égalité est valable pour tout r < R+ ε), et la convergence est uniforme sur le cercle (carles membres de gauche et de droite de l’inégalité ne dépendent pas de ψ). Donc par lepremier théorème de Harnack, (un) converge uniformément sur le disque fermé D(A,R)vers une fonction harmonique sur D(A,R).

Deuxième étape : On montre que (un) converge en tout point de O : soit B ∈ O.O étant connexe, on peut relier A à B par un chemin γ ⊂ O continu. Par le lemme 1.2.5,on a d(γ, Fr(O)) = δ > 0. Soit R > 0 tel que D(A,R) ⊂ O. Soit A2 ∈ γ ∩ Fr(D(A,R)).On a, par définition de δ, D(A2, δ/2) ⊂ O et ce qui a été fait à l’étape 1 montre que(un(A2)) converge, donc (un) converge uniformément sur D(A2, δ/2) ⊂ O.

Soit A3 ∈ γ ∩ Fr(D(A2, δ/2)), on a D(A3, δ/2) ⊂ O, et par ce qui précède (un(A3))converge donc (un) converge uniformément sur D(A3, δ/2) ⊂ O.

On peut construire un nombre fini de tels points Ak , k = 1, . . . , N , de sorte queB ∈ D(AN , δ/2) et que γ ⊂ SN

k=1D(Ak, δ/2). Alors (un(B)) converge, et puisque (un)converge uniformément sur D(AN , δ/2), la limite des (un) est harmonique au voisinagede B.

Troisième étape : On va montrer que (un) converge uniformément sur les compactsde O. Soit K ⊂ O un compact, par la propriété de Borel-Lebesgue on peut le recouvrirpar un nombre fini de disques D1 , . . . , Dp tels que D1 ⊂ U, . . . , Dp ⊂ U . Par ce qui aété fait précédemment, (un) converge en tous les centres des Dk. Donc, (un) convergeuniformément sur tous les Dk : (un) converge uniformément sur K.

La convergence des suites de fonctions harmoniques est donc très régulière. Mais si lecomportement des fonctions harmoniques est très régulier, il n’en est pas moins surpre-nant, comme le montre le résultat suivant :

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Théorème 1.2.9. (Théorème de Liouville)Soit une application u, harmonique sur R2, qui est bornée. Alors u est constante.

Démonstration. Puisque u est bornée, quitte à ajouter une constante à u, on peut sup-poser que u est positive. Montrons que pour tout point M de R2, u(M) = u(O), où Oest l’origine du plan.On passe en coordonnées polaires : soient (r, θ) les coordonnées polaires de M , et soitr > 0 tel que M ∈ D(0, r). On représente u sous la forme d’une intégrale de Poisson, etcomme dans la démonstration du deuxième théorème d’Harnack, on montre que :

∀R > r,R− r

R + ru(O) ≤ u(M) ≤ R + r

R− ru(O)

D’où en faisant tendre R vers l’infini (ce qui est possible car u est harmonique sur R2),on obtient u(O) ≤ u(M) ≤ u(O), et donc u(M) = u(O) pour tout M .

Pour finir ce paragraphe, énonçons et démontrons le célèbre théorème de la singularitéapparente :

Théorème 1.2.10. (Théorème de la singularité apparente)Soit A un point du plan. On suppose que u est une application harmonique et bornéesur un voisinage épointé W de A, c’est-à-dire qu’il existe V , un voisinage de A, tel queW = V \ A. Alors u se prolonge par continuité en A en une application harmoniquesur V tout entier.

Démonstration. On déplace l’origine au point A. Soit R > 0 tel que D(A,R) ⊂ V . Soitu1 une application harmonique sur D(A,R) et égale à u sur la frontière de D(A,R)(cela existe car on a prouvé l’existence d’une solution au problème de Dirichlet pour uncercle), et notons v = u − u1. Nous allons montrer que v est identiquement nulle surD(A,R) \ A, après quoi on prolongera v par continuité en posant v(A) = 0, ce quiprouvera le théorème.On sait déjà que v est nulle sur C(A,R). Soit ε ∈ ]0, R[, on considère l’application ωεdéfinie par :

∀P ∈ D(A,R) \ A, ωε(P ) = Mln(AP/R)

ln(ε/R)

où on a posé M = supD(A,R)\A

|v|, fini par hypothèse.

Cette application a les propriétés suivantes :1. ωε induit une application harmonique sur D(A,R)\A : en effet, on peut écrire :

∀P ∈ D(A,R) \ A, si r = AP , ωε(P ) = Mln(r/R)

ln(ε/R),

et le membre de droite est une application f vérifiant frr +1

rfr +

1

r2fθθ = 0 ;

2. ωε est nulle sur C(A,R) ;3. ωε vaut M sur C(A, ε).

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Page 16: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Soit maintenant P dans la couronne D(A,R) \D(A, ε). L’application v−ωε est harmo-nique sur cette couronne, donc atteint son maximum sur sa frontière. Et on a :

1. v − ωε est nulle sur C(A,R) ;2. ∀P ∈ C(A, ε), (v − ωε)(P ) ≤ sup

Wv −M ≤ sup

W|v| −M = 0.

v − ωε est alors négative ou nulle ; de même, −v − ωε est négative ou nulle. D’où :

∀P ∈ D(A,R) \D(A, ε), |v(P )| ≤Mln(r/R)

ln(ε/R).

Le membre de gauche de cette inégalité est indépendant de ε : en faisant tendre ε vers0 par valeurs supérieures, on obtient :

∀ε > 0, ∀P ∈ D(A,R) \D(A, ε), v(P ) = 0.

Ce qui signifie que pour tout point P de W , on a v(P ) = 0, ce qu’on voulait montrer.

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Page 17: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

1.3 Existence d’une solution au problème de DirichletL’idée de la preuve ci-dessous a été donnée par Poincaré.Nous avons d’abord besoin de quelques définitions : soit v une application continue surun ouvert connexe borné non vide O ⊂ R2. On notera D un disque ouvert inclus dansO, et (v)D une application continue égale à v sur O \D et harmonique sur D.On a clairement :

v harmonique sur O ⇔ (v)D ≡ v ∀D ⊂ O.

Remarquons enfin que (v)D existe est est unique, puisqu’on a montré l’existence d’unesolution au problème de Dirichlet pour un disque, et l’unicité de la solution au problèmede Dirichlet dans le cas général (nous utiliserons cette unicité plusieurs fois).Cette nouvelle notion nous permet de définir quelques concepts utiles :

Définition 1.3.1. (Applications sub et superharmoniques)1. v est dite superharmonique sur O si pour tout disque ouvert D ⊂ O, (v)D ≤ v ;2. v est dite subharmonique sur O si pour tout disque ouvert D ⊂ O, (v)D ≥ v ;3. Si f est une fonction continue sur Fr(O), si v est superharmonique (respectivementsubharmonique) sur O, et si v ≥ f (respectivement v ≤ f) sur Fr(O), alors v est ditefonction supérieure (respectivement inférieure) pour f .

Montrons quelques propriétés de ce type de fonctions, qui seront nécessaires pour ladémonstration. Dans toute la suite O désignera un ouvert connexe borné non vide.

Proposition 1.3.2. (Sur les fonctions sub et superharmoniques)1. Toute application harmonique est superharmonique et subharmonique.2. Si v est superharmonique et u est harmonique, alors v+ u et v− u sont superharmo-niques.3. La somme d’un nombre fini d’applications superharmoniques est superharmonique.4. Si v est superharmonique et w est subharmonique, alors v − w est superharmonique.

Démonstration. 1. Ce point est clair puisque : v harmonique sur O⇔ (v)D ≡ v ∀D.2. Soit D un disque ouvert. Si v1 et v2 sont deux applications continues sur O, on a

par unicité de la solution au problème de Dirichlet (v1 + v2)D = (v1)D + (v2)D etde même (−v1)D = −(v1)D. Donc, si v est superharmonique et u est harmonique,on a (v + u)D = (v)D + (u)D ≤ v + u et (v − u)D = (v)D − (u)D ≤ v − u. Ce quimontre que v + u et v − u sont superharmoniques.

3. C’est une conséquence du fait que (v1+v2+. . .+vN)D = (v1)D+(v2)D+. . .+(vN)D(toujours par unicité de la solution au problème de Dirichlet) : si v1, . . . , vN sontN applications superharmoniques, on peut écrire :

(v1 + v2 + . . .+ vN)D = (v1)D + (v2)D + . . .+ (vN)D ≤ v1 + v2 + . . .+ vN .

Ce qui montre la superharmonicité de (v1 + v2 + . . .+ vN)D.4. Si w est subharmonique, alors (w)D ≥ w ⇒ (−w)D ≤ −w : −w est superhar-

monique. Et on sait que la somme de deux applications superharmoniques estsuperharmonique, ce qui montre le résultat annoncé.

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Page 18: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Proposition 1.3.3. Toute application v, superharmonique sur O, atteint son minimum(sur O) en un point de Fr(O).Démonstration. Soit v une application superharmonique. Remarquons que v atteint sonminimum m sur O car c’est un fermé borné de R2, donc un compact de R2.Soit P ∈ O tel que v(P ) soit minimal.

1. Si P ∈ Fr(O), il n’y a rien à montrer.2. Si P ∈ O, montrons que, pour tout disque ouvert D ⊂ O de centre P , on a :

v(M) = m ∀M ∈ Fr(D).

Supposons que cette affirmation soit fausse, donc qu’il existe un disque ouvertD ⊂ O de centre P et un point N ∈ Fr(D) tel que v(N) = α > m. Alors, puisquev est superharmonique, on a :

(v)D(P ) ≤ v(P ) = m et ∀M ∈ Fr(D) (v)D(M) = v(M) ≥ m.

Donc (v)D, qui est harmonique, atteint son minimum (sur D) en un point de D :(v)D est donc constante sur D. Pourtant (v)D(N) = v(N) = α > m. On a unecontradiction : l’hypothèse de départ était donc absurde.Notons à présent

r = d(P, Fr(D)) = infM∈Fr(D)

d(P,M)

et D0 le disque ouvert de centre P et de rayon r. Alors Fr(D0) ∩ Fr(O) 6= ∅, doncil existe Q ∈ Fr(D0) ∩ Fr(O). Et on a v(Q) = m, donc v atteint son minimum enQ ∈ Fr(O).

D’où le théorème dans tous les cas.

Proposition 1.3.4. Soit f une fonction continue sur Fr(O). Pour toute fonction su-périeure v pour f et toute fonction inférieure v pour f , on a l’inégalité v ≥ w.Démonstration. Par le point 4. de la proposition 1.3.2, v − w est superharmonique, etpar la proposition 1.3.3, v − w atteint son minimum en un point P ∈ Fr(O). Et on av(P ) ≥ f(P ), w(P ) ≤ f(P ), donc (v − w)(P ) ≥ 0. Ainsi v ≥ w.

Proposition 1.3.5. Si f est une fonction continue sur Fr(O), et v1, . . . , vN sont Nfonctions supérieures pour f , alors v = minv1, . . . , vN est aussi une fonction supérieurepour f .Démonstration. v est continue sur O et on a v ≥ f car vi ≥ f pour i = 1, . . . , N . Ilreste à montrer que v est superharmonique.Soit donc D ⊂ O un disque ouvert. Soit P ∈ D, il existe i, 1 ≤ i ≤ N tel quev(P ) = vi(P ), et on a v(P ) = vi(P ) ≥ (vi)D(P ) car les vi sont, en particulier, superhar-moniques. Le lemme suivant va permettre de conclure :

Lemme 1.3.6. Soient deux applications f et g continues sur O telles que f ≤ g. Alors,pour tout disque ouvert D ⊂ O, on a (f)D ≤ (g)D.

Démonstration du lemme. Par hypothèse f − g est négative sur O, donc la fonctionharmonique (f −g)D, qui est égale à f −g sur O \D et donc en particulier sur Fr(D), a,par le principe du maximum, un maximum négatif sur D. Donc sur D, (f−g)D ≤ 0. Parunicité de la solution au problème de Dirichlet, on a (f)D−(g)D ≤ 0 sur D : (f)D ≤ (g)Dsur D. Puisque sur O \D, (f − g)D = f − g ≤ 0, on a (f)D ≤ (g)D.

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Page 19: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

On revient à la démonstration du théorème : puisque vi ≥ v, on av(P ) = vi(P ) ≥ (vi)D(P ) ≥ (v)D(P ). Donc (v)D ≤ v pour tout disque ouvert D ⊂ O.Finalement v est superharmonique sur O : c’est une fonction supérieure pour f .

Proposition 1.3.7. Si f est une fonction continue sur Fr(O), et si v est une fonctionsupérieure pour f , alors pour tout disque ouvert D ⊂ O, (v)D est aussi une fonctionsupérieure pour f .

Démonstration. Soit D ⊂ O un disque ouvert. Puisque (v)D coïncide avec v sur O \D,il est clair que (v)D = v ≥ f sur Fr(O).Il reste à prouver que pour tout disque ouvert D1 ⊂ O, ((v)D)D1 ≤ (v)D, et il suffit deprouver cette inégalité (I) sur D1.

1. Si D1 ⊂ D, c’est clair car (v)D, harmonique sur D, est superharmonique surD1 ⊂ D.

2. Si D1 ⊂ O \ D, on a, pour P ∈ D1, ((v)D)D1(P ) = (v)D1(P ) (car (v)D = vsur O \ D), et par superharmonicité, on a (v)D1(P ) ≤ v(P ) = (v)D(P ), d’où((v)D)D1(P ) ≤ (v)D(P ).

3. Sinon, sur Fr(D1), on a (v)D ≤ v car v est superharmonique. Donc sur D1, on a((v)D)D1 ≤ (v)D1 ≤ v, la dernière inégalité résultant du fait que v est superhar-monique. Puisque (v)D et v coïncident sur O \ D, on a l’inégalité (I) sur O \ D.(I) est ainsi vraie sur Fr(D) et Fr(D1) : (I) est vraie sur Fr(D) ∩ Fr(D1). Or, ona le résultat suivant :

Lemme 1.3.8. Soit (X, T ) un espace topologique, et A, B deux parties de X.Alors on a : Fr(A ∩B) ⊂ Fr(A) ∩ Fr(B).

Démonstration du lemme. Il suffit de montrer que, puisque Fr(Y ) = Y \ Y :1. A ∩B ⊂ A ∩B ;2. A ∩ B ⊂ ×A ∩B.

1. Cette inclusion découle du fait que A∩B est un fermé contenant A∩B, et pardéfinition, A ∩B est le plus petit fermé contenant A ∩B.2. L’inclusion voulue est claire car A ∩ B est un ouvert contenu dans A ∩ B, et×A ∩B est le plus grand ouvert contenu dans A ∩B.

On revient à notre théorème : (I) est donc vraie sur Fr(D ∩D1) ; comme (v)D et((v)D)D1 sont harmoniques sur D∩D1, (I) est vraie sur D∩D1 par le principe dumaximum.

D’où l’inégalité dans tous les cas.

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On dispose maintenant de tous les outils pour démontrer l’existence de la solution auproblème de Dirichlet. Soit O un ouvert connexe borné non vide de Rn, f une fonctioncontinue sur Fr(O). On cherche à résoudre le problème8<:∆u = 0 sur O

u = f sur Fr(O).

La famille F des fonctions supérieures pour f est non vide, car c = supOf est une telle

application. Définissons une application u par : ∀M ∈ O, u(M) = infw∈F

w(M).

Théorème 1.3.9. u est harmonique sur O.

Démonstration. Il suffit de montrer que pour tout disque ouvert D ⊂ O, u est harmo-nique sur D. Soit donc un tel disque ouvert D, et soit Ω son centre. Soit ε > 0.

Par définition de u, il existe une fonction supérieure v1 telle que v1(Ω) < u(Ω)+ε. Quitteà remplacer v1 par (v1)D, qui est aussi une fonction supérieure (proposition 1.3.7), ettelle que (v1)D(Ω) ≤ v1(Ω) < u(Ω) + ε (la première inégalité vient du fait que v1 estsupérieure), on peut supposer que v1 est harmonique.

Il existe une fonction supérieure ϕ2 telle que ϕ2(Ω) < u(Ω)+ε/2. Alors ψ2 = min(v1, ϕ2)est une application supérieure (proposition 1.3.5) qui est inférieure à v1. Et finalementv2 = (ψ2)D est harmonique, supérieure pour f , inférieure à v1 en tout point, et vérifiev2(Ω) < u(Ω) + ε/2.

On construit ainsi une suite (vk) de fonctions harmoniques sur D, décroissante, minoréepar le minimum de f sur O, donc convergente, et vérifiant :

∀ k ∈ N∗, vk(Ω) < u(Ω) +ε

2k−1.

Par le deuxième théorème de Harnack, (vk) converge uniformément sur D vers unefonction harmonique v. Montrons que ∀M ∈ D, u(M) = v(M).Supposons que ce soit faux. Alors, puisque u = inf

w∈Fw, et que v est harmonique, donc

superharmonique et supérieure pour f (car vk ≥ f donc à la limite v ≥ f), il existeune fonction supérieure w et un point P ∈ D tel que w(P ) < v(P ). Notons D′ ledisque ouvert de centre Ω et de rayon ΩP , de sorte que P ∈ Fr(D′). Alors chaquefonction wk = (min(w, vk))D′ est une fonction supérieure (par la proposition 1.3.5). Etpuisque (vk) converge uniformément sur D, (vk) converge en particulier uniformémentsur D′, donc (wk) converge uniformément sur D′ vers une application harmonique surD′ (premier théorème de Harnack), qui est (min(w, v))D′ .

Or : (min(w, v))D′(Ω) < v(Ω). En effet, (min(w, v))D′ − v est harmonique sur D′, doncsa valeur au centre du cercle est égale à la moyenne arithmétique de ses valeurs surFr(D′). Et puisque w(P ) < v(P ), il existe un voisinage X de P où w(M) < v(M), donc(min(w, v))D′−v est strictement négative sur X et négative sur Fr(D′). Par le théorèmede la moyenne arithmétique, on a alors (min(w, v))D′(Ω)− v(Ω) < 0.

Et on a : ∀ k ∈ N∗, u(Ω) ≤ vk(Ω) < u(Ω) +ε

2k−1: à la limite k →∞, v(Ω) = u(Ω).

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Finalement on a (min(w, v))D′(Ω) < u(Ω), et par les propositions 1.3.5 et 1.3.7,(min(w, v))D′ est une fonction supérieure pour f . Il y a contradiction avec la définitionde u. L’hypothèse de départ était donc absurde : on a alors u(M) = v(M) ∀M ∈ D, cequ’on voulait montrer. Puisque v est harmonique, u est harmonique également.

Il reste à étudier le comportement de u sur Fr(O). On a le résultat suivant :

Théorème 1.3.10. (“Barrière”)Soit Q ∈ Fr(O), alors u(Q) = f(Q) si on a la condition suivante :il existe une fonction ωQ , superharmonique sur O, continue sur O, telle que :

1. ωQ(Q) = 0 ;2. ∀P ∈ O, P 6= Q⇒ ωQ(P ) > 0.

ωQ est appelée barrière.

Démonstration. Soit ε > 0, par continuité de f , il existe un voisinage de Q noté UQ , telque

∀P ∈ UQ ∩ Fr(O), f(Q)− ε < f(P ) < f(Q) + ε.

De plus, par continuité de ωQ , il existe α ∈ R∗+ tel que

∀P ∈ O \ UQ , ωQ(P ) ≥ α.

En effet O \UQ est un compact, donc ωQ(P ) admet un minimum sur cet ensemble, et ilest atteint ; puisque ωQ ne prend que des valeurs strictement positives en-dehors de UQ ,ce minimum α est aussi strictement positif.

Soient alors, pour C > 0, les fonctions φC et ψC définies par :

φC(P ) = f(Q)− ε− CωQ(P ), ψC(P ) = f(Q) + ε+ CωQ(P ).

Alors : pour C suffisamment grand, φC et ψC sont respectivement inférieures et supé-rieures pour f .Montrons la deuxième affirmation :∀C ∈ R+, ψC est superharmonique car ωQ l’est. Par définition de UQ , et parce que ωQest à valeurs positives, on a :

∀P ∈ UQ ∩ Fr(O), ψC(P ) = f(Q) + ε+ CωQ(P ) ≥ f(Q) + ε ≥ f(P ).

En un point P ∈ Fr(O) \ (UQ ∩ Fr(O)), on a ωQ(P ) ≥ α > 0. En prenant

C ≥ 1

α

"sup

M∈Fr(O)

f(M)− f(Q)− ε

#,

on a ψC(P ) ≥ f(P ). Ainsi, pour C assez grand (disons supérieur à C0), ψC est supérieurepour f , et la même idée montre que pour C supérieur à C1 , φC est inférieure pour f .Soit donc C ≥ max(C0, C1), on a, par définition de u :

f(Q)− ε = φC(Q) ≤ u(Q) ≤ ψC(Q) = f(Q) + ε.

En effet, la première inégalité vient du fait que u est la borne inférieure des fonctionssupérieures w pour f , qui vérifient toutes l’inégalité φC(Q) ≤ w(Q), par la proposition1.3.4, donc u vérifie également cette inégalité. La deuxième inégalité est vraie car ψCest une fonction supérieure pour f .Il ne reste qu’à faire tendre ε vers 0+ pour obtenir u(Q) = f(Q).

20

Page 22: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Sous la condition d’existence de la barrière, on a donc existence et unicité de la solutionau problème de Dirichlet. Il reste à savoir sous quelles conditions cette barrière existe.On a le résultat suivant :

Théorème 1.3.11. Tout point Q d’un ouvert O borné simplement connexe de R2 vérifiela condition d’existence de la barrière.

Corollaire 1.3.12. Soit O un ouvert borné simplement connexe de R2 et f une fonctioncontinue sur Fr(O). Il y a existence et unicité de la solution au problème8<:∆u = 0 sur O

u = f sur Fr(O).

Démonstration. Soit O ⊂ R2 un ouvert borné simplement connexe, et Q ∈ Fr(O).Notons d le diamètre de O. On déplace l’origine du repère en Q ; puisque O est simple-ment connexe, et que Q ∈ Fr(O), il existe une demi-droite D passant par O telle queD ∩ O = ∅. On fait ensuite une rotation du repère de sorte que D devienne la partienégative de l’axe des abscisses (ce qui ne change rien à l’harmonicité des fonctions).On identifie alors C à R2, et on définit une fonction log comme étant la déterminationprincipale du logarithme (dans notre nouveau repère), c’est à dire l’unique fonction ϕdéfinie sur U = C \ R− et telle que exp(ϕ(z)) = z, qui coïncide avec la fonction loga-rithme népérien sur R∗

+.Finalement, on définit deux fonctions p et q par :

∀ z ∈ U, z = x+ iy,

8><>:p(x, y) = Re

log

x+ iy

2d

q(x, y) = Im

log

x+ iy

2d

,

et une fonction ωQ par

∀x, y tels que z = x+ iy ∈ U, ωQ(x, y) = − p(x, y)

p2(x, y) + q2(x, y).

Alors : ωQ est la barrière souhaitée.En effet, calculons p et q. Soient r et s les deux fonctions définies par

∀ z ∈ U, z = x+ iy,

8<:r(x, y) = Re(log(x+ iy))

s(x, y) = Im(log(x+ iy)).

On a, par définition de la fonction log,

∀x, y tels que z = x+ iy ∈ U, exp(log(x+ iy)) = exp(r(x, y) + is(x, y)) = x+ iy.

En prenant successivement le module et un argument de cette égalité, on obtient

r(x, y) = ln(√x2 + y2), s(x, y) = arctan

yx

+ 2kπ, k ∈ Z.

Et puisque log coïncide avec ln sur R∗+ , on a log(1) = 0, soit

log(1) = 0 = r(1, 0) + is(1, 0) = ln(1) + i arctan(0) + 2ikπ ⇒ k = 0.

Finalement, on a :

∀x, y tels que z = x+ iy ∈ U, r(x, y) = ln(√x2 + y2), s(x, y) = arctan

yx

.

21

Page 23: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

On a alors l’expression de ωQ :

∀x, y tels que z = x+ iy ∈ U, ωQ(x, y) = −ln

√x2 + y2

2d

!

ln2

√x2 + y2

2d

!+ arctan2

yx

.

Il reste à vérifier que ωQ satisfait aux conditions prescrites en 1.3.10.

1. On a, en passant en coordonnées polaires x = r cos θ, y = r sin θ,

|ωQ(r cos θ, r sin θ)| =

ln r

2d

ln2

r2d

+ arctan2

sin θ

cos θ

ln r

2d

ln2

r2d

+π2

4

−−→ρ→00

donc on peut prolonger ωQ de manière continue en (0,0) (donc en Q, puisque c’estl’origine du repère) en posant ωQ(0, 0) = 0.

2. Soit (x, y) ∈ O \ Q. On a 0 <√x2 + y2 ≤ d par définition de D, et ainsi

0 <√x2 + y2 < 2d. D’où :

(x, y) ∈ O \ Q ⇒ 0 <√x2 + y2 < 2d⇒ − ln

√x2 + y2

2d

!> 0 ⇒ ωQ(x, y) > 0.

3. Il reste à montrer que ωQ est superharmonique. Pour cela, il suffit de voir que ωQ estharmonique sur O. C’est un calcul très long, qui peut être un peu écourté en remarquantque les deux fonctions p et q sont harmoniques également, et qu’elles vérifient les relations

∂p

∂x

2

+

∂p

∂y

2

=

∂q

∂x

2

+

∂q

∂y

2

=1

x2 + y2,

∂p

∂x

∂q

∂x+∂p

∂y

∂q

∂y= 0.

ωQ est donc une barrière, d’où la proposition.

Cependant, cette démonstration n’est valable que dans le cas où O est simplementconnexe. Par exemple, si O est la région délimitée par deux cercles concentriques derayon différent, et que Q est un point du cercle intérieur, alors le logarithme n’est plusune application (au sens où le logarithme peut prendre deux valeurs différentes au mêmepoint). On remplace donc la condition du théorème 1.3.10 par la condition plus généralesuivante :

Théorème 1.3.13. (“Barrière 2”)Soit Q ∈ Fr(O), alors u(Q) = f(Q) si on a la condition suivante :pour tout voisinage VQ de Q, il existe une fonction ΩQ , appelée barrière, superharmo-nique sur UQ = O ∩ VQ , ayant les propriétés suivantes :

1. ΩQ est continue sur UQ ;2. ΩQ(Q) = 0 ;3. ∀P ∈ UQ , P 6= Q⇒ ΩQ(P ) > 0.

Ces trois propriétés en impliquent une quatrième :4. ∃k > 0, ∀P ∈ Fr(UQ) ∩O, ΩQ(P ) ≥ k.

22

Page 24: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Démonstration. On va montrer que si le point Q satisfait la condition du théorème1.3.13, il satisfait également la condition du théorème 1.3.10. Soit VQ un voisinage deQ, et avec les notations de l’énoncé, une fonction ΩQ possédant toutes les propriétésprescrites. Notons ωQ la fonction définie par :

∀P ∈ O, ωQ(P ) =

8>><>>:min

2

kΩQ(P ), 1

si P ∈ UQ

1 si P /∈ UQ.

On va montrer que cette fonction possède toutes les propriétés demandées en 1.3.10.1. La fonction ωQ est continue sur O (car ΩQ l’est, et par la propriété 4. de l’énoncé) ;2. ωQ(Q) = 0 (car ΩQ(Q) = 0) ;3. ωQ > 0 sur O \ Q ;4. il reste à montrer que ωQ est superharmonique sur O, donc que pour tout disque

ouvert D ⊂ O, (ωQ)D ≤ ωQ.Au préalable, on note O1 l’ensemble des points où ωQ prend la valeur 1. Avec cettenotation, ωQ est égale à 1 sur O1 , et à 2

kΩQ sur O \O1.

Soit D ⊂ O un disque ouvert.1. Si D ⊂ O1 , le point 4. est clair, car une application harmonique sur un ouvert

atteint son maximum sur la frontière de cet ouvert. Donc pour tout point M deD ⊂ O1 , on a (ωQ)D(M) ≤ 1 = ωQ(M).

2. Si D ⊂ O \ O1 , puisque la fonction ΩQ est superharmonique sur UQ , la fonc-tion min

¦2kΩQ , 1

©est aussi superharmonique sur UQ (voir la démonstration de

la proposition 1.3.5), et par hypothèse D ⊂ O \ O1 ⊂ UQ. Le point 4. se déduitclairement de cette dernière remarque.

3. Sinon, D contient à la fois des points de O1 et de O \O1.Sur D∩O1 , la fonction ωQ est égale à 1, et la fonction (ωQ)D , qui est harmoniquesur D, atteint son maximum sur Fr(O), qui est inférieur ou égal à 1. Donc le point4. est vrai sur D ∩O1.U = D ∩ (O \O1) est un ouvert, car O1 est un fermé en tant qu’image réciproquedu fermé 1 par l’application continue ωQ. Sur cet ouvert, la fonction ωQ est su-perharmonique et la fonction (ωQ)D est harmonique, donc la différence ωQ−(ωQ)Dest superharmonique sur U . Par la proposition 1.3.3, on a l’inégalité suivante :

∀P ∈ U, (ωQ − (ωQ)D)(P ) ≥ infFr(U)

(ωQ − (ωQ)D).

Or on a Fr(U) ⊂ Fr(D) ∩ Fr(O \O1) ⊂ Fr(D), donc

∀P ∈ U, (ωQ − (ωQ)D)(P ) ≥ infFr(D)

(ωQ − (ωQ)D) = 0

par définition de (ωQ)D. Donc l’inégalité est vraie sur U .

23

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Avant de conclure, donnons une définition :

Définition 1.3.14. On dit qu’un chemin fermé Γ entoure un point Q ∈ R2 si le pointQ appartient à la composante connexe bornée de R2 \ Γ.

Fig. 1.1 – Exemple

Dans le cas n = 2, on a le résultat suivant :

Proposition 1.3.15. Soit O un ouvert connexe borné et Q ∈ Fr(O). Avec les notationsprécédentes, s’il existe un voisinage UQ de Q tel qu’il n’existe aucun chemin ferméΓ ⊂ UQ ∩O entourant Q, alors Q vérifie la condition du théorème 1.3.13.

Démonstration. On déplace l’origine au point Q et on prend un voisinage WQ ⊂ UQ(toujours pour la topologie induite sur O) tel que la distance de tout point M ∈ WQ àQ soit inférieure à un réel c, où c < 1. On choisit alors une détermination du logarithmesur UQ , qu’on note log. On désigne par p et q les parties réelle et imaginaire de log, eton définit

ΩQ = − p

p2 + q2.

Alors ΩQ possède toutes les propriétés demandées en 1.3.13 (ceci se prouve comme en1.3.11).

Ayant montré cette proposition, on constate qu’on a maintenant l’existence de la so-lution au problème de Dirichlet pour une classe plus large d’ouverts connexes bornés(notamment pour notre contre-exemple précédent, avec deux cercles concentriques).Néanmoins, il est intéressant de voir qu’il n’y a pas existence de la solution au problèmede Dirichlet pour tout ouvert connexe borné. A cet effet, considérons l’exemple suivant :

Proposition 1.3.16. Soit U un disque ouvert D privé de son centre. Il n’existe aucunefonction u continue sur U et harmonique sur U qui soit nulle sur Fr(U) et qui prennela valeur 1 au centre du disque D.

Démonstration. On raisonne par l’absurde. Supposons qu’il existe une telle fonction u.Alors par le théorème de la singularité apparente, u se prolonge en une application uqui est harmonique sur D. Puisque u est harmonique sur D et nulle sur Fr(D), parle théorème du minimum et du maximum, u est identiquement nulle sur D. Et parhypothèse u vaut 1 au centre du disque, ce qui est absurde.

On a donc montré qu’il existait des problèmes de Dirichlet n’ayant pas de solution surun ouvert connexe borné.

24

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Chapitre 2

Distribution des valeurs propres dulaplacien

Dans cette partie, nous allons nous intéresser à l’équation

∆u+ λu = 0

sur un ouvert connexe borné O ayant une frontière de classe C1 (on dira, pour abréger,que O est un ouvert C1) pour certains types de conditions aux limites. On montrera enparticulier que cette équation n’admet de solution non triviale que pour un ensembledénombrable de valeurs de λ ; en notant (λn) la suite de ces valeurs ordonnées dansl’ordre croissant, on calculera un équivalent de λn.Pour des informations supplémentaires, se référer à [2] et [3].

2.1 MotivationOn étudie dans ce paragraphe des fonctions dépendant des deux coordonnées spatialesx, y et du temps t. Dans ce contexte, le laplacien d’une fonction u est toujours

∆u = uxx + uyy.

Considérons l’équation

∆u = utt (E)

à résoudre sur un ouvert connexe borné O, avec, par exemple, la condition aux limitesu = 0 sur Fr(O). On cherche une solution sous la forme u(x, y, t) = v(x, y)g(t). Onobtient immédiatement, en remplaçant dans (E), l’équation :

g∆v = g′′v ⇔ ∆v

v|zindépendant de t

=g′′

g|zindépendant de x,y

= −λ ∈ R

d’où on déduit l’équation

∆v + λv = 0. (Eλ)

25

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Il s’agit donc de déterminer le paramètre λ de sorte qu’il existe une fonction v de classeC2 sur O qui ne soit pas identiquement nulle, qui vérifie l’équation (Eλ) et qui soitnulle sur Fr(O) : si λ0 est une telle valeur, et si u0 est une solution de l’équation (Eλ0),alors on dit que λ0 est une valeur propre et u0 est une fonction propre pour l’équation(Eλ). C’est pourquoi ce problème est appelé problème aux valeurs propres. Dans notreétude, nous nous placerons, pour simplifier, dans le cas d’un rectangle [0, a]× [0, b] pourl’étude asymptotique (après quoi on généralisera, dans le cas à deux variables), le casd’un rectangle quelconque s’en déduisant par translation.Rappelons d’abord quelques éléments d’analyse dont nous nous servirons pour résoudrece problème.

2.2 Eléments théoriques

2.2.1 Formule de Gauss-Ostrogradski, formule de Green

On rappelle ici la formule de Gauss-Ostrogradski :

Théorème 2.2.1. (Formule de Gauss-Ostrogradski)Soit ~f : R2 → R2 un champ de vecteurs de classe C1 sur un ouvert U . Si la frontière Γde U est une courbe continue de classe C1 par morceaux, on a :ZZ

Udiv(~f) dx dy =

~f · ~n ds.

La démonstration de ce théorème est longue : elle est donnée en annexe.On va déduire de ce résultat une autre formule : la formule de Green.Soit un domaine G ayant une frontière Γ représentable par une fonction continue et declasse C1 par morceaux. Soit v une fonction continue de classe C1 par morceaux sur G,et u une fonction de classe C1 et de classe C2 par morceaux sur G. On a :ZZ

Gp(uxvx + uyvy) + quv + v[(pux)x + (puy)y − qu] dx dy =

ZZG(pvux)x + (pvuy)y dx dy.

Et donc, par la formule de Gauss-Ostrogradski, en notant Q[u, v] = p(uxvx+uyvy)+quvet L[u] = (pux)x + (puy)y − qu :ZZ

GQ[u, v] + vL[u] dx dy =

ZΓpv[uxn1 + uyn2]ds

si ~n a pour composantes (n1, n2). Et, pour tout vecteur ~m = (m1,m2), on a

∂u

∂m= uxm1 + uym2,

d’où la formule de Green :ZZGQ[u, v] dx dy =

ZZG−vL[u] dx dy +

ZΓpv∂u

∂nds.

Dans le cas p = 1, q = 0, ceci donne :ZZG(uxvx + uyvy) dx dy = −

ZZGv∆u dx dy +

ZΓv∂u

∂nds.

26

Page 28: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.2.2 Rappels sur les séries de Fourier

On rappelle ici quelques résultats sur les séries de Fourier :

Théorème 2.2.2. (Théorème de Dirichlet)Soit T > 0 et f une application continue par morceaux T -périodique. Si f est de classeC1 par morceaux, alors f est somme de sa série de Fourier en tout point.

Corollaire 2.2.3. Soit a > 0 et f : [0, a] → R une application de classe C1 par mor-ceaux. Si f vérifie une des deux conditions

∀n ∈ N∗Z a

0f(t) sin

nπt

a

dt = 0

ou∀n ∈ N

Z a

0f(t) cos

nπt

a

dt = 0

alors f est identiquement nulle sur [0, a].

Idée de la démonstration. Si f vérifie la première condition, on construit l’unique appli-cation g qui soit 2a-périodique, impaire, et qui coïncide avec f sur [0, a]. Alors g vérifieles hypothèses du théorème de Dirichlet, donc est somme de sa série de Fourier, qui estnulle, car tous ses coefficients sont nuls, puisque f vérifie la première condition.Si f vérifie la deuxième condition, on construit l’unique application h qui soit2a-périodique, paire, et qui coïncide avec f sur [0, a], et on fait le même raisonne-ment.

2.3 Premiers résultatsDans les sections 2.3 et 2.4, O désignera un ouvert connexe borné C1 de frontière Γ.Considérons le problème aux valeurs propres de l’équation

∆v + λv = 0 (2.1)

sur O, avec la condition aux limites u = 0 ou la condition ∂u∂n

+ σu = 0 où σ est unefonction continue sur Γ, toujours positive sauf mention contraire.Dans toute la suite, on notera

D[ϕ] = D[ϕ] +ZΓσϕ2 ds,

où D[ϕ] =ZZ

O(ϕ2

x + ϕ2y) dx dy,

et H[ϕ] =ZZ

Oϕ2 dx dy.

Ces trois expressions sont des fonctionnelles quadratiques, de fonctionnelles polairesassociées

D[ϕ, ψ] = D[ϕ, ψ] +ZΓσϕψ ds,

avec D[ϕ, ψ] =ZZ

O(ϕxψx + ϕyψy) dx dy,

et H[ϕ, ψ] =ZZ

Oϕψ dx dy.

27

Page 29: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Si on a H[ϕ, ψ] = 0, on dira que ϕ et ψ sont orthogonales.Les fonctions ϕ et ψ sont supposées continues sur O et de classe C1 par morceaux surO au sens suivant :

Définition 2.3.1. Une fonction f est dite continue par morceaux sur un ouvert O si Opeut être partitionné en un nombre fini d’ouverts O1 , . . . , Ok tels que les Oi aient desfrontières continues de classe C1 par morceaux, et si f est continue sur tout fermé inclusdans un des Oi .

Nous allons trouver les valeurs propres en considérant le problème comme un problèmede minimisation. Si la condition aux limites est u = 0, on impose que ϕ et ψ soientcontinues sur O et soient nulles sur Γ.Les conditions pré-citées sont appelées conditions d’admissibilité. On a le théorèmesuivant :

Théorème 2.3.2. La fonction admissible ϕ qui minimise D[ϕ] sous la conditionH[ϕ] = 1 est une fonction propre u1 de l’équation (2.1) et satisfait la condition auxlimites ∂u

∂n+ σu = 0. La valeur propre correspondante est λ1 = D[u1].

Si la condition H[ϕ, u1] = 0 est rajoutée à la condition H[ϕ] = 1, la solution du problèmeest également une fonction propre u2 de l’équation (2.1) qui satisfait la même conditionaux limites. La valeur propre associée est λ2 = D[u2].

Les problèmes de minimisation successifs D[ϕ] = inf D[ψ] sous les conditions H[ϕ] = 1et H[ϕ, ui] = 0, i = 1, . . . , k−1 définissent les fonctions propres uk de l’équation (2.1) quisatisfont à la condition ∂u

∂n+ σu = 0. Les valeurs propres associées sont les λk = D[uk].

Remarques :1. Si la condition aux limites est u = 0, il ne faut pas oublier de rajouter dans lesconditions des problèmes de minimisation la condition ϕ = 0 sur Γ.2. On omet généralement la condition de normalisation H[ϕ] = 1, et on cherche àminimiser le quotient D[ϕ]/H[ϕ]. La fonction propre obtenue est alors, à un facteurconstant près, la fonction recherchée dans le théorème.

Démonstration du théorème. Le fait que notre problème de minimisation possède dessolutions est un résultat d’analyse fonctionnelle, que nous admettons ici.Il nous faut montrer que les solutions de ce problème sont des fonctions propres de notreéquation, et que les valeurs propres obtenues sont toutes les valeurs propres. Ce dernierpoint sera montré plus tard, une fois que nous aurons établi d’autres résultats.Commençons donc par la solution du premier problème : cette fonction u1 minimiseD[ϕ] sous l’hypothèse H[ϕ] = 1. Notons λ1 = D[u1]. Si ψ est une fonction admissiblepour le problème et si α est une constante réelle, on a par définition de u1 et λ1 :

D[u1 + αψ]

H[u1 + αψ]≥ λ1 ⇔ D[u1 + αψ] ≥ λ1H[u1 + αψ]

⇔ 2α(D[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ]) + α2(D[ψ]− λ1H[ψ]) ≥ 0

⇔ 2αD[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ] +

α

2(D[ψ]− λ1H[ψ])

≥ 0.

28

Page 30: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

On s’est servi ici du fait queD[u1]

H[u1]= λ1.

On obtient :

∀α > 0, D[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ] + α2(D[ψ]− λ1H[ψ]) ≥ 0

et ∀α < 0, D[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ] + α2(D[ψ]− λ1H[ψ]) ≤ 0

donc, en faisant tendre α vers 0, on a

D[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ] ≥ 0 et D[u1, ψ]− λ1H[u1, ψ] ≤ 0.

Finalement, on a D[u1, ψ] = λ1H[u1, ψ] ∀ψ.

On utilise la formule de Green pour transformer l’expression de D[u1, ψ] :

D[u1, ψ] =ZZ

O((u1)xψx + (u1)yψy) dx dy +

ZΓσu1ψ ds

=ZZ

O−ψ∆u1 dx dy +

ZΓψ∂u1

∂nds+

ZΓσu1ψ ds

et, puisque D[u1, ψ] = λ1H[u1, ψ] = λ1

ZZOu1ψ dx dy, on a

∀ψ,ZZ

λ1u1 + ∆u1

dx dy −

ZΓψ

∂u1

∂n+ σu1

ds = 0. (2.2)

On en déduit facilement, en prenant alternativement des fonctions ψ continues à supportcompact nulles soit sur O soit sur Fr(O), qu’on a8>>><>>>:

∆u1 + λ1u1 = 0 sur O

∂u1

∂n+ σu1 = 0 sur Fr(O).

Considérons à présent la solution du deuxième problème de minimisation : cette fonctionu2 minimise D[ϕ] sous les hypothèses H[ϕ] = 1 et H[ϕ, u1] = 0. Notons λ2 = D[u2]. Sion refait la démonstration précédente, on obtient l’équation suivante

D[u2, ψ] = λ2H[u2, ψ]. (2.3)

mais seulement sous la condition H[ψ, u1] = 0 (en effet la somme u2 + αψ est aussiorthogonale à u1 sous cette hypothèse). Il nous faut donc adapter la démonstration :si g est une fonction continue de classe C2 par morceaux sur O, alors la fonctionω = g −H[u1, g]u1 est orthogonale à u1.De plus, puisqu’on a D[u1, ψ] = λ1H[u1, ψ] ∀ψ, en substituant u2 à ψ et en tenantcompte de l’orthogonalité de u1 et u2, on a D[u1, u2] = 0.En substituant finalement ω, qui est orthogonale à u1, à ψ dans l’équation (2.3), on a :

∀ g D[u2, g]− λ2H[u2, g] +H[u1, g]

D[u1, u2]− λ2H[u1, u2]

= 0,

et donc∀ g D[u2, g] = λ2H[u2, g]. (2.4)

29

Page 31: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

On termine la démonstration comme avant, ce qui donne :8>>><>>>:∆u2 + λ2u2 = 0 sur O

∂u2

∂n+ σu2 = 0 sur Fr(O).

On montre par récurrence que les fonctions ui vérifient le système8>>><>>>:∆ui + λiui = 0 sur O

∂ui∂n

+ σui = 0 sur Fr(O).

(on adapte la démonstration précédente en retranchant à une fonction quelconque g saprojection sur le sous-espace Vect(u1 , . . . , ui−1), et la nouvelle fonction obtenue vérifieles conditions d’orthogonalité voulues...).On a de plus les relations D[ui, uk] = λi δik , H[ui, uk] = δik , et les inégalités successivesλi−1 ≤ λi, puisqu’à chaque étape la classe de fonctions admissibles dans le problème deminimisation est un sous-ensemble de la précédente.

Ce théorème comporte pourtant un défaut : pour définir la n-ième valeur propre, ondoit faire référence aux précédentes. On va donc y apporter une amélioration : dans undes problèmes de minimisation, on conserve la condition H[ϕ] = 1 et on remplace lesconditions d’orthogonalité par les conditions

H[ϕ, vi] = 0 i = 1, . . . , n− 1

où v1 , . . . , vn−1 sont n− 1 fonctions continues par morceaux sur O. Sous ces conditions,les fonctionnelles D[ϕ] admettent une borne inférieure, qui dépend des vk, et qui seranotée d(v1 , . . . , vn−1).

Théorème 2.3.3. Soit CM(O) l’ensemble des fonctions continues par morceaux sur O.La n-ième valeur propre λn pour la condition aux limites ∂u

∂n+ σu = 0 est telle que :

λn = supCM(O)

d(v1 , . . . , vn−1)

et cette borne supérieure est atteinte pour vi = ui , i = 1, . . . , n− 1.Si la condition aux limites est u = 0, cette condition est rajoutée aux conditions d’ad-missibilité des fonctions ϕ.

Démonstration. On sait déjà que λn = d(u1 , . . . , un−1) par le théorème précédent. Soientmaintenant v1 , . . . , vn−1 ∈ CM(O), montrons que d(v1 , . . . , vn−1) ≤ λn.Pour cela, il suffit de trouver une fonction ϕ, orthogonale aux vi, telle que D[ϕ] ≤ λn.

Analyse : Soient (c1 , . . . , cn) n constantes réelles. Considérons la fonction ϕ =Pni=1 ci ui.

Le système de conditions H[ϕ, ui] = 0, i = 1, . . . , n − 1 est un système linéaire homo-gène de n − 1 équations à n inconnues, donc il existe un n-uplet (c1 , . . . , cn) satis-faisant à ces conditions, et il est défini à un facteur multiplicatif près. La conditionH[ϕ] =

Pni=1

Pnj=1 cicjH[ui, uj] =

Pni=1 c

2i = 1 est une condition de normalisation qui

détermine le facteur de proportionnalité. Il existe donc un n-uplet satisfaisant à cesconditions.

30

Page 32: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Synthèse : Soit un tel n-uplet. Se rappelant que D[ui, ui] = λiδij ,

D[ϕ] =nXi=1

nXj=1

cicjD[ui, uj] =nXi=1

c2iλi ≤

nXi=1

c2i

!λn = λn

car λi ≤ λn , i = 1, . . . , n. Finalement D[ϕ] ≤ λn , donc d(v1 , . . . , vn−1) ≤ λn.

On dit que λn est un maximum-minimum de la fonctionnelle D[ϕ].Le théorème que nous venons de montrer est très important, car il permet de traiter dela n-ième valeur propre sans faire référence aux précédentes, idée que nous exploiteronsplusieurs fois dans la résolution de notre problème.

2.4 Propriétés des valeurs propresRemarquons d’abord que, si O s’écrit comme réunion disjointe

Sni=1Oi où les Oi sont

des ouverts, alors l’ensemble des valeurs propres et des fonctions propres de O est laréunion des ensembles des valeurs propres et des fonctions propres de tous les Oi, ausens où chaque fonction propre est identiquement nulle sur tous les Oi sauf un.En effet, il suffit de voir que, pour tout i, si f est une fonction propre d’un des Oi pourla valeur propre µ, alors la fonction g, qui vaut f sur Oi et 0 ailleurs, est une fonctionpropre de O, pour la valeur propre µ, de même que toute combinaison linéaire de tellesfonctions propres pour la même valeur propre.Réciproquement, si h est une fonction propre de O pour la valeur propre λ, alors il existeun entier j tel que h ne soit pas identiquement nulle sur un des Oj. Alors la restrictionh |Oj

est une fonction propre de Oj. On écrit donc que

h =nXj=1

h |Oj

et les termes dans la somme sont soit nuls, soit des fonctions propres des Oj pour lamême valeur propre λ, ce qui prouve notre affirmation. Celle-ci sera importante plustard dans notre propos.

La propriété du maximum-minimum des valeurs propres est très importante en phy-sique. En effet, toute contrainte supplémentaire sur un système vibrant peut être ex-primée mathématiquement, et se traduit ainsi comme un renforcement des conditionsd’admissibilité des fonction ϕ : la valeur du minimum-maximum, et donc des fréquencespropres, augmente. Inversement, si on retire une contrainte, on enlève une conditiond’admissibilité, ce qui diminue la valeur des fréquences possibles. D’où la propositionsuivante :

Proposition 2.4.1. Si un système vibrant est soumis à des contraintes supplémentaires,la fréquence du mode fondamental et des harmoniques augmente. Inversement, si descontraintes sont retirées, la fréquence du mode fondamental et des harmoniques diminue.

Ce principe conduit à des résultats très importants sur la distribution des valeurspropres : nous allons en énoncer (et démontrer) quelques-uns ici.

31

Page 33: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Théorème 2.4.2. Supposons que O1 , . . . , Ok soient k ouverts connexes bornés C1 deuxà deux disjoints et inclus dans O. Soit κ ∈ R, notons Ai(κ) (respectivement A(κ)) lenombre de valeurs propres inférieures à κ de l’équation ∆u+ λu = 0, avec la conditionaux limites u = 0 sur Fr(Oi) (respectivement Fr(O)). Alors on a l’inégalité

kXi=1

Ai(κ) ≤ A(κ).

On peut formuler ce théorème de façon équivalente : pour la condition aux limites u = 0,la n-ième valeur propre λn pour O est inférieure ou égale à λ∗n , où λ∗n est le n-ièmeélément de la suite des valeurs propres des Oi ordonnées par ordre croissant et avecmultiplicité.

Démonstration. Dans le problème du maximum-minimum qui définit λn , on impose quechaque fonction admissible ϕ soit nulle sur les Fr(Oi) et sur O \

Ski=1Oi

. Ceci corres-

pond à une contrainte supplémentaire, donc la valeur du maximum-minimum augmente.Et le nouveau problème obtenu définit précisément λ∗n , donc on a λn ≤ λ∗n , ce qu’onvoulait montrer.

On tire de ce théorème un corollaire important :

Corollaire 2.4.3. Pour la condition aux limites u = 0, la n-ième valeur propre de Oest toujours inférieure à la n-ième valeur propre de toute partie ouverte de O.

Le théorème admet une contrepartie pour la condition aux limites ∂u∂n

= 0 :

Théorème 2.4.4. Supposons que O =Ski=1Oi , où les O1 , . . . , Ok sont des ouverts

connexes bornés C1 qui sont disjoints. Soit κ ∈ R, notons Bi(κ) (respectivement B(κ))le nombre de valeurs propres inférieures à κ de l’équation ∆u+λu = 0, avec la conditionaux limites ∂u

∂n= 0 sur Fr(Oi) (respectivement Fr(O)). Alors on a l’inégalité

B(κ) ≤kXi=1

Bi(κ).

On peut formuler ce théorème de façon équivalente : pour la condition aux limites ∂u∂n

= 0,la n-ième valeur propre µn pour O est supérieure ou égale à µ∗n , où µ∗n est le n-ièmeélément de la suite des valeurs propres des Oi ordonnées par ordre croissant et avecmultiplicité.

Démonstration. Dans le problème du maximum-minimum définissant µn , on autorise lesfonctions ϕ à être discontinues aux interfaces Fr(Oi), ce qui correspond à un allègementdes conditions, donc la valeur du maximum-minimum diminue. Et le nouveau problèmeobtenu définit précisément µ∗n (le fait d’autoriser les fonctions à être discontinues permetd’avoir des fonctions identiquement nulles sur tous les Oi sauf un, et ainsi d’obtenir lesfonctions propres des Oi pour ce type de problème). Donc µ∗n ≤ µn , ce que nous voulionsmontrer.

On va maintenant classer les conditions aux limites, suivant qu’elles soient plus ou moinsrestrictives. On a le théorème suivant :

32

Page 34: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Théorème 2.4.5. Soit λn la n-ième valeur propre de l’équation ∆u + λu = 0 pour Oavec la condition aux limites u = 0, et soit µn la n-ième valeur propre pour la conditionaux limites ∂u

∂n+σu = 0 sur une partie Γ1 ⊂ Γ de la frontière, et u = 0 sur Γ \Γ1. Alors

µn ≤ λn.

Démonstration. Dans le problème définissant µn , on a la condition d’admissibilité ϕ = 0sur Γ1 , et pour λn , on a la condition d’admissibilité ϕ = 0 sur Γ. Cette dernière estplus restrictive que la première car Γ1 ⊂ Γ. Donc µn ≤ λn.

Si les valeurs propres peuvent être classées en fonction des conditions aux limites, ellespeuvent aussi l’être suivant les valeurs de σ :

Théorème 2.4.6. Si, dans la condition aux limites ∂u∂n

+σu = 0, on remplace la fonctionσ par une fonction σ1 ≥ σ (respectivement σ1 ≤ σ), alors la n-ième valeur propreaugmente (respectivement diminue).

Démonstration. On a D[ϕ] = D[ϕ] +ZΓσϕ2 ds. Donc, à ϕ fixée, si σ est rempla-

cée par σ1 ≥ σ (respectivement σ1 ≤ σ), alors D[ϕ] augmente (respectivement di-minue). Donc d(v1 , . . . , vn−1) augmente (respectivement diminue) aussi, pour toutesv1 , . . . , vn−1 ∈ CM(O), puis, en prenant le sup, sup

CM(O)

d(v1 , . . . , vn−1) augmente (res-

pectivement diminue). Autrement dit, les valeurs propres augmentent (respectivementdiminuent).

Ainsi, si on augmente σ progressivement de σ ≡ 0 jusqu’à σ ≡ ∞, chaque valeur propreµn augmente jusqu’à atteindre la valeur propre λn , car lorsque σ ≡ 0, on a la conditionaux limites ∂u

∂n= 0, et lorsque σ ≡ ∞, on a la condition aux limites u = 0.

Autrement dit, la condition aux limites ∂u∂n

= 0 est la moins restrictive, tandis que lacondition aux limites u = 0 est la plus restrictive.

Théorème 2.4.7. Pour toute condition aux limites, si (λn) est la suite des valeurspropres du problème, on a lim

n→+∞λn = +∞.

Démonstration. Ce résultat est une conséquence de l’étude asymptotique 2.5.

Ceci nous permet de montrer que l’ensemble des fonctions propres obtenues en résolvantles problèmes de minimisation successifs constitue l’ensemble de toutes les fonctionspropres. Auparavant, montrons un théorème plus général :

Théorème 2.4.8. Le système de fonctions propres associé aux minimisations succes-sives du quotient D[ϕ]/H[ϕ] est complet, au sens où, pour toute fonction f admissible auproblème, et tout ε > 0, il existe n ∈ N∗ et α1 , . . . , αn n réels tels que, si ωn =

Pni=1 αiui

(où u1 , . . . , un sont les n premières fonctions propres), on ait H[f−ωn] < ε. La meilleureapproximation est obtenue pour αi = H[f, ui], et on a H[f ] =

P+∞i=1 (H[f, ui])

2.

33

Page 35: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Démonstration. Soit f une fonction admissible pour le problème et n ∈ N∗. Notonsρn = f −Pn

i=1 ciui , où ci = H[f, ui]. On a, pour tout entier i, 1 ≤ i ≤ n :

H[ρn, ui] = H[f, ui]−nXk=1

ckH[uk, ui]

= H[f, ui]−nXk=1

ckδik (orthogonalité)

= H[f, ui]− ci

= H[f, ui]−H[f, ui] = 0

et

D[ρn, ui] = D[f, ui]−nXk=1

ckD[uk, ui]

= D[f, ui]−nXk=1

ckλkδik

= D[f, ui]− λici

= D[f, ui]− λiH[f, ui]

= 0 (car f est admissible, voir preuve du théorème 2.3.2).

Puisque ∀ i, 1 ≤ i ≤ n, H[ρn, ui] = 0, et que ρn est admissible, on a par minimalité deλn+1 :

D[ρn]

H[ρn]≥ λn+1 ⇔ D[ρn] ≥ λn+1H[ρn] (∗).

Par ailleurs,

D[f ] = D[ρn] + 2D

"nXi=1

ciui, ρn

#+ D

"nXi=1

ciui

#

= D[ρn] + D

"nXi=1

ciui

#(D[ui, ρn] = 0).

Or D[Pni=1 ciui] =

Pni=1 c

2iD[ui, ui] =

Pni=1 c

2iλi , donc, puisque lim

n→+∞λn = +∞, il existe

M ∈ R tel quePni=1 c

2iλi ≥M .

Ainsi,

D[ρn] = D[f ]−D[Pni=1 ciui] ≤ D[f ]−M .

La suite (D[ρn]) est donc majorée. En utilisant l’inégalité (∗), on a

λn+1H[ρn] ≤ D[f ]−M ∀n ∈ N∗.

Puisque limn→+∞

λn = +∞, on a par cette inégalité limn→+∞

H[ρn] = 0. Enfin, on a

H[ρn] = H

"f −

nXi=1

ciui

#= H[f ]− 2H

"f,

nXi=1

ciui

#+H

"nXi=1

ciui

#

= H[f ]− 2H

"ρn +

nXi=1

ciui,nXi=1

ciui

#+H

"nXi=1

ciui

#

= H[f ]−H

"nXi=1

ciui

#− 2

nXi=1

ciH[ρn, ui]

= H[f ]−nXi=1

c2i

34

Page 36: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

ce qui donne H[f ] =P+∞i=1 c

2i (en faisant tendre n vers +∞ dans l’égalité ci-dessus). De

plus, si α1 , . . . , αn sont n réels, on a, avec ωn =Pni=1 αiui :

H[f − ωn] = H[f ]− 2H

"f,

nXi=1

αiui

#+H

"nXi=1

αiui

#

= H[f ]− 2nXi=1

αiH[f, ui] +nXi=1

α2i

= H[f ] +nXi=1

αi −H[f, ui]

2 − nXi=1

(H[f, ui])2

≥ H[f ]−nXi=1

(H[f, ui])2,

avec égalité si et seulement si αi = H[f, ui] ∀ i. La meilleure approximation est doncobtenue pour αi = H[f, ui] ∀ i. D’où le théorème.

Corollaire 2.4.9. Toutes les valeurs propres de l’équation sont obtenues au cours de larésolution des problèmes de minimisation successifs du théorème 2.3.2, et le système defonctions propres obtenu lors de ce processus engendre l’ensemble des fonctions propres.

Démonstration. Remarquons d’abord que, si ui et uk sont deux fonctions propres asso-ciées respectivement à deux valeurs propres distinctes µi et µk , on a

(µi − µk)ZZ

Ouiuk dx dy =

ZZOµiuiuk −

ZZOµkukui dx dy

=ZZ

O(ui∆uk − uk∆ui) dx dy

=ZΓ

ui∂uk∂n

− uk∂ui∂n

ds

−ZZ

O

(ui)x(uk)x + (ui)y(uk)y

dx dy

+ZZ

O

(ui)x(uk)x + (ui)y(uk)y

dx dy

=ZΓ

ui∂uk∂n

− uk∂ui∂n

ds.

On a utilisé la formule de Green pour l’avant-dernière égalité. La dernière intégrale estclairement nulle si la condition aux limites est u = 0 ; si celle-ci est ∂u

∂n+ σu = 0, on a

ui∂uk∂n

− uk∂ui∂n

ds =

− σuiuk + σuiuk

ds = 0.

D’où, puisque (λi − λk) 6= 0, H[ui, uk] =ZZ

Ouiuk dx dy = 0.

Supposons alors qu’il existe une valeur propre µ qui ne soit pas obtenue lors du processusde minimisation : µ 6= λn ∀n ∈ N∗. Notons v la fonction propre associée ; par hypothèsev n’est pas identiquement nulle. On a, par le théorème précédent, et en se servant de laremarque ci-dessus :

H[v] =+∞Xi=1

(H[v, ui])2 =

+∞Xi=1

0 = 0.

35

Page 37: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Puisque H[v] =ZZ

Ov2 dx dy = 0 et que v est continue, on a v ≡ 0, d’où la contradiction

recherchée.

S’il existe une fonction propre w dont la valeur propre associée est un élément de la suitedes λn , disons λi , notons v1 , . . . , vk les fonctions propres associées à λi , obtenues aucours des minimisations successives, et notons g = w−Pk

j=1H[w, vj]vj. g est égalementune fonction propre associée à λi , donc elle est orthogonale à toutes les fonctions propresassociées à des valeurs propres différentes de λi. De plus,

∀ j , 1 ≤ j ≤ k , H[g, vj] = H[w, vj]−H[w, vj] = 0

donc g est orthogonale à toutes les fonctions propres (un). Comme précédemment,

H[g] =+∞Xi=1

(H[g, ui])2 =

+∞Xi=1

0 = 0.

Donc, g, qui est continue, est nulle : g ∈ Vect(v1 , . . . , vk). Ainsi, le système de fonctionspropres obtenu au cours des minimisations successives engendre l’ensemble des fonctionspropres.

Ce corollaire achève la démonstration du théorème 2.3.2.Avant de déterminer la distribution asymptotique des valeurs propres, il nous faut unthéorème sur le comportement des valeurs propres lorsqu’on "déforme" le domaine consi-déré, au sens suivant :

Définition 2.4.10. (Déformation d’un domaine G en un domaine G′)Soit G un domaine ouvert connexe borné. Considérons la transformation¨

X = x+ g(x, y)Y = y + h(x, y)

(2.5)

où g et h sont deux fonctions de classe C1 sur G qui sont, ainsi que leurs dérivées par-tielles premières, majorées en valeur absolue par un nombre ε > 0. Notons G′ le domaineimage de G par cette transformation. Alors on dit que G′ est une déformation de G àla précision ε.

On a le théorème suivant :

Théorème 2.4.11. Soit G un domaine ouvert connexe borné du plan, de frontière Γ,une courbe continue et de classe C1 par morceaux. Pour tout 0 < ε ≤ 1/4 et toutecondition aux limites considérée, si G′ est une déformation de G à la précision ε, alorsil existe η(ε) > 0 tel que pour tout n et pour toute condition aux limites considérée, siµn (respectivement µ′n) désigne la n-ième valeur propre de l’équation ∆u+ λu = 0 pourle domaine G (respectivement pour le domaine G′), alorsµ′nµn − 1

< η(ε).

De plus limε→0+

η(ε) = 0.

36

Page 38: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Démonstration. Soit G′ une déformation du domaine G à la précision ε ; on reprendles notations de la définition. Soit ϕ une fonction admissible pour le problème. On vamontrer qu’on peut exprimer x et y en fonction de X et Y . Pour cela, considérons lafonction f : R4 → R2 définie par

f(x, y,X, Y ) =

x+ g(x, y)−Xy + h(x, y)− Y

.

f est de classe C1 car g et h sont de classe C1 sur G. La différentielle de f au point(x, y,X, Y ) a pour matrice

1 + gx(x, y) gy(x, y) −1 0hx(x, y) 1 + hy(x, y) 0 −1

.

La matrice extraite 1 + gx(x, y) gy(x, y)hx(x, y) 1 + hy(x, y)

a pour déterminant (1 + gx(x, y))(1 + hy(x, y)) − gy(x, y)hx(x, y). En considérant lesconditions imposées à g, h et leurs dérivées partielles, on a l’inégalité

∀x, y ∈ G (1 + gx(x, y))(1 + hy(x, y))− gy(x, y)hx(x, y) ≥ 1− 2ε− 2ε2 > 0

car ε ≤ 1/4. Donc on peut appliquer le théorème des fonctions implicites à f , pour endéduire que x et y peuvent s’écrire en fonction de X et Y .

On considère alors une fonction Φ telle que Φ(X,Y ) = ϕ(x, y). On a, par différentiationd’une fonction composée

∂ϕ

∂x(x, y) =

∂x(Φ(x+g(x, y), y+h(x, y))) =

∂Φ

∂X(X, Y )(1+

∂g

∂x(x, y))+

∂Φ

∂Y(X, Y )

∂h

∂x(x, y)

et de même∂ϕ

∂x(x, y) =

∂Φ

∂X(X, Y )

∂g

∂y(x, y) +

∂Φ

∂Y(X, Y )(1 +

∂h

∂y(x, y)).

Au moyen du changement de variables¨X = x+ g(x, y)Y = y + h(x, y)

de jacobien

J(x, y) =

1 + gx(x, y) hx(x, y)gy(x, y) 1 + hy(x, y)

−1

=1

(1 + gx(x, y))(1 + hy(x, y))− gy(x, y)hx(x, y),

et en considérant x, y comme des fonctions de X, Y , on a l’égalité

D[ϕ] =ZZ

G′

[ΦX(X, Y )(1 + gx(x, y)) + ΦY (X, Y )hx(x, y)]

2

+[ΦX(X,Y )gy(x, y) + ΦY (X, Y )(1 + hy(x, y))]2

J(x, y) dX dY.

On fixe un point A ∈ Γ, et on mesure l’abscisse curviligne de Γ à partir de A. Ondésigne par S l’abscisse curviligne d’un point de la frontière Γ′ de G′ mesurée à partirde l’image de A par la transformation (2.5), et on se donne une fonction Σ telle queσ(x(s), y(s)) = Σ(X(S), Y (S)).

37

Page 39: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Avec ces notations, on aZΓσ(x(s), y(s))ϕ2(x(s), y(s)) ds =

ZΓ′

Σ(X(S), Y (S))Φ2(X(S), Y (S))ds

dSdS.

On note maintenant

D′[Φ] =ZZ

G′(Φ2

X + Φ2Y ) dXdY , D′[Φ] = D′[Φ] +

ZΓ′

Σ Φ2 dS.

L’intégrande de D′[Φ] diffère de celle de D[ϕ] par le facteur J(x, y), qui tend vers 1uniformément en x et y lorsque ε→ 0, et par des termes en ΦX , ΦY , Φ2

X , Φ2Y multipliés

par des termes qui tendent vers 0 lorsque ε→ 0 (grâce aux conditions vérifiées par g, het leurs dérivées partielles). En utilisant l’inégalité

2ZZ

G′ΦXΦY dXdY

≤ ZZG′

(Φ2X + Φ2

Y ) dXdY

on obtient une relation de la forme

D[ϕ] = (1 + δ1(ε))D′[Φ]

où limε→0

δ1(ε) = 0. De plus, si Γ (respectivement Γ′) sont paramétrées par (x(t), y(t))

(respectivement (X(t), Y (t))) pour t ∈ [0, 1], on a les relations

ds

dt=Èx′(t)2 + y′(t)2 et

dS

dt=ÈX ′(t)2 + Y ′(t)2

donc par dérivation d’une fonction composée,

ds

dS=ds

dt

dt

dS

est du type 1 + fε(S) où fε(S) tend uniformément vers 0 quand ε → 0 (grâce auxconditions imposées aux dérivées partielles de g et h).D’où Z

Γ′Σ Φ2 ds

dSdS =

ZΓ′

Σ Φ2 dS +ZΓ′

Σ Φ2fε dS = (1 + δ2(ε))ZΓ′

Σ Φ2 dS

où limε→0

δ2(ε) = 0. Ceci donne la relation

D[ϕ] = (1 + δ3(ε))D′[Φ].

où limε→0

δ3(ε) = 0.Il nous reste à transformer les conditions de normalisation et d’orthogonalité de ϕ dansle problème du maximum-minimum. On a les expressionsZZ

Gϕ2 dx dy =

ZZG′

Φ2J(x, y) dX dY = 1

etZZ

Gϕvi dx dy =

ZZG′

ΦViJ(x, y) dX dY = 0, i = 1, . . . , n− 1

si v1 , . . . , vn−1 sont n − 1 fonctions continues par morceaux sur G et V1 , . . . , Vn−1 sontn− 1 fonctions continues par morceaux sur G′ telles que Vi(X, Y ) = vi(x, y).On note à présent

ψ(X, Y ) =Φ(X,Y )ÈRR

G ϕ2(x, y)J−1(X, Y ) dx dy

et Wi(X, Y ) = Vi(X,Y )J(x, y),

38

Page 40: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

et on a ZZG′ψ2 dX dY =

RRG Φ2J(x, y) dX dYRRG Φ2J(x, y) dX dY

= 1

etZZ

G′ΦViJ(x, y) dX dY =

ZZG′ψWi dX dY = 0, i = 1, . . . , n− 1.

En remarquant que

D′[Φ] =ZZ

Gϕ2(x, y)J−1(X, Y ) dx dy

D′[ψ]

et que ZZGϕ2(x, y)J−1(X, Y ) dx dy

= 1 + δ4(ε) (où lim

ε→0δ4(ε) = 0),

on a l’égalitéD[ϕ] = (1 + δ(ε))D′[ψ] (2.6)

où limε→0

δ(ε) = 0. La fonction ψ satisfait les conditions d’admissibilité du problème dumaximum-minimum pour la n-ième valeur propre pour le domaine G′. Le domaine devariabilité des fonctions Wi est l’ensemble des fonctions continues par morceaux sur G′.Donc le maximum-minimum du membre de gauche de l’équation (2.6) ne diffère de celuidu membre de droite que par le terme δ(ε). Ainsi, il existe η(ε) > 0 tel queµ′nµn − 1

< η(ε).

et vérifiant limε→0

η(ε) = 0.

39

Page 41: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.5 Etude asymptotiqueLe but de cette section est de trouver un équivalent simple de la n-ième valeur proprede l’équation ∆u+ λu = 0, pour toute condition aux limites.

2.5.1 Un cas particulier : le rectangle

Soit un rectangle R = [0, a] × [0, b], avec a, b deux réels. On va résoudre l’équation∆u + λu = 0 avec, dans un premier temps, la condition aux limites ∂u

∂n= 0 sur Fr(R),

et ensuite avec la condition aux limites u = 0 sur Fr(R).

Premier cas : Montrons que les fonctions

um,n(x, y) = cosnπxa

cos

mπyb

m,n = 0, 1, 2, . . .

sont les fonctions propres de notre équation.Clairement

(um,n)xx = −π2n2

a2um,n et (um,n)yy = −π

2m2

b2um,n ,

donc :∆um,n + π2

n2

a2+m2

b2

um,n = 0.

On remarque ensuite que la dérivée normale de um,n est nulle sur la frontière, c’est àdire sur M = (x, y) ∈ R2, M ∈ R et (x = 0 ou x = a) ou (y = 0 ou y = b).En effet, sur les côtés verticaux du rectangle, la dérivée normale est égale (au signeprès) à la dérivée par rapport à x, ce qui fait apparaître un sinus qui est nul sur les côtésverticaux. Sur les côtés horizontaux du rectangle, la dérivée normale est égale (toujoursau signe près) à la dérivée par rapport à y, ce qui fait aussi apparaître un sinus, nul surles côtés horizontaux.Donc les um,n sont des fonctions propres de notre équation, pour les valeurs propres

λm,n = π2

n2

a2+m2

b2

, m, n = 0, 1, 2, . . .

Il reste à montrer que ce sont toutes les fonctions propres. Auparavant, montrons unlemme :

Lemme 2.5.1. Soit f une application de classe C1 sur le rectangle R = [0, a]× [0, b]. Sif vérifie une des deux conditions

∀m,n ∈ N∗ZZ

Rf(x, y) sin

nπxa

sin

mπyb

dx dy = 0

ou∀m,n ∈ N

ZZRf(x, y) cos

nπxa

cos

mπyb

dx dy = 0

alors f est nulle sur R.

40

Page 42: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Démonstration du lemme. La démonstration étant identique dans les deux cas, suppo-sons que f vérifie la première condition. On a alors

∀m,n ∈ N∗Z b

0

Z a

0f(x, y) sin

nπxa

dx

sinmπy

b

dy = 0,

soit, en notant fn(y) =Z a

0f(x, y) sin

nπxa

dx,

∀m,n ∈ N∗Z b

0fn(y) sin

mπyb

dy = 0.

Cette égalité implique que pour tout n, la fonction fn est nulle sur [0, b], soit

∀m,n ∈ N∗ ∀ y ∈ [0, b],Z a

0f(x, y) sin

nπxa

dx = 0

et ainsi, f(x, y) = 0 sur R.

Nous pouvons maintenant montrer que les um,n sont toutes les fonctions propres denotre problème. Soit f une fonction propre de l’équation avec les mêmes conditions auxlimites que précédemment, notons µ la valeur propre associée.

– Si µ est distincte de toutes les λm,n , on sait que f est orthogonale à toutes lesum,n. Par le lemme 2.5.1, f est nulle, d’où une contradiction.

– S’il existe un couple d’entiers (i, j) tel que µ = λi,j , notons w1 , . . . , wk les élémentsde la famille des um,n , de valeur propre associée λi,j. Dans l’esprit de la preuve ducorollaire 2.4.9, on définit

ω = f −kXl=1

H[f, wl]wl

H[wl, wl].

ω est orthogonale à toutes les um,n , donc est nulle, par le lemme 2.5.1. Ainsi,f ∈ Vect(w1, . . . , wk).

On a ainsi montré que les um,n sont les seules fonctions propres de l’équation considéréepour la condition aux limites ∂u

∂n= 0.

Deuxième cas : Montrons que les fonctions

vm,n(x, y) = sinnπxa

sin

mπyb

m,n = 1, 2, . . .

sont les fonctions propres de notre équation.On a immédiatement

(vm,n)xx = −π2n2

a2vm,n et (vm,n)yy = −π

2m2

b2vm,n ,

d’où :∆vm,n + π2

n2

a2+m2

b2

vm,n = 0.

On constate aussi que vm,n = 0 sur la frontière de R.

41

Page 43: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Donc les vm,n sont des fonctions propres de notre équation, pour les valeurs propres

λm,n = π2

n2

a2+m2

b2

, m, n = 1, 2, . . ..

La même idée que dans le premier cas montre que les vm,n sont les seules fonctionspropres de notre équation.Maintenant que nous avons trouvé toutes les valeurs propres dans ces deux cas, nousallons chercher une estimation de la n-ième valeur propre pour toute condition auxlimites. Pour cela, on va trouver ces estimations dans les deux cas précédents, et onappliquera ensuite les théorèmes 2.4.5 et 2.4.6.

2.5.2 Estimation des valeurs propres pour le rectangle

Soit λ ∈ R+. Notons A(λ) (respectivementB(λ)) le nombre de valeurs propres inférieuresà λ dans le problème avec condition aux limites u = 0 (respectivement ∂u

∂n= 0).

Avec ces notations, on a

A(λ) = card

¨m,n ∈ N∗,

n2

a2+m2

b2≤ λ

π2

«et

B(λ) = card

¨m,n ∈ N,

n2

a2+m2

b2≤ λ

π2

«.

On remarque que B(λ) est exactement le nombre de points à coordonnées entièrescontenus dans le secteur

D =

¨(x, y) ∈ R2, x ≥ 0, y ≥ 0,

x2

a2+y2

b2≤ λ

π2

«

c’est-à-dire, le secteur délimité par le quart d’ellipsex2

a2+y2

b2=

λ

π2situé dans le quadrant

supérieur droit.Dans la suite de ce calcul, on note E ce quart d’ellipse.

Fig. 2.1 – Les points et l’ellipse

On associe à chaque point M de N2 le carré d’aire 1 dont il est le sommet inférieurgauche, que nous appellerons carré entier associé à M :

42

Page 44: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Fig. 2.2 – Carré entier associé à (2, 1)

On constate alors que les carrés entiers associés aux points à coordonnées entières de Dforment un recouvrement de D. Notons S la réunion de ces carrés. L’aire de S est égaleau nombre de points à coordonnées entières de D, soit B(λ), multiplié par l’aire d’untel carré, soit 1. Ainsi l’aire de S est égale à B(λ), et puisque D ⊂ S, on a une inégalitésur les aires, soit, en notant AD l’aire de D :

AD ≤ B(λ).

On peut réécrire l’équation de l’ellipse commex2

(a√λ

π)2

+y2

( b√λπ

)2= 1 : le quart d’ellipse

a donc pour aire AD =π

4· a√λ

π· b√λ

π= λ

ab

4π.

Ainsi

λab

4π≤ B(λ).

Notons maintenant T l’ensemble des carrés entiers qui sont traversés par l’ellipse, c’est-à-dire qui ne soient pas entièrement contenus dans D, et R(λ) = card(T ).

Fig. 2.3 – Un élément de T

43

Page 45: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Alors S \ T est inclus dans D, ce qui donne une autre inégalité sur les aires :

B(λ)−R(λ) ≤ λab

puisque l’aire de S \T est égale à B(λ)−R(λ) multiplié par l’aire d’un carré entier, quiest 1. Finalement :

B(λ)−R(λ) ≤ λab

4π≤ B(λ). (2.7)

Il reste à trouver un ordre de grandeur de R(λ). Pour cela, remarquons que, pour λ assezgrand, la longueur de l’arc d’ellipse contenu dans deux carrés adjacents qu’elle traverseest supérieure à 1. On se place dans ce cas.

Fig. 2.4 – Méthode de majora-tion

Sur cet exemple, l’aire du carré vert sera inférieure soit à la longueur øAC, soit à lalongueur øBD.L’aire de T est R(λ), et l’idée précédente va permettre de majorer cette aire : écrivonsque R(λ) − 2 est l’aire totale de T ′, où T ′ est obtenu en retirant à T les deux carrésayant un côté commun soit avec l’axe (Ox), soit avec l’axe (Oy).

Fig. 2.5 – Représentation de T ′

Sur ce dessin, l’aire de T ′ est égale à la somme des aires de tous les carrés colorés. NotonsC1 , . . . , Ck ces carrés (numérotés dans le sens horaire, i.e. sur le dessin C1 est le carrémarron, C2 le carré rouge, ..., Ck le carré mauve), C0 le carré ayant un côté contenu

44

Page 46: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

dans l’axe (Oy) et Ck+1 celui ayant un côté contenu dans l’axe (Ox). Enfin, définissonsles points A0 , . . . , Ak+2 par

A0 = E ∩ (Oy),

Ak+2 = E ∩ (Ox),

Aj = E ∩ Cj−1 ∩ Cj , j = 1, . . . , k + 1.

Pour tout entier j compris entre 1 et k, on majore alors l’aire de Cj par la longueurÿAj−1Aj+1. D’où

R(λ)− 2 ≤kXj=1

ÿAj−1Aj+1.

Or

kXj=1

ÿAj−1Aj+1 =kXj=1

üAj−1Aj + üAjAj+1

=k−1Xj=0

üAjAj+1 +kXj=1

üAjAj+1

≤ 2k+1Xj=0

üAjAj+1.

Notons L =k+1Xj=0

üAjAj+1 la longueur du quart d’ellipse. En le paramétrant par

x(t) =a√λ

πcos(t), y(t) =

b√λ

πsin(t), pour t ∈

0,π

2

,

on a :

L =Z π

2

0

È(x′(t))2 + (y′(t))2 dt

=Z π

2

0

sa2λ

π2sin2(t) +

b2λ

π2cos2(t) dt

=√λZ π

2

0

sa2

π2sin2(t) +

b2

π2cos2(t) dt| z

indépendant de λ, noté I

= I√λ.

Finalement, on a

R(λ)− 2 ≤ 2I√λ.

Signalons au passage qu’on peut obtenir l’inégalité plus fine R(λ) − 1 ≤ 2I√λ (en

comptant d’une manière légèrement différente), dont nous n’avons pas besoin ici. Eneffet, notre inégalité montre que

R(λ)

λ≤ 2I√

λ+

2

λ−−−−→λ→+∞

0,

45

Page 47: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

donc, en se rappelant de la double inégalité (2.7), on a

B(λ)

λ− R(λ)

λ≤ ab

4π≤ B(λ)

λ,

ce qu’on peut réécrire comme

ab

4π≤ B(λ)

λ≤ ab

4π+R(λ)

λ,

et finalement

limλ→+∞

B(λ)

λ=ab

4π.

On a, plus précisément, une relation du type

B(λ) = λab

4π+ O(

√λ).

Une telle relation est aussi valable pour A(λ). En effet, A(λ) ne diffère de B(λ) quepar le nombre de points éléments de D à coordonnées entières et situés sur les axes, cequ’on peut également interpréter comme la somme des parties entières des longueursrespectives du demi-grand axe et du demi-petit axe de l’ellipse. On a donc

B(λ)− A(λ) ≤ a√λ

π+b√λ

π= α

√λ,

où α est indépendante de λ. Ainsi :

B(λ) = A(λ) +K√λ⇒ A(λ) = λ

ab

4π+ O(

√λ).

Pour obtenir un équivalent de la n-ième valeur propre λn (quand les valeurs propressont ordonnées par ordre croissant), par exemple dans le problème avec la condition auxlimites u = 0, on écrit A(λn) = n, ce qui donne

limn→+∞

λnn

=4π

ab.

Cette relation est aussi valable pour l’autre problème considéré.On peut maintenant étendre ce résultat à un autre type de domaine.

Définition 2.5.2. On dit qu’un ouvert connexe O ⊂ R2 est un ouvert-carré si O peuts’écrire comme la réunion d’un nombre fini de carrés de même aire.

Soient O un ouvert-carré, et λ ∈ R+. Notons A(λ) le nombre de valeurs propres infé-rieures à λ pour la condition aux limites u = 0 sur Fr(O) et B(λ) le nombre correspon-dant pour la condition aux limites ∂u

∂n= 0 sur Fr(O).

Puisque O est un ouvert-carré, notons C1 , . . . , Ck k carrés de côté a dont la réunionest égale à O, et AR1(λ), . . . , ARk

(λ), BR1(λ), . . . , BRk(λ) les nombres correspondants à

A(λ) et B(λ) pour les conditions aux limites u = 0 sur Fr(Rj) et ∂u∂n

= 0 sur Fr(Rj).Par ce qui précède, on a

∀ j = 1, . . . , k,

8>>>><>>>>:ARj

(λ) = λa2

4π+ O(

√λ)

BRj(λ) = λ

a2

4π+ O(

√λ).

46

Page 48: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Par les théorèmes 2.4.2, 2.4.4 et 2.4.5, on a les inégalités suivantes :

kXj=1

ARj(λ) ≤ A(λ) ≤ B(λ) ≤

kXj=1

BRj(λ).

Or on a

kXj=1

ARk(λ) = λ

ka2

4π+ O(

√λ)

et

kXj=1

BRk(λ) = λ

ka2

4π+ O(

√λ).

Et donc, on peut écrire

λka2

4π+ θ(λ)

√λ ≤ A(λ) ≤ B(λ) ≤ λ

ka2

4π+ η(λ)

√λ.

où θ et η sont des fonctions bornées.En remarquant finalement que ka2 est l’aire A de O, on a des relations du type

A(λ) = λA4π

+ O(√λ)

et

B(λ) = λA4π

+ O(√λ).

On peut estimer la n-ième valeur propre λn en écrivant A(λn) = n, et on obtient

limn→+∞

λnn

=4π

A.

Les théorèmes 2.4.5 et 2.4.6 montrent par double encadrement que ce type d’estimationest valable pour toute condition aux limites considérée. On a le théorème suivant :

Théorème 2.5.3. (Estimation des valeurs propres pour un domaine-carré)Soit O un ouvert-carré d’aire A. Pour la condition aux limites u = 0 ou ∂u

∂n+ σu = 0,

où σ est une fonction continue positive sur Fr(O), le nombre A(µ) de valeurs propresde l’équation ∆u + λu = 0 inférieures à une certaine borne positive µ est équivalent ൠA

4π. Plus précisément :

∃µ0 ∈ R+ , ∃C ∈ R+ , µ ≥ µ0 ⇒4πA(µ)

Aµ− 1

< Cõ.

Pourtant, le calcul d’une estimation pour une figure géométrique quelconque peut êtrebien plus complexe, comme on va le voir dans le cas du disque.

47

Page 49: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.5.3 Cas du disque

Pour simplifier, on considère que l’ouvert O est un disque ouvert de rayon 1.Dans ce paragraphe, on ne considère que la condition aux limites u = 0 sur Fr(O).L’équation ∆u+ λu = 0 devient, en coordonnées polaires (r, θ) :

urr +1

rur +

1

r2uθθ + λu = 0.

On cherche une solution sous la forme u(r, θ) = v(r)w(θ). Sous cette forme, l’équationci-dessus devient

w(θ)v′′(r) +

1

rv′(r) + λv(r)

= − 1

r2v(r)w′′(θ)

ou encore v′′(r) +

1

rv′(r) + λv(r)

r2

v(r)| z indépendant de θ

= −w′′(θ)

w(θ)| z indépendant de r

= k ∈ R .

La fonction w étant nécessairement 2π-périodique, on peut écrire k = n2, n ∈ N. Cecinous donne l’équation

r2v′′(r) + rv′(r) + [λr2 − n2]v(r) = 0.

Avant de continuer, signalons qu’on peut déduire de la formule de Green une propriétéimportante des valeurs propres de l’équation ∆u+ λu = 0. Soit λ une valeur propre decette équation, et v une fonction propre associée. On aZZ

G(v2x + v2

y) dx dy = −ZZ

Gv∆v dx dy +

ZΓv∂v

∂nds.

Si la condition aux limites est u = 0, on aZΓv∂v

∂nds = 0, d’oùZZ

G(v2x + v2

y) dx dy = λZZ

Gv2 dx dy.

Donc : une valeur propre de l’équation ∆u + λu = 0 avec condition aux limites u = 0est toujours positive.

Revenons à notre étude : puisque λ est positive, on peut faire le changement de variableρ = r

√λ, et l’équation devient

r2λd2v

dρ2+ r

√λdv

dρ+ [λr2 − n2]v = 0

ou encored2v

dρ2+

1

ρ

dv

dρ+

1− n2

ρ2

v = 0.

L’équation ci-dessus est appelée équation de Bessel d’ordre n.

On cherche une solution développable en série entière vn(ρ) =∞Xj=0

aj ρj ; en dérivant

terme à terme et en reportant dans l’équation, on a∞Xj=2

j(j − 1)aj ρj−2 +

∞Xj=1

jaj ρj−2 +

1− n2

ρ2

∞Xj=0

aj ρj = 0

48

Page 50: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

soit, en groupant les termes :

−n2

ρ2a0 +

a1

ρ[1− n2] +

∞Xj=2

[j(j − 1)aj + jaj + aj−2 − n2aj] ρj−2 = 0.

On en déduit la relation de récurrence donnant les aj :8><>:a0 = 0 si n 6= 0, quelconque sinona1 = 0 si n 6= 1, quelconque sinon

∀ j ≥ 2, (n2 − j2)aj = aj−2

A partir de là, en se servant de la relation de récurrence, il est facile de voir que les ajsont donnés par 8><>:

aj = 0 si j < nan = quelconque

∀ j ≥ n+ 1, (n2 − j2)aj = aj−2

Si on choisit an =1

2n n!, après calculs, la solution vn obtenue est

vn(ρ) =∞Xj=0

(−1)j

2n+2j j! (n+ j)!ρn+2j.

La série entière ci-dessus converge sur tout R (car ρn+2j << (n + j)!), donc c’est effec-tivement une solution de notre équation. vn est appelée fonction de Bessel d’ordre n.La condition aux limites étant u = 0, cela impose que, puisque ρ = r

√λ, on ait

vn(√λ) = 0. Autrement dit, les valeurs propres de l’équation ∆u + λu = 0 dans le

cas d’un disque avec condition aux limites u = 0 sont les carrés des zéros des fonctionsde Bessel. On constate que cette étude est nettement plus difficile que la précédente.Puisque l’étude exacte semble très complexe, on va s’attacher à obtenir une estimationasymptotique indépendante de l’ouvert connexe borné C1 considéré. Mais avant cela, ilnous faut établir quelques résultats sur les triangles rectangles.

49

Page 51: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.5.4 Cas du triangle rectangle

Dans tout ce paragraphe, on s’intéresse à la condition aux limites ∂u∂n

= 0.Soit T un triangle rectangle isocèle de côté a. Considérons le carré C déduit de T parréflexion par rapport à son hypoténuse. Si u est une fonction propre pour le triangle etpour la valeur propre λ, désignons par v la fonction qui coïncide avec u sur T et qui, enun point M de C \ T , prend la valeur u(N) où N est l’image de M par cette réflexion.Alors v est continue sur C et satisfait à la condition aux limites ∂u

∂n= 0 sur Fr(C) ; c’est

même une fonction propre pour C, pour la valeur propre λ.La n-ième valeur propre pour T est donc aussi une valeur propre pour C. Il est doncclair que la n-ième valeur propre pour le carré C est inférieure à la n-ième valeur proprepour le triangle T . En d’autres termes :

Proposition 2.5.4. Soit un triangle rectangle isocèle T de côté a et un carré C decôté a. Soit λ un réel, et BT (λ) (respectivement BC(λ)) le nombre de valeurs propresinférieures à λ pour T (respectivement C). Alors, on a

BT (λ) ≤ BC(λ).

Soit maintenant T un triangle rectangle rectangle quelconque de côtés a, b, et√a2 + b2.

On suppose que b ≤ a, et que le côté de longueur a (respectivement b) est sur l’axe desabscisses (respectivement l’axe des ordonnées).Au moyen du changement de variables8<:X = x

Y = ay/b

de jacobien

J(x, y) =

1 00 a/b

−1

=b

a,

on transforme le triangle T en un triangle T ′ isocèle rectangle de côté a. L’expressionde la fonctionnelle D[ϕ] devient

D[ϕ] =ZZ

T ′

ϕ2X +

a2

b2ϕ2Y

b

adX dY

et la condition de normalisation H[ϕ] = 1 devient

H[ϕ] =ZZ

T ′ϕ2 b

adX dY = 1.

Les conditions d’orthogonalité H[ϕ, vi] = 0 restent inchangées.Notons µn la n-ième valeur propre pour le triangle T . Alors, µn est le maximum-minimumde l’intégrale

D[ϕ] =ZZ

T ′

ϕ2X +

a2

b2ϕ2Y

b

adX dY

sous la condition H[ϕ] = b/a, ce qui revient, en minimisant les quotients D[ϕ]/H[ϕ], àconsidérer que µn est le maximum-minimum de l’intégrale

D[ϕ] =ZZ

T ′

ϕ2X +

a2

b2ϕ2Y

b

adX dY.

50

Page 52: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Puisque a ≥ b, on a

D[ϕ] =ZZ

T ′

ϕ2X +

a2

b2ϕ2Y

dX dY ≥

ZZT ′

ϕ2X + ϕ2

Y

dX dY.

Le maximum-minimum du membre de gauche, qui est µn, est donc supérieur ou égalà celui du membre de droite, qui est la n-ième valeur propre pour le triangle rectangleisocèle de côté a, elle-même supérieure à la n-ième valeur propre pour le carré de côtéa. En d’autres termes :

Proposition 2.5.5. Soit un triangle rectangle T de côtés a, b et√a2 + b2 (a ≥ b), et

un carré C de côté a. Soit λ un réel, et BT (λ) (respectivement BC(λ)) le nombre devaleurs propres inférieures à λ pour T (respectivement C). Alors, on a

BT (λ) ≤ BC(λ).

On a de même la proposition suivante :

Proposition 2.5.6. Soit un rectangle R de côtés a et b (a ≥ b), et un carré C de côté a.Soit λ un réel, et BR(λ) (respectivement BC(λ)) le nombre de valeurs propres inférieuresà λ pour R (respectivement C). Alors, on a

BR(λ) ≤ BC(λ).

Cette proposition se prouve de la même façon, par le même changement de variables quepour le triangle rectangle. Ces résultats, en association avec le théorème 2.4.4, montrentqu’il est possible d’obtenir un majorant du nombre de valeurs propres inférieures à unecertaine borne, lorsque le domaine considéré est composé d’un nombre fini de trianglesrectangles et de carrés.On a maintenant tous les outils pour établir les résultats concernant la distributionasymptotique des valeurs propres pour un domaine connexe borné de classe C1 quel-conque.

51

Page 53: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.5.5 Cas d’un ouvert connexe borné de classe C1

Soit O un tel ouvert. Dans un premier temps, on ne considère que la condition auxlimites ∂u

∂n= 0. On va approcher O par des ouverts-carrés, et déduire des paragraphes

2.5.2 et 2.5.3 la distribution des valeurs propres du laplacien sur O. Notons Γ la frontièrede O. On divise le plan en carrés identiques de côté a.

Fig. 2.6 – L’approximation

Soit α > 0, on prend a > 0 suffisamment petit de sorte que, pour toute portion defrontière contenue dans un des carrés, la variation de l’angle entre le vecteur normal àΓ et l’axe des abscisses soit inférieure à α.Comme sur la figure précédente, on associe à la frontière r domaines adjacents E1 , . . . , Erde deux types différents :

1. soit Ei est délimité par deux segments perpendiculaires [AB] et [AC] de la subdi-vision, dont la longueur est comprise entre a et 3a, et une partie BC de la frontière(fig. 2.7) ;

2. soit Ei est délimité par un segment [AB] de la subdivision, deux segments per-pendiculaires [AC] et [BD], dont la longueur est comprise entre a et 3a, et uneportion CD de la frontière (fig. 2.8).

On note S =Sri=1Ei (c’est le domaine blanc), de sorte que O \S (le domaine rouge) est

un ouvert-carré, composé de k carrés C1 , . . . , Ck de côté a.Remarquons enfin qu’on a ar ≤ P où P est le périmètre de O.

52

Page 54: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Soit λ > 0. On note à présent, pour tout i entre 1 et r, BEi(λ) le nombre de valeurs

propres de l’équation inférieures à λ pour le domaine Ei. On va majorer BEi(λ) : pour

cela, il nous suffit de trouver un minorant pour la n-ième valeur propre de Ei.

Fig. 2.7 – Type 1 Fig. 2.8 – Type 2

Pour cela, on prend un point de la frontière et on trace la tangente à la frontière ence point. On obtient, selon les cas, un triangle rectangle AB′C ′ (fig. 2.7) ou un trapèzeABC ′D′ (fig. 2.8). Si α est suffisamment petit, la longueur des côtés de ces figures estinférieure à 4a (car on avait choisi le maillage de telle sorte que la longueur de chacun descôtés soit inférieure à 3a). On se place donc dans ce cas, et on prend a suffisamment petit,de sorte que la variation de l’angle que fait le vecteur normal avec l’axe des abscissessoit inférieure à α.On va maintenant déformer les domaines Ei comme en 2.4.10.

1. Si Ei est un domaine du premier type, on considère un repère polaire de pôle A.Soient ρ = f(θ) (respectivement ρ = g(θ)) l’équation polaire de BC (respective-ment [B′C ′]). Les équations8>><>>:

φ = θ

R = ρg(θ)

f(θ)= ρ+ ρ

g(θ)− f(θ)

f(θ)

représentent une application qui transforme Ei en le triangle rectangle AB′C ′.2. Sinon, on considère un repère orthonormé d’origine A, tel que [AB] soit contenu

dans l’axe des abscisses du repère. On note y = f(x) (respectivement y = g(x))l’équation de CD (respectivement [C ′D′]). Comme précédemment, le systèmed’équations 8>><>>:

X = x

Y = yg(x)

f(x)= y + y

g(x)− f(x)

f(x)

définit une application transformant Ei en le trapèze ABC ′D′.Dans la suite, on notera E ′

i le domaine obtenu par déformation de Ei.

53

Page 55: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Les transformations présentées ici sont de la forme de celle définie en 2.4.10.Pour montrer cela, considérons par exemple le cas d’un domaine Ei du second type. Ils’agit de montrer que l’application h définie par

∀x, y ∈ Ei ∪ E ′i , h(x, y) = y

g(x)− f(x)

f(x)

est, ainsi que ses dérivées partielles du premier ordre, bornée par un réel qui tend vers0 lorsque a→ 0.Notons M le point d’intersection de CD et [C ′D′], et (xM , yM) les coordonnées de M .On a l’égalité f(xM) = g(xM).Pour tout point (x, y) appartenant à Ei ∪ E ′

i , on a

∂h

∂x(x, y) = y

g′(x)f(x)− f ′(x)g(x)

(f(x))2et∂h

∂y(x, y) =

g(x)− f(x)

f(x).

Commençons par remarquer que

|f(x)− g(x)| =Z x

xM

(f ′(t)− g′(t)) dt

≤Z x

xM

|f ′(t)− g′(t)| dt

≤ (x− xM) sup[0,a]

|f ′ − g′|

≤ a · sup[0,a]

|f ′ − g′|.

Or f est affine, donc f ′ est une constante. Le terme |f ′(t) − g′(t)| représente donc lavaleur absolue de l’angle fait par la tangente à la frontière de O au point t avec la droite[CD]. Par ailleurs, si β > 0 est un angle donné, il est possible de réduire suffisammenta de sorte que, pour toute portion de frontière contenue dans un des Ei , la variation del’angle formé par le vecteur normal à la frontière avec l’axe des abscisses soit inférieureà β, et ceci indépendamment de l’indice i. On a ainsi l’inégalité

|f(x)− g(x)| ≤ a · ψ(a) où lima→0

ψ(a) = 0

et ψ(a) est une quantité indépendante de i.

Ceci nous permet d’écrire

|h(x, y)| = |y| |f(x)− g(x)||f(x)|

≤ 4a · aψ(a)

a= 4aψ(a).

et

|hy(x, y)| =|f(x)− g(x)|

|f(x)|

≤ aψ(a)

a= ψ(a).

54

Page 56: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Pour la dérivée partielle hx , c’est un peu plus long. On a d’abord

|hx(x, y)| = |y| |g′(x)f(x)− g(x)f ′(x)|

|f(x)|2

≤ 4a · |g′(x)f(x)− g(x)f ′(x)|

a2

=4

a·|g′(x)− f ′(x)| · |f(x)|+ |f(x)− g(x)| · |f ′(x)|

≤ 4

a·ψ(a) · 4a+ aψ(a) · |f ′(x)|

Puisque f est affine, on a

|f ′(x)| = |f(a)− f(0)|a

≤ |f(a)|+ |f(0)|a

≤ 8a

a= 8.

Finalement,

|hx(x, y)| ≤ 4

a·ψ(a) · 4a+ aψ(a) · 8

≤ 48ψ(a).

Ainsi, h et ses dérivées partielles sont bornées par un réel κ(a), qui tend vers 0 quanda tend vers 0, et qui est indépendant de i. Le même genre de résultat se prouve de lamême façon pour un domaine Ei du premier type.

Par le théorème 2.4.11, les n-ièmes valeurs propres µn et µ′n de Ei et E ′i vérifient une

relation du type µ′nµn − 1

≤ η(a)

où lima→0

η(a) = 0, et cette quantité est indépendante de n.Les nombres BEi

(λ) et BE′i(λ) (ce dernier désignant le nombre de valeurs propres infé-

rieures à λ pour le domaine E ′i) satisfont donc à une inégalité analogue :BE′

i(λ)

BEi(λ)

− 1

≤ δ(a) (2.8)

où lima→0

δ(a) = 0.

55

Page 57: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Le domaine E ′i est soit un triangle rectangle, dont les côtés adjacents à l’angle droit ont

une longueur inférieure à 4a, soit un trapèze, et cette dernière figure peut être considéréecomme la réunion d’un rectangle dont les côtés ont une longueur inférieure à 3a, et d’untriangle rectangle, dont les côtés adjacents à l’angle droit ont une longueur inférieure à3a. Grâce aux résultats du paragraphe 2.5.3, on a une inégalité du type

BE′i(λ) ≤ K1 a

2λ+K2 a√λ

où K1 et K2 sont deux constantes, qu’on peut choisir indépendantes de a, i et λ. Eneffet, d’une part, le produit K1 a

2 est relié à l’aire du carré qu’on choisit en 2.5.3, qui estmajorée par 16a2 (puisque les côtés des polygones ont, par construction, une longueurinférieure à 4a). D’autre part, si on revient au paragraphe 2.5.2, on s’aperçoit que leterme en

√λ est majoré par 2I

√λ + 2, où I est la longueur d’un quart de cercle de

rayon compris entre a/π et 4a/π. On peut ainsi écrire

I ≤ 1

4· 2π · 4a

π= 2a

donc I ≤ aJ où J est une constante indépendante de a.Ainsi, par (2.8), on a

BEi(λ) ≤ c1 a

2λ+ c2 a√λ (2.9)

c1 et c2 étant deux constantes, indépendantes de a, i et de λ.

On va maintenant calculer un équivalent de A(λ), le nombre de valeurs propres pour Oinférieures ou égales à λ avec la condition aux limites ∂u

∂n+σu = 0, où σ est une fonction

positive continue sur Fr(O). Pour le carré Ci , 1 ≤ i ≤ r, on note Ai(λ) (respectivementBi(λ)) le nombre de valeurs propres pour la condition aux limites u = 0 (respectivement∂u∂n

= 0).On sait, par 2.5.2, que

Ai(λ) = λa2

4π+ O(

√λ) et Bi(λ) = λ

a2

4π+ O(

√λ).

Par une méthode analogue à celle qui a été utilisée pour un ouvert-carré, on akXi=1

Ai(λ) ≤ A(λ) ≤kXi=1

Bi(λ) +rXi=1

BEi(λ).

Or, on sait que

kXi=1

Ai(λ) = λha2

4π+ O(

√λ),

kXi=1

Bi(λ) = λha2

4π+ O(

√λ),

rXi=1

BEi(λ) ≤ c1 a

2rλ+K√λ,

où K est une constante indépendante de a et λ.D’où l’inégalité

λha2

4π+ O(

√λ) ≤ A(λ) ≤ λ

ha2

4π+ c1 a

2r

+ O(

√λ). (2.10)

56

Page 58: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Puisque ar ≤ P , la quantité a2r tend vers 0 lorsque a tend vers 0, et de plus, si l’airede O est notée A :

∀ ε > 0, ∃ a0 > 0, a ≤ a0 ⇒ |ha2 −A| < Aε3

.

Soit ε > 0, puis un tel a0. Soit a ≤ a0 tel que toutes les inégalités ci-dessus soientvalables. L’inégalité (2.10) se réécrit

ha2

A+ O

1√λ

≤ 4πA(λ)

Aλ≤ha2

A+c14π

Aa2r

+ O

1√λ

Puisque |ha2 −A| < Aε3

, on a −ε3<ha2

A− 1 <

ε

3. D’où

1− ε

3+ O

1√λ

≤ 4πA(λ)

Aλ≤ 1 +

ε

3+c14π

Aa2r + O

1√λ

.

Et puisque c1 est indépendante de a, lima→0

c14π

Aa2r = 0. Ainsi, pour a suffisamment petit,

disons a ≤ a1 ,

1− ε

3+ O

1√λ

≤ 4πA(λ)

Aλ≤ 1 +

ε

3+ε

3+ O

1√λ

.

Finalement, pour λ suffisamment grand, disons λ ≥ λ0 ,

1− ε ≤ 4πA(λ)

Aλ≤ 1 + ε.

Ceci signifie que

∀ ε > 0, ∃λ0 , λ ≥ λ0 ⇒ 1− ε ≤ 4πA(λ)

Aλ≤ 1 + ε.

Donc

limλ→+∞

4πA(λ)

Aλ= 1.

En résumé, on a un théorème :

Théorème 2.5.7. Soit O un ouvert connexe borné de classe C1. Pour la condition auxlimites u = 0 ou ∂u

∂n+ σu = 0, où σ est une fonction continue positive sur Fr(O), le

nombre A(µ) de valeurs propres de l’équation ∆u + λu = 0 inférieures à une certaineborne positive µ est équivalent à µ A

4π, où A est l’aire de O. En d’autres termes,

limµ→+∞

4πA(µ)

Aµ= 1.

Ainsi, on a l’équivalent de la n-ième valeur propre λn :

λn ∼n→+∞

n4π

A.

57

Page 59: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

On avait imposé que, si la condition aux limites était ∂u∂n

+ σu = 0, la fonction σ soitpositive. On va montrer que le théorème précédent reste valable même si σ prend desvaleurs négatives sur tout ou partie de la frontière. Pour cela, nous aurons besoin del’inégalité suivante :

Lemme 2.5.8. Soit O un ouvert connexe borné C1. Soit ϕ une fonction continue sur O etde classe C1 sur O, et σ une fonction continue sur Γ. Notons D[ϕ] =

ZZO(ϕ2

x+ϕ2y) dx dy

et H[ϕ] =ZZ

Oϕ2 dx dy. On a :

∃C, α ∈ R+ ,Z

Γσϕ2 ds

≤ CÈD[ϕ]

ÈH[ϕ] + αH[ϕ],

et les constantes C, α sont indépendantes de ϕ.

La démonstration de ce lemme est longue et technique : elle est donnée en annexe.Soit O un ouvert connexe borné C1 de frontière Γ. Soit σ une fonction continue quel-conque sur Γ, notons µn la n-ième valeur propre de l’équation ∆u + λu = 0 avec lacondition aux limites ∂u

∂n+σu = 0 sur Γ, et λn la n-ième valeur propre de cette équation

pour la condition u = 0 sur Γ. On sait que µn ≤ λn (par le théorème 2.4.5).Pour prouver l’affirmation, nous allons encadrer D[ϕ], puis utiliser la propriété dumaximum-minimum des valeurs propres pour obtenir un encadrement de µn. Il suffitdonc de se restreindre aux fonctions ϕ telles que µn ≤ D[ϕ] ≤ λn + 1, puisque c’estparmi ces fonctions que se trouvera une fonction ϕ telle que D[ϕ] = µn. On supposerade plus que H[ϕ] = 1, ce qui revient à normaliser les fonctions ϕ.Soit une telle fonction ϕ. Par le lemme précédent :

∃C, α ∈ R+ ,Z

Γσϕ2 ds

≤ CÈD[ϕ] + α

et les constantes C, α sont indépendantes de ϕ.Par définition de D[ϕ], on en déduit l’inégalité

D[ϕ]− CÈD[ϕ]− α ≤ D[ϕ] ≤ D[ϕ] + C

ÈD[ϕ] + α. (2.11)

Puisque D[ϕ] ≤ λn + 1, on a

D[ϕ]− CÈD[ϕ]− α− 1 ≤ λn.

Pour n suffisamment grand, disons supérieur à N0, on a 12D[ϕ] ≥ C

ÈD[ϕ] + α + 1, car

le maximum-minimum de D[ϕ], qui est la n-ième valeur propre pour le problème aveccondition aux limites ∂u

∂n= 0, tend vers +∞. D’où, pour N ≥ N0 :

D[ϕ] ≤ 2λn.

Or λn = n4π

A+ θ(n)

√n, où θ est bornée, donc en réutilisant l’inégalité (2.11) :

D[ϕ]−K√n ≤ D[ϕ] ≤ D[ϕ] +K

√n (2.12)

où K est une constante indépendante de ϕ.

58

Page 60: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Cette relation est également valable pour le minimum des différents membres de l’in-égalité avec les conditions d’orthogonalité H[ϕ, vk] = 0 pour des fonctions v1 , . . . , vn−1

données, et donc est aussi valable pour le maximum-minimum de ces expressions. Lemaximum-minimum de D[ϕ] est la n-ième valeur propre ρn pour la condition aux limites∂u∂n

= 0, et on sait que ρn = n4πA + O(

√n). On a donc

µn = n4π

A+ O(

√n)

ce que nous voulions prouver.

Nous avons finalement obtenu la loi asymptotique pour un ouvert connexe borné declasse C1. L’objet du prochain paragraphe est d’obtenir un ordre de grandeur du termed’erreur A(λ)− 4πA(λ)

Aλ .

59

Page 61: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

2.5.6 Estimation du terme d’erreur

Pour obtenir cette estimation, il faut affiner l’approximation de l’ouvert O par les carrés.On commence par partitionner le plan avec des carrés de côté 1 : on note k0 (éventuelle-ment nul) le nombre de tels carrés contenus dans O, et C0

1 , . . . , C0k0

ces carrés. On divisemaintenant chaque carré de la partition en 4 carrés de côté 1/2, et on note k1 le nombrede tels carrés contenus dans O qui ne sont pas contenus dans un des C0

i ; on désigne parC1

1 , . . . , C1k1

ces carrés. Par récurrence, après m itérations de ce procédé, on a km carrésCm

1 , . . . , Cmkm

, de côté 1/2m, qui sont contenus dans O mais dans aucun autre des carrésprécédents.Comme dans le paragraphe précédent, on construit E1 , . . . , Er les r domaines adjacentsà la frontière ; le nombre a est égal à 1/2m. On a les inégalités

ki2i≤ P, i = 0, . . . ,m− 1,

r

2m≤ P (2.13)

où, comme avant, P désigne le périmètre de O.On note Aji (λ) (respectivement AEi

(λ)) le nombre de valeurs propres inférieures à λpour le domaine Qj

i (respectivement Ei) avec la condition aux limites u = 0, et Bji (λ)

(respectivement BEi(λ)) le nombre de valeurs propres inférieures à λ pour le domaine

Qji (respectivement Ei) avec la condition aux limites ∂u

∂n= 0. On a :

mXj=0

kjXi=1

Aji (λ) ≤ A(λ) ≤mXj=0

kjXi=1

Bji (λ) +

rXi=1

BEi(λ).

On sait, avec les paragraphes 2.5.2 et 2.5.4, que

mXj=0

kjXi=1

Bji (λ) +

rXi=1

BEi(λ) ≤

mXj=0

λ

kj4π22j

+Kkj2j

√λ

+

c122m

rλ+c22mr√λ

= λ

mXj=0

kj4π22j

+

c122m

r

+√λ

mXj=0

Kkj2j

+c22mr

≤ λ

mXj=0

kj4π22j

+

c122m

r

+K1

√λ

mXj=0

kj2j

+

r

2m

où K, c1, c2 sont des constantes indépendantes de m et λ, et K1 = max(K, c2).Or, par les inégalités (2.13), on a mX

j=0

kj2j

+

r

2m≤ P (m+ 2).

Et la différence A − mXj=0

kj4π22j

est d’ordre 1/22m (c’est l’aire de la réunion

Sri=1Ei ,

majorée par 36r/22m), donc on peut écrire mXj=0

kj4π22j

+

c122m

r

≤ A+ c3

r

22m≤ A+

Pc32m

.

où c3 est une constante indépendante de m et λ.

60

Page 62: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Le membre de droite de l’inégalité est donc majoré par

1

A+

Pc32m

λ+ P (m+ 2)

√λ = λ

A4π

+ Pλc32m

+K1(m+ 2)√λ.

Pour m ≥ 2, on a 2m ≥ m+ 2 ; en notant C = P ·max(c3, 2K1), on a finalement

A(λ) ≤ λA4π

+ C

λ

2m+m

√λ

où C est une constante, indépendante de λ et de m (car C est construite en prenantsuccessivement des maximums de constantes ne dépendant ni de λ ni de m).Une étude de la fonction

x 7→ λ

2x+ x

√λ

montre qu’elle admet un minimum en x0 =ln(λ)

ln(4)+

ln(ln(2))

ln(4). Puisque ln(2) < 1, ln(ln(2))

est négatif, donc x0 ≤ln(λ)

ln(4)= x1. On choisit maintenant m = E(x1), et on obtient

C

λ

2m+m

√λ

≤ C

λ

2ln(λ)ln(4)

−1+

ln(λ)

ln(4)

√λ

!

= C

exp

ln(λ)− ln(2) · ln(λ)

ln(4)

+

ln(λ)

ln(4)

√λ

= C

exp

ln(λ)− ln(λ)

2

+

ln(λ)

ln(4)

√λ

= C

√λ+

ln(λ)

ln(4)

√λ

≤ 2C

√λ ln(λ) pour λ suffisamment grand.

FinalementA(λ) ≤ λ

A4π

+ 2C√λ ln(λ). (2.14)

Puisque le membre de gauche de l’inégalité ne différait du membre de droite que par leterme

c122m

rλ+c22mr√λ, le membre de gauche a également la forme (2.14).

Par ailleurs, l’inégalité (2.12) montre que ce résultat est valable même si σ n’est plusune fonction positive.D’où le théorème :

Théorème 2.5.9. (Estimation du terme d’erreur)Soit O un ouvert connexe borné de classe C1. Soit A(µ) le nombre de valeurs propresde l’équation ∆u+ λu = 0 inférieures à une certaine borne positive µ pour la conditionaux limites u = 0 ou ∂u

∂n+ σu = 0, où σ est une fonction continue sur Fr(O). Alors

A(µ)− µA4π

= O(√µ ln(µ)).

61

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Annexe

Théorème de Gauss-OstrogradskiSoit P : R2 → R une fonction continue telle que la dérivée partielle Py soit continue.Considérons un “trapèze curviligne de première espèce” (T ), c’est-à-dire un domaine duplan délimité par une courbe (∂T ) = (PQRS) telle que (PS) et (QR) soient parallèlesà l’axe (Oy), et que (PQ) et (SR) puissent être paramétrées de la façon suivante :

(PQ) : y = y0(x), x ∈ [a, b](SR) : y = Y (x), x ∈ [a, b]

avec y0 et Y des fonctions continues (voir figure ci-dessous). a est l’abscisse communede P et S, et b est celle de Q et R.

Fig. 2.9 – Trapèze curviligne de premièreespèce

Calculons l’intégraleZZ

TPy dx dy. Par le théorème de Fubini, on a :

ZZTPy dx dy =

Z b

a

Z Y (x)

y0(x)Py dy

dx.

=Z b

aP (x, Y (x)) dx−

Z b

aP (x, y0(x)) dx.

62

Page 64: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Et on a : Z b

aP (x, Y (x)) dx =

Z(SR)

P (x, y) dx,Z b

aP (x, y0(x)) dx =

Z(PQ)

P (x, y) dx.

Remarquons ensuite queZ(QR)

P (x, y) dx =Z(SP )

P (x, y) dx = 0,

puisque (QR) et (SP ) sont parallèles à (Oy). On a donc :ZZTPy dx dy =

Z(SR)

P (x, y) dx−Z(PQ)

P (x, y) dx

=Z(SR)

P (x, y) dx+Z(QP )

P (x, y) dx

=Z(SR)

P (x, y) dx+Z(QP )

P (x, y) dx

−Z(QR)

P (x, y) dx−Z(SP )

P (x, y) dx

=Z(SR)

P (x, y) dx+Z(QP )

P (x, y) dx

+Z(RQ)

P (x, y) dx+Z(PS)

P (x, y) dx

soitZZ

TPy dx dy = −

Z∂TP (x, y) dx.

Il faut faire attention au signe devant l’intégrale curviligne : la convention est, pourl’intégrale, qu’on parcourt le chemin dans le sens direct. On a donc le résultat suivant :

Proposition. Soit T un trapèze curviligne de première espèce délimité par son bord ∂T .Si P : R2 → R est une fonction continue sur T telle que sa dérivée partielle Py soitcontinue sur T , alors ZZ

TPy dx dy = −

Z∂TP (x, y) dx.

Nous allons étendre ce résultat à d’autres types de domaines. Remarquons que si undomaine D du plan est décomposable en deux trapèzes curvilignes de première espèce,alors on a ZZ

DPy dx dy = −

Z∂DP (x, y) dx.

63

Page 65: Fonctions harmoniques et distribution asymptotique des ...€¦ · 1.2 Solution du problème de Dirichlet pour un disque Soit f = f(s) une fonction continue sur le bord d’un disque

Fig. 2.10 – Le domaine D

En effet, par hypothèse, on peut décomposer D comme sur la figure ci-dessus. NotonsD1 et D2 les deux domaines délimités par (PQTU) et (QRST ) respectivement. On aalors : ZZ

DPy dx dy =

ZZD1

Py dx dy +ZZ

D2

Py dx dy

= −Z∂D1

P (x, y) dx−Z∂D2

P (x, y) dx.

puisque la proposition a déjà été montrée pour D1 et D2. Et on a :

−Z∂D1

P (x, y) dx−Z∂D2

P (x, y) dx = −Z(PQ)

P (x, y) dx−Z(QT )

P (x, y) dx

−Z(TU)

P (x, y) dx−Z(UP )

P (x, y) dx

−Z(QR)

P (x, y) dx−Z(RS)

P (x, y) dx

−Z(ST )

P (x, y) dx−Z(TQ)

P (x, y) dx

On aZ(QT )

P (x, y) dx+Z(TQ)

P (x, y) dx = 0, et donc, en regroupant les termes restants,on constate que

−Z∂D1

P (x, y) dx−Z∂D2

P (x, y) dx = −Z(PR)

P (x, y) dx−Z(RS)

P (x, y) dx

−Z(SU)

P (x, y) dx−Z(UP )

P (x, y) dx

= −Z∂DP (x, y) dx

et finalement ZZDPy dx dy = −

Z∂DP (x, y) dx.

ce qui constitue le résultat voulu.

64

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On en déduit l’important résultat suivant :

Proposition. Soit D un domaine du plan qu’il est possible de partitionner en un nombrefini de trapèzes curvilignes de première espèce. Si P : R2 → R est une fonction continuesur D telle que sa dérivée partielle Py soit continue sur D, alors on aZZ

DPy dx dy = −

Z∂DP (x, y) dx.

si ∂D est le bord du domaine D.

On peut maintenant étendre ce résultat aux domaines bornés délimités par une courbecontinue :

Proposition. Soit D un domaine du plan tel que ∂D soit une courbe continue. SiP : R2 → R est une fonction continue sur D telle que sa dérivée partielle Py soitcontinue sur D, alors on a ZZ

DPy dx dy = −

Z∂DP (x, y) dx.

Démonstration. Premier cas : Si D est un polygone quelconque, le théorème est vrai,car on peut décomposer un polygone en triangles et en trapèzes curvilignes de premièreespèce, comme le montre la figure suivante :

Fig. 2.11 – Un polygone D

et le triangle est un cas particulier de trapèze curviligne.

Deuxième cas : Si D est un domaine quelconque, on approxime ∂D par une “lignepolygonale” LN , c’est-à-dire une juxtaposition de segments [AiAi+1] où les Ai sont despoints de ∂D, pour i = 1, . . . , N , avec A1 = AN (de sorte que LN soit fermée). On noteKN le polygone délimité par LN , et on choisit les lignes polygonales de manière que lalongueur du plus grand côté de LN tende vers 0 quand N tend vers +∞.

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On a alors, puisque le théorème est vrai pour KN :ZZKN

Py dx dy = −ZLN

P (x, y) dx.

On a limN→+∞

ZZKN

Py dx dy =ZZ

DPy dx dy, et on a le résultat suivant :

Lemme. Pour toute courbe fermée L continue, si les LN sont des lignes polygonalesapproximant L au sens précédent, on a, avec les mêmes notations :

limN→+∞

ZLN

P (x, y) dx =ZLP (x, y) dx

et limN→+∞

ZLN

P (x, y) dy =ZLP (x, y) dy.

Démonstration du lemme. Il suffit de montrer la première égalité, la démonstration dela seconde étant identique. Soit ε > 0. Notons ∆xi = AiAi+1 et Pi = P (Ai). Soit N0 lerang à partir duquel

ZLP (x, y)dx−

Xi

Pi∆xi

≤ ε

et tel qu’on ait :

∀ i, ∀M ∈ [AiAi+1], |P (M)− Pi| ≤ ε

(c’est possible car P est continue sur les Lk, qui sont des compacts, donc est uniformé-ment continue sur les Lk, et la longueur du plus grand segment composant les Lk tendvers 0). Soit N ≥ N0.On sait que, d’une part Z

LN

P (x, y) dx =Xi

Z[AiAi+1]

P (x, y) dx,

et d’autre part Xi

Pi∆xi =Xi

Z[AiAi+1]

Pi dx.

D’où : ZLN

P (x, y) dx =Xi

Pi∆xi +Xi

Z[AiAi+1]

[P (x, y)− Pi] dx,

Et enfin : ZLP (x, y) dx−

ZLN

P (x, y) dx =

ZLP (x, y) dx−

Xi

Pi∆xi

−Xi

Z[AiAi+1]

[P (x, y)− Pi] dx

ZLP (x, y) dx−

Xi

Pi∆xi

+Xi

Z[AiAi+1]

|P (x, y)− Pi| dx

de sorte que ZLP (x, y) dx−

ZLN

P (x, y) dx ≤ ε+ ε

Xi

AiAi+1

≤ ε(1 + L).

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D’où le lemme.

Il ne reste qu’à faire tendre N vers +∞ pour obtenirZZDPy dx dy = −

Z∂DP (x, y) dx.

ce qui achève la démonstration du théorème.

On énonce maintenant des résultats analogues, pour la dérivée suivant la première va-riable.Soit Q : R2 → R une fonction continue telle que la dérivée partielle Qx soit continue.Considérons un “trapèze curviligne de deuxième espèce” (T ′), c’est-à-dire un domaine duplan délimité par une courbe (∂T ′) = (PQRS) telle que (PQ) et (SR) soient parallèlesà l’axe (Ox), et que (PS) et (QR) puissent être paramétrées de la façon suivante :

(PS) : x = x0(y), y ∈ [c, d](QR) : x = X(y), y ∈ [c, d]

avec x0 et X des fonctions continues (voir figure ci-dessous). c est l’ordonnée communede P et Q, et d est celle de R et S.

Fig. 2.12 – Trapèze curviligne de deuxièmeespèce

On montre de la même façon que précédemment la proposition suivante :

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Proposition. Soit T ′ un trapèze curviligne de seconde espèce délimité par son bord ∂T ′.Si Q : R2 → R est une fonction continue sur T ′ telle que sa dérivée partielle Qx soitcontinue sur T ′, alors ZZ

T ′Qx dx dy =

Z∂T ′

Q(x, y) dy.

et sa généralisation :

Proposition. Soit D un domaine du plan tel que ∂D soit une courbe continue. SiQ : R2 → R est une fonction continue sur D telle que sa dérivée partielle Qx soitcontinue sur D, alors ZZ

T ′Qx dx dy =

Z∂T ′

Q(x, y) dy.

De tous ces résultats, on déduit un théorème de Gauss :

Théorème. (Formule de Gauss)Soit D un domaine du plan tel que ∂D soit une courbe continue. Si P : R2 → R etQ : R2 → R sont deux fonctions continues sur D telle que les dérivées partielles Py etQx soient continues sur D, alors on aZ

∂DP (x, y) dx+Q(x, y) dy =

ZZD(Qx − Py) dx dy.

On va déduire de ce résultat une autre formule. En remplaçant dans cette expression Ppar −Q et Q par P , on obtient :Z

∂DP (x, y) dy −Q(x, y) dx =

ZZD(Px +Qy) dx dy.

On sait que, si s est l’abscisse curviligne d’un point de la courbe, l’angle α(s) entre l’axe(Ox) et le vecteur tangent local ~T vérifie cos(α(s)) = x′(s), sin(α(s)) = y′(s). On adonc, si s varie entre 0 et S :Z∂DP (x, y) dy −Q(x, y) dx =

Z S

0[P (x(s), y(s))y′(s)−Q(x(s), y(s))x′(s)] ds

=Z S

0[P (x(s), y(s)) sin(α(s))−Q(x(s), y(s)) cos(α(s))] ds

=Z∂D

[P (x(s), y(s)) sin(α(s))−Q(x(s), y(s)) cos(α(s))] ds.

Si β(s) désigne l’angle que fait ~n avec l’axe (Ox), on a β(s) = α(s)− π

2, et donc :Z

∂DP (x, y) dy −Q(x, y) dx =

Z∂D

[P (x(s), y(s)) cos(β(s)) +Q(x(s), y(s)) sin(β(s))] ds.

D’où le résultat final :

Théorème. (Formule de Gauss-Ostrogradski)Soit ~f : R2 → R2 un champ de vecteurs de classe C1 sur un ouvert U . Si la frontière Γde U est une courbe continue de classe C1 par morceaux, on a :ZZ

Udiv(~f) dx dy =

~f · ~n ds.

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Lemme 2.5.8Pour démontrer ce lemme, nous avons d’abord besoin d’un autre résultat :

Lemme. Soit O ⊂ R2 un ouvert connexe borné C1 de frontière Γ. Il existe un champ devecteurs ~F : O → R2 de classe C∞ tel que

~F · ~n ≥ 1 sur Γ.

Démonstration du résultat préliminaire. Soit A ∈ Fr(O), considérons le point B de R2

tel que−→BA = 2~n(A), de sorte que

−→BA·~n(A) = 2. Puisque O est de classe C1, l’application

M 7→ ~n(M) est continue, donc l’application M 7→−−→BM · ~n(M) est continue. Il existe

alors VA , un voisinage ouvert de A tel que

∀C ∈ VA ∩ Fr(O),−−→BC · ~n(C) > 1.

Il est clair que

Fr(O) ⊂[

A∈Fr(O)

VA ;

puisque Fr(O) est un compact de R2, on peut extraire de ce recouvrement un sous-recouvrement fini : il existe un entier k > 0, k points A1 , . . . , Ak ∈ Fr(O) et les pointsB1 , . . . , Bk correspondants tels que

Fr(O) ⊂k[i=1

VAi.

On se donne enfin une partition de l’unité associée à VA1 , . . . , VAk, c’est-à-dire des fonc-

tions θi : R2 → R (1 ≤ i ≤ k) de classe C∞ telles que1. θi ≥ 0 ∀ i,2. ∀ i, θi est identiquement nulle en-dehors d’un compact KAi

⊂ VAi,

3.Pki=1 θi ≡ 1.

On définit alors un champ de vecteurs ~F par

∀M ∈ R2, ~F (M) =kXi=1

θi(M)−−→BiM.

~F est le champ de vecteurs recherché. En effet, il est clairement de classe C∞, et, si on sedonne un point M ∈ Fr(O) ainsi que l’ensemble I des indices i pour lesquels θi(M) 6= 0,on a

~F (M) · ~n(M) =kXi=1

θi(M)−−→BiM · ~n(M)

=Xi∈I

θi(M)−−→BiM · ~n(M)

≥Xi∈I

θi(M)

=kXi=1

θi(M)

= 1.

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Démonstration du lemme 2.5.8. On se donne un champ de vecteurs ~F = (F1, F2) commeprécédemment. En notant ~n = (n1, n2), on a, à l’aide du théorème de Gauss-Ostrogradski :

2ZZ

Ou(~F · ~∇u) dx dy +

ZZO

div(~F )u2 dx dy = 2ZZ

O[F1(u

2)x + F2(u2)y] dx dy

+ZZ

O[(F1)x + (F2)y]u

2 dx dy

=ZΓu2 (~F · ~n) ds

≥ZΓu2 ds.

On conclut en remarquant que

2ZZ

Ou(~F · ~∇u) dx dy ≤ ‖~F‖∞, O

ZZO(uux + uuy) dx dy

≤ ‖~F‖∞, O

ÊZZOu2

ZZOu2x +

ÊZZOu2

ZZOu2y

≤√

2‖~F‖∞, O

ÊZZO(u2

x + u2y) ·

ZZOu2

(on a utilisé ici l’inégalité de Cauchy-Schwarz et l’inégalité√a+

√b ≤

√2√a+ b) ; par

ailleurs ZZO

div(~F )u2 dx dy ≤ ‖ div(~F )‖∞, O

ZZOu2 dx dy.

Soit maintenant σ une fonction continue sur Fr(O) et ϕ une fonction continue sur O etde classe C1 sur O. Notons K1 =

√2‖~F‖∞, O , K2 = ‖ div(~F )‖∞, O , on aZ

Γσϕ2 ds

≤ supΓ|σ|ZΓϕ2 ds

≤ K1 · supΓ|σ|ÈD[ϕ]

ÈH[ϕ] +K2 · sup

Γ|σ|H[ϕ].

Finalement, en notant C = K1 · supΓ|σ| et α = K2 · sup

Γ|σ| qui sont deux constantes

indépendantes de ϕ, on aZΓσϕ2 ds

≤ CÈD[ϕ]

ÈH[ϕ] + αH[ϕ].

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Remerciements

Merci à M. Vilmos KOMORNIK, pour son aide et ses conseils très précieux.

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Notations

– Re(z) : partie réelle du nombre complexe z.– D((x0, y0), R) : disque ouvert de centre (x0, y0) et de rayon R.– D((x0, y0), R) : disque fermé de centre (x0, y0) et de rayon R.– C((x0, y0), R) : cercle de centre (x0, y0) et de rayon R.– X : adhérence de l’ensemble X.– X : intérieur de l’ensemble X.– Fr(X) = X \ X : frontière de l’ensemble X.– δij = 1 si i = j, 0 sinon : le symbole de Kronecker.– ~n(M) : vecteur normal unitaire sortant à une courbe en un point M .– E(x) : partie entière du réel x.

Les notations suivantes concernent les fonctions de deux variables et les champs devecteurs.

– fx : dérivée partielle première de la fonction f par rapport à la variable x.– fxx : dérivée partielle seconde de la fonction f par rapport à la variable x.– ∂f

∂n: dérivée normale de la fonction f .

– ~∇f = (fx, fy) : gradient de f .

– div(~F ) = (F1)x + (F2)y : divergence du champ de vecteurs ~F = (F1, F2).

– ∆f = div(~∇f) = fxx + fyy : laplacien de f .

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Bibliographie

[1] I. G. Petrovsky. Lectures on partial differential equations. Interscience Publishers,Londres, 1954.

[2] R. Courant and D. Hilbert. Methods of mathematical physics, Vol. 1. IntersciencePublishers, Londres, 1953.

[3] G. M. Fichtenholz. Differential und Integralrechnung, Vol. 3. Deutscher Verlag derWissenschaften, Berlin, 1987.

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