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Positivity 7: 245–256, 2003. © 2003 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands. 245 Fonctions Séparément Finement Surharmoniques MOHAMED EL KADIRI B.P. 726, Salé-Tabriquet, Salé, Morocco (E-mail: [email protected]) Received 29 March 2001; accepted 10 February 2002 Résumé. Nous montrons que toute fonction séparément finement surharmonique sur un ouvert de la topologie produit T n 1 ×···× T n k des topologies fines des espaces R n 1 , ... , R n k , T n 1 ×···× T n k -localement bornée inférieurement est finement surharmonique dans . On en déduit que toute fonction séparément finement harmonique, T n 1 ×···× T n k -localement bornée sur est finement harmonique dans . Separately Finely Superharmonic Functions Abstract.We prove that every separately finely surperharmonic function on an open set in R n 1 × ···× R n k for the product T n 1 ×···× T n k of the fine topologies on the spaces R n 1 , ... , R n k , T n 1 ×···× T n k -locally lower bounded, is finely superharmonic in . We then deduce that every separateltly finely harmonic function T n 1 ×···× T n k -locally bounded in is finely harmonic. Mathematics Subject classification (2000): 31C40 Key words: Finely superharmonic functions, Separately finely superharmonic function 1. Introduction Il est bien connu qu’une fonction f(x,y) définie sur un ouvert de R m × R n et séparément harmonique, i.e., harmonique en x pour y fixé, et harmonique en y pour x fixé, est harmonique. Ce résultat a été démontré par Avanissian dans [2]. Par contre, une fonction f séparément surharmonique quelconque n’est pas toujours surharmonique. Pour que f soit surharmonique, il est nécessaire qu’elle soit localement bornée inférieurement. Notre but dans ce travail est d’étendre ces résultats au cadre de la théorie des fonctions finement harmoniques de Fuglede dans l’espace R d . Plus précisemment, on va montrer que toute fonction séparément finement surharmonique dans un ouvert de la topologie T m × T n produit des topologies fines sur les espaces R m et R n , T m × T n -localement bornée inférieurement est finement surharmonique, T d désigne la topologie fine de l’espace R d . On en déduira que toute fonction séparément finement harmonique, T m × T n -localement bornée dans est finement harmonique. Il en résultera évidemment que toute fonction séparément finement surharmonique sur un ouvert U de la topologie produit T n 1 ×... ×T n k des topologies

Fonctions Séparément Finement Surharmoniques

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Positivity 7: 245–256, 2003.© 2003 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.

245

Fonctions Séparément Finement Surharmoniques

MOHAMED EL KADIRIB.P. 726, Salé-Tabriquet, Salé, Morocco (E-mail: [email protected])

Received 29 March 2001; accepted 10 February 2002

Résumé. Nous montrons que toute fonction séparément finement surharmonique sur un ouvert �

de la topologie produit Tn1 × · · · × Tnk des topologies fines des espaces Rn1 , . . . , Rnk , Tn1 × · · · ×Tnk -localement bornée inférieurement est finement surharmonique dans �. On en déduit que toutefonction séparément finement harmonique, Tn1 × · · · × Tnk -localement bornée sur � est finementharmonique dans �.

Separately Finely Superharmonic FunctionsAbstract.We prove that every separately finely surperharmonic function on an open set � in Rn1 ×· · · × Rnk for the product Tn1 × · · · × Tnk of the fine topologies on the spaces Rn1 , . . . , Rnk ,Tn1 × · · · × Tnk -locally lower bounded, is finely superharmonic in �. We then deduce that everyseparateltly finely harmonic function Tn1 × · · · × Tnk -locally bounded in � is finely harmonic.

Mathematics Subject classification (2000): 31C40

Key words: Finely superharmonic functions, Separately finely superharmonic function

1. Introduction

Il est bien connu qu’une fonction f (x, y) définie sur un ouvert de Rm × Rn etséparément harmonique, i.e., harmonique en x pour y fixé, et harmonique en y

pour x fixé, est harmonique. Ce résultat a été démontré par Avanissian dans [2].Par contre, une fonction f séparément surharmonique quelconque n’est pas

toujours surharmonique. Pour que f soit surharmonique, il est nécessaire qu’ellesoit localement bornée inférieurement.

Notre but dans ce travail est d’étendre ces résultats au cadre de la théorie desfonctions finement harmoniques de Fuglede dans l’espace Rd . Plus précisemment,on va montrer que toute fonction séparément finement surharmonique dans unouvert � de la topologie Tm × Tn produit des topologies fines sur les espacesRm et Rn, Tm × Tn-localement bornée inférieurement est finement surharmonique,où Td désigne la topologie fine de l’espace Rd . On en déduira que toute fonctionséparément finement harmonique, Tm × Tn-localement bornée dans � est finementharmonique. Il en résultera évidemment que toute fonction séparément finementsurharmonique sur un ouvert U de la topologie produit Tn1 ×...×Tnk

des topologies

246 MOHAMED EL KADIRI

fines des espaces Rn1 , . . . , Rnk , Tn1 ×...×Tnk-localement bornée inférieurement est

finement surharmonique, et que toute fonction séparément finement harmoniquedans U , Tn1 × ... × Tnk

-localement bornée est finement harmonique.La méthode que nous allons suivre est proche de celle de Cairoli [7], sauf qu’ici

les semi-groupes qui interviennent en théorie des fonctions finement harmoniquesn’ont plus le caractère fellerien de ceux de Cairoli. La difficulté que cela présenteest contournée grâce à un résultat technique ayant dejà servi dans [9].

On rappelle que la topologie fine sur l’espace Rd est la moins fine des topologiesqui rendent continues les fonctions surharmoniques classiques sur Rd . Comme onva le voir dans le paragraphe suivant, la topologie produit des topologies fines desespaces Rn1, . . . , Rnk est (strictement) moins fine que la topologie fine de l’espaceproduit Rn1+...+nk .

Dans tout ce travail le mot fonction signifiera toujours fonction à valeurs dansR. On note S(U) le cône des fonctions finement surharmoniques ≥ 0 dans l’ouvertfin U de Rd . On rappelle que si U est un ouvert en topologie euclidienne, le côneS(U) coincide avec celui des fonctions surharmoniques ≥ 0 dans U . Si d ≥ 3et s ∈ S(Rd), on notera, suivant [12], sU la fonction s − RCU

s , eventuellementprolongée par continuité fine aux points de l’ensemble polaire où la différence n’apas de sens, où RE

f désigne la balayée sur E ⊂ Rd d’une fonction f sur E. Larégularisée finement s.c.i. (semi-continue inférieurement) d’une fonction sur U estnotée f ; si U est un ouvert euclidien, on note aussi f la régularisée s.c.i. de f .

Les autres notations et définitions utilisées dans ce travail seront toujours commedans les travaux de Fuglede cités dans la bibliographie.

2. Topologie fine et fonctions finement surharmoniques

La topologie fine a été introduite en théorie classique du Potentiel par H. Cartanen 1940. Elle est définie sur l’espace Rd comme étant la topologie la moins finequi rend continues les fonctions surharmoniques dans Rd . Cette topologie est plusfine que la topologie usuelle (euclidienne) de Rd . Elle est localement connexe,et tout point de Rd admet un système fondamental de voisinages fins compactspour la topologie euclidienne. Tout au long de ce travail nous utiliserons le mot fin(finement) pour distinguer les notions relatives à la topologie fine de celles relativesà la topologie euclidienne.

Pour d ≥ 2, la topologie fine n’est pas métrisable, et n’a pas la propriétéde Lindelöf, cependant elle possède une propriété voisine, dite quasi-Lindelöf, àsavoir que toute famille {Ui; i ∈ I } d’ouverts fins de Rd contient une sous-familledénombrable {Uin;n ∈ N} telle que

∪i∈IUi = ∪n∈NUin ∪ P,

où P est une partie polaire de Rd.

FONCTIONS SEPAREMENT FINEMENT SURHARMONIQUES 247

Nous allons maintenant comparer la topologie produit des topologies fines deRm et Rn avec celle de l’espace produit Rm+n. La proposition suivante se démontreaisément:

PROPOSITION 2.1. Soient u et v deux fonctions surharmoniques dans Rm etRn respectivement, alors les fonctions (x, y) �→ u(x) et (x, y) �→ v(y) sontsurharmoniques dans Rm+n.

COROLLAIRE . Si A ⊂ Rm (resp. B ⊂ Rn) est éffilé en un point x0 ∈ Rm (resp.y0 ∈ Rn), alors A × Rn(resp. Rm × B) est éffilé en tout point (x0, y) ∈ Rm+n(resp.(x, y0) ∈ Rm+n).

Ce corollaire nous permet d’établir la

PROPOSITION 2.2. La topologie produit des topologies fines de Rm et Rn estmoins fine que la topologie fine de l’espace Rm+n.

Démonstration. Soient U et V deux ouverts fins de Rm et Rn respectivement, etsoit (x0, y0) un point de U ×V , alors CU est éffilé en x0 et CV est éffilé en y0. Onen déduit en vertu du corollaire précédent que CU × Rm et Rn × CV sont éffilésen (x0, y0), et donc C(U × V ) = (CU × Rm) ∪ (Rn × CV ) est éffilé en (x0, y0),autrement dit, U × V est un voisinage fin de (x0, y0). Donc U × V est un ouvertfin de Rm × Rn.

COROLLAIRE . Soient n1, . . . , nk des entiers naturels, k ≥ 2. Alors la topologieproduit Tn1 × ... × Tnk

sur Rn1+...+nk est moins fine que la topologie Tn1+...+nk.

Le lemme et la proposition suivants nous ont été communiqués par Fuglede:

LEMME 2.3. Tout voisinage fin U de 0 dans Rm, m ≥ 2, contient des pointsx �= 0 de tout hyperplan H � 0 dans Rm.

Démonstration. La topologie fine de Rm étant localement connexe ([13], th. 4),on peut supposer que U est un domaine fin, et il en est donc de même pour U \ {0}([13], lemme 6) ({0} étant polaire dans Rm puisque m ≥ 2). Si U ∩ H = {0}, alorsU \ {0} est contenu dans l’un des demi-espaces en lesquels H partage Rm, maisalors l’autre demi-espace serait effilé en 0, ce qui est faux.

PROPOSITION 2.4. La topologie produit des topologies fines de Rm et Rn, m,n ≥1, est strictement moins fine que la topologie fine de Rm+n.

Démonstration. Pour m = n = 1, T1 × T1 est la topologie euclidienne de R2, etil est bien connu qu’elle est strictement moins fine que T2. Supposons alors m ≥ 2et n ≥ 1. Considérons deux sous-espaces linéaires H , K de codimension 1 de Rm

et Rn respectivement. Alors H ×K est un sous-espace de Rm+n de codimension 2,donc polaire, ce qui entraine qu’il est effilé en 0, de sorte que W = [Rm+n \ (H ×K)] ∪ {0} est un Tm+n-voisinage de 0 dans Rm+n. Il suffit de montrer que W n’estpas un Tm × Tn-voisinage de 0. Comme m ≥ 2, tout Tm-voisinage U de 0 dans

248 MOHAMED EL KADIRI

Rm contient un point x ∈ H \ {0} d’après le lemme précédent. Pour tout Tn-ouvertV � 0 dans Rn, le point (x, 0) de U ×V \{0} appartient donc à H ×K \{0} ⊂ CW ,d’où en fait U × V �⊂ W , autrement dit W n’est pas un Tm × Tn-voisinage de 0.

COROLLAIRE . Soient n1, . . . , nk des entiers naturels, k ≥ 2. Alors la topolo-gie produit Tn1 × ...Tnk

sur Rn1+...+nk est strictement moins fine que la topologieTn1+...+nk

.

La notion de balayage des mesures a permis à Fuglede de développer dans [10] unethéorie du potentiel locale dans les ouverts fins. Nous allons rappeler la définitiondes fonctions surharmoniques, dites finement surharmoniques, dans un ouvert finde Rd .

DÉFINITION 2.5. Soit U un ouvert fin de Rd , on dit qu’une fonction f : U −→R ∪ {+∞} est finement surharmonique dans U si(i) f est finie sur un ensemble finement dense dans U .(ii) f est finement s.c.i. dans U ,(iii) pour tout x ∈ U , il existe un ouvert fin V relativement compact en topologie

initiale tel que V ⊂ U et f est bornée inférieurement sur V et∫f (y) dεCV

x (y) ≤ f (x),

où εCVx est la mesure balayée de la mesure de Dirac au point x.

Une fonction f définie sur un ouvert fin U est dite finement sousharmonique dansU si −f est finement surharmonique dans U ; elle est dite finement harmoniquedans U si f et −f sont finement surharmoniques dans U .

3. Semi-groupes et résolvantes pour les fonctions finement surharmoniques

Pour simplifier, on va supposer m,n ≥ 3. Soit (Pt ) le semi-groupe de la chaleurdans Rd , d ≥ 3, i.e. le semi-groupe de transition de Rd donné par

Pt(x,A) = 1

(√

2πt)d

∫A

exp(−||x − y||22t

) dy

pour tout x ∈ Rd et toute partie borélienne A de Rd . Le processus de Markovassocié à ce semi-groupe de transition est le mouvement brownien B = (Bt) dansRd .

Soit U un domaine fin de Rd qu’on peut supposer régulier quitte à lui ajouterles points irréguliers de sa frontière fine ∂f U , ce qui ne change pas le cône desfonctions finement surharmoniques ≥ 0 en vertu du principe du prolongement parcontinuité fine car les points irréguliers de ∂f U forment un ensemble polaire. On

FONCTIONS SEPAREMENT FINEMENT SURHARMONIQUES 249

note τU le temps de sortie de (Bt) de U . Alors τU est un temps terminal au sens dela définition 2.18 de [4] et donc M = 1[0,τU [ est une fonctionnelle multiplicativepour le processus de Markov (Bt). Le semi-groupe de transition (P U

t ), subordonnéà (Pt), associé à M est donné par

P Ut f (x) = Ex(f (Bt)Mt)

= Ex(f (Bt)1[0,τU [).

Notons (BUt ) le processus de Markov à états dans Rd associé au semi-groupe

(P Ut ). Le processus (BU

t ) est à trajectoires dans U .Soit (Vλ) la famille résolvante sur Rd associée au semi-groupe (Pt ), i.e., la

résolvante définie par

Vλf (x) =∫ ∞

0exp(−λt)Ptf (x)dt,

pour tout λ > 0 et toute fonction borélienne f ≥ 0 sur Rd , et soit V le noyaupotentiel de cette résolvante.

Notons aussi (VUλ ) la résolvante, subordonnée à (Vλ), associée au semi-groupe

(P Ut ) et VU son noyau potentiel.On remarquera que le noyau VU , la résolvante (VU

λ ) et le semi-groupe (P Ut ) sont

absolument continus par rapport à la mesure de Lebesgue, i.e., pour tous λ, t > 0et tout x ∈ U , les mesures VU(x, dy), VU

λ (x, dy) et P Ut (x, dy) sont absolument

continues par rapport à la mesure de Lebesgue.

LEMME 3.1. Pour toute fonction borélienne f ≥ 0 sur Rd telle que Vf estsurharmonique, on a VUf = (Vf )U .

Démonstration. En effet, on a, pour tout x ∈ U et toute fonction boréliennef ≥ 0 telle que Vf soit surharmonique finie,

VUf (x) = Ex

(∫ ∞

0f (Bt )Mt dt

)

= Ex

(∫ ∞

0f (Bt ) dt

)− Ex

(∫ ∞

τU

f (Bt) dt

)

= Vf (x) − Ex

(∫ ∞

0f (Bt ◦ θτU

) dt

)

= Vf (x) − Ex

(∫ ∞

0f (Bt) dt ◦ θτU

),

où θt , t ≥ 0, est l’opérateur de translation de (Bt). Maintenant il suffit d’observerque E.(

∫ ∞0 f (Bt)dt ◦ θτU

) n’est rien d’autre que la balayée de Vf sur CU .

COROLLAIRE . Pour toute fonction borélienne f ≥ 0 telle que Vf est surhar-monique, la fonction (Vf )U est excessive pour la résolvante (VU

λ ) et le semi-groupe (P U

t ).

250 MOHAMED EL KADIRI

LEMME 3.2. Pour toute fonction surharmonique s ≥ 0 dans Rd , il existe une suite(fn) de fonctions boréliennes ≥ 0 telles que les fonctions V(fn) soient surharmo-niques et sU = lim infn(V(fn))U .

Démonstration. D’après ([8], chap. XII, th. 17), il existe une suite croissante(fn) de fonctions boréliennes ≥ 0 sur Rd de potentiels bornés, telles que s =supn V(fn). On a alors

V(fn) = V(fn)U + RCUV(fn)

,

d’où, par passage à la limite sur n,

s = lim infnV(fn)U + RCUs ,

et par suite sU = lim infnV(fn)U . Le résultat découle maintenant du lemme 3.1.

COROLLAIRE . Pour toute fonction surharmonique s ≥ 0 dans Rd , la fonctionsU est excessive pour la résolvante (VU

λ ) et le semi-groupe (P Ut ).

Rappelons le théorème suivant:

THÉORÈME 3.3. (Fuglede [11], th. 3) Pour toute fonction s ∈ S(U), il existeune suite (sn) de fonctions surharmoniques ≥ 0 dans Rd telle que la suite ((sn)U )

soit croissante et s = supn(sn)U .

THÉORÈME 3.4. Le cône S(U) est identique au cône des fonctions excessivesfinies presque partout de la résolvante (VU

λ ) ou, ce qui revient au même, du semi-groupe (P U

t ).Démonstration. Le théorème résulte aussitôt du théorème 3.3 et du corollaire

du lemme 3.2.

4. Surharmonicité fine des fonctions séparément finement surharmoniques.

Soient (Pt ) et (Qt) deux semi-groupes de noyaux sur des espaces mesurables(E, E) et (F,F) respectivement. Le produit tensoriel de ces deux semi-groupes,noté (Pt ⊗ Qt), est défini sur l’espace mesuré (E × F, E ⊗ F) par

Pt ⊗ Qt((x, y),A × B) = Pt(x,A)Qt (y, B)

pour tout couple (x, y) ∈ E × F et tous A ∈ E , B ∈ F . On a alors

(Pt ⊗ Qt)(f ⊗ g) = Pt(f )Qt(g)

pour tout couple (f, g) de fonctions f E-mesurable ≥ 0 et g F-mesurable ≥ 0.Il est facile de vérifier que (Pt ⊗ Qt) est un semi-groupe de noyaux sur (E ×

F, E ⊗ F).

FONCTIONS SEPAREMENT FINEMENT SURHARMONIQUES 251

On dit qu’une fonction E ⊗F -mesurable h ≥ 0 est séparément excessive (pourle semi-groupe (Pt ⊗Qt) si, pour tout couple (x, y) ∈ E ×F , les fonctions h(., y)

et h(x, .) sont excessives pour les semi-groupes (Pt) et (Qt) respectivement.On rappelle qu’une fonction universellement mesurable f ≥ 0 sur un espace

mesurable (E, E) est dite surmédiane pour un semi-groupe (Pt ) sur (E, E) si Ptf ≤f pour tout t > 0. Si f est surmédiane, la fonction t �→ Ptf est décroissante. Ondit qu’une fonction borélienne f ≥ 0 sur E est excessive si elle est surmédiane etsi limt→0 Ptf = f . La régularisée excessive d’une fonction surmédiane f , notéef , est définie par

f (x) = limt→0

Ptf (x),∀x ∈ E,

est une fonction excessive. C’est la plus grande minorante excessive de f .

PROPOSITION 4.1. Supposons que les semi-groupes (Pt ) et (Qt) soient abso-lument continues par rapport à des mesures positives mE et mF sur (E, E) et(F,F) respectivement, et soit h une fonction mE ⊗ mF -mesurable sur l’espace(E × F, E ⊗ F) et séparément excessive pour le semi-groupe (Pt ⊗ Qt), alors h

est surmédiane.Démonstration. On a, d’après le théorème de Fubini,

Pt ⊗ Qt(h)(x, y) =∫ ∫

h(u, v)Pt (x, du)Qt(y, dv)

≤∫

h(x, v)Qt(y, dv)

≤ h(x, y)

pour tout couple (x, y) ∈ E × F .

Maintenant il n’est plus possible d’utiliser, dans le cadre considéré dans ce trav-ail, la méthode de Cairoli des noyaux et résolvantes fortement felleriens. Pourcontourner cette difficulté nous allons démontrer quelques résultats auxiliaires,en nous appuyant sur un théorème ayant déjà servi dans [9]. Ces résultats vontnous permettre en effet de démontrer que toute fonction séparément excessive estmesurable au sens de la mesure de Lebesgue.

Soient U et V deux domaines fins de Rm et Rn respectivement, m,n ≥ 3, alorson a

P Ut ⊗ P V

t = P U×Vt .

En effet, on a 1[0,τU [.1[0,τV [ = 1[0,τU×V [ et le produit tensoriel des semi-groupes dela chaleur dans Rm et Rn coincide avec le semi-groupe de la chaleur de l’espaceRm+n.

Rappelons aussi le résultat suivant de [9]:

252 MOHAMED EL KADIRI

THÉORÈME 4.2. ([9], lemme 3.5) Soit W un domaine fin de Rn, n ≥ 3. Il existeune suite (Kn) de parties compactes de W et un ensemble polaire P tels que:(i) W = ∪nKn ∪ P .(ii) Pour tout n, la restriction de toute fonction de S(W) à Kn est s.c.i.

THÉORÈME 4.3. Soit W un domaine fin de Rn, n ≥ 3. Il existe une suite (Kn)

de parties compactes de W et un ensemble polaire P tels que W = ∪Kn ∪ P et,pour toute fonction borélienne bornée f sur U et tout λ > 0, la fonction VW

λ f |Kn

est continue.Démonstration. Soient (Kn) et P la suite et le polaire du théorème précédent.

Soient f une fonction borélienne bornée sur W et λ > 0, on a

Vλf = VWλ f + RCW

Vλf,

où f est le prolngement de f à Rn, nul sur CW . La fonction Vλf étant finiecontinue sur W , les fonctions VW

λ f et RCWV

fsont s.c.i. sur Kn, donc VW

λ f |Kn est

continue.

THÉORÈME 4.4. Soient λ,µ > 0 et f une fonction réelle bornée sur U ×V telleque l’intégrale itérée

g(x, y) =∫

VUλ (x, du)

∫VV

µ (y, dv)f (u, v)

existe pour tout couple (x, y) ∈ U × V , alors la fonction (x, y) �→ g(x, y) estmesurable au sens de Lebesgue.

Démonstration. Soient (Hn) et (Kn) les suites du théorème précédent corres-pondantes aux ouverts fins U et V . Pour tout entier m et tout y ∈ V l’applicationpartielle x �→ gy(x) = g(x, y) est continue sur Hm. Soit n ∈ N, pour toute suite(yi) de points de Kn convergente vers y ∈ Kn, on va montrer que la suite desfonctions gyi

converge uniformément vers gy sur Hm. On en déduira que la fonc-tion g est continue sur Hm × Kn, le théorème en résultera. Notons hy la fonctionu �→ ∫

VVλ (y, dv)f (u, v); alors on a limi→∞ hyi

= hy d’après le théorème 4.3.Posons h

′i = infj≥i hyj

et h"i = supj≥i hyj

. On a h′i ↑ hy et h"

i ↓ hy et, par

conséquent VUλ h

′i ↑ VU

λ hy et VUλ h"

i ↓ VUλ hy . Les fonctions intervenant dans ces

deux dernières limites étant continues sur chaque compact Hm, la convergence adonc lieu uniformément sur Hm d’après le théorème de Dini. Les inégalités

VUλ h

′i ≤ VU

λ hyi≤ VU

λ (h"i )

entrainent finalement que que VUλ (hyi

) converge uniformément vers VUλ (hy) sur

Hm, autrement dit, la suite (gyi) converge uniformément vers gy sur Hm, d’où le

résultat, puisque les ensembles polaires sont de mesure de Lebesgue nulle.

FONCTIONS SEPAREMENT FINEMENT SURHARMONIQUES 253

COROLLAIRE . Si f est une fonction séparément excessive sur U × V , alors f

est mesurable au sens de Lebesgue.Démonstration. Supposons d’abord que f est bornée. Il est clair que l’intégrale

itérée∫VU

λ (x, du)

∫VV

µ (y, dv)f (u, v)

existe pour tout couple (x, y) ∈ U × V . D’après le théorème précédent la fonctiong définie par

g(x, y) = λµ

∫VU

λ (x, du)

∫VV

µ (y, dv)f (u, v)

mesurable au sens de Lebesgue. En faisant tendre λ puis µ vers +∞ on obtientque f est mesurable au sens de Lebesgue. Le cas général s’obtient en considérantles fonctions fn = min(f, n).

THÉORÈME 4.5. Soit f une fonction séparément finement surharmonique dansun Tm ×Tn-ouvert � de Rm×Rn, Tm×Tn-localement bornée inférieurement, alorsf est finement surharmonique.

Démonstration. En vertu des hypothèses et grâce au caractère local de la surhar-monicité fine, on peut se limiter au cas où f est ≥ 0 et où � est de la forme U ×V ,où U et V sont des domaines fins de Rm et Rn respectivement. D’après le théorèmeprécédent, f est mesurable au sens de Lebesgue, et par suite elle est surmédianepour le semi-groupe (P U×V

t ) en vertu de la proposition 4.1. Soit f la régulariséeexcessive de f , i.e., la fonction définie par

f (x, y) = limt→0

P U×Vt f (x, y),

pour tout couple (x, y) ∈ U × V . Il est bien connu que f est (P U×Vt )-excessive,

donc finement surharmonique dans U × V d’après le théorème 3.4 appliqué àl’ouvert fin U ×V . Nous allons prouver que f = f , ce qui démontrera le théorème.Supposons d’abord que f soit bornée supérieuerement. Pour (x, y) ∈ U × V fixé,∫

P Us (x, du)

∫P V

t (y, dv)f (u, v) est une fonction décroissante de s et de t , ce quientraine, d’après le théorème de convergence dominée,

limt→0

P U×Vt f (x, y) = lim

s→0

∫P U

s (x, du)(limt→0

∫P V

t (y, dv)f (u, v)),

d’où f (x, y) = f (x, y). Donc f est (P U×Vt )-excessive, donc finement surharmo-

nique dans U×V d’après le théorème 3.4. Le cas général s’en déduit en considérantles fonctions fn = min(f, n), n entier ≥ 1.

COROLLAIRE 1. Soient n1, . . . , nk des entiers naturels ≥ 1, k ≥ 1. Toutefonction séparément finement surharmonique Tn1 × ... × Tnk

-localement bornéeinférieurement dans un Tn1 × ... × Tnk

- ouvert � de Rn1+...+nk est finement surhar-moniques.

254 MOHAMED EL KADIRI

COROLLAIRE 2. Soit h une fonction séparément finement harmonique Tn1 ×...×Tnk

-localement bornée dans un Tn1 × ... × Tnk- ouvert � de Rn1+...+nk , alors h est

finement harmonique.Démonstration. Il suffit d’appliquer le corollaire précédent aux fonctions h et

−h.

5. Applications

Par analogie avec la théorie des fonctions plurisousharmoniques (psh en abrégé)introduites en Analyse complexe de plusieurs variables par Lelong, il semble in-téressant d’étudier la notion de fonction finement plurisousharmoniques en Ana-lyse complexe fine dans Cn. La difficulté qui se présente dans la définition de cesobjets, comme pour les fonctions finement holomorphes de plusieurs variables,concerne le choix de la topologie fine sur Cn qu’il faut utiliser. En effet, sur Cn ondispose de trois topologies différentes, à savoir:

• la topologie produit T n, où T est la topologie de C,• la topologie Tpsh définie comme étant la moins fine sur Cn qui rend continues

les fonctions psh sur Cn (voir [3]).• la topologie fine T2n de Cn identifié à R2n.

On a les inclusions strictes T n ⊂ Tpsh ⊂ T2n (voir [14]).La topologie T n présente l’inconvénient de dépendre d’une manière effective

du système de cordonnées. La topologie Tpsh est biholomorphiquement invarianteet semble la plus plausible pour une théorie pluripotentielle fine sur Cn. Mal-heureusement elle n’est pas encore très bien étudiée et on ne sait toujours pas, ànotre connaissance, si elle localement connexe ou non. Dans ce qui suit nous allonsessayer de donner une définition des fonctions psh relativement à cette topologie.

On appelle droite complexe de Cn tout ensemble de la forme a + Cτ , où a ∈ Cet τ ∈ C \ {0}. Commençons d’abord par le résultat suivant:

PROPOSITION 5.1. Soit U un ouvert plurifin de Cn, alors la trace de U sur toutedroite complexe de Cn est un ouvert fin de cette droite.

Démonstration. Soit a ∈ U et τ ∈ Cn \ {0}. Posons ω = U ∩ (a + Cτ).

L’ensemble CU est plurieffilé au point a d’après [3], th. 2.3. Si a /∈ CU , alors U

est un voisinage de a, donc U ∩ (a + Cτ) est un voisinage de a dans a + Cτ , etdonc CU ∩ (a + Cτ) est effilé au point a dans a + Cτ . Si a ∈ CU , il existe unvoisinage ouvert V de a et une fonction plurisouharmonique u sur V telle que

lim supz∈A,z→a

u(z) < u(a).

Soit φ la restriction de u à l’ouvert V ∩ (a + Cτ) de a + Cτ . Alors φ est soushar-monique dans V ∩ (a + Cτ) et on a

φ(a) = u(a) > lim supz∈CU∩V,z→a

u(z) ≥ lim supλ∈CU∩V∩(a+Cτ ),λ→a

φ(λ).

FONCTIONS SEPAREMENT FINEMENT SURHARMONIQUES 255

Donc CU ∩ (a + Cτ) est effilé au point a. Il en résulte que ω est un voisinage finde a dans a + Cτ . Le point a étant arbitraire, on en déduit que ω est un ouvert fin.

La proposition précédente permet de poser la

DÉFINITION 5.2. Soit U un Tpsh-ouvert fin de Cn, on dit qu’une fonction f :U −→ [−∞,+∞[ est finement plurisousharmonique, en abrégé fpsh, dans U

si(i) f est pf-s.c.s. (i.e., s.c.s. en topologie plurifine) dans U .(ii) Pour tout a ∈ U et tout τ ∈ Cn, la réstriction de u à U ∩ (a +Cτ) est finement

sousharmonique.

On note FPSH(U) l’ensemble des fonctions fpsh dans U .

EXEMPLE 5.3.1. Si � est un ouvert ordinaire de Cn, toute fonction psh dans � est fpsh dans �.2. Soit f une fonction T n-holomorphe au sens de [14] dans un T n-ouvert U de

Cn, alors |f | et ln |f | sont des fonctions fpsh dans U .Les propriétés suivantes découlent immédiatement de la définition précédente etdes propriétés des fonctions finement sous-harmoniques classiques:1. La somme de deux fonctions fpsh est une fonction fpsh.2. Le produit par un réel positif d’une fonction fpsh est une fonction fpsh.3. L’enveloppe supérieure d’une famille finie de fonctions fpsh est une fonction

fpsh.4. Les fonctions fpsh possèdent la propriété de faisceau, dite aussi locale:

• Si U1 ⊂ U2 sont deux Tpsh-ouverts, alors la réstriction de toute fonction deFPSH(U2) à U1 appartient à FPSH(U1).

• Si (Ui)i∈I est une famille de Tpsh-ouvert, alors toute fonction u sur U =∪i∈IUi dont la réstriction à chaque Ui appartient à FPSH(Ui), alors u ∈FPSH(U).

Les trois premières propriétés expriment que l’ensemble FPSH(U) est un côneconvexe sup-stable.

Nous reviendrons à l’étude de cette classe de fonctions dans un travail ultérieur.On sait qu’une fonction psh dans un ouvert U de Cn est sousharmonique dans

U , il serait alors intéressant de savoir si une fonction psh dans Tpsh-ouvert U estfinement psh dans U . Comme application du théorème 4.5 on va montrer que ceciest vrai si U est T n-ouvert:

THÉORÈME 5.4. Soit u une fonction fpsh dans un T n-ouvert U de Cn, alors u

est finement sousharmonique dans U .Démonstration. Soit f une fonction fpsh sur U . Grâce au caractére local de la

notion de fonction pfsh, on peut supposer que U est de la forme U1 × · · · × Un,

256 MOHAMED EL KADIRI

où U1, . . . , Un sont des ouverts fins de C. La fonction f est séparément fine-ment sousharmonique T n-localement bornée supérieurement, elle est donc fine-ment sousharmonique dans U d’après le théorème 4.5.

Remerciements

L’auteur tient à remercier le Professeur B. Fuglede pour lui avoir aimablementcommuniqué la démonstration du lemme 2.3 et de la proposition 2.4. et pour lesindications bibliographiques qu’il a bien voulu lui faire.

Références

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6. Brelot, M.: Éléments de la théorie classique du potentiel, C.D.U, 1969.7. R. Cairoli, Produit tensoriel, Séminaire de Probabilités I, Lect. Notes in Math., Springer Verlag,

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d’Analyse P. Lelong-P. Dolbeault-H. Skoda, Springer-Verlag, Lect. Notes in Math. 1198 (1986),113–145.

15. Fuglede, B.: On the mean value property of finely harmonic and finely hyperharmonicfunctions, Aequ. Math. (1990), 198–203.