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DÉCOUVRIR POUR GUÉRIR & RECHERCHE SANTÉ 84 / octobre-novembre-décembre 2000 84 /4 e trimestre / octobre 2000 / 15 F / 2,29 u Fondation pour la Recherche Médicale Vos dons en action p. 20 Tribune presse : la médicalisation en question p. 26 Point de vue : Bernard Maitte p. 28 La Fondation à l’écoute p. 30 Questions-réponses p. 36 p. 8 Prévention et nouvelles recherches V a incre les diabètes V a incre les diabètes

Fondation pour la Recherche Médicale · 2018. 9. 5. · 2 Fondation pour la Recherche Médicale •numéro 84 • 4e trimestre - octobre 2000 P our la Fondation pour la Recherche

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  • D É C O U V R I R P O U R G U É R I R

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    n° 84 / 4e trimestre / octobre 2000 / 15 F / 2,29 uFondation pour la Recherche Médicale

    Vos dons en action p. 20Tribune presse : la médicalisation

    en question p. 26

    Point de vue : Bernard Maitte p. 28La Fondation à l’écoute p. 30Questions-réponses p. 36

    p. 8 Prévention et nouvelles recherches

    Vaincreles diabètes

    Vaincreles diabètes

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  • 2 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 2000

    Pour la Fondation pour la Recherche Médicale, le dévelop-pement d’une information scientifique à la fois rigoureuseet largement accessible constitue un objectif majeur. La diffusion de ce type d’information à un vaste publicest en effet nécessaire pour chacun… et pour tous.

    A l’échelle individuelle : les pathologies prospèrent sur le terrain de l’ignorance, de l’absence de prévention, de dépistages négligés,de modes de vie inadaptés… Autant de facteurs qu’une bonne information médicale peut combattre. Cette idée est au cœur denotre dossier consacré aux diabètes : les diabétiques qui s’ignorentou qui sous-estiment les conséquences de leur affection sont encorebien trop nombreux!Mais l’information est aussi indispensable pour placer la rechercheau cœur du débat démocratique. Les découvertes scientifiques, les avancées médicales sont désormais porteuses de débats éthiquescomplexes. Comme le souligne Bernard Maitte, dans la rubrique«Point de vue», les décisions qu’elles appellent ne peuvent êtreconfiées aux seuls scientifiques, voire aux seuls politiques.Que voulons-nous collectivement faire des nouvelles conquêtes du savoir? Le débat doit être ouvert, les participants nombreux… et bien informés.A vos côtés, la Fondation s’engage dans ce partage des connaissancesscientifiques et médicales.

    Pierre Joly

    Président

    L’information, pourchacun et pour tous…

    La Fondation pour la Recherche Médicale est

    membre fondateur du Comité de la Charte de

    Déontologie des associations humanitaires.

    É D I T O R I A L Directeur de la publication :Pierre Joly,Président de la Fondation pour la Recherche Médicale,établissement reconnu d’utilité publique par décretdu 14 mai 1965Directeur général :Claire Dadou-WillmannComité de rédaction :Claire Dadou-WillmannPr Claude DreuxAmah KoueviMarie-Françoise LescourretDr Carole Moquin-PatteyClaude PouvreauMarie-Christine RebourcetAdélaïde RobertPériodicité trimestrielleCopyright : La reproduction des textes, même partielle,est soumise à notre autorisationsur demande écrite préalable.Ont participé au dossier :Gérard Réach, Jean-François Bach, Michel Marre, Eveline Eschwège, Philippe Passa, Philippe Froguel, Charles Thivolet.Ont participé à la rédaction :Marielle Mayo Corinne DupuyChantal GueniotMartine LochouarnCorinne PézardAkéla SariPhoto de couverture :Uwe Kreici/StoneConception, réalisation :

    26, rue du Sentier75002 Paris

    Date et dépôt légal à parution :ISSN 0241-0338Dépôt légal n° 8117Numéro CP 62273

    Pour tous renseignements ou si vous souhaitez vous

    abonner, adressez-vous à :Fondation pour la Recherche

    Médicale54, rue de Varenne

    75007 ParisService donateurs :

    0144397576Information scientifique :

    0144397568/92Publication :0144397565

    Prix de l’abonnement pour 4 numéros :

    60 F/9,15 uChèque à l’ordre de la Fondation

    pour la Recherche Médicale

    Site Internet : www.frm.org

    frm_5884_editosom_ok 11/03/03 17:49 Page 2

  • ÉCHOS SCIENTIFIQUESUne gélule-caméra, la maladie de Crohn, la poussièreau service des allergies, la thérapie génique au secours des enfants bulle… Les progrès de la recherchemédicale, tous azimuts.

    DOSSIERVaincre les diabètes : prévention et nouvelles recherches En France, le diabète touche aujourd’hui 2,5 millionsde personnes. Elucider les mécanismes d’une maladieaux complications multiples, mettre au point des thérapies plus efficaces et moins contraignantes… Où en sont les chercheurs?

    Il n’y a pas de «petit» diabèteAvec le Pr. Philippe Passa, service de diabétologie del’hôpital Saint-Louis à Paris, président de l’Alfediam.

    Les nouvelles pistes de rechercheMieux vivre son diabète au quotidien

    VOS DONS EN ACTIONLa Fondation pour la Recherche Médicale présente les projets qu’elle soutient dans le cadre de son programme «Action Recherche Santé 2000».

    Combattre les cécités des personnes âgéesUn meilleur diagnostic des retards mentaux liés au chromosome XSclérose en plaques : débusquer les gènes de prédispositionet de gravitéUne toxine contre les troubles urinaires associésà la sclérose en plaquesMieux connaître les surdités héréditaires

    La médicalisation en questionQuatre spécialistes, Joël Ménard, Jean-Pol Tassin,Xavier Nassif et Didier Sicard, débattent des évolutionsde la médicalisation à la tribune presse FRM.

    POINT DE VUEMettre la science en cultureEntretien avec Bernard Maitte, physicien, historien des sciences et épistémologue.

    LA FONDATION À L’ÉCOUTERencontresLes professeurs Monique et André Capron.

    Léguer l’espoirUne femme engagée.

    Questions-réponsesAvec le professeur Philippe Chanson.

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    S O M M A I R EDR

    Page 8 - Le diabète, à quand la fin des traitements contraignants?

    Page 34Une exposition pour mieux comprendrele rôle des sucres dans le fonctionnement de notre organisme.

    Gil L

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    Page 5Cancer des os : une molécule à l’essaipour combattre les douleurs osseuses.

    Page 22 - Le Pr Jamel Chelly (Inserm/Cochin) travaille à identifierles gènes liés aux retards mentaux sur le chromosome X.

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    CNRI

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 2000

    frm_5884_editosom_ok 11/03/03 17:49 Page 3

  • Les recherches sur l’obésitéont fait de grands progrèsau cours de la décennieécoulée. Dernière découverteen date : on pourrait stabiliser le poidsdes personnes obèses en inhibantl’activité d’une enzyme impliquéedans le métabolisme des graisses.Cette enzyme, la Dgat (acyl CoA :diacylglycérol transférase), joue un rôle important dans la synthèsedes triglycérides, forme la plusimportante de mise en réserved’énergie dans les cellules adipeuses.On pensait que cette enzyme étaitindispensable au processus de synthèse et, de ce fait, essentielle à la vie. Une étude montre qu’il n’enest rien. Des souris privées de Dgatsont viables, se reproduisent et sont

    en outre capables de synthétiser normalement des triglycérides.Surtout, elles restent minces, mêmelorsqu’elles sont soumises à un régimehypercalorique. Cette résistance à l’obésité n’est pas liée à un manqued’appétit, mais au fait qu’elles sontplus actives et brûlent plus de calories.Peut-être pourra-t-on un jour proposer un inhibiteur de l’enzymeDgat aux personnes obèses, pour leur permettre une cureamaigrissante sans souffrance. Il reste aux chercheurs à trouver cet inhibiteur et à vérifier que la suppression de cette enzymenaturelle n’a pas de répercussions qui pourraient être néfastes. �

    Source : Nature Genetics, mai 2000.

    ÉCHOS SCIENTIFIQUESParce que nous souhaitons vous communiquer une informationde qualité, hors des «effets d’annonce», indépendante des intérêtsfinanciers, nous avons rassemblé, dans cette rubrique, les échosscientifiques et les faits les plus marquants de la recherche

    médicale mondiale de ces derniers mois. La thérapie génique au secours des enfants bulle, une révolution dans la technique de l’endoscopiedigestive, l’hormone de croissance contre la maladie de Crohn, le VIH au service de la thérapie génique… Aperçu des derniers progrès de la recherche biomédicale.

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 20004

    Manger sans grossir

    Les recherches en laboratoire sur l’obésité avancent grâce à la Dgat. Pour exemple, les souris qui ont reçucette enzyme résistent à un régime hypercalorique et restent minces.

    BSIP

    /VEM

    Parkinson ou le gène Parkin

    Une vaste étude européennelancée par l’équiped’Alexis Brice à l’hôpital

    de la Pitié-Salpêtrière (Paris)

    montre que des mutations

    dans le gène Parkin sont

    responsables de près de la moitié

    des formes familiales précoces

    de la maladie de Parkinson.

    Or, chez les patients porteurs

    des mutations, la maladie

    évolue lentement et répond

    mieux au traitement par la

    L-Dopa, molécule thérapeutique

    courante, que dans la forme

    classique. Les chercheurs s’atta-

    chent maintenant à connaître

    la fonction de ce gène Parkin

    et de la protéine qu’il produit,

    pour mieux comprendre la

    genèse de la maladie et proposer

    de nouveaux traitements. �

    Source : New England Journal of Medicine,mai 2000.

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  • 5

    Combattre les douleursosseuses

    Ostéoclaste creusant une lacune de résorptionosseuse, vu au microscope électronique à balayage.

    CNRI

    Les douleurs violentes associées aux cancers osseux pourraient être dues à l’action directe ou indi-recte des ostéoclastes (cellules responsables de la résorption du tissuosseux). Dans une étude récente, on a administré à des souris atteintesd’un cancer des os de l’ostéoproté-gérine, une molécule qui inhibe l’activité des ostéoclastes. La taille des tumeurs n’a pas diminué, mais on n’a observé chez ces souris aucun signe habituel de douleur. Par ailleurs, l’administration d’ostéo-protégérine seule n’a entraîné aucuneréaction indésirable. Si son efficacitéest confirmée chez l’homme, elle pourrait considérablement amé-liorer la qualité de vie des maladesatteints de cancers osseux. �

    Source : Nature Medicine, mai 2000.

    L’endoscopie digestive classique sera-t-elle un jour supplantée par la gélule-caméra ?

    BSIP

    /Vill

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    La gélule-caméra explore l’intestin

    Mettre dans une gélule une caméra vidéo et la faire avalercomme un cachet d’aspirine par un patient pour visualiserson intestin grêle. Le procédé relève a priori de la science-fiction.

    Et pourtant, les premiers essais réalisés chez dix volontaires ont

    montré qu’il peut être efficace. Un succès quasi révolutionnaire.

    L’endoscopie digestive, technique habituelle qui permet de visualiser

    l’intérieur de l’intestin, nécessite l’introduction, peu agréable et

    souvent douloureuse, par voies naturelles, de tubes souples équipés

    d’une caméra; alors que cette nouvelle procédure, qui repose

    sur l’absorption d’une capsule sans fil, est totalement indolore.

    La gélule se déplace rapidement le long du tractus digestif jusqu’à

    son émission dans les selles – un parcours qui dure en moyenne

    24 heures, rapportent les expérimentateurs. La gélule contient une

    minuscule caméra vidéo, une source lumineuse et un transmetteur

    radio qui envoie les images vers un boîtier d’enregistrement porté

    par le patient. Avec ce système, qui permet plus de cinq heures

    d’enregistrement continu, les patients n’auront plus besoin

    de rester confinés à l’hôpital durant l’examen

    et seront libres de vaquer à leurs occupations. �

    Source : Nature, mai 2000.

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 2000

    Gélule-caméra

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  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 200066

    ÉCHOS SCIENTIFIQUES

    Un dérivé thérapeutique du VIHLa thérapie génique utilise souventdes virus pour transférer des gènesthérapeutiques à l’intérieur des cellules.Malheureusement, ces vecteurs sontsouvent incapables d’insérer leursgènes dans des cellules au repos, ne se divisant pas, précisément dans celles que l’on souhaite traiter. Pour éviter cet écueil, une équipe de l’Institut Pasteur ne propose rien de moins que d’utiliser le virus du sida.Il possède une stratégie particulière :une fois entré dans la cellule, il traversela membrane du noyau pour y transférerson matériel génétique, même dans la cellule au repos. Bien entendu, avant d’envisager son utilisationcomme cheval de Troie, il étaitindispensable de le rendre inoffensifen le vidant de ses gènes, excepté ceuxqui lui permettent de pénétrer dans le noyau. L’équipe de Luc Montagnieret de Pierre Charneau vient d’identifierces séquences. Il s’agit d’une portiond’ADN qui a l’originalité d’être forméede trois brins. Les chercheurs ont pu

    vérifier qu’elle peut être utilisée pour transférer un gène étranger à l’intérieur des cellules au repos. Si les essais sur l’animal confirmentcette capacité, ce nouveau vecteurpourrait être employé en thérapiegénique… y compris pour traiter le sida. �

    Source : Cell, avril 2000.

    Neurones du sommeil :mystère éclairciPourquoi certains passent-ils de mauvaises nuits tandis qued’autres se lèvent frais et dispos? Pour la première fois, une équipefranco-suisse de chercheurs a percéune partie du mystère en débusquantles neurones du sommeil. L’épopée de cette découverte ne date pas d’hier.Les scientifiques avaient déjà remarquéil y a 20 ans l’existence de neuronesactivés au cours de l’endormissementet inactivés pendant les phases d’éveil.Mais il a fallu attendre 1996 pour quel’Américain Chris Saper les localisedans une toute petite région, l’airepréoptique ventrolatérale. Et aujourd’hui, leur mode d’action est en passe d’être élucidé. De fait, desneurobiologistes ont mis en évidencel’action inhibitrice de trois substances,la noradrénaline, l’acétylcholine et la sérotonine libérées dans le cerveaupar les neurones des centres d’éveil.

    Les chercheurs pensent qu’il existeraitun équilibre permanent entre leszones d’éveil et de sommeil : lorsquel’une inhibe l’autre, le sujet s’endortou inversement. Quels sont lesfacteurs qui font pencher la balance?Les cycles jour-nuit et l’action d’unehorloge interne sont une explicationpossible. Autre hypothèse : l’actiond’un peptide hypnogène qui iraitinhiber les neurones de l’éveil etprovoquerait ainsi l’endormissement.Autant de points à vérifier, mais les chercheurs envisagent d’ores et déjà d’appliquer leur découverte à la création de nouveaux somnifères.Ils espèrent également comprendrepourquoi les humains sontcondamnés à dormir pour vivre.N’oublions pas que nous passons un tiers de notre vie à dormir! �

    Source : Nature, avril 2000.

    Virus du sida attaquant un lymphocyte.

    Des bactéries qui protègent de l’asthme

    Les efforts d’hygiène destinésà éliminer les microbespourraient augmenter les risques

    d’allergie. Cette théorie en vogue

    a reçu un début d’explication.

    Notre organisme produit

    des substances (cytokines)

    intervenant dans l’immunité,

    certaines (type 1) combattant les

    infections et ayant la propriété

    de diminuer la sensibilisation

    aux allergies. Des endotoxines

    produites par certaines bactéries

    en stimulant la production

    de facteurs de type 1 pourraient

    aussi empêcher ou diminuer

    le développement d’allergies.

    Hypothèse que semble

    confirmer une étude américaine :

    au domicile de jeunes enfants

    sensibilisés à des allergènes,

    la poussière de maison contient

    moins d’endotoxines. D’autres

    études sont donc nécessaires

    pour clarifier leur rôle.

    Source : Lancet, mai 2000.

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  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4e tr imestre - octobre 2000 77

    De l’hormone de croissancecontre la maladie de Crohn

    Indispensable au développement,l’hormone de croissance semble avoirdes effets bénéfiques dans certainespathologies. Un exemple vient denous être donné chez des patientsatteints de la maladie de Crohn. Cetteaffection inflammatoire de l’intestin,qui se manifeste par des diarrhées et des douleurs abdominales, entraînefatigue et amaigrissement. Parfoissévères, les symptômes apparaissentsouvent à l’adolescence ou au début del’âge adulte, puis sont désespérémentchroniques. Une équipe américaine a testé cette hormone en injectionintramusculaire. En quatre mois, les signes cliniques ont régressé trèssignificativement chez les 19 patientstraités, alors qu’ils restaient stablesdans un groupe ayant reçu un placebo.Cette amélioration leur a permis de réduire de moitié leurs traitementshabituels, non satisfaisants. Un réelespoir pour les 100000 Français atteints.Deux questions restent toutefois ensuspens : quelle sera l’efficacité de cettehormone à long terme? Et les effetssecondaires seront-ils acceptables? Lesréactions observées ont été transitoires(œdème, maux de tête). Des étudesplus longues seront nécessaires pourrépondre à ces questions. �

    Source : New England Journal of Medicine,juin 2000.

    La maladie de Crohn atteint la partie terminale de l’intestin grêle.

    Première médicale :

    il est désormais

    possible de guérir

    par thérapie

    génique. La voie a été

    ouverte par une équipe de

    recherche française dirigée

    par le Pr Alain Fischer (hôp.

    Necker-Enfants malades de

    Paris), président du Conseil

    scientifique de la FRM,

    qui a traité des enfants

    atteints d’un déficit

    immunitaire héréditaire,

    DICS-X. Cette maladie rare

    (1 cas pour 150000 naissances,

    soit 5 cas par an en France),

    caractérisée par l’absence totale de cellules immunitaires,

    est due à une mutation touchant le gène gamma/c situé sur

    le chromosome X. Elle ne touche que les garçons. Pour éviter

    les infections en attendant une greffe de moelle osseuse – jusqu’ici

    le seul traitement –, ils sont obligés de vivre dans une bulle

    stérile, à l’abri des microbes. Pour la première fois, deux bébés

    âgés de 8 et 11 mois au moment du diagnostic ont été traités

    avec succès par thérapie génique. Plus d’un an après leur

    traitement, ils grandissent et se développent normalement.

    Pour corriger le DICS-X, ils ont reçu les cellules dont dérivent

    les globules blancs de l’immunité, dans lesquelles une copie

    normale du gène gamma/c a été introduite. «Bien sûr, ils devront

    être surveillés pendant toute leur vie pour s’assurer de leur bonne santé

    et contrôler à long terme le succès du traitement», indique le Pr Fischer,

    spécialiste en immunologie et hématologie pédiatriques,

    et coauteur, avec le Dr Marina Cavazzana (Inserm), de ces

    travaux. «Mais c’est la preuve tangible de l’efficacité de la thérapie

    génique.» �

    Source : Science, avril 2000.

    Des enfants bulle guérispar thérapie génique

    Les enfants bulle pourraient être bientôt libérés de leur «cage» grâce à la thérapie génique.

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    Jean

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  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 20008

    D O S S I E RDR

    Le diabète touche en France 2,5 millions de personnes et entraînede graves complicationsreprésentant la premièrecause d’hospitalisation.C’est dire l’enjeud’importance que représentent les travaux de recherche des équipes françaises et internationales.

    frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 8

  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000 9

    Obésité :

    200000 personnes touchées par le diabète de type 1,

    1800000 par le diabète de type 2 et 500000 diabétiques

    qui s’ignorent… Comment faire face à cette maladie?

    Aujourd’hui, les traitements restent très contraignants

    et ne permettent pas d’éviter toutes les complications.

    Le diabète relève à la fois de facteurs innés et du mode de vie.

    Comprendre ses mécanismes de déclenchement, mettre

    au point de nouveaux traitements et des moyens

    de prévention : tels sont les enjeux des programmes

    de recherche actuels.

    UNE MALADIE REDOUTABLE… ET EN EXPANSION p. 10

    IL N’Y A PAS DE PETIT «DIABÈTE» p. 15

    LES NOUVELLES PISTES DE RECHERCHE p. 16

    MIEUX VIVRE SON DIABÈTE AU QUOTIDIEN p. 18

    Prévention et nouvelles recherches

    VAINCRE LES DIABÈTES

    frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 9

  • D O S S I E R

    l e d i a b è t e

    e diabète est aujourd’hui un problèmemajeur de santé publique affectantquelque deux millions de personnesen France. Comment expliquer l’ex-plosion du nombre de cas? Quels sontles dangers de cette affection? Et enpremier lieu, qu’est-ce que le diabète?Comment devient-on diabétique ?Derrière cette maladie, ou plutôt ce

    groupe de maladies, se cache une réalité complexeque les chercheurs sont loin d’avoir totalementélucidée.

    «Passer à travers» : c’est la signification dumot d’origine grecque «diabète». LesAnciens avaient déjà observé ces patients quiboivent et urinent beaucoup. Le diabèterecouvre donc un ensemble de troubles ayanten commun une soif intense (polydipsie) et desmictions abondantes (polyurie). Dans le langagecourant, ce terme désigne plus précisément lediabète sucré. Sa caractéristique : une hyper-glycémie chronique, c’est-à-dire une augmen-tation incontrôlée et permanente ou quasi per-manente de «sucre» (glucose) dans le sang,résultant d’un déficit total ou partiel en insuline,hormone du pancréas indispensable pour frei-ner l’augmentation de la glycémie, après lerepas, par exemple.Les diabétiques de type 1, autrefois appelés «insulinodépendants», ne produisent pas d’in-suline. «Il s’agit d’un processus auto-immun quiretourne les mécanismes de défense naturels contre lepancréas, conduisant à la destruction progressive descellules sécrétrices d’insuline, les cellules bêta des îlotsde Langerhans», explique Jean-François Bach(Inserm U 25 – maladies auto-immunes : géné-tique, mécanismes et traitements, hôpitalNecker, Paris). La vie de ces malades est suspen-due à des injections quotidiennes d’insuline. On parle aussi de «diabète maigre» ou «juvé-

    nile», car il survient avant l’âge de 30 ans etentraîne un amaigrissement.Beaucoup plus fréquent, le diabète de type 2, ditaussi «non insulinodépendant», touche 90% desdiabétiques, soit environ 1,8 million de Français.Dit encore «gras» ou «de la maturité», ce diabètetouche plutôt l’adulte en surpoids, souvent après40 ans. Du fait de cet excès de graisses, les cellulesdes malades captent plus d’acides gras libres etmoins de glucose. «Ces cellules semblent devenirplus résistantes à l’insuline. Le diabète survient quandcette insulinorésistance s’associe à une anomalie dupancréas qui se caractérise par une sécrétion d’insulinerelativement insuffisante, explique Michel Marre(Inserm U 367 – physiopathologie expérimentalevasculaire, hôpital Bichat, Paris). On estime que20% à 30% de la population possède un pancréas àpotentiel insulinosécrétoire limité, mais seuls dévelop-peront un diabète ceux qui ont à la fois un potentielinsulinosécrétoire limité et une insulinorésistanceélevée.» Le diabète de type 2 peut être traité enpremière intention par un régime alimentaire etdes antidiabétiques oraux, mais il inquiète lesmédecins en raison de sa progression fulgurante.«La génération du baby-boom, née après 1946, est enpasse d’atteindre l’âge critique d’apparition de cetrouble. L’augmentation du nombre absolu de diabé-tiques dans l’ensemble de la population pourraitatteindre 10% du seul fait de ce changement démogra-phique», redoute Eveline Eschwège, (InsermU 258 – épidémiologie cardio-vasculaire et méta-bolique, hôpital Paul-Brousse, Villejuif). Selonl’Organisation mondiale de la santé, il y auraquelque 240 millions de cas en 2020 dans lemonde, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.

    Dans les pays occidentaux, ce sont les deuxgrands types de diabète. A côté des diabètesde type 1 et de type 2, il existe d’autres types dediabète. Le diabète gestationnel survient

    Une maladie redoutable…et en expansion

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 200010

    ● ● ●

    Il n’y a pas «un», mais «des» diabètes

    Des variantes nombreuses… aux origines diverses

    LDossier réal isé en col laborat ionavec le docteurGérard Réach,directeur del ’uni té Inserm U 341-serv icede diabétologiede l ’Hôtel -Dieude Par is .

    frm_5884_08-15_ok 11/03/03 17:40 Page 10

  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000 11

    Aliments

    Muscle

    Pancréas

    Foie

    Estomac

    Le diabète est la conséquence d’une carence en insuline, totale ou partielle. Soit l’insuline est absente (diabète de type 1). Soit elle est en quantité insuffisante et ne permet pas un apport correct de glucose dans les cellules (diabète de type 2). Dans les deux cas, le glucose sanguin ne peut plus pénétrer dans les cellules. Et, en l’absence d’insuline, au lieu de stocker du glycogène quand la glycémie s’élève, le foie continue de relâcher du glucose dans le sang. L’augmentation de la production de glucose par le foie et l’impossibilité pour les cellules de consommer ce glucose en excès expliquent donc l’hyperglycémie caractéristique du diabète.

    Diabète de type 1 Diabète de type 2

    Insuline

    Glucose

    Récepteur à insuline

    Récepteur à insuline modifié

    Le carburant essentiel de l’organisme estle glucose. Il est fourni par les aliments etdistribué aux cellules par le sang. Pendantles repas, comparables aux pleins d’essenced’une voiture, le taux de glucose sanguin(glycémie) s’élève. L’excédent de glucoseest mis en réserve dans le foie et lesmuscles sous forme de glycogène, unpolysaccharide formé par l’assemblage demilliers de molécules de glucose ; en casd’excès important, il est aussi transformé en graisse stockée dans le tissu adipeux.Entre les repas, l’organisme peut puiserdans ses réserves. Le glycogène est ànouveau découpé en molécules de glucosequi sont alors déversées dans le sang.Mais le glucose ne peut pas traverserspontanément la membrane des cellules.Le mouvement perpétuel de ce carburantvers les réservoirs et des réservoirs versles moteurs que sont les cellules dépendd’un subtil système de régulation hormo-nale orchestré par l’insuline. Lorsque letaux sanguin de glucose s’élève au-dessusde la normale, l’insuline est sécrétée par des cellules du pancréas contenuesdans les «îlots de Langerhans», du nomde leur découvreur, un médecin allemand. Cette hormone est la clef de la mise en réserve du glucose et de son entréedans les cellules.

    Le glucose, carburantorganique

    Cellule

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  • multipliés par deuxchez les diabétiquespar rapport aux non-diabétiques. Quelque soit le type dediabète, 1 ou 2, lesrisques sont d’autantplus élevés que lediabète est ancien etmal contrôlé. De nosjours, le danger decomplications aiguës,comme l’hypoglycé-mie – chute du tauxde glucose dans lesang sous le seuil cri-tique de 0,6 grammepar litre mettant le

    cerveau en péril –, est devenu rare grâce à unemeilleure prise en charge thérapeutique et àl’éducation du diabétique. Mais les compli-cations chroniques sont insidieuses, car elles sedéveloppent à l’insu du patient. «Ce n’est pas àproprement parler l’élévation glycémique qui est encause, mais son retentissement sur les tissus», sou-ligne Michel Marre. De nombreux mécanismes,incomplètement élucidés, sont impliqués. Parmices processus, deux ont été clairement mis enévidence : la glycosylation (ou glycation, anglic.)des protéines cellulaires et l’accumulation desorbitol. La glycosylation est une réaction chi-mique entre le glucose en excès et certainesprotéines, susceptible de s’opérer partout dansl’organisme. Par exemple, dans le sang, avecl’hémoglobine des globules rouges qui véhiculel’oxygène dans le corps. Ou avec le collagène,dans le tissu conjonctif. Les réactions de glyco-sylation accélèrent le vieillissement des tissus enmodifiant les propriétés physiques et chimiquesdes protéines. Elles altèrent ainsi les petits vais-seaux sanguins en les rigidifiant et en les ren-dant plus perméables et donc susceptibles des’obstruer. Parallèlement, la qualité du sang sedétériore. Il circule moins bien. L’hémoglobine«glycosylée» ne transporte plus l’oxygène vitalaux cellules. L’augmentation des graisses dans lesang (cholestérol et, surtout, triglycérides) etl’hypertension artérielle sont des facteurs aggra-vants. Dans certains tissus, l’excès de glucose

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    lors de la grossesse, pendant les six pre-miers mois, et disparaît après l’accouchement. Ilconcerne 3% à 5% des grossesses et génère unrisque de macrosomie fœtale, c’est-à-dire la nais-sance d’un enfant trop gros. De plus, près de lamoitié des femmes ayant présenté ce type detrouble risquent de développer par la suite un dia-bète de type 2. D’autres diabètes n’ont rien à voiravec le pancréas. Le diabète rénal, par exemple,se caractérise par la présence de glucose dans lesurines, mais la glycémie est normale. Quant auxdiabètes dits «secondarisés», ils ont pour originedes maladies bien précises, tels certains troublesendocriniens caractérisés par une sécrétion exces-sive d’hormones hyperglycémiantes commel’hormone de croissance ou le cortisol.

    La gravité du diabète est liée à son évolution.«L’hyperglycémie chronique expose les diabétiquesà de multiples complications, notamment au niveaudes gros et des petits vaisseaux, des reins, des nerfs etdes yeux, réduisant ainsi l’espérance de vie en l’absencede traitement», indique Michel Marre. A âge égal,les taux de décès, toutes causes confondues, sont

    «L’hyperglycémie chronique expose les diabétiques à de multiples complications. A âge égal, les taux

    de décès sont multipliés par deux.»

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    ●●●

    Le diabète de type 1 survient de façonsporadique et est souvent diagnostiqué en phase aiguë, après que le systèmeimmunitaire a détruit «en silence» les cellulesfabriquant l’insuline. On peut identifier ce «prédiabète» avec des marqueursbiologiques. Prélude à des essais

    thérapeutiques de prévention, un groupe français de dépistage du diabète a été créé pour fédérer les études de prédictionmenées dans divers centres de diabétologie français. En Sardaigneet en Finlande, où l’incidence de ce diabète est l’une des plusélevées du monde (35 cas pour 100000, cinq fois plus qu’enFrance), la quasi-totalité des grossesses fait l’objet d’un suivi.L’analyse des prélèvements de sang ombilical vise notamment à identifier les facteurs (alimentaires et viraux) soupçonnés de déclencher la maladie chez les sujets prédisposés.

    Diabète de type 1 : identifierles facteurs de risques

    Pourquoi le diabète est dangereux

    CNRI

    /Med

    net

    Le glucose contenu dans les sucres est le «carburant»principal de l’organisme.

    Imag

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  • 13

    entraîne une accumulation de sorbitol, un alcoolissu de la transformation du glucose. Une foisformé, le sorbitol est piégé dans les cellules et lesfait gonfler. Cet effet a été clairement démontrépour le cristallin, le rein et les nerfs. L’effet per-vers de l’hyperglycémie chronique s’exerce ainsisur de nombreux organes. A la longue, la mala-die accélère la formation des plaques d’athérome(dépôts de cholestérol dans les parois artérielles),augmentant les risques d’infarctus du myocarde,d’hypertension artérielle, d’accident vasculairecérébral et d’artérite des membres inférieurs. Enaltérant également les capillaires de tout l’orga-nisme, elle peut aussi provoquer des rétino-pathies (maladies de la rétine). Le diabète estl’une des premières causes de cécité irréversibledans les pays industrialisés, d’insuffisance rénalechronique et de glaucome (maladie de l’œilmenaçant à terme le nerf optique). Enfin, lesdiabétiques semblent plus sensibles que la popu-lation générale aux infections cutanées, buccaleset gynécologiques.

    A l’heure actuelle, le diabète de type 1 est traité avec de l’insuline, le diabète de type 2avec des médicaments hypoglycémiants et, dans

    Prévenir les complications : un enjeu de santé publique

    Les cellules bêta des îlots de Langerhans contenus dans le pancréas endocrine sont responsables de la sécrétion naturelled’insuline; leur destruction entraîne la lésion pancréatique qui cause le diabète de type 1. La greffe d’îlots est l’une des pistes de recherche thérapeutique.

    tous les cas, le traitement est accompagné demesures diététiques. On surveille la glycémie parles autocontrôles, que le patient réalise lui-même,et par des analyses en laboratoire. Des examenscomplémentaires destinés à déceler précocementd’éventuelles complications sont pratiqués régu-lièrement. Mais on ne guérit pas encore le dia-bète. «Avoir un diabète bien équilibré est le souhaitque formule souvent le médecin pour son patient dia-bétique. L’objectif des traitements et de la surveillancemédicale est de maintenir la glycémie le plus prèspossible de la normale, le plus longtemps possible.En pratique, explique Gérard Réach (Inserm

    U 341 – génie biomédical et dia-bète sucré, Hôtel-Dieu, Paris), le médecin doit fixer à son patientdiabétique un objectif glycémique

    individuel et le persuader d’y par-venir en suivant ses indications. Ildoit également participer à sonéducation de diabétique et lui faireprendre conscience du caractère per-nicieux de la maladie.» Les désé-quilibres glycémiques sont, eneffet, indolores. On ne souffrepas du diabète mais de sesconséquences. Comme le

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000

    Chiffres à l’appui• 180 grammes :besoins journaliersen glucose d’unhomme de 70 kg.Sur ces 180grammes, 120 vont au cerveau.

    • 1,10 gramme/litre :taux normalmaximal deglucose dans le sang à jeun.

    • 80000 : nouveauxcas de diabètediagnostiqués en France, en 1997.

    • 6000 : nouveauxcas de diabètediagnostiqués avant 40 ans enFrance, en 1997.

    • 60-65 ans :âge moyen des diabétiques de type 2.

    • 20000 F :consommation de soins desdiabétiques de type 2 parpatient et par an, le double de la consommationmédicale moyennedes Français.

    • 7% : pourcentagede la populationaméricaine atteintede diabète, contre2% à 4% en Europe.

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    Les injections d’insuline permettent de maintenir une glycémie normale.

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    14 Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000

    patient ne sent rien, il peut être tenté denégliger son traitement et ses bilans médicaux.Les diabétiques de type 1, qui, généralement,développent très tôt la maladie, ont moins dedifficultés à se plier aux exigences du traitementque ceux de type 2. Avec des collègues del’Inserm et du service médical de l’assurancemaladie de Paris, Eveline Eschwège a réalisé unerevue systématique des publications médicales etéconomiques sur le diabète de type 2 en France.Selon l’une des conclusions, «60% des diabétiquesde type 2 depuis en moyenne dix ans ont un surpoidsou une obésité (…). Entre 20% et 30% présenteraientune pathologie cardiaque, la moitié de ces patients ayantun antécédent d’infarctus ou de revascularisation,50% ont une hypertension artérielle, 14% présententdes neuropathies. Pourtant, rappelle Michel Marre,dans tous les cas, des essais thérapeutiques régionauxont prouvé qu’une surveillance médicale étroite et untraitement intensif peuvent retarder l’apparition descomplications». Des programmes de recherche

    appliquée sont entrepris. L’essai DCCT (DiabetesComplication Control Trial), par exemple, a étéréalisé aux Etats-Unis, entre 1973 et 1993, sur1470 diabétiques de type 1 âgés de 13 ans à 39 ans.Tous étaient traités avec de l’insuline, mais ungroupe a bénéficié, en outre, d’un contrôle médi-cal intensif. Après sept ans de suivi, ce groupe avaitdivisé par deux son risque de microangiopathies –responsables de troubles oculaires et rénaux.Concernant le diabète de type 2, l’étude UKPDS(United Kingdom Prospective Diabetes Study) aété conduite au Royaume-Uni entre 1977 et 1997sur près de 3000 diabétiques de type 2 chez qui lamaladie venait d’être diagnostiquée. Elle visait àcomparer l’intérêt d’un traitement conventionnel(mesures diététiques) avec un traitement plusintensif incluant un médicament hypoglycémiant.Ce dernier a permis de réduire le risque global decomplications de 25%. D’autres grands essais de cetype sont en cours. Leur objectif : optimiser l’arse-nal thérapeutique actuel. Par exemple, l’intérêt decertains médicaments sur les risques de complica-tions cardio-vasculaires et rénales est en coursd’évaluation. On tente aussi de vérifier si des mul-tithérapies fondées sur des cocktails d’antidiabé-tiques oraux peuvent permettre de maîtriser laglycémie de façon durable. Faire au mieux avec cedont on dispose, en attendant de trouver la théra-peutique idéale… ■

    Un ensemble de facteurs font le lit de la maladie, au premier rangdesquels l’obésité et une prédisposition héréditaire. «80% desobèses ne sont pas diabétiques, mais 80% des diabétiques sontobèses», constate Philippe Froguel, directeur du département de génétique humaine de l’Institut Pasteur de Lille. L’obésitésemble impliquée dans le déclenchement du processus qui conduità l’insulinorésistance chez les individus prédisposés. Dans le cadred’une étude lancée en 1990, l’Institut Pasteur de Lille a constituéla plus grande «banque» mondiale d’échantillons d’ADN defamilles de diabétiques. Le centre dispose de données sur plus de2500 individus appartenant à plus de 450 familles. Les premiers

    résultats ont permis de découvrirune dizaine de gènes intervenantdans le déterminisme de la maladie.Par exemple, le gène de laglucokinase, une enzyme qui joueun rôle clé dans le maintien de laglycémie normale, ou le gène duglucagon, une hormone contrôlantla production de glucose par le foie et régulant la sécrétiond’insuline. Ces études ont permisde mettre au point des modèlesanimaux afin de mieux comprendreles mécanismes qui président au déclenchement de la maladie.L’enjeu pour les années à venir est de dépister les personnessusceptibles de développer un diabète, et, donc, d’envisagerles mesures préventives qui fontaujourd’hui cruellement défaut.

    Comprendre le diabète de type 2

    Le test de glycémie : un autocontrôle qui vient compléter lesanalyses et les examens nécessaires au dépistage et au suivi.

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    Structure en trois dimensions de laglucokinase, enzyme impliquée dansle maintien de la glycémie normale.Certaines régions de l’enzyme peuventêtre mutées et perturber la productionde l’insuline.

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    DR

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  • L’avis du professeur Philippe Passa, service de diabétologie, hôpital Saint-Louis, à Paris, et président de l’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladiesmétaboliques (Alfediam).

    Le diabète de type 2 est marqué par une explosion de type épidémique.Face à la gravité des complications, qui pourraient être significativementréduites par un suivi médical régulier et un traitement correct, on ne peutque regretter l’ignorance de la population générale, des patients et, hélas, de trop nombreux médecins. Les 180000 à 200000 diabétiques de type 1,qui doivent pour survivre faire tous les jours des injections d’insuline, sontglobalement correctement soignés. Les complications ont été considérable-ment réduites. On s’en réjouit, même si l’on peut déplorer une augmentationlégère du nombre de cas dans notre pays.Le diabète de type 2, lui, est un problème majeur de santé publique,condamné à s’aggraver dans les prochaines années. Rappelons qu’il toucheactuellement dans notre pays 1,8 million de personnes et que ce nombre a doublé ces dix dernières années. A ces patients connus et traités, il fautajouter 400000 à 500000 diabétiques de type 2 méconnus, donc non traités.Cette évolution est liée au vieillissement de la population, à une alimen-tation hypercalorique, riche en graisses, associée à une sédentarité, ce quifavorise le surpoids et la survenue du diabète chez des sujets génétiquement prédisposés. Il est fondamental d’améliorer le dépistage des diabétiques quis’ignorent, en faisant doser la glycémie chez tous les sujets de plus de 40 ans,ayant dans leur famille un ou plusieurs cas de diabète de type 2.Une telle démarche n’est pas suffisamment prescrite par les médecins, et,malheureusement, les sujets potentiellement diabétiques ne le réalisent pascar le diabète de type 2 est perçu à la fois comme une maladie honteuse,punition d’excès passés, et comme une petite maladie. N’entend-on pas dire :«J’ai un petit diabète.»? Ce qui ne favorise pas une prise en charge active…Par malheur, chez ces sujets qui cumulent souvent hyperglycémie, hyper-tension artérielle, hyperlipidémie, voire tabagisme, la survenue à bas bruit de complications cardio-vasculaires est extrêmement fréquente.Le diabète de type 2 multiplie par trois le risque de maladie coronaire. C’est de très loin la première cause des amputations et des décès de l’adulte.Si tous les malades bénéficiaient d’un suivi médical régulier et d’un trai-tement correct, la survenue de ces complications dramatiques aux planshumain et financier pourrait très bien être évitée. Une prise en charge glo-bale du diabète et des différents facteurs de risque cardio-vasculaire associés(tabac, hypertension artérielle, hyperlipidémie) a fait la preuve de sa remar-quable efficacité.Il est donc fondamental de dépister plus précocement les sujets atteints, d’informer la population générale et les malades sur cette redoutable ma-ladie silencieuse et sur les bénéfices considérables que l’on peut tirer d’untraitement correct.

    O p i n i o n

    Il n’y a pas de «petit» diabète

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000 15

    DR

    «Le diabète de type 2 estperçu comme une

    maladie honteuse.

    Et comme une petite

    maladie. Il faut

    améliorer le dépistage

    des diabétiques qui

    s’ignorent, en dosant

    la glycémie des sujets

    de plus de 40 ans

    ayant dans

    leur famille un

    ou plusieurs cas

    de diabète de type 2.

    Cette démarche n’est

    pas assez prescrite

    par les médecins.»

    La prise en charge globale, préventive et thérapeutique des diabétiques a fait ses preuves. Pourtant, dans notre pays, 400000 à 500000 diabétiques s’ignorent…

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    our les diabétiques de type 1, le rêve seraitd’éviter les piqûres»,indique Gérard Réach(laboratoire Génie

    biomédical et diabète sucréà l’Inserm, unité 341, CHU Hôtel-Dieu, Paris).Par voie orale, l’insulineest dégradée au cours de la digestion. Les chercheursexpérimentent des formessusceptibles d’être avalées.De minuscules capsulesabritant de l’insulinecombinée à une autremolécule (un polymèrecolloïdal) sont testées surdes animaux diabétiques.Quant à la voie nasale, les laboratoires avancent.Toutefois, l’utilisation desprays à insuline augmentela vitesse d’action de l’hormone : leur emploiserait donc limité, avantun repas ou commeappoint pour corriger une soudaine montéeglycémique. Autre axe de recherche : un capteurde glucose produisant

    L e d i a b è t e

    Avec la col laborat ion de Gérard Réach, directeur de l ’uni té Inserm U 341 – CHU Hôtel-Dieu, Par is , et Philippe Froguel, chercheur au département de génét ique humaine, CNRS, Inst i tut de biologie,Inst i tut Pasteur de L i l le .

    16

    en milieu artificiel ou sous forme congelée. Leur greffe a permis de corriger le diabète chez les animaux. Chez l’homme, uneexpérience canadienne a été tentée avec succèssur sept patients. Si le résultat sembleépoustouflant, le recul et le nombre de patientssont faibles. Et il faudrapréciser les indications. Autre problème : pourqu’un malade de 70 kgpuisse se passer d’injectionsd’insuline, il lui faudrait500000 îlots, la moitié du nombre d’îlots présentsdans un pancréas. Les méthodes actuelles nepermettent pas d’en isolerautant à partir d’un seulpancréas. Quand on connaîtles problèmes pour trouverun donneur d’organe!Les scientifiques s’oriententdonc vers les îlots porcins qui produisent une insuline proche de l’hormone humaine. En France, on prépare des porcs dits EOPS(exempts d’organismespathogènes spécifiques),mais la crainte de transmettre des virusporcins à l’homme suscited’énormes réflexions chez les scientifiques et les politiques. Pluslointaine, la perspectived’insérer dans des cellulesdu foie un gène contrôlant

    Les nouvelles pistes de recherche

    un courant électriqueproportionnel à la glycémie.«Une sorte de systèmed’alarme destiné à mimer une des fonctions défaillantes des cellules insulinosécrétricesdu pancréas qui est de mesurerà tout instant la glycémie pourrégler la sécrétion d’insuline»,précise le Dr Réach. Son équipe travaille en collaboration avecl’Université du Kansas(Etats-Unis) et l’Ecole des mines de Fontainebleauà la mise au point d’un système qui seraitimplanté sous la peau. Le plus proche d’une misesur le marché, baptiséGlucowatch, se portecomme une montre ; il comporte une partiejetable contenant une substance capabled’extraire du liquide à travers la peau et d’enmesurer le taux de glucose.

    Des greffes à la thérapiegéniqueUne autre techniqueporteuse d’espoirs est lagreffe d’îlots de Langerhans,que les chercheurs saventdésormais isoler du restedu pancréas. «Il s’agit de gonfler l’organe avec unesolution d’enzymes capables de les séparer, de les recueillir,puis de les purifier avec un séparateur de cellules»,explique Gérard Réach.Une fois récupérés, ils peuvent être conservés

    PComment vaincrele diabète? Les recherches en cours sur les modes alternatifsd’administration del’insuline visent àaméliorer la qualitéde vie des malades. A plus long terme,les médecinsespèrent pouvoir les guérir. Des greffes de cellulesà la thérapie génique, la diabétologie du troisièmemillénaire affûte ses armes. Le pointsur les pistesactuellementexplorées…

    La Glucowatch (non encorecommercialisée) se substituera auxcellules défaillantes du pancréas pourmesurer la glycémiede celui qui la porte.

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    des sensibilisateurs à l’insuline, des agentsluttant contre la résistance des tissuscibles à l’action del’hormone. Parmi eux, la 4-hydroxy-isoleucine, un acide aminé isolé des graines du fenugrec,une légumineuse de Méditerranée et d’Asie,dont l’intérêt insulino-stimulant a été montré par des chercheursmontpelliérains. Le GLP1

    la production d’insuline.Une équipe israélienne du Sheba Medical Center a montré qu’il est possiblede modifier ces cellules etde déclencher le mécanismede synthèse d’insuline dans le foie de souris. Il faut maintenant passer aux cellules humaines.

    Vers des traitementsmieux ciblésPour les diabétiques de type 2, on étudie

    Les chercheurs ne négligent aucune piste, qu’il s’agisse de soulager les malades au quotidien ou de les guérir : nouveaux modes d’administration de l’insuline par voie orale ou nasale, systèmes de veille glycémique, greffe d’îlots de Langerhans, thérapie génique...

    Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000

    DR(un dérivé du glucagon), le vanadium (un métal) et une molécule extraited’un champignond’Afrique sont égalementinsulinostimulants.La génétique du diabète de type 2 n’a pas permisd’identifier tous lesdéterminants génétiquesde la maladie mais elle a éclairé les scientifiquessur les mécanismes du contrôle de la glycémie,«surtout de l’insulinosécrétion»,

    précise Philippe Froguel,(département de génétiquehumaine, CNRS, Institutde biologie, InstitutPasteur de Lille). Ainsi, la mise en évidencedu nombre de ciblesthérapeutiques potentiellespourrait faciliter la mise au point de médicamentsplus ciblés, donc plusefficaces. Tout l’enjeu de la diabétologie est de passer du collectif à l’individu. �

    «La mise en évidence de nombreuses cibles thérapeutiques pourrait faciliter la mise au point de médicaments plus efficaces.»

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    Avec la collaboration de Charles Thivolet, hôpital Edouard-Herriot, à Lyon.

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    L’exercice est vivementrecommandé car il augmentel’efficacité de l’insuline et aide à prévenir l’obésité, voire à mieuxse prendre en charge en ayantune influence positive sur lepsychisme. Privilégiez la marche,le vélo et la natation. Mais si vousrecevez de l’insuline, attention

    aux sports en solitaire, comme l’alpinisme oula plongée, en raison des risques d’hypoglycémie.Dans tous les cas, demandez l’avis de votremédecin avant de vous lancer dans un sportviolent ou une activité d’endurance telle quele footing. Et souvenez-vous : mieux vaut un exercice physique régulier qu’une activitéintense et ponctuelle.

    Pédiatrie

    Soutenir l’enfant et l’adolescent

    Le diabète est une affection

    chronique au long cours.

    Pour que son évolution soit

    le plus lente possible, outre

    une étroite surveillance médicale,

    la pleine participation du malade

    est impérative. Or, il n’est pas rare

    de voir des patients céder à un accès

    de désespoir et rejeter leur maladie

    et ses contraintes. D’où l’intérêt

    d’un soutien médical,

    mais aussi familial et social.

    Quelques conseils pour bien

    vivre avec son diabète.

    Sport

    Bien dans son corpsOn compte chaqueannée 7 à 10 nou-veaux cas de diabète de type 1 pour 100000habitants chez les moinsde 15 ans, apparaissantsoit avant l’âge de 4 ans,soit à la puberté. Les sucreries (confiseries,boissons sucrées, glaces…)ne sont pas interditesmais ne doivent pas êtreprises seules, sauf avismédical contraire. L’adolescence est un cap difficile car les transformationshormonales peuvent modifierles besoins en insuline. De plus, le jeune patient peut mal vivre les contraintes de sa maladie. Soyezattentifs et n’hésitez pas à demander un soutien psychologique.

    Mieux vivre son diabète au q

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  • Les divers types d’insulinedu marché se différencientpar leur origine et leur vitessed’action (ultrarapide, régulière,intermédiaire, ultralente).Quelle que soit la vôtre, elle travaille de façon différenteselon le site d’injection. Dans le ventre, elle agit beaucoup plusvite que dans les cuisses. Pouréviter les grandes variations, on conseille de toujours pratiquerl’injection du matin au même endroit, par exemple dans l’abdomen. Si vous en utilisez le soir, choisissez unautre endroit, toujours le même, par exemple les cuisses.Parlez-en avec votre médecin ou votre pharmacien.

    Insuline

    Dans la cuisse ou… le ventre

    1919

    Aide, infos,conseils…• L’Associationfrançaise desdiabétiques (AFD)regroupe 50000diabétiques adultesen France. Sur saligne Allô Diabète (0140096809), diabétologues,assistantes socialeset diététiciennesrépondent auxquestions du lundi au vendredi, de 9h à 18h. AFD : 58, rueAlexandre-Dumas -75544 Paris Cedex 11.Tél. : [email protected]

    • Aide aux jeunesdiabétiques (AJD) regroupe parents etpédiatres. Elle proposedes guides pratiques,des sessions pour les parents et des vacancessportives encadrées.AJD : 17, rue Gazan -75014 Paris. Tél. : 0144168989.

    • Une section dediabétiques existe ausein de la Fédérationfrançaise de randonnéepédestre : 14, rueRiquet - 75019 Paris. Tél. : 0144899393.

    • Le site Internet de l’Association delangue française pourl’étude du diabète et des maladiesmétaboliques(Alfediam) est ouvertau public :www.alfediam.org

    • Le site Internet dela Fondation pour laRecherche Médicalepropose un dossiercomplet sur le diabète.www.frm.org

    On recommande trois repas «légers»pris à heures régulières, souventaccompagnés de collations. Variez votrealimentation et chassez le gras enchoisissant des produits laitiers et desviandes plus maigres. Remplacez laviande par le poisson et les légumineuses.Incluez du pain et des céréales de grainsentiers, des fruits et des légumes.Consommez moins de sel et d’alimentssalés. Enfin, «diététique» n’est passynonyme d’«aliment pour diabétique».Certains produits diététiques ont une teneur en sel, en graisses, en sucres ou en calories qui n’est pas adaptée.Lire l’étiquette est donc essentiel !

    Alimentation

    Plaisir et vigilance

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  • VOS DONS EN ACTIONLa recherche épidémiologique est encore trop peu développée en France et, aujourd’hui, les fonds publics suffisent rarement à financer un projet d’étude clinique ou épidémiologique dans sa globalité. Forte de ce constat, la Fondation pour la Recherche

    Médicale a décidé de soutenir une série de travaux de ce type. Pour y parvenir, elle a lancé le programme «Action Recherche Santé 2000» :un financement de 60 millions de francs au total, accompagné d’un suiviscientifique assuré par un comité d’experts. Sur les 150 équipes qui ontrépondu à l’appel d’offres de l’automne 1999, 16 ont été sélectionnées pourl’excellence scientifique et la qualité méthodologique de leur projet ainsique l’opportunité du sujet choisi face aux problèmes de santé publique :un plan d’action sans précédent pour contribuer à guérir toujoursdavantage de maladies. Gros plan sur cinq recherches.

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    Véritable problème de santépublique, la dégénérescencemaculaire liée à l’âge(DMLA) est une maladie oculairequi touche 1,3 million de personnesen France et 30 millions dans le monde. Elle est la premièrecause de cécité dans les paysdéveloppés pour les personnesde plus de 50 ans. La Fondationpour la Recherche Médicale soutientdonc un essai clinique de grandeenvergure, puisqu’il inclut 18 centresd’ophtalmologie et 13 centres de radiothérapie. Dirigé par le Dr Françoise Kœnig (serviced’ophtalmologie du CHU de Saint-Etienne - hôpital Bellevue),il vise à évaluer l’efficacité d’une irradiation par rayons Xdans le traitement des DMLA et la tolérance des patients à cette radiothérapie externe.Liée au vieillissement, la DMLA se caractérise par l’atteinte de la macula, région de la rétine responsable de la vision centrale. Les patients atteints ne peuvent ni lire, ni écrire, ni conduire, ni reconnaître un visage. Seul traitement reconnu, le laser nepeut traiter que 15% des cas, dontla moitié récidive à moins d’un an.En outre, il détruit les cellulesvisuelles en même temps que lesvaisseaux anormaux responsablesde la maladie. Depuis 1994, des traitements alternatifs ont étédéveloppés (chirurgie, interféron,thérapie photodynamique…),

    dont les résultats sont controversés.Environ 40% des patients restentinaccessibles à tout traitement.Pour cette population, la radio-thérapie peut constituer un espoir, car plusieurs études suggèrent ses bénéfices sur la DMLA. Pour la première fois, le protocole mis aupoint pour cet essai tente d’établirdes modalités reproductibles :indications, conditions de réalisation(doses, durée, nombre de séances),surveillance. «En effet, il est essentielde pouvoir disposer de données montrantque les bénéfices attendus peuvent êtresystématiquement obtenus dans des centres différents», explique le Dr Kœnig. Démarré en janvier 2000,

    l’essai porte sur 280 patients devantêtre suivis pendant trois ans. Pour évaluer l’efficacité réelle du traitement, la moitié des patientsest traitée par radiothérapie, l’autrepar traitement fantôme (placementdans les conditions du traitementmais sans irradiation). Ni les patientsni les ophtalmologistes ne sontinformés du traitement reçu. Le critère principal d’efficacité estl’acuité visuelle, mesurée sur une échelle standardisée, un an après le traitement. Tous les patients concernés sauront alors s’ils peuvent compter sur la radiothérapie externecomme traitement efficace.

    Atteinte rétinienne due à la dégénérescencemaculaire liée à l’âge (DMLA).

    Dr Françoise Kœnig,hôpital Bellevue, Saint-Etienne.

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    Combattre les cécités des personnes âgées

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    V O S D O N S E N A C T I O N

    Un meilleur diagnostic des retards mentaux liés au chromosome X

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    Certains retards mentaux sont dus à des anomaliesportées par le chromosome X.Difficiles à diagnostiquer, ces affectionsont des conséquences médico-socialesimportantes. Leur fréquence dans la population masculine est de 0,9 à 1,4 naissance pour 1000. En effet, les hommes ne possédantqu’un seul chromosome X hérité deleur mère, toute atteinte d’un gèneayant une fonction indispensable sur ce chromosome entraîne chezeux une perturbation fonctionnelle.L’équipe du Dr Jamel Chelly1, en collaboration avec l’équipe du Pr Jean-Louis Mandel2, a lancé

    en janvier 2000 une étude pouridentifier les gènes en cause dans leretard mental lié au chromosome X.Elle prolonge les travaux dulaboratoire de génétique et physio-pathologie des retards mentauxdébutés en 1995. Entre 1995 et 2000,l’équipe du Dr Chelly a identifiétrois gènes du retard mental lié au chromosome X et a contribué à l’identification de trois autres.Mais ces six gènes ne seraientresponsables que d’une très faibleproportion de cas et le nombre de gènes impliqués dans la maladieserait beaucoup plus élevé (supérieurà 30). Il devenait donc indispensable

    d’initier des approches plus globales.C’est pourquoi la Fondation pour la Recherche Médicale a décidé de soutenir ces travaux. Ainsi, depuisjanvier 2000, en collaboration avecles équipes du Pr Claude Moraine3,du Dr Vincent Desporte4 et du Pr Jean-Louis Mandel, le laboratoiredu Dr Chelly a mis en œuvre la technologie dite des «puces» à ADN : plusieurs centaines decopies des séquences correspondantà l’ensemble des gènes du chromo-some X sont déposées sur des surfacesd’environ 1 cm2 préalablementtraitées. Ces «puces» servent à tester le matériel génétique de patients atteints de retard mental,afin de vérifier si certains de leurs gènes ont une expression très diminuée, ce qui suggéreraitleur possible implication dans la maladie. La responsabilité dans le retard mental des gènes«candidats» ainsi reconnus seraconfirmée par l’étude de famillesatteintes. L’inventaire des gènes du chromosome X et la mise au point technologique sont en cours. Les premiers essais sur des patients devraient avoir lieu fin 2000. L’étude, qui doit permettred’identifier une proportionsignificative des gènes recherchés,constitue une étape indispensablepour améliorer le diagnostic de ces maladies, en comprendre les mécanismes fondamentaux et, à terme, pouvoir mettre en œuvredes stratégies thérapeutiques efficaces.

    1 - Laboratoire de génétique et physio-pathologie des retards mentaux, institut de génétique moléculaire Cochin, Paris, unitéInserm 129 «Physiologie et pathologiegénétiques et moléculaires». A reçu, en 1999,le prix de la recherche médicale de la FRM.2 - Unité Inserm 184 de Strasbourg«Biologie moléculaire et génie génétique».3 - Service de génétique du CHU de Tours,hôpital Bretonneau.4 - Service de pédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris.

    Dr Jamel Chelly,institut de génétiquemoléculaire Cochin, Paris.

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    Près de 60000 personnes enFrance souffrent de sclérose enplaques (SEP). Cette maladieneurologique grave débute tôt – vers30 ans – et se manifeste 2 fois sur 3par un handicap lourd après dix ansd’évolution : troubles de la marcheet de la motricité des membressupérieurs, atteintes de l’équilibre et de la coordination, déficits de la vision et de la sensibilité…La sclérose en plaques se caractérisepar la destruction, dans le cerveauet la moelle épinière, de la myéline,une gaine de substance graisseuseentourant les axones, ces longs prolongements des neurones qui

    transmettent les messages nerveux. La cause de ces lésions demeuremystérieuse. Les études épidémiologiques ontmontré que la SEP est une maladiemultifactorielle. Interviendraient des facteurs environnementauxinconnus (une «piste virale» a étésoupçonnée mais non confirmée), etsurtout plusieurs gènes : une dizaine,peut-être plus… Un seul a été repéré :l’un des gènes du système HLA(ensemble de gènes gouvernant la production de «marqueurs» de l’identité immunitaire) seraitimpliqué. Mais on ne sait pas lequel.Le projet coordonné par

    le Dr Bertrand Fontaine, du groupehospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris)pour le volet recherche et par les Prs Michel Clanet (Toulouse) etGilles Edan (Rennes) pour le voletclinique, vise à identifier tous cesgènes de prédisposition et de gravité.«Grâce à ce que nous savons déjà des anomalies tissulaires et immunitairesde la maladie et aux modèles animaux,nous avons sélectionné 200 gènes“candidats” pouvant être impliqués. Ils vont être étudiés chez 500 malades et chez des témoins indemnes. Le travailréalisé dans le séquençage du génomehumain rend ce projet possible car nousallons disposer de marqueurs génétiquesprécis, situés au cœur même des gènes»,explique le Dr Fontaine. Le traitementstatistique de ces données permettrade déterminer quels gènes sontassociés à la SEP et dans quelleproportion. La principale difficulté,méthodologique, sera de valider les résultats de l’analyse statistique.«Nous avons déjà collecté les prélève-ments sanguins de 300 malades et la recherche biologique va commencer.»Tout un réseau de services hospitaliersde neurologie et de laboratoires derecherche de l’Inserm et du CNRScollabore avec la Fondation pour la Recherche Médicale à ce travailqui prendra 3 à 5 ans, et permettrad’ouvrir de nouvelles voies vers la compréhension et le traitementde la sclérose en plaques.

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    Dr Bertrand FontaineFédération de neurologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris).

    Lésions de démyélinisation dans la sclérose enplaques : coupe frontale d’un hémisphère cérébral.

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    00.Sclérose en plaques :

    débusquer les gènes de prédisposition et de gravité

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  • V O S D O N S E N A C T I O N

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    les autres troubles moteurs dus à la SEP limitent l’autonomie des malades. En dernier recours, la chirurgie peut être envisagée.En France et à l’étranger, quelquesétudes sur des blessés de la moelleépinière ont montré que l’injectiondans le sphincter urétral d’une faibledose de toxine botulinique (unepuissante toxine bactérienne)paralysait partiellement ce muscle,provoquant le relâchementnécessaire à une bonne miction. Le Dr Philippe Gallien (hôpitalPontchaillou de Rennes) a proposéd’évaluer cette méthode pour traiter les dyssynergies vésico-sphinctériennes associées à la SEP,d’autant qu’une seule injection de toxine botulinique reste efficacedurant trois à quatre mois. Au-delà de la guérison, l’améliorationde la qualité de vie des malades est aussi une préoccupationconstante de la FRM, qui a décidé de s’engager dans cette étude.Un protocole en double aveugle

    contre placebo a été élaboré. Des patients présentant unerétention d’urine de plus de 100 mlreçoivent une injection unique, soit de toxine botulinique, soit de placebo, la nature du produitinjecté n’étant pas dévoilée. Après trente jours, on mesure la rétention et divers paramètres de la fonction urinaire. Le gain de confort est aussi évalué à l’aided’échelles de qualité de vie. A cejour, 55 patients ont été inclus dansl’étude menée par trois centres, àRennes, Paris et Bordeaux. Commeil s’agit d’une étude en doubleaveugle, même les chercheursdevront attendre son issue, au plustard fin 2001, pour connaître lesrésultats. «Il est donc difficile d’en parlerdès maintenant, explique le Dr Philippe Gallien. Mais notreimpression est assez favorable : letraitement n’aggrave pas l’incontinence,et les patients semblent satisfaits puisquecertains nous demandent de prolonger les injections au-delà de l’étude.»

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    Dr Philippe Gallien,hôpital Pontchaillou de Rennes.

    La sclérose en plaques (SEP) est responsable de dysfonctionnementsneuromusculaires touchant toutes les fonctions de l’organisme. Ainsi, 70% des malades souffrent de troubles urinaires d’intensitévariable. Une fois sur deux, il s’agitd’une dyssynergie vésico-sphinc-térienne : lors de la contraction de la vessie, le sphincter strié, puissantmuscle qui entoure l’urètre, ne serelâche pas totalement et empêche la vidange complète de la vessie.D’où une rétention urinairefavorisant les infections etresponsable de désagréments allantdes envies impérieuses d’uriner à l’incontinence urinaire. La prise en charge actuelle de ces troubles n’est pas optimale :les médicaments disponiblespermettent de réduire le tonus du sphincter, mais sans restaurer un fonctionnement correct de la vessie. Celle-ci peut être vidée parplusieurs sondages quotidiens, mais

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    00.Une toxine contre les troubles urinaires

    associés à la sclérose en plaques

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  • Fondat ion pour la Recherche Médica le • numéro 84 • 4 e t r imestre - octobre 2000 25

    l’étude fondamentale, génétique et clinique de cette atteinte. Ses recherches ont déjà permisd’isoler les gènes responsables de onze formes de surdités. Elles ontinitié la constitution de plusieursréseaux d’études avec les pays du bassin méditerranéen (Tunisie,Liban, Turquie, Iran…), en Europe(Angleterre, Espagne et Israël) et en France (avec déjà 15 centresORL, dont le laboratoire du

    En France, la surdité touche 4 millions de personnes et constitue le déficit sensorielle plus fréquent*. Son origine estgénétique chez 80% des enfantsatteints mais, à ce jour, sur la centaine de gènes impliqués, seul un petit nombre a été identifié.L’équipe du Pr Christine Petit, du Laboratoire de génétique des déficits sensoriels (CNRS URA1968 - Institut Pasteur) poursuit

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    Le conduit auditif externe conduit au tympan,puis à la trompe d’Eustache.

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    Pr Christine Petit,Institut Pasteur, Paris.

    Pr Eréa-Noël Garabédian à l’hôpitalTrousseau - Paris, plus grand centre ORL pédiatrique européen).«Il est essentiel de conjuguer de façonétroite recherche fondamentale et recherche clinique car, sans la connaissance des phénomènesmoléculaires, cellulaires et génétiques,aucune thérapeutique ne peut êtreenvisagée», souligne le Pr Petit. La compréhension des surditéshéréditaires met en jeu un faisceaud’approches complémentaires. Sur le plan clinique, les chercheurss’attachent à décrire les diversesformes de surdité (fréquence,évolutivité, sévérité), notammentpour pouvoir informer les familles.Ces travaux visent à développer le diagnostic moléculaire, qui permet d’identifier le caractèrehéréditaire d’une surdité etd’élaborer des traitements adaptés. Des études pharmacologiquesseront mises en œuvre concernantla surdité génétique liée au gène de la connexine 26 (responsable de 50% des cas en Europe du Sudet au Moyen-Orient), ainsi que des approches par thérapie génique.Ce travail, auquel s’associe la FRM, démarre cette année.Le fonctionnement de l’oreilleest encore en partie méconnu, et les mécanismes dont l’atteinteconduit à une perte d’audition sont divers. On peut penser qu’au moins certains d’entre euxseront accessibles à un traitement.

    * Recherche & Santé n° 82 - avril 2000.

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    Mieux connaître les surdités héréditaires

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  • Surprescription et surconsom-mation de médicaments,insuffisance de certaines pra-tiques diagnostiques, désin-formation… Les médias «dénoncent»périodiquement ce que certainsconsidèrent comme des excès, desabus ou des insuffisances en matièrede médicalisation. La surconsomma-tion d’antibiotiques ou de psycho-tropes fait, notamment, l’objet denombreuses interroga-tions. Tout ceci ne faitpourtant que traduire unproblème beaucoup plusvaste : «C’est le concept de médicalisation dans sonintégralité et son évolu-tion qu’il faut repenser»,explique Joël Ménard,professeur de santé pu-blique et ancien direc-teur général de la Santé.

    Antibiotiques : éviter la résistance bactérienneSi, il y a quelques années, l’idée demédicalisation était parfois réduiteà des considérations strictementéconomiques, son évolution obligeaujourd’hui à étendre la réflexionau-delà des «simples» dépenses desanté. «Ce n’est pas de médicalisation,mais bien d’individu médicalisé dont ilfaut parler», poursuit le Pr Ménard.Toute pratique médicale, qu’ellesoit à finalité thérapeutique oudiagnostique, doit être discutée enconsidération de la balance béné-fices/risques, tant pour le patientque pour la société. Ainsi, prescrireun antibiotique(1) pour une anginedont on sait que l’origine est bacté-

    rienne dans 10% des cas resteune pratique injustifiée pourles 90% restants, d’originevirale. «Non seulement le trai-

    tement est alors inadapté, maisces patients traités sans raison par

    Tribune presse

    antibiothérapie encourent le risque de développer des résistances au sein deleur flore bactérienne. Le risque de tellesprescriptions n’est pas tant individuelque collectif», précise le Pr XavierNassif, président du CLIN(2) de l’hô-pital Necker à Paris.La résistance bactérienne aux anti-biotiques est un phénomène gravequ’on ne peut cependant imputerexclusivement à des pratiques mé-

    dicales inadaptées. Enmatière d’infections noso-comiales, notamment,«le risque zéro n’existepas, rappelle lePr Nassif. Bonneou mauvaise, lamédicalisation suit l’in-formation». A en croireJoël Ménard, la diffusiond’une information dequalité et adaptée, auprès

    du grand public comme auprès desprofessionnels de santé, conditionnel’évolution de la médicalisation. Lesmédias, entre autres, ont donc unrôle fondamental à jouer en termed’information de santé… Un sujetpour lequel le grand public, concernéau premier chef, manifeste toujoursune appétence naturelle.La médicalisation est désormaisétroitement liée au besoin de qualitéde vie, à la volonté de vivre mieux etplus longtemps. Elle est une réponseparmi beaucoup d’autres au moinsaussi utiles. Cette acception s’accor-de avec celle de l’OMS(3), qui neréduit pas la «santé» à la simpleabsence de pathologie ou d’infirmi-té. La médicalisation ne se limitedonc plus au diagnostic et à la priseen charge des pathologies.

    Généraliser l’information sur les psychotropesL’importante consommation d’an-tibiotiques et de psychotropes en

    Il faut rétablirune médecine

    de santépublique

    tenant comptede l’individu.

    Le 20 juin 2000, la Fondation pour laRecherche Médicaleorganisait unenouvelle conférencede presse intitulée«Inflation de la médicalisation?Médecin et patientface à leursresponsabilités». Un grand titre pour un grand débat qui,une fois encore, avait pour objectif de sensibiliser les pouvoirs publics, les professionnels de santé et le grandpublic via les médias.Pas moins de quatrespécialistes – JoëlMénard, Jean-PolTassin, Xavier Nassifet Didier Sicard –livraient leur point de vue sur l’évolutionde la médicalisationen France.

    V O S D O N S E N A C T I O N

    La médicalisation en question

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  • France reflète une carenced’information. «Si les gens ensavaient plus sur les psycho-tropes, ils en utiliseraient moins»,résume Jean-Pol Tassin. La Francedétient le record européen de leurconsommation, mais les connais-sances des médecins sur ces médi-caments, leurs modes d’action etleurs effets secondaires sont sou-vent insuffisantes. «Il faut cependantreconnaître qu’informer dans ce domai-ne n’est pas simple, car les modes d’ac-tion des psychotropes ne sont pas encoretous parfaitement connus», indique leDr Tassin. Dépendance physique oupsychique, somnolence…, de nom-breux troubles peuvent apparaîtrelorsqu’une prescription est inadap-tée. «Sans compter les interactions entreles différentes classes de psychotropes. Làencore, c’est une question d’informa-tion», conclut le Dr Tassin.Si la surconsommation de psycho-tropes n’affecte – contrairement àcelle des antibiotiques – «que» l’in-dividu, il est impossible d’en négli-ger la dimension globale. «Trop de

    médecins pensent et agissent àl’échelle individuelle. Il faut réta-

    blir une politique et une médecine desanté publique qui prenne en comptel’individu et la société, explique DidierSicard. Devant les interrogations et lesinquiétudes du patient, le médecinrépond trop souvent par une prescrip-tion – alors qu’informer suffirait parfoispour rassurer.»La médicalisation est donc en pleineévolution. «Elle profite des formidablesprogrès de la recherche, toutes disci-plines confondues», conclut JoëlMénard. Cultiver la pluridiscipli-narité des recherches, comme lefait la Fondation pour la RechercheMédicale, conditionne l’évolutionet la qualité de la médicalisation. �

    1- Substance qui inhibe la croissancebactérienne et n’a aucune action sur les virus.2- Comité de lutte contre les infectionsnosocomiales (infections contractéesen milieu hospitalier).3- «Health is a state of completephysical, mental, and social

    well-being and not merely theabsence of disease or infirmity.»Trad. : «La santé est un état decomplet bien-être physique, mental etsocial, et ne consiste pas seulement enl’absence de maladie ou d’infirmité.»

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    Jamais les progrès scientifiqueset médicaux n’ont été si

    rapides, jamais la science n’aautant façonné notre quotidien.

    Science parcellisée dont ladémarche et les enjeux restentencore étrangers au plus grandnombre. Pour Bernard Maitte,

    enseignant-chercheur et fonda-teur du Centre de culture scien-

    tifique du Nord-Pas-de-Calais,faute d’une politique culturelle

    scientifique ambitieuse, ce hiatus entre la science

    comme elle se fait et la sociéténe peut que s’accentuer.

    Entretien avec BERNARD MAITTE, PHYSICIEN, HISTORIEN DES SCIENCES ET ÉPISTÉMOLOGUE

    Parler de culture scientifique, c’estd’abord s’interroger sur ce qu’est laculture. Elle désigne les représentationsdes individus d’une même époque. Ellepermet de se situer dans un ensemble

    complexe de relations entre des catégories diffé-rentes de la pensée et de l’action, et de les inscriredans l’histoire. Culture «scientifique» : le qualifi-catif entame déjà cette globalité. Surtout, la sciencecontemporaine ne fonctionne pas comme uneculture. L’augmentation des savoirs scientifiquesproduits par des chercheurs ultraspécialisés n’apeut-être pas grand-chose à voir avec la culture.Toute carrière scientifique et même médicale estl’histoire d’une spécialisation croissante. Souvent,les chercheurs d’une discipline ne comprennentpas la discipline voisine, voire, même, ils en igno-rent le langage. Leur formation ne comporte à derares exceptions près ni épistémologie, ni histoireou philosophie des sciences. Elle ne les préparedonc pas à une pensée scientifique d’ensemble.Ce n’est donc plus sur la diffusion d’une culturescientifique au sens du siècle des Lumières qu’ilfaut s’interroger. Mais sur la problématique de

    Mettre la scienceen culture

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    l’élaboration des savoirs, et des objectifs que doi-vent viser les actions culturelles scientifiques.

    L’image d’un savoir dogmatiséCette logique interne de développement de la

    science moderne est confortée par l’enseignementactuel. Il faudrait enseigner l’esprit et la méthodescientifiques, présenter la recherche scientifiqueavec ses erreurs, ses tâtonnements, montrer ladiversité des approches. Mais on fait comme si lascience était achevée, on diffuse un savoir dogma-tisé dont l’acquisition s’apparente à un dressage.Cette formalisation poussée est utile aux futursscientifiques. Mais, transformée en outil de sélec-tion, elle a surtout instauré un barrage psycho-

    logique entre la science et la majorité des indi-vidus. Quand l’enseignement scientifique a étéintroduit en 1905 dans une éducation entière-ment littéraire, il s’agissait de donner accès à lascience à 2% d’une classe d’âge. Certes, il y a eudes réformes depuis. Mais aucun pays ne pra-tique encore un enseignement scientifique dequalité pour le plus grand nombre. Et comme lesétudes ne sont plus garantes de réussite sociale,il y a dévalorisation du processus éducatif qui setraduit par une chute forte du nombre d’étu-diants en sciences.L’image de la science, elle aussi, s’est dégradée.Constituée au XVIIe siècle au sein d’une idéo-logie du progrès, elle était censée apporter auxhommes la connaissance, les libérer desanciennes croyances, leur donner le bonheur.On a compris depuis Hiroshima qu’il faut réflé-chir sur le sens des applications : la science per-met l’éradication des maladies, dans le même

    temps où elle est confrontée à des menacesnouvelles.

    Le fossé est toujours plus grand entre la com-munauté scientifique productrice d’un savoir deplus en plus complexe et la société qui devraiteffectuer des choix, notamment éthiques, quantaux applications qu’il conviendrait de dévelop-per. Cette capacité de choisir ne peut être effec-tive alors qu’il existe un hiatus entre science etculture, entre science et démocra-tie, qu’il faut réduire. Pour JeanMarc Levy-Leblond, épistémo-logue et philosophe des sciences, ilfaut «mettre la science en culture». Ils’agit d’introduire de la culture

    dans la science, en ouvrant lesavoir scientifique sur d’autresformes d’activités. Il faut éclairerpar la philosophie, l’épistémologieet l’histoire des sciences les disci-plines les plus actuelles.

    La science en cultureIl faut aussi mettre de la sciencedans la culture, prendre en comp-te la diversité des individus dansleur façon d’être, de comprendre,pour les initier à ce qu’est la pen-sée scientifique : une pensée qui seremet en question, qui permet dese lancer dans l’investigationrationnelle du monde… mais quise nourrit aux sources du rêve etde l’imagination.Comment faire? Surmonter pardes approches ludiques, expéri-mentales, le barrage psychologiques’opposant à la prise en compte desquestions où intervient la sciencevia des expositions alliant scienceet esthétique. Montrer les diversesapproches possibles des problèmesposés par les sciences et les tech-niques dans la société. Multiplierles débats pour faire émerger lesenjeux éthiques ou sociaux.Cette démarche éducative à longterme nécessite une vraie ré-flexion, une volonté politique etdes moyens. La pensée scientifiquen’est pas suffisante pour éclairerles affaires humaines, mais elle esttout à fait nécessaire pour contri-buer à les appréhender.

    Physicien de formation,Bernard Maitteest professeur en épistémologie et histoire des sciences à l’université Lille I,où il dirige la filière«journalistesscientifiques»créée avecl’Ecole supérieure de journalisme de Lille. En 1984, un rapport qu’il rédige lance la politique des centres deculture scientifique,technique etindustrielle (CCSTI).Ces organismesdiffusentl’information,notamment auprès des publicsscolaires, via desexpositions, desanimations et desdébats. Fondateuren 1982 de l’ALIAS(devenue par la suite CCSTI du Nord-Pas-de-Calais), BernardMaitte en a assuréla directionjusqu’en 1997.

    Le fossé est toujours plus grand entre la communauté scientifique et la société. Thierry

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    En matière d’éthique biomédicale, on s’en remet souventaux scientifiques. Pourtant, un médecin spécialiste de la procréation médicalement assistée, par exemple, n’estpas forcément le plus compétent pour traiter de ses impli-cations psychologiques ou sociales. Toute la société devraitpouvoir débattre sur ce développement qui modifie notrefaçon de penser, de vivre. Jamais un tel débat n’a eu lieudans aucun parlement. Sauf en France, avec la première loi sur la bioéthique de 1994, qui va être bientôt révisée. Et encore. Quand on nomme un comité d’éthique, on désigne des experts auxquels on demande des avis. C’est mieux que rien. Mais, ainsi, on pallie les manques de ladémocratie. Permettre de combler ces manques, tel est l’undes enjeux majeurs de la diffusion de la culture scientifique.

    Ethique et démocratie

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  • LA FONDATION À L’ÉCOUTE

    Fondat ion pour la recherche médica le • numéro 79 • 3 e t r imestre - ju i l le t 199930 Fondat ion pour la recherche médica le • numéro 79 • 3 e t r imestre - ju i l le t 19993030

    Vous faire partager l’enthousiasme et l’énergie déployée par les bénévoles des Comités régionaux pour réunir les donateurs et les chercheurs autour et en faveur de la FRM. Etre présentsdans les moments d’émotion, d’espoir et de réussite, être ensemble

    pour mieux encourager la recherche et mieux se connaître. Tel estl’objectif de la rubrique «la Fondation à l’écoute», qui, chaque trimestre,nous réunit autour de quelques temps forts. Rejoignez-nous…

    Dans le cadre de la journée sur l’audition du 7 mars2000, l’ARDDS-Aix (Associationde réadaptation et de défense des devenus sourds et des malentendants de la région d’Aix-en-Provence) organisait, entreautres actions, une représentation théâtrale un peu particulière. «Le Rideau», spectacle créé par la compagnie du Passeur,était, en effet, rendu accessibleaux sourds et aux malentendantsgrâce à une boucle magnétique

    et à un surtitrage simultané surgrand écran. Résultat : une sallecomble, de l’émotion, des rires et la satisfaction du public devant le jeu parfait des acteurs. Autre bénéfice, et pas desmoindres, plus de 11000 francs,correspondant à la recette de cette action, ont été versés à la Fondation pour la RechercheMédicale. Cette somme seraaffectée à la recherche sur lessurdités. «Ce type d’action est un premier pas pour faire avancer

    les recherches, mais c’estaussi la démonstration,grâce à des équipementsadéquats, que même sourdou malentendant, il estpossible de participer à un spectacle culturel»,soulignait JacquesSchlosser, président de l’ARDDS-Aix. Un grand bravo à cetteaction remarquable.Gageons qu’elle incite à développe