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Forum des doctorants
Mercredi 6 mai 2015
Organisé par les écoles doctorales
Arts, Lettres et Langues
et
Sciences humaines et Sociales
Première thématique : Terrains et méthodes
Discutants : Myriam Dupouy, Aurélie Seznec, Jean-François Simon
Mathilde LAVRILLOUX
(ED SHS, Dir./Co-Dir. Stéphane Laurens, Estelle Masson, CRPCC)
Un homme au régime ? Étude de l’importance de la triangulation des méthodes pour saisir
les représentations et les pratiques.
Elise JOUBERTON)
(ED SHS, Dir. Jean-François Simon, CRBC)
Une observation ethnologique de la réhabilitation du talus : des pistes pour comprendre la
construction d'un certain territoire breton.
Iwan Le CLEC’H
(ED SHS, Dir. René-Paul Desse, Géoarchitecture)
Les pratiques commerciales dans les espaces périurbains bretons. Qu'elles mobilités pour
quelles formes commerciales ? L'exemple du pays de Saint-Brieuc
Pierre SERVAIN
(ED SHS, Dir./Co-Dir. Françoise Le Borgne-Uguen, Nicoles Roux, Labers
Quelles configurations du commun dans les habitats participatifs ?
Deuxième thématique : Énigmes littéraires Discutants : Hélène Machinal, Benoit Quinquis
Fabrice LE CORGUILLÉ
(ED ALL, Dir. Marie-Christine Agosto, HCTI))
Une anomalie narrative ? L’écriture autobiographique amérindienne et afro-américaine
comme « face sombre » du rêve américain.
Sylvie SALAUN
(ED ALL, Dir. Florence Vuilleumier-Laurens, CECJI)
L'Énigme Louis XIII et la poétique de la langue : Le Recueil Conrart (1638-1642.
Troisième thématique : Techniques et enjeux maritimes Discutants : Jorge Muños, Françoise-Emmanuelle Veillet
Céline LE GALL
(ED SHS, Dir. Marie-Thérèse Cam, Sylvain Laubé, Centre François Viète)
Pourquoi Giovanni Poleni (1683-1781) a-t-il participé aux concours lancés par l'Académie
royale des sciences ? Genèse et expérimentation des propositions.
Bruno ROHOU
(ED SHS, Dir. Serge Garlatti, Centre François Viète)
Présentation du corpus établi pour l'étude des ports de Brest et de Mar del Plata pour
l'Histoire des sciences et des techniques.
Quatrième thématique : Héritages et traditions Discutants : René-Paul Desse ; Fabrice Le Corguillé
Benoit QUINQUIS
(ED SHS, Dir. Pascal David, EPS)
De la connaissance comme rétrospective et de l’enseignement comme collaboration : Platon
et la théorie de la réminiscence.
Grégory MOIGNE
(ED SHS, Dir. Nelly Blanchard, CRBC)
« S'approprier le temps et l'espace : la création d'une Tradition » (Druidisme contemporain).
Première thématique : Terrains et méthodes
Discutants : Myriam Dupouy, Aurélie Seznec, Jean-François Simon
Mathilde LAVRILLOUX
(ED SHS, Dir./Co-Dir. Stéphane Laurens, Estelle Masson, CRPCC)
Un homme au régime ? Étude de l’importance de la triangulation des méthodes
pour saisir les représentations et les pratiques
Dans le cadre de mes recherches doctorales portant sur les représentations sociales et les pratiques
de restrictions alimentaires au « masculin », j’ai pu recueillir des données par le biais de diverses
méthodes : lectures, enquête quantitative (n=280) et entretiens semi-directifs (n=18). De ce fait,
en prenant appui sur celles-ci, je propose d’articuler ma communication autour de l’importance de
la triangulation des méthodes pour saisir les représentations et les pratiques.
Tout d’abord, lorsque les études s’attachent à étudier la pratique des régimes « au masculin »
il en ressort toujours que les hommes sont moins nombreux que les femmes à déclarer
pratiquer, avoir déjà pratiqué ou songer à pratiquer des régimes (Poulain, 1998 ; Saint-Pol,
2010). Par ailleurs, ces recherches montrent souvent que les hommes se déclarant prêts à
pratiquer un régime, le seraient essentiellement pour des questions de santé, tandis que les
femmes seraient sensibles à beaucoup plus de détails, comme les questions de poids ou
d’esthétique (Poulain, 1998 ; Saint-Pol, 2010). Cependant, il s’agit ici, de résultats émanant
essentiellement de recherches quantitatives. La méthode quantitative, utilisée dans de
nombreuses études sur les pratiques alimentaires, bien que très intéressante d'un point de vue
statistique porte peu d'importance à la pensée de l'enquêté et ne permet pas d’accéder au sens
qu'il donne à ses réponses. Obtenir des résultats provenant d’enquêtes qualitatives paraît dès
lors primordial.
Ainsi, mes recherches exploratoires m’ont permis d’observer l’importance de la multiplication
des techniques pour recueillir des données sur un même objet. En effet, alors que les études
quantitatives mettent en évidence que les hommes déclarent en grande majorité n’avoir jamais
pratiqué de régime, la passation d’entretiens semi-directifs permet d’observer des
comportements, qui, chez certains hommes interrogés, pouvaient très nettement s’apparenter à
la pratique de régimes. Ces entretiens complètent donc les éléments recueillis lors des
recherches quantitatives et nous permettent d’apprécier des propos individualisés permettant
de comprendre les logiques qui sous-tendent les comportements déclarés.
En appuyant cette communication sur les résultats des recherches qualitatives exploratoires
réalisées dans le cadre de ma première année de thèse, l’objectif est de se questionner sur
l’importance de la triangulation des données qualitatives et quantitatives et de discuter de la
manière dont on peut saisir des pratiques qui, d’une personne à l’autre changent de nom et de
significations.
Elise JOUBERTON
(ED SHS, Dir. Jean-François Simon, CRBC)
Une observation ethnologique de la réhabilitation du talus : des pistes pour
comprendre la construction d'un certain territoire breton
En ce début de thèse, j'ai commencé à faire des choix à la fois de méthode et
de pistes de réflexion.
Tout d'abord, concernant le terrain, certains problèmes se sont posés. En
partie, par des questions pratiques d'enquêtes ethnologiques sur les talus en
Bretagne (comment observer cette réhabilitation ? Qui rencontrer pour des
entretiens ? Quel cadre pour ces entretiens ? Faut-il définir un territoire précis ?…) ;
mais aussi par des préoccupations disciplinaires, à savoir ma posture en tant
qu'observatrice de ma propre culture. Grâce à ces premières problématiques j'ai tenté,
via des « bricolages » ethnologiques, de créer des conditions de terrain intéressantes
pour mon étude. Par exemple, la question de l'observation fut délicate car,
qu'observer ? La construction d'un talus ? Un technicien qui convainc un agriculteur
de faire des talus ? Un agriculteur qui entretient ses talus ? J'ai effectivement pu faire
de telles observations. Cependant, il m'a semblé qu'à trop me focaliser sur
l'observable, la réhabilitation des talus en elle-même m’échappais. Je suis donc partie
à la recherche d'un groupe, d'une collectivité… où je pourrais comprendre (observer,
écouter et participer) la réhabilitation des talus en tant que processus. Les
observations précédentes ou ultérieures prendraient alors davantage leur sens.
Le regard ethnologique, que je m'efforce d'avoir, se porte sur quatre
dimensions de la réhabilitation du talus : physique (techniques, types de
constructions, matériaux…) et sensible (visible, palpable, descriptible) ; idéelle
(discours, valeurs, motivations, histoire…) et symbolique (représentations,
images…). Ces dimensions ne sont pas d'une abstraction équivalente. Une partie de
mon travail est donc de décrire ce qu'est un talus (histoire proche, technique et
usages) et ce qu'il en est de sa réhabilitation plus précisément (collectivités,
territoires, financements, actions…). En l’occurrence, j'ai pour l'instant surtout
travaillé sur les arguments en faveur de la reconstruction des talus . Ces arguments
permettent de faire un certain état des lieux de ce qui justifie la réhabilitation des talus
et, à partir de là, d'aller plus loin dans la réflexion. En effet, ces arguments portent
essentiellement sur des aspects fonctionnels (pollution de l'eau, érosion des sols,
biodiversité, « bois énergie », tourisme…) et/ou culturels (paysage, patrimoine
bâti…) du talus. Or, si je considère ces éléments non plus selon leurs sens directs
mais selon ce qu'ils m'apprennent d'une certaine vision du territoire breton avec ou
sans talus, je commence à comprendre ce que signifie le talus dans ce territoire.
Ainsi, mes premières pistes me mènent vers une étude plus poussée de la
notion de patrimoine car cela recouvre plus ou moins implicitement toutes les
justifications données pour reconstruire des talus. De plus, son étude permet de
réfléchir à une autre échelle sur des questions davantage anthropologiques. En effet,
le patrimoine me semble être une notion qui questionne sur le rapport au temps, au
groupe, à l'espace… et donne un autre éclairage à des dichotomies classiques telles
que : passé/présent, local/global, nature/culture, théorie/pratique…
Iwan Le CLEC’H
(ED SHS, Dir. René-Paul Desse, Géoarchitecture)
Les pratiques commerciales dans les espaces périurbains bretons. Qu'elles
mobilités pour quelles formes commerciales ?
L'exemple du pays de Saint-Brieuc
Il y a une cinquantaine d'année, le commerce rural entame une profonde période de
déclin qui se traduit par la fermeture de nombreux établissements dans les villages ou dans les
bourgs. Plusieurs causes peuvent expliquer ce phénomène parmi lesquels l'exode rural, le
vieillissement des populations d'habitants et de commerçants, les innovations technologiques,
automobiles et des techniques marchandes.
Une décennie plus tard, c'est l'essor du processus de périurbanisation qui voit des
citadins quitter la ville pour s'installer dans des communes rurales périphériques et de plus en
plus distantes des centres villes.
Il en ressort de nouvelles problématiques liées à ce renouveau démographique de
communes rurales, et notamment en matière de gestion foncière et immobilière. Dans le cadre
du commerce rural, ce sont de nouvelles questions qui se posent. Parmi-elles, celle du dernier
commerce du bourg ou de la commune, celle du redéploiement de la grande distribution qui
prend peu à peu possession des espaces ruraux et adapte ses gammes aux territoires, celle du
développement de commerces nouveaux.
Le commerce rural et périurbain pose la question de l'identification des mécanismes
spécifiques qui le régissent. En d'autres termes, quelles formes prend-il et quels sont ses
acteurs ? Qui plus est, quelles sont les évolutions spatiales et temporelles de la consommation
et comment celles-ci s'articulent-elles avec les autres faits de la vie, de l'année, de la semaine,
de la journée. Aussi, les questions des polarisations locales et régionales ou des parcours des
navetteurs ont-elles un impact sur les formes du commerce rural et périurbain et sont-elles
impactées par elles. A travers des travaux localisés dans les Côtes d'Armor, nous allons
également montrer les freins et atouts au développement ou maintien du commerce en milieu
rural et périurbain.
Le territoire d'étude comprend l'ensemble des communes inclues totalement ou
partiellement au sein du triangle formé par les axes routiers reliant Saint-Brieuc à Quimper et
Brest et Guingamp à Pontivy. Sa limitation géographique répond à trois volontés majeures.
Permettre la réalisation de travaux depuis les limites de la ville jusqu'au rural isolé. Ne pas
subir les effets littoraux et touristiques. S'agissant de commerce rural, les Unités Urbaines de
Saint-Brieuc et Guingamp auront été exclues tandis que la commune de Châtelaudren, de par
son appartenance à l'Unité Urbaine de Plouagat, commune incluse dans le périmètre, aura été
ajoutée à cette liste de trente-trois communes hébergeant un peu plus de 30 000 habitants.
Pour ce faire, il a été procédé dans un premier temps, à la réalisation d'un inventaire
exhaustif de l'offre commerciale du territoire à travers la visite de l'ensemble des communes et
l'utilisation de données fournies par les acteurs locaux ou départementaux du commerce. Les
données fournies par l'INSEE sont également exploitées. Il est également procédé à la
réalisation de comparaisons géographiques, historiques et pondérales des résultats de cet
inventaire. L'inventaire est ensuite suivit de la réalisation d'entretiens auprès de résidents de
communes périurbaines à rurales, de la diffusion de questionnaires puis d'enquêtes auprès
d'un panel de commerçants.
Pierre SERVAIN
(ED SHS, Dir./Co-Dir. Françoise Le Borgne-Uguen, Nicoles Roux, Labers
Quelles configurations du commun dans les habitats participatifs ?
La recherche pose la question du « commun » sur terrain concret, celui des habitats
participatifs. Le développement et la diversité de ces expériences fondent l’opportunité de
cette recherche sociologique.
La notion du « commun » connaît une diffusion importante aux plans scientifique et politique.
Elle cherche à rendre compte de modifications des articulations entre ce qui relève du public
et du privé, à la fois dans la politique publique (politique participative) que dans
l’appropriation de ce que des acteurs désignent comme des « biens communs ».
L'habitat participatif est un terrain particulièrement pertinent pour observer la pratique du «
commun », dont les contours résultent de trois niveaux interdépendants.
D'abord, nombre de ces habitats se construisent sur l’expérimentation de formes de propriétés
collectives (coopératives, sociétés...), distinctes de la « propriété privée habituelle », sans
relever pour autant de la propriété publique. A partir de la genèse jusqu’à l’occupation de ces
habitats participatifs, la recherche identifie les activités sociales par lesquelles se construisent
les différents sens collectifs et politiques de ces habitats, en particulier les références à des
normes et des valeurs coproduites telles que la solidarité, l’écologie, l’anti-spéculation, etc.
Ensuite, ces habitats contiennent par définition des parties privées, et également une
proportion importante d'espaces communs. La thèse rend compte de l’hétérogénéité de
l’appropriation de ces espaces, au sein desquels les cohabitants engagent aussi des
responsabilités, des expériences, des temporalités, de l’identité commune et des identités
singulières. Les usages et les modes de gestion de ces équipements donnent à saisir les
normes et manières d’habiter des habitants qui se reconnaissent dans cette catégorisation de
l’habitat participatif. Cette mise en commun se construit en référence à la délimitation
d’espaces et de pratiques privées de l'habitat, ce qui engage des frontières et des passages de
frontières, des proximités et des distances entre le « commun » et ce qui ne le serait pas.
Ainsi, il semble intéressant de croiser la notion de « commun » telle qu'elle est comprise
aujourd'hui par des auteurs tels que Ostrom ou Dardot et Laval (avec des variations
significatives toutefois), et la notion, plus courante, des « parties communes », qui sont
étudiéesdepuis plus longtemps par les sociologues de l'habitat et autres architectes ou
urbanistes. Ici se pose la question de ce qui est mis en commun, et des procédures de
régulation de ces dimensions « mises en commun ».
De plus, la pratique du commun se construit aussi en configuration de ce qui est qualifié de «
public », dans le double sens du terme. « Public » dans le sens « ouvert à tous », tant la
question de l'ouverture et de l'entre-soi se pose de façon très concrète pour ces habitats. «
Public » également dans le sens « étatique », tant les institutions publiques (collectivités,
offices HLM...) prennent de plus en plus de place dans ce qui devient le réseau structuré de
l'habitat participatif. Ici se pose la question des délimitations du commun, autrement dit du «
commun à qui ». Est-ce que le « commun » suppose intrinsèquement une ouverture ? Je fais
l'hypothèse d'une distinction entre deux formes d'ouverture, l'une de type « généralisante » et
une seconde de type « inclusive ».
Cette recherche se base sur un corpus et une analyse de données diachronique et
synchronique. Au plan diachronique, je privilégie des matériaux qui rendent compte de
l'évolution de la structuration du réseau structuré de l'habitat participatif, à travers ses diverses
manifestations-mobilisations, à commencer par la législation, les différents acteurs
(associatifs, accompagnateurs...). Au plan synchronique, le corpus en cours de collecte
s’appuie sur l'observation participante de rencontres régionales et nationales et la réalisation
de monographies de différents habitats (analyse de documents, réalisation d'entretiens auprès
d'habitants et d'autres acteurs concernés).
Deuxième thématique : Énigmes littéraires
Discutants : Hélène Machinal, Benoit Quinquis
Fabrice LE CORGUILLÉ
(ED ALL, Dir. Marie-Christine Agosto, HCTI))
Une anomalie narrative ? L’écriture autobiographique amérindienne et afro-
américaine comme « face sombre » du rêve américain
Dans son texte « What is an American? » paru en 1782, J.Hector St John de Crèvecœur
présentait l’Amérique du Nord comme un pays de Cocagne apte à assurer à « l’Américain, ce
nouvel homme » un avenir radieux1. Cette vision exaltée unidimensionnelle fut tempérée par
certains des Founding Fathers comme Jefferson, ou plus tard par Tocqueville qui constatait
que les « Indiens » et les « Nègres » furent les « deux races infortunées »2 sacrifiées à la
construction de l’American Dream. Dès le XVIIIe siècle et tout au long du XIX
e siècle, des
Amérindiens et des Afro-Américains proposèrent eux-mêmes des récits alternatifs à la vision
monologique et linéaire du « grand récit national » célébré par l’élite coloniale blanche et
essentiellement w.a.s.p.
La problématique de cette communication s’attachera à voir comment la production de textes
autobiographiques par des Amérindiens et des Afro-Américains aux XVIIIe et XIX
e siècles
peut être appréhendée sous l’angle de l’« anomalie narrative »3 aussi bien dans leur forme que
dans leur contenu. Anomalie formelle d’abord, dans le sens où des Amérindiens et des Afro-
Américains tentèrent de faire entendre leurs propres voix en anglais et par écrit alors qu’ils
étaient souvent représentés comme des êtres inférieurs et des brutes sauvages. Anomalie
discursive ensuite en proposant une vision subversive de l’histoire américaine, en disséminant
un contre-discours4 qui montre que le « rêve » américain fut vécu comme un interminable
« cauchemar » par des populations infériorisées.
1 Crèvecœur, Letters from an American Farmer, Oxford and New York, Oxford University Press, 1997. 2 Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835, in Œuvres, Paris, NRF-Gallimard, La Pléiade, 1992, p.367-368. 3 Bien que le terme d’« anomalie » fut utilisé comme stéréotype négatif appliqué aux Amérindiens au début du XIXe siècle, comme le rapporta le peintre George Catlin, cette notion d’« anomalie » est ici dérivée d’un article de Claude Lévi-Strauss qui écrivait en 1960 que la rencontre avec les Amérindiens ne fut « pas prévu[e] » au moment « de la découverte du Nouveau Monde » (« Les trois sources de la réflexion ethnologique »). 4 Je reprends la notion de « dissémiNation » développée par Homi Bhabha à partir de Derrida dans Les lieux de culture. Une théorie postcoloniale (Paris, Payot, 2007 [1994], chap.viii, traduction de Françoise Bouillot) ainsi que l’articulation discours/contre-discours
Cette prise de parole permettait ainsi de faire émerger des visages et des noms, d’éclairer en
l’individuant et dans ses « moindres recoins » la destinée tragique de millions d’hommes
qu’une « histoire écrite par les vainqueurs » aurait probablement préféré laisser « dans
l’obscurité »5.
formulée par Richard Terdiman dans son introduction à Discourse/Counter-Discourse. The Theory and Practice of Symbolic Resistance in Nineteeth-Century France, Ithaca, Cornell University Press, 1985). 5 « C’est une histoire qui se passe dans l’obscurité, et il faudra bien que le soleil que je transhume éclaire les moindres recoins ». Cette formule de Frantz Fanon tirée de Peau noire, masques blancs trouve notamment des échos chez Aimé Césaire (Fanon et Césaire n’hésitent pas à se voir comme des « emmerdeurs » en proposant une vision alternative et provocatrice de la colonisation européenne) mais aussi chez Walter Benjamin et son idée d’histoire « à rebrousse-poil ».
Sylvie SALAUN
(ED ALL, Dir. Florence Vuilleumier-Laurens, CECJI)
L'Énigme Louis XIII et la poétique de la langue : Le Recueil Conrart
(1638-1642
I. Le recueil Conrart
Conservé à Paris, dans le fonds manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, le recueil
Conrart contient en ses nombreux volumes [50 vol. dont 26 in-fol et 24 in-4°] les documents
conservés ou copiés par Valentin Conrart, premier secrétaire perpétuel de l'Académie
française et pourrait-on même dire : fondateur de l'Académie, puisqu'il fut choisi et élu par
Richelieu, à l'origine de l'Académie, en 1634.
C'est le tome XVIII de ce vaste manuscrit qui nous intéresse particulièrement ici. C'est ce
tome qui contient en effet, les énigmes, qui sont l'objet de notre étude actuelle.
Le tome XVIII du recueil Conrart compte 1267 pages. Au milieu de poésies diverses,
françaises, italiennes et espagnoles, de sonnets bachiques, grivois et libertins, d'un ensemble
de métamorphoses et de « rondeaux à l'antique », se trouvent nos énigmes. Situées au cœur de
ce volume, elles y occupent 182 pages, auxquelles s'ajoutent les pages 364 et 1148 : soient
162 énigmes.
II. Quelle est la particularité de ce recueil ? Et quel est mon projet le
concernant ?
Ce recueil a cette particularité, vis-à-vis des recueils imprimés, de ne pas contenir de
table de l'explication des énigmes, autrement dit, ce recueil d'énigmes ne contient pas de clefs,
de mots, de solutions.
Il était donc intéressant de comparer ce recueil à d'autres recueils de la même période, comme
celui du Mans, le Recueil de toutes les Enigmes des plus beaux esprits de ce temps6, qui date
de 1638 mais aussi aux énigmes contenues dans les Œuvres meslées7 (1659) de Charles
Cotin, éditées par Vuilleumier-Laurens. Et cette comparaison s'est avérée fort instructive et
fructueuse puisqu'elle nous a permis de restituer à 117 de ces énigmes leurs mots (117/162
énigmes).
Le projet d'aujourd'hui est d'en établir l'édition critique et de les éclairer à la lumière
des échanges épistolaires, qui en sont aussi le véhicule (par exemple, les lettres de Cotin à ses
correspondantes et celles publiées dans le Mercure Galant en 1678) mais également de les
comparer aux autres recueils d'énigmes et œuvres galantes.
6 Le Recueil de toutes les Enigmes des plus beaux esprits de ce temps contient deux cent quarante-sept
énigmes (sur deux parties). 7 Les Œuvres meslées contiennent quatre-vingt-dix énigmes.
À ceci s'ajoutera une présentation de l'énigme Louis XIII, c'est-à-dire de l'énigme
poétique du premier XVIIe
siècle et une introduction à la « poétique de l'énigme » dans ce
genre à la fois savant et mondain.
Troisième thématique : Techniques et enjeux maritimes
Discutants : Jorge Muños, Françoise-Emmanuelle Veillet
Céline LE GALL
(ED SHS, Dir. Marie-Thérèse Cam, Sylvain Laubé, Centre François Viète)
Pourquoi Giovanni Poleni (1683-1781) a-t-il participé aux concours lancés par
l'Académie royale des sciences ? Genèse et expérimentation des propositions.
Cette communication sera nourrie par l’exploration du fonds des correspondances privées
de Poleni à la Bibliothèque San Marco de Venise et la Biblioteca Civica de Vérone, guidée
par l'universitaire de Padoue, Sofia Talas (directrice du Musée d'Histoire de la physique de
Padoue) qui est intervenue dans le séminaire de février 2015 du centre Fr. Viète sur l'histoire
des artefacts.
En 1739, la mathématicien, physicien, astronome Giovanni Poleni, futur titulaire de la
chaire de construction navale à l’université de Padoue en 1756, est élu « Associé étranger » à
l’Académie Royale des Sciences à Paris. Les écrits de Giovanni Poleni en tant qu’associé
étranger furent publiés dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences communément
appelés les « Mémoires des savants étrangers » ou dans le Recueil des pièces qui ont remporté
les prix de l’Académie Royale des Sciences. L’élection de Poleni pourrait venir couronner sa
triple nomination aux concours de l’Académie puisqu’il a obtenu, en 1733, un prix pour son
mémoire intitulé « De la meilleure manière de mesurer sur mer le chemin d’un vaisseau,
indépendamment des observations astronomiques ». En 1737, il a été récompensé pour sa
réponse à la question « Quelle est la meilleure manière d’éprouver les ancres ? » ex-aequo
avec Daniel Bernoulli. En 1741, son essai sur « la meilleure construction du cabestan » a été
récompensé en même temps que ceux de Jean Bernoulli, Ludot (avocat au Parlement) et un
anonyme (mémoire n°14).
Nous nous interrogerons sur les motivations de ce scientifique pour participer à ces
concours alors que Giovanni Poleni est très occupé par ses activités scientifiques dans la
sphère locale vénitienne. Nous étudierons la genèse et l’expérimentation des solutions
techniques - liées à l’art de la navigation - proposées par Poleni aux Académiciens parisiens.
Bruno ROHOU
(ED SHS, Dir. Serge Garlatti, Centre François Viète)
Présentation du corpus établi pour l'étude des ports de Brest et de Mar del Plata
(Argentine) pour l'Histoire des sciences et des techniques.
Dans mon sujet de thèse, je suis amené à étudier les artefacts comme les ports, les grues, les
quais, les formes, les navires, etc. Je travaille sur l'histoire des sciences et des techniques des
portsde Brest et de Mar del Plata (Argentine). Les données récupérées sur ces différents
systèmes techniques me permettent actuellement d'élaborer une ontologie, c'est à dire un
modèle de connaissance. Pour Brest, j'étudie la construction et l'utilisation du port de
commerce entre 1850 et 1950. Les fonds disponibles sont déposés aux archives municipales
de Brest et aux archives départementales de Quimper. Le port de Mar del Plata quant à lui, a
été construit entre 1909 et 1922, par une entreprise française, la « Société Nationale des
Travaux Publics », de Paris. Je travaille à partir des archives de « Vias Navegables », une
antenne du ministère des transports argentins.
Dans cette communication, je me propose de présenter tout d'abord de quelle manière j'ai
accédé aux sources. Si , pour le port de Brest, ces sources sont bien identifiées, en Argentine,
j'ai été confronté à plusieurs difficultés lors de l'élaboration du corpus : identification du lieu
de conservation, accès aux documents, état des archives… Dans un deuxième temps, je
présenterai les deux corpus qui sont constitués de plus de 10000 photos et la manière dont j'ai
organisé les données afin de rendre leurs exploitations possibles. Enfin, dans un dernier point,
j'évoquerai quelques enseignements que j'ai retirés de mon voyage d'étude en Argentine.
Carnet de recherche : http://brmdp.hypotheses.org/
Quatrième thématique : Héritages et traditions Discutants : René-Paul Desse ; Fabrice Le Corguillé
Benoit QUINQUIS
(ED SHS, Dir. Pascal David, EPS)
De la connaissance comme rétrospective et de l’enseignement comme
collaboration : Platon et la théorie de la réminiscence
Les grands succès, même les plus durables, reposent parfois sur des malentendus :
c’est en partie le cas de Platon dont l’œuvre continue à fasciner et à inspirer des travaux de
recherche mais à propos de qui l’exégèse contemporaine doit encore combattre des préjugés
qui ont la vie dure ; la modernité n’a eu que trop tendance à disqualifier comme «
fantaisistes » des idées qui se sont exprimées au travers de mythes et dont le but premier était
pourtant moins de faire adhérer sans réserve le lecteur à une « histoire à dormir debout » que
d’exhorter à la pratique de philosophie en montrant que l’opacité du monde n’est pas
irrémédiable.
Il en va ainsi de la célèbre théorie de la réminiscence, développée notamment dans le
Ménon, suivant laquelle apprendre consisterait, en fait, à se ressouvenir de connaissances
perdues lors de l’entrée de l’âme dans un corps pendant la naissance : cette représentation, qui
soutient la conception socratique de l’enseignement comme maïeutique, donne des accents de
prime abord étranges, pour ainsi dire magiques, audit enseignement et Platon ne s’est pas
privé de représenter les interlocuteurs de Socrate comparant ce dernier à un sorcier ; pourtant,
cette théorie perd son apparence extravagante si on la considère comme la synthèse, sous
forme diégétique, du double enjeu gnoséologique à l’œuvre dans les dialogues de Platon.
D’une part, affirmer qu’apprendre revient à redécouvrir, c’est expliciter le fait que toute
connaissance est rétrospective étant donné que son contenu lui préexiste toujours ; d’autre
part, avancer que l’homme est déjà porteur du savoir qu’il recherche et doit être guidé pour le
retrouver dans son propre fonds, c’est dire que l’enseignement ne saurait être à sens unique et
requiert une participation active non seulement du maître mais aussi de l’élève, à l’encontre
d’une conception, évoquée dans le Banquet par un entretien avec Agathon, réduisant
l’enseignement au remplissage d’un vase.
Loin d’être fantaisiste, la théorie platonicienne de la réminiscence est donc la
retranscription en termes mythiques d’une conception de la connaissance tout à fait cohérente,
que l’on voit à l’œuvre dans les dialogues, qui était probablement appliquée à l’Académie et
qui reste d’actualité ; ce n’est évidemment qu’un aspect, parmi les nombreux autres aspects de
l’œuvre platonicienne, à avoir été mis au jour dans notre thèse, mais il est judicieux de
s’attarder sur ce point dans le cadre d’un forum regroupant des enseignants en devenir ou en
exercice.
Grégory MOIGNE
(ED SHS, Dir. Nelly Blanchard, CRBC)
« S'approprier le temps et l'espace : la création d'une Tradition »
(Druidisme contemporain).
Au cours de mes recherches sur le druidisme contemporain, j'ai rencontré bon nombre de
membres de groupes druidiques ou de sympathisants païens fêter quelque événement à une
date fixe du calendrier actuel (les quatre grandes fêtes celtiques : Samhain, Imbolc, Beltan,
Lugnasad). Les dates et contenus de ces fêtes sont des adaptations modernes de fêtes dites
antiques, et cela s'est bâti essentiellement sur une interprétation de textes mythologiques
irlandais du Moyen-Age. Il en va de même pour des lieux que les groupes druidiques
s'approprient, leur Tradition y plaçant d'anciens lieux de cultes, ou des lieux de pouvoirs, là où
une autre tradition n'y place rien d'autre que quelque légende. De plus, certains lieux sont
réaménagés : ils y placent des cercles de pierres ou arrangent les abords d'une fontaine (Saint
Kaduan en Brasparts, ou Barenton en forêt de Paimont, par exemple). Il y a chez certains une
création de fêtes nouvelles, sans liens avec la religion des Celtes, ou une adaptation de
différents cycles festifs, tout comme il y a une création de lieux pour des cérémonies, y
compris dans l'espace public : le festiaire celtique est réinventé, comme les lieux cérémoniels.
Cette réappropriation est nécessaire car il s'agit bien de créer un culte, ex nihilo, tout en
tentant de le lier avec un passé celtique. Ainsi, il est nécessaire de s'approprier le temps et
l'espace, et il est nécessaire de changer la tradition (populaire) en une Tradition (élitiste) :
prendre possession du temps en créant des fêtes et en superposant des calendriers, et prendre
possession des lieux en y plaçant des mythes et histoires qui n'y ont jamais vécu. C'est tout un
processus créatif qui est en marche depuis le XVIIIe siècle : études astronomiques, de
l'Antiquité et de la religion des Celtes, linguistique, ésotérisme... La tradition populaire n'est
prise en compte que pour justifier la création de la Tradition, qui se veut paradoxalement
ancestrale. Oui, ce « T » majuscule a son importance, et reflète l'appropriation du temps et de
l'espace, permettant de replacer des points de repères, ou d'en créer de nouveaux, qu'ils soient
physiques ou spirituels. Puisque de nouveauté, c'est de cela qu'il s'agit : de nouvelles
croyances qui ont pour base des anciennes, de nouvelles fêtes qui trouvent leurs racines dans
l'Antiquité, de nouveaux lieux de cultes là où il n'y avait rien. Ces créations sont issues du
renouveau druidique contemporain, fortement teintée de celtisme et de romantisme du XIXe
siècle, faisant fi de la recherche universitaire. L'ensemble peut donner un flou artistique pour
qui n'est pas initié, puisque l'initiation est nécessaire à l'entrée dans cette nouvelle perception
du temps et de l'espace : il faut mourir et renaître symboliquement pour accéder à cette
nouvelle réalité, à cette Tradition. Ce n'est plus la seule tradition par laquelle on apprend, on
éduque, celle qui évolue au fil des générations, et permet une transmission de savoirs,
d'archétypes et de mythèmes.