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le directeur de la communication d'une entreprise de l'énergie au forum mondial du développement durable
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SYNOPSIS DE L’INTERVENTION DEM. MICHEL DERDEVET
DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION DE RTE
Colloque FMDDParis, le jeudi 7 décembre 2006
La panne électrique géante intervenue en Europe samedi 4 novembre dernier, durant lesquels 10
millions d’européens, dont 5 millions de Français, ont été privés d’électricité, vient rappeler avec acuité
l’importance de disposer de réseaux électriques performants et efficacement coordonnées entre eux.
Elle vient également souligner avec force l’importance de mécanismes de secours et de solidarité
entre les différents gestionnaires de réseaux de transport européens et par-là même, l’indispensable
rôle des interconnexions.
Mais cette solidarité, que nous redécouvrons aujourd’hui, est déjà de l’histoire ancienne en Europe.
Elle a même précédé, et largement, la mise en place d’une Europe politique.
Les échanges transnationaux d’énergie électrique sont en effet apparus en Europe occidentale entre
1907 et 1910, dès que la technique du transport de force permit d'atteindre le seuil de la cinquantaine
de km sans pertes importantes de courant.
L’histoire de l’interconnexion répond en effet à deux principes des systèmes techniques à grande
échelle : d'une part, une extension géographique constante des échanges par l'élévation des tensions,
d’une centaine de km via des lignes à 60 kV à la veille de la Grande Guerre à plus de 2 000 km
aujourd’hui via des artères à 400 kV et plus, d'autre part une complexité croissante des dispositifs de
gestion. Sa logique spécifique réside cependant dans une complémentarité multiforme, géographique,
technique et temporelle.
La dynamique spatiale de l’électrification est passée, au fil de l’histoire, du local au
national…puis à l’international.
L’histoire du système électrique est avant tout celle de l’ « électrification », terme spécifique qui
n’existe pas dans le champ de l’histoire ferroviaire et qui recouvre un processus particulier. La
dimension spatiale de desserte d’un territoire fait intrinsèquement partie de cette notion et renvoie à la
constitution et à l’expansion des réseaux. La principale divergence dans les modèles de
développement résidait dans la place respective de l'énergie thermique et de l'énergie hydraulique : la
première bénéficiait d'un quasi monopole en Grande-Bretagne et en Belgique et dominait largement
en Allemagne; à l'inverse, la seconde progressait constamment en France et en Italie.
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L'aménagement des réseaux électriques est en effet parti d'une échelle locale, quelques dizaines de
km avant 1914, pour tendre vers une dimension nationale à la fin des années trente, avec des rayons
d'action de plusieurs centaines de km permis par l'escalade des tensions. Le maillage régional
précède les liaisons à grande distance. A l'inverse, la construction des réseaux ferroviaires au XIXe
siècle a privilégié les grandes liaisons entre les principaux centres régionaux, les plus rentables, avant
de densifier le maillage par la réalisation de lignes secondaires, inscrites notamment dans le « Plan
Freycinet ».
Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, les échanges transnationaux d’électricité en Europe restèrent
assez limités. S’ils recouvraient surtout, outre l’alimentation locale de “poches” de consommation
frontalière, des échanges interrégionaux, ils n’en jouèrent pas moins dès les années 1930 un rôle
intéressant de régulation à la marge des systèmes. Les 2 milliards de kWh qui traversaient les
frontières en Europe occidentale en 1938 contribuaient à l’équilibre des charges et à la sécurité de
l’exploitation; ils évitaient aussi l'appel à des centrales thermiques trop vétustes.
La France occupa d’emblée une place majeure dans ces flux : en 1938, elle disposait alors de onze
connexions transnationales concentrées du lac Léman aux Ardennes : sept liaisons avec la Suisse,
trois avec l’Allemagne, une avec la Belgique.
La révolution technologique de l’interconnexion internationale ne put s’accomplir qu’après la Seconde
Guerre Mondiale, grâce à la combinaison de trois facteurs favorables: la logique d’unification et de
rationalisation d’une entreprise publique, EDF, la conjoncture de croissance des Trente Glorieuses et
la volonté de coopération technique des Etats de l’Europe de l’Ouest.
Malgré les contraintes de la reconstruction, EDF entreprit assez rapidement l’aménagement d’un
système cohérent de connexions avec les pays voisins, au-delà de la douzaine de liaisons existantes.
“Pays de l’interconnexion par excellence” grâce à la complémentarité naturelle entre le thermique
septentrional et l’hydraulique méridionale, la France avait tout intérêt à développer ses échanges avec
des nations aux régimes électriques différents.
Le chantier le plus spectaculaire fut la réalisation de 1983 à 1986 d’une seconde interconnexion à
courant continu France-Angleterre de 2 000 MW. En 1991 la France comptait dix connexions
internationales à 400 kV et treize autres à 220 kV : la croissance de l’infrastructure depuis 1946 fut
donc remarquable. Avec plus de 10 % de la production nationale exportée, EDF s'affirmait déjà, dans
les années 1990, comme le premier exportateur européen d’électricité.
Aujourd’hui, RTE, le gestionnaire public du réseau de transport d’électricité français, est un acteur
essentiel de l’Europe de l’électricité. Avec 123 TWh d’échanges commerciaux transfrontaliers (exports
+ imports) réalisés en 2005, un nouveau volume d’échanges record a été établi.
Le réseau continental européen alimente aujourd’hui en électricité 400 millions de personnes, une
consommation annuelle de plus de 2 500 milliards de kWh. S’étendant jusqu’à la Pologne, il est relié
par des liaisons sous-marines avec des îles et des péninsules comme le Royaume-Uni, la Suède, la
Norvège et la Finlande. La connexion avec la Bulgarie et la Roumanie est effective depuis 2005.
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Mais ces liaisons ne se limitent pas au marché européen.
Depuis 1997, l’Europe est connectée au sens électrique du terme via l’Espagne avec les trois pays du
Maghreb. Le réseau, qui unit déjà la Libye, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban, devrait pouvoir
s’y raccorder par la Tunisie. Le réseau turc le rejoindra via la Bulgarie et la Grèce sans doute avant la
fin de cette décennie. Ainsi, de proche en proche se constitue un « grand anneau électrique » autour
de la Méditerranée.
Hautement politique, la coopération régionale en matière d’électricité s’inscrit dans le cadre du
processus européen de Barcelone qui s’est fixé comme objectif d’instituer une zone de libre échange
de l’énergie autour du bassin méditerranéen à l’horizon 2010.
Le Forum euro-méditerranéen de l’énergie qui s’est tenu à Athènes en mai 2003 a défini des actions
prioritaires d’intérêt commun pour la période 2003-2006. Le protocole d’accord de Rome de
décembre 2003 signé par l’Union européenne et les ministres de l’énergie du Maroc, de l’Algérie et de
la Tunisie, prévoit d’intégrer ces marchés dans celui de l’Union européenne ainsi que d’harmoniser
leur cadre réglementaire pour le rendre compatible avec celui de l’Union européenne.
La rive sud et sud-est du bassin méditerranéen devrait connaître, dans les années à venir, une
croissance à un rythme soutenu de la demande d’électricité, ce qui nécessitera une augmentation des
investissements et une diversification des moyens de production. Ces investissements feront l’objet de
financements publics et privés.
Le renforcement des réseaux sur les rives africaine et asiatique de la Méditerranée par des autoroutes
à 400 kV deviendra indispensable à moyen terme pour faire face à l'accroissement rapide, de l'ordre
de 8 % par an, de la demande en électricité et aux problèmes de sûreté de fonctionnement des
systèmes électriques mis en évidence lors des projets d’interconnexion. En d’autres termes, le 400 kV
devra assurer le lien entre tous les pays du Nord de l’Afrique, du Maroc à l’Egypte, et à plus long
terme entre tous les pays de la zone considérée.
La multiplication des interconnexions est un élément qui accentue les phénomènes de concurrence et,
en principe, les baisses du prix de l’électricité, en ouvrant la voie à des possibilités d’arbitrage allant
dans le sens d’une meilleure utilisation du parc de production. Le nouveau dimensionnement du
réseau méditerranéen s’explique ainsi tout autant par des raisons économiques que techniques.
Pour conclure, je voudrais insister sur le rôle éminent des réseaux de transport dans le
développement économique. Les lignes électriques sont parfois perçues comme une gêne visuelle.
Mais n’oublions jamais qu’elles constituent aussi les vecteurs du développement durable et l’un des
tissus de la coopération entre les peuples.