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8/19/2019 Foucault Qu'Est-ce Que Les Lumières
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~~~~.La ph i lothfqu f Qu'est-ceque les Lumieres ?MrCHEL FOUCAULT
Analyse et pr ésentation par Olivier Dekens Agrégé d e philosophie
Doct eur en philosophie
~r éal
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reproduit ici, sont accom pagnées d'un renvoi (.-).à Ia page
correspondante. La r éférence aux autr es hvre.s deFoucault utilisés dans nos intr oduction et commentaire
est donnée en bibliographie.
~;;;;~-~;:::,
SOMMAIRE
PR EMIER E PARTIE
Présentation et analysede Qu'est-ce que les Lumieres ?
a REPERES .I. - La vie de Michel Foucault .
2. - L'itinérairephilosophiquede Michel Foucault... 14
Qu'est-ce que Ia philoso phie? 14
Archéologie du savoir 16 H istoire d e Ia folie : 17
N aissance d e I a clinique 17
Les mots et les choses 20
L'archéologie du savoir 2 3
~ Analytique du pouvoir 24
S ur veillel~ et puni / ' 25
La volonté de savoir 29
.""""Her méneutiq ue du sujet 30
Q , 1 L ., ~3. - u est-ce que es urmeres 32~ Les Dit s et é crits 32
Qu' est -ce que les Lumier es? Une nouvelle définition
de Ia pruloso phie 35
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4. - R ésumé du texte 38L'itinér air e :..... 38
Intr oduction 40
K ant et les Lumiêr es 40
La modernité 40
Une nouvelle déf inition de Ia philosophie 43
Conclusion 45
DEUXIEME PARTIE
Lir e Qu'est-ce que les Lumieres?:texte et commentaire
111LA QUESTIO N DES LUMillR ES DANSL'HISTOlR E DE LA PHILOSOPHIE 47
I. - La définition d es Lumier esau x vme siêcle 47
La figure du philosophe 47
L'o ptimisme des Lumiêr es 48
Les Lumieres, majorité de Ia raison 48
La r eligion au-dessus des Lumieres 49
111COMMENTAIRE .......................... .............................
I. - Plan du texte ..... ............... .... ...... .......... ............ ..
2. - Explication linéaire .Introduction: U ás ist Au fkliirung? .
~ La r é ponse kantienne .
Le cont ext e de l' inter uent ion kant ier me .
La philosophie face au présent .
Les d i fficult és d u t ext e k ant ien .
La modernité .................................................................. Lumlêres et moder nit é ....................................................... Le momem mod en ze
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 0.0
L' héroisation mod er ne ..................................... .............. .... Ra p port au présent et ra p port à soi-même .
Qu'est-ce q ue Ia philosophie? .L'Aufklarung: une nouvelle d é finition d e I a philoso phie .
Car actérisat ion négat ive d e l'êthos philosophique .
Car aetérisat ion positive de l'êthos philosophique .
Conclusion .............................. ............ ......................... .. Les Lumiêres comme conception d ' une vie philosophique .
La philosophie et l 'impatience de I a liber t é .
3· - Commentair e thématique .
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L'autonomie d e I a r aison 1°7 Le so uei de soi des L umi eres !OS
La s pé cifi eit é d e l'AufkHirung ····· 1!O
~ La modernité I I 2
~ Qu'est-ce que Ia philosophie? 114
La philosophie comm e ont olo gie du temps pré sen t 114
La f onction politique d e I a philosop hie I15
L' in t ellectu el s pécifique 116
Présentation et analyse
de Qu' est-ce que les Lumieres?a LEXIQUE FOUCALDIEN 120
111INDEX DES NOTIONS 124
l1li SUJETS DE DISSERTATION 125
1 1 BIBLIOGRAPHIE 126
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• •'"REPERES
La vie de Foucault est d'abord une vie de travail. On pourrait, au vu de ses tres nombreux voyages et de ses
multiples engagements politiques, croire que l'écriture
n'était pas au fond l'activité principale de Foucault. Il n'en
est rien. De Ia premiêre de ses publications,~en 1954-
Ma ladie mentale et pe rso nnali té - à l'année de sa mort, 1988,Foucault n'a pas cessé d'écrire, d'intervenir dans nombre
de revues et de journaux et de donner des conférences,
offrant ainsi à sa pensée une visibilité et une influence qui
vont bien au-delà du seul milieu philosophique.
Michel Foucault naÍt le 15 octobre 1926 à Poitiers.
Enfance tranquille, scolarité sans histoire: Foucault nequitte pas sa ville natale avant son entrée en khâgne,
classe préparatoire à l'École normale supérieure, au lycée
Remi-IV; à Paris. Reçu en 1946 dans cette école, il étudie
Ia philosophie à Ia Sorbonne et passe, en 1951, l'agréga-
tion de philosophie, à laquelle il avait échoué l'année pré-
cédente. Son travail porte alors sur Ia psychologie
clinique, qu'il enseigne à l'ENS et pratique à l'hôpital
psychiatrique Sainte-Anne. Il s'intéresse aussi à Ia littéra-
ture, à Ia musique, ainsi qu'à Ia poli tique, sans abandon-
ner pour autant Ia philosophie, puisqu'il lit dans ses
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années les auteur s qui vont f éconder son reuvre: Hegel,
Marx, Freud, Heid egger, et sur tout Nietzsche.
En 1954 paraít Ma lad ie ment ale et personnalit é. L'annéesuivante il q uitte Ia France pour Ia Suede, ou il occupe le
poste d e directeur de Ia maison d e France à Uppsala.
Parallelement à ses fonctions, il entame les recher ches qui
cond uiront à Fo lie et déraison, son grand livre sur l'histoir ede Ia folie. En 1958, nouveau déplacement: Foucault est
chargé d e rouvrir le Centre d e civilisation française del'université de Varsovie. Il ter mine enfin son histoire de Ia
folie, qu'il remet à Georges Canguilhem, son dir ecteur dethese. En 1960, il q uitte Ia Pologne pour Ham bourg,avant de r entrer en Fr ance pour êtr e nommé maítre d e
conf érences en psychologie à l'Univer sité d e Clermont-
Fer rand . Il traduit cette même année l'Ant hr opologie d u po int d e vue p ragmatique de Kant.
Foucault publie en 1963 Naissance d e I a cliniq ue. Des1964, il tr availle à Ia bibliotheque nationale à une histoired es sciences humaines, en plus d 'une intense activité deconf ér ences, d é bats, et d 'une participation active à Ia vie
intellectuelle et poli tique f rançaise. Il r encontr e DanielDefer t, qui sera son com pagnon jusqu'à sa mor t et à quinous d evons l'édition des D it s et écrit s. L'homosexualité d eFoucault ex pliq ue une partie de son engagement poli-
tique, q uand il s'agit d e soutenir les dr oits d es homo-
sexuels, mais on ne peut pas considérer qu'elle ait eu sur Ia nature d e son reuvre une influence significa tive.
Foucault publie, en avr il 1966, Les mot s e t les choses. Lelivre a un succes pu blic imméd iat, surprenant eu égar d àsa difficulté; il d éclenche une vaste polémiq ue autour d e
l'humanisme. En septem bre, Foucault s'installe en
Tunisie, pour enseigner Ia philoso phie à l'université d e
Tunis. Il ne r evient en Fr ance qu'a pr es les événements de
Mai 1968; il contribue en r evanche à Ia cr éation d 'unedes institutions issues du mouvement d e Mai, l'univer sité
d e Vincennes, faculté expér imentale ou il enseigne Iaphi-
loso phie tout en terminant son ouvr age le plus théor ique,
l' Archéolog ie du savoir.L'année 1970 est marquée par l'élection d e Foucault à
Ia chair e d'histoire d es systemes de pensée du College d e
France. Le College, qui ne d élivre pas d e di plômes, per-
met à ses enseignants d e pr ésenter à un public tr es d iver sleur s tr avaux en cours; Foucault y donner a une leçon
he bd omadair e jusq u'à sa mor t. Il crée par ailleurs le
grou pe d 'inf ormation sur les prisons, une association des-
tinée à étudier Ia situation pénitentiaire à partir d e Ia
parole des prisonniers eux-mêmes. Cet engagement peut
être per çu comme le volet actif et politique d'un travail
plus intellectuel, celui qui va aboutir à S urveiller et punir , -q ui par aít en 1975. Années d 'une gr ande fécondité etd'une tourbillonnante activité politique et associa tive, il
participe notamment, en septembr e 1975, à l'interventiondes intellectuels français en faveur d 'opposants au régime
de Fr anco.
Des 1976, son travail s'oriente vers le domaine de Iasexualité. ~ Vólonté de s[ JJ ,). J lir ,qui se présente comme uneintroduction à une histoire d e Ia sexualité, paraít en
décembre: le livre suscite étonneme et déreptions, enmême tem s l!1!!1jntér êwQnre.nu.d€S-Jllilieux f émit:li.sres.
%homos.exuels _ La fin des années 1970 voit Ia création par Foucault d'un groupe d 'intellectuels, qu'il appelle lui-
même des reporters d 'idées et qui vont parcourir les pays
à l'actualité politique Ia plus brúlante pour apporter un
éclairage d 'ordre philosophique à ce qui s'y déroule.
Foucault donne ainsi à Ia presse fr ançaise de nombreux
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articles sur Ia révolution iranienne. Ce mouvement est
étroitement lié à Ia définition de Ia philosophie q ueFoucault propose dans Qu' est -ce que les Lumier es. z
En 1981, Foucault est à nouveau au cr eur de l'actualité poli tique, par son soutien aux Opposants au régime de
J~ruzelsk i, en Pologne. Il pour suit son étude de Ia percep-
tIon de Ia sexualité, principalement dans l'Antiquité. Ses
engagements sont toujour s aussi nombreux, mais
Foucault est de plus en plus fatigué et affaibli par Ia maIa-
die. Il est hos pitalisé Ie 3 juin 1984. Il meurt du sida le
25 juin.
Foucault comme philosophe exige donc une présentation
d e ce que lui-même met d ans ce terme usé.Qu'est-ce que les Lumier es? peut être lu comme un
manif este pour une philosophie concrête. Mais les
Dits et écrits en leur totalité sont riches d 'ense~gneme~tr Ia définition q ue Foucault pr opose de Ia phlloso phle.W . hCetr edlfinitlon permet e com pr endr e POurquOl c a-
cune des grandes reuvr es de Foucault peut êtr e lue
comme un ouvrage de philosophie sans Jãffials r ésenter ~-;- ~evisage haD~ 'ií~texte ghi10so phi.gue'
A
Le
tr avail d e Foucault peut en une premlere a pproche etre
caractérisé ainsi :JaiJ:e d e Ia J)hilosophie, c' es élª-bQJeune ethnologie d e pf €}pr e-cultur-&,-c'~"t-à-d ire ana-
~r Jes cond itions f orrr:elles qui ent ~F~sid,é ~ iaCQU truction d e n ltre .00 Autr ement d lt: II s aglt de
présenter une critiq ue d e notre temps, fondée sur .des
analyses rétrospectives (Dit s et écrits I, p. 10S I). La philo-
sophie a ainsi pour tâche de diagnostiquer l'état
actuel de notre mod e de penser à partir de l'étude deson histoire, pour éventuellement, nous le verrons,
f onder sur une telle compréhension une autr e pen-sée, et partant une autre action. . .
L'r euvr e d e Foucault est en même temps une hlstOlr ~
de 1 vérité. Il ne fa~t pas ~nt,endre par ce t:rme l'en-~..::$. Jsem ble d es choses vrales~ mais 1 ense.mble des regle.s, pro~ pduites par d e complexes Jeux de saVOlr set de pOu.vOl~S,q UI ~ . ~
posent le par tage entr e le vrai et le f aux. Cette hlstOlr e d u ' ):
ra pport entre notr e pensée et Ia vérité peut empr unter \
plusieur s itinér aires. Foucau:t lui-~ême résen:e son tr ~- r f~vail comme un our s f iIl so hl u ar que par trOls :r éta pes ma jeur es, qui sont autant d e manieres com plémen- )r
tair es d 'a,epréhend er le f ond silencieux ~e ~otre. propre ~ .
eul'", Pwnihe é t a W ' , une «ontn!Dg>c on ue de r
2. - L'itinéraire philosophiquede Michel Foucault
c
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nous-mêmes d ans nos ra pports â _ Iavé . , > ( Dits et écrits11, p. 1437), q ui vise à éUIdier les modalités d e constiUI-tion du savoin:::]2euxieme étape, une «ontolo ie histo-
ri ue d e nous-mêmes dans nos ra orts à un ch;m de pouvoir » (ibid.), qui integr e les mécanismes d u pouvoir
d ans l'élabor ation du savoi r Olsiéme éta , une «onto-Jogie historique d e nos rapports à a mor ale » (ibid. f , qui
prend pour objet Ia maniere dont le su jet se constiUIecomme agent mor al. Le f iI conducteur d e cet itinéraire
est clair : i est q m:sti.on dans.tQus Ies cas..&un.e..généalogie-de la- pensée, comme savoir, comm - sa-v:. -pauvoi.r , p:u.is _ comme constitution. d e.J~ sub jectiwté On r etrouve à
chaq ue f ois le même souci d 'évaluer ce qui se d onne ànous comme vér ité.
. ~es textes d e Foucault peuvent d onc être r egr oupésamSl:
- une archéologie du savoir (1954-197°): Histoire de I a folie , Naissance de I a clinique, Les mots et les choses, L'arehéologie du savoir ;
- une analytique du pouvoir (1970- 198 I): Surveiller et punir , et, en par tie La volont é de savoir ;
- une herméneutique d u su jet (1981-1984): cer tainsas pects d e La volont é de savoir , L'usage d es plaisirs , Le soueide soi.
Suivre cet itinér air e nous per mettr a d e mieux saisir Ia pIace et Ia f onction d e Qu'est-ce que les Lumieres?, puisquece texte est avant tout une justification rétr os pective d e ceq ui a été accompli.
présenter comme un objet structuré. L'enq uête vadonc porter sur les cond itions d 'émer gence d 'un savoir
particulier, sur ces éIéments muItipIes, qui tiennent d eI'histoire, d e Ia philoso phie, d e Ia poli tique ou du langageq ui f ont qu'un savoir se donne, à un moment d onné,
comme savoir vr ai. Mais Foucault s'empr esse d e préciser
q u'une telle r echer che ne releve pas d e I'histoire (Dits et
écrit s 11 , p. 805): iIla q uaIifie curieusement de f iction his-tor ique. Bien entendu, ce su bstantif n'im plique pas q ue
l'imagination d u chercheur est en jeu; il souligne sim ple-ment que l'archéologie est une création qui va ar ticuler I'éUId e du passé à un eff et sur le présent. Vn seul exem pled 'une archéoIogie réussie: peu de temps apres Ia pu blica-tion d e Surveiller et punir, les pr isonniers clamaient entre
les cellules d es passages entiers de l'ouvrage, comme sil'histoire minutieuse de Ia pénaIité trouvait une résonanced ans Ieur s cond itions acUIelles d'existence.
~ Archéologie du savoir
Foucault déf init son travail comme une archéologie.Faire une archéologie du savoir consiste à identifier Ie fond souvent caché d ans leque! une pensée va se
H istoire d e Iafolie
Ce style d 'éUId e peut pr endr e pour o bjet n'importe
q uel domaine de connaissance. Foucault, dans cette pr e-
miêr e par tie de son ceuvr e, va privilégier trois sujets par -ticuliers: Ia f olie, Ia notion d e cliniq ue, enfin le concept
d 'homme. L' Histoir e d e I a folie à l'âge classique, précéd em-ment intiUIlée Polie et déraison , est l'acte inaugural dugeste ar chéoIogiq ue. L'ouvrage, imparfait d ans son styleet sa strucUIre, parfois peu lisi ble, est d'un geme totaIe-
ment nouveau. Son o bjet peut être résumé ainsi: il s'agitde comprendr e comment I'homme modeme aconstruit le concept d e folie comme Ia vérité del'homme sous sa forme aliénée. Autrement dit: il s'agit
d'anaIyser Ia construction d 'un vaste champ deI'aliénation, dont Ia figur e du fou va se détacher
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progr essivement, tout en indiquant comment cettefigure dif Iere fondamentalement de l'opposition clas,siq ue
entr e raison et dér aison. [oucault réSllme son pE2JetA'une furmule lapid a ir e : de l1iowme à l'homme~echerin passe par l'homme fou ( H istoire de I a falie , p. 649).
Le mode o pér atoir e d e cette recherche est r elative-
ment simple. Pour compr endre comment Ia folie a ppar ait,il faut étudier le tr aitement que Ia société a a ppliqué aux
diverses formes d e Ia déraison, puis comment on est pr o-gressivement passé d 'une simple mise à l'écart de Ia d érai-son au tr aitement psychiatrique d e Ia f olie. Une histoir e de
Ia f olie ne peut d onc êtr e qu'une histoir e d e l'asile.
En son pr inci pe, I ' H ist oire de I afo lie est le r écit de deuxmouvements contempor ains l'un d e l'autr e: l'un consti-
tutif d'un systeme de rationalité d ans lequel le fou esto bjet; l'autr e construisant une mécanique d'exclusionsociale du fou. Cette histoir e commence par le grand ren-f ermement de tous les sujets pouvant troubler l'ordrer ationnel d e Ia société: on a ici af f aire à une grande masseindistincte, mêlant gueux et insensés, mais rien de tel que
le fou comme figure singuliere, qui n'a ppar ait que d ansl'expér ience concrete que le XVIII e siecle en f er a.
La f olie ser a au contr air e, quand on l'aura enfin cer-
née, le contr air e et le vis-à-vis de l'humanité. Ainsi, alor sq ue le XVI e siecle avait maintenu Ia perméabilité d e Iatrontiêr e entr e Ia raison et Ia folie, l'âge classique va exiler
Ia folie « hors du domaine d 'appartenance ou le su jetd étient ses droits à Ia vér ité »( H istoire de I a falie, p. 70).On trouve alor s d 'un côté Ia synthese pathologique del'aliénation jur idique et d e l'exclusion sociale, d e l'autre Ianorme d 'un être juridiquement compétent et socialement
intégr é. Le f ou est rationnel et sa f olie rationalisa ble: on peut le jauger par ra pport à l'homme normal et normatif.
Le partage humanitélfolie ne releve plus du tout duchoix, mais du constat, il se prétend fondé scientifiq ue-
ment sur l'approche du pathologique. Le fou en ce senss'est exclu lui-même par sa folie, Ia liberté du sujet ration-nel n'est même plus nécessaire pour le tenir à l'écart. La
fin du grand renfermement coi'ncidera avec cette décou-
verte: il paraitra inhumain à l'homme moderne d'interner
un être dont l'exclusion n'est plus indispensable à sa
propre identité d'homme rationne!. Le fou devient l'objetd 'étud e et de traitement qu'il est encore aujourd'hui; il
est Ia figur e inverse de l'homme en sa vér ité.La naissance de Ia psychiatrie doit être rattachée à Ia
formalisation d e l'homme: ce n'est qu'au moment oucelui-ci devient un cri tere normatif que le savant peut,face à Ia folie, se trouver en position d e force. Évidem-ment, Ia r elation est réversi ble, et l'on peut tout aussi bien
dir e que ce n'est qu'au moment ou quelque chose commele fou a été o b jectivement id entifié que le sujet du savoir
peut disposer d 'une base solid e. Autr ement d it: l'appari-
tion d'une science objective de l'homme n'est pos-sible que par l'objectivation de l'homme aliéné, au
point que « l'aliénation sera déposée comme unevérité secrete au cr eur de toute connaissance objec-
tive de l'homme »(Histoire de I afolie , p. 575)·
N aissance de ia clinique
Le second o bjet q ue choisit Foucault pour a p pliquer sa méthod e archéologique est, comme l'ind iq ue le sous-titr e d e Naissance de I a clinique, le r egar d médica!. Onretrouve les notions de pathologie et de norme qui struc-tur ent I ' H istoire de I a falie, mais aussi l'id ée d 'un 9 bjet desavoir qui se constitue en même temps que les institu-tions qui l'isolent et l'id entifient. Foucault suit pas à pas
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l'apparition d 'une méd ecine q ue ne r éduit pIus à un co r pu s
figé d e techniques, mais qui envelo ppent une connais-
sance d e I'homme sain. Le r egar d méd ical nait aumoment ou le tr aitement du pathologique s'appuie sur le
savoir d u nor mal. Le moment-clé de cette histoir e est
cer tainement le fait d e Bichat: tout en posant Ia these,
philosophiq uement d écisive, selon laquelle Ia vie est d éfi-
r ue comme résistance à Ia mor t, ]ichat, à Ia fin du XVIIIesiecle établit un lien nouveau entr e I'es ace visib ~
~tômes et l~ profon eur d e Ia ma a ie-ear Ia systéma-tJsatJon d e Ia dIssection. L'ex périence médicale, en inté-
a mort do' .e de se détacher du
~ iQd étermÜ~,~ àll Itlo..c.QDtre-naDlr eet d 'ªºpar aitre,indi' li' et délimit' s le corps des vivants.
Les mots et les choses
Le troisieme domaine d 'application de Ia démarche
ar chéologique est celui des sciences humaines, ou de
l'homme lui-même, objet et cible de l'ouvrage sans doute
le plus maitrisé de Foucault, Les mo t s et les choses. Ce texte
a suscité une intense polémique intellectuelle par sa thesefinale: l'id ée d'homme se' ." e née à fi
d u XVIlIesiecle e .". du xxe• Mais,ma gr é Ie car actere ªP12aremme pt PI:0voq teur de cette
~rjQP5 qui pr e pd à contr e- pied Ia si commupe adhé-sion à l'humanisme, Foucault tente seulement d 'étu-
d:er les cond:~o~s d 'élabo.r::::n.::u~=tJtbQ~?iõ a md!quer ce 2 m I _ ._ !!... _ ~-
,. 0 ;ln et C i< qui ~mter 53 d i~parjt jon. Il n'y a làau.cune c;itique d e l'homme lui-même ou du respect qui
1m est du; Foucault se place sur un terr ain strictement
th~orique. L'homme a été pend ant d eux siecles le conceptulllficateur d es savoir s qualifiés justement de sciences
humaines: q uand les cond itions d 'une teIle unif ication ne
sont pIus réunies, qu'ar rive-t-il à notr e pensée? Quand
cette id ée ne peut plus sta biliser le sol d e nos préoccu pa-
tions, quelle inq uiétude va sur gir , quel nouveau mode d eréf lexion va d evoir s'imposer ? On le voit, ces q uestions
ne sont pas d'or d re éthiq ue ou politique. Elles touchent à
l'acte d e penser lui-même, dont iI f aut au jourd'hui rééla-
borer les modalités, à Ia lumiere d 'une histoire patiem-
ment r econstr ui te, dans les queIq ues 350 pages q ui
précéd ent Ia these finale.Pour f aire ap paraitr e le concept d 'homme, il faut au
pr éalable en d écr ir e Ies modes d 'a pparition et les condi-
tions d 'énonciation. Ce faisant, et comme en passant,
Foucault dresse un ta bleau fort détaillé d e Ia Renaissance,
d e l'âge classique et du seuil de Ia modernité. Le XVIesiecle
est l'âge des r essemblances: convenance, émulation, analo-
gie ou sympathie. Dans I'es pace ainsi balisé, structuré par
ces différents modes d e proximité, I'homme occupe d 'em-
blée, bien avant que naisse son concept, une situation pri-
viIégiée. Mais ce privilege d e I'homme d e Ia r éalité n'enf ait nullement le per sonnage centr al que d énote seule l'uti-
Iisation d 'un conce pt pro pre de l'humanité. Les choses,
rassemblées en une seule gr ande plaine uniforme, parlentd'eIles-mêmes, suscitant leur propre commentair e: nuI
es pace pour une f igur e d e l'homme qui n'est nécessair ~
que comme lieu d'ar ticulation entr e mots et choses. Ce qm
d ans les siecles précéd ant le xvme a pu tenir fonction de
discours sur I'êtr e humain ne requerrait pas un conce pt
propre. Il y avait Ie mot, il y avait Ia chose, mais non cettef igur e unique, pr écipité d e langage, d e vie et de tr avail. Il
~t pas non plus, contempor aine d e I'homme~a rupture du xvme. siecIe ~nissant, cet événement
r adical d ont Foucault smt les sIgnes, les secousses, les
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eff ets, peut êtr e compr is, en sa plus grande généralité,comme passage de l'espace au tem ps, ou comme intr odu c-tion d u temps dans l'espace. Le tem ps, qui n'était q u'unélément per turbateur d e l'ordre, d evient princi pe, et pré-lud e à l'a p par ition finale du conce pt d'humanité.
La finitude que nous cr oyons incarner seuls, l'hommeq ui par aí't avoir toujours été, l'humanisme même sont d es
moments d 'une histoire, et ne peuvent donc prétendr e à
~ne valid ité ?ermanente. L'homme mod erne n'est pas unetre tout-pUIssant, embr assant le r éel par Ia f or ce d e son
pouvoir synthétique: il est cet êtr e fini, à Ia marge d 'une
ex p.érie~ce qu'il ne maí'trise pas, ou il ne se r econnaí't pas,maIS qUIle constitue comme homme fini.
Foucault, dans ces pages céle bres, oscille entr e constatet souhait. Notr e é poque n'est pas seulement pour lui lemoment d 'un nouveau commencement pour Ia philoso-
. hie, qu'il désire repr endre autrement; il es.r aussi celui
.4'une fin progr ammée d e l'homme.-L'archéoIogic?n' , , Iaura qu accentue a pente naturelle de I'histoire duconce pt d 'homme vers sa d issoIution, elle n'aura que
souligné de son rire silencieux Ia mort prévisibIe etheureuse de l'homme, réd uit à n' être que ce qui vas' effacer, « comme à Ia limite de Ia mer un visage desabIe »(Les mot s et les choses, p. 398).
La situation de Ia philosophie aujourd'hui est finale-ment c0n:- parable à celle de Ia méta physique à l'é poque d e
~ant: « 11faut se r éveiller de ce sommeil anthropolo-~Ique, comme jadis on se r éveillait du sommeil dogma-tlque »(Dits et é cr its I, p . 487). Le concept d 'homme a une~et ~arcotique sur I'exercice de Ia philoso phie; on pour-ralt dlre qu'il maintient Ia pensée d ans un état d e minorité
confortable, puisque I'homme assure Ia tranquille unitédu rée1. Les sciences d e l'homme ont f asciné et endormi
I hiloso phie. Indiquer en quoi l'homme est mort, c'est:E !ectuer un nouveau geste critique q ui, ~ I'instar du geste
k antien, liber e I'espace d 'une autr e pensee.
L'archéologie du savoir
Ce premier moment d e I'c:euvre de Foucault se ter -
mine par l'Archéologie du savoir. Foucault tente, de
e prendre ici de manier e plus conce ptuelle et sans s ap-r , I d'W puyer pour une fois sur d es données historiques, e: . 1 e-rents instruments qu'il a utilisés d ans les textes anteneu~s.
Sans entrer d ans le d étail d e cet ouvr age d 'une gr an~e d lf -f iculté r etenons simplement deux éléments, q UI nous
, I L ., "(seront utiles pour Ia lecture de Qu'est-ce ue es.. umle~es ..
Premier point: Ia mort de I'homme, condmon ~ un~
Utr e pensée porte en elle Ia m0rt du suje1. cette notlon SI
a, I' Aimportante dans Ia philosophie moderne. Cel e-c! a pparalt
significativement non pas t~nt. dan~ Les mot s et les~hoses ,ouelle est certes évoquée, maIS jamaIS pour elle-men:-e, q ue
dans L'ar chéologie ~u savoir , ce, qui lu~ conf ere ~e Im por ~ , jtance méthodologlq ue supplementalre. Dans "/
tion de ce texte F d if f érenhistoire en voie de disparition, et que beaucoup regr ette,
celle q ui «étai t en secr ~t, mais, tout ,enti~re, référ~e à I'ac-tivité synthétiq ue du sUJet »(Larc~eolo~le du savotr, p. 2~).
L'archéologie comme mét o . n~tr UIra~ u et ou p us exactement sans un su et Ul11 ue et
ll!J jfj~s';git a or s de com prendre les ~Qdalj~d iverse ' 'nonciation, Ia pluralité des for matlon~ dIS-cur mme le d iscour s sur o Ie Ia dle ou'h sans en re erer à l'unité d 'un su·et. De manier e
générale, un savOl Xlge ni ne renvoi~ à au~un ~< J e pense », ni à aucune origine qui le rend ralt posslble: 11se
suf f it à lui-même, prend sens horizontalement par les
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rapports qu'il entretient avec le champ ou il est formulé, et
non ver ticalement par une prétendue dépendance à
l'égard d'une subjectivité fondatrice. Dans le fid ele constat
de Ia mor t du su jet, Ia philosophie peut être dépouillée - et
c'est là sans doute l'essentiel- de son «narcissisme fonda-
mental» (L'archéologie du savoir, p. 265)'
Second point: Foucault va progressivement se rendre
compte que Ia constitution d'un savoir est inséparable
d'un ensemble de pratiques relevant d'un pouvoir. Vn
objet d 'étude ne peut apparaitre que s'il a été isolé,
contrôlé, maitrisé, soumis à une f orme d e coercition' ,inversement, le pouvoir ne peut s'exercer que s'il peut
susciter et permettre en parall
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M ot s et les choses en intégrant cette fois les r a ppor ts d e
pouvoir dans Ia genese d e I'homme. Le d é placer :nent d u point d 'a pplication d u châtiment du corps ver s cette
entité s pirituelle qu'est l'homme permet un nouveau
r égime d e Ia vérité, une nouvelle f açon d 'a ppr éhend er
l'humain qui fonctionne en même temps comme justifica-
tion du systeme pénal qui lui a donné naissance.
Naissance d e Ia prison, naissance de l'homme. Les
Lumier es sont encor e une fois le moment-clé d e cettehistoire. Gn y conçoit que le criminel d oit certes être
puni: mais il est homme, et son humanité est une fron-
tier e à r es pecter par Ia puissance d e Ia punition. Le XVIIIe
siecle aur a été l'âge d'une nouvelle douceur du
châtiment; cela ne signifie pas encor e q ue l'homme
comme objet id entif iable et sta bilisé par un savoir positif
ait été mis au cceur du systeme pénal, comme ce qu'il
s'agit de tr ansf or mer et de guérir. Mais dé jà le criminel
n'est plus seulement un cor ps à punir: il est d 'a bord un
citoyen, dont Ia faute remet en cause Ia société entiere à
laquelle il est uni par contrato Il n'est plus le hor s-Ia-Ioi
auquel on a p pliquera sans remord s un tr aitement inhu-main; il est cet êtr e qui s'est soustr ait à ses obligations
d e citoyen, et q u'une bonne économie d u pouvoir doitsanctionner .
Peu à peu, le pouvoir va se doubler d'une r elation de
connaissance. Le criminel, que l'acte exclut du pacte
social, est d'a bord relégué à Ia sauvager ie naturelle; ce
pr emier pas accompli, il pourra êtr e tenu pour anormal,et donc l'ob jet potentiel d 'un traitement scientif ique. La
punition d e son côté, exigeant des tactiques d'interven-
tion d e plus en plus fines, va elIe aussi rendre nécessaire
un savoir détailIé d u criminel. Que ce soit dans l'organi-
sation d u pouvoir répressif ou dans Ia descr i ption d e sa
ci ble, l'homme a pparaít, au cceur d 'un processus d 'amé-
nagement d es techniq ues du pouvoir.En tres peu de temps, Ia détention va s'imposer et rem-
placer le lumineux théâtre punitif . L'appareil unifor me des
pr isons s'installe en à peine vingt ans, ou peut-êtr e encore
moins. Gn peut bien sur expliquer en par tie ce succes du
systeme pénitentiair e par Ia formation, à cette é poq ue, d esgr ands modeles d'em prisonnement punitif . Mais pour que
ce systeme acquiere Ia force d 'une évid ence, une modifica-tion en profondeur d u régime de Ia punition est req uise. Il
aur a falIu q ue Ia prison récupere les effets des cod es d isci-
plinaires existants, ceux de l'école ou de l'hôpital; il aur a
f alIu q ue, d 'instrument d 'une bonne administration des
peines, elIe se transfor me en «une machine à mod ifier les
esprits» (Surveiller et punir , p. 128).L'homme des sciences humaines est le f ruit d e l'exa-
men, à Ia croisée d'un pouvoir nor malisant et d'un savoir
ind ivid ualisant. La démarche encore incomplete d es Mot s
et les choses est reprise ici, a p pliq uée au plus banal des
matér iaux, dans les archives de peu de gloire d e Ia disci-
pline. L'homme de Iamodemité est ainsi un individunormalisé. Il fonctionne dans un systeme binaire - nor -mal/anormal - impliq uant des techniques et des institu-
tions de contrôle et de correction d es anor maux. Il est
dans Ia nor me qui s'impose, à chaque fois différ emment, à
Ia d iver sité d es ind ivid us, une nor me à Ia fois puni tive,
corrective et o bjectivante. Foucault ne prétend pas que
les techniques disci plinaires sont des créations du XVIlIe
siecle: il affirme seulement que leur systématisation à une
é poq ue d éterminée pr od uit un cercle, dans leq uel pou-
voir et savoir se r enf or cent récipr oq uement.L'humanité et l'humanisme q ui s'en réclame subissent
ici une critique beaucoup plus vigoureuse que d ans
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Les mots et les choses.Remettre en question Ia permanence
du concept d'homme, en faire une figure de sable entre
deux vagues historiques provoquait déjà une sérieusedévaluation des sciences utilisant ce concept; mais leur
rattachement à Ia discipline est plus cruel. Loin d'être Ia
fierté de l'homme, les sciences humaines « ont leur
matrice technique dans Ia minutie tatillonne et méchante
des disciplines et de leurs investigations » (Surveiller et
pU~1r,.p. 227)· Le systeme pénal moderne est le passage à
!a lll~llte de cette t~chnologie disciplinaire: inter rogationmf ime, analyse touJours r econd uite de l'individ u mesure
perpétuelle de l'espace séparant Ia norme de l'~normal
La pr ison, c'est une école fer mée, une caserne sans issue:
, L ~ ~r ison ,devient laboratoire d'humanité. L'objetd e~pene~~e n est pas le condamné déf ini par son crime,~als le delmquant, dont I a vie importe plus que l'acte. Le
blOgraphiq ue s'installe dans le pénal: on s'intéresse aux
car acter es, ~~ compor tements, pulsions et passions de
c~a.q ue mdlvld u, on dr esse Ia ty pologie naturelle d esdelmq uants, q ui constituent peu à peu une classe nou-
velle. La prison f abrique Ie d élinquant, en tous Ies
sens du tenne, mais principaIement au sens ou eIle
pr o~ui.t d 'eIle-même son objet, Ia d éIinquance, qui va
temr heu de principe structur ant du théâtre pénaIavec ses figur es: juge, bour r eau, condamné infr ac~
~eur . Et c'es: là que Foucault va intr oduire Ia the'se qui va
a nouveau declencher Ia polémiq ue. Si "le systeme pénal
p,erdur e,'. ma!gré. so~ inef f ic~cité mille fois proclamée,c est q u II dOlt lUI -meme aVOlrune fonction: isoler l'illé -galisme intolérable pour mieux laisser d ans l'oubli celuiq u'on veut ou doit tolérer. L'échec du pénitentiaire est
d'a?ord sa réu:site: p~od uire un type de délinq uancesoclalement et economlquement utile et contrôlable. Le
délinq uant est alors un sujet pathologisé, séparé, maí'trisé, Iaforme pure d'une humanité normalisée. On com prend
pourquoi Ia cr itique des prisons a été l'une de~ ~onsta,ntesde l'action de Foucault. Il ne se contente pas ICI d e r ec1a-
mer un ad oucissement des conditions carcér ales; il sou-
ligne plutôt l'extraord inaire ef ficacité du systeme
carcéral, qui produit et reproduit Ia figure d u délinquant,
qui ser t alors de repoussoir à une société normalisée.
La volonté d e savoir
Tres peu de temps apres Ia par ution de Surveiller et
punir, Foucault pu blie le premier tome de son histoire d e
Ia sexualité, La volonté de savoir. Cet ouvr age peut à Ia fois
être lu comme une étude d'un pouvoir sur le sexe se
manif estant dans le d iscours q ui le pr end pour o bjet et
comme amorce d'une généalogie du sujet, telle q u'elle va
se construire dans les ouvrages suivants. La volonté de savoir - c'est sa principal e nouveauté -
aband onne le schéma binair e pouvoir/oojet. Le sexe ici
considéré n'est pas l'o b jet créé par une lour d e pr océdur e
de r é pression: il est l'eff et d'une valorisation du corpscomme objet de savoir et éléments dans les rap por ts de
pouvoir. De maniere tres signif ica tive, cette émer gence
d u su jet sexuel, et l'ex plosion discursive qui lui est liée, se
prod uisent d ans Ia même séq uence histor ique qui a vu
naí'tr e le concept d 'homme et Ia prison comme f orme
générale d e l'enfer mement. Cela ne veut pas d ire que le
sexe est humaniste, mais q ue Ia cond ition d e Ia sexualité
comme d u d iscours sur l'homme, Ia finitude, a p par aí't au
tour nant des xvme et XIXe siec1es. Ce texte manifeste tou-
tefois, par rapport aux ouvrages antér ieurs, un so~ci ~'af -f iner encor e Ia notion de pouvoir . Foucault mdlq ue
pourq uoi Ia réalisation concrete d'un pouvoir sur les
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pr atiques sexuelles se f ait bien plus par une prolif ér ationd es d iscours sur Ie sexe q ue par une répr ession sirvple. Lamaltrise ne s'o btient pas ici par Ia contr ainte ou I'interdit
. ,malS par une construction scientifiq ue qui se d onne Iesexe pour o b jet d 'analyse et éventuellement de corr ection.
Le tr oisieme moment d e I'reuvre de Foucault s'annonce
dé jà: peu à peu s'impose l'id ée q u'iI est nécessaire d 'inter-
pr éter Ie d iscour s sur Ia sexualité, et donc de conduír e cequ'on appelle en phiIoso phie une herméneutique.
~ Herméneutique du sujet
La volon t é de savoir s'attache d 'a bor d à r éf uter ce que
Foucault a ppelle I'hy pothese r é pr essive. L'idée selonIaquelle Ia sexualité serait aujour d 'hui I'objet d 'une
r é pression est selon Iui absurd e. PIus exactement: Ia
r é pr ession n'est pas Ie moyen de maltrise d e Ia sexuaIité Ie
plus puissant. Au contraire: Ie sexe est depuis Ia fin duxvme siecle I'objet d'un intér êt considérabIe, d'une vaIori-
sation mor aIe et d 'un souci scientifique tr es fécond. Oncompr end alors que Ies concepts usueIs de I'anaIytique du
pouvoir, qui fonctionnaient encor e dans Su rve ill er et
pu nir , ne sont pIus adéquats. Foucault inf léchit aIor s Iadirection d e Ia d émarche archéologique, en Ia faisant por-ter dir ectement sur Ie discour s d e Ia sexuaIité. Cetteinf lexion traver se La vo lon t é d e s avoir , et va même obliger
Foucault à modif ier en prof ond eur son projet d 'une his-
toire de Ia sexuaIité. Au Iieu d e s'en tenir à ce qui était pr évu - une histoir e de I'expérience d e Ia sexuaIité à partir d e I'a pparition de son concept, au d é but du XIXe siecle _ Foucault élabore une généaIogie de l'homme du
désir . 1 1 va renoncer même à son id ée initiaIe, et recen-tr er Ie pro pos autour d e I'Antiquité, périod e ou a pparalt,
en même temps qu'une r éflexion mor aIe sur Ie sexe Ia,
notion même d e sujet éthique. L' u sage d es plaisir s et Le
SO lteid e so i sont Ies d eux pr emiers moments de cette his-toir e; Les aveu x d e I a chair, qui devait porter sur Ie début
du christianisme, en aur ait constitué, si Foucault avait eu
Ie temps d e le terminer , l'ultime étape.Foucault a joute au couple savoir-pouvoir un tr oisieme
élément, le plaisir , mis en r a pport avec Ie discour s sur Ia
sexualité humaine. L'o bjet d e I'enquête va d onc êtr e à présent non seulement ni pr incipalement I'histoir e du
dis positif par lequel un pouvoir, qui est tou jour s en mêmetemps un savoir , du sexe se construit, mais ce que
Foucault appelle une histoire de 1'« éthique », c'est-à-direune «histoire des f ormes de Ia subjectivation morale et
d es pratiques de soi qui sont destinées à l'assur er »( Lavo lonté de savoir, p. 19). Le statut du sujet n'est pas r éha bi-lité dans cette histoir e, ni sa souveraineté restaur ée; tou-tefois iI devient Ia source du discours sur le sexe et ce qui
orga~ise le jeu des dispositifs du savoir-pouvoir-plaisir .
Le discours de Ia sexualité est toujours un d iscours dusujet sur Iui-même comme être sexuel. La r echer che f bu-
caldienne ne renonce pas à établir Ies a p r i01 ~i historiques
qui conditionnent et r endent intelligible I'émer gence deIa sexuaIité comme theme; mais elle red ouble son ef f ort
en élargissant ces a pr ior i vers Ie champ d 'historicité, plusIarge, plus complexe, qu'éla bore «Ia manier e dont l'indi-
vidu est appelé à se r econnaltr e comme sujet mor al de Ia
conduite sexuelle » ( L' usa ge d e plaisirs, p. 36). Par cetteélucidation d e Ia sub jectivité morale se construisant d ans
et par le d éveloppement d e Ia cuIture d e soi, Ie lourd dis-
positif qui sous-tend I'hy pothese r é pressive et queFoucault s'attache à r éf uter est remplacé par une configu-
ration plus fine. Le sujet du sexe n'est plus rappor té àce qui est censé bomer son désir, mais à une sensible
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inflexion d e I'éthique d e Ia maitrise d e soi vers Ia
nécessité d 'un discour s sur soi.
Foucault le reconnaí't: cette étude nouvelle lui a fait
beaucoup plus de diff icuItés que les ouvrages antér ieurs.
Les Iongues et passionnantes anaIyses du d iscours sur Ies
pr atiques sexuelIes, nour r ies d'inf or mations historiques et
philosophiques tr es nombreuses, témoignent toutef ois de
Ia réussite du pro jeto Le souei d e soi, d ernier e ceuvre pu bIiée
par Foucault, manif este même une belIe élégance du
style, en même temps qu'une densité d'analyse qui Iaisse
d eviner ce q u'aurait pu être l'achevement de cette histoired e Ia sexualité.
eonférences, interventions en tous genr es. Le recueil estexhaustif, et respecte Ia voIonté d e Foucault, q ui avait
expIicitement d emandé qu'on ne publie pas d e textes
posthumes, d ont il n'aurait p~s pu ter miner I'éI~boratio~.Les textes qui, dans Ie recueIl, datent d es annees poste-
rieures à sa mor t (1984-1988) ont d onc bien été révisés par FoucauIt, même si Ieur premiere pu bIication est pIus
tardive.
Sont toutef ois excIus d u r ecueiI Ies cour s du Collegede France, dont Foucault n'avait pas permis Ia dif fusion,
Ies entr etiens posthumes et Ies nombreuses pétitions q ue
FoucauIt a signés et Ia cor r es pond ance privée. Tous Ies
textes sont cIassés dans un ord r e chronologique de paru-tion, sans r egr oupement thématiq ue. Les articIes ou
conf ér ences en Iangue étrangere sont bien entendu tr a-
duit, q uand une ver sion française n'en existe pas. Enf in,
pIusieur s index, une chronoIogie d es ceuvres et une bibliogr a phje d e FoucauIt compIetent l'ensemble.
Quelle importance accord er à cet ouvr age? Quatr e
arguments nous semblent justifier qu'on s'y intér esse:.
- Les articIes et entr etiens publiés en même temps queles ouvr ages principaux a ppor tent souvent des pr écisions
et d es écIair cissements utiIes. Sans rien a jouter d e f onda-
mentaIement nouveau, Foucault fait souvent l'ef f or t d e
ref or muler ses theses dans un mode plus accessibIe, ou d e
tenir compte d es objections qui lui ont été adressées. Le
recueil serait d éjà bien utile à ce seul titr e.
- FoucauIt tente à pIusieurs r e prises d 'expIiquer son
itinéraire. Il revient donc sur Ie travaiI accom pli, Ie r eIie
Iui-même à ceIui en cours, annonce ce q u'il va fair e, sou-
ligne Ies inflexions de sa pensée, r econnaí't même ses
er r eur s. L'honnêteté d e Foucault est sur ce point totaIe.
La nature même d e sa pensée, toujour s en recherche, le
3· - Qu'est-ce que Ies Lumieres?r Les Dit s et écr its
Nous avons par cour u ra pid ement Ies ouvr agesmajeur s de MicheI Foucault. Le texte q ue nous avons
choisi comme porte d'entr ée d ans cette ceuvr e - Qu'est-ce
que les Lumih' es? - n'en est pas extrait. Il prend place d ans
un Iar ge recueiI d es interventions orales et écrites d eFoucault, intitulé les Dits et écrits. Il convient done d'indi-
quer ici Ia nature et Ia f onction de cet ouvr age, qu'il ne
faudrait pas tro p ra pid ement reIéguer à Ia marge du tra-vaiI de Foucault.
L'éd ition des Dits et écrits a été réalisée par DanieI
Def ert, François EwaId etJacques Lagr ange, en 1994. La pr emier e édition com pr enait quatr e volumes, Ia seconde,
parue en 2001, n'en comprend que d eux, Ie premier cou-
vrant Ies années 1954 à 1975, le second les années 1976 à1988. Les textes ici rassembIés sont d e natur es tr esdiver ses: pr éface ou intr oduction, entr etiens, articIes,
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conduit à un trajet philosophique qui n'a rien de recti-ligne. Il pourrait tenter d'en f aire une synthese artificiel1e,
mais il pr éf er e insister lui-même sur son caractere tâton-
nant. Cette lucidité nous permet d e mieux saisir les
mod alités singulieres d e Ia pensée de Foucault.
- Les inter ventions politiques de Foucault sont tres
nombr euses. Soutien à des causes tr es diver ses, mouve-ments d e protestation, lettres ouver tes et articles:
Foucault consid ere, on le verr a, que Ia fonction de l'intel-lectuel n'est pas d e d élivrer un message ou une solution
définitive aux pr o blemes d e l'actualité, mais d e s'inscrir ed ans ce qui existe déjà, pour y apporter un éclairage sup-
plémentaire.
- Enfin, certains textes sont remarquables parce qu'ils
introduisent des id ées totalement nouvel1es, qui ne pour-raient pas intégr er un ouvr age particulier , par Ia pr écision
de leur objet o u par le style d'analyse qu'elle requiert.
Plus encor e: Foucault d évoile dans ses textes courts les
fond ements philosophiques de son tr avail, alor s quecelui-ci pr end une tournur e tr es histor ique dans ses
gr and s ouvr ages. On tr ouve donc ici de nombreuses réfé-rences, souvent assez classiques - Fr eud, K ant, Mar x,
Nietzsche surtout. Finalement, ces textes sont beaucoup plus proches de ce que l'on peut lire généralement en
philoso phie que ne le sont Les mats et les chases ou
SUn J eiller et punir, plus f aciles également à compr endr e.
Au-d elà de ces quelques r emar ques, les Dit s et écrit s
constituent une samme philasaphique , au sens ou Foucault ymet en pr atique ce qu'il consider e être Ia vocation pre-
mier e de Ia philoso phie: tenter d e penser autrement. Le
style souvent vigoureux de ces textes n'est que le moyen de
d é placer les cadr es de Ia pensée, l'instrument d 'une modi-
f ication des valeur s tenues pour vr aies. PIus profondé-
ment: l'exercice de Ia phiIosophie n'a de sens que si
on en sort changé. Dans Ies mots de Foucault: «c'est
de Ia phiIosophie [... ] tout Ie travail qui se fait pour penser autrement, pour f aire autr e chose, pour deve-
nir autre que ce qu'on est. » ( Dit s et écr it s 11 , p. 929)
Dernier point: les Dit s et éerits sont un ouvr age d 'ex-
périmentation politiq ue. Foucault y ~et e~ .pra.tlque sadéfinition d e l'intellectuel: être celm qm md lque les
angles d 'attaq ues d e ce q ui se d onne comme nor ~e etnormalité. L'ar chéologie est au f ond une entre pnse de
fragilisation d e Ia r éalité, q ui donne des ar :nes pou~ enchanger , quand cela s'aver e nécessair e. Les mter ventlons
de Foucault ne proclament aucune vér ité, n'énonc~nt
aucune solution: elles d égagent sim plement Ia contln-
gence et le caractere f inalement r éce~t d es contraintes
qui pesent sur notr e li berté et notre eXlstence.
~ Qu' est-ce que les Lumi' eres? Une .nouvelle définition de Ia phiIosophie
Venons-en enfin au texte que nous allons lir e et com-o
menter. Qu'est -ce que les Lumieres? n'est pas un titre q ueFoucault a inventé, mais Ia repr ise à l'identique du titr e
d 'un court texte d 'Emmanuel Kant, datant de 1784, sur leque! Foucault va prendr e a ppui pour pr oposer sa propr e
conception d es Lumieres. Les Dits et écr its r e pr en~ent.le
texte que Foucault a écrit en fr ançais bien sii~, ma~s q .Ula
été publié en anglais dans un ouvr age collectlf q u~ 1m est
consacr é: The Faucault Read er, éd ité par Paul R a bmow et
paru à New York , chez Pantheon Book s, .en 1984, L:revue fr ançaise Le magazine lit té r aire a par al1leurs do~~une ver sion plus courte d e ce texte, que Foucault a utlhse
une premiere f ois pour son cour s au College de France du
5 janvier 1983. Nous repr oduisons ci-dessous les pages
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13SI à 1397 du second tome des Dits et éerits en Quar to-
Gallimard.Pourquoi ce texte? Qu'essaie de faire ou d e montrer
Foucault à par tir d e sa Iecture de Kant? Avant d e pr ésen-
ter un résumé d étaillé de cet écrit, r etenons d éjà ces
quelq ues traits caractéristiq ues. Tout d 'abord , et c'est
l'essentieI, Qu' est -ce que les Lumier es? est une tentative
d 'élaboration d 'une définition de Ia philosophie. Plus
exactement: Foucault voit dans Ie texte de Kant Qu' est -ceque les Lumieres? I'a p parition d'une attitude inédite de Ia
philosophie à I'égard d e son actualité, d ans Iaquelle il se
reconnaí't. Le travail d e Ia phiIosophie consiste à dia-
g;nost iquer Ie présent, c'est-à-dire à poser Ia questionde notre propre identité, et celle de notre temps. )
La q uestion kantienne n'a rien d e purement circons-
tancieI: elle ex pr ime et cond ense un ensemble d 'interr o-
gations - gu'est-ce g~ pass.e-~I1-ce-lIloment? Qu'est-ce ~
q ui nous ar r ive? QueI est ce mond e oj:L.nousvivons ? - en
leur conférant ~ statut philoso phique qu'elles n'avaient
pas au par avant. La puissance d e r upture d 'une telle
maniere d e penser son ob jet a p paraí't encor e plus claire-ment quand on com par e Ia question kantienne à celle que
Descartes mettait au centr e d e Ia seconde Mé d itat ion: iI
ne s'agit plus d e se d emander « qui suis- je, moi qui
pense? », en es pér ant par Ià élucider Ia natur e d e ce q ue je
suis, comme su jet à Ia fois uni que mais univer seI et anhis-
tor ique; iI s'agit Iutôt d e se d emander, d e nous deman-der « qui sommes-nous .-;.;.,en tant que témoins de ce
siecle des Lumieres. Il n'y a pas d ans cette tr ansformation
d e l'une des questions centrales d e Ia philosophie un
d évalement jour nalistique qui assignerait à Ia pensée un
rôle utile, mais finalement négligeable d e compréhension
des événements contempor ains; dans Ia mamer e par
Iaquelle Kant pose Ia question d es Lumier es, iI f aut voir I'éla bor ation, universelle mais historique, for melle maisconcr ete, d 'une disposition nouvelle d e Ia philoso phie à
I'égard d e I'o bjet que Ia modernité Iui conf ie, et qui ne peut êtr e que son présent.
Lecture de Kant et d éfinition d e Ia philosophie: teIssont Ies deux bornes d u texte, qui fonctionne donc d e
maniere circulaire. Le moment k antien n'est étud ié quecomme indice d 'une perturbation plus f ond amentale d e Ia
pensée, qui coincid e et d éfinit ce qu'on a ppelle Ia mod er-nité. Entr e K ant et sa propr e conception d e I'attitud e phi-Iosophique, Foucault va donc nature ent in.t.é.gr .er .. .l!I le
rMLexion sur Ia notion d e modernit~, cette f ois ' travers~...!l~~s...tur e
_ ~ll~.-k ..Rhé!!:om~ne p'est pas stric~..e~ent philosophique,mais _ touche égalemen!; Ie domaine de I'art, ou iI est
-._-' -d 'ailleurs peut-être encor e Ius manif ~' . -~
-- --e plan du texte est on le voit tres simple: un pr emier temps consacr é à Kant; n second moment r eliant Ia .
question d es Lumier es \ celle d e Ia mod er nité par uner éférence à Baud elair e; une troisieme éta pe, Ia plus
IOI~~e et Ia plus intér essante, consacr ée à Ia d éfinition de~d e Ia philosophie. On qualifie par ce terme gr ecI'attitud e, ou Ia dis position propre à Ia philoso phie. Celle-ci peut alors êtr e caractér isée comme «une critiq ue d e ce
que nous disons, pensons et f aisons, à travers une ontolo-gie histor ique de nous-mêmes »(-- p. SI). Cela signifieque Ie tr avaiI d e Ia philoso phie est à Ia f ois une recher chesur Ies conditions d 'ap par ition d e ce qui f ait notr e présent
et une tenta tive d e Ii bér ation, à tr aver s Ia r évélation ducaractere contingent et f ragile de ce qui nous semble êtredes contr aintes.
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« Travail de nous-mêmes sur nous-mêmes en tant
qu'êtres libres» (~p. 82) : Ia philosophie trouve matiere à
l'action, dans des interventions ponctuelles, souvent poli-
tiques. Cela n'indique aucun renoncement à Ia patience
du concept et aux difficultés de Ia pensée; mais cette tâche
minutieuse, celle-Ià même qui fait l'étoffe des grands
livres de Foucault, doit s'articuler à une critique plus
concrete, seule à même de donner forme à «l'impatience
de Ia liberté ».
Qu'est-ce que les Lumieres? peut enfin être com-
pris comme un autoportrait du philosophe, ou
comme une autojustification de Ia pensée de MicheI
Foucault. En déterminant ce que doit être selon lui Ia
philosophie, Foucault montre en effet que, malgré les
apparences, ce qu'il a tenté de faire au long de son ceuvre
était bien de Ia philosophie. IJêthos de Ia philosophie est
décrit dans ce texte de telle maniere qu'il fasse écho, pour
le lecteur, à ce que Foucault a entrepris dans I'Histoire de
Ia folie, Les mots et les choses ou Surveiller et punir. On le
voit, Ia lecture de ce bref texte est à maint égard instruc-
tive: Foucault, dont c'est l'un des ultimes écrits, a atteintalors une pleine conscience de Ia valeur et de l'influence
de son ceuvre. Il est temps pour lui de dire pourquoi il a
tant travaillé, et surtout pourquoi il peut se dire philo-
sophe, même si sa modestie I'empêche de I'écrire.
lecture de Kant et d'une réflexion sur ce qui fait Ia spéci-
ficité de Ia philosophie moderne issue des Lumieres. On
peut dire que le Qu 'est-ce que les Lumieres ? de F oucault est
construit comme une longue note marginale au Qu'est-ce
que les Lumieres? de Kant, qui fournit tout à Ia fois l'objet
du texte, son point de départ et son aboutissement. On
peut en une premiere approche découper I'argumenta-tion en cinq temps:
- une introduction destinée d'une part à situer le
texte kantien et à indiquer en quoi Ia question posée àKant et par Kant peut être interprétée comme l'acte fon-
dateur de Ia philosophie moderne;
- une Iecture de l'opuscuIe de Kant, s'articulant en
trois moments: une présentation du contexte historique
de l'intervention kantienne; une élucidation de l'origina-
lité de Ia réponse kantienne comme questionnement sur
I'actualité; une série de questions, (quatre en tout), posées
à Kant, qui vise à souligner les difficultés de Ia position
kantienne;
- une tentative de définition de Ia modernité
comme attitude, ou comme êthos de Ia pensée à l'égard
de son présent. Apres une courte transition explicative,Foucault s'appuie sur Ia référence à Baudelaire pour don-
ner un contenu plus concret à ce qu'on appelle mo der-
nité, identifiée ici à une forme d'héroisation du présent;
- Ia c aractérisation de l' êthos philosophiquecomme critique permanente de notre être histo-
rique. Ce quatrieme temps, qui constitue sans doute le
cceur du texte, s'appuie sur une argumentation beaucoup
plus dense et difficile que dans les pages précédentes. On
peut en reconstruire Ia logique ainsi: Foucault indique
tout d'abord l'enracinement dans les Lumieres du nouvelêthos de Ia philosophie; puis il en donne une premiere
4. - Résumé du texte
~ L'itinéraireIJitinéraire du texte est d'une grande simplicité. La
démarche de Foucault consiste à présenter une définition
de l'attitude et du travail de Ia philosophie à partir d'une
8/19/2019 Foucault Qu'Est-ce Que Les Lumières
22/69
d étermination, strictement négative, en r éf utant Ia tr o p
commune id entification entr e humanisme et Lumieres;
enfin, il en f ournit une approche plus positive d ans Ia des-
cription de son tr avaiI critique; ,- une conclusion tr es br eve, ou K ant est pense
comme Ia source d 'une manier e de concevoir Ia philoso-
phie qui n'est pas sans efficacité politiq ue.
Kant n'est pas Ie premier philoso phe à entrepr end re une
telle d émarche. Mais contr airement à ses pr éd écesseurs -Platon, Augustin ou Vico - Kant ne s'attache pas à lire
dans son actualité I'amor ce d'un événement attendu ou
I'aur or e d 'une nouvelle er e. Les Lumieres sont au
contr air e un ter me, une issue, une sortie, br ef une rup-
ture avec ce qui était encor e vrai hier .I! convient d onc d 'indiquer ce qui d ans le texte nous
permet de compr endr e comment K ant pose Ia questiondu pr ésent. Premier élémem à retenir ici : Kant caracté-rise les Lumieres comme sor tie d'un état de mino-
rité, c'est-à-dire d 'une situation ou nous soumettonsnotr e volonté à l'autor ité d 'autrui alor s même que nous
pourrions f air e usage d e notre r aison ( par exemple quand nous soumettons notr e r éflexion mor ale à un dir ecteur d e
conscience). Cette sortie d e Ia minor ité est à Ia fois un processus en cour s et une o bligation pour Ia pensée. Le
passage à Ia ma jor ité d 'une raison autonome ne se f era
donc pas mécaniquement, mais par un acte d e courage
que chacun est a ppelé à ef f ectuer personnellement.
K ant emploie ici le ter me d 'humanité pour d ésigner
l'acteur de ce bouleversement, par quoi on peut entend reen même temps I'ensem ble des hommes et ce qui fait Ie
propr e d e I'homme. L'humanité ne d evient ma jeure qu'au
momem ou l'o béissance due aux autor ités ou aux obliga-
tions de sa f onction s'accom pagne en chaque hommed 'une ca pacité à r aisonner par soi-même. K ant f ait alors
inter venir une distinction tr es curieuse et pr o blématique,
celle existam entre I'usage pr ivé et l'usage public de Ia r ai-sono Par Ie pr emier iI entend l'utilisation de sa r aison d ans
le cad re d 'une f onction ou d'un rôle social: le pasteur enchar ge d'une paroisse, Ie soId at, le f onctionnair e, le
citoyen. Dans ce cadr e, Ia r aison doit se soumettre aux
r "::>' Introduction
Les journaux d'aujourd'hui ne se hasard ent pas à poser
à leurs lecteurs des questions d ont ils ne connaissent pas
d é jà Ia r é ponse. Au XVIIIe siecle, iI n'en était pas ainsi, et Ia Ber linische M onatschr if t publie ainsi, en décembre Ia
r é ponse d e Kant à Ia question suivante: Qu'est-ce que Ies
Lumieres? A pres K ant, des penseur s aussi divers que
Hegel, Horkheimer , Habermas, Nietzsche et We ber s.e
sont confrontés à une telle interrogation: on pourraltmême dire que Ia philosophie moderne se d éfinit par Ie f ait
d e se poser Ia question - qu'est-ce que les Lumieres. AvecKant, quelque chose de nouveau est discr etement a pparu
d ans Ia philosophie, et dont il va falloir rendr e compte.
r "::>' Kant et les Lumier esLe premier intérêt de Ia réponse k antienne est de ne
pas être isolée. Peu de temps auparavant, Moses
Mend elssohn avait Iui aussi pr o posé une définition desLumieres, en tentam de dégager Ie f ond commun entre Ia
pensée juive q u'iI représente et Ia culture allemande.
Tentative de conciliation que Ies dr ames du xxe siecle
réduiront à néant.L'imér êt principal du texte n'est toutefois pas Ià. I!
réside bien plutôt dans Ia maniere dom Ie texte de K antessaie de r éfléchir à son propr e présent. Bien entendu,
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contr aintes liées à ces diff érents statuts: non pas se sou-
mettre aveuglement aux ordres, mais r es pecter d'abord
l'exigence de Ia fonction. Vn pasteur, quand il pr êche
devant ses fideles, ne d oit pas d onner son analyse pro pr e
des d ogmes r eligieux mais en pr ésenter une conception
neutre et orthod oxe. En revanche, quand l'homme rai-
sonne en tant qu'homme, il n'y a aucune bor ne au libr e
usage d e Ia raison, qualifié ici d'usage pu blico Notre pas-
teur peut tr es bien r endr e publique une cr itique d es textesreligieux, tant qu'il ne parle pas en t ant que pasteur .
La d ernier e diff iculté est plus d ir ectement poli tique :
comment permettr e cet usage pu blic d e Ia r aison d ans
une société d es potique comme l'est encore celle d e K ant,
si ce n'est en soumettant le d es potisme lui-même aux
pr incipes d e Ia raison univer selle ?
velJe tâche· penser « aujourd'hui ». Et c'est en cela q ue
Kant esquisse I'attitude propre de Ia modernité.La modernité n'est pas une époque, mais une atti-
tude à l'égar d d e I'actualité. Baud elaire en donne Iadéfinition suivante: être moderne, c'est saisir d ans le
moment pr ésent I'éter nité qui s'y cache, ou encor e sentir
I'héroisme de ce pr ésent. Cette démarche ne consiste pas
à sacr aliser le présent, mais à dégager de Ia mod e « c e
qu'elle peut contenir d e poétiq ue dans I'historiq ue »
(~ p. 74). Il n'y a pas non plus dans cette attitude un res- pect ou une idolâtrie d u présent: le présent n'est l'o b jet de
Iapensée que parce q u'iI doit être transformé, ce qui n'est
possi ble q ue pour un es prit q ui aura su en capter Ia teneur.
La mod ernité baudelairienne ne se limite pas à ce rap-
port au présent. Elle est méd itation sur soi et éla boration
de soi-même comme o bjet à mod if ier : l'homme mod erne
est « celui q ui cherche à s'inventer lui":même » (~p. 75)·
Même si Baudelaire consid ere que seull'art peut êtr e le
lieu d 'une telle invention, r ien n'interdit d'en fair e une
tâche pour Ia philosophie.
r Une nouvelle définitionde Ia philosophieQu'est-ce q ue faire de Ia philoso phie au jourd 'hui?
Cer tainement pas êtr e f idele aux contenus doctrinaux d es
Lumieres, qui ont bien mal vieilli; mais une fid élité d 'un
autr e ty pe, qui consisterait à r éactiver son attitude spéci-
fique, son êt hos .Comment décr ire cette disposition propre de Ia philo-
so phie? Pr emier point que Foucault tient à préciser : i1
n'est pas question ici d 'être pour ou contre IesLumieres, mais d e mener patiemment un travail pIus
Iong et compIexe sur ce qui constitue aujourd'hui Ia
r< : : : : : ,. > La modemité
Qu' est-ce que les Lumieres? ne dit pas Ia vérité des
Lumieres. Mais il ex prime ce qui au fond est Ie tout de Ia
pensée k antienne: r éfléchir aux conditions d 'un usage légi-
time d e Ia raison, c'est-à-d ir e faire ce q ue Kant a ppelle une
crit ique. Foucault le dit d 'une belle f ormule: «La Critique,
c'est en queIque sorte Ie livre de bord de Ia raison
devenue majeure dans l'Aufkliirung; et inversement, I'Aufkliirung, c'est I'âge de Ia Critique. »(~ p. 70).
Le texte se pr ésente en même temps comme une
réflexion sur I'histoire. À l'articulation de Ia critique et d eIa pensée d e l'histoire, on peut Ie concevoir comme une
synthese tr es s pécifique entre Ia préoccupation théorique
qui est celle d e toute critiq ue, l'attention à I'histoir e et
l'interrogation d u moment que le phiIoso phe est en tr ain
d e vivre. L a Qhilosgph~oit un nouvel et un
8/19/2019 Foucault Qu'Est-ce Que Les Lumières
24/69
nécessaire autonomie d e Ia raison Res p", . ecter d
deVlse des LUl1lleres - ose savoir ! - et non ce ' II1 . qu e es pu pr o poser comme so utlons ou comme conce
'1 ' "1 1: ,. 1 pts.e ement qu 1 laut preclser: es Lumieres ne son .'fi bI 'I'h . D' t pastl a es a umarusme. une part parce que ces
mouvements sont trop complexes et souples pour ~ plement confondus; d'autres par t par ce que I'hu~tre
est. même peut-être, par sa soumission à une conce
umlatérale de I'homme, o p posé à l'es prit cr itiL ., L 'f i' 1 queUl1lleres. a r e eXlOnsur es Lumier es d oit pou\' .til' de ces fausses alternatives et ces conf usions :.
Plus positivement, I 'êthos de Ia philosophie «car ac.tér iser comme Ul~e atti~e limit e »(~ p. 80)q uestlon proprement phlloso phique aujourd 'hui estse savoir quelle est Ia part d e Ia contingence et de l'
tr aire dans ce qui nous est pr ésenté comme des con
nécessaires. Le travaiI va être généalogique et arch'
giq ue: pourq uoi pensons-nous ce que nous pensans pourquoi nous ne pourrions pas penser et agir autremLa critique du présent devient ouver tur e d'un avenir .
rent, r elance du «travaiI indéfini de Ia liberté »(~ p.Ce travaiI ne peut toutefois pas se contente r d'êtr e
analyse théorique et historiq ue d es conditions d 'éla
tion de notre pensée présente (comme Ie sont Lesles chosesou Surveiller et punir) ; il f aut q ue l'attitude
philoso phie se f asse ex pér imentale, c'est-à
qu'elle sache id entifier les angles d'attaque de Ialité, là ou sa fragilité pennettra une action effi
Attitude limite, attitude cr itique: Ia philoso phie
« une épreuve historico-pratique des limites que pouvons franchir , et donc comme travaiI de nous-mA
sur nous-mêmes en tant q u'êtr es Iibres ». (~ p. 82) Ce.
vaiI peut paraitre bien Iimité, et peu d igne des préten
. .;o phie àla rationalité et à l'universalité. Mais onIA ph do A • , •)li J e mer ncen d r esser un portr aIt systematlq ue, ett tout . 11 L' . d 1. ~tr e car actéristiques essentle es. en J eu e a
r qV 'e est d e penser à nouveaux frais Ia li berté et les• O SO po ' . 'dde pouvoir en tenant com pte de Ia compleXIte e
-: soP ~omog;né it é r éside ~ans celle de ~~n o bjet: ~es
d f atlonalité qui or gar usent les mameres d e f alr e
~ e . d I' ., , les du leu . Sa systémat icité est ans or gamsatlon
lesreg , l' d . l'ée q u entretiennent entr e eux axe u saVOlr, axevojf et l'alte de I'éthique (qui sont, on I'a vu, les
~u oJ1lentsd e l'ceuvre d e Foucault). Sa généralit é enfin,15m bl'" ,suf saperl1l.anenced es pro ematlques re per ees par
analyse pistorico _critique que mene Ia philoso phie.
Conc1usionous pe somlhes pas d evenus ma jeur s. Mais l'interro-
tiao du pr ésen.t inaugur é par Kant nous d onne d e com-dre ce q ue peut êtr e une vie philosophique. Vie de. et d 'enquête qui, dans un lent travail de sape
ce q ui se Prétend limite, est une vie de liber té .
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m" -
LA QUESTION DES LUMIERES
DANS L'HISTOIRE
DE LA PHILOSOPHIE
I. - La définition des Lumieresau XVnle siecle
r La figure du philosophe
Sous I'appar ente neutr aIité d'une définition de
I'éclectisme - un mouvement de peu d'importance de Ia
phiIosophie antiq ue - Diderot dresse un portait du phiIo-
sophe des Lumieres. La dimension critique et le refus de
toute fausse autor ité y sont essentiels comme ils Ie seront
chez Kant.
L'éclectique est un philoso phe qui, f oulant aux pieds
le pré jugé, Ia tradition, I'ancienneté, le consentement
universel, l'autor ité, en un mot tout ce qui su bjugue Ia
foule des es pr its, ose penser de lui-même, remonter aux princi pes généraux les plus c1air s, les examiner , les
discuter , n'admettr e rien que sur le témoignage de son
expérience et de sa raison 1... 1 L'am bition de J'éclec-
tique est moins d'être le pr éce pteur du geme humain
que son disciple; de r éf ormer les autres, que de se
réformer lui-même.
DIDEROT, No t ice «Éc léc tique »d e l ' Encyc lopédie,(E uvres com plet es, t. VII, Par is, Hermann, 1976, p. 36.
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~ L'optimisme des Lumieres
L'un des tr aits Ies pIus caractéristiques de I'espr it des
Lurr ueres est son optimisme quant à I 'avenir de I'humanité.
Cet aspect est particulier ement visible dans ce texte de
Condor cet, écrit dans Ia pr ison ou R o bes pierre I'avait jeté:
il exprime une foi inébr anla ble en I'homme, f ondée sur Ia
conscience du caractere exceptionne1 de Ia R évoIution.
Tout nous dit que nous touchons à I'é poque d'unedes grandes révolutions de I'espece humaine. Qui peut
mieux nous éclair er sur ce que nous devons en
attendr e; qui peut nous of f rir un guide plus sOr pour
nous conduire au milieu de ses mouvements, que le
ta bleau des révolutions qui I'ont pr écédée et
pré par ée? L'état actuel des lumier es nous garantit
qu'elle sera heureuse; mais aussi n'est-ce pas à condi-
tion que nous saurons nous servir de toutes nos forces?
Et pour que le bonheur qu'elle promet soit moins che-
r ement acheté, pour qu'elle s'étende ave c plus de ra pi-
dité dans un plus grand espace, pour qu'elle soit plus
complete dans ses effets, n'avons-nous pas besoin
d'étudier dans I'histoire de I'esprit humain quels obs-
tacles nous restent à craindre. quels moyens nous avons
de les surmonter ?
CONDORCET, Esquisse d'un tableau h ist or ique d es progres
de l'es pr it humain , Par is, GF, 1988, p. 89.
~ Les Lumieres, majorité de Ia raison
Le texte de K ant que FoucauIt commente est cer taine-
ment I'écr it philosophiq ue le pIus puissant et intéressant
qui ait été écrit sur Ies Lumieres. Kant définit I'attitude
pr o pre aux Lumieres comme un;;;dac~ de Ia rais~n.
LA QUESTIO N DES LUMIER ES
DANS L'HISTOIR E DE LA PHILOSOPHIE
, 'n"lancipant de toute soumission tr o p faciIe, r ejetant les·e..... , . PI '
..;;- tien des maitr es à penser et a agIr . us qu unfu@sOO .' , . .
_ _ Ies Lumieres manrf estent un etat d es pnt, qm secontenu, . ~conf ond avec Ia phiIoso phIe meme.
Le s Lum ie r es , c 'e s t Ia so r t ie d e / ' h om m e ho r s d e / 'é t a t d e tu t e ll e
dot l t il e st lu i-m êm e re sp o tl sab le . L ' é t a t de tu t e ll e est I'incapacité
de se servir de son entendement sans Ia conduite d'un
autre. On est so i -m êm e re s po t lsa b le de cet état de tutelle
uand Ia cause tient non pas à une insuf fisance de I'en-
~ndement mais à une insuffisance de Ia résolution et
du courage de s'en servir sans Ia conduite d'un autre.
5ape r e a ud e ! Aie le courage de te servir de ton p rop re
entendement! Voilà Ia devi se des Lumieres.
M NT, Qu'est-ce que le s Lumier es? , tr ~d. Poirier lPr oust,Pans, GF, 1991, p. 43·
~ La religion au-dessus des LumieresL" .1 L'Aufklarung al1emande, contr air ement aux umle~re~ _
françaises, n'est pas hostiIe à Ia r eligion. El1e t~nd pl~tot a
un com promis entr jJhil.osophie et théoIogle, qm. peut
amener parfois à préfér er Ia f oi, porteuse ~our certams de
Ia vraie vocation de I'humanité, aux enselgnements de Iar aison. C'est Ie cas de cSes clssohn..qui, comme
@er der,. eut êtr nsidéré eomme un critique des,~ y I L "Lumieres dans es umleres.---------
Lorsque les destinations essentielles de l'homme
sont entr ées malheur eusement en conflit avec ses
propres destinations accessoires. lorsqu'il n'est pas per -
mis de ré pandr e certaine vérité utile et qui est I'orne-
ment de l'homme sans abattre les principes de religion
et de mor alité qui sont en lui, alor s le par tisan vertueux
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LA QUESTIO N DES LUMIERES
DANS L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
c < :::::" J L'optimisme des Lumieres
L'un des traits les plus caractéristiques de l'esprit'des
Lumieres est son optimisme quant à l'avenir de l'humanité.
Cet aspect est particulier ement visible dans ce texte de
Condorcet, écrit dans Ia prison ou Robespierre l'avait jeté:
il exprime une foi iné branla ble en l'homme, fondée sur Ia
conscience du caractere exce ptionnel de Ia Révolution.
...iimancipant de toute soumission trop f acile, rej~tant le
faux soutien. des maÍtres à penser et à agir. Plus qu'un
c~ntenu, les Lumieres manifestent un état d'esprit, qui se
confond avec Ia philosophie même.
Tout nous dit que nous touchons à !'époque d'unedes grandes révolutions de l'espece humaine. Qui peut
mieux nous éclairer sur ce que nous devons en
attendre; qui peut nous offrir un guide plus sur pour
nous conduire au milieu de ses mouvements, que le
ta bleau des r évo!utions qui l'ont précédée et
préparée? L'état actuel des lumieres nous garantit
qU'elle sera heureuse; mais aussi n'est-ce pas à condi-
tion que nous saurons nous servir de toutes nos forces?
Et pour que Ie bonheur qu'elle promet soit moins che-
rement acheté, pour qU'eIle s'étende avec pIus de rapi-
dité dans un pIus grand espace, pour qu'elle soit plus
complete dans ses effets, n'avons-nous pas besoind'étudier dans l'histoire de I'esprit humain quels obs-
tacles nous restent à craindre, quels moyens nous avons
de les surmonter?
L es L um ie re s, c' es t Ia so rt ie d e /' F ro m m e F ro rs d e /, ét a t d e tu te ll e
d o n t i l e s t l u i-m êm e r e s p o n sab l e . L ' é ta t d e t u te l le est I'incapacité
de se servir de son entendement sans Ia conduite d'un
autre. On est s o i -m êm e r e s p o n sa b l e de cet état de tutelle
quand Ia cause tient non pas à une insuffisance de )'en-
tendement mais à une insuffisance de Ia résolution et
du courage de s'en servir sans Ia conduite d'un autre.
S a p er e a