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FOUILLES SUR LA VOIE SACṘÉE ÉLEUSINIENNE Author(s): François Lenormant Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 10 (Juillet à Décembre 1864), pp. 88-97 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41734290 . Accessed: 19/05/2014 09:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.113 on Mon, 19 May 2014 09:13:11 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

FOUILLES SUR LA VOIE SACṘÉE ÉLEUSINIENNE

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FOUILLES SUR LA VOIE SACṘÉE ÉLEUSINIENNEAuthor(s): François LenormantSource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 10 (Juillet à Décembre 1864), pp. 88-97Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734290 .

Accessed: 19/05/2014 09:13

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FOUILLES

SLR LA

VOIE SACRÉE ÉLEUSINIENNE

Il y a quelques mois, à mon retour de Grèce, j'ai eu l'honneur d'êlre admis à présenter à l'Académie (Í) un plan et plusieurs vues photographiques des fouilles du Théâtre de Bacchus (2). Je demande aujourd'hui la permission d'entretenir quelques instants celte illustre compagnie de mes recherches personnelles dans le cours du même voyage.

L'Académie sait que mes travaux portent depuis un certain temps presque exclusivement sur la Voie Sacrée d'Éleusis, à l'élude de laquelle j'ai consacré un ouvrage actuellement en cours de publica- tion et qui formera deux gros volumes. C'est pour compléter des recherches sur ce sujet, ébauchées en 1860, que je me suis décidé à faire une troisième fois le voyage de Grèce. J'avais pu déjà établir la topographie de toute la portion de la voie comprise entre Athènes et le moni Corydallus, mais il me restait des lacunes considérables dans la portion qui s'étend depuis celle montagne jusqu'à Êleusis. Arrivé sur les lieux, je me convainquis rapidement qu'il était impos- sible d'arriver à aucun résultat positif sans faire de fouilles. Malgré l'état de révolution du pays, qui faisait croire à la plupart des étran- gers qu'on ne pouvait sortir d'Athènes sans danger, j'entrepris ces fouilles à mes frais et j'eus le plaisir de les mener à bonne fin. Comme les résultats ne pourront en trouver place que dans le second volume de mon ouvrage, qui ne paraîtra pas avant une année, j'ai cru nécessaire de prendre date, en les communiquant à l'Aca- démie.

(1) Cette note a été lue en communication devant l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

(2) Voyez le numéro de 1& Revue du mois de juin dernier.

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FOUILLES SUR LA VOIE SACRÉE ÉLEUSINIENNE. 89

I

Pausanias (!) mentionne dans Tordre suivant les édifices religieux échelonnés sur le bord de la Voie Sacrée, dans son parcours entre les lacs Rhiti et le Céphise Éleusinien :

Io Le tombeau et l'héroüm d'Eumolpe; 2° L'héroüm d'Hippothoon, éponyme de la tribu Hippothoontide ; 3° Celui de Zarex, fils d'Apollon et inventeur de la musique. Ce sont ces édifices dont il importait avant tout de retrouver, au

moins en partie, les emplacement?. Le seul vestige de constructions antiques de quelque importance

qui se remarquât sur le bord de la route dans la partie où il fallait les chercher, était une sorte de petit monticule de terre, couronné de grands blocs (Je marbre pentélique dessinant le plan d'une petite chapelle carrée. Les paysans des environs l'appellent a<riupo « la tour blanche, » et les érudits Tombeau de Straton , à cause du sarcophage d'un certain Straton, fils ďlsidote, du dème de Cyda- thénée (2), qui se voit à l'intérieur. M. Rhangabé (3) a émis la conjecture que ces restes étaient ceux d'un grand tombeau en forme d'édicule. Mais on pouvait objecter que la forme des lettres de l'in- scription caractérise la sépulture de Straton comme antérieure à l'époque de Pausanias, et que le silence du périégéte, sur un tombeau de cette importance, eût été étrange, quand il mentionne soigneu- sement tous les monuments funéraires considérables situés aux bords de la Voie Sacrée. J'avais donc eu toujours de grands doutes sur la conjecture de M. Rhangabé, et, d'après la manière dont les blocs de marbre étaient employés dans les murailles, ainsi que d'après des inscriptions funéraires chrétiennes, les unes grecques (4), les autres slaves (5), qui se lisaient, grossièrement tracées, sur les parois exté- rieures, je tenais (6) les ruines de l'aarcpo 7wpY<> pour celles d'une chapelle byzantine, bâtie sur l'emplacement et avec les débris d'un édifice religieux antique.

(1) I, 38, 2-4. (2) Voy. notre Recueil des inscriptions d'Eleusis , n° 69. (3) Mémoires présentés par divers savants à l* Académie des inscriptions , t. V,

part. I, p. 282. (4) Remtil des inscriptions d'Eleusis, n0i 130-132« (5) Ibid., no 138. (6) Ibid. y p. 328.

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90 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. C'est là que portèrent mes premières fouilles. Je fis ouvrir la butte

jusqu'au niveau du sol antique, et je pus constater l'entière exacti- tude de l'opinion que je m'étais formée d'avance. La chapelle est chrétienne et d'assez basse époque, mais elle a succédé à un petit temple païen dont les marbres ont servi de matériaux pour la con- struire. Dans une des murailles nous trouvâmes un petit autel carré, portant sur une de ses faces, en lettres postérieures à l'archontat d'Euclide, mais encore de la pleine autonomie athénienne, l'in- scription :

K A ..... A . ATZANIO . . P I AZIO . ..E0HKE.

KX[eerfóp]a[(] Aixravío[u 0]piá<no[ç ¿v]¿fa)xe[v,

qui confirme entièrement le caractère religieux d0 l'édifice antique. Plusieurs grands blocs de marbre employés dans la construction de la chapelle proviennent d'une frise assez haute, qui a dû appartenir à un temple d'ordre corinthien» Deux portent des fragments d'une inscription en grandes lettres; sur le premier on lit :

ET0AAE2IN2TE

H faut restituer tv OaXfatv <rtí[<pávot?, et ces deux mots, d'où l'on est en droit d'inférer que l'inscription dédicatoire du temple était en vers hexamètres, ont cela de curieux qu'ils forment le commentaire d'un autre fragment de la même frise, où Ton ne voit plus d'inscrip- tion mais une grande couronne de feuillage sulptée en relief.

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FOUILLES SUR LA VOIE SACRÉE ÉLEUSINIENNE. 91

Le second débris de l'inscription dédicatoire se compose de quatre lettres seulement :

n n oe

mais ces quatre lettres ont une véritable importance. Elles ne peu- vent avoir appartenu qu'au nom de la tribu Hippothoontide ou h celui de son héros éponyme Hippothoon. Mais trouvant, du côté où Pausanias dit qu'existait l'héroiim d'Hippothoon, les débris d'un monument sacré avec les restes d'une dédicace où se rencontrent des lettres dont le complément et la restitution la plus naturelle est le nom même du héros, fils de Neptune et d'AIopé, n'est-on pas pleinement en droit d'en conclure que ce monument, dont la chapelle byzantine ruinée de l'aspo núp-fo occupe la place, est l'héroum mentionné par l'auteur de la Description de la Grèce ?

II

Nous voici donc en possession d'un point fixe, qui nous servira de pivot pour établir la topographie des autres monuments signalés par Pausanias le long de la Voie Éleusinienne, dans la traversée de la plaine de Thria. L'héroum de Zarex, qui est indiqué comme trés- voisin de celui d'Hippothoon, doit être représenté par les vestiges de maçonneries helléniques qui se voient sur une autre petite butte, trente ou quarante pas après la<nrpo núp-p. Malheureusement il ne m'a pas été possible de fouiller en cet endroit.

Connaissant désormais le site de l'héroiim d'Hippothoon, mes recherches se trouvaient plus circonscrites pour retrouver celui de l'héroiim d'Eumolpe; il devait être entre le lieu de mes premières fouilles et les lacs Rhiti. Mais sur le bord immédiat de la route royale moderne, qui suit exactement en cet endroit la direction de la voie antique, il m'était impossible de découvrir un vestige antique de la plus mince importance. Enfin, à la hauteur du khani qui marque la moitié du trajet sur lequel portait mon examen, non plus au bord même de la route, mais à cent cinquante pas environ de distance en allant vers la mer, je rencontrai, au milieu des vignes, les indications non équivoques de l'existence d'une construction antique. On était en automne et la vendange était déjà faite; j'obtins donc facilement du propriétaire du terrain de pouvoir y fouiller.

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92 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. Bientôt la pioche des ouvriers y eut mis à découvert les restes d'un petit temple avec une portion de mur de son péribole.

Le temple était bâti tout entier dans ce calcaire grossier que les paysans grecs appellent, comme leurs ancêtres, mopiTTjç; les colonnes môme étaient faites de cette pierre de qualité inférieure, mais proba- blement revélues de stuc. La cella avait sept mélres quatre-vingt- cinq centimètres de large sur huit mètres quatre-vingts centimètres de long; l'édifice était prostyle, à quatre colonnes de façade, mais nous n'en avons plus trouvé qu'une seule dont la base fût encore en place; elle est sans cannelures et à base atticurge; nous n'avons malheureusement rencontré aucun fragment du chapiteau ou de l'entablement qui permît de restituer les parties supérieures de l'ordre.

La coïncidence parfaite du site de ce petit temple avec les indi- cations de Pausanias nous amène à l'assimiler avec une entière confiance avec l'héroüm, qui, à l'entrée de l'ancien territoire d'Éleu- sis, s'élevait en l'honneur du personnage considéré comme le fon- dateur de l'institution des mystères.

III

Un peu avant d'arriver à l'antique cité de Démétef, on rencontre, à gauche de la route, la masse d'un monument assez considérable

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construit en grandes pierres de calcaire rougeâtre enveloppant un blocage de maçonnerie romaine, monument que les paysans appel- lent xoxxtvo TOjpYo, « la tour rouge. » Un certain nombre d'assises horizontales s'en élèvent au-dessus du sol jusqu'à hauteur d'homme, et au ras de terre on apercevait le sommet des claveaux supérieurs de deux grandes voûtes. Entre ce monument et la route était un puits de construction moderne, dans lequel, à dix pieds de pro- fondeur, on trouvait la seule eau potable du village de Lepsina, eau excellente et qui paraissait avoir un courant souterrain.

Beaucoup de conjectures avaient été émises sur la destination de ce monument, et on paraissait d'accord pour le considérer comme un tombeau. Voulant m'assurer complètement de sa nature, j'entrepris une fouille pour le dégager. Le résultat de cette fouille fut très- inattendu. Au lieu d'un tombeau, je découvris un pont de magni- fique construction romaine, analogue à celle des arcades du post - scenium du théâtre d'Hérode Atticus. Il a vingt-six mètres de long, y compris ses culées, et se compose de deux arches, chacune de six mètres quatre-vingt-dix centimètres d'ouverture à la base. Les piles sont défendues par des contreforts semi-circulaires. A dix pieds de profondeur, les ouvriers rencontrèrent les fondations et le courant d'eau du Céphise Éleusinien, qui, enfoui sous cette énorme masse de terres, coule encore sous la deuxième arche. Évidemment aux temps antiques la rivière était profondément encaissée, comme le Céphise Athénien l'est encore dans la partie supérieure de son cours. Dans les invasions du moyen âge et surtout sous la domina- tion turque, la barbarie s'étant répandue sur la contrée, les monta- gnes voisines, le Parnés et le Cithéron, se déboisèrent; la terre végé- tale qui en couvrait les pentes fut entraînée par les torrents; elle vint encombrer et remplir entièrement l'ancien lit du fleuve, qui conserva cependant son cours sous les alterrissements nouveaux et passa à l'état souterrain. Ce sort a été celui de presque toutes les rivières de la Grèce, et je voyais dernièrement dans un journal d'Athènes, /' Abeille (MeXiarsa t£>v 'Aôtjvwv), que, guidé par ma trou- vaille d'Éleusis, on avait fait des recherches autour de la capitale du royaume hellénique et retrouvé les courants d'eau de l'Ilissus et de l'Éridan à une assez grande profondeur sous terre.

Le bois ci-joint contient le plan du pont antique d'Éleusis, avec l'indication de la manière dont ce pont est situé par rapport à la route moderne, celle du cours souterrain du Céphise et de l'emplacement du puits, qui, par un hasard extraordinaire, était venu tomber sur la masse d'eau môme de la rivière. Celle-ci n'avait évidemment

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94 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. dans l'antiquité que deux bras, celui sur lequel était jeté notre pont, et un autre un peu auparavant, qui arrosait le lieu nommé

Erinéos , où les traditions locales plaçaient le théâtre de l'enlèvement de Proserpine. Actuellement, outre son cours souterrain, elle se perd à la surface du sol dans la plaine, dans une infinité de petits lits torrentiels, à sec dans l'été et remplis seulement lors des grandes pluies de l'hiver.

C'est un fait assez original que la découverte d'un pont actuelle- ment au milieu des champs, enterré jusqu'au sommet de ses arches, et il est rare de trouver un pont antique aussi bien conservé que celui d'Éleusis. Mais ce monument est encore plus précieux en ce qu'il a sa date certaine, et que la construction en est mentionnée par plusieurs auteurs. On lit dans la chronique d'Eusèbe, à l'occasion de la seconde visite d'Hadrien à Athènes : Xôiuáraç si; 'AOiivaç xal

¡jLuriOsl; tJt 'EXeuaiviot, xat 'EXeuoïva xaTaxXuaOetmxv ôitò Kr¡a¡i(7(Tou Ce passage pourrait prêter à l'équivoque, car YsVpa' en

grec, a quelquefois la signification de digue aussi bien que celle de

pont, et c'est avec ce sens que le colonel Leake l'a entendu dans le

passage d'Eusèbe. Mais la traduction de saint Jérôme ne laisse plus de doutes : Cephisus fluvius Eleusinam inundavit, quem, Hadrianus ponte conjungens, Athenis M lemem, exegit. On lit de même dans la chronique de Cassiodore : Gallicanus et Sitianus. His consulibus juxta Eleusinem civitatem in Cephiso fluvio Hadrianus pontem constravit. J'ai fait remarquer tout à l'heure que la construction du pont découvert dans mes fouilles de l'année dernière à Éleusis offrait la plus frappante ressemblance avec celle du théâtre d'Hérode Atticus à Athènes : c'est donc un monument de la première moitié du second siècle avant notre ère, et, dès lors, il est bien difficile de ne pas le considérer comme le pont même que fit construire Hadrien dans l'année de son initiation aux grands mystères.

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IV

Le Céphise, à quelque distance au-dessus d'Éleusis, se divise en deux branches principales, formant un delta triangulaire, dont la base est occupée par la colline rocheuse qui supporte les ruines de Cérès. Une simple inspection du terrain, ou même seulement de la carte, suffit pour faire voir que cette disposition ne saurait être natu- relle. Le vrai cours primitif de la rivière, celui qui correspond à toutes les indications des écrivains antiques, est celui du bras qui coupe la Voie Sacrée un peu avant d'arriver à Éleusis, celui sur lequel s'élevait le pont qui vient de nous occuper. Le bras qui passe de l'autre côté de la colline, et coupe les deux routes de Mégare et de Thèbes, est évidemment une dérivation creusée de main d'homme.

Lors de mon premier séjour à Éleusis, j'avais été frappé de la direction régulière de ce bras du fleuve et du remblai qui se con- tinue sur toute la longueur de sa rive gauche. Dans tous les endroits où il n'a pas été effacé en partie par la culture, ce remblai offre la' plus étroite ressemblance avec Y agger d'un travail de fortification romain. De plus, le second bras artificiel du Céphise correspond exactement par sa position avec ce que dit Appien (1) du fossé que Sylla, pendant le siège d'Athènes, fit creuser, depuis les hauteurs jusqu'à la mer, pour couvrir son armée quand elle vint hiverner sous Éleusis : Kal ̂ «[/.íovoç Ittiovtoç <JTpaT07ce$0v h 'EXeuatvt ôs|/.evoç, Tacppov avwôev £7:1 ôáXarrav etejave ßaÖeTav, toü |xí) touç 7IoXe(jl(ouç XtítzÍol ç eufxapwç liriTpe^etv ot.

Désireux d'éclaircir cette question, j'ai profité de ce que le second bras actuel du Céphise éleusinien était encore à sec, comme il l'est toujours après les chaleurs de l'été, pour le faire couper par trois tranchées verticales à différents points de son parcours. Les trois tranchées ont donné le même résultat : aux différents points où j'ai fouillé, j'ai constaté l'existence d'un fossé à fond de cuve, profond de deux mètres cinquante centimètres et presque entièrement comblé par les alluvions de la rivière, fossé en arrière duquel s'élevait sur tout son parcours un fort vallum, composé des terres qu'on en avait tirées. Cet ouvrage formait l'un des côtés d'un vaste camp retranché triangulaire, où l'armée de Sylla tenait à l'aise, ayant comme réduit les remparts de la ville et de son acropole. Il la couvrait, ainsi que le dit Appien, contre les attaques de la cavalerie de Mithridate,

(1) Bell . Mithrid.t 33.

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96 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

campée en Béotie, qui ne pouvait déboucher que par les gorges de Mandra el du Sarandapotamo. L'autre côté du camp était protégé contre l'agression de quelque corps descendu au travers des sen- tiers du Parnés, par le lit naturel du fleuve, qui, avec ses berges à pic et sa profondeur de dix pieds, indiquée par les fouilles du pont d'Hadrien, formait un fossé naturel et un obstacle assez sérieux pour ne pas réclamer d'autres travaux de défense. Le sommet du triangle, au point où le fossé s'embranchait dans la rivière, était garni d'un puissant vallum , qui subsiste encore. En outre, il était couvert par une petite colline rocheuse, située en avant et couronnée d'une grosse tour de construction hellénique, qui avait été évidemment occupée par les soldats romains et faisait l'office d'ouvrage détaché.

Appien rapporte que de nombreux combáis furent livrés, pendant les mois d'hiver, sur le fossé du camp retranché et sur les lignes de circonvallation qui investissaient le Pirée : Kal TòcSe auxw 7tovou(jl£vw, xaô' ixadT/jv 7Í|/ipav lyfyvov to tivsç ayaíveç • o' [iiv, áfjtcpl r)]v Tacppov, o' 7rapi toIç Tet^ecjiv, £7re^iovTcov ôajxivi twv izokt[L twv, xat Xtôoiç xal ßeXefft xai (xoXuêSaivat; ^pw(jtévwv . Dans mes fouilles, j'ai retrouvé les traces de ces combats. Au fond du fossé, mêlés à la couche inférieure des terres qui l'avaient rempli, la pioche de mes ouvriers a rencontré quelques deniers consulaires romains, des débris d'afmes, des pierres arrondies pour être lancées avec la fronde, enfin cinq olives de plomb, les (xoXuSêaivat dont parle Appien (i). Trois ont des inscriptions. Sur la première on voit d'un côté un grand A et de l'autre un foudre; sur la seconde, d'un côté 2. 2 A, abréviation du nom propre du frondeur, 2[w]<ra(vSpoç), et de l'autre la figure d'un serpent; sur la troisième enfin, je distingne clairement -d'un côté TOEOT, et de l'autre je crois entrevoir les traces fugitives des lettres M I0P A.. qui appelleraient naturellement la restitution Mt6pa[8arriç] ; ce serait alors l'indication du corps auquel appartenait le soldat qui lança cette olive de plomb, avec celle du souverain sous les drapeaux du- quel il combattait, indication dont les exemples sont fréquents sur les monuments de ce genre (2).

Les travaux exécutés dans les dernières années autour d'Alise- Sainte-Reine ont fait retrouver tous les vestiges des ouvrages creusés

(1) J'ai rapporté à Paris ces différents objets, dont j'ai placé une partie sous les yeux de l' Académie des inscriptions lors de ma lecture. Ils seront déposés au Musée d'artillerie pour y demeurer à la disposition des savants qui voudraient les étudier.

(2) Voy. de Minicis, Dissert . del Acad. Ponte f, ' ďarchéol., t. XI; et notre /te- cueil des inscriptions d'Éleusis, p. 313-320.

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par les ordres de César pour le siège ďAlesia. Il n'est guère moins intéressant de retrouver à Éleusis les fortifications établies par Sylla pour couvrir son armée pendant le siège d'Athènes. J'aurais voulu pouvoir étendre mes fouilles et compléter l'exploration du fossé de Sylla, qui semblait me promettre des découvertes intéressantes. Ai as, fouillant à mes frais, l'argent commençait à me m.nquer; le temps d'ailleurs me pressait, il y avait déjà deux mois que j'étais absent, et malgré l'extrême obligeance que M. Houlin avait mise à prolonger mon congé, il fallait revenir pour reprendre mon service à la Bibliothèque de l'Institut. J'ai donc été obligé de laisser là ces travaux, quitte à les reprendre dans un autre voyage, en me con- tentant pour le présent des premiers résultats que je viens d'avoir l'honneur de signaler à la bienveillante attention de l'Académie.

François Lenormant.

X. 1

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